Les Catacombes

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Yuimen
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Les Catacombes

Message par Yuimen » ven. 5 janv. 2018 11:32

Les catacombes d'Exech

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De sombres excavations qui servent d'ossuaire ou de sépulture, vous êtes dans les catacombes de la ville. Devant vous s'étend un réseau de cavités souterraines, où s'amassent des crânes et autres ossements.

Le labyrinthe de tunnels et de salles est parcouru par d'étranges bruits, des ombres furtives passent parfois devant vous.

Perdue au fond des catacombes il y a l'antre du sorcier Darith, ainsi que les repaires d'un certain nombre de clans.

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Adam Von Demorlys
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Re: Les Catacombes

Message par Adam Von Demorlys » mer. 3 avr. 2019 14:43

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Adam faillit louper la dernière marche et se stabilisa de justesse. Le nain, tourna alors la tête vers lui l'index sur ses lèvres. Même s'il ne le distinguait qu'à moitié, le jeune mage entendit cependant perceptiblement le « chhuhut » qu'il lui adressa.

En même temps c'était facile à dire, Adam avait du mal à percer la soudaine obscurité dans laquelle ils venaient de s'enfoncer. Génas lui, ne semblait pas incommodé. Le jeune bourgeois posa alors une main sur son épaule.

« Attends quelques secondes, le temps que mes yeux s'habituent. »

Il perçut que son compère hocha la tête, et ils patientèrent en silence deux bonnes minutes. Sa vue commençant à s'adapter, le pyromancien distingua alors qu'ils se trouvaient dans une salle plus vaste qu'il ne pensait, et sur laquelle débouchaient plusieurs cavités. Les quelques sources lumineuses, venant de rares ouvertures menant aux ruelles qui les surplombaient, lui permettaient de discerner également des ossuaires situés sur les côtés. Quelques squelettes gisaient même sur le sol, les vêtements ainsi que parures ayant été ôtés, ou plutôt dérobés. Adam crût même distinguer un corps dont la mort semblait assez récente. Vraisemblablement, nombre de meurtriers devaient se débarrasser de cadavres en les jetant simplement ici. Sans compter que le temple de Thimoros se trouvait non loin.
Il fallait reconnaître qu'Adam ne se sentait pas vraiment à son aise. Le silence était oppressant et les quelques bruits qui les entouraient lui dressaient les poils sur la nuque. Cependant une sensation étrange lui enserrait un peu le cœur, une sensation qui se rapprochait étrangement de ce qu'il avait ressenti en aspirant les fluides obscurs. Et vu l'endroit ce ne devait pas être étonnant. Le lieu devait être saturé de cette énergie.
Il murmura à l'intention du nain :

« Tu sais par où c'est ? »

« Il me semble que c'est par là. Fais silence et suis-moi. »

Le jeune mage hocha. Jamais il n'avait vu le nain aussi sérieux et silencieux, et cela ne le rassura pas vraiment. Adam le suivit à pas de velours, serrant juste les dents lorsqu'il marchait sur un os desséché, émettant alors un macabre craquement qui se répercutait le long des sinistres couloirs.
Dans un premier temps le jeune mage fut surpris de constater à quel point Génas était capable de se déplacer aussi silencieusement que lui. Mais en y réfléchissant ce n'était pas si étonnant. Derrière ses airs bourrus et extravagants, le combattant nain avait vécu quelques années ici et avait trempé dans bien des affaires peu recommandables. Ils arpentèrent ainsi le long dédale de galeries souterraines. Le jeune mage espérait que le nain savait où il allait, car lui-même n'aurait plus été capable de retrouver son chemin tant ils s'étaient enfoncés.

Ils s'arrêtèrent quelques fois, par exemple lorsqu'ils entendirent raisonner au loin des éclats de rire pas forcément malins ou bruit étranges. De rares torches étaient parfois disposées au-dessus de certains passages, endroits sûrement fréquentés par certains clans. Dans ces cas-là les deux compères se firent encore plus discrets. D'autres fois, Adam eût l'impression que son imagination lui jouait des tours, croyant distinguer des ombres se mouvoir à quelques mètres de lui mais sans émettre de bruit. Ils marchèrent ainsi, enjambant ossements, cadavres de rats et autres joyeusetés que le jeune bourgeois ne se donna pas la peine d'essayer d''identifier. Ils durent s'arrêter un moment et se dissimuler dans l'ombre d'un ossuaire, afin de laisser passer un petit groupe de sekgets surexcités. Une fois qu'ils étaient persuadés qu'ils s'étaient suffisamment éloignés, le duo reprit silencieusement leur route.
Au bout de plusieurs longues minutes, Adam, soudain prit de doute murmura.

« J'espère que tu sais où tu vas. J'ai d'autres ambitions que de me retrouver à pourrir ici durant je ne sais combien d'années. »

« T'inquiète, même si on ne retrouve pas l'entrée qu'on a emprunté il y en a plein d'autres disséminées dans la ville. On en trouvera une sans trop de soucis. »

C'est vrai, ça semblait logique et cela rassura un peu le pyromancien. Ce dernier allait reprendre la parole mais s'interrompit brusquement en entendant un petit craquement venant de sa gauche. Sur le qui-vive, il posa une main sur l'épaule de nain afin de l'arrêter. Génas tourna alors la tête.

« Quoi ? »

Le jeune bourgeois fit un signe de tête dans la direction d'où il avait perçu le bruit, et d'autres craquètements suivirent alors. Les deux compères plissèrent les yeux, essayant d'identifier la source des craquements qui commençaient à se faire de plus en plus bruyants. Adam distingua un ossuaire, et visiblement ça bougeait dedans ?

(Qu'est-ce que c'est que ça... Quelqu'un qui se cache ? Non il se serait fait plus discret vu qu'on est là. Ce n'est pas non plus un animal, ça semble bien plus gros.)

L'être qui se mouvait n'avait visiblement aucune envie de se faire discret. Adam retira alors sa baguette et concentra une petite quantité de fluide de feu à son extrémité. Le peu de lueur que dégagea l'énergie flamboyante suffit cependant à faiblement éclairer le tas d'ossements qui leur faisait face. Effectivement quelque chose bougeait dedans, le jeune pyromancien n'êut pas longtemps à chercher, car il fût soudainement pris d'un spasme lorsqu'il vit un crâne se dresser brusquement dans sa direction et le « fixer ». Les deux compères poussèrent une exclamation d'horreur. C'était la première fois qu'Adam voyait un squelette se mouvoir ainsi, même se mouvoir tout court. Et il fallait l'avouer, l'expérience n'avait rien d'enivrant, bien au contraire.
Agissant par pur réflexe, l'énergie concentrée au bout de son arme gagna alors rapidement en volume. Le pyromancien envoya alors la boule de feu droit sur l'horreur qui était en train de s'extirper de l'amas d'ossements. Le projectile toucha directement le crâne, qui éclata dans un sinistre craquement.

Adam n'eût cependant pas le temps de soupirer. Les bruits reprirent alors et avec beaucoup plus d'ampleur. Même s'il ne distinguait pas la scène avec précision, le jeune mage n'eût aucune difficulté à comprendre qu'au moins une demi-douzaine de squelettes venaient de s'animer et commençaient à s'extirper de l'ossuaire.

« Cours petit Demorlys ! »

L'ordre était tellement évident qu'Adam ne se donna même pas la peine d'acquiescer. Ne pouvant pas rebrousser chemin à cause de leurs sinistres assaillants, Il n'eût d'autres choix que de s'élancer dans la continuité du couloir, Génas le suivant de près. Le jeune mage vit alors une bifurcation devant lui. Celle de gauche s'engageait dans les ténèbres et il y entrevit de très fines silhouettes se diriger vers lui. Celle de droite cependant, semblait dégageait et chose étonnante, éclairée.

(Pas le choix... Et de toute façon on a pas vraiment le luxe d'avoir le temps de réfléchir.)

Adam s'engagea alors dans la deuxième bifurcation en courant. Ils débouchèrent sur un lieu fortement éclairé, ce qui éblouit ce dernier. Ralentissant à peine sa course, il sentit cependant sa botte heurter comme une fine corde, qui se rompit sur le coup. Entendant alors comme un mécanisme se déclencher derrière lui, le jeune pyromancien se plaqua d'instinct contre le mur.
Et visiblement il eût bien fait. Le nain passa alors à côté de lui et Adam fût aux premières loges pour insister au spectacle. Une boule d'acier reliée à une chaîne surgit de derrière eux et heurta dans « BOUNG » sonore la tête casquée du nain. Ce dernier fit un vol plané de presque deux mètres et atterrit face contre terre. Le cœur battant à tout rompre, Adam vit qu'il ne se releva pas. A vrai dire il ne bougeait même plus. Jetant un rapide regard derrière lui, le pyromancien alla rejoindre le nain en quelques grandes enjambées afin d'examiner son état. Il n'eût cependant pas le temps de l'atteindre. Brusquement il se sentit happé par une force qui lui fonça dessus et le plaqua au sol. Tout d'abord Adam se sentit assailli par une odeur de putréfaction. Chose qu'il comprit mieux lorsque ses yeux se s'adaptèrent rapidement à la luminosité du lieu. Avec horreur il vit alors une sorte de molosse le surplomber. Sauf que ce dernier était mort, et visiblement depuis un moment. Ou plutôt il en avait l'apparence, car la bête était en train de grogner sourdement près de sa gorge. Entre ses crocs exhibés semblait palpiter une énergie flamboyante qui ne demandait qu'à se libérer. A certains endroits le corps de la bête semblait en décomposition. Des fois des os étaient même visibles, mais il irradiait tout de même de la créature comme une aura de force et de férocité. Pétrifié, Adam se prépara tout de même à utiliser son aura de feu, lorsqu'il entendit une voix nasillarde :

« Allons allons Eades, tout doux. Ce n'est pas ainsi que l'on accueille les gens.»

La phrase fût suivie d'un rire glaçant et la redoutable bête se dégagea lentement. Se redressant doucement, Adam vit alors un homme approchant de la soixantaine, assis tranquillement sur une chaise. Il était vêtu d'une robe sombre de belle qualité, et sa calvitie exhibait un front prédominant. L'homme passa affectueusement une main sur la tête de la créature.

« Laisse leur au moins une chance, s'ils ne font pas l'affaire alors ils seront tout à toi. »

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Adam Von Demorlys
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Message par Adam Von Demorlys » mer. 3 avr. 2019 14:47

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Voilà qui n'augurait rien de bon. Bien que le vieil homme était tranquillement assis sur une chaise, tout sourire, ses intentions ne semblaient cependant clairement pas amicales. Adam se redressa doucement, jetant un coup d'oeil autour de lui afin d'étudier rapidement la situation. Il se trouvait dans une pièce étrange, éclairée par quelques torches fixées aux murs. L'endroit semblait avoir été aménagé il y a des siècles, puis abandonné, et partiellement dépoussiéré pour une récente réinstallation. Des étagères étaient complètement pourries, et l'épaisse couche de poussière qui les recouvraient empêchait d'en distinguer la couleur d'origine. Une couchette était disposée dans un coin, et un grand bureau de pierre était disposé contre un des murs. Mais ce qui retint surtout l'attention du jeune mage, était surtout celui qui faisait face à l'unique entrée, qu'ils venaient de franchir quelques instants plus tôt. Dessus étaient gravée une large inscription, composée de symboles étrangers au pyromancien. Vraisemblablement une langue que ce dernier ne connaissait pas. Les signes formaient un triangle, dont trois grosses boules de métal à moitié encastrées, faisaient office de pointe.

« Fascinant n'est-ce-pas ? Tu as l'honneur de te trouver dans l'antre du feu, grand nécromancien, Zahlen. »

« Connais pas. »

« Qu'est-ce qu'un ignorant comme toi vient faire ici alors ? »

« On s'est perdu, mon compagnon et moi essayions de trouver le sorcier Darith. »

Le vieil inconnu éclata alors d'un rire méprisant.

« Oui je connais le vieux Darith. Un incapable ayant malgré tout réussi à rassembler une étonnante collection sur ce qui concerne les arts occultes il faut l'avouer. Mais si tu espères qu'il partage ses savoirs ou secrets avec toi sans demander grand chose en échange tu te fous le doigt dans l'oeil mon pauvre ami. Je crois n'avoir jamais rencontré plus radin et avare que lui.»

Le nécromancien se leva et fit face au mur où s'étale l'étrange inscription.

« Non... Ici vois-tu, réside un savoir qui ne demande qu'à être connu, appris et partagé. »

Perplexe, Adam jeta à la pièce un regard circulaire. Mis à part quelques affaires qui devaient appartenir au vieil homme, il n'y avait rien ici qui puisse susciter un quelconque intérêt. Il n'y avait plus aucun ouvrage dans les étagères qui partaient en poussière. Seuls ces vieux mobiliers, le bureau et cette étrange inscription étaient les vestiges de la lointaine époque, où le dénommé Zahlen occupait ses lieux. 

(Tout a déjà dû être vidé il y a belle lurette). Il se risqua alors à formula le fond de sa pensée à haute voix.

« Il n'y a pourtant pas l'air de rester grand-chose. »

« C'est parce que nous ne sommes que dans l'antichambre de l'antre de Zahlen. Mais ça rares sont ceux qui le savent, la plupart des gens qui arpentent ces lieux ne savent pas ce qu'était cette pièce. Personnellement il m'a fallu des années pour enfin la trouver.»

Le vieil homme prit alors un air mystérieux et désigna le mur où se trouvait la mystérieuse inscription, en forme de triangle.

« Et plus rares encore sont ceux qui savent, que la véritable entrée de son antre se trouve précisément ici. »

(Et il partage cette information avec moi comme ça ?... Mais bien sûr, il n'en a rien à faire. Je n'ai aucun moyen de m'enfuir et il peut m'abattre dès qu'il le veut.)

Sentant son cœur s'emballer à cette idée, Adam se rassura quand même comme il pouvait en tâtonnant le manche de sa baguette. Le nécromancien sembla remarquer son geste car il lui adressa un rire narquois, et lui demanda ensuite :

« Tu es donc aussi versé dans l'art des arcanes ? »

Adam opina d'un hochement sûr. Autant paraître assuré, laissant ainsi supposer une certaine maîtrise et donc puissance. Il ne voyait pour l'instant pas d'autres moyens que d'y aller au bluff. Mais son inquiétant interlocuteur ne semblait pas dupe, car son sourire moqueur s'élargit de plus belle.

« Et quels fluides manies-tu jeune homme ? »

Cette fois le mage joua la carte de la sincérité et répondit simplement :

« Ceux de feu, et d'obscurité... »

Un « oh » silencieux se forma silencieusement sur les lèvres décharnées du nécromancien. Il désigna ensuite son effroyable bête d'un signe de tête.

« Comme lui, vous allez bien vous entendre. Et comme Zahlen... C'est marrant. »

Adam ne voyait pas ce qu'il y avait de marrant non. Cherchant à gagner du temps, il tenta de poursuivre la discussion, avec cet étrange inconnu qui se montrait tout de même assez locace. Il désigna donc également le bestiau en demandant :

« Qu'est-ce-que-c'est ? » Il fallait reconnaître que la réponse l'intéressait également un peu... Il n'y connaissait rien en nécromancie. Il avait juste en tête les clichés habituels, avec ces obscurs sorciers entourés de squelettes clopinants. Comme ceux qu'il avait croisés plus tôt en fait. Mais la créature nommée Aedes semblait très différente. La créature morte-vivante avait l'air d'être doté d'un véritable tempérament et d'une vraie personnalité.

Le vieil homme ne répondit cependant qu'à moitié à la question, visiblement enjoué d'aborder ce sujet.

« C'est un chien de Meno ! Je suis tombé sur son cadavre une nuit, alors que j'étais pas loin de Tulorim. J'étais tout fou quand je l'ai trouvé ! J'en avais toujours voulu un, je ne pouvais pas rêver mieux... »

Le vieux mage sombre se frotta les mains, regardant son familier comme un enfant regarderait un chiot qu'on viendrait de lui offrir.

(D'accord, cet homme est fou...).

Lui la seule chose que lui inspirait la créature était la crainte et une méfiance extrême. Les crocs exhibés de cette dernière étaient aussi inquiétants que les griffes qui grattaient le sol. Mais le moins rassurant était tout de même le brasier qui semblait ronfler au fond de sa gorge. Adam se fit violence pour ne pas essayer d'imaginer les dégâts que pourrait provoquer une telle morsure. Déjà que la bête était relativement sinistre, les os qu'on voyait apparent à certains endroits, ainsi que des bouts de chairs putréfiées, suffisaient à rendre le tableau cauchemardesque. Surtout les yeux de la créature, qui étaient d'un noir total, mais d'une obscurité qui semblait mouvante. Cela rappelait au jeune bourgeois la deuxième fiole qu'il avait acheté quelques heures plus tôt, dans laquelle voletait paresseusement une petite quantité de fluide obscur.

Le nécromancien sembla deviner la source de son trouble, car il déclara d'un air faussement modeste.

« Et bien sûr je lui ai apporté quelques modifications, histoire de le rendre encore... Mieux dirons-nous. » Le nécromancien gloussa.

(Faut vraiment que je trouve un moyen de sortir d'ici.. Et Génas qui est KO... Quelle galère. Bon au moins il n'est pas mort, c'est déjà ça. Il y a déjà assez de cadavres ambulants dans le coin, pas la peine d'en rajouter un autre. Et surtout pas celui-là).

Brusquement, le nécromancien se leva, et se dirigea vers Adam, lui disant ensuite posément :

« Ecoute, assez perdu de temps. Je te propose un marché l'ami. Aide moi à résoudre cette énigme, à entrer dans l'antre de Zahlen et je partagerais ce que je trouverais avec toi. Enfin juste un peu, hein. Refuse ou montre-toi d'aucune utilité, et je t'en trouverais une en t'envoyant monter la garde avec mes serviteurs que tu as rencontrés un peu plus tôt. »

Sur ces mots le nécromancien fit un signe de tête en direction de l'unique entrée / sortie, qu'avait empruntée le duo en fuyant la dizaine de squelettes. Adam hocha silencieusement. Avait-il de toute façon d'autres options ? Pas vraiment. Il pouvait toujours tenter de recourir à la force. Mais vu le nécromancien, qui était loin d'avoir l'air d'être un débutant, son sinistre molosse et sa petite armée de morts qui attendait dehors... Adam doutait qu'il puisse s'en tirer en cas d'affrontement. Non, il fallait se rendre à l'évidence, ses chances étaient nulles. Sans compter que Génas gisait toujours KO au sol... Le jeune mage n'avait pas vraiment d'autres options.

« Marché conclu. »

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Adam Von Demorlys
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Re: Les Catacombes

Message par Adam Von Demorlys » mer. 3 avr. 2019 14:52

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Le jeune mage fit alors face au mur sur lequel était gravée l'étrange et imposante inscription. Il avait beau afficher une façade qui affichait un calme serein, son coeur lui martelait les côtes et il dût se faire violence pour ordonner ses pensées. Une fuite n'était pas vraiment envisageable, car semblait impossible. De plus, même s'il n'était pas forcément attaché à Génas, il était hors de question de l'abandonner ici. Cette idée le répugnait, plus vis à vis de son honneur que vis à vis du combattant nain. Adam devait collaborer, il n'avait pas le choix. Puis après tout, ce vieil homme ne lui avait il pas garanti de partager, même si ce n'était qu'en petite quantité, ce qu'ils trouveraient ? A moins que ce n'était juste pour l'appâter ? Possible, au pire des cas ils ne savaient pas vraiment ce qu'ils trouveraient derrière. Peut être que, selon ce qui se présentera, Adam pourra en profiter pour se faire la malle, quitte à brûler Génas pour le réveiller.
Bref dans l'immédiat, il n'y avait qu'une solution, aider à résoudre cette énigme. C'était la première condition pour rester en vie. Le jeune pyromancien se força alors à réguler sa respiration et à se calmer, afin d'être en pleine possession de ses moyens. Après quelques longues secondes, il tourna la tête vers le nécromancien.

« J'imagine que vous avez déjà traduit cette inscription ? Qu'est-ce que cela veut dire ? »

Le concerné opina et joignit ses mains dans son dos.

« Bien sûr, il s'agit d'un ancien dialecte, il ne m'a fallu une petite soirée pour la traduire. Il est inscrit :

Tandis que l'astre solaire s'éveille lentement et que les ténèbres basculent doucement, l'océan continue à paresser tranquillement, indifférent au cycle du temps. »

Silencieux, Adam attendit la suite. Mais voyant que celle-ci ne venait pas il demanda :

« Quoi, c'est tout ? »

« Oui »

(Bon, on est mort.)

Le jeune bourgeois se força à rester calme. Que voulait dire ce charabia, ce vieux fou était-il au moins certain de sa traduction ? Il n'osa cependant pas formuler cette question. Adam alla alors s'adosser contre un mur et réfléchit. Les minutes passèrent en silence. Le vieil homme était toujours assis sur sa chaise, Génas était toujours au sol, face contre terre, et le sinistre familier arpentait la salle tel un lion en cage. Au bout d'un moment ce dernier se coucha sur le sol, tout en dardant un regard ardent sur le jeune mage. Ce qui ne l'aida pas vraiment à faire le vide dans sa tête, et à raisonner sans pression. Il demanda alors à l'intention du nécromancien.

« La citation semble faire référence au temps, n'y avait-il pas un sablier ou quelque chose du genre dans la pièce lorsque vous êtes arrivé ? »

« Non, tout a été vidé il y a belle lurette. Et si un tel objet devait aider à un mécanisme d'ouverture, il n'aurait pas été facile à dérober. Il aurait été encastré dans un mur ou quelque chose du genre. »

C'est vrai, c'était logique. Les yeux d'Adam se posèrent ensuite sur les trois étranges boules de métal, qui formaient les pointes de l'inscription en forme de triangle. Le jeune pyromancien se leva alors et passa les mains sur la première qui se présenta à lui. C'est à dire celle qui se trouvait à droite, parmi les deux qui formaient la base de la pyramide. La surface était étrangement lisse, on y posait aisément une main mais pas les deux. Il tenta de faire pivoter la boule, mais cette dernière, à moitié encastrée dans le mur ne bougea pas d'un pouce. Machinalement, le jeune pyromancien concentra alors une petite quantité de fluide de feu au creux de sa paume. Mais la grosse sphère y resta totalement indifférente.

« J'ai déjà essayé, mais c'est impossible de les faire pivoter. »

(Pourtant elles sont bien là pour quelque-chose non ?)

Se forçant à ne pas désespérer, Adam se tourna vers le vieil homme. Ce dernier l'observait toujours avec ce regard perçant et ce demi-sourire narquois. Le jeune mage avait la détestable impression de se retrouver dans une impasse. Peut-être était-il temps de songer à un deuxième plan, afin d'arriver à mettre les voiles. Sans trop savoir pourquoi il demanda.

« Ca fait longtemps que vous arpentez ces galeries ? »

Son vieil interlocuteur éclata d'un rire froid et sinistre.

« Tu essaies de gagner du temps ? Mais discutons, ça ne me gêne pas. J'aime connaître les personnes que je vais ensuite relever. Ca me permet de me remémorer une vraie histoire en croisant leur regard vide. Ca offre une dimension plus touchante et sentimentale. »

Niveau désespoir, Adam n'aurait pas songé tomber encore plus bas, et les mots du nécromancien lui démontrèrent le contraire. Ce dernier continua cependant, sur le ton de la conversation, comme s'ils étaient en train de discuter autour d'une tasse de thé.

« J'arpente ces souterrains depuis de nombreuses années, suffisamment longtemps maintenant pour faire partie du décor.» Ajouta t'il avec un sourire mystérieux.

« Et toi, parle-moi un peu de toi. Tu n'as pas l'air d'Exech et ça m'intrigue. » Il fit un geste vague vers les étranges inscriptions.
« Ca peut attendre une heure supplémentaire, je ne suis plus à ça près. S'il y a bien une chose que m'ont apprise l'art des arcanes, c'est bien la patience. »

Adam se mit alors à rapidement parler de lui, sans trop rentrer dans les détails mais tout en essayant de gagner un maximum de temps. Il lui parla de sa famille qui avait commencé depuis quelques années maintenant à développer leur affaire commerciale, la petite transaction qui l'avait amené à Exech, et la petite mésaventure qui avait eu lieu sur les quais. Lorsqu'il relata l'anecdote, le nécromancien laissa échapper un ricanement méprisant.
« La Fraternité... Il faut reconnaître que ses chiens ont su tirer avantage de tous les profits que pouvait leur bénéficier le port. »

Il s'esclaffa ensuite quand Adam lui raconta son choix de rester temporairement dans la cité.

« Alors là mon petit, soit tu es totalement inconscient, stupide ou doté d'une paire de couilles d'ogres. »

Il fallut patienter plusieurs secondes avant que le vieil homme calma sa crise de rire. Il essuya ensuite ses larmes avec un bout de sa robe.

« Ma foi, je dois quand même reconnaître que son histoire me plaît. Elle me rappelle mes propres débuts, dans ma quête de savoir et d'initiation. »

Le nécromancien le détailla une nouvelle fois de son regard perçant.

« Tu m'as l'air de quelqu'un de déterminé, ce qui est une qualité essentielle pour avancer, surtout si tu as voulu rester quelques temps dans cette belle ville haha. Mais la détermination ne fait pas tout, il faut aussi du talent qui va avec. L'un ne va pas sans l'autre, sinon au final tu ne fais que du sur-place. Voici donc ce que je te propose.»

Il désigna alors l'étrange inscription.

« Aide moi à accéder à l'antre de Zahlen, et comme je t'avais dit, tu auras une petite part de ce qu'il se trouve derrière, et... Je t'enseignerais certaines choses. Par contre montre toi incompétent, et plutôt que d'aller rejoindre mes squelettes qui gardent l'entrée, j'expérimenterais plutôt sur ton corps et sur celui de ton copain le nain, pour créer un être hybride que j'ai en tête depuis un petit moment maintenant. »

Le fait de se visualiser disséqué, puis assemblé avec Génas dans une macabre expérience, suffit au jeune mage pour le glacer d'horreur et booster sa détermination. Surtout si le nécromancien respectait ses engagements, cela pourrait s'avérer très enrichissant. Faisant à nouveau le vide dans sa tête, Adam se tourna donc à nouveau vers l'étrange inscription en forme de triangle.

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Adam Von Demorlys
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Re: Les Catacombes

Message par Adam Von Demorlys » mer. 3 avr. 2019 14:56

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Au moins une bonne heure avait passé, si ce n'est plus. Lé nécromancien, jusque-là très calme, commençait à démontrer quelques signes d'impatience et d'énervement. Adam avait fouillé la pièce de fond en comble, afin de vérifier si d'autres mécanismes ou indices étaient disséminés quelque part. Mais il n'avait rien trouvé, absolument rien.

Le jeune mage était maintenant devant l'inscription et se creusa la tête avec désespoir.

« Tandis que l'astre solaire s'éveille lentement et que les ténèbres basculent doucement, l'océan continue à paresser tranquillement, indifférent au cycle du temps. »

La citation évoquait une notion de temps. Les trois boules qui faisaient office de bout de triangle devaient servir à quelque chose, mais à quoi ? Ils avaient essayé de les faire pivoter, rouler dans leurs orbites mais rien n'y faisait. Il avait essayé d'approcher une des torches devant chaque boule, dans le sens que ferait un astre solaire. C'est à dire en commençant par celle en bas à gauche, puis celle qui faisait le sommet, puis celle se trouvant en bas à droite. Mais rien, aucun effet visible à noter. Le vieil homme lui s'était levé depuis plusieurs minutes déjà et arpentait la pièce en maugréant, dans ses pensées.
(Sa patience commence à s'amenuiser...)

Se visualisant soudain en version zombi, avec le corps et la barbe du nain qui gisait toujours à terre, Adam mit une main sur la boule située en bas à gauche et tenta une nouvelle fois de la faire pivoter. Le désespoir et l'énervement n'y firent rien, il essaya alors de l'enfoncer dans son orbite, mais toujours rien.
Le jeune pyromancien commençait à sentir son sang bouillonner, lui aussi commençait à perdre patience.
(Que faire ? Rien ne marche, je crois que je ne vais pas avoir le choix il va falloir neutraliser ce type. Est ce que si j'en viens à bout rapidement, cela mettra aussi fin à l'enchantement qui anime ses bêtes de foire?)
Adam jetta un coup d'oeil aux quelques affaires du nécromancien, qui étaient disposés sur le vieux bureau en pierre. Y traînait-il une fiole de poison qu'il pourrait essayer de faire ingérer au vieux fou sans qu'il s'en aperçoive ? Le jeune pyromancien croisa alors le regard ardent du chien de Méno zombifié. Rah ! Aucune marge de manœuvre possible. L'impuissance et l'énervement commençant à prendre le dessus, Adam concentra en creux de sa main, toujours posée sur la boule de métal, une certaine quantité de fluide de feu.

C'est alors qu'enfin une réaction se fit voir. La boule s'illumina soudainement d'une lueur rouge orangée. Sursautant, Adam retira rapidement sa main, stupéfait. Le nécromancien tourna la tête à ce moment, ouvrit de grands yeux ronds et accourra. Il bouscula le jeune mage afin de prendre sa place et voir ce qu'il se passait.

« Qu'est ce que t'as fait ?? »

Manquant de tomber sol, Adam le foudroya du regard.

« Je ne sais pas, j'ai juste concentré du fluide de feu en posant la main sur cette boule, et elle s'est illuminée d'un coup. »

Cependant à peine avait-il fini sa phrase que cette dernière retrouva son état normal, toute lueur envolée.

Les deux hommes se regardèrent perplexes.

« Ca n'a aucun sens, j'avais fait de même sur celle-là et il ne s'était rien passé. »

Adam avait également fait une tentative au début mais cela n'avait rien donné. Il réalisa alors qu'il avait testé cela sur la sphère de droite, et non sur celle-ci.

« Réessaie. »

Le jeune mage opina, il se replaça en face de la boule de métal, concentra une petite quantité de fluide de feu dans sa main et la posa. Une seconde fois la sphère s'illumina alors d'une couleur rouge orangée.

« Passe à celle du haut. »

La recommandation était inutile car Adam était maintenant justement en train de faire de même avec celle qui formait le sommet de la pyramide.

« C'est ce que je fais, ça parle d'astre solaire et de cycle, si on suit le mouvement du soleil... »

Cela aurait pu être ça, mais hélas ce ne fût pas le cas. La seconde sphère en question resta indifférente au fluide, et la première retrouva son aspect de base quelques secondes après qu'Adam eût retiré sa main. Loin de décourager ce dernier, cela le regonfla au contraire à bloc. Ils n'étaient plus dans le brouillard. Ils avaient enfin une piste, c'était indéniable. Il ne restait plus qu'à creuser dans ce sens et ils trouveraient la solution.

Le jeune pyromancien prit alors le temps de réfléchir, tout énervement et impatience envolés. Il était parti du principe que le triangle pouvait représenter le cycle du soleil, vu que la sphère située en bas à gauche réagissait au fluide de feu. Soudain il demanda au vieil homme :

« Où se trouve l'est ici ? »

L'interpellé fit un vague geste vers leur gauche, c'est à dire dans la direction qu'indiquait le coin du triangle, qui réagissait au fluide de feu. Il était donc bien question d'astre solaire et de cycle.

« Ces boules de métal réagissent au fluide. Il y a un ordre qui prend son sens si on lit bien cette inscription. Tandis que l'astre solaire s'éveille lentement et que les ténèbres basculent doucement, l'océan continue à paresser tranquillement, indifférent au cycle du temps... Lorsque le soleil se lève à l'est, la nuit disparaît à l'ouest. Essayez de concentrer du fluide obscur sur la sphère de droite. »

Le nécromancien opina et s'exécuta de suite. Selon ses dires il avait fait une tentative sur la sphère de gauche, et non celle de droite. La boule de métal réagit alors à son tour, et prit brusquement une teinte d'un noir totale.
Le vieil homme poussa alors une exclamation réjouie et éclata de rire :

« Bien joué petit ! Comme quoi il aurait fallu que je sois plus consciencieux, et que je fasse le test sur ces trois satanées sphères. Ca me servira de leçon. Reste plus que celle du haut maintenant, tu manipules des fluides d'air ? »

Adam fut un peu décontenancé par la réponse :

« Non pourquoi ? »

« A ton avis ? Est, ouest, et la pointe du triangle désigne le ciel, j'en déduis donc que la sphère du haut réagit au fluide aérien. »

« Hmm, je ne suis pas trop d'accord. Les inscriptions mentionnent un astre solaire, l'obscurité et un océan. Pour moi la pointe du haut désigne plutôt le nord. L'océan se trouve bien au nord d'Exech non ? »

Le nécromancien hocha, pensif.

« Oui c'est vrai, il doit s'agir d'une sorte de pense-bête vu qu'il avait plusieurs antres disséminés sur le continent. »

Adm hocha à son tour, toute inquiétude avait laissé place à l'excitation. Une chose le laissait cependant perplexe, dès qu'ils ôtaient leur main des sphères, ces dernières reprenaient leur apparence d'origine.

« Comment faisait-il pour toucher simultanément ces trois sphères avec trois fluides différents ?  Je me souviens vous avoir entendu dire qu'il manipulait les fluides d'obscurités et de feu, comme moi. Il en maniait aussi un troisième ?

« C'est ce que j'étais en train de me demander. Ca ne pouvait pas être son compagnon mort-vivant, ce dernier était un ogre monstrueux qui misait tout sur la force physique... Peut-être avait-il une veara. » Ajouta t'il plus pour lui-même.

« Une quoi ? »

« Rien oublie. En tout cas nous voilà dans une impasse, aucun de nous deux n'utilise de fluides aqueux ou aériens. Nous reste plus qu'à aller chopper un gars à la surface qui fera l'affaire et aidera à vérifier notre théorie. »

Adam secoua négativement la tête, et fit un signe vers Génas.

« Pas besoin, mon compagnon manipule des fluides d'eau. »

Tous deux tournèrent alors la tête vers le nain, qui était toujours étalé au sol, face contre terre.

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Adam Von Demorlys
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Re: Les Catacombes

Message par Adam Von Demorlys » mer. 3 avr. 2019 15:01

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Penché sur le nain, Adam était en train de lui mettre de grandes claques pour essayer de le réveiller. En vain. Même s'ils lui avaient ôté son casque, le jeune mage secoua une main douloureuse.

« Bon sang mais c'est qu'ils sont faits de pierre. »

« Mets le feu à sa barbe, ça le réveillera. »

« Si je fais ça je crains qu'il ne se montre moins coopératif à son réveil. »

Le jeune mage se remit à secouer son compagnon. Celà n'eût d'autre effet que de faire baver et marmonner ce dernier. Agacé, Adam le lâcha et se massa les avant-bras. Le nécromancien s'avança alors et lança son pied en direction des parties intimes du nain. Un beuglement de douleur résonna dans la pièce, et le petit combattant roula sur quelques mètres sous l'effet de la douleur et se releva tant bien que mal.

« Continue à courir Adam ! T'arrête pas ! J'vais les retenir comme si... »

Génas se tut alors et cligna des yeux en lorgnant le jeune mage et le nécromancien qui lui faisaient face, tranquilles, les mains sur les hanches. Le nain cligna.

« Je.. J'ai loupé quelque chose ? C'est qui lui ? »

Le petit combattant poussa alors une exclamation et brandit sa hache en apercevant le molosse mort-vivant.

« Par les enfers qu'est ce que cette démonerie ?! »

« Eades » / « Eades »

Adam aurait bien aimé sauter l'étape des explications et passer directement à l'ouverture de l'antre, mais il était nécessaire de passer par là s'ils voulaient bénéficier de l'aide de Génas. Le jeune mage prit alors le temps d'éclairer son compagnon sur les événements, tout en omettant de préciser la menace qui planait sur eux. Le nain était tellement borné qu'il serait de suite monté sur ses grands chevaux et les aurait mis plus en danger qu'autre chose. Après qu'un « oh » silencieux se forme sur ses lèvres, accompagné d'un lent hochement de tête.

« Mais qu'est ce que j'y gagne moi ? »

(La possibilité de rester en vie?)

Le jeune bourgeois n'eût pas la peine de formuler sa pensée, le nécromancien le fit pour lui avec exactement les mêmes mots. Alors que Génas s'apprêtait à ouvrir la bouche pour répliquer vertement, le macabre chien de Meno se mit à gronder sourdement, tout en exhibant une rangée de crocs inquiétants et une gorge flamboyante. Tressaillait, le petit combattant ravala ses remarques et hocha rapidement, même si c'était de mauvaise grâce.

Quelques minutes plus tard, Adam était positionné en face de la sphère située en bas à gauche du triangle, le nécromancien devant celle de droite, et Génas était entre les deux, perché sur une chaise.

« Ca va pas l'faire, j'arrive pas à atteindre la pointe j'suis trop petit. Va falloir que je monte sur vos épaules les gars. »

« Allons, si tu te mets sur la pointe des pieds tu peux l'atteindre non ? »

Mais visiblement non. Les deux lanceurs de sorts s'éxécutèrent donc à contre cœur en se rapprochant. Génas se hissa alors maladroitement sur leurs épaules, leur arrachant à tous deux une grimace de douleur.

(Bon sang mais c'est à croire qu'ils sont vraiment faits de pierre ! Comment peut-on peser aussi lourd pour un si petit gabarit ?)

Une fois debout avec un pied sur l'épaule d'Adam, et l'autre sur celle du vieil homme, le nain s'agrippa à la petite sphère qui formait le sommet en demanda :

« Voilà ! J'fais quoi maintenant ? »

Le nécromancien, la mâchoire contracter maugréa impatiemment :

« Concentrez du fluide aqueux dans votre paume et posez là sur la sphère. Adam faites de même avec du fluide de feu et moi avec du fluide obscur. A mon signal à trois. Un... Deux... Trois ! »

Simultanément les trois compères concentrèrent leurs fluides, et les trois étranges boules de métal réagirent en conséquence. L'une s'illumina violemment d'une teinte rouge orangée, une autre d'une teinte bleutée et la dernière prit une couleur noir jais. Les deux mages reculèrent d'un pas, et le nain perché bascula puis s'écroula au sol. Ce dernier se releva en pestant.

« Et maintenant se passe quoi ? »

Le nécromancien lui intima le silence d'un geste agacé. Tous étaient tout ouïs. Adam sentait son cœur battre la chamade, avaient-ils eu raison, avaient ils eu torts, ils allaient avoir la réponse maintenant. Les trois sphères avaient toujours leurs couleurs respectives, mais rien d'autre ne semblait se produire. Alors qu'Adam se visualisait arpenter ses galeries sous forme de squelette, un mécanisme se fit alors entendre de l'autre côté du mur. Le bruit tout d'abord très discret, gagna en intensité, puis la grande inscription triangulaire sembla s'enfoncer elle-même dans le mur. Elle pivota alors dans un grondement, et laissa place à une entrée menant à une pièce plongée dans les ténèbres.
Adam sursauta presque lorsque le nécromancien poussa un hurlement de joie. Ce dernier arracha une des torches qui était accrochée au mur et se précipita à l'intérieur de la salle secrète. Quand le jeune mage y entra, le vieil homme avait déjà allumé les quelques torches qui étaient disposées contre les murs de la vaste pièce. Cette dernière était presque deux fois plus grande que celle qu'ils venaient de quitter. Tout le long des murs étaient disposées des bibliothèques surchargées d'ouvrages, notes et babioles, un grand coffre, et un vaste bureau sur lequel étaient disposé trois petits coffrets.

Ce n'était pas vraiment sa quête, mais Adam devait reconnaître qu'il s'était pris au jeu dans cette résolution d'énigme. Passé le soulagement d'avoir rempli sa part du marché, la curiosité pris le dessus, de plus l'exitation du nécromancien était contagieuse. Ce dernier courait d'un bout à l'autre de la pièce, on aurait dit un gamin découvrant une foire. Adam se dirigea vers une étagère et parcourut quelques ouvrages. Ces derniers traitaient le corps humain, la divinité Phaitos, un ensemble de légendes concernant ce dernier et d'étranges reliques. Il tomba aussi sur des carnets sur lesquels étaient griffonnés des notes concernant diverses catégories de morts vivants, totalement inconnus au jeune mage qui n'y connaissait presque rien. Toute cette quantité de savoir lui donnait presque le tournis. Le vieux fou accepterait il au moins de partager cela avec lui ? Ce dernier lui avait promis qu'il lui céderait une partie du butin. Adam se dirigea ensuite vers le vaste bureau sur lequel était disposés trois coffrets. Il saisit celui de gauche et le tira vers lui. Visiblement il n'était pas fermé à clef, tant mieux, mais dit le jeune bourgeois dût quand même bien forcer pour arriver à l'ouvrir.

« Si vous permettez, vu que j'ai rempli ma part du marché je vais prendre ce petit coffre. »

En entendant le grincement métallique et les propos d'Adam, le nécromancien tourna de suite la tête. Il accourut ensuite et bouscula le jeune mage, qui manqua de tomber à la renverse.

« Fais voir ! »

Alors que le pyromancien se redressait en pestant intérieurement, le vieil homme ouvrit le coffret, éclata de rire, reprit son sérieux et retourna au grand coffre qu'il venait d'ouvrir.

« C'est bon tu peux prendre. »

Foudroyant le dos du vieillard du regard, Adam se demanda alors l'espace de quelques secondes s'il pouvait profiter de l'inattention du nécromancien pour l'assassiner, et s'accaparer tous les biens qu'ils venaient de trouver. Mais le bon sens prit le dessus. Le pyromancien prit le petit coffret et alla rejoindre Génas, qui était resté à l'entrée. Ce dernier n'était pas vraiment intéressé par les biens d'un ancien Lord nécroman.

« Merci pour ton aide. »

« Pas de soucis, tu crois qu'on peut y aller tant qu'il est occupé ? »

C'était une bonne question, le nécromancien tiendrait-il vraiment parole en les laissant partir ? Sans vraiment trop savoir pourquoi le jeune mage croyait en sa sincérité, après tout il lui avait laissé prendre l'un des coffrets non ? Adam jeta un regard en direction de l'unique sortie. Eades, était couché à un mètre de celle-ci et les lorgnait d'un regard flamboyant et peu avenant. Soudainement le pyromancien fût un peu moins sûr.
Il allait répondre lorsque que le vieil homme les rejoignit.

« Fantastique, vraiment fantastique. Vu la tonne d'ouvrages et de notes que je viens de trouver, cet antre devait être l'un de ses principaux. »

Il se tourna vers le jeune bourgeois et lui mit une tape sur l'épaule.

« Encore merci Adam. J'avoue que ta vivacité d'esprit m'a surpris, je t'avais sous estimé. A vrai dire j'avais pensé que tu m'aurais été plus utile en gardant le couloir avec les autres, mais il faut croire que j'ai bien fait de t'avoir laissé une chance. »

Le jeune mage hocha légèrement la tête en signe de remerciement. Une question lui brûlait le bout de la langue. Serait-ce exagéré de demander cela en plus ? Tant pis, qui ne tente rien n'a rien.

« De rien, je reconnais aussi que ce petit casse-tête était assez plaisant si on faisait abstraction des circonstances. Dites moi... Serait il possible de prendre deux ou trois ouvrages de ces bibliothèques ? Comme je vous l'avais dit j'envisage de me lancer dans l'art des arcanes et d'approfondir mes connaissances. Ces recueils m'y aideront indéniablement. »

L'air du nécromancien s'assombrit soudain et il darda sur le mage un regard pénétrant. Oups, avait-il fait une bourde, le vieillard était il radin à ce point ? Ce dernier mit plusieurs secondes avant de répondre.
« Tu sais Adam, je t'aime bien. Tu as du potentiel et tu me rappelles moi-même dans ma jeunesse. Ce que je peux te proposer plutôt, c'est de rester quelques temps avec moi. Et je t'enseignerais certaines choses qui t'aideront pour tes projets, des bases. Qu'en dis tu ? »

Adam ne s'était pas attendu à cela. L'offre était alléchante, pourquoi diable refuserait-il ? Parce que le vieillard qui se trouvait devant lui était surtout une de monstruosités, relevant des cadavres à tout va ?
L'homme était surtout une grande source de savoir. Son expérience, ses connaissances et ses talents vaudraient mille fois la lecture d'un de ses ouvrages, c'était indéniable. Adam passa outre les marmonnements du nain et acquiesça.

« Se serait avec plaisir. »

Coupant court, le combattant nain intervint alors.

« Excusez-moi, mais l'ouverture de cet.. « antre » ne passera peut être pas inaperçu longtemps. Et vue tout ce qui regorge à l'intérieur, se ne sera qu'une question de temps avant que ça attire du monde. Que ferons-nous lorsque tout un clan nous tomberont dessus pour s'accaparer tout ça ? »

Le nécromancien éclata d'un rire aigu et strident.

« Ne vous faites pas mon cher nain, c'est justement mon clan qui m'a aidé à nettoyer et sécuriser ce petit secteur. Ce que j'apprendrais ici sera certes très enrichissant pour moi, mais la guilde en bénéficiera aussi par mes talents. »

« Oh... » Visiblement pris de court, Génas ne se laissa cependant pas démonter.

« Mais visiblement ils vous ont ensuite laissés ici jouer tout seul aux devinettes. Comment fera t'on alors si un clan plus grand et plus fort débarque afin de nous casser la tête pour cette salle ? »

La réponse ne se fit pas attendre, le mystérieux nécromancien répondit du tac au tac en retournant dans la salle qu'ils avaient ouvert quelques minutes plus tôt.

« Nul en ces lieux n'est plus fort que nous. »

Une réponse simple et claire, qui arracha aux deux compagnons une expression déconcertée. (Quoi, un clan qui régnerait sur ses souterrains?) Adam se remémora alors quelques paroles de Zack, qui lui avait fait un topo sur la ville durant leur trajet. L'enchanteur, qui avait vécu un long moment ici lui avait parlé d'un cinquième clan mais dont il ne savait presque rien, à croire qu'il ne s'agissait en fait que de rumeurs. Ce dernier se faisait appeler « les Crocs de l'Ombre ». Existaient-ils vraiment ? Et si oui cet étrange vieillard en faisait-il vraiment parti ?
Alors qu'Adam suivit le vieil homme, la tête pleine de questions, ce dernier leur dit :

« Au fait je ne me suis pas présenté. Vous pouvez m'appeler Ankil. »

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Adam Von Demorlys
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Re: Les Catacombes

Message par Adam Von Demorlys » lun. 6 mai 2019 16:41

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L'épais voile noir volait autour de lui à une vitesse folle. Cette danse effrénée lui donnait presque le tournis. Cependant Adam résista à l'impulsion d'écarter ce gênant obstacle d'un revers de la main, car il savait pertinemment que cette dernière passerait à travers l'ombre immatérielle. Se concentrant alors au maximum, le jeune mage essaya de faire abstraction du sortilège qui entravait son champs de vision, et se focalisa sur le nécromancien qui lui faisait face. Bien sûr c'était plus facile à dire qu'à faire. Son assaillant bondit sur le côté, vers un point qui se situait pas loin sur la gauche du jeune bourgeois. Cependant, le voile noir immatériel sembla choisir ce moment pour tournoyer furieusement juste devant ses yeux. Joueur, Adam visualisa cependant l'endroit où le soixantenaire avait dû atterrir, concentra une petite boule de feu au bout de sa baguette et l'y projeta sans tarder. Seulement, à peine une seconde plus tard, le jeune bourgeois ressentit le bout d'un bâton lui heurter douloureusement les côtes. Plié, les mains sur son flanc, les ténèbres dansantes se dissipèrent alors. Grimaçant, Adam leva les yeux, et vit son mentor-depuis-peu lui adresser un sourire goguenard. Ce dernier se trouvait un bon mètre plus loin de l'endroit qu'avait imaginé le jeune mage. Ankil, tourna la tête vers l'impact fumant qui marquait le mur de la salle, et qui se trouvait à plusieurs mètres de lui.

« Eh ben ! J'espère que tu vises d'ordinaire mieux que ça , sinon je ne donne pas cher de ta peau. »

Adam se redressa en se massant la côte.

« C'est ma faute, je vous imaginais moins vivace avec votre canne. »

Le nécromancien éclata de rire en réaffirmant sa prise sur son bâton de magie.

« Epargne moi tes railleries sur mon vieil âge sinon ou cette fois je te brise la côte. »

Le jeune bourgeois n'eût pas le temps de répondre à la boutade, son mentor enchaîna en reprenant brusquement son sérieux.

« Crépuscule ciblé. Un sort qui te sera plus qu'utile si tu envisages de te plonger pleinement et complètement dans l'art des arcanes. Personnellement j'ai cessé de tenir le compte de toutes les fois où ce sort m'a tiré de mauvais pas. Comme tu as pu le constater il a un rôle aussi défensif qu'offensif. Le champs de vision de ton adversaire se retrouve considérablement réduit, ce qui entravera toutes ses tentatives d'attaques mais aussi de défense. A ce moment là ne suis laisse aucun répit. »

La démonstration avait effectivement été plus que convaincante. Adam hocha la tête et continua à écouter le soixantenaire avec attention.
Leur rencontre remontait à très peu de temps, à la veille plus précisément. Adam et son compagnon nain, Génas, étaient tombés par hasard dans cette salle en essayant d'échapper à un groupe de squelettes, une macabre petite troupe qui s'avérait être sous le contrôle du vieil homme. Génas ayant été mis KO par un piège dès leur arrivée, Ankil avait passé un marché avec le jeune mage. Ce dernier l'aidait à résoudre l'énigme qui recouvrait l'un des murs de la salle, permettant ainsi d'accéder à l'antre d'un ancien et puissant nécromancien, et il le laisserait partir sain et sauf avec deux ou trois babioles de ce qu'ils auraient trouvé à l'intérieur. Adam avait alors respecté sa part du marché, même si cela avait été laborieux. De plus Ankil avait bien aimé les ambitions ainsi que l'histoire du mage inexpérimenté, se remémorant ainsi sa propre jeunesse. Il lui avait donc proposé de lui enseigner quelques bases concernant l'art des arcanes, chose qu'Adam avait volontiers accepté. De plus le vieil homme l'intriguait. Le peu d'informations qu'il avait laissé échappé le concernant, laissait à penser qu'il était affilié à un puissant clan régnant sur cet immense dédale souterrain. Ayant eu un gros topo sur cette cité anarchique avant d'y mettre les pieds, Adam soupçonnait alors qu'il ne s'agisse des Crocs de l'ombre.
Mais dans l'immédiat l'attention d'Adam était entièrement tournée sur les explications du nécromancien.

« Je sais que tu as acquis tes fluides obscurs très récemment et que tu ne t'es pas encore trop familiarisé avec, mais il faut que tu sois conscient d'une chose avant de les manipuler...  Avec la magie que j'appelle élémentaire, c'est à dire qui concerne le feu, la glace, l'eau, la foudre, la terre et l'air, tu te contentes généralement et grossièrement de modeler et concentrer ces énergies pour qu'il en résulte des sortilèges.»

Adam remarqua le dédain avec lequel son mentor avança ses derniers propos. Le nécromancien semblait pleinement plongé dans la magie obscure, et le jeune mage ne se donna donc pas la peine d'essayer de contre-dire le vieillard. (A cet âge ils sont généralement plus bornés qu'autre chose). Puis il fallait l'avouer, même si Adam était encore très inexpérimenté, ses propres connaissances et ce qu'il avait pu observer donnaient pour l'instant raison à Ankil. Ce dernier poursuivit, d'un ton soudainement bien plus doucereux, on pourrait même dire, affectueux.

« Tandis qu'avec les fluides obscurs... Tu as accès à bien plus de diversité, et donc de complexité. Il n'y a pas à se contenter que de donner telle ou telle forme à ton fluide. Tu peux aussi agir directement sur le moral de ton adversaire, par exemple en jouant sur ses peurs et terreurs. Tu peux manipuler et faire naître l'obscurité, jouer sur les forces vitales de ton corps et ceux de tes ennemies ainsi qu'alliés, et surtout agir sur l'une des choses les plus sacrées qu'il soit... A savoir la mort... »

Le ton et l'expression d'Ankil étaient on ne peut plus théâtral. Mais Adam devait reconnaître que cela faisait son effet. Etant un habitué des fluides de feu, le jeune mage était un total novice en matière de magie noire, et le tableau que dépeignait le nécromancien était aussi intriguant qu'attrayant.
Adam se reconcentra lorsque son interlocuteur revint sur le vif du sujet.

« Le sort que je viens de te montrer est que je vais t'enseigner est assez basique. Comme tu as pu le constater, il s'agit simplement d'envoyer une ombre obstruer le champs de vision de ton adversaire. Maintenant à toi d'essayer, comment vas tu procéder ? »

C'était une excellente question, et Adam réalisa alors la véracité des propos qu'avait eu le vieil homme juste un peu plus tôt. Jusqu'à maintenant sa connaissance de la magie consistait à concentrer une quantité de fluide et la projeter, ou s'en entourer. Le fluide qu'avait utilisé Ankil semblait doté d'une volonté propre, comment diable imposer à cette énergie de tels mouvements et intentions ? Le jeune mage n'en avait aucune idée. Cependant il ne se laissa pas démonter et se creusa les méninges. Il pouvait toujours essayer de concentrer une petite quantité de fluide et l'envoyer en commandant sur un ordre précis. Le jeune bourgeois se souvenait avoir déjà essayer cela avec les fluides de feu mais sans grand résultat. Peut être que se sera différent avec les fluides obscurs. Il concentra alors une petite quantité d'énergie au bout de sa baguette, décidé à tout de même essayer. Expérimenter contribue à l'apprentissage après tout n'est ce pas ?
Une fois cela fait Adam, n'essaya pas de donner au fluide une forme particulière, il effectua alors un arc de cercle en direction d'Ankil, de bas en haut, projetant alors sur ce dernier une file volute ténébreuse, qui se dissipa rapidement.

« Non, non ce n'est pas comme ça que ça va marcher.  A ton stade de débutant il va falloir que tu fasses preuve d'astuce pour y arriver puis gagner en aisance avec ton sort. Dans l'idéal il est plutôt conseillé de viser le l'ombre de ton adversaire pour ensuite l'animer. »

Pensif, Adam demanda :

« Peut être que pour commencer je pourrais me faire la main avec ma propre ombre non ? »

« Hmm, oui tu peux... Se sera plus simple effectivement vu que tu n'es pas encore rodé à cette forme de magie. »

Opinant, Adam se focalisa à nouveau et concentra une petite quantité de fluide obscur au bout de sa baguette.Après quelques courtes secondes, il baissa les yeux sur sa propre ombre et y envoya la petite quantité d'énergie. Cependant il n'envoya pas tout soudainement, le jeune mage prit soin de maintenir un peu de fluide au bout de sa baguette. C'était alors comme un long fil brumeux et ténébreux qui reliait l'arme et l'ombre d'Adam, qui semblait s'obscurcir comme si elle devenait subitement plus dense et nébulleuse.
Sans trop savoir comment l'expliquer, le jeune bourgeois sentit alors comme une sorte de connection entre sa baguette et son ombre. C'était une sensation étrange, Adam resta cependant concentrer et leva sa baguette d'un geste fluide. Son ombre, qui semblait devenue une petite masse brumeuse et ténébreuse, s'éleva alors telle une petite marionnette obéissant docilement à l'ordre imposé par le fil de fluide. Ce dernier sembla cependant un peu fragile, car il se rompit peu après et la masse retomba paresseusement, reformant ainsi l'ombre d'Adam.
Ankil hocha la tête d'un air approbateur :

« Hmm, c'est un bon début. Continue comme ça essaie d'y mettre plus de volonté et d'énergie. »

Egalement satisfait par ce premier essaie, le jeune mage opina et se reconcentra à nouveau. Cet exercice avait quelque chose d'excitant, car il s'agissait pour Adam d'une manière de faire totalement inédite, et cela ouvrait de nouvelles et nombreuses possibilité qui allaient s'avérer toutes aussi intéressantes que captivantes à explorer.
Le jeune bourgeois canalisa alors à nouveau une petite quantité de fluide au bout de sa baguette, et la projeta sur son ombre tout en maintenant un lien avec son arme. Sa sombre silhouette sembla une nouvelle fois prendre une consistance plus nébuleux et dense. Adam releva alors le bras tout en se concentrant intensément.

L'ombre immatérielle s'éleva alors doucement, suivant la volonté du fil obscur. (Il faut que je trouve un moyen de lui donner du mouvement tout en rompant ce fil, je ne peux pas me permettre de maintenir un tel lien en plein combat...). Le jeune mage décrivit alors une série de cercles au dessus de sa tête, faisant ainsi tournoyer la masse noire un peu au dessus de lui puis relâcha le lien. L'ombre retomba alors lentement, effectuant autour de mage plusieurs ronds qui entravèrent légèrement la vue de ce dernier, cependant pas au point de l'handicaper.
Ce qu'il venait de faire n'avait encore rien à voir avec le sort du nécromancien, dont la forme invoquée avait été bien plus dense, noire, rapide et agressive. Mais c'était tout de même un premier pas, chose que confirma Ankil en reprenant la parole :

« C'est pas mal, c'est un bon début. Dis moi, tu avais trouvé une fiole de fluide obscur dans le coffret que je t'avais laissé prendre non ? »

« Oui effectivement. »

Respectant sa part de leur marché, Ankil avait laissé au jeune mage un des petit coffres qu'ils avaient trouvé dans l'antre du feu grand nécromancien Zahlen, lorsqu'Adam avait aidé le vieil homme à y pénétrer. Le coffret contenait une fiole de fluide de feu et une d'obscurité.

« Petit veinard va. Dans ce cas dépêche-toi de l'absorber et continue à t'entraîner, tu seras plus efficace comme ça. Moi je retourne à côté lire un des nombreux ouvrages que l'on a trouvé. Tu as les bases donc maintenant débrouille toi, c'est comme ça que tu apprendras le mieux. Quand tu penseras que se sera bon appelle moi, mais ne me dérange pas avant ça. »

Sur ces mots, le vieil homme regagna la pièce voisine, à savoir l'antre qu'il avait ouvert en résolvant une énigme. Eades, son familier, un chien de Méno zombifié le suivit, laissant ainsi le jeune mage seul dans la salle.
Adam se dirigea alors vers le coffret qu'il avait posé par terre contre un mur, s'accroupit et l'ouvrit. Les deux fioles y reposaient toujours tranquillement, n'attendant qu'à être absorbé. Le mage prit celle dans laquelle semblait se mêler vapeur et aquosité. En son centre flottait paresseusement une petite forme ronde d'un noir total. Adam la prit et se redressa.

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Modifié en dernier par Adam Von Demorlys le lun. 6 mai 2019 16:45, modifié 1 fois.

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Adam Von Demorlys
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Re: Les Catacombes

Message par Adam Von Demorlys » lun. 6 mai 2019 16:44

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Le jeune mage ôta le bouchon de la fiole, de laquelle s'échappa une petite volute de vapeur obscure. Sans savoir pourquoi Adam sentit alors ses poils se hérisser et un petit frisson lui parcourir l'échine. C'était la deuxième fois qu'il absorbait du ce genre de fluide, et la première fois en telle quantité. Bien que la fiole n'était pas très imposante en soi, voir ainsi cette énergie dans son état la plus pure et s'imaginer l'absorber avait quelque chose d'assez impressionnant. Adam se demandait si on pouvait vraiment s'habituer à une telle chose, tant celle-ci restait quand même un événement loin d'être anodin dans la vie d'un lanceur de sort.
Après avoir pris le temps de contempler avec une certaine fascination le fluide obscure qui tournoyer tranquillement au centre de la fiole, le jeune bourgeois porta cette dernière à ses lèvres et redressa lentement la tête. Le contenu glissa lentement le long de sa gorge et rapidement le mage fut assaillit par diverses sensations et émotions. On aurait dit que la luminosité de la pièce avait soudainement et désagréablement été décuplé. Son rythme cardiaque s'accéléra dangereusement et Adam eût comme une perception accrue de son environnement. Il percevait comme de sombres effluves circuler tel un vent frais dans les couloirs entourant la salle dans laquelle il se trouvait, et entrer dans cette dernière, amenant avec elle des émanations de mort et de putréfaction. Après tout était-ce si étonnant que cela vu l'endroit où ils se trouvaient ? Bien qu'ils étaient effectivement au centre d'un gigantesque réseau de catacombes, jamais Adam n'avait cependant jamais ces fluides ambiants et ces odeurs avec autant de netteté. C'était comme si ces effluences pénétrèrent directement sa chaire, mettant ainsi tout son organisme en péril. Sa respiration se fit difficile, il eût l'impression que son corps se refroidissait comme s'il devenait malade. Puis au bout de quelques pénibles secondes, son métabolisme sembla reprendre le dessus, retrouvant sa vitalité d'il y a quelques minutes, si ce n'est même plus encore... L'atmosphère et l'énergie ambiantes qu'il percevait toujours, lui parurent alors moins néfastes. Il aurait même dit, plus accommodant. Comme si lui-même se sentait soudainement moins allogène.

Il fallut à Adam quelques minutes avant de retrouver des sensations et une perception « normales ». Passé le mal-être des premières secondes, il se sentit étonnement très en forme.

Adam retourna alors à son exercice. Sans surprise il sentit qu'il n'avait aucun mal à concentrer une plus grande quantité au bout de sa baguette. Le jeune mage la projeta à nouveau sur son ombre, tout en maintenant un fin lien brumeux avec. Effectuant un mouvement du poignet, il souleva une masse ténébreuse un peu plus importante et dense que la dernière fois. Loin de se laisser distraire par la satisfaction, le jeune bourgeois continua à se focaliser sur son sort et fit tourner l'ombre au dessus de sa tête tout en répétant mentalement et intensément cet ordre
(Tournoie autour de moi. Tourbillonne furieusement afin de ne rien me laisser voir de ce qui m'entoure.)

Adam relâcha alors le lien et l'ombre virevolta autour de lui plus longtemps et un peu plus rapidement que lors de son dernier essaie. Mais ce dernier était encore loin d'être de la même efficacité que la démonstration du nécromancien.
(Peut-être que l'ordre n'est pas assez précis ou intense... Ca ne peut être que ça vu que de toute façon la quantité de fluide y est).

Le mage réitéra alors un essaie, concentrant une nouvelle fois une petite quantité de fluide obscur au bout de son arme, et envoyant celle-ci sur son ombre tout en maintenant un petit lien. A nouveau il éleva cette dernière dans les airs, à quelques centimètres de son visage. Cependant en plus de répéter mentalement les mêmes ordres que quelques instants plus tôt, Adam visualisa intensément ce qu'il attendait du sortilège. Alliant ainsi ordres mentaux et visualisation, il acheva la rotation de son poignet d'un mouvement sec et l'ombre tournoya alors avec plus de vivacité autour de lui. Il progressait, l'essai était assez satisfaisant mais ne rivalisait pas encore avec la qualité du sort du vieil homme.
(Il faudrait que j'arrête de comparer mon sort au sien. Ankil a des décennies d'expérience et de pratique derrière lui, il est évident que je n'aurais pas sa qualité de maîtrise pour ce sort en seulement une soirée. Il faut plutôt que je me concentre bien sur les bases du sortilège. Que je sache l'employer avec un minimum d'efficacité pour m'en servir utilement, puis l'aisance et la qualité viendront à force de pratique et perfectionnement. )

Rapidement Adam concentra cette fois une nouvelle fois de fluide obscure un peu plus importante au bout de son arme, et visa non pas son ombre, mais cette du bureau de pierre qui se trouvait à deux mètres de lui. Après y avoir expédié la sombre énergie, tout en maintenant un mince lien, il visualisa l'ombre dense virevolter furieusement au dessus du meuble. Cette dernière s'exécuta, mais un peu plus paresseusement que ce qu'Adam aurait voulu. Le mage se satisfit quand même de ça, c'était son premier essai sur une ombre autre que la sienne, et finalement les choses ne semblaient pas si différentes. Mais après réflexion en fait si. (Le temps que je mets pour mettre l'ombre en mouvement est un peu plus long et demande un peu plus d'effort).
Un problème qui pourrait s'avérer fatal en plein combat. Adam réfléchit au soucis et choisit d'arrêter ses essaies. Ses réserves de fluides obscurs arrivaient de toute façon presque à sec et il passa le reste de la soirée à lire un des ouvrages d'Ankil et à discuter avec ce dernier. Après un petit repas composé de fruits ainsi que de viande séchée et d'une nuit de sommeil. Adam reprit son entraînement le matin au réveil.

Cette fois cependant il visualisa la scène qu'il voulait produire en même temps qu'il concentrait le fluide au bout de sa baguette, et non lorsqu'il maintenait le lien. Le jeune mage s'aperçut alors que procéder ainsi l'aider à gagner légèrement en rapidité. Il réalisa aussi qu'il était justement plus à l'aise en imaginant précisément le sort agir de telle façon, qu'en formulant simplement les ordres dans sa tête. Il continua cependant à faire les deux, exerçant ainsi sa volonté. Le mage faisait justement plus que de s'entraîner à lancer ce simple sort, il travaillait sa manière de lancer des sortilèges. Alliant visualisation et ordre mentaux, le sortilège devait ainsi devenir une véritable extension de sa volonté. Cette manière de procéder ne pourrait qu'aider à gagner en rapidité et donc, efficacité.
Adam commençait à être un minimum satisfait de ses essaies, alors qu'il allait rejoindre Ankil dans l'unique pièce voisine, le jeune mage entendit un bruissement derrière lui.
Tournant la tête, il aperçut un homme au seuil de la seule entrée / sortie qui menait aux galeries. Ce dernier parut tout aussi étonné que lui, mais fut plus prompt à dégainer la baguette qui se trouvait à sa ceinture.

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Adam Von Demorlys
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Re: Les Catacombes

Message par Adam Von Demorlys » lun. 6 mai 2019 16:55

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Adam fronça les sourcils devant cet homme qui venait de pénétrer dans l'antichambre, et saisit sa baguette quand il vit ce dernier faire de même. Plusieurs choses étaient inquiétants chez cet inconnu. Bien qu'il était sobrement vêtu, ses vêtements de cuir étaient d'une très belle qualité, en particuliers l'arme qu'il venait de prendre en main, mais qu'il maintenait qu'à moitié levée. Mais le plus alarmant...

(Comment diable est il parvenu jusqu'ici, les squelettes d'Ankil ne sont pas censés monter la garde juste devant et dans les alentours ? Même s'il en était venu à bout on aurait entendu du remue-ménage dehors...).

L'individu semblait aussi perplexe et méfiant que le jeune mage. Il semblait avoir la trentaine passé, ses long cheveux d'un noir jais étaient solidement attachés en queue de cheval, et leur teinte contrastait violemment avec le teint plus que pâle de sa peau. On aurait dit que l'inconnu n'avait jamais vu la lumière du jour, ou que cela remontait à des mois, voir des années. Mais cela serait-il si étonnant au final ? Bien que l'humain était sur le qui-vive, il émanait de lui une certaine aisance. L'aisance d'une personne très familière à ces catacombes. Une petite voix conseillait à Adam de se montrer extrêmement prudent. L'homme fut le premier à rompre le silence, d'une voix tout aussi sèche que tranchante.

« Qui êtes-vous ? »

Ca c'était fort ! L'homme débarquait comme ça de nulle part sans crier garde, c'était plutôt à eux de oser cette question.

« Vous, qui êtes vous ? »

Un éclair sembla passer dans les yeux verts de l'inconnu, et ce dernier dressa subitement sa baguette. Adam alla faire de même mais une voix les interrompit. Ankil avait quitté l'antre du feu, grand nécromancien Zahlen et venait de les rejoindre dans l'anti-chambre. Vraisemblablement ce dernier avait entendu leurs voix.

« Razel ! Je ne t'attendais pas à te revoir si tôt mon ami. »

L'interpellé baissa légèrement son arme et fronça les sourcils. Le nécromancien lui fit une rapide accolade, recula d'un pas et fit un signe vers le jeune mage qui était toujours sur ses gardes.

« Voici Adam. Il m'a aidé à accéder à l'antre de Zahlen. »

La tension ambiante diminuant lentement, le dénommé Razel rangea son arme tout en lorgnant ce dernier d'un regard méfiant.
(Visiblement il n'a pas l'air d'apprécier ma présence...)
Le nouvel arrivant ne formula cependant aucune de ses pensées et reporta rapidement son attention sur Ankil, sortit une lettre d''une de ses poche et la tendit à ce dernier.

«Tiens, j'ai eu vent de ça il y a peu. J'ai pensé que ça pourrait t'intéresser.. »

Le soixantenaire fronça les sourcils, prit la missive et entama sa lecture. Curieux, Adam resta silencieux, et vit une suite d'émotions passer sur le visage du nécromancien, allant de la perplexité à la surprise, puis ce dernier afficha un troublant sourire, dans lequel on pourrait presque imaginer de la convoitise.. Il replia la lettre et la mit à l'abri dans sa robe.

« Merci Razel. Cependant tu sais que je ne peux pas trop me permettre de me balader à la surface, mais je saurais trouver un moyen d'en savoir plus. »

« Je n'en doute pas. »

Dit l''homme hocha lentement la tête. Il braqua ensuite un regard méfiant sur Adam et demanda, son ton ayant retrouvé tout son tranchant.

« Qui est-ce ? »

« Je suis tout à fait en mesure de répondre moi-même. Adam, enchanté. »

Visiblement le nouvel arrivant n'apprécia pas du tout le ton employé. Il raffermit sa prise sur sa baguette et entreprit de s'avancer vers le jeune mage. Ankil s'empressa cependant de s'interposer :

« Adam m'a aidé avec son compagnon à accéder à l'antre de Zahlen, comme tu peux voir par toi-même. »

Le nécromancien fit un signe de tête vers la grande cavité creusée dans le mur, menant dans l'antre du feu grand nécromancien. Razel sembla se décrisper légèrement, darda un regard pénétrant sur le jeune bourgeois, comme s'il cherchait à le jauger.

« C'est un jeune se lançant dans les arts profanes, et qui ne manque pas de ressources. Je lui instruit donc quelques bases. »

L'homme rompit le contact visuel avec Adam, adressa un hochement de tête à son acolyte, et tourna les talons en lui disant d'un ton sec :

« Dans ce cas profites en pour également lui inculper le respect, à moins que tu ne préfères que je le fasse moi-même. »

Ankil n'eût pas le temps de répondre, Razel avait déjà disparu dans l'ombre du couloir menant aux galeries souterraines. Il avait presque l'air soulagé du départ de ce dernier et lança un regard lourd au jeune bourgeois :

« La prochaine fois évite de le provoquer ainsi. Tu n'aimerais pas l'avoir sur le dos, crois-moi. »

Adam ne sût pas trop quoi répondre sur le moment. Certes l'individu avait l'air d'être une pointure, mais était-ce une raison pour se laisser ainsi marcher dessus ? Heureusement que Génas avait regagné la ville pour régler quelques affaires, le nain n'aurait pas gardé sa langue dans la poche. En guise de réponse le jeune mage aiguilla tout simplement la conversation vers un autre sujet, qui piquait sa curiosité.

« Qu'est-ce que cette lettre ? »

« Tu connais la famille Belmont ? »

Devant l'air intrigué de son interlocuteur, le nécromancien leva presque les yeux au ciel.

« Non c'est vrai tu viens juste d'arriver dans le coin. Il s'agit d'un petit clan familial vivant dans un coin assez reculé de la ville. Ils n'ont nul autre ambition que de conserver leurs biens et de rester entre eux. »

Adam vit mal ce qu'il y avait d'intéressant là-dedans, d'autant plus qu'il ne voyait pas Ankil comme un vulgaire voleur.

« Qu'est-ce qui retient votre attention là dedans? »

Le nécromancien prit un petit air mystérieux.

« Ce n'est pas eux, mais les terres qu'ils se sont appropriés. »

Devant l'air interrogateur d'Adam, le soixantenaire prit le temps de donner quelques explications.

« Ils logent dans un manoir qu'ils ont fait construire il y a des siècles de ça. Mais j'ai parfois eu vent de rumeur qui disaient... Qu'ils n'ont construit cette bâtisse que sur des fondations qui étaient déjà présentes à ce moment là. Seulement personne ne sait qui les a construites »

L'histoire était certes intrigante, mais Adam avait déjà entendu des anecdotes bien plus captivantes que celle-là. Il comprit cependant où était tout l'intérêt de l'affaire lorsqu'Ankil continua.

« Il y a maintenant plusieurs semaines de cela, cette famille a employé des sans abris de la ville pour lancer des travaux et percer le mystère de ces fondations. Apparemment... Ils ont trouvé une sorte de grande porte, qu'ils ont ouvert tant bien que mal, et devine ce qu'il y avait derrière ? »

En voilà une question, ce pouvait être tout et n'importe quoi. Adam se hasarda.

« Un trésor ? Une bête légendaire ?... Une crypte maudite ? »

« Oh, pas loin... Dès qu'ils ont ouverts cette porte, il en est sorti une horde de mort-vivants. »

Le jeune mage fronça les sourcils. Il avait mentionné la crypte au hasard, mais il commençait effectivement mieux à comprendre ce qui retenait l'attention du nécromancien.

« Je ne sais pas ce qu'il y a là-dessous, mais il s'agit d'une très puissante magie obscure, il n'y a pas de doute sur ça. »

Il fallait le reconnaître, Adam, qui débutait dans l'art des arcanes et de la magie sombre, était également tout aussi intéressé par cette histoire.

« La lettre que Razel m'a apporté vient d'un de nos contact, qui me rapporte cette affaire, et le fait que Mathias Belmont vient d'organiser une expédition pour en savoir plus. »

« Vous allez essayer de l'intégrer ? »

L'air d'Ankil s'assombrit alors, son ton se faisant un peu plus morne.

« Hélas non je ne peux pas quitter ces catacombes comme ça. J'ai eu par le passé quelques incidents avec divers grands clans à la surface, et mon chef n'apprécierait donc pas que j'aille m'y balader pour aller jouer aux aventuriers. »

Un éclair passa alors dans les yeux du jeune mage. Cette affaire présentait plusieurs opportunités. Déjà en général ce genre d'expéditions n'étaient jamais sans récompenses à la clef, de plus une telle affaire ne pourrait qu'être qu'enrichissant quant aux connaissances qu'elle apporterait en matière de nécromancie et tout ce qui s'y touche. Sans compter qu'Ankil serait indéniablement intéressé par ses découvertes, et il n'était plus à prouver que le nécromancien savait bien exprimer sa gratitude.

« Je pourrais y aller, moi. »

Une fois ces mots sortis de sa bouche, le nécromancien tourna la tête vers lui, et comme lors de leur première rencontre, Adam se sentit transpercer par son regard d'azur. Il laissa cependant son interlocuteur le jauger sans broncher. Ce dernier prit la parole quelques longues secondes après.

« Je crains que tu ne te surestimes mon petit. Ce ne sont pas que de vulgaires morts-vivants qui sont apparemment sortis de là-dessous, et ça a l'air encore moins d'être l'oeuvre d'une magie lambda. »

C'est vrai, les risques semblaient très grands, mais c'est justement pour cela que les bénéfices n'en seront que plus grands n'est-ce pas  ?

« Raison de plus pour essayer d'en savoir plus non ? »

Le jeune mage semblait avoir fait mouche. Ankil joignit ses mains dans son dos et sembla jauger son apprenti temporaire une énième fois. Quelques longues secondes après, il donna enfin son accord. Jusqu'au lendemain le soixantenaire lui fit un rapide résumé des bases de la nécromancie. Au matin, Adam se prépara et fut escorté par une dizaine de squelettes jusqu'à une des sorties des catacombes qui donnaient non loin des quais.

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Sump
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Re: Les Catacombes

Message par Sump » ven. 24 mars 2023 23:45

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3


Sump écoutait ses pas étouffés dans le silence. L’air sec était chargé d'odeurs de poussière et de cire. Le long des couloirs pierreux : des portes, dégondées, de bois pourri ; elles protégeaient le contenu d'alvéoles poussiéreuses : urnes, sarcophages, ossements. L'estomac de Sump exprima sa déception mais à force d’errance et de bifurcations hasardeuses, il se fit allié de cette obscure quiétude.
Des voix lointaines la troublèrent ; Sump se figea et écouta : ça se rapprochait mais les couloirs vides l’empêchaient d'en deviner la provenance. Lorsque les murs sombres s’orangèrent, Sump se glissa derrière une porte à demi-dégondée et se cacha au milieu de tonneaux et d’alambics de cuivre vert-de-gris.

« Il ne faut pas voler les morts, fit une voix juvénile.
— Pourquoi ça petit ?
— Mais pardi, parce qu'ils pourchassent les voleurs pour récupérer leurs biens !»

Un grognement d'ours retentit et la porte s’ouvrit ; la flamme d'une torche explosa dans la pièce. Avant de se recroqueviller loin de la lumière, Sump distingua une imposante silhouette suivie d'une plus menue.

« Quand on t’envoie chercher de l’alcool, c’est là que tu viens.» dit la grosse.

La petite poussa un soupir :

« Dis Beno, pourquoi je ne pourrais pas participer aux expéditions au lieu de vous servir de larbin ?»

Géant dans la pièce au plafond bas, Beno se tâtait le long des étagères chargées de bouteilles. Il en choisit une et tendit la torche à l’autre :

« Il faut encore que tu fasses tes preuves, dit-il les yeux plissés sur l’étiquette, on t’avait demandé de trouver ce sekteg qui erre dans nos catacombes, tu te souviens ? »

Sump se raidit. Le petit regarda ses pieds :

« Oui mais…
— Avec tes grands yeux, ta petite gueule et tes cheveux blonds, tu fais un insoupçonnable voleur et c’est ce qui t’as valu une place chez les Crocs de l’Ombre. Maintenant il te reste à la mériter et à la conserver.
— Oui mais…
— Commence par prendre des initiatives, ça te fera du bien.
— Je le trouverai ce sekteg ! 
— Te fais pas égorger. »

Avec ses grosses mains, il débouchonna la bouteille ; Sump sursauta en même temps que le jeune. Beno s’esclaffa :

« T'es vraiment pas prêt pour les expéditions. Prends une gorgée, ça va t'endurcir. »

Une quinte de toux suivit. Une main sur la nuque du garçon, Beno le poussa vers la sortie :

« On passe voir la sortie ouest et on retourne à la salle commune. »

Sump les regarda disparaître et se coula hors du caveau pour les suivre. Leurs voix et la lueur de leur torche le guidèrent.
Après quelques minutes, le couple disparut derrière un tournant éclairé par la lueur maladive du jour. Soulagé, Sump sourit dans l'obscurité. Il s'accroupit et observa les ombres sur le sol gris.

Beno entama d’un ton joyeux :

« Quoi de neuf en cette … mais qu’est-ce que tu fous tout seul toi ? »

Le planton agita les bras :

« Enfin te voila ! On te cherche depuis une demi-heure ! Le sergent Traster est passé avec sa clique ; il était furieux. Il m’a dit de te dire de le rejoindre où tu sais. Si je l’avais laissé faire, on aurait toute la milice dans les catacombes à l’heure qu’il est ! Ah oui, et il y a cette vieille aussi… »

Une voix chevrota :

« Le gentil sergent Traster a dit que vous traiterez bien mon mari. »

Sump entendit Beno se gratter la tête avant d’entraîner le petit à l’écart ; Sump put voir le bout de son épaisse chaussure renforcée de fer.

« Je vais te laisser avec la dame, murmura-t-il, souviens-toi : le tarif, c’est une pièce d'or. Moi, je vais voir ce que me veux cet emmerdeur de Traster. »

Beno donna la bouteille au planton, salua tout le monde et gravit lourdement les escaliers. Le petit donna son bras à la vieille et ils passèrent devant Sump qui attendit qu’ils s’éloignassent pour risquer un coup d’œil vers la sortie ouest. Adossé près d’une petite table où la bouteille était posée, le planton ronchonnait dans ses bajoues boutonneuses en se curant les ongles avec un poignard. Les yeux de Sump brillèrent de la lueur glauque du jour et les bruits urbains régalèrent ses tympans : disputes, cris, insultes, verre qu’on casse … il fantasma à propos d’étals bien garnis et d’assiettes bien remplies. Les effluves de café froid des deux tasses aux côtés de la bouteille suffisaient à le mettre en émoi. Il reporta son attention sur le planton : paisible, il regardait dehors. Sump se mit en position pour bondir mais un autre homme surgit :

« Ce gros sac de Beno est introuvable ! »

Le planton l’apaisa et lui montra la bouteille. Sump les regarda s'égayer d'un œil sombre. Il tourna les talons et partit à la recherche du petit et de la vieille. Les oreilles collées aux parois, il les retrouva vite : ils papotaient le long des caveaux. La vieille s'extasiait sur l'architecture dévoilée par la lueur de la torche que le garçon tenait. Celui-ci la retint lorsqu’elle voulut entrer dans l'entrée sans porte d'un caveau :

« Attention m’dame, l’escalier s’est écroulé ici, dit-il, et en bas se trouve le caveau d’un mauvais esprit.
— Sainte-Gaïa ! » s’exclama la vieille.

Sump sur leurs talons, ils reprirent leur marche et leur conversation :

« Un mauvais esprit avez-vous dit ? Il se serait entendu avec mon mari alors ! Cet ivrogne de fainéant ne mérite pas grand-chose et de toute façon je n’ai qu'un petit budget. 
— Combien avez-vous ? » se figea le garçon.

Elle fouilla dans la poche ventrale de son antique robe rapiécée et en sortit une pièce dorée. Les yeux brillants, Sump se cacha dans l’embrasure du caveau. Le jeune homme avait l’air embarrassé :

« C’est deux pièces d’or minimum m’dame, dit-il.
— Cette urne m’a coûté tout ce qui me restait… Attendez-moi là, je vais aller chercher de vieux bijoux.»

Elle fit volte-face si vite que Sump, surpris, recula et tomba dans le vide.


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Re: Les Catacombes

Message par Sump » dim. 26 mars 2023 00:14

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4


Sump était enveloppé par la fraîcheur sépulcrale du tombeau. Il leva la tête : d'où il était tombé, les voix et le halo de la torche disparurent ; ténèbres et silence s'imposèrent. Sump balaya la pièce du regard : les murs étaient nus et pruineux ; le sol un charnier d’os et de gravats. Du fond de la caverne, un sarcophage vertical le mortifiait du regard. Rien ne bougeait. Sump enjamba les restes de ce qui fut un escalier de pierre quand un mouvement attira son attention : les os et les entraves d’un squelette enchaîné au plafond cliquetaient dans l’air mort. Dégainée par réflexe, Grifoniss émettait une trop faible lueur dans les ténèbres opaques. Sump s’approcha du sarcophage : en métal sombre et d’une froide simplicité, il avait une forme humaine torturée ; à ses pieds, des chandelles brûlaient de flammes spectrales et parmi elles, une épitaphe indiquait :

Ci gît : Elmudrick IV, dernier roi puissant d’Exech, unificateur des troupes, condamné par son proche conseiller Lenckor Ier. 

Sump dévisagea le faciès métallique : une expression de haine et de douleur marquait ses traits. Sump lui montra les dents, rengaina et s’empara maladroitement d’un pot en terre posé là. Après l’avoir secoué, il en renversa le contenu qui tinta sur le sol et s’accroupit pour examiner la ferraille : rien de valeur. Après un dernier regard à la sépulture enténébrée, il retourna à son point de chute ; les os craquèrent sous ses bottes. Le nez levé, il jaugea la hauteur et sortit une corde de son sac. Il la tint dans sa main sans rien faire.


Une clameur s’éleva derrière lui ; il lâcha la corde et fit volte-face. Les os au sol tremblaient, s’entrechoquaient et se rassemblaient en tas ; ils s’emboîtaient, se logeaient les uns avec les autres, montaient en hauteur. Au-dessus, le squelette pendu s’agitait et claquait des mâchoires. Sump recula contre le mur pendant que d’autres guerriers de la mort se formaient et se dirigeaient vers lui. Ceux qui n’avaient pas de jambes rampaient, les autres boitaient. Pour armes, certains tenaient des sabres brisés, d’autres des fémurs ou des côtes. Sump était cerné d'orbites vides et noires. Blême, il ne pouvait que les regarder se traîner vers lui dans un requiem de cliquetis et de plaintes. Encerclé par la Mort, il leva sa dague et la regarda : dans ses yeux, la lueur de la peur s'éteignit. Les immortels sbires levèrent leurs sinistres armes et il ferma un œil ; l’autre tint bon. Grifoniss était une courbe de lumière d’or, d’argent et de platine ; sa lame scintillait d’arabesques et dessinait une vague dorée repoussant les ténèbres ; le griffon de la garde rassurait Sump. Il ne vit plus que son arme.

Une explosion blanche. Une pétarade. Comme les ombres autour de lui, Sump fut désorienté. Une main enserra son poignet et le tira hors du piège. Traîné derrière une silhouette encapuchonnée de sa taille, il courut à travers les os pour atteindre un coin de la pièce où un passage dérobé les attendait. Il s’y enfoncèrent.


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Re: Les Catacombes

Message par Sump » dim. 26 mars 2023 01:24

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5


Derrière son sauveur, Sump zigzaguait dans d’humides tunnels inachevés ; le sol noir et gluant collaient à ses bottes ; la terre mouillée remplaçait les dalles de pierre et les madriers pourris se substituaient aux murs. Avec l'aisance d'une anguille, l'autre louvoyait entre les noirs appendices des arbres morts et les poutres effondrées.
Ils s’immobilisèrent et Sump reprit son souffle : la terre vierge du royaume d’Exech exhalait une odeur acide qui lui irritait la gorge. Son guide rabattit sa capuche et tendit ses longues oreilles. Satisfait, il dit :

« Nous aurions pu ralentir avant mais j'essayais de te semer. Tu ne dégage rien de bon. »

De ses longs doigts aux ongles rongés, il caressa le bois d’une barricade de planche à sa gauche puis se glissa dans un trou creusé sous l’obstacle. Après une hésitation, Sump le suivit.

Ils débouchèrent dans un autre souterrain aux allures de galerie : plus étroit, plus sombre. D’un bras, Sump fut arrêté et ils attendirent. Des éboulis et gargouillis troublèrent l’outre-terre ; Sump posa la main sur le manche de son arme quand une tête pointue apparut. Interdit, Sump suivit des yeux le corps rosé du ver de terre géant glisser d’une paroi à l’autre dans un silence presque total.
Ils reprirent leur marche et se firent face devant un tissu de grosse toile. Sump n’avait toujours pas vu le visage son guide et sauveur qui annonça :

« C’est mon terrier. Tu peux chercher, il n’y a rien à voler. »

Il écarta le rideau et disparut. Dague à la main Sump s'engouffra dans le tunnel.

Après un court et étroit boyau, il déboucha dans une alvéole éclairée par une plante et au sol jonché de détritus : coquilles d’œufs, carapaces de crustacés, armes rouillées, instruments de musique bricolée, récipients et fioles divers. Le trou était aussi humide et pestilentiel que le reste. Le propriétaire des lieux s'empara d'un tissu mouillé et le pressa au-dessus de la plante lumineuse : quelques gouttes grisâtres tombèrent dans le trop petit pot et la firent onduler. Après une caresse à l’une des flagelles nitescentes, il s’assit sur une paillasse brune de crasse ; la blanche lueur rendait sa peau translucide et accentuait sa maigreur ; sa toge en haillon dévoilait une clavicule saillante et un bandeau sale cachait ses yeux ; la peau brûlée derrière dépassait sur le front et le nez.

« Tu empestes les nerfs et la fatigue, dit-il, détends-toi, personne ne vient ici ; vers géants et créatures obscures sont lumifuges.» Il désigna la plante : «Ce plant de lumicelose est bien utile.»

Dans l’ombre, Sump restait debout près de la sortie. Il ne répondit pas lorsque lui fut demandé la raison de sa présence dans les catacombes.

« Tu ne veux pas parler ? Je commence alors, soupira l’autre, je viens de la faculté de magie de Kendra-Kâr. » Il montra un pendentif doré qu’il portait au cou. « Suite à un incident au sein de l’obédience de la magie, mes tuteurs ont dû confié à quelqu’un qui me donna à quelqu’un d’autre jusqu’à ce qu’un vieux sorcier d’ici, Darith Der Maur je crois, me prenne comme assistant-esclave. Il a fini par m’oublier et j’ai appris à me débrouiller seul. »

Il tendit une oreille insistante vers Sump qui croassa :

« Manger, dormir. »

L’autre fit la moue :

«Ta voix est comme une lame rouillée et émoussée, dit l’aveugle, mais j'entends que tu n'es pas originaire d'ici. Comme moi, tu es petit et nos cœurs battent pareil. » Il se tut avant de reprendre : « C’est la première fois que je rencontre un de mes semblables… je suppose que je dois profiter de cette chance. »

Il inspira puis :

« Depuis quelques temps les Crocs de l’Ombre s’aventurent dans les niveaux inférieurs des catacombes pour atteindre les caves du château du comte Von Lermesch. Cette forteresse a toujours fait plus de bruit que celle du roi et regorge de trésors. À force d’espionnage je connais le chemin et il commence une trappe fermée par un cadenas. »

Il se tut et tendit les oreilles à la recherche d’un son qui trahirait l'enthousiasme de son invité.

« Cela fait des lunes que je vole les humains et que j’esquive les créatures souterraines… Si ce ne sont pas eux qui me dévorent, ces galeries sur le point de s’effondrer s’en chargeront. Je dois partir d’ici et rejoindre mes tuteurs à Kendra-Kâr. »

Il fouilla dans sa toge mitée et en sortit un cube en bois composé de plusieurs carrés plus petits peints en blanc et en noir.

«Ce casse-tête est leur cadeau avant de me laisser. Je dois l’avoir résolu le jour où nous nous retrouverons. Ensuite, je ferai de grandes études pour devenir moi-même un professeur reconnu : le premier sekteg de l'histoire admis à la faculté de la grande cité blanche. »

Submergé par son rêve, il rangea son cube, se leva et marcha ; ses vieux chaussons de cuir heurtèrent les objets au sol alors qu’il parlait :

« Il me faut retourner à Kendra-Kâr. Si mes tuteurs n’y sont pas, j’irai les chercher à la cité magique de Xaoranh, ils m’en parlaient souvent. Il me faudra de quoi payer le voyage c’est pour ça que je dois tenter un coup. Mais je ne peux y arriver seul.»

Il désigna un point proche de Sump :

« Accepterais-tu d'être mes yeux dans cette aventure ? »

Sump secoua la tête et ajouta :

« Non.
— Il va de soi que nous partagerons le butin !
— Non. »

La peau calcinée rosit derrière le bandeau. L'aveugle eut un rire nerveux :

« Réfléchis-y au moins !»

Sump resta silencieux. L'autre revint à la charge :

« Tu es un aventurier, pas un vulgaire errant ! Découvrir des endroits mystérieux et inconnus ne te donne aucun frisson ? »

Silence. Le gobelin aveugle ajouta avec une pointe de défi :

« Et je présume que devenir riche ne y'intéresse pas non plus ? »

Sump secoua son sac plein d’or. La peau brûlée de l'aveugle rougit et ses oreilles se dressèrent. Il eut un rire mauvais :

« Ton butin t’as servi à quelque chose jusqu’ici ? »

Sump ne répondit pas. Torturé par ce silence, l'aveugle éleva la voix :

« Quel est ton avenir alors ? Errer dans ce royaume maudit jusqu’à la mort ? »

Piqué, Sump répéta entre ses dents :

« Manger, dor…
— Ça va tu l’as déjà dit ! explosa gobelin aveugle, tu veux retenter ta chance avec ceux qui te détestent ? Très bien ! Je vais te mener à la ville juste pour que tu dégages de ma vue ! »

Sump esquiva la charge furieuse de l'aveugle qui sortit de son repaire.
Avec une moue désabusée, Sump rangea sa dague, réajusta son sac et s’apprêta à suivre quand ses yeux s’arrêtèrent sur une petite pierre brillante parmi le fatras. Il la ramassa et l’examina : c’était un galet clair avec une inscription gravée dessus. Il le mit dans son sac et sortit du terrier.



(((Récupération de la rune Tev déjà dans l’inventaire)))


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Re: Les Catacombes

Message par Sump » mar. 28 mars 2023 23:29

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7


«Je t'avais prévenu, dit l’aveugle quand Sump le rejoignit, notre espèce souffre d'une terrible réputation : le monde entier nous prend pour des voleurs dénués de morale.»

Ils attendirent une heure avancée de la nuit pour se diriger vers le repaire des Crocs de l’Ombre. Les odeurs humaines affluèrent et Sump gardait la main crispée sur sa dague. Ils pénétrèrent dans une vaste pièce au plafond arrondi décorée de fanions et d'étendards. Une tête de loup noir à yeux d'argent était peinte à divers endroits ; des fauteuils et canapés de cuir, des armoires et des tables basses servaient de mobilier.

L'aveugle secoua Sump planté devant une table recouverte d'un tissu vert et de boules de couleur :

«Trouvons les clés de la trappe et filons ! 
— Où ? répondit Sump à voix basse.
— Tu penses que je vais les trouver avant toi !? »

Sump lui lança un regard furibond. L’aveugle huma l’air :

« Nous sommes dans leur salle commune, dit-il, ils doivent conserver les objets importants dans une autre salle, du genre plus secrète. Vois-tu des couloirs ou des portes ? »

La pièce contenait plusieurs embouchures ; Sump se dirigea vers l’une d’elles. Avec exaspération il revint chercher son acolyte qui tâtonnait l'air à sa recherche. Ils s’enfoncèrent dans la pénombre jusqu’à entendre un concert de ronflements. L’aveugle pensait qu'ils ne trouveraient pas les clés dans les dortoirs ; ils revinrent à leur point de départ et choisirent un autre couloir : l’odeur d’excrément les repoussèrent dans la salle commune.

« Arrête de râler, dit l’aveugle en tenant Sump par la tunique, nous finirons bien par trouver un bureau ou… »

Des voix dans un escalier de pierre l’interrompirent ; ils rebroussèrent chemin vers les chambres mais deux hommes arrivaient vers eux.

«Elles servent à rien ces factions de nuit.» grommela l'un d'eux.

Les deux gobelins se bousculèrent pour retourner dans la salle commune. L’escalier de pierre se teignait de feu. Ils se cachèrent sous un fauteuil.

Un groupe pénétra dans la pièce. La grosse voix de Beno ordonna :

« Posez la fille ici, elle sera bien. Petit, allume-moi tout ça, on y voit comme dans le trou de balle d’un ayaj’. »

Ses lourdes chaussures apparurent devant Sump et leur cachette s'affaissa :

« Par notre fot-en-cul de majesté, quelle soirée ! gémit-il.
— Heureusement qu'il y avait l’histoire de Traster et de Kadmos. » fit une autre voix.

Tous s’esclaffèrent, Beno le premier :

« Deux gros enfoirés roulés par le même sekteg ! »

Il reprit, sérieux :

« Ça commence à faire beaucoup de gobelins dans nos catacombes, il faut qu’on s’en occupe avant le retour de Darith.
— De ça et des tarés de la Confrérie du Crâne qui pratiquent leurs rituels chez nous. »

Le groupe acquiesça mais Beno souffla de façon obscène :

« Ne vous inquiétez pas de ça les gars, dit-il, pour quelles raisons vous croyez que Darith et Donovan se sont absentés ? »

Un silence lui répondit puis on le pressa de questions. Il aboya de rire :

« Je ne peux rien dire mais en tant que bras droit du bras droit, je suis au jus de certaines choses ! »

On le hua ; l’arrivée des plantons décupla le brouhaha. Sump sentait son acolyte trembler contre lui. Les bavardages poursuivirent :

« Petit, fit Beno, va nous chercher à boire. J’ai encore la pisse d’âne de cet escroc de Kadmos sur le palais.
— Je vois que vous avez ramené une fille, remarqua un des nouveaux venu.
— Vous y aurez droit mais c’est moi d’abord les gars, Beno tapota son cuir, ancienneté. »

Assailli de quolibets, il se leva :

« Allez viens ma beauté, on va aller dans mon bureau. Et que personne ne nous dérange. » ajouta-t-il.

Les deux sektegs échangèrent des coups de coude. Pendant que les plaisanteries salaces fusaient, ils rampèrent hors de leur cachette. Sump guida son complice afin qu’il restât dans les zones d’ombres et ils suivirent le couple dans un couloir. Beno s’enferma dans une pièce avec son fardeau. Penaud, Sump regarda le gobelin aveugle qui se rongeait les ongles :

« Il faut qu’on trouve un moyen de le faire sortir, dit-il, je sais : toque à la porte et va te cacher. Il va sans doute croire que quelqu’un lui fait une farce. On avisera. »

À ces mots, il s’éloigna et se cacha derrière un pan de mur. À contrecœur, Sump s’approcha et colla son oreille à la porte. Beno susurrait des mots doux à la jeune femme. Il leva la main pour toquer quand une éclaboussure et un flot de jurons lui parvint. Il rejoignit l’ aveugle alors que le verrou claquait ; Beno passa devant eux :

« Putain de crasseuse. » grommela-t-il.

L’aveugle poussa Sump qui se coula dans la pièce et ferma la porte à moitié. Assise derrière le bureau de bois sombre, la jeune femme ronflait sous le tableau d’une forêt consumée par un incendie un soir de pleine lune. Sump essaya d’ouvrir l’armoire vitrée près de l’entrée puis sursauta à la vue d’un massif loup noir empaillé. Remit, il se dirigea vers le bureau. La bouche souillée de vomi, la fille rotait et babillait dans son sommeil ; elle empestait l’alcool et la sueur. Sump fixa la gorge blanche et livide qu’elle lui offrait avant de s'ébrouer. La plupart des tiroirs du bureau étaient fermés ; le seul qui s’ouvrit contenait un masque fendu, des lettres manuscrites et un miroir brisé. Il balaya le plan de travail du regard : rien.
Beno poussa la porte et entra avec un seau et une serpillière. Sump se cacha sous le bureau et grimaça lorsqu’il entendit le verrou. Une fois qu’il eut nettoyé, Beno se planta devant l’endormie et défit sa ceinture :

« Ça suffit les conneries, grommela-t-il, t’es pas au meilleur de ta forme mais ça ira. »

Il la secoua et elle s’éveilla d’humeur lascives ; des caresses s'ensuivirent puis un tintement métallique et un gloussement :

« C’est quoi toutes ces clés autour de ton cou de taureau ? » susurra-t-elle.

Sump redressa la tête ; Beno grommela qu’on s’en foutait et posa le trousseau sur le bureau. Sump approcha sa main mais se ravisa lorsque le visage de la femme se retrouva au niveau du sien pour emboucher. Après quelques secondes, Sump fit glisser sa lame hors de son fourreau ; le coup serait dévastateur.

On toqua à la porte.

« Par mes ancêtres ! rugit Beno, quoi encore ?» 

On frappa encore. Sump sut que c'était l'aveugle à la rescousse. Beno repoussa la fille, prit les clés et se dirigea vers la porte :

« C’est toi Darith ? Bredouilla-t-il en bataillant avec le trousseau, je pensais pas que tu reviendrais si tôt… »

Sump et la fille se regardaient en silence. Il se jeta sur elle, la lame contre sa gorge et s’assura de son silence. Il se dirigea ensuite vers Beno. Fébrile, celui-ci ouvrait la porte. Sump le frappa à l’arrière du genou avec sa relique ; la jeune femme étouffa un cri. Beno, qui n'avait rien senti grâce à son pantalon de cuir renforcé de fer, se retourna. Son regard passa au-dessus de Sump qui se faufila entre ses jambes et d'un bond, s’empara du trousseau. Il rejoignit son complice et ils filèrent.

La puissante voix de Beno secoua les catacombes. Les deux sektegs étaient de retour dans la salle commune et à leur vue, les humains se levèrent et dégainèrent leurs armes. Sump pila, son partenaire se cogna à lui. Sump le poussa dans une autre direction. Encerclés d’interjections meurtrières, ils entrèrent dans une pièce au hasard et se pelotonnèrent au milieu d’étagères odorantes. Sump était entourés de poissons séchés, crustacés séchés, coquillages séchés et batraciens séchés. Il jeta un regard amer à la grappe de saucisson qui pendouillait devant lui pendant que l’aveugle couinait :

« Que Gaïa la Protectrice nous vienne en aide ! »

Beno rugissait :

« Sonnez cette conne d’alerte ! »

Une cloche retentit avec fureur ; un groupe d’homme passa dans le garde-manger ce qui affola davantage le gobelin aveugle. Sump le frappa pour le forcer à écouter :

«J'y vais. Reste ici. 
— Ils sont des dizaines, tu vas mourir… »

Sump déposa le trousseau dans la main de son complice. L’aveugle se tut et serra les clés dans sa paume. Sump rassemblait son courage quand le gobelin aveugle lui secoua le bras :

« Prends-ça : c’est de la poudre de Gaïa. C’est avec ça que je t'ai sauvé des squelettes. »

Sump s’empara du petit sac de toile et s’élança hors de la réserve de nourriture. Deux hommes l'aperçurent ; il feula et déguerpit. On hurla son signalement :

«Sekteg, peau sombre, dague dorée ! »

Sump esquiva une charge, trancha une joue ; rebondit contre les parois de pierre, mordit une main ; se glissa entre des paires de jambes, frappa et griffa. Il se tordit en tous sens et pirouetta sur le sol ; on arracha sa tunique en cuir ; il grogna, gronda, claqua des dents.
En sous-vêtements, l’un des Crocs de l’Ombre fonça sur lui ; Sump le repoussa d’un coup de dague. L’écho décuplait les voix furieuses :

« Méfiez-vous, c’est une vipère ! »

Les étroites galeries s’échauffèrent à la lueur des torches ; Sump désespérait.
Dans la salle commune, il utilisa le mobilier : il louvoya entre les fauteuils, disparut dessous ; se jucha sur une table et en éparpilla les boules de couleur. On lui jeta des coussins, des couteaux, et même une torche qui enflamma des rideaux. L’incendie l’aida mais il sut la fin proche ; il rengaina sa dague, sortit le petit sac de toile et ferma les yeux.
L’explosion de lumière teinta tout de blanc ; Sump dansa entre les silhouettes sombres aux bras levés.
Sorti de la salle commune et de retour dans les couloirs des catacombes, Sump se figea un instant ; il lança des regards dans toutes les directions puis courut à nouveau ; les Crocs de l’Ombre étaient derrière lui.

Les rugissements de Beno couvraient le tumulte :

«On va tous avaler notre chique s'il nous sème alors bougez-vous le fiak !»

Partout, les pierres se coloraient du halo des flammes. Sump prit à gauche, fit demi-tour, prit à droite. Il reconnut le couloir où il avait retrouvé la vieille et le petit ; il s’y engouffra et se figea devant l'entrée du caveau aux squelettes ; il distinguait leurs silhouettes et leurs yeux brillants dans l'obscurité. Il attendit d’être vu des deux côtés du couloir avant de sauter dans le vide.
Félin, il roula parmi les rocs ; vif, il para le cimeterre émoussé. Déséquilibré, il se jeta dans la poussière et serpenta. Les Crocs de l’Ombre se réceptionnèrent lourdement au milieu des décombres et détournèrent l’attention des osseux : l’un d’eux enfonça sa machette rouillée dans une poitrine en un splendide coup de taille pendant qu’une dizaine de squelettes rampants se ruait sur deux autres. Des cris et des claquements de mâchoires retentirent alors que les deux camps, morts et vivants, os et chair, ferraillaient.
Dans sa course, Sump fut projeté en avant par une explosion de chaleur ; le passage secret du gobelin aveugle se colora de chaud. Sump se retourna, souffle court : les Crocs de l’Ombre lâchaient des projectiles à étincelles de leur perchoir ; le charnier devint brasier.

Sump fuit la lumière des flammes et retrouva l’obscurité.


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Re: Les Catacombes

Message par Sump » mer. 29 mars 2023 01:07

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8


Du bout de la botte, Sump souleva un sac à dos écrasé par la poussière ; les restes de nourriture pourries le désappointèrent. Accroupi face à un gros cadenas noir et langue sortie, l'aveugle bataillait avec le trousseau :

« Cette trappe mène aux niveaux inférieurs qui sont autrement plus dangereux, dit-il, il faudra vraiment faire attention en bas mais je ne me fais pas de soucis. Mes connaissances couplées à ton aisance physique font de nous le couple parfait. »

Il sourit au vide et essaya une nouvelle clé. Au-dessus et surmonté d’un antique crâne noir, un écriteau de bois sombre conseillait aux aventureux de passer leur chemin. Les murs portaient les traces des Crocs de l'Ombre : phallus, devises, et épitaphes gravés au couteau. Un bruit sec retentit ; ils joignirent leurs forces pour soulever la lourde trappe et dévoilèrent un escalier fuligineux qu'ils descendirent en silence.

Plusieurs étages s’étaient écroulés et un vaste espace s’offrit à eux, comme un deuxième monde sous le premier : des tas de gravats, d’ossements et d'objets mortuaires s'étendaient à perte de vue et entre les débris, des chemins avaient été tracés. Au loin, une colonne de lumière dorée jurait avec le reste : le caveau de la princesse Fanny. Arrivés à la dernière marche, ils furent dominés par les collines de décombres. Des semelles frottées contre la pierre, des éboulis et des plaintes rauques s'élevaient autour d'eux. Paniqué, Sump avait dégainé. Son compagnon posa une main sur son bras :

« Détends-toi, dit-il, les lieux sont dangereux mais ça fait des lunes que je m’organise. J’ai écouté les Crocs de l’Ombre en parler pendant des nuits entières, j’ai assisté à des cours de défense contre les forces du mal à la faculté de magie de Kendra-Kâr et j’ai vécu quelques temps avec un sorcier obscurologue spécialiste des lieux ; je sais exactement ce qui nous attends. » Sa main glissa le long du bras de Sump : « La seule personne à qui tu feras du mal avec ça, c’est moi, alors range-la. »

Les lèvres retroussées sur un grondement, Sump baissa les yeux sur la main diaphane posée sur son bras sombre ; la paume était chaude. Devant l'assurance de son compagnon, il obéit.

Ils marchèrent le long des sentiers tracés par les morts eux-mêmes : la mort était une véritable organisation, disait l’aveugle, on ne s’en doutait pas comme ça. Sump jetait des regards autour : des ombres et des mouvements alertaient ses sens et le maintenaient tendu comme un crampe. Il manqua détaler lorsque son partenaire renversa un armure abandonnée ; le raffut du métal sur la pierre se répercuta dans la caverne géante. Les deux gobelins se figèrent mais hormis un soudain silence, rien ne se produisit. Après cet incident, ils convinrent que Sump ouvrirait la marche avec l’aveugle accroché à lui. Sump fut soulagé lorsque les complaintes reprirent.

Au milieu du chemin, un pot géant les attendait. L’aveugle arrêta Sump :

« Attention, dit-il, cette chose est si maléfique que j’arrive à la voir. Ne la touche surtout pas. Contournons-la. »

Sump ne quitta pas le récipient des yeux qui, noir et cornu, les regarda passer.

« De manière générale, reprit l'aveugle, il ne faut toucher à rien ici. Sois sûr que si les Crocs de l’Ombre et autres brigands ont laissé quelque chose, c'est qu'une bonne raison le justifie.»

Ils croisèrent des humanoïdes encapuchonnés suivis par des cortèges de silhouettes décharnées.

« Les gardiens des morts, souffla l’aveugle, ils sont à la fois les moins et les plus à craindre. Ils ne sont pas agressifs mais si nous les contrarions ils nous enverront leurs armées de squelettes : squiamois et cavaliers squelettes nous tomberont dessus par légions, sans parler des squelettes de roche. D’autres créatures des ténèbres sont toutefois plus à craindre car moins ou pas dépendantes du contrôle d’un nécromancien : élémentaires d’obscurité, spectres ou banshees par exemple qui nous attaqueront à vue. Mais le pire serait de nous faire surprendre par une goule à deux têtes ; j’ai entendu certains lourdauds des Crocs de l’Ombre dire qu’ils en avaient « eu » une un jour mais je n’y crois pas : ces créatures sont d’une telle sauvagerie que tous les Crocs de l’Ombre réunis ne suffiraient pas en venir à bout. Les Nés-du-sang ne sont pas à sous-estimer non plus. »

Sump conservait un silence horrifié pendant que l'aveugle reprenait son souffle.

« Ne t’en fais pas, poursuivit-il, le caveau de la princesse Fanny n’est pas seulement sur notre chemin, c’est aussi un endroit évité de toutes les créatures que j’ai énuméré et où nous pourrons refaire nos réserves de poudre de Gaïa. Ensuite, il ne nous restera plus qu’à éviter un dernier piège : la femme du comte Von Lermesch, prisonnière dans sa salle de banquet souterraine… »

Un cri au loin l'interrompit ; fluet, terrorisé. L’aveugle se crispa :

« Nous ne sommes pas les seuls vivants à explorer les lieux on dirait. » dit-il.

Ils reprirent leur marche accompagnés par les lasses plaintes des errants immortels. Une lueur blanche et dorée embellissait un sombre monticule devant eux. Après l’avoir contourné, Sump resta bouche bée.

Une senteur florale se substitua au remugle et à l’odeur de mort ; des dalles de marbre blanc veinées d’or remplacèrent la pierre sale et noire ; des sphères flottantes dégageaient une douce lumière ; des poufs de cuir clair et des meubles en bois de pin soutenaient des flacons et des vases de cristal aux liquides et fleurs colorés ; de l’eau turquoise scintillait dans un bassin circulaire. Une douce musique flottait dans l'air pur, jouée par une harpe magique invisible.
Sump avait les yeux brillants ; il pouvait respirer. L'aveugle le laissa à sa contemplation avant d'expliquer :

« Après avoir pêché de vengeance la princesse a choisi de se bannir elle-même au fin fond de la plus laide ville de l'Imiftil, pour encourager les aventuriers aux cœurs purs et leur montrer qu’à travers toutes ténèbres, pour épaisses qu’elles soient, un oasis de lumière peut exister. »

Sump se dirigea vers le pommier aux branches chargées de fruits qui occupait une partie de l’espace. Il hésita.

« Tu peux te servir, fit le gobelin à côté de lui, la princesse Fanny était une fervente adoratrice de Gaïa ; même après la mort elle aide ceux qui ont le cœur bon. »

Il se saisit d’une grosse pomme et la croqua ; il pencha la tête en arrière pour remercier Gaïa, Yuimen et la princesse Fanny puis s'éloigna. Dubitatif, Sump s’empara d’un fruit ; dans sa main, il se ratatina, s’embrunit et se liquéfia. Une moue résignée sur le visage, Sump se dirigea vers un sarcophage de verre entouré d’un baldaquin de toiles claires et en dessous d'un portrait de femme aux cheveux blonds et au sourire enjôleur. Sur une colonne de pin à proximité, une aumônière blanche trônait. Sump glissa un regard vers l’aveugle qui savourait des doigts les grimoires d’une étagère.

« C’est dans ces moments que je déteste être aveugle.» disait-il.

Sump se saisit de l’aumônière et lorgna son contenu : deux doigts desséchés et deux anneaux sertis d’une pierre précieuse chacun. Il rejoignit son compagnon quand des feuilles bruissèrent, des branches craquèrent, des cliquetis métalliques s'élevèrent. Sump se retourna. Une armure dorée encapée de blanc s’avançait vers eux à pas tranquilles.

Le gobelin aveugle s’étrangla :

« Qu’est-ce que tu as fait ? »

L'armure dégaina une épée aussi brillante que le soleil ; Sump se couvrit les yeux. Il entendit son acolyte lui hurler de fuir ; il se jeta de biais pour éviter l'estoc avant de s'enfuir.

Il regagna la pénombre, grimpa sur une des collines de gravats, la dévala et coupa une colonne de squelettes qui, bras levés, exprimèrent leur contrariété. Il continua sa course avant de se glisser entre une tête de statue géante et une colonne de pierre brisée. Il n’entendait que son cœur et la voix du gobelin aveugle qui l’appelait au loin.
L'obscurité scintilla et un nuage lumineux apparut. L’armure d’or se matérialisa devant sa cachette. Il s’en extirpa au moment où l’épée tombait. Une explosion de poussière et de lumière le désorienta et il se remit à courir en aveugle. Des étoiles étincelèrent dans le noir à sa gauche ; il pirouetta pour éviter le coup de taille ; l’air tranché le balaya et il roula contre des débris ; il s'ébroua et détala encore.
Les deux gobelins poussèrent une exclamation étouffée lorsqu'ils se percutèrent. Ils dévalèrent une pente qui s’arrêta net ; le sol dur les accueillit avec rudesse. L'aveugle gémit ; Sump se releva avec une grimace : l’armure leur faisait face au milieu des ténèbres. La dague de Sump chuinta hors de son fourreau. Collé à la paroi, l'aveugle hurla :

« Rends ce que tu as volé au lieu de dégainer à tout bout de champ ! » hurla-t-il.

Acculé contre le noir, Sump sortit l’aumônière de sa poche et la lança sur le sol. L’armure ne bougea pas, heaume ailé immobile ; yeux invisibles.

« Que Gaïa la Bienfaisante nous vienne en aide, se recroquevilla le gobelin aveugle.

Sump banda les muscles. L’armure se courba en arrière, leva son arme et l’abattit. Les deux gobelins furent baignés de blancheur. Lorsque Sump put ouvrir les yeux, le guerrier de lumière disparaissait.

« Par tous les dieux de l'île volante, je t’avais dit de ne toucher à rien ! explosa l'aveugle, on a failli se faire tuer dans le seul endroit où nous étions en sécurité ! Et nous voilà perdus au fond d’un des endroits les plus dangereux de Yuimen !» il tâta sa toge et ajouta, désespéré : « Et en plus je n’ai pas pris de poudre de Gaïa ! »

Au sol, il fondit en larmes. Sump considéra les restes de son larcin : un tas de cendres.


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Re: Les Catacombes

Message par Sump » mer. 29 mars 2023 02:27

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9



Les deux gobelins étaient assaillis par les ombres ; la lueur de leur torche bricolée tremblait.

«Ils vont nous déchiqueter, gémit l'aveugle, moucher notre flamme et nous transformer en spectres...»

Sump lui grogna de la fermer puis se figea : au milieu de la roche d’ombre, un halo rouge dévoilait une faille. L'aveugle lui secoua le bras :

« Qu’est-ce que tu vois ?
— Lumière.
— Ça te ferait mal d’être moins laconique ? »

Des serres noires apparurent dans la sphère orangée de leur torche. Sump l’agita ; avec rires et protestations, les anguilles spectrales s’éloignèrent. Accrochés l’un à l’autre, les deux gobelins se précipitèrent vers le passage ils s'y glissèrent lorsque la torche leur fut arrachée. Frustrées, les âmes en peine s’éloignèrent à grands cris. L'aveugle reprenait son souffle ; Sump observa les lieux : c’était un couloir. Des torches en éclairaient les briques rubescentes et une odeur de sang emplissait ses narines. L'aveugle se recroquevilla :

« Ça sent vraiment pas bon…»

Sump le força à se relever et à avancer.

Après quelques mètres, ils entrouvrirent une grille rouillée qui hurla sur ses gonds ; le deux gobelins grimacèrent. Le couloir continuait et débouchait sur une pièce tamisée. Sump se colla à l’arête du mur pour risquer un regard. Des chaînes et des arceaux étaient accrochés aux parois et plusieurs machineries de fer rouillé aux mécanismes complexes attendaient, menaçantes. Deux humains occupaient la salle : l’un était vêtu d’une bure noire à ceinture rouge. Face à lui, un jeune homme enchaîné au mur était agité de spasmes. Les oreilles affaissées, le gobelin aveugle frissonna :

« Quelqu'un se fait torturer. »

Comme un ouragan qui cesse, l’intensité entre les deux humains retomba. La tête de l’enchaîné chuta en avant et des sanglots retentirent. L’autre s’agenouilla, murmura quelques paroles puis leva la tête.
Son regard rencontra celui de Sump qui se cacha, sans oser respirer.

« Vous ne craignez rien, sektegs, j’ai causé mon lot de souffrance pour l’instant. Montrez-vous.»

Les deux gobelins se concertèrent. Pour Sump il était hors de question d'obéir.

«C'est quelqu'un avec qui nous pouvons discuter, répliqua l'aveugle, de toutes façons on a pas le choix. »

Il se leva et avança dans la pièce. Après avoir essayé de le retenir, Sump le suivit, arme à la main. L’humain guida l'aveugle avec sa voix et rabattit sa capuche noire. Dans la sombre lumière des torches sur les briques, ses cheveux rougeoyaient ; son visage et ses yeux manquaient de couleurs.

« Un beau couple d’estropiés que voilà, dit-il, je suppose que vous êtes les responsables de ce grabuge dans les catacombes. Troubler le calme des dessous d’Exech est le meilleur moyen d'éveiller des menaces depuis longtemps endormies. »

Le gobelin aveugle expliqua :

« Nous sommes perdus monsieur. »

L’homme acquiesça :

« Vous l’êtes. Je m’appelle Dorry Von Thos, prêtre de Thimoros attaché au temple d’Exech, bras droit de Goery Von Lamaash. Quant à lui, je…
— Je ne suis personne, je suis insignifiant, arrêtez de parler de moi. »

Tous se tournèrent vers le jeune homme enchaîné. Sump reconnut enfin le garçon qui accompagnait Beno. Sa tignasse blonde avait pâlit et ses orbites étaient saillantes. Avec une moue contrite, Dorry Von Thos sortit une clé de sa bure impeccable et libéra le garçon qui resta à genoux, la tête entre les mains.
Le gobelin aveugle agita le nez et s’étonna :

« Il souffre mais je ne sens rien.
— La psychomancie : un art rare et méconnu. Épargne les effusions de sang pour un résultat similaire, voire pire. »

Le prêtre de Thimoros passa une main sur son visage livide :

« Quand on y pense, on pourrait se demander ce qui pousse les fidèles à vénérer Thimoros. Puis on se rend vite compte que s'élever au sein du culte de la souffrance est simple et ne nécessite qu'une seule chose : souffrir. »

Le garçon était agité de sanglots. L'aveugle semblait être sur le point de pleurer aussi. Le prêtre obscur poursuivit :

« Il faut bien se faire une place dans ce monde et pour peu qu'on comprenne que la personne qui souffre importe peu, on arrête de se scarifier, de se tatouer et de s’amputer et on sacrifie les autres pour son propre avancement. » Il déglutit et détourna le regard du jeune homme : « Facile. »

Le jeune humain se tordait sur le sol rouge. Après un regard vers le plafond ténébreux, il rampa aux pieds du gobelin aveugle et parla à ses vieux mocassins de cuir :

« Personne ne m’a jamais aimé, gémit-il à voix basse, tout ceux qui croyaient en moi ont fini par m’abandonner et le déni est tout ce qu’il me reste.»

Le gobelin aveugle s’agenouilla, lui tapota l'épaule puis leva la tête vers le prêtre :

« Comment pouvez-vous vivre de cette façon ? » s’insurgea-t-il, rouge.

Les yeux dans le vague, le prêtre haussa les épaules :

« Je n'ai pas dicté les règles de ce monde, je n’ai pas choisi mes fluides, je n’ai pas choisi d’être talentueux. Je n’ai pas choisi d’être intéressé par ces domaines d’une richesse sans fin que sont les arts occultes et la magie noire. Cette voie s’est imposée à moi.»

L’aveugle secoua la tête et interpella Sump :

« Il faut le sauver.»

Sump s’arracha à la contemplation du garçon pour lancer un regard effrayé à son compagnon. Il essaya de reculer lorsque le jeune homme rampa vers lui :

« Rien ne peut plus me sauver ! Scanda-t-il la tête levée vers Sump, et je le sais ! J'attends juste la délivrance ! »

Sump tressaillit. Pâle, il regarda le garçon frapper les briques avec son front. Le gobelin aveugle lui saisit le visage à deux mains et le supplia d'arrêter. Le cœur de Sump voulait sortir de sa poitrine.

« Aide-moi ! On doit le délivrer de cet enfer ! » piailla l'aveugle.

Visage fermé, Sump attrapa les cheveux blonds d’une main sèche, retourna le garçon sur le dos et lui ouvrit la gorge dans le même mouvement. Les sanglots s'interrompirent et laissèrent place à des gargouillis. Lèvres pincées, Dorry regardait sa victime gesticuler sur le sol et chercher l'air, mains au cou.
Lèvres serrées dans une moue dure et satisfaite, Sump essuya sa lame et la rangea ; bras écartés et plus pâle que jamais, le gobelin aveugle le fixa derrière son bandeau. Une gerbe de sang lui avait giclé au visage.

«Pourquoi tu as fait ça ? » dit-il.

Le prêtre répondit :

« C’était la meilleure chose à faire.
—Il pouvait être sauvé !
—Il l’est, il regarda Sump, merci pour lui, sekteg. »

Incrédule, l’aveugle perdit ses mots. Une flaque rouge s’élargissait sous le corps ; les briques s'en gorgèrent. Le prêtre soupira :

« Je dois remonter au temple. Que comptez-vous faire ? »

Sump tourna la tête vers son compagnon agenouillé près du cadavre ; il prenait le pouls du garçon, lèvres et mains tremblantes. Sump grogna :

« Château.»

Le prêtre de Thimoros haussa les sourcils :

« De Von Lermesch ? C’est un objectif comme un autre. Mais vous êtes dans une impasse : sortez d’ici et les spectres vous enverront en enfer de la pire des façons ; restez et le gardien des lieux, engagé par la Confrérie du Crâne elle-même, vous traquera dans ce labyrinthe jusqu’à ce que mort s’ensuive. Et si par miracle vous trouvez le passage secret menant au temple de la ville, alors c'est moi qui devrait vous tuer. »

Frustré, Sump claqua la langue.

« Je vais le regretter, ajouta le prêtre, mais si vous êtres prêts à tout, j’ai peut être une solution. »

Il désigna les lieux :

« Cet endroit sert aujourd'hui aux évènements du culte de Thimoros : Ignésia, Haténetia … mais il a été créée du temps des rois puissants d’Exech afin de garder prisonniers les grands criminels de guerre et leur soutirer des informations. Inconnue de tous, oubliée parmi d’autres horreurs, cette salle de torture a été choisie pour être l'une des passerelles vers un projet de bien plus grande envergure mené par les plus grandes instances des cultes de Thimoros et de Phaïtos réunis : une forteresse morte-vivante. Je n’en sais pas plus, mon supérieur ne m'en parle pas et je le soupçonne de n’en pas savoir grand-chose non plus. Prenez l’ascenseur menant à cette forteresse et trouver la gargouille. J'ai ouïe dire qu'elle vous mènera presque sous le château du comte. »

Il fit un geste de la main, des marques noires apparurent sur le sol. Il se pencha, ferma les yeux du garçon inerte puis conseilla aux deux gobelins de se dépêcher : le gardien n'allait pas tarder à faire sa ronde. Après quoi, il leur souhaita bonne chance et partit. L’aveugle se leva, tête baissée, visage et mains tâchés de sang.
En silence, ils suivirent les marques ténébreuses qui les menèrent hors de la pièce à travers le dédale de briques jusqu’à une planche de bois circulaire. Sump hésita ; visage fermé, l'aveugle avança. Ils appuyèrent sur une plaque de pression au centre de la plate-forme qui trembla, craqua et dans un roulis, descendit.


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Message par Sump » mer. 29 mars 2023 08:38

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10


Les engrenages et l'estomac de Sump se répondaient. Il était cramponné à sa dague. À ses côtés, l’aveugle se rongeait les ongles et tripotait son cube. La plateforme s'arrêta face à un noir couloir éclairé par des flammes violacées. Au bout, une coursive. Sump observa, l’aveugle écouta ; un calme monastique régnait. À droite et à gauche, la coursive se poursuivait en virages doux et formait un étage circulaire.
Entre deux torches, une affiche placardée derrière du verre indiquait :

_______________________________________________________________________________________________________

Consignes destinées aux patrouilles de la prison de la Forteresse Souterraine Morte-Vivante d’Exechia :

Suite à de multiples débordements et incompétences, ont été convenues les directives suivantes :

-les torches doivent être réapprovisionnées régulièrement (si manque de feu noir, appliquer la procédure 356.b du manuel d’application des procédures spéciales de la FSMV)
-les patrouilles s’effectuent avec le chef de patrouille
-ne pas oublier de nourrir les prisonniers VIVANTS
-ne pas entrer dans les cellules
-ne pas s’approcher des cellules
-ne pas escalader le parapet
-les coursives et les passerelles (étages 1, 2, 6 et 12) doivent rester propres et ne doivent pas être obstruées
-à l’initiative du chef de patrouille, le code secret (un nouveau par semaine, dicté à l'ordre du jour) peut être demandé à tout individu (sauf autorités suprêmes, les 13 et le chef de la forteresse à ce jour : Anthonix Von Glouh sous peine de sentences)
-dans la mesure du possible, tout intrus doit être capturé vivant
-compte-rendu à l’autorité compétente si moindre évènement NOTABLE
-l’alerte doit être sonnée pour des motifs VALABLES (les spectres hurleurs seront récupérés par la patrouille qui a déclenché l'alerte)
-toutes les cellules des treize étages de la prison doivent être contrôlées régulièrement (voir manuel de sécurité de la FSMW)
-NE PAS ACCÉDER AU COULOIR DE ZAX' TWERAX' H
-si patrouille incomplète, compte-rendu indiquant la raison à l'autorité compétente puis emprunt de(s) (l’)élément(s) manquant(s) à la carrière, au jardin ou à la salle d’entraînement avec justificatif
-tout manquement aux consignes entraînera des sanctions


Responsable de la sécurité de la FSMV d’Exechia : Kell Von Ogz

_______________________________________________________________________________________________________


Sump s’approcha du parapet de pierre, remplacé par une palissade de bois aux endroits où il s’était écroulé, et se jucha dessus : en bas, des étages de cellules vides bâtis autour d’un trou de noir insondable.

« Saute, sekteg, tu te rendras service ! »

Rocailleuse, la voix provenait d’une des cellules. Un vieillard hirsute se leva et s’approcha :

« Je leur avais dit ! éructa-t-il, je leur avais dit à tous que des endroits comme celui-là existaient ! Que sous les villes pullulaient des horreurs ! Que des recherches et expériences étaient menées afin de créer des morts-vivants capable d’émotions, de guérison, de croissance et de reproduction ! Que les fidèles de Thimoros et de Phaïtos préparaient quelque chose contre le monde entier afin de reprendre le pouvoir ! On me traitait de complotiste, de fou, ah ! Ils vont devoir m’écouter maintenant ! »

L’aveugle répondit par un salut hasardeux. Le vieux attrapa les barreaux de sa cellule et s’agita dessus :

« Tas de véroles, vous avez de la chance que mes pouvoirs soient neutralisés ! Je vous aurais oblitéré ! Rats des Enfers, erreurs de la nature ! »

Il s’acharna contre les barreaux et sa voix résonna dans le donjon vide. Inquiet, Sump scruta les environs.

« Calmez-vous monsieur, dit l’aveugle, nous sommes juste égarés. Pouvez-vous nous aider ? »

Le vieil homme marmonnait :

« Je leur avais dit, je leur avais dit à tous... » puis il leva la tête : « Quoi ? Mon aide ?…Ah ! Elle est bonne celle-là ! Furoncles d’Omyre, suppôts d’Oaxaca ! Phaïtos me souffle au cou mais ce n’est pas aujourd’hui qu’Ulrich Barnabéus Salvandor rencardera de sales gobelins estropiés ! »

Le gobelin aveugle s’empourpra :

« Nous ne venons pas d’Omyre et n’avons rien à voir avec Oaxaca ! Je viens de la faculté de magie de Kendra-Kâr et mes tuteurs sont maîtresse Isidore Essna-Gaïa, une des plus grandes arcanistes de notre ère ; madame Bon-Mérite Ondiane, guérisseuse de l’ordre ; mademoiselle Zieldoté Veve, spécialiste en cryomancie formée à l’université des glaces de Pohélis ; maîtresse Olefy Sigmunda, maîtresse des runes et d’histoire des légendes de Yuimen ; et enfin maître Haro-Bana du clan des Wotongoh du fleuve Napp’a, grand shaman et spécialiste de la faune nosverienne et de la littérature wotongoh ! Je pensais qu’un personnage comme vous, le célèbre luminomancien et théurgiste Ulrich Salvandor, aurait l'esprit plus clair !»

Salvandor fronça ses sourcils broussailleux. Un de ses yeux était blanc et traversé d’une cicatrice brune ; l’autre roulait d’incompréhension.

« Que la déesse des déesses éclaire mes pensées, marmonna-t-il comme effrayé, il ne ment pourtant pas car je reconnais bien là l'habitude de la faculté à donner de la crédibilité à des femmes et à un sauvage de wotongoh sous prétexte qu’il vit en communion avec la nature et qu’il a la peau...
— Maître Haro-Bana n’est pas un sauvage ! explosa l’aveugle, il a de grandes qualités ; c’est lui qui m’a fait cadeau de ceci ! »

Il brandit son jeu en bois. Sump détourna le regard. Le vieux éclata de rire :

« Ah ! Offrir un casse-tête à un aveugle ! Si c'est pas digne du génie Wotongoh ça ! »

L’aveugle se tut et rangea son cube noir et blanc. D’un coup de barbe, Salvandor désigna Sump :

« Et ton petit copain, dit-il d’un ton narquois, tu vas me dire qu’il vient de la faculté de Kendra-Kâr lui aussi ? Vous êtes des sektegs, des vrais : des nids à problèmes, des profiteurs, des voleurs et des traîtres ! Même si tu viens d'où tu prétends venir, il ne t'ont pas gardé longtemps, tu devrais te demander pourquoi ! Quant à l'ami que tu as rencontré en ces lieux il ne tardera pas à t’avilir avant de t’égorger ! Foutez-moi le camp ! Je trouverai un moyen de prévenir l’Ordre des théurgistes de l’existence de ce concentré de forces du mal ! Le monde doit savoir que sous leurs pieds se trament l’extermination de tous les êtres-vivants et du monde tel que nous le connaissons ! Que les dieux obscurs fomentent leur domination ! J’informerai l’Aube Radieuse et l’Ordre Purificateur kendran ! Les Enfants de Gaïa, les vierges de l’arc ! Tous les cultes de la lumière seront au courant et vous regretterez ! Vous regretterez tous ! Ces cités souterraines seront exterminées ! Ce sera la grande croisade du nouveau millénaire !»

Sump entraîna son compagnon loin des éclats de voix ; l’aveugle se dégagea mais suivit, front plissé ; à défaut d'ongles, il s'attaquait aux jointures. Ils descendirent un escalier mais des voix les obligèrent à se cacher derrière les marches de pierre, parmi des balais, des seaux et des caisses de torches. Sump aperçut un homme de petite taille aux cheveux noirs rassemblé en catogan. Par-dessus sa bure noire renforcée de cuir, il portait une arbalète en bandoulière.

« Bougez-vous, les tas d’os, maugréa-t-il, on doit déjà se taper des rondes à n'en plus finir dans cette taule vide alors si en plus vous prenez votre temps on s'en sortira pas.»

Deux squelettes, un grand et un petit bossu en manteau, et une goule boîteuse le suivaient dans les marches. Le bossu s’exprima d’une voix doucereuse :

« Je suggère au maître de profiter de la ronde du premier pour vérifier les ascenseurs et la gargouille…
— Ça va, je sais ce que j’ai à faire. Quand je pense que j'ai accepté cette affectation parce qu'on m'avait promis de l'action ! Et me voilà à faire causette avec des moelles à pattes que même un aspirant nécromancien ne prendrait pas la peine d'invoquer ! »

Le groupe disparut en haut des marches. Après un silence, Sump se tourna vers l’aveugle et s'écria :

« Gargouille !
— Oui, gargouille, gargouille, répéta l’aveugle, je te rappelle que c’est de ta faute si nous en sommes là alors inutile de te tourner vers moi pour la suite ! »

Sump grommela dans sa barbe.

« Alors ? insista l’aveugle, on fait quoi ? »

Sump désigna l’étage devant eux d’un geste vague :

« Visiter, lâcha-t-il, et remonter. »

Pour échapper aux mimiques réprobatrices de son acolyte, Sump sortit de la cage d’escalier. Ils se trouvaient au deuxième étage ; Sump prit garde à ne pas se faire repérer par la patrouille du premier et lorgna dans les cellules : elles étaient vides pour la plupart. Une passerelle en pierre permettait de traverser le vide noir pour atteindre l’autre côté du cercle sans faire le tour. Sump s’immobilisa devant.

«Tu as vu quelque chose ? demanda l'aveugle.
—Boîte avec cheveux. » répondit Sump.

L'aveugle poussa un soupir agacé. La caisse couina au milieu du pont :

« Partez ! »

La dague de Sump chuinta. L’aveugle laissa échapper une exclamation furieuse et abaissa le bras de Sump :

« C’est une voix d’enfant, dit-il, tu t’attaquerais à une enfant ? »

Il prit ensuite une voix douce :

« Écoute… euh... petit, dit-il, nous sommes perdus, nous ne te ferons pas de mal.
— Promettez !
— On promet. »

Une petite fille abîmée surgit de derrière la caisse. Sump fronça les sourcils : le visage était gris, émacié ; les yeux grands et effrayants, les cheveux poivre et sel en touffe sur le crâne. Elle épousseta sa robe en haillon avec ses petites mains dont il manquait des morceaux :

« Tout le monde maltraite Hermione ici, gémit-elle, les prêtres de Thim’ et Phaï’, les squelettes…même le vieux prisonnier grincheux a dit que j’étais une erreur de la nature et que je devrais me jeter dans le vide… »

Le gobelin aveugle acquiesça :

« Moi aussi, j'ai été déçu par son comportement. Qui t’as amené ici ?»

Hermione tripota une blessure sur son bras ; la chair était violette et sentait la viande faisandée. Sump avait faim.

« Mon papa, le chef de tout ça. Il avait dit que puisque j’étais de son sang, je pouvais venir visiter et participer à son nouveau travail. » Son visage se plissa : « Un jour, ajouta-t-elle avec un sanglot soudain, il m’a proposé un jeu. Des prêtres se sont mis en cercle autour de moi et tenaient des objets bizarres et répétaient des choses qui n’avaient aucun sens et ça me faisait mal.
— Gaïa toute-puissante ! C’était il y a longtemps ? »

Sump vit Hermione tressaillir ; elle se reprit :

« Quelques années, cinquante ou cent, je ne sais plus. Depuis, personne ne fait plus attention à moi, papa dit qu'ils m'ont raté. »Elle recula : « Dis, pourquoi ton ami me regarde comme ça ? »

L'aveugle se renfrogna :

« C'est loin d'être mon ami, dit-il, ne fais pas attention il est toujours comme ça. Tu devrais nous accompagner. Nous nous rendons au château du comte Von Lermesch pour y trouver de l’or et voyager. »

L'œil dur, Sump se tourna vers l'aveugle. La fillette s'égaya :

« Le comte est un grand ami à mon papa ! dit-elle, il y a un chemin qui amène directement à son château !
— Tu parles de la gargouille ?
—Non, il faut un mot de passe et je ne le connais pas. Il y a un autre chemin tout en bas du donjon ! »

L’aveugle exprima un étonnement joyeux ; Sump s’interposa, dague en avant, dents découvertes ; Hermione recula et gémit.

« Arrête d'agresser tout le monde, intervint le gobelin aveugle, elle est dans le même camp que nous, celui des victimes ! »

Sump secoua la tête et se lécha les lèvres. Son estomac rugit dans le silence ; l'aveugle repoussa Sump avec violence :

« Tu es un vrai animal ! explosa-t-il, voler une princesse défunte, manquer de nous faire tuer et égorger un malheureux ne te suffit pas, tu veux maintenant t’attaquer à cette enfant ? Je n’en crois pas mes yeux, quel monstre ! Avec toi comme représentant, je comprends mieux pourquoi notre race souffre de tant de préjugés !»

Sump claqua des mâchoires ; l’aveugle brandit des poings tremblants :

« C’est ça, dit-il, grogne, mords ! Attaque-toi à un aveugle si tu l’oses, espèce de bête sauvage !
— Toi stupide. Dégage. gronda Sump.
— Oh, je suis stupide ? ricana l'aveugle, qui n'arrive pas à aligner deux mots et encore moins deux idées à la suite ? Qui ne pense qu'à "manger, dormir" ? »

Sump s'apprêtait à bondir sur l'aveugle quand une aiguille en os apparut dans la main pâle de Hermione. De ses grands yeux glauques elle le fixait avec intensité. Sump piétina puis feula de frustration.

L’aveugle tourna les talons :

« Puisque tu es dans ton élément ici, dit-il d'une voix tremblante, je suppose que tu n’auras aucun mal à t’en sortir sans nous. »

Les oreilles basses, Sump regarda l'aveugle s'éloigner au bras de Hermione.


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Re: Les Catacombes

Message par Sump » jeu. 30 mars 2023 00:27

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11


Sump déambulait le long des geôles désertes.
Il avait trouvé la gargouille au premier étage, au fond d’un couloir, avait tourné autour, l'avait touché, avait grimpé dessus mais rien ne s'était produit. Seul et las, il se traînait le long des étages et lorgnait le contenu des cellules avec des yeux éteints : des os, rien, un pendu, des charognes, encore rien. Le silence n’était troublé que par quelques cris poussés du néant autour duquel était bâti le donjon. Sump s'arrêta devant une cellule dans laquelle une silhouette osseuse bougeait d’avant en arrière, mains sur le crâne ; « Pitié, pitié, pitié… » gémissait-elle, omoplates saillantes, chair luisante. Le cœur de Sump se serra.

Un putride courant d’air attira son attention : c’était la respiration d’un escalier descendant. Sump s’y engagea. La descente était accompagnée de fantomatiques flammes et d’une épaisse pénombre. Les marches laissèrent place à un autre couloir de cellules et leur contenu défila devant un Sump interdit.
Dans l'une d'elles, un échalas de chair pâle s’agitait, ses quatre bras décharnés fouettaient l’air et griffaient la peau ; deux visages siamois se feulaient dessus tandis qu’une queue arrachée tressautait au sol. Plus loin, un humanoïde musculeux, vêtu d’un simili de tenue de prêtre obscur et à l’épiderme couvert de blessures infectées gisait sur le dos ; il contemplait le plafond et ses griffes tapotaient le pavé inégal. Lorsque Sump s'arrêta devant sa cage, il redressa la tête : le scorpion tatoué sur son visage avivait ses yeux jaunes. Sump poursuivit sa visite et plus loin, un mort-vivant immobile fixait le vide, hagard ; des étincelles l’entouraient et animaient le couloir de crépitements et de flashs. Dague sortie pour se rassurer, Sump poursuivit sa descente. Le couloir se fit plus sombre, les cellules plus souvent vides.

Des serres fusèrent entre les barreaux. Sump les esquiva par réflexes et souffle court, posa un regard sur leur propriétaire : crâne d’oiseau enveloppé de plumes et d’ombres, la créature partit d'un rire hystérique et s'agita dans son espace, comme pour s'envoler. Caché par un tournant, un autre résident hurla comme un gorille. Sump se colla à l'arête du mur et risqua un regard : seul dans son couloir et avant une entrée vers d'opaques ténèbres, un colosse de chair putride couvert de bijoux et de scarifications frappait le sol avec un massif coffre au trésor. Sump envia sa puissance et ses dorures alors que les couloirs s'emplissaient de bruits, de chocs, de cris.
Puis il y eut des coups réguliers contre la pierre noire.
Sump les entendit en lui, son cœur tressauta à chaque coup. Les autres monstres ressentirent la même chose car le silence était revenu. Le couloir trembla, ondula. Un son entre éboulement et sifflement chatouilla les oreilles de Sump caché derrière son pan de mur. Quelque chose émergea du noir.

Une silhouette trapue monta les marches appuyée sur un long bâton ; elle s'arrêta devant les barreaux du géant au coffre qui s'était recroquevillé au fond de sa cage, et hocha sa tête encapuchonnée de brume sombre ; sur la bosse de son dos, un scolopendre géant noir aux reflets incandescents agitait ses antennes ; des parasites abyssaux dévorait un pied pâle et boursoufflé. Comme un vieillard, le nouveau venu se baissa et ramassa un morceau d’or au le sol ; la plainte sourde qui lui échappa retourna les entrailles de Sump. Il se releva à l'aide de son bâton noir mât sur lequel un corbeau reptilien se grattait les écailles et jeta le morceau d’or dans la cellule. Enroulées autour de ses bras pâles et massifs, des vipères de toutes les nuances de ténèbres protestèrent. Leur hôte pivota sur lui-même dans un volute d’aura fuligineuse.

Le pantalon de Sump s'humidifia.


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Re: Les Catacombes

Message par Sump » jeu. 30 mars 2023 02:14

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12


Appuyé contre la rambarde, Sump rendit une bile brûlante. Son cœur battait fort. Il cherchait son souffle et son sang-froid après cette vision de cauchemar quand ses oreilles frémirent ; il se pencha sur le parapet : plus bas, Hermione et l’aveugle luttaient. Entre eux, le poignard en os disparaissait et reparaissait. Sump fila vers les escaliers et les survola, glaive dégainé.

Hermione était agenouillée auprès de sa victime.

« Mon petit monsieur, piaillait-elle, non seulement vous êtes ma première proie depuis des années mais en plus vous me faites de jolis présents ! »

Elle levait une chaînette dorée devant ses yeux. Du talon de la botte, Sump brisa l’arme en os que l'impie avait abandonné ; elle sursauta, se retourna et recula contre la rambarde.

« Jamais je n’aurais fait ça si j’avais su que ça m’attirerait tes foudres, dit-elle, mais la faim pousse à faire des choses stupides… On le partage si tu veux. »

Le parapet était remplacé par une rudimentaire palissade de bois qui comportait un trou ; Sump avança, Hermione recula et fit face au noir. Elle sanglota :

« Ne me pousse pas je t’en supplie ! Je ne veux pas savoir ce qu'il y a en bas ! Je ferais ce que tu veux ! Qu’est-ce que tu veux savoir ? »

Sump plaqua sa lame contre sa gorge et le flot de parole cessa. Leurs visages étaient proches. Ils se regardèrent dans les yeux. Les pupilles mortes étaient fines, les iris comme des arcs-en-ciel glauques. Elle déglutit, lèvres tremblantes ; Sump grogna :

« Gargouille. 
— le mot de passe c'est "Redemptio", déglutit-elle.
— Collier. »

La fillette souffla et leva la main entre leurs visages ; Sump glissa son bras gauche dans la chaînette et grogna à la félonne de dégager. Elle se glissa sous son bras et s’enfuit. Sump s’agenouilla et replaça le collier de la faculté de magie de Kendra-Kâr autour du cou de son propriétaire. De la main il tourna le visage inerte vers lui.

« Il voulait revenir te chercher, dit Hermione près de l’escalier, il s’en voulait de t’avoir abandonné dans cet endroit. » elle rit : « Comme si tu n’y avait pas ta place. »

Elle disparut.

Sump passa le bras de l’aveugle autour de son cou et essaya de le hisser sur ses épaules. Puis il tenta de le mettre debout à ses côtés mais les forces lui manquaient. Il finit par crocheter les aisselles de son compagnon avec ses bras et le traîna jusqu’aux escaliers. Ainsi chargé, il remonta les niveaux, étages après étages, marches après marches. Il ahanait, grognait et trébuchait ; s’arrêtait, soufflait puis reprenait son ascension. Il était couvert de sueur et prit de vertiges mais refusait de perdre du temps. Il tirait son camarade vers le haut, sans relâche. Arrivé au premier étage, il soufflait sueur et salive ; il fit un dernier effort pour amener son fardeau devant la cellule du mage de lumière. Il l'allongea, une main sous son crâne. Sourcil dressé de défiance, le vieux théurgiste s’approcha. Incapable de parler, Sump désigna le corps inerte d’un coup de menton ; le vieux s’accroupit et palpa le corps malingre :

« Il est mort d’une demi-dizaine de coups de poinçon, dit-il d’une voix rauque, et il n’avait pas menti pour la faculté de Kendra-Kâr. » ajouta-t-il en levant le pendentif accroché avec deux doigts. Coup d’œil aigu à Sump : « Il avait l'air d'un honnête bonhomme. C'est toi qui lui a fait ça ?»

Sump dégaina : large lame, vague dorée, pointe recourbée. Salvandor hocha la tête et caressa sa barbe drue. Le menton levé, Sump reprenait son souffle et scrutait les environs : le groupe de tout à l’heure traversait la passerelle. Le vieux s’en aperçut :

« Si sauver ce sekteg est la dernière chose que je puisse faire c’est dire où j’en suis rendu, soupira-t-il, écoute-moi bien sekteg : cette patrouille qui arrive vient me souffler de la poudre d’olath à la face pour m'empêcher d'utiliser mes fluides. Est-ce qu’il faut que je te fasse un dessin ? »

Sump s'éloignait quand Salvandor ajouta :

« Tu es à bout de force, dit-il, mais je n’utiliserai pas mes pouvoirs pour te requinquer, c'est trop pour mes principes. En revanche… »

Une sphère de lumière brilla dans sa main décharnée et flotta jusqu’à Sump ; elle se fondit en lui.

« Te voilà protégé par la déesse des déesses elle-même, ricana Salvandor, ah ! c’est un tournant dans ton histoire je suppose. »

Sump se détailla comme s’il portait de nouveaux vêtements et se mit en marche.

***

Arbalète à l’épaule, l’homme au catogan se pavanait entre ses deux sbires squelettes. Le grand tenait une lourde hache, le bossu une cage à oiseau où brillait un chaos de lueurs rouges et bleues. La goule traînait la patte à l'arrière.
Sump hésita ; il se retourna : encore hors de vue de la patrouille, son acolyte aveugle gisait devant les barreaux noirs et les mains parcheminées. Il prit une profonde inspiration et courut ; il passa devant la patrouille pour disparaître dans les escaliers.

« Halte ! Individu non-identifié repéré !
— Du calme l’asperge, ce n’était qu’un sekteg.
— Présence gobelinesque possible et suspecte dans l’enceinte de la prison !»

Catogan se tourna vers la goule penaude :

«Eh, le nouveau, t’as vu quoi ? »

La goule gémit.

« Devons-nous lâcher les spectres hurleurs, maître ? susurra le bossu.
— Pour qu’on soit la risée de toute la forteresse lorsqu’on passera les prochains jours à les regrouper ? Garde cette cage fermée, c’est un ordre.
— Mission principale : neutraliser les pouvoirs de Salvandor, le théurgiste luminomancien.
— Exactement. »

La goule gémit.

Désespéré, Sump les regarda continuer leur chemin. Son regard s’attarda sur la goule ; elle portait un soufflet entre ses bras déchirés. Sump s’élança derrière elle et lui fonça dans les jambes ; avec une plainte lasse, elle tomba à genoux. Les autres se retournèrent. Sump saisit le soufflet mais avec l'entêtement propre aux morts-vivants, la goule tint bon et geignit. Le grand squelette déboula et leva sa hache :

« Menace détectée ! Extermination ! »

Il abattit son arme ; Sump ouvrit de grands yeux et s’écarta sans lâcher le soufflet. La lourde lame coupa les deux bras du zombie et heurta le sol avec puissance. Sump se releva et détala avec son larcin. Il descendit des volées de marches et se retrouva sur la coursive de l’étage inférieur. Relié à l’étage au-dessus par un câble noir, catogan apparut, arbalète braquée, sourire cruel ; un trait d’ombre fusa dans la poitrine de Sump. L'impact le fit rouler mais il se releva intact, entouré d'une lueur. Le reste de la patrouille l’encercla.

« Demande de restitution du soufflet, fit le grand squelette.
— Exactement. » gronda l’humain surpris.

Les orbites vides des squelettes étaient insondables mais les yeux de l’humain flambaient de colère et de nervosité. Sump se décala vers le vide, soufflet contre lui.

« Dernière sommation : restituez-nous le…
— La ferme, c'est un cas qui demande de la subtilité, intervint l’humain, Sekteg, si tu es malin, écoute : le carreau qui t'as touché a appliqué une marque des ténèbres sur toi. Où que tu te caches maintenant, je te trouverai. Et en bon disciple de Thimoros, je ne te tuerai qu'après moult souffrances. La seule façon pour toi d’éviter ça, c’est de nous rendre cette breloque inutile. »

Face au silence de Sump, l’autre reprit :

« Nous en avons besoin pour empêcher cet illuminé là-haut d’instaurer le chaos ici-bas. Tu peux te figurer les dégâts que peut causer un mage de lumière comme Ulrich Salvandor dans un endroit où le feu classique est interdit car trop lumineux.» il désigna sa patrouille : « Mon groupe d'élite ne tiendrait pas une seconde. »

Il mit son arbalète en bandoulière sur son épaule.

« Et puis, nous sommes dans le même camp non ? Fidèles de Thimoros, sektegs, goules, squelettes… notre point commun est d’être méprisés par le monde entier et d’être les rebuts d'une société injuste et inégalitaire. Du mauvais côté de la barrière. Alors pourquoi ne pas faire cause commune ? Tu dois avoir des capacités extraordinaires si tu es arrivé jusqu’ici, tu pourrais nous rejoindre. Au pis, garde le soufflet, mais rends-nous son contenu ; c’est… »

Sump s’enfuit. Catogan se perdit en insultes.

Les jambes de Sump le portaient sans qu’il sût où elles l’emmenaient mais le soufflet pesait entre ses bras malingres. Il reconnut le couloir qu’il avait visité avant de sauver son compagnon du poinçon de Hermione et se figea pour réfléchir un instant. Il se débarrassa de sa cape et se terra entre des caisses en bois non loin, soufflet serré contre lui. Ses poursuivants arrivèrent avec fracas. Entre les boîtes, Sump vit l’arbalétrier engager un carreau de fer brut dans son arme, les lèvres agitées de malédictions.

Le squelette géant pointa le sol :

« Objet appartenant au fugitif repéré.
— Oui, merci, coupa l’humain d’une voix sèche, s’il est allé se planquer avec Zax’Twerax’h, c’est qu’il est avec les plus fous des spécimens les plus dangereux de Yuimen. On ne le reverra pas. »

Le squelette à la cage susurra :

« Peut-être pourriez-vous utiliser votre marque, maître, juste pour être sûr.
— C’était du bluff, idiot. Ce sekteg est enchanté, tu ne l’a pas remarqué ? Il va falloir que je rende compte de la perte du soufflet et de l’intrusion d’un crétin de sekteg dans la forteresse. Et ça ne va pas accélérer mon avancement. »

Il bouscula le zombie manchot qui tomba. Le grand squelette l’aida à se relever et ils s’éloignèrent.

Sump soupira et en attendant, détailla le soufflet : les deux flasques, d’un cuir de qualité, étaient jointes par une améthyste de la taille d’un œuf ; le métal des queues ne reflétait aucune lueur et les décorations en pointes scintillaient de poudre de rubis. Avec un moue satisfaite, Sump enfouit ce trésor dans son sac, s’extirpa de sa cachette mais s'arrêta. Son sac était trop lourd. Visage sombre, il jeta le soufflet dans le vide après en avoir récupéré le précieux contenu.

Puis la voix du grand squelette retentit :

« Deuxième gobelin repéré ! Infestation gobelinesque confirmé !
— Alerte !
— Par Thimoros, n’ouvre pas cette cage ! Saloperie de tas d’os à la... ! »

Un concert de hurlements et d'éclairs rouges et bleus anima le donjon. Sump remonta les escaliers à toute vitesse. Mains sur les oreilles, le gobelin aveugle était perdu au milieu de la coursive alors que le grand squelette se ruait sur lui. Sump se lança en avant. Le chef de patrouille sursauta, cria et épaula son arbalète. Sump pila net et le trait lui frôla le nez. Fébrile, l’humain rechargea avec force jurons. Sump reprit sa course pour rejoindre son compagnon qui se jeta à terre au moment où le colosse d’os abattait sa hache ; le visage de Sump se tordit de peur. La redoutable arme s’écrasa sur les pierres à un centimètre de l'aveugle. Le squelette à la cage profita de ce moment d'inattention pour se planter devant Sump et avec une plainte étrange, dégaina un couteau de guerre de son manteau trop large. Sump rentra le ventre pour éviter le coup et d’un revers doré, raya le visage de son adversaire qui chancela. La hache du grand squelette se levait à nouveau, les spectres beuglaient. Accroupi, le gobelin aveugle était tétanisé et regardait de tous les côtés. Sump se jeta sur lui ; la hache s’abattit une nouvelle fois sur la pierre.

« Oh, par Gaïa, c’est toi !» fit l’aveugle serré contre Sump.

Sump le releva et lui brailla de courir tout droit alors qu’un hurleur rouge passait près d’eux. L’aveugle se jeta entre les jambes du grand squelette qui ne comprit pas. Sump le contourna et accourut pour pousser l’aveugle sur le côté : le couteau de jet que le squelette bossu avait lancé passa entre eux. Sump alla à son contact : para de justesse un coup de couteau et frappa plusieurs fois ; le bossu tomba sur son séant, indemne. Sump rejoignit l’aveugle lorsqu'un carreau siffla dans le chaos ; Sump gronda de douleur lorsque le fer lui lacéra la joue et l’oreille. Les deux gobelins poursuivirent leur course. Un brouhaha s’ajouta au raffut ambiant : des éclats de voix de tous les côtés, des vagues entières de bottes dans les marches ; une foule de prêtres obscurs et leurs suivants d’outre-tombe se matérialisa à chaque étage et grimpa tous les escaliers. Les deux fuyards traversèrent la passerelle et se retrouvèrent devant un couloir puis dans une salle au calme recueilli.

« Pourquoi on s’arrête ? » haleta l’aveugle.

Un homme de pierre était accroupi, bras recroquevillés contre la poitrine, et ployait sous les ténèbres au-dessus de lui.

« Redemptio ! » aboya Sump d’une voix rauque.

Les yeux de la statue s’embrasèrent, ses ailes s'ouvrirent. Paumes griffues ouvertes, il invita les deux gobelins à monter et à s’accrocher aux chaînes. Des cris et des ordres désespérés emplirent la pièce ; des traits obscurs, des ombres et des nuages de maléfices frappèrent le bouclier magique de la gargouille qui se ramassa et dans une éruption de puissance, s'envola.


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