Les Rues

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Yuimen
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Les Rues

Message par Yuimen » ven. 5 janv. 2018 16:48

Les rues

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Une fois franchies les portes, vous arpenterez une véritable avenue souterraine qui s'enfonce en pente douce dans les entrailles de la terre sur une centaine de mètres avant de déboucher dans les hauteurs d'une salle gigantesque où se mêlent ombre et lumière. En contrebas, l'incroyable et majestueuse cité d'Hidirain se dévoile à vous, taillée à même le roc avec un art époustouflant. Une multitude d'habitations côtoient de véritables palaces ornés de gravures extraordinaires, le tout formant un inextricable dédale de rues et de ruelles de toutes tailles, parsemées ici et là de places dont certaines sont assez vastes pour accueillir un grand marché. Des milliers de torches et de lampes à huile éclairent la ville, mais l'essentiel de la lumière provient de puits percés dans les plafonds et savamment répartis pour diffuser une lueur suffisante, du moins pour les yeux Thorkins. Vous apercevrez également d'innombrables tunnels et galeries quittant cette salle pour s'enfoncer dans la montagne vers des lieux inconnus, mais avant toute chose il vous faudra descendre la rampe vertigineuse creusée à flanc de paroi, assez large pour que deux gros chariots se croisent mais dépourvue de garde-fou.

Arrivé au sol, c'est une impensable dédale en trois dimensions qui s'ouvre à vos pas, en partie constitué de cavités naturelles, en partie d'excavations Thorkines. Certaines rues sont assez conséquentes pour qu'une armée y parade, d'autres si étroites que s'y croiser relève de l'exploit. Certaines ont un sol si parfaitement taillé que l'on pourrait y faire rouler une bille sans qu'elle ne dévie d'un pouce, d'autres au contraire sont brutes et inégales, voire même boueuses si vous vous aventurez dans des zones moins fréquentées. A la périphérie de cette nef centrale, outre quantité de galeries menant à d'autres quartiers, aux mines ou à quelque autre lieu inconnu, des escaliers plus ou moins abrupts mènent à des niveaux inférieurs ou supérieurs, le voyageur aura tôt fait de s'égarer s'il n'y prend pas garde!

Si la cité paraît avoir été conçue pour accueillir une population extrêmement importante, elle est visiblement assez peu peuplée actuellement et bon nombre de passages semblent abandonnés depuis belle lurette. Qui sait quelles merveilles, ou quels périls peuvent se cacher dans ces souterrains d'un autre temps?

Worteson
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Enregistré le : mer. 26 déc. 2018 16:45

Re: Les Rues

Message par Worteson » lun. 31 déc. 2018 13:17

Le jeune thorkin jetait parfois quelques coups d'oeil furtifs par dessus son épaule, histoire de veiller à ce que celui qu'on l'avait chargé de ramener se trouvait toujours dans son sillage. Il avait trouvé Worteson à la mine, transmis le message, et ce dernier avait à peine décroché un mot pour signifier son assentiment. Un geste pour saluer ses compagnons de la mine, une tape sur l'épaule des moins attentifs, et il s'était mis en route, non sans auparavant ranger les outils à l'aide desquels il taillait une mortaise dans un étai. Le messager avait essayé d'engager la conversation à deux reprises, avant de se résoudre face au silence à imiter le mineur. Dans ce mutisme il n'y avait aucune hostilité, ni froideur, l'attitude était celle d'un thorkin de bonne composition n'ayant rien à dire, tout simplement. Après tout, ce devait être un original, pensait-il, pour qu'un prêtre le fasse chercher ainsi, en urgence.

Worteson trouva dans la cuisine de ses parents le grand-oncle affairé. Un prêtre errant de Zewen doit, semble-t-il, acquérir quelques capacités utiles à son sacerdoce, aussi ressemelait-il sur une petite enclume de cordonnier ses bottes de voyage. Quelques tranches de viande séchée, une miche de pain et une cruche de bière fraîche reposaient également sur le plateau de la table de chêne massif. Après s'être pris une chope, Worteson se servit en boisson, tailla du pain, couvrit la tartine de viande et tira à lui un escabeau pour s'installer près de son parent.

« Bienvenue, oncle. »


« Le temps est venu, Wort. J'ai parlé avec tes parents, tout est arrangé, ils comprendront. Je me fais vieux et chaque retour peut être le dernier pour moi. Es-tu prêt à entendre ma proposition ? »

« J'écoute, oncle. »

« Bien. » Le vieux thorkin à la barbe grise fronça ses sourcils broussailleux, joua de la mâchoire comme pour faire rouler les mots afin de les choisir avec soin – à moins qu'une dent capricieuse ne se soit rappelée à lui. « Je consacre ma vie à Zewen. Je marche et transmets les bribes du Livre qui me sont rappelée. Il est une autre quête à laquelle je me suis consacré. »

D'une poche, il tira une petite pierre gravée, une forme aux arrêtes bien définies, aussi nettes qu'un trait sur une tablette de cire.

« En des temps évanouis des mémoires, des mots du Livre se sont perdus dans le monde. Les runes sont la parole de Zewen, que nos pauvres alphabets n'approcheront jamais qu'imparfaitement. Tu connais le pouvoir des mots, mon neveu, tu comprends leur importance. J'ai fait un rêve : tes pas se plaçaient dans les miens, et là où ils se sont arrêtés, tu poursuis sur des sables où je me serais enfoncé, qui ont englouti d'autres voyageurs. »

Worteson se contenta de hocher la tête pour manifester son attention. Il ne se départissait pas d'un air grave, concentré sur les paroles de son aîné, pour en comprendre le sens caché et percevoir déjà leur portée.

« Dans ce rêve, tu tenais à la main une boussole. Dans la tempête et les ombres qui obscurcissent le chemin brillaient incertaines des formes, celles des runes. »

« Yram... »

« Tu as bonne mémoire Wort ! Des décennies se sont écoulées depuis la dernière fois que je t'ai conté cette aventure. Yram, oui... Yram et sa boussole. Mes rêves et mes visions sont incertains, ce ne sont peut-être que des rêves, des fantasmes d'un thorkin sénile... Peut-être pas. »

Le vieux remplit à nouveau sa chope et but la bière bière blonde à lentes gorgées, pour laisser le temps à son petit-neveu de réfléchir au sens de ses paroles, avant de reprendre.

« Ma parole n'est qu'un conseil. Je te sais bon mineur, tu connais la roche comme les meilleurs de notre race, tu pourrais vivre bien dans cette cité. Et tu en sais aussi bien plus qu'un contremaître avisé. Tu sais ce qui importe. Tu le sais au plus profond de toi. Seuls les actes peuvent me donner raison. Demain je serai parti. Tu pourras choisir. Trouve la boussole, puis trouve moi dans le vaste monde. Si tu y parviens... Un autre avenir s'ouvre à toi. »

« Merci, oncle. Je choisirai. »

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