Delta du fleuve Sithialë

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Yuimen
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Delta du fleuve Sithialë

Message par Yuimen » dim. 5 août 2018 17:00

Le Delta du fleuve Sithialë

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Pour comprendre l'existence du fertile delta et le nom du fleuve qui lui donne naissance, le Sithialë, il faut remonter aux temps de la conquête de l'île par les Sindeldi. A cette époque, le fleuve n'existait pas, il n'y avait dans la région que de vastes savanes semi-désertiques. Mais, alors qu'ils luttaient pour la conquête de Sanssitr, ils apportèrent avec eux les mystérieux Mages Météorologues du Royaume de Sarindel afin qu'ils créent des conditions climatiques plus favorables aux armées Sindel.

Ces derniers attirèrent le peu d'humidité du sud de l'île afin d'augmenter celle du nord, une entreprise qui fut couronnée de succès mais qui n'alla pas sans diverses conséquences. L'une d'elle fut que le climat du nord de l'île devint plus chaud et humide, ce qui suffit à faire fondre quelque peu les glaciers trônant dans les Montagnes Grises et à donner naissance à un torrent. Le hasard voulut que son existence nouvelle soit remarquée le jour même de la prise de Sanssitr, ce qui incita un Ithilauster très en verve à déclarer qu'il s'agissait là des larmes de Sithi pour tous les Sindeldi héroïquement tombés au combat pour leur patrie. Ainsi fut donc nommé le nouveau cours d'eau: Sithialë, ce qui signifie "Les larmes de Sithi".

Au fil des ans le torrent se fit grosse rivière, puis fleuve enfin, traçant ses lentes courbes dans la savane qui deviendrait, des siècles plus tard, la plaine fertile de Nisorë. A l'approche de l'Aeronland, il se répandit paresseusement dans les plates étendues et le delta se forma, bientôt recouvert d'immenses marécages.

Aujourd'hui, les marécages sont partiellement asséchés par les Mages Météorologues afin de servir de terres "humides" cultivables, mais il n'en reste pas moins quelques parties intactes, principalement la zone nord, dépourvue de toute voie aisément navigable. Vous trouverez alors un inextricable labyrinthe de mangrove, humide, vaseux et pullulant d'insectes affamés. Sangsues et serpents pullulent, tout comme les sables mouvants prompts à vous engloutir. Vous pourrez aussi y faire la désagréable rencontre d'un venimeux Langoran ou d'une Gorgone, nombreuses sont les créatures qui rôdent en ces lieux reculés.

Les zones cultivées, elles, sont soigneusement délimitées et parcourues des nombreux petits canaux d'irrigation ainsi que de voies navigables, certaines laissant juste passer une pirogue, d'autres pouvant accueillir sans mal une galère fluviale. Plusieurs petits villages de cultivateurs se sont créés dans ces zones, ils se montrent en général accueillants et curieux, du moins envers les Sindeldi. Moyennant quelques pièces, il vous sera facile de vous faire emmener en bateau quelque part dans les zones cultivées, mais les locaux répugneront en revanche à s'aventurer dans les parties encore sauvages et il vous faudra probablement acheter votre propre esquif si vous tenez à vous y rendre.

Gare aussi aux crues qui peuvent s'avérer soudaines et violentes en cas de gros orages sur les Montagnes Grises, les courants dans le Delta peuvent devenir nettement plus puissants et en surprennent chaque année plus d'un.

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Gamemaster7
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Re: Delta du fleuve Sithialë

Message par Gamemaster7 » sam. 26 oct. 2019 15:13

Émergence : màj pour Yurlungur et Jorus


Tout en entraînant les deux aventuriers vers le nord-ouest Ëlëann, après avoir répondu aux questions de Yurlungur, écouta celles de Jorus avec un léger sourire qui s'effaça lorsqu'il fit une nouvelle allusion salace. Quoique visiblement agacée, c'est avec calme qu'elle lui rétorqua :

"Nous ne connaissons pas le terrain aussi bien que vous semblez le penser. Les zones du delta proches des montagnes Grises sont difficiles d'accès et ne possèdent guère de ressources susceptibles d'être exploitées. Quant à ces êtres que j'ai aperçus, ils étaient équipés pour la guerre, et si j'avais été moins vigilante qu'eux je ne serais plus là pour vous en parler. Ils avaient habilement posté leurs guetteurs et m'approcher davantage que je ne l'ai fait aurait été trop risqué. Autrement dit, je n'ai pu détailler leurs équipements, mais ils portaient tous des armures de métal noir et certains étaient armés de haches, d'autres d'arbalètes. Je ne puis vous en dire plus, malheureusement."

A sa question suivante concernant la politique Sindel, elle dévisagea l'humain d'un air sceptique durant quelques secondes avant de soupirer discrètement et de lui répondre :

"La situation est extrêmement complexe, sieur. Mais pour faire simple, il se déroule actuellement une féroce lutte de pouvoir et d'influence au sein du clergé de Sithi et de la noblesse Sindel. Nos souverains ont étés tués assez récemment et l'Ithil Taerym, le dirigeant suprême du clergé, a nommé des régents qui sont loin de faire l'unanimité. Par ailleurs, il y a deux héritiers au trône : Faryë, qui est encore une enfant, et Naémin, qui a été exilé et destitué de son droit de succession. Malgré cela, certains voudraient qu'il prenne place sur le trône, tandis que d'autres soutiennent Faryë, en majeure partie parce qu'ils la pensent plus facilement manipulable. D'autres encore voient là une occasion de placer une nouvelle lignée sur le trône, aussi les grandes familles de la noblesse se déchirent-elles pour tenter d'obtenir cette position."

Elle marqua une courte pause, sans doute pour laisser aux aventuriers le temps d'assimiler ces explications, puis poursuivit :

"Officiellement les Souverains dirigent notre royaume, mais dans les faits, l'Ithil Taerym a un pouvoir quasiment absolu. Cependant il doit tenir compte des cinq Ithils Aënors, qui se trouvent juste au-dessous de lui hiérarchiquement parlant et qui forment le conseil royal. Ces derniers sont assez puissants et influents pour mettre sa position en péril, surtout en l'absence de véritables souverains. Et tous caressent l'ambition de le remplacer, peu ou prou. L'un d'eux, Illyan'tar Thinel, est l'oncle de Sylënn, et ce n'est certainement pas le moins ambitieux. C'est lui qui a cautionné la volonté de Sylënn de faire appel à des étrangers, ce qui constitue une manœuvre aussi adroite que risquée. Adroite parce que beaucoup de Sindeldi sont las du joug du Clergé et de l'isolement qu'il impose au royaume, sa décision lui vaut donc passablement de soutiens au sein du peuple mais aussi des nobles dont la fortune est basée sur le commerce. Une ouverture plus grande leur permettrait de faire d'énormes profits. A contrario, nombre de puissants soutiennent la politique d'isolement prônée par le clergé, ils n'attendent qu'une erreur de sa part pour le discréditer et le faire remplacer d'une manière ou d'une autre."

Avec un léger haussement d'épaules, elle acheva :

"Autant dire qu'ils espèrent que vous échouerez, et que certains ne se contenteront pas d'attendre que cela arrive. Au moindre faux pas de votre part, Sylënn tombera et Illyan la suivra de près. Vous-mêmes vous retrouverez alors dans une situation...désagréable, quitter le Naora vous deviendrait très difficile et un séjour définitif à Raynna serait sans nul doute la seule récompense de vos efforts."

Une perspective qui ne semblait pas la troubler plus que ça. Quoi qu'il en soit le voyage se poursuivit, aisément dans un premier temps car Ëlëann prit soin de rester sur les plaines en longeant le delta marécageux. D'abord lointaines, les inhospitalières montagnes grises se rapprochèrent au fil des quatre jours qu'il leur fallut pour rejoindre l'endroit où la plaine s'achevait, à la jonction entre le delta et une sylve s'apparentant nettement à une jungle épaisse et sauvage. Arrivés là, la Sindel précisa :

"La balade est terminée, nous allons maintenant pénétrer dans le delta. Couvrez-vous le plus possible, les moustiques sont nombreux et affamés. Mettez vos pas dans les miens si vous tenez à la vie, les fondrières sont nombreuses et traîtres, d'autant plus après les pluies de l'autre jour."

Elle même se couvrit soigneusement d'une veste de cuir sombre et enroula une bande de tissu autour de sa tête, ne laissant visible que ses yeux, puis elle s'engagea prudemment dans le marécage hostile et détrempé.


*****


HRP : il vous faudra une journée complète de marche au sein du delta, je vous laisse rp ça librement, en tenant compte bien évidemment de la description des lieux. Ëlëann va vous conduire jusqu'aux abords du fleuve (qui est toujours en crue, bourbeux et charriant plein de débris végétaux, du tronc à la brindille) à la limite entre le delta et la sylve de Saraënan, arrêtez-vous là. Des apartés sont bien sûr possibles durant les cinq jours de voyage, libre à vous de rp des péripéties tant que c'est cohérent avec le bg des lieux.

Gains et récompenses :

Yurlungur : interaction avec Araël : 0,5xp ; interaction avec Ëlëann : 0,5xp Total : 1xp

Jorus : interaction avec Araël : 0,5xp ; interaction avec Ëlëann : 0,5xp Total : 1xp

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Yurlungur
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Re: Delta du fleuve Sithialë

Message par Yurlungur » lun. 28 oct. 2019 17:05

...

Puisqu'elle s'était tue, Jorus posa ses questions à son tour, expliquant son incompréhension sur l'existence d'une telle troupe, de façon assez sensée. Il était effectivement étrange que des étrangers aient pu s'installer ainsi en outrepassant complètement les locaux : d'un autre côté, Yurlungur avait imaginé le delta et la jungle comme des lieux suffisamment inhospitaliers et sauvages pour que la création d'un campement y passe tout à fait inaperçue, sauf peut-être pour quelques rôdeurs des environs qui passeraient par là, à l'image d'Ëlëann. Et puis, il la flattait presque, à ne pouvoir admettre qu'ils aient pu la surpasser sur son propre terrain. La jeune fille repéra un sourire léger sur les lèvres de leur guide : malheureusement, celui-ci disparut bien vite lorsque le jeune homme fit une allusion grivoise. Yurlungur comprenait mal la pudeur de la Sindel à ce propos : après tout, il était habituel que les hommes se comportent ainsi avec leurs homologues féminins, non ? Elle ne savait pas bien pourquoi, mais les marins de Dahràm et les soudards d'Oaxaca s'étaient toujours montrés particulièrement brutaux et intéressés par les cuisses qui passaient dans leur champ de vision. À force de vivre dans un tel environnement, Yurlungur avait cessé de s'en émouvoir : elle avait appris à courir, vite, en se faufilant dans des passages étroits, entre les coudes des badauds et par-delà les futailles entassées. Cette dernière option avait au moins le mérite de les divertir par une autre de leurs addictions. Mais les femmes, quant à elles, n'avaient guère de ces passions violentes : elles étaient douces, rangées, soumises ; ou alors violentes également, pour les rares qui s'en sortaient dans la piraterie ou le brigandage, et Yurlungur n'en avait jamais vu aucune tyranniser une prostituée. Il y avait bien Guigne, certes, mais c'était une harpie, et la différence de race expliquait aisément la dissemblance des mœurs.

Ëlëann s'abstint pourtant de faire le moindre commentaire, sans pour autant cacher son irritation, puisque les questions de Jorus étaient effectivement dignes d'intérêt ; d'autant plus qu'il sollicita des précisions sur les intrigues politiques évoquées par Araël. La grise confirma l'intuition de Yurlungur : la zone investies par ces forces étrangères, étant rude et inhospitalière, tout en possédant peu de ressources justifiant un potentiel intérêt, n'était pas fréquentée régulièrement par les Sindeldi. Les nouveaux occupants, en revanche, étaient visiblement des soldats, et parés pour la guerre : des guetteurs étaient installés, les intrus s'attendant probablement à ce qu'un baroudeur s'aventure de leur côté tôt ou tard. Elle évoqua des haches, des arbalètes, et des cuirasses de métal noir. Aux armes employées, cela ressemblait de plus en plus à des Thorkins : pourtant, leur hypothétique présence ici était peu usuelle. Par ailleurs, dans son imaginaire, les Thorkins étaient des guerriers, mais de piètres mages : cela rendait la possibilité incompatible avec la maîtrise des fluides spatiaux, qui lui semblaient d'une nature fortement arcanique. Et puis, du métal noir, cela faisait penser à celui employé par les champions d'Oaxaca, la couleur étant plébiscitée par ses suivants et honnie par les Ynoriens comme par les Kendrans. Mais les Thorkins étaient loin d'être des alliés de la Reine noire... Toutes ces possibilités l'embrouillaient, d'autant plus qu'aucune ne paraissait coller parfaitement à la situation : ou alors des Thorkins avaient creusé un tunnel jusqu'au Naora ? Mais l'Océan s'enfonce rapidement, une fois la plage passée : et au-delà, on ne voit plus rien. Elle ignorait même s'il y avait vraiment un fond là-dessous. Même les marins de Dahràm n'en parlaient pas, donc elle avait supposé que ça n'existait pas, le fond de la mer : ce n'était que de l'eau, tout comme sur terre ce n'était que de la terre, aussi loin qu'on puisse creuser.

Elle n'eut guère le temps de s'imaginer un “fond” à l'Aeronland, puisqu'Ëlëann enchaîna sur la politique Sindel. Certains éléments avaient déjà été fournis par Sylënn : mais celle-ci avait naturellement omis de préciser son lien avec l'un des “Ithil Aënors”. Le reste était assez classique : en l'absence d'un héritier clairement défini, certains proposaient une réhabilitation du premier fils déchu, d'autres soutenaient l'enfant supposément manipulable, et les derniers enfin s'imaginaient fonder une nouvelle dynastie. Le propos était néanmoins nuancé par le fait que le pouvoir était en fait essentiellement détenu par le clergé. La situation, selon Ëlëann, se résumait à un coup de poker de l'oncle de la commandante : ou bien ils réussissaient et il en ressortait couvert de gloire et de prestige, ou bien ils échouaient et il chutait, promptement remplacé par un Ithil Aënor plus conservateur. Elle suggéra le sort qui les attendrait eux, en cas d'échec effectif : être envoyés à Raynna, le bagne du Royaume. Yurlungur se félicita mentalement d'avoir prélevé quelques échantillons de sang Sindel à Nessima. Ça pourrait lui être très utile si les choses tournaient mal... En vérité, elle doutait que les Sindeldi parviennent à l'attraper si elle décidait de s'enfuir : en revanche, son don métamorphe lui serait essentiel pour quitter l'archipel.

C'était la fin de son explication, ou du moins elle ne jugea pas utile de rajouter des précisions. À sa suite, Yurlungur et Jorus marchèrent toute la journée, jusqu'à faire une pause vers midi afin de faire une pause repas. Après le voyage en bateau - et le parasitage de Jorus sur ses propres vivres - elle n'avait plus grand-chose, si ce n'était un peu de pain bis et quelques gâteaux secs. Pas de quoi faire un véritable repas : leur guide avait quelques provisions pour elle-même, mais Yurlungur n'eut pas l'humilité de lui en quémander et, profitant de cette pause, s'arma de son arbalète pour aller chasser quelque chose qui puisse la sustenter, au moins aujourd'hui. Après une rapide entrevue avec Jorus, il proposa de lui-même d'aller cueillir quelques baies ou fruits qu'il trouverait à proximité : elle en profita pour lui indiquer qu'il pourrait aussi ramasser de quoi faire un feu au passage, et s'éclipsa rapidement pour l'empêcher de formuler aucune objection.

Elle n'était pas une grande chasseresse, mais elle savait être discrète. La plaine était couverte d'un vaste champ d'or qui s'étendait vers l'ouest, l'est étant peu à peu dévoré par le marécage du delta. Elle avançait en laissant les épis et les ravenelles caresser ses jambes par-dessus ses protections : son regard parcourait le champ de vision, absorbant le soleil qui brillait, les montagnes à l'horizon et les moutons blancs qui volaient dans le ciel ; elle se tenait là, son arbalète en main, un léger sourire aux lèvres et une brise légère entre ses cheveux courts. Le doux bruissement du vent dans les herbes qui croissaient chaotiquement fournissait un agréable bruit de fond : elle vit passer un Lutinora rose qui voletait, mais resta immobile. Non seulement il était trop petit, mais en plus elle savait que sa chair ne se mangeait pas. Ce qu'elle cherchait, c'était autre chose : elle s'accroupit et tendit l'oreille, immobile.

Il y avait des petits animaux qui couraient ici et là : elle ne parvenait en revanche pas tellement à voir leur museau. Soudain, devant elle, parut un lièvre qui leva vers elle de grands yeux ébahis : elle brandit son arbalète et décocha le tir, mais l'animal avait déjà bondi sur le côté ; elle voulut tirer à nouveau, mais le temps de remonter la crémaillère et d'en charger un second, l'animal avait disparu. Elle grommela et fit quelques pas pour récupérer son carreau manqué. Elle manquait encore d'expérience : si l'idée de tenir une arbalète, de viser et de toucher n'était pas très difficile à intégrer, elle n'avait pas eu l'occasion de s'entraîner énormément sur autre chose que des cibles immobiles. Elle tentait donc d'adapter ses réflexes pour le combat au corps à corps au tir, mais il était évident qu'elle aurait besoin d'un peu plus de temps pour maîtriser tout à fait son nouveau jouet.

Elle continua de s'enfoncer dans la plaine, étant désormais hors de vue du petit camp, par le hasard du relief. Elle percevait de petits bruits non loin, comme si un animal mangeait : elle s'en rapprochait doucement, aussi silencieuse qu'une ombre. Pourtant, les bruits se rapprochaient, et ils ressemblaient de plus en plus à ceux d'un prédateur qui dégustait sa proie : mais elle avait beau fouiller son champ de vision, elle ne voyait rien d'autre que de l'herbe, des touffes d'herbes partout. Et soudain, deux yeux aussi verts que les feuilles se retournèrent vers elle, à seulement une cinquantaine de centimètres.

Elle avait devant elle un rongeur à l'air mauvais et au pelage verdâtre qui se fondait si bien dans les couleurs de la plaine qu'elle ne l'avait pas aperçu avant qu'il ne se retourne brusquement. Ses babines étaient dégoulinantes de sang, et il se dressait avec hargne entre l'intruse et sa proie - un lièvre. L'assassine plissa les sourcils. Avait-il eu le culot de réussir là où elle avait échoué ?
Il n'avait pas l'air d'être bien dangereux, à l'exception de quelques canines et de griffes longues et effilées. Il grognait, souhaitant visiblement intimer à la jeune fille de déguerpir tant qu'il en était encore temps : sans grande émotion, elle releva le bout de son arbalète, le visa, et tira. Le Hornal n'avait pas bougé, mais lorsque le carreau fut décoché, il bondit sur le côté : avec vivacité, la jeune fille le suivit du bout de son arbalète, essayant de le conserver dans sa ligne de mire et, tandis qu'elle s'apprêtait à remonter le mécanisme pour décocher un nouveau trait, celui-ci s'enclencha de lui-même. Des engrenages cliquetèrent et la corde fila le long de l'arbrier, semblant passer en-dessous du second carreau déjà placé et glissant le long de son empennage : sans que ni la jeune fille ni l'animal ne comprenne précisément ce qu'il se passait, la corde se détendit aussitôt à nouveau et le trait vrilla jusqu'à sa cible, la transperçant au niveau de la jambe.

Le rongeur gémit et s'effondra un instant en couinant tandis que Yurlungur regardait son arbalète avec une surprise non feinte. Le rongeur s'avança un peu et tenta de la griffer désespérément : elle recula d'un bond, hors de sa portée immédiate et rechargea paisiblement son arbalète en essayant de comprendre d'où provenait le phénomène auquel elle venait d'assister. Mais si la facture de l'arme était parfaite, il semblait que le mécanisme de tir automatique soit entièrement caché à l'intérieur de l'arme, conçue par un artisan hors pair. Le Hornal était dans l'incapacité de fuir ou de se rapprocher efficacement : par pitié autant que par faim, elle l'acheva d'un tir dans la cervelle, avant de récupérer ses carreaux. Elle trouva un bâton auquel elle attacha le lièvre en l'y nouant par ses deux oreilles, et le Hornal par une patte, en plantant les griffes à travers pour le soutenir, et revint victorieuse au campement, son butin en balluchon sur l'épaule.

Le Hornal était assez lourd, suffisamment pour leur fournir de la viande pour aujourd'hui et demain, à elle et à Jorus, sans qu'ils aient besoin de s'arrêter aussi longtemps ; au-delà, la viande ne serait probablement plus très fraîche. Il avait quant à lui rassemblé un menu fagot et elle sortit sa pierre à feu pour l'allumer : puis, de sa dague, elle entreprit de dépecer ce qu'il restait du lièvre et de son prédateur. Il fallait vider les organes et ne récupérer que la viande : elle faisait un pur travail de charcuterie, mais se trouvait assez efficace. Dans les faits, elle laissait sans doute beaucoup de parties peu digestes, mais évitait d'en perdre trop, aussi le calcul lui semblait-il bon. Ils firent griller la viande, en mangèrent un peu avec quelques agréments plus civilisés qu'Ëlëann consentit à leur fournir sur la demande de Jorus. Celle-ci les considérait avec un certain dédain, duquel Yurlungur se fichait éperdument tant qu'elle avait à manger.

Cette pause avait déjà passablement entamé l'après-midi : ils se remirent en route et continuèrent leur marche jusqu'au soir. Jorus et Yurlungur prirent les deux premiers tours de garde, assez courts, afin de permettre à leur guide de méditer un peu ; puis elle fut en forme pour tenir tout le reste de la nuit et une courte séance au matin encore lui suffit à pouvoir repartir dès l'aurore.

...
Modifié en dernier par Yurlungur le ven. 1 nov. 2019 12:11, modifié 1 fois.

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Jorus Kayne
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Re: Delta du fleuve Sithialë

Message par Jorus Kayne » mar. 29 oct. 2019 14:33

Si je considère que les Sindeldi possèdent une connaissance supérieure de leurs terres les étrangers, il s’avère que je surestime leur savoir. Ëlëann nous apprend qu’en plus d’être difficile d’accès en raison de la proximité des montagnes Grises, le secteur possède peu de ressources justifiant une présence presque nulle. Elle enchaîne ensuite sur les équipements des étrangers qui s’avèrent être militaires et l’habilité des guetteurs est-elle qui lui a été impossible de s’en approcher plus sans courir de grands risques. Au mieux nous savons qu’ils portent des armures de métal noir et sont équipés de haches ou d’arbalètes.

Concernant les affaires politiques nous n’apprenons rien de nouveau dans un premier temps. Le clergé se battant pour une lutte de pouvoir et le grand prêtre au-dessus des autres, dont le maintient de son siège n’est plus certain après la nomination de dirigeants qui ne font pas l’unanimité. En revanche, s’il existe des souverains c’est l'Ithil Taerym qui possède un pouvoir presque absolu. Ce dernier semble devoir rendre des comptes aux cinq autres qui peuvent le destituer avec des souverains non légitimes. Ceux-là cherchent d’ailleurs à prendre la place ultime qui dirigera le Naora et l’oncle de Sylënn est de ceux-là. La mission confiée par Sylënn semble d’ailleurs un moyen pour son oncle de viser le plus haut siège possible. Elle poursuit son explication en citant les principaux soutiens comme une partie de la population et les nobles dont la richesse se repose sur le commerce et où une ouverture du continent offrirait de nouvelles opportunités juteuses.

(D’après ses informations sur ces étrangers, tout porte à croire qu’il s’agit de Thorkins.)

(Il semblerait oui.)

(Un problème ? Je te sens sceptique.)

(Je ne sais pas c’est…trop évident à mon goût ! Dès le premier jour nous avons tous pensé à des Thorkins et au fur et à mesure du temps les indices convergent dans le même sens. Cependant il ne s’agit là que d’informations provenant de rapport et la lutte de pouvoir au sein du clergé est-elle qu’on ne peut se fier concrètement aux Sindeldi. Et puis comment tu expliques la présence de Thorkins sachant que l’accès maritimes est quasi impossible, qu’il faudrait rajouter le côté discrétion et que les elfes gris contrôlent les accès aériens ?)

(Tu veux dire que tu ne crois pas ce qu’elle dit, qu’elle nous conduit dans un piège ?)

(Ce que je dis c’est qu’un rapport annonce des troupes, mais je ne le croirais que lorsque je les verrais. Comme elle l’a mentionné, la lutte de pouvoir du clergé est-elle qu’on ne peut clairement pas se fier à ce que l’on nous dit. En attendant, je n’accorde pas une confiance absolue à Ëlënn simplement parce qu’elle est plus amicale que la moyenne.)

(Tu te sens bien ?)

(Oui, pourquoi cette question ?)

(Rien c’est juste que je n’aie pas l’habitude à ce que tu réfléchisses avec tant de sagesse.)

(Et bien merci, je suis content de voir que tu m’as en haute estime la plupart du temps !)

Nous quittons finalement le village avec un sentiment de satisfaction pour ma part, bien vite rattrapé par la réalité. Malheureusement pour moi, je n’ai pas de provision, j’escomptais faire le plein dans le village précédent. Ce qui n’est pas près d’arriver avec l’attitude de leur chef et accessoirement la mienne. Après quelques temps, le souvenir de Dehant refait surface. Je me rappelle que la guérisseuse m’avait offert des recueils sur les bases de l’alchimie avec un ouvrage sur la flore. Peut-être puis-je nous trouver à manger sans cette ses réprimandes incessantes et sans craindre de devoir attirer à nous une créature encore moins amicale qu’Araël. Si tant est que ce soit possible. Dès la première occasion durant le voyage à pied je fais part de mon souhait.

"Je vais regarder aux alentours ce que je peux nous dégoter pour la route en plantes et fruits comestibles." Dis-je à Ëlënn et Yürlüngür.

La jeune humaine, elle, préfère un bon gibier et prépare son arbalète. Elle m’encourage à prendre sur le chemin de quoi faire un feu et s’éclipse avant que je n’aie l’occasion de trouver une réplique de mon cru. Si j’ai déjà eu l’opportunité de voir les prouesses martiales de la jeune fille, je ne l’ai encore pas vu avec une telle arme en main. Ca pourrait valoir le coup d’œil ! Nous nous mettons d’accord sur un lieu de réunion après avoir accomplie notre tâche, bien que je ne m’éloigne un minimum des deux femmes qui m’accompagnent, mais assez pour laisser virevolter Ysolde.

(Haaa ! Quel bien ça fait de se dégourdir les ailes !)

(Profites-en ! J’espère que tu auras d’autres occasions de sortir, mais je crains qu’avec notre arrivée au delta, cela risque d’être compromis. Sinon il y a toujours mes petites excursions privées !)

(Oui enfin si c’est pour te voir accroupis et le cul à l’air je préfère encore rester enfermée !)

(Moque-toi, ingrate ! Bon si tu permets j’ai une cueillette à faire. Il y en a qui ont besoin de manger pour vivre et je n’aime pas devoir ravaler ma fierté en suppliant qu’on me donne à manger !)

Je commence à sortir mon livre et à feuilleter les pages pour savoir à quoi j’ai affaire. Il faut dire que je n’ai pas vraiment eu l’occasion de le feuilleter.

(Tu es sûr de ton coup ?)

(Pourquoi cette question ?)

(Ben il s’agit d’un livre sur la flore, mais ça reste une orientation alchimique. Je ne suis pas sûr que tu trouves de quoi te nourrir correctement ! En plus, le Naora est isolé. Il y a donc une chance non négligeable que la végétation ne soit pas la même.)

(Qui ne tente rien n’a rien et puis c’est pas comme si j’avais la possibilité de chasser avec une arbalète ou le temps de pêcher ! Tiens regarde celle-ci elles se ressemblent non ?)

Je désigne une plante ressemblant à une grosse salade, à la différence qu’elle tend légèrement sur le rouge avec des nuances blanches sur les bords. La même que dans mon livre : une bellatiane. Ysolde viens se poser sur mon épaule pour examiner à son tour.

(Mmm je dirais même que tu as trouvé ta première plante !)

(Alors, impressionnée ?)

(Pfff quel nigaud tu fais. Regarde donc un peu la description avant de te lancer des fleurs !)

Une note en bas de page décrit la bellatiane comme une plante comestible mais extrêmement amère. Elle nécessite une préparation à base d’algue brune sans quoi une légère toxicité est à prévoir, engendrant une douleur à l’urètre et une vessie fluorescente durant quelques jours.

(Rappels-moi ce qu’est l’urètre !)

(Hé bien...imagine qu’à chaque fois que tu iras pisser, tu auras la sensation qu’on t’enfonce une grosse aiguille dans le…)

(Ca va, ça va ! N’en dis pas plus, on passe à la suivante !)

Je continue mes recherches et après quelques découvertes qui n’apparaissent pas dans mon livre, je mets la main sur un champignon jaune de bonne taille aux pieds d’un arbre. Cette fois-ci ma faéra virevolte autour de moi.

(Alors que dit celui-ci ?)

(Champignon agretum. Se trouve généralement aux pieds d’arbres centenaires niché dans le creux des racines. Blablabla…Ha ! Tansformé en poudre il peut traiter les poux…blablabla…consommé il engendre des mycoses sévères aux pieds. Ha la poisse !)

(Tu vois le verre à moitié vide ! Dis-toi qu’il ne te reste plus qu’à trouver une plante qui soigne les mycoses maintenant !)

(C’est moi ou tu t’amuses à me voir ainsi en difficulté ?)

(Désolé, mais tu es bien plus drôle lorsque tu ne cherches pas à faire le pitre ! Hahaha !)

A défaut de trouver quelque chose d’intéressant à mes pieds, peut-être que des fruits en hauteur seront plus digestes. Je passe un peu de temps à chercher, guidé par la faim de mon ventre même si de temps à autre je m’assure de ne pas m’être un peu trop éloigné de notre guide. Je commence à désespérer lorsqu’enfin, des poires bien juteuses se dressent devant moi légèrement en hauteur. La lumière du soleil donnant à cette vision, une aura divine, irréaliste si je n’en étais pas témoin. Si mon arme de jet n’est pas des plus adapté pour la chasse à cause de la faible portée, la trajectoire particulière et le bruit généré posent problème, ce n’est plus le cas avec un fruit.

(Bon je n’ai jamais vu de poires aussi hautes, mais j’ai trop faim pour me poser ce genre de questions.)

Ne voulant pas couper le fruit par un excès de maladresse, je lance le boomerang et coupe la banche portant un des fruits. Le tout tombe et je rattrape la poire avant qu’elle ne s’érase au sol. Je ressens une étrange vibration émanant du fruit, mais cela doit provenir de la faim qui me taraude l’estomac. Je croque à pleines dents avant de m’apercevoir une quantité innombrable de vers grouillant à l’intérieur. Ecœuré, je recrache l’intégralité du contenu de ma bouche et jette au loin cette immondice. Je remballe mes affaires en pestant contre l’environnement inhospitalier du Naora et pars rejoindre le reste du groupe qui, je l’espère, aura plus de réussite que moi. Restée sur place, ma faéra m'interpelle.

(Mais tu vas où ? Et ta fierté ?)

(C’est aussi ce que me dit mon amour-propre. Mon estomac lui rétorque de la fermer et que l’amour-propre ça nourrit pas !)

(N’oublie pas dans ce cas le bois pour le feu !)

Rappelé à l’ordre je passe le temps qu’il me reste à ramasser du bois pour le feu qui servira bientôt ainsi que pour ce soir, me concentrant sur le festin qui, espérons-le, sera au rendez-vous. Je rejoins finalement la jeune humaine et la Sindel les mains chargées tandis qu'Ysolde réintègre mon pendentif.

"Bon à défaut d’avoir trouvé quelque chose de comestible, j'ai vu de quoi guérir plaies et infections à condition de trouver du matériel, un lieu adapté et accessoirement quelqu'un qui s'y connait en alchimie ! Et vous ?"

Pour toute réponse, Yürlüngür rapporte avec elle un animal d’une taille assez imposante. La jeune humaine allume le feu tandis que je rassemble le reste du bois à bonne distance du foyer. Elle entreprend ensuite le dépeçage de la bête m’offrant une vision sanglante d’elle-même assez effrayante. Nous cuisinons la bête et je demande une nouvelle fois l’assistance de notre guide pour agrémenter un peu le repas. Elle finit par céder à mes suppliques incessantes, non sans soupirer sur mon manque de jugeote, partant en excursion sans provisions. Une fois sustenté, nous reprenons la route jusqu’au soir. J’emporte avec moi une partie du bois que je m’échine à faire tenir avec mon sac. Ce n’est certes pas grand-chose, mais ce seras toujours ça mit de côté. Le soir venu, nous établissons un camp pour la nuit où Yürlüngür et moi prenons la première garde, le temps que notre guide médite pour être en forme le restant de la journée.

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Gamemaster7
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Re: Delta du fleuve Sithialë

Message par Gamemaster7 » mer. 30 oct. 2019 11:16

Émergence : màj pour Yurlungur et Jorus


Au matin, moins d'une heure après que les aventuriers se soient remis en route et alors qu'ils contournaient un escarpement rocheux, Ëlëann se figea, soudainement blême, en s'exclamant d'une voix étouffée :

"Un Urükuë! Courrez!"

Un puissant rugissement résonna dans les plaines, provenant d'une créature que Jorus et Yurlungur purent presque aussitôt apercevoir :


Image


La bête, haute de près de deux mètres et longue de quatre sans la queue, les avait repérés, cela ne faisait pas le moindre doute car déjà elle s'avançait vers eux, menaçante et grognant sourdement. Fuir comme leur guide les y incitait? Distancer pareille créature n'aurait certainement rien d'évident, mais l'affronter n'irait probablement pas sans risques non plus. Le choix était leur, mais la Sindel avait fait le sien : elle s'éloignait déjà en courant à toutes jambes en direction du delta.

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Yurlungur
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Re: Delta du fleuve Sithialë

Message par Yurlungur » ven. 1 nov. 2019 12:10

...

Le soleil tapissa de mauve les quelques arbres du delta pendant le début de leur marche : puis la lumière crût, et le mauve se mua en orange, puis en un jaune d'or qui finit par se faire blanc. Il faisait encore frais mais humide : la proximité du fleuve en crue accroissait mécaniquement la quantité de rosée qu'ils trouvaient sur leur paquetage au matin et faisait grelotter Yurlungur quand il était encore trop tôt. Mais rapidement alors que le jour s'imposait, la chaleur augmentait et ils se retrouvaient à affronter un climat doucement tropical. Elle n'avait encore jamais été confrontée à une telle combinaison : pour elle, lorsqu'il faisait chaud, l'eau devait au contraire s'évaporer, partir, et les périodes de fortes chaleurs étaient associées à une sécheresse naturelle, tandis que l'humidité provenait essentiellement de la pluie, en automne ou en hiver, quand il faisait déjà froid. Pour l'heure, elle découvrait ce climat avec une sorte d'amusement naïf. Il était encore adouci par la présence des plaines à côté, qui permettait à un vent rédempteur et plus sec de souffler quelquefois : elle n'imaginait pas encore la gêne tropicale une fois qu'il aurait effectivement pénétré dans la jungle.

Ce fut alors qu'ils avançaient en contournant un escarpement rocheux que leur guide s'arrêta soudainement et blêmit, avant de leur crier un avertissement et de déguerpir à toutes jambes. Yurlungur la considéra un instant avec un air désabusé, le sourcil relevé. Un quoi ? Elle était chargée comme un mulet et si Ëlëann avait certes la possibilité de courir, avec le peu d'affaires qu'elle transportait, l'assassine aurait autrement plus de mal à distancer qui que ce soit. Alors, du côté des plaines, retentit un rugissement, d'une créature qu'elle put aussitôt remarquer, tant elle prenait désormais de la place, dressée de ses deux mètres de haut en s'avançant vers eux en grognant. C'était une sorte d'énorme félin au poil verdâtre, dont quelques canines dépassaient dangereusement de la gueule : au-dessus de celle-ci, une sorte d'excroissance de métal s'était développée, couvrant son museau, ses joues, et le bas de son front d'un casque royal aux arabesques splendides et sauvages. Enfin, dans son dos, s'agitait une queue monstrueuse, dotée à son extrémité d'une sorte de masse d'arme, un amas de chair hérissé de protubérances d'un vert de jade, pointues et menaçantes, qui ressemblaient drôlement aux griffes qui hérissaient ses pattes massives, ou à ces deux cornes qui avaient poussé aux coins de ses épaules.

Bien que la bête semblât suffisamment massive pour être éventuellement lente - d'autant plus qu'elle s'avançait vers eux sans même prendre la peine de les courser - Yurlungur doutait de ces apparences un peu trop simples. Peut-être l'Urükuë attendait-il seulement qu'ils lui aient tourné le dos pour lancer la charge, ou alors avait-il besoin de prendre un peu de temps pour se lancer à pleine vitesse. Elle croyait voir dans son expression la certitude qu'il comptait faire d'eux son prochain déjeuner et estimait leurs chances de fuite avec tout le paquetage qu'ils transportaient relativement faibles. Oui, il était évident qu'elle ne pouvait pas fuir aisément dans les circonstances présentes : elle lança un regard entendu à Jorus qui était encore à côté d'elle, passablement abasourdi par la vision du fauve, et lui posa aux pieds son sac.

« J'ai besoin que tu mettes ça en sécurité. »

Elle lui adressa un sourire confiant, sous lequel transparaissait néanmoins une certaine angoisse.

« Je le retiens en attendant. T'as qu'à me rejoindre après pour m'aider à lui faire la peau, à cette... chose. Ukulélé. »

Elle grimaça. C'était précisément le genre de blague que Jorus aurait fait - et elle refusait à ce qu'il déteigne sur elle.

« Urükuë, corrigea-t-elle d'un ton plus froid. »

Elle se détourna, dégaina ses deux lames et commença à avancer à pas lents vers l'animal. À mesure que celui-ci s'avançait, elle distinguait plus nettement une sorte de barbe d'un vert malachite sous son menton, toute la rangée crocs entre elle et son gosier, ses muscles gigantesques qui roulaient sous une peau craquelée, comme si celle-ci était grumeleuse, couverte de croûtes et de scléroses. Ses pattes avant étaient dotées de griffes plus longues que ses dagues à elle : avec leur cinq doigts dont une sorte de pouce, elles avaient presque l'air humaines - mais d'une humanité monstrueuse, la même qui avait forgé ce masque de fer aux volutes hérissées de piques et de tranchants. Elle n'avait jamais vu un tel animal, ni d'ailleurs aucune bête capable de se créer une armure - et cela l'intriguait. Certes, elle aurait pu en savoir plus en interrogeant Ëlëann : mais celle-ci n'avait probablement jamais vaincu un tel animal, vu la promptitude avec laquelle elle avait détalé. Yurlungur ignorait si elle serait capable de défaire la créature à elle seule : mais elle comptait sur le renfort à venir de Jorus. À eux deux, ils avaient dégommé les molosses de Vallel à Orsan : ils formaient, au combat, une équipe de choc, et elle ne doutait pas que leurs aptitudes jointes viendraient à bout de n'importe quel adversaire, fût-il aussi imposant que l'Urükuë qui s'avançait vers elle avec autant de rage que de férocité. Et puis, dans le pire des cas, elle pourrait toujours tenter de s'enfuir également...

« Viens par ici, cabot de mes deux ! Eh roquet, tu vas voir qui est ton maître ! Des rats comme toi, j'en boulotte trois pour l'apéritif ! »

Elle hurlait de plus en plus fort, à mesure que le grognement de la bête s'intensifiait, essayant toujours de le dominer, au moins sur le point de vue vocal. Si elle avait commencé par avancer droit vers lui, elle avait ensuite dévié sa trajectoire, comme si elle essayait de le contourner, tout en restant face à lui, avec une posture aussi menaçante que possible - s'il était du moins possible pour elle de l'être, tellement elle était frêle en comparaison de son adversaire. Elle avait donc louvoyé vers la gauche, comme si elle cherchait à repousser le temps de la rencontre en évitant d'aller directement au front. Et de fait, elle atermoyait, bien que la distance qui la séparait de l'Urükuë diminuait à vue d'œil. Elle l'attirait non seulement plus loin de Jorus qui aurait à emmener toutes leurs affaires en lieu sûr, mais aussi vers un coin plus rocailleux où le relief, elle l'espérait, serait à son avantage. Oh, elle imaginait bien que s'il vivait dans ce coin, il n'aurait aucun mal à escalader les quelques corniches étalées ici et là : mais celles-ci pourraient aussi servir de promontoire à la jeune fille, pour attaquer son adversaire depuis un angle plus élevé. Si elle ne pouvait frapper que ses pattes, non seulement elle manquerait d'efficacité, mais elle pâtirait de surcroît d'un désavantage de taille : la portée du fauve était bien plus importante que la sienne, avec ses pattes seulement, et à essayer de les toucher le risque était plus gros que le gain.

Elle continuait à insulter grossièrement la bestiole. Si celle-ci ne devait pas comprendre un traître mot de ce qu'elle déblatérait, elle en comprenait néanmoins le sens caché : il n'était pas difficile de saisir que Yurlungur la défiait, qu'elle se moquait d'elle, qu'elle cherchait à l'irriter - et ça marchait. Les babines de la bête se gorgeaient d'une bave avide de chair fraîche. Alors que ces traits se dessinaient distinctement, maintenant qu'ils étaient à à peine deux ou trois mètres l'un de l'autre, la pointe d'angoisse au creux du ventre de la jeune fille s'était muée en excitation grandiose.

Elle admirait la sublime couronne d'acier qui couvrait le visage du prédateur et elle la trouvait magnifique. À cette distance, elle pouvait en découvrir la finesse et la grâce : malgré toute la sauvagerie et la brutalité qui émanait de son adversaire, de sa trogne féroce et de ses grondements animaux, il possédait ce masque qui était comme un trophée, la signature du maître de ces terres. La symétrie en était même parfaite : elle ignorait d'où est-ce qu'il pouvait tirer le métal servant à produire cette excroissance, mais elle la désirait ardemment. La soif de possession s'était infiltrée dans le cœur de la gamine : elle observait sa proie comme un gros marchand qui pourrait bien lui céder quelques uns de ses précieuses marchandises. Mais le masque n'était pas à vendre, et le mercier cruel : qu'importe, elle le saignerait jusqu'à ce qu'il abandonne et lui cède sa couronne...

Pour autant, elle doutait pouvoir affronter la bête seule, surtout dans un combat direct au corps à corps. Il fallait attendre que Jorus arrive pour lui prêter main forte : alors, l'avantage du nombre serait décisif pour pouvoir frapper l'animal d'un côté puis de l'autre, sans relâche, jusqu'à ce qu'il trépasse. L'Urükuë la considéra un instant en grattant la roche de sa griffe de jade, puis chargea : Yurlungur lui sourit, bougeant à peine, puis disparut dans un nuage d'ombres au dernier moment, sentant comme une brise légère lui traverser la nuque alors qu'elle réapparaissait à une dizaine de centimètres du flanc de son adversaire, l'air à peine essoufflée. Si les premières utilisations de cette capacité, sur Aliaénon, l'épuisaient rapidement - surtout en combat -, elle la maîtrisait désormais pleinement et parvenait à la déclencher sans souci. Ce n'était pas tant la transformation en ombre qui la fatiguaient que la concentration que cela impliquait, de voir venir l'assaut et de déterminer une position sûre où réapparaître sans dommages. Il eût été fâcheux de se téléporter juste dans l'axe de la massive queue du monstre, par exemple.

La bête s'arrêta rapidement, visiblement confuse d'avoir manqué sa proie. Pourtant, sa charge n'avait même pas été si rapide : il avait semblé à la jeune fille que l'Urükuë avait surtout tenté de la déchiqueter de ses crocs en lui fondant dessus, tout en tailladant l'air de ses griffes. Son poids, probablement, l'empêchait de lancer des charges trop rapides, surtout sans élan - même si celles-ci devaient être dévastatrices pour quiconque restait sur leur chemin. Après quelques instants, l'assassine lui cria d'un ton moqueur :

« Alors, gros lard, on rate une proie aussi facile ? »

L'Urükuë se retourna en grognant férocement. Mais son regard ne se posa pas instantanément sur elle : il oscillait, alors que son museau remuait, reniflait autour de lui, comme s'il cherchait à la flairer, jusqu'à pointer droit vers elle. Plus pesamment que la dernière fois, et sans doute échaudé par sa tentative ratée, il avança vers elle d'un pas plus lent, comme pour vérifier à chaque instant qu'il ne la perdrait pas. Mais elle ne comptait pas lui laisser une telle chance : constatant cela, elle se retourna à son tour et se mit à courir à toute vitesse vers un petit promontoire rocheux de deux petits mètres de haut. Derrière elle, elle perçut la course de l'Urükuë qui s'accélérait, mais elle avait encore une avance suffisante pour pouvoir escalader le promontoire et se relever en haut, sur le léger gazon qui poussait là et se retourner. L'Urükuë tenta de la mordre, plantant ses crocs à ses pieds : elle esquiva de justesse, son plastron des ombres la rendant par chance intangible le temps que la gueule du monstre se retire, et tenta de désespoir de frapper l'une des pattes qui s'agrippait à la roche en la craquelant, mais elle constata avec étonnement que sa dague ricochait sur la peau durcie du prédateur sans lui infliger la moindre gêne.

« Sale bête ! »

Elle essaya de repérer Jorus, derrière : la position un peu plus élevée qu'elle occupait aurait dû lui permettre de vérifier si son compagnon viendrait rapidement à sa rescousse, mais l'Urükuë réussit plus vite que prévu à lui obstruer la vue. Derrière cette petite corniche, le terrain descendait doucement, jusqu'à se joindre à nouveau au sol de la prairie : elle continuait à reculer et en quelques instants l'Urükuë avait escaladé à son tour la saillie et la dominait à présent. Ç'avait été un mauvais calcul. Il était déjà gigantesque par rapport à Yurlungur, et le terrain qui descendait de son côté accentuait encore plus cette domination de taille. Il était vraiment temps que Jorus revienne.

Le monstre fondit sur elle et elle esquiva à nouveau en se fondant dans les ombres, cette fois sur le côté droit. Ce changement de côté lui fut rédempteur, car elle perçut en réapparaissant la queue de l'Urükuë brasser l'air sur son flanc avec une forme de préméditation à laquelle elle ne se serait pas attendue aussi tôt. Elle déglutit et fit encore quelques pas, aussi silencieuse que possible, le temps de s'éloigner un peu plus du fauve : mais si celui-ci semblait doté d'une maigre vue et que la jeune fille était suffisamment discrète pour tromper son ouïe, son museau renifla une fois et il se tourna instantanément dans la bonne direction en rugissant. Il l'avait repérée à l'odeur et malheureusement, elle ne savait pas encore faire disparaître ce genre de traces de sa présence. Son teint blêmit un peu.

Aussitôt, l'Urükuë tenta à nouveau de l'attaquer et elle esquiva de même, mais cette fois-ci en se déplaçant vers l'arrière. Le flanc était devenu trop dangereux à cause de la présence de la masse qui s'agitait au bout de sa queue : du reste, il n'avait pas un élan suffisant pour la rattraper, mais cela ne semblait que faire retarder l'échéance. Il lui fallait une voie de sortie : alors qu'elle continuait à reculer, elle lançait des regards rapides dans toutes les directions, tout en se déplaçant latéralement, pour tenter de renverser le désavantage du terrain, ou du moins revenir au précédent. Mais l'Urükuë ne lui laissait pas beaucoup de marge de manœuvre : il fallait qu'elle tente quelque chose de plus audacieux que ses esquives, au risque de finir en viande hachée.

Alors qu'il tentait à nouveau de la mordre, elle disparut une fois encore vers la gauche et se mit à courir, décrivant un arc de cercle autour de la bête, puis se jeta du haut de la corniche, atterrissant en bas en roulant sur le sol rocailleux. Elle se releva prestement d'un saut carpé : elle avait certes quelques contusions, mais rien de bien méchant, et ses pièces d'armure avaient amorti le choc : sans attendre elle reprit sa course et aperçut devant elle Jorus qui lui criait quelque chose comme “attention”. Sans réfléchir, elle disparut à nouveau dans les ombres vers la droite, juste au moment où l'Urükuë s'écrasait avec un fracas terrible, bondissant du haut du promontoire. L'Urükuë se tourna encore vers elle, mais elle avait un plan. Jorus était là : ils pouvaient passer à l'attaque.

Le relief était ici beaucoup plus à son avantage qu'en haut de la corniche, où tout était plus plat : il y avait de nombreuses saillies, des cachettes, des discontinuités dans la ligne du terrain. Elle se redressa et, tout sourire ayant disparu de son visage, qui arborait désormais une expression déterminée. Il fondit à nouveau sur elle, mais elle était prête. Elle entreprit de bondir de tous côtés, à droite, à gauche, presque chaotiquement, esquivant de justesse la plupart de ses coups, au rythme d'une roulade et de quelques voltiges peu assurées, qui eurent le mérite de déconcerter son adversaire : c'était une tactique qu'on lui avait enseignée à Kendra Kâr, une semaine plus tôt, et elle savourait de la mettre en pratique en conditions réelles. Au terme de ces quelques acrobaties, elle s'était retrouvée sur le flanc gauche : sans attendre, elle brandit la dague de la Trinité et l'abattit dans un recoin du membre postérieur de l'Urükuë, bondissant une dernière fois dessus avec acharnement. Elle avait bien visé : la partie frontale de la créature était couverte de ces plaques qui la protégeaient, mais celles-ci n'étaient pas encore pleinement formées à l'arrière et la dague pénétra dans les chairs, presque avec facilité, arrachant un mugissement de rage au fauve.

Yurlungur retira prestement le poignard, constatant que l'extrémité gauche, celle de Guigne, s'était brisée à l'intérieur de la chair : l'Urükuë continuait à hurler de douleur et, en reculant, elle ne put éviter le mouvement de la masse caudale du prédateur, qui l'effleura au bout de l'épaule gauche. Il n'y avait qu'une seule des pointes de la masse qui parvint à la toucher : et pourtant elle fut projetée dans les airs, tourbillonnant sur elle-même jusqu'à s'écraser mollement à quelques mètres, une douleur intense diffusant dans tout son bras. Elle se releva en serrant les dents, le bras ballant. Sa dague simple était tombée au sol, son bras gauche étant désormais trop douloureux pour qu'elle puisse l'employer. Cela n'avait aucune importance. Elle toisa un instant l'Urükuë avec un regard mauvais. Celui-ci continuait de rugir, faisait trembler les arbres et s'envoler les oiseaux. Chacun des deux avait réussi à frapper l'autre : le prédateur boitait, elle avait un bras qui pendait. La douleur irradiait dans tout son corps : si elle parvenait encore à maîtriser la situation, il lui faudrait rapidement des soins, au risque de n'être plus capable de se battre correctement.

Alors qu'elle s'attendait à ce que l'Urükuë l'attaque à nouveau, un boomerang en forme de croissant de lune fendit les airs et vint frapper le monstre à l'arrière de la tête. Elle avait complètement oublié l'arrivée de Jorus : cela suffit à détourner l'attention du prédateur, qui tourna la tête vers le jeune homme, bien que celui-ci eût du frapper davantage pour distraire que pour blesser. Yurlungur n'en demandait pas moins : elle se retourna et déguerpit vers la plaine à toutes jambes.

Elle savait que l'Urükuë ne la poursuivrait pas : non seulement parce qu'il était lui aussi blessé et probablement dans l'incapacité de poursuivre correctement qui que ce soit - c'était un gros avantage qu'elle laissait à Jorus - mais aussi parce qu'il avait désormais un autre ennemi à affronter. Elle finit par s'arrêter, vérifier rapidement qu'effectivement il ne la suivait pas, puis ranger la dague de la Trinité dans son fourreau. De sa main libre, elle saisit la grande gourde magique, la déboucha du bout du pouce et la laissa couler sur son épaule, désignant mentalement la potion la plus puissante qu'elle possède. Elle sentit le liquide grenat couler sur l'énorme bleu qui se formait et un soulagement s'emparer d'elle. La douleur déjà cessait, bien qu'il subsistât un sentiment de gêne profond. Son bras n'était naturellement pas totalement remis : mais elle arrivait à le bouger un peu, et pouvait concentrer toutes ses pensées sur le combat sans être gênée par la douleur.

Elle reprit son souffle le temps de ranger la gourde et de reprendre son arme en main. Puis, avec frénésie, elle entreprit de chercher dans les herbes de quoi se camoufler : elle attrapait toutes les fleurs qui lui passaient sous la main et les pressait, les écrasait, les broyait, avant de s'étaler leur pollen sur l'armure, clématites, chèvrefeuille, jasmin ou violettes : tout y passait, y compris des plantes dont elle ignorait l'origine. Lorsqu'elle ne sentit guère plus la sueur mais plutôt une douce senteur de fleurs, elle considéra être devenue, au moins pour un temps, relativement bien protégée et revint vers le champ de bataille, trottinant, laissant le surplus de fragrances être emporté par le vent.

Elle s'approchait avec aussi peu de bruit que possible, se glissant entre les rochers en évitant d'être vue par qui que ce soit. Mais le combat avait rapidement tourné au désavantage de Jorus : tout comme elle, il n'arrivait pas à affronter la créature seul et, profitant autant que possible de sa patte blessée pour fuir, elle remarqua bien vite qu'il était en train de s'épuiser petit à petit, ses acrobaties d'esquive des attaques de la créature déclinant sensiblement en vivacité. Elle serra les dents dans une expression de rage et escalada promptement un promontoire avant de bondir sur sa proie, en plein sur son dos. Elle arrivait de son flanc gauche, la dague brandie comme si elle s'apprêtait à faire un sacrifice : son stratagème de fleurs et de pollen avait réussi et l'Urükuë ne l'avait pas repérée : du reste, frapper sans qu'on s'y attende, c'était dans ses cordes. Elle s'abattit sur l'échine du fauve et enfonça profondément la dague de la Trinité autour de sa colonne vertébrale, une fois, deux fois : la créature se rabroua alors et elle s'agrippa tant bien que mal à sa dague, qui glissait néanmoins entre les chairs, petit à petit : elle perçut alors un mouvement vers la droite, alors que la queue de l'Urükuë était balancée vers elle.

Sans hésitation, elle disparut dans les ombres et tomba dans la poussière à côté de Jorus, alors que la formidable masse, dans son élan, vint fracasser l'occiput de l'Urükuë. Un craquement affreux retentit et il tituba, avant de s'effondrer à leurs pieds, sa cervelle commençant déjà à dégouliner au sol. Yurlungur se laissa tomber sur le dos et reprit lentement sa respiration. Elle n'y avait même pas prêté attention, mais celle-ci s'était accélérée au cours de son rodéo sur l'animal : elle sentait par ailleurs monter un rire nerveux, qu'elle réprima par un effort de volonté. Ç'avait été une belle bataille, mais sans être drôle pour autant.

Elle se redressa sur les coudes et jeta un coup d'œil vers Jorus.

« Ça va ? Rien de pété ? »

Il entama une réponse calme et assurée, interrompue par un brusque vomissement de sang. Yurlungur posa aussitôt une main sur l'épaule de Jorus, tandis que celui-ci tentait de retenir le flot d'une main. Il récupéra rapidement une gourde à sa ceinture qu'il but d'une traite : après quelques instants, son état sembla stabilisé, du moins en apparence. Il avait dû se prendre un gros coup, comme elle tout à l'heure : vu la force du monstre, c'était suffisant pour causer des blessures graves, même internes. Il s'excusa et laissa passer un jeu de mots quelque peu foireux, qui fit perdre au visage de la jeune fille toute l'inquiétude qui s'y lisait jusqu'alors. Faisait-il exprès ? Ou était-ce involontaire ? Elle hésitait visiblement et son expression était un peu confuse.

« Ça va à peu près. Elle m'a aussi... »

Elle se renfrogna et conclut :

« Bref. »

Puis, se relevant, elle s'approcha du cadavre de l'Urükuë. La couronne d'acier trempait dans la fange désormais, et les muscles énormes étaient faibles, incapables de soulever à nouveau cette créature. Un sentiment de fierté emplissait petit à petit l'assassine, tandis qu'elle semblait se promener autour de la bestiole, le visage de plus en plus fermé et hautain. Elle examinait en particulier la couronne, qu'elle vint même toucher du bout du doigt : mais ça n'avait pas la fraîcheur du métal, ni même la consistance - ça semblait dur, mais plutôt comme de la corne, ou peut-être de l'os. C'était dans tous les cas trop massif pour être transporté - déjà qu'elle était pas mal chargée... Tant pis. Elle s'approcha des gemmes qui parsemaient la queue du monstre, mais à nouveau elle constata que celles-ci n'étaient pas minérales mais organiques, comme des sortes d'ongles protubérants, et verdâtres.

Cela l'embêtait. En voyant l'Urükuë, elle avait d'abord naturellement pensé à la couronne - qu'elle imaginait en acier -, puis aux gemmes, mais aucun des deux n'étaient déjà de véritables bijoux, et la couronne était de toute façon bien trop encombrante. Ou alors... Elle s'approcha et sortit sa dague pour essayer de découper un peu autour des points du crâne d'où la protubérance sortait. Il semblait effectivement qu'il s'agissait d'un os : avec un peu de travail...

Elle se tourna vers Jorus et lui indiqua :

« Je vais me faire une couronne. Va donc retrouver Ëlëann, mais on fait une petite pause. »

Puis, sans attendre davantage, elle s'attela au charcutage du crâne de l'Urükuë.
***
Cela avait pris un peu temps, une partie de la matinée à taillader dans la chair, briser les os les plus fins et faire évacuer le sang qui coulait abondamment de certaines régions : mais même si l'ensemble était assez ignoble, ç'avait été un succès. Après quelques heures de travail, elle avait fini par réussir à détacher la couronne du reste du crâne de la créature et parvenait à la traîner contre le sol. Yurlungur remarquait naturellement le regard horrifié d'Ëlëann, qui lui fit remarquer avec sarcasme qu'elle ne pourrait pas la transporter.

« Évidemment, je ne suis pas si cruche, rétorqua la jeune fille. »

Mais elle ne comptait pas perdre son trophée. Elle le traîna ainsi sur quelques mètres, jusqu'à ce qu'il se trouve au-dessous de la corniche, dans un recoin, presque une cachette - en tout cas invisible depuis la route. Pour parfaire la cache, elle découpa quelques branchages et les disposa par-dessus. Dès lors qu'on s'approchait, il était évident que quelqu'un avait tenté de couvrir une planque ou un trésor : mais de loin, on ne pouvait se douter de ce qui se cachait là-dessous.

« Voilà ! Comme ça, personne ne me le piquera. »

Très satisfaite, elle ignora les expressions sans doute un brin méfiantes de la grise comme de son compagnon d'aventures - tout comme elle n'écouta pas les commentaires de leur guide sur le meurtre inutile d'une créature “rare”. Eh : plus la créature était rare, plus le trophée valait le coup. C'était en fait un contre-argument, du point de vue de Yurlungur.

Le reste de la journée se déroula sans heurts, ainsi que la suivante, jusqu'à ce qu'ils arrivent au delta. La veille, en prévision, Jorus et elle avaient chassé et cueilli quelques petites choses pour pouvoir survivre plus facilement à l'intérieur, où la nourriture serait probablement plus rare. Voyant Ëlëann leur conseiller de se prémunir contre les moustiques et insectes volants en tout genre, elle rabattit sa capuche et récupéra le ruban dans son sac pour l'enrouler autour de son visage et recouvrir sa bouche et son nez. C'était une protection assez sommaire, mais qu'elle estimait suffisante : par ailleurs, le reste de son corps était bien protégé, recouvert de tissu, à l'exception de ses mains qu'elle comptait garder le plus possible dans ses poches, jusqu'à ce qu'ils arrivent à proximité de la jungle. Elle imaginait que là-bas, les moustiques pulluleraient moins, puisque c'était surtout l'humidité du marécage qui les rendait nombreux et agressifs ; en attendant, elle aurait certes moins d'équilibre, mais ça ferait un bon exercice pour son balancement.

Elle laissa Jorus passer juste derrière Ëlëann et prit la suite, vérifiant de temps en temps en arrière que personne ne les suivait, de façon aussi négligée que possible. Elle estimait possible que quelqu'un tente de les suivre, peut-être depuis Alythaë, ou alors un espion qui les aurait retrouvé par la suite : dans tous les cas, elle ne tenait pas à ce qu'ils en pâtissent.

L'intérieur du delta était effectivement une vraie mine de dangers. Ce fut probablement la première journée où leur guide leur fut véritablement utile : mais ils n'auraient pas pu s'en sortir sans elle. Plusieurs fois, elle leur indiqua avec précaution de ne surtout pas marcher un peu trop à gauche, ou à droite, et comme Jorus naturellement tenta de palper le sol de son pied, on pouvait voir qu'il n'y avait aucune surface solide pour le retenir et Yurlungur dut le rattraper brutalement du bras pour maintenir son équilibre. À cette première occasion, elle sentit un ou deux moustiques en profiter pour lui piquer le dos de la main et, une fois Jorus en sécurité, la rapatria promptement dans sa poche en assaisonnant le jeune homme d'injures variées. En réalité, elle l'aurait bien fait elle-même autrement : mais d'avoir sorti sa main, elle la sentait déjà qui grattait, et ça l'agaçait excessivement.

Du reste, ils ne voyaient pas trop où ils allaient. L'ensemble était un labyrinthe, où l'on entendait le bourdonnement constant des moustiques et le déluge lointain du fleuve : ce n'était que parce qu'ils suivaient Ëlëann qu'ils parvenaient à progresser de façon relativement constante et sans grande difficulté. Il y eut bien un ou deux serpents, et une sangsue faillit rentrer sous le pantalon de Jorus si Yurlungur ne l'avait pas rapidement découpée en rondelles. Les conditions du terrain rendaient un combat très difficile : aussi, lorsque leur guide leur désigna sans un mot un alligator qui s'approchait, bien que ce dernier fut probablement un adversaire moins coriace que l'Urükuë dans l'absolu, ils prirent spontanément la suite de la grise pour s'écarter au plus vite en mettant un peu de terrain solide entre lui et eux. Du reste, la faune était fascinante, à l'exception des moustiques. Elle croisa un serpent de deux mètres de long, au moins, au corps large comme son torse : Ëlëann leur parla d'un “anaconda”. Ce n'était pas un mot qu'elle connaissait, mais elle apprécia le flegme de cet énorme reptile. Visiblement, il était déjà repu.

Enfin, en seconde partie de journée, ils finirent par rejoindre le fleuve proprement dit : des masses d'eau importantes coulaient, charriant une grande variété de boues, de branches et même un ou deux tronc d'arbre. Sa largeur exceptionnelle était probablement due à la crue actuelle, mais ça ne lui retirait pas une certain grandeur prodigieuse.


(((Jusqu'ici : utilisation d'une énorme potion de soin, d'Acrobatie périlleuse et de Lame furtive (-20PE en tout))))
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Jorus Kayne
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Re: Delta du fleuve Sithialë

Message par Jorus Kayne » mer. 6 nov. 2019 15:11

Je profite de ce matin pour faire peau neuve. Ces deux derniers jours j’ai été pris de nausées qui ont gâché mon repos. Même si je n’ai pas aussi bien dormis que dans une auberge, sentir le sol qui ne tourne plus m’aide énormément à trouver un sommeil profond. Au réveil, je prends tellement plaisir à m’étirer de tout mon long, que je me dis qu’une séance d’étirement ne serait pas du luxe. Avec la température fraîche, je commence par m’échauffer les articulations avant de débuter par le haut du corps. Une fois la partie facile terminée, j’enchaîne avec les jambes. Je débute avec les quadriceps, les ischios jambiers, les adducteurs et je termine avec un grand écart. Je peine un peu au début, mais j’arrive à poser complètement mes fesses au sol. Je suis satisfait de moi dans un premier temps, mais rapidement ce sentiment laisse place à un souvenir de Panaka m’expliquant que l’étirement n’est efficace qu’avec une vraie douleur. Je pousse donc mes étirements en me penchant sur les côtés pour toucher mes pieds. Le mouvement a le mérite d’être très efficace selon les critères de mon maître. Je maintiens la position assez longtemps pour avoir des fourmis dans les jambes et relâcher le tout pour ensuite rejoindre les femmes, manger un morceau et ranger nos affaires pour repartir.

Nous continuons inlassablement notre marche, le paysage étant notre seule source de distraction sur le chemin. Ce n’est qu’après un escarpement rocheux que notre balade touristique prend un nouveau tournant. Notre guide s’arrête brutalement face à une énorme créature du nom d’Urükuë. Une bête, non. Un monstre de deux mètres de haut sur quatre de long. Une peau épaisse à prédominance verte. Sa tête est recouverte d’une sorte de protection, tandis que le bout de sa queue se durcis avec une multitude de pics à cet endroit. Des griffes de la taille d’une lame courte et au nombre de cinq par pattes. Posé sur ses quatre membres, il nous regarde avec un intérêt malsain.

Alors que notre guide nous incite à la fuite, je reste de marbre face à la bête. C’est Yürlüngür qui me sort de ma léthargie et m’intime à prendre son imposant sac pour le mettre en lieu sûr. Il est vrai qu’elle possède un paquetage assez impressionnant pour quelqu’un de son gabarit et aussi utile qu’il puisse être, cela va se transformer en un poids conséquent. Elle m’adresse un sourire derrière lequel se teinte cependant une légère angoisse.

"Je le retiens en attendant. T'as qu'à me rejoindre après pour m'aider à lui faire la peau, à cette... chose. Ukulélé."

La dernière remarque sur la créature me surprend plus qu’autre chose car c’est bien le genre de bêtise que je sortirais normalement. Une satisfaction de voir la jeune fille se lâcher me touche au cœur et se mêle au désir de ne pas la voir finir en os à ronger. Je sais Yürlüngür pleinement capable d’éviter les coups, mais elle ne sera pas en mesure d’user de ses aptitudes si particulières si je reste dans les parages. Sans plus attendre, je me précipite à la suite de notre guide. D’autant plus que le sac de la jeune fille est encore plus lourd que le mien. Quelle idée lui est passée par la tête pour emmener tant de fourniture ? Je peine à me déplacer ainsi lourdement équipé. Heureusement qu’elle est là pour attirer l’attention de la bête, sans quoi je ne ferais pas long feu si la créature décidait de me prendre pour proie. Je cherche un petit fourré dans lequel dissimuler nos effets personnels à tous les deux.

(Ysolde, j’ai besoin que tu restes à surveiller nos affaires !)

(Quoi mais pourquoi ? Je peux t’être utile. Crochet du droit hop ! Uppercut hop hop !)

(Oui je n’en doute pas, mais tu sais la confiance que j’accorde à notre guide. Si d’aventure l’envie lui prenait de subtiliser nos affaires et de nous laisser ici nous serions dans de beaux draps. D’autant plus que nos laisser-passez sont dans nos sacs. Sans eux nous serions dans un pétrin sans nom. S’il te plaît j’ai besoin que tu fasses ça pour moi !)

(Bien, entendu. Fais attention à toi !)

(Toujours.)

Beaucoup plus allégé désormais, je retourne rapidement à la zone de combat, ayant perdu plus de temps que nécessaire. Si je ne vois pas immédiatement le duel entre la frêle la jeune femme et l’imposante créature, j’entends cependant cette dernière grogner rageusement. Il ne fait pas de toute que notre adversaire commence à se lasser de manquer encore et encore sa petite proie. Peut-être pensait-il qu’une créature aussi petite et ne se mouvant que sur deux pattes serait facilement attrapée entre ses crocs. Je suis donc la piste sonore et me rapproche d’un terrain pentu, en amont de la position de ma jeune camarade. Situé sur un promontoire, la bête bondit vers la jeune fille et je n’ai le temps d’arriver jusqu’à elle ou d’intercepter le bond de cette chose.

"Attention !" Fais-je en hurlant à Yürlüngür.

Malheureusement c’est trop tard. La bête est déjà sur elle s’abat de tout son poids sur la jeune fille qui…disparaît dans un nuage d’ombre, réapparaissant à un mètre sur la droite. La créature atterrit lourdement provoquant un brouhaha de tous les diables. Tandis que je me précipite pour porter secours à ma camarade, celle-ci me stupéfie avec ses mouvements. Je l’observe user d’une stupéfiante technique jusqu’à m’arrêter complètement sans m’en rendre compte. Bondissant, roulant et voltigeant aléatoirement d’un point à un autre, elle se meut à une vitesse telle que ses changements de directions empêchent son adversaire à quatre pattes de l’atteindre. Usant de cette étrange technique, elle finit par atteindre le flanc gauche, abattant son arme sur la patte arrière de la bête qui l’a sentie le coup passer. Elle recule et use de la masse à l’extrémité de sa queue pour frapper Yürlüngür. Si l’imposante arme à pointe que représente la queue de la bête semble manquer son coup, il n’en n’est rien. La jeune fille se fait projeter en l’air, tournant sur elle-même comme le fait mon boomerang. Bien qu’elle finisse par se relever, son bras restant le long du corps prouve que le coup a bien été plus important qu’il ne m’a semblé, laissant au sol l’arme qu’elle tenait de cette main.

La bête quant à elle semble satisfaite. Elle observe sa proie affaiblie en rugissant jusqu’à faire fuir les derniers oiseaux les plus téméraires du coin et me rappeler à mes devoirs. Aussi douée qu’elle puisse être, Yürlüngür ne semble pas être en mesure de terrasser la bête seule. Je me précipite en dégainant mon boomerang de ma main principale et le lance de toutes mes forces sur le quadrupède. L’arme de jet décrit une magnifique courbe, atteignant avec vélocité l’arrière de la nuque. Un coup puissant avec un angle parfait qui se termine en un "tic" grotesque, l’arme percutant une sorte de protection naturelle de la bête, visiblement très résistante. A défaut de l’avoir blessée, la bête oriente son intérêt vers moi et semble délaisser la jeune fille au rang de sauterelle à broyer ultérieurement. L’occasion est inespérée pour ma jeune camarade pour détaler comme un lapin. Attiré par le déplacement soudain de Yürlüngür le monstre se tourne vers elle. Je ne lui laisse pas le temps de la poursuivre et me rue sur la créature pour la frapper à sa patte arrière droite, me laissant le loisir de constater que son autre patte semble bien touchée. Bien que son armure naturelle soit moins dense ici, sa peau reste suffisamment épaisse pour l’entailler tout au plus. Néanmoins la blessure attire de nouveau son attention à moi. Elle tente de m’attraper entre ses crocs, mais je parviens à m’extraire rapidement à l’aide d’un salto arrière. Réceptionné sur mes jambes, je dégaine mes lames et fais rapidement l’examen de ma situation.

(La bête est énorme et ses possibilités de ma terrasser son nombreuses. Une sorte de masse au bout de sa queue, des griffes grandes comme mes lames, des crocs bien trop nombreux et de ce que j’en ai ressenti, une atroce haleine de vieux poney mouillé. Un seul coup lui a suffi pour mettre à terre Yürlüngür alors je ne risque pas de faire long feu si je me fais prendre. Vu la difficulté que j’ai de la blesser, je dois tout miser sur le retour de ma camarade, en espérant que celle-ci revienne vite. Au moins, cette bête semble fortement souffrir de sa blessure à la patte. Je dois jouer là-dessus !)

S’impatientant de mon inaction, la bête me charge et j’évite l’assaut d’une nouvelle pirouette sur la gauche. Gardant en mémoire les mouvements de la jeune humaine qui lui ont été salvateur je tente de l’imiter. En plus d’adopter une posture plus propice à l’esquive, je concentre mon énergie dans mes jambes et entame une série de bonds autour de la bête en formant un arc de cercle. Atteignant rapidement son arrière-train, je m’apprête à frapper là où la décence me l’interdirait si je n’étais pas en si grand danger. Malheureusement pour moi l’extrémité de sa queue anticipe mes mouvements. Je me laisse tomber au sol, roulant emporté par mon élan et gagne quelques écorchures superficielles aux bras, mais évitant les inconvénients d’un malencontreux arrachage de tête. Je m’éloigne de la bête et du champ d’action de son dangereux membre.

(Ha ba merde elle est pas passée loin celle-là ! Quel con aussi, j’ai foncé tête baissée avec une trajectoire trop prévisible. Yürlüngür se mouvait dans tous les sens, comme une mouche qui change trop soudainement de trajectoire pour qu’on puisse lui mettre une claque. C’est ainsi que je dois me mouvoir !)

La bête me fait de nouveau face, mais je n’attends pas une quelconque réaction de sa part. Prenant l’initiative en concentrant de nouveau mon énergie dans mes jambes, je fonce sur elle et change brutalement de direction encore et encore, usant du relief présent pour accroître ma stabilité. Je reprends ma course en arc de cercle et m’arrête brutalement pour revenir devant la bête, un peu lente à réagir. Sa patte venant sur moi, je profite d’une ouverture pour me glisser sous elle en bondissant jusqu’à son flanc droit. Je fais l’erreur de croire ce côté blessé et sa patte arrière cherche à me déchiqueter de ses griffes. J’effectue un saut acrobatique sur le côté, mais la bête est plus rapide que moi cette fois-ci. Ses griffes se plantent dans ma cuisse droite et m’envoie valser à quelques mètres de là. Je me réceptionne autant que faire se peut. Un rapide examen montre que la griffe n’est pas complètement entrée dans la chair, elle m’a juste ouvert sur quelques centimètres extrêmement douloureux.

(Je suis mal ! Dans ces circonstances je ne vais pas tenir encore très longtemps. Dire qu’une plus jeune que moi est parvenue à blesser cette bête, mon égo en prend un sacré coup.)

Malheureusement je n’ai que le temps de me relever en serrant les dents que la bête se rue déjà sur moi. Ma seule chance de survie réside dans l’intervention de ma camarade, j’espère simplement qu’elle arrivera vite. Pour l’heure je dois gagner autant que temps que possible et cela dépend entièrement de ma capacité à esquiver les attaques. Alors que la créature est proche de moi, je bondis sur le côté droit pour minimiser la sollicitation de ma jambe blessée. Je concentre tous mes efforts sur la technique que je m’évertue à employer.

(J’ai pourtant bien observé Yürlüngür. A ma première tentative mes mouvements étaient certes trop prévisibles, mais à la seconde, que m’a-t-il manqué ? Je sais que je ne fais pas jeu égal avec la jeune fille, mais quelque chose manque. Si mes mouvements étaient imprévisibles, étais-je simplement trop lent ?)

Mon instinct me crie que j’ai mis le doigt sur quelque chose et ce n’est pas ma propre bile pour une fois. A nouveau je rassemble mon énergie dans l’entièreté de mon corps, sollicitant tous mes muscles pour garder un équilibre et une vitesse optimale à chaque instant. Je bondis, saute, roule et serre les dents par la douleur qui s’intensifie dans ma jambe. Je vole telle la mouche insaisissable, vif comme une sauterelle qui bondit loin de son prédateur. Je suis un pigeon attendant l’opportunité de chier sur ce maudit matou ! J’évite les coups de pattes, crocs ainsi que la masse de sa queue qui déferlent sur moi sans interruption et avec succès, provoquant un grognement de rage. Profitant de la confusion de la bête, je passe sous ses pattes d'un flanc à l'autre et porté par l'élan je tranche une petite partie de son abdomen à l'aide de ma dague de glace.

Cependant la fatigue et la perte de sang ont vite raison de moi. Bien que je mette toutes mes forces pour éviter les coups, ma volonté finit par fléchir alors que je force trop sur ma jambe blessée. La douleur devient trop insoutenable pour que je puisse continuer à nouveau et c’est la masse de sa queue qui me percute de plein fouet. Je me protège en plaquant mes bras devant moi, évitant avec une chance insolente les pics mortels. Emporté dans mon élan, je ne peux éviter le rocher que je percute avec le dos. La douleur est si forte que j’en perds légèrement connaissance. Lorsque j’ouvre à nouveau les yeux je suis assis dos au rocher et vois Yürlüngür, sur la nuque de la bête, qui disparaît soudainement dans une volute de fumée et réapparaît devant moi, le monstre abattant sa propre masse sur elle là où se trouvait la jeune fille un instant plus tôt. Un craquement sinistre mettant fin à la menace. Quelques pas incertains et le corps monstre tombe au sol, inerte.

A mes côtés, j’entends Yürlüngür qui me demande comment je vais. Je lève la main de son côté et tends le pouce pour la rassurer.

"Tout baigne, même pas ma…" Dis-je alors que je me penche soudainement en avant et projette un flot de sang face à moi. J’ai même eu le réflexe de porter la main à la bouche, y laissant une trace rouge dessus tandis que la jeune fille pose une main sur mon épaule, certainement inquiète.

Je sors ma gourde et bois d’une traite le liquide qui envahit mon corps et y laisse une apaisante chaleur bienfaitrice dans mon dos.

"Désolé, c’est la première fois que je me prends une queue aussi longue et dure. Et toi ?"

"Ca va…à peu près. Elle ma aussi…" Me répond-elle sans trop savoir comment interpréter ma remarque. Elle termine d’un "bref !" et s’en va inspecter la bête.

Je bois une seconde fois à ma gourde pour soigner cette fois-ci la blessure à la jambe. Rapidement la douleur cesse, mais je préfère assurer mes arrières et déchire mon ancienne cape pour enrouler une partie autour de ma blessure. Yürlüngür semble s'intéresser à la créature. Elle lorgne les différents éléments issus même de la bête. Elle m'enjoint à retourner voir Ëlëann pour lui signifier que l’on fait une pause, tandis qu’elle déclare ensuite vouloir se faire une couronne. Après une dernière reprise de souffle, je retourne voir notre guide qui ne semble pas avoir appréciée que nous ayons tué une créature rare. Je contesterais bien que le problème était une question de survie, mais ma faéra m’incite à ne pas pousser la l’elfe sur ce terrain. Au bout de quelques heures que je passe à me reposer, Yürlüngür a terminé son travail sous le regard horrifié de la Sindel. Incapable de pouvoir porter cette "chose", elle décide de cacher son œuvre dans un coin et de la retrouver plus tard.

Nous reprenons la route, atteignant le fameux delta quelques jours plus tard. Là notre guide nous encourage à cacher chaque centimètre de peau, les moustiques étant particulièrement agressifs dans cette région. Prenant son avertissement au sérieux, surtout qu’elle enroule sa tête dans un tissu ne laissant que ses yeux visibles, j’entreprends de couper ce qu’il reste de ma cape pour l’enrouler autour de ma tête et cacher toutes surfaces visibles. Nous pénétrons dans le delta à la suite d’Ëlëann, Yürlüngür fermant la marche dans ce labyrinthe. Tout est susceptible d’être dangereux, alors je guette les alentours autant que là où je mets les pieds.

Tentative d'apprentissage de la technique Acrobatie périlleuse. Utilisation d'une grande potion de soin et d'une énorme potion de soin.
Destruction totale de la capte d'ermite.

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