Les Ruelles

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Yuimen
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Les Ruelles

Message par Yuimen » ven. 5 janv. 2018 11:15

Les ruelles d'Exech

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Un entrelacs de ruelles tortueuses où l'on se perd facilement si l'on est pas de la ville. Déjà sombres et dangereuses la journée, c'est être suicidaire que de s'y aventurer de nuit ! Un vol, un meurtre vous guette à chaque croisement...

Les rares personnes que vous croisez vous jettent des regards noirs avant de se hâter vers on ne sait quel crime.

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Adam Von Demorlys
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Re: Les Ruelles

Message par Adam Von Demorlys » mar. 12 mars 2019 21:40

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« Adam couches-toi ! »

Le pyromancien ne se le fit pas dire deux fois. Il se jeta à terre alors que deux autres couteaux de lancer sifflèrent au-dessus de sa tête. L'autre malheureux quand à lui se tordait de douleur sur les pavés. Un autre projectile chargé d'une énergie crépitante mit fin à ses souffrances.
Le cœur battant à tout rompre Adam roula jusqu'aux tonneaux pour s'abriter. Un vit alors le cheval piaffer et commencer à s'élancer, entraînant la charrette derrière lui. Seulement une ombre sembla se ruer sur la bête, et la chair de cette dernière, déjà malade, sembla soudainement se flétrir. L'animal tomba au sol dans un horrible hennissement et se tût au bout de quelques secondes.
( Si ça, ça vient pas de fluides obscures alors je suis un prêtre de Gaia...)

Mais trêve de plaisanterie, une demi-douzaine de silhouettes sortirent de la brume face à eux. Ils entendirent une voix crier :

« Dis donc Irka ! Tu devrais prendre quelque chose d'un peu moins voyant pour transporter ton pactole non ?! »

La raillerie fut suivie d'éclats de rire moqueurs et pas forcément des plus futés.

« Allez viens donc qu'on t'allège un peu, et d'ailleurs ça me fait penser, on a un compte à régler tous les deux. »

« Oh par les couilles de Yuimen, c'est Zato. Le chef d'une petite bande avec qui j'ai eu quelques différents y'a pas longtemps. »

Zack fulminait :

« La prochaine fois vérifie un minimum le secteur qu'on n'ait pas ce genre de désagrément ! »

« Allez Irka ! Montre le bout de ton nez et arrête de faire le couard ! Les gars explosez moi ça. »

L'enchanteur se redressa et invoqua une barrière de glace. A temps visiblement car un sortilège flamboyant s'y écrasa, sans toutefois lui infliger de dommage. La lueur que répandit l'attaque éclaira la scène pendant quelques secondes, au cours desquels Adam put voir plusieurs individus s'élancer vers eux. La barrière vola ensuite en éclat.

« Adam reste en retrait. Si on venait à perdre la marchandise ton père me fera passer un sale quart d'heure, mais si je venais à te perdre toi il m'arrachera la tête. »

Le jeune bourgeois n'eût pas le temps de riposter, Zack se détournait déjà. Le pyromancien avait horreur d'être infantilisé. Celà dit il fallait se rendre à l'évidence, en voyant les passes d'armes qui commencer à s'échanger autour de lui il comprit vite qu'il ne mènerait pas large. Adam recule alors prudemment mais rapidement, réfléchissant à un moyen de faire basculer la chance de leur côté. Il escalada alors une petite pile de tonneaux afin d'avoir une vue d'ensemble tout en étant à couvert. Tout se passait très rapidement, juste en dessous de lui il vit Genas en plein affrontement avec un malfrat. Adam regarda alors le tonneau derrière lequel il était abrité, se décala et essaya de le pousser. Mais c'est que mine de rien la barrique faisait son poids !
(Allez bon sang tu peux au moins faire ça!)

Alors qu'il sentait qu'il arrivait enfin à faire basculer l'objet, il cria à l'attention du nain :
« Genas décales-toi ! »

Ce dernier leva la tête une seconde avant que son adversaire face de même, ouvrit grand la bouche et sauta sur le côté. Son adversaire fit de même, esquivant ainsi le tonneau qui se fracassa là où il était à l'instant, et répandit une mare de bière. Genas cependant, plus vif que son agresseur malgré sa carrure, se remit sur ses pattes à un mètre du brigand en une roulade, et profita de la diversion faite par le mage en fendant l'air avec sa hache.

« Et bam ! Un de moins ! Bien joué petit Demorlys ! »

« De rien petit barbu. »

« Bwahaha ! »

Adam redescendit de son perchoir et distingua un mouvement du coin de l'oeil une fois que son pied atteint les pavés humides. Pivotant , il vit alors un zurqadam se ruer sur lui en brandissant un cimeterre.

Le jeune bourgeois esquiva de justesse le coup vertical, mais pas le coup de pied qui suivit et lui coupa le souffle. Projeté contre le chariot, main sur le ventre, le mage s'efforça de rester sur ses jambes. Il se redressait à peine que son assaillant était déjà à nouveau sur lui. Alors que ce dernier brandit son arme, un petit éclair les éblouit tous deux et lui frappa le bras. Adam tourna la tête et vit Zack, à quelques mètres baisser la main.

(Merci, je te revaudrais ça) .

L'enchanteur n'eût pas le temps d'en faire plus, car le garzok à qui il avait à faire l'assaillit avec deux fois plus d'ardeur. Adam reporta vite son attention sur son combat, profitant de cette aide extérieure qui avait désarmé son adversaire. Il semblait cependant en falloir plus pour déstabiliser le zurqadam. Ce dernier, après avoir étouffé une plainte de douleur ne perdit pas de temps à essayer de récupérer son arme et se rua à nouveau sur Adam, poings brandis.

Le pryromancien ne réagit pas assez rapidement, un coup l'atteignit en pleine mâchoire. Il leva alors les bras pour protéger son visage, parant ainsi à l'aveuglette un second coup. Seulement le zurqadam en profita pour se glissa en deux pas rapides dans son dos. Avant qu'Adam n'en prenne conscience et ne pivote, une cordelette lui enserra soudainement le cou. Mince ! Ca partait vraiment mal, si ça continuait c'était sûr, Adam allait y rester. Son assaillant resserra sa prise, maintenant le mage en face de lui en l'empêchant de se retourner. Le jeune mage devait trouver une riposte et rapidement.

Instinctivement il essaya de tirer sur la corde au niveau de sa gorge pour arriver à inspirer une goulée d'air, mais comprit vite que se serait peine perdue. De plus le zurqadam était physiquement plus fort que lui, ce dernier ne laissant aucune chance à Adam pour s'écarter ou se rabattre contre lui.

Ne perdant pas plus de temps le pyromancien amena alors ses mains derrière sa tête et agrippa fermement les poignets du brigand. Une fois cela fait il déclencha son aura de feu. Il sut que les flammes s'attaquaient aux vêtements et à la chair de son assaillant, en entendant une exclamation étouffée et douloureuse. Adam tint cependant fermement bon, agrippant toujours les poignets du malfrat. Le brigand resserra alors aussi sa prise, étranglant ainsi le mage plus que ce dernier n'aurait cru possible. C'était au premier qui succomberait aux flammes, ou à la suffocation. Adam avait l'impression que sa cordelette pénétrait sa chair. Ses yeux commencèrent à voir des étoiles quand le zurqadam lâcha brutalement prise. Tous deux tombèrent à terre. Le pyromancien avala douloureusement de grandes bouffées d'air, main sur la gorge. Cependant il ne devait pas perdre de temps. Le mage se redressa, et saisit sa baguette, et puisant dans ses fluides pour matérialiser ces derniers au bout de son arme.

Son adversaire se relevait déjà. Sa tête commençant dangereusement à tourner, Adam se sentit mettre un genou au sol et darda son regard sur sa baguette. Les fluides tournoyaient déjà à une vitesse furieuse. Etait-ce dû à cette grande décharge d'adrénaline ? Allez savoir, mais la forme était encore imparfaite tandis que le bandit alla ramasser son arme et s'avança vers lui en titubant.
Vite, vite.... Adam se concentra à l'extrême, la rotation des fluides se ramassa alors un peu plus sur elle même, formant ainsi une intense petite boule de feu. Le zurqadam n'était plus qu'à moins de deux mètres lorqu'Adam relâcha sur ce dernier le projectile magique.

Une déflagration retentit alors et le malfrat fut projeter plusieurs mètres en arrière. Il essaya vainement d'éteindre ses vêtements en flammes, et s'immobilisa au bout de quelques secondes.

Exténué, le pyromancien se laissa tomber sur le sol. Respirer lui faisait mal, sa mâchoire le lançait douloureusement mais il était en vie. C'était l'essentiel, en tout cas pour le moment.. Il ferma les yeux, essayant de reprendre ses esprits, calmer sa respiration ainsi que les battements de son cœur, et chasser le voile noir qui menaçait de l'emporter. Il entendit alors toute une cavalcade autour de lui. Se forçant à rouvrir les yeux, il essaya de se redresser d'un geste tremblant. Visiblement leurs ennemies optaient pour une fuite stratégique, car les survivants étaient en train de détaler et disparaissaient à l'ombre des ruelles.

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Modifié en dernier par Adam Von Demorlys le mar. 12 mars 2019 21:42, modifié 1 fois.

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Adam Von Demorlys
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Re: Les Ruelles

Message par Adam Von Demorlys » mar. 12 mars 2019 21:42

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Zack et Genas apparurent alors. Le premier avait une vilaine estafilade le long de la joue, quant au deuxième sacrée bosse prenait forme sur son front. Tous deux aidèrent le mage à se relever. Zack l'examina avec inquiétude :

« Ca va Adam ? »

Le jeune bourgeois leva une main tremblante, qui se voulait rassurante :

« Ca va..... Ca va.... J'ai juste besoin de reprendre mes esprits... »

Le mage reprenait sa respiration, tout en essayant de ne pas perdre l'équilibre. Le pauvre devait offrir un spectacle triste à voir. Une vilaine marque courait le long de son cou, sa lèvre saignait et sa coiffure d'ordinaire toujours impeccable semblait ne pas avoir été coiffé depuis quelques jours.

« Je t'ai vu avec le sort tout à l'heure, c'était sacrément bien joué ! Comme quoi tu as bien su apprendre de tes entraînements, bwahaha ! »

Adam sourit et hocha faiblement. En effet il était parvenu à modeler une boule bien plus rapidement que sur le bâteau. Restait maintenant à voir s'il arriverait à reproduire ceci dans des circonstances plus... Normales.
Ils virent Irka trottiner vers eux :

« Ces enflures ont eu Malos et estropié Cardy ! Que Thimoros les emporte. Enfin bon, au moins on a eu trois de leurs gars haha, ils sont pas prêts de revenir je vous le dis. »

Ils laissèrent le cadavre du dénommé Malos sur place, et le demi-garzok chargea le blessé sur son épaule. Ils se mirent alors à quatre pour descendre la caisse de la charrette et la transporter. Transpirant, nauséeux, Adam saisit alors pleinement le sens de « sortir de sa zone de confort ». C'est que la caisse faisait son poids en plus ! Heurement ils étaient très proches du repaire d'Irka. Ils s'arrêtèrent devant une petite bâtisse délabrée. Le sekget fouilla les environs du regard puis glissa une clef dans le cadenas qui protégeait l'entrée.

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Adam Von Demorlys
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Re: Les Ruelles

Message par Adam Von Demorlys » mar. 12 mars 2019 21:48

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Tous firent virevolte-face en entendant la voix posée et presque mélodieuse. Ils virent alors une dizaine d'individus sortir de l'ombre d'une ruelle, se trouvant juste en face d'eux. Tous étaient plutôt bien apprêtés vu le quartier dans lequel ils se trouvaient, surtout le demi-elfe gris qui était en tête. Leurs équipements étaient de bonne qualité, rien à voir avec les lascars qu'ils avaient affrontés un peu plus tôt. La démarche des individus était assurée. Mais il ne s'agissait pas là d'un comportement arrogant,. Non, il s'agissait plutôt de l'attitude de combattants ayant remporté maintes et maintes escarmouches, se trouvant sur leur territoire et ayant totalement confiance en leurs capacités.
(Qu'est ce que c'est que ça encore?)

Les choses prirent alors plus de sens lorsqu'Adam entendit le sekget pester derrière lui :

« Merde, la Fraternité... »

Le demi-sembla l'avoir entendu car ce dernier émit un rire cristallin :

« Allons mon cher Irka, tu n'espérais quand même pas te balader ta marchandise sans qu'on le remarque. Te mettrais-tu à te surestimer, ou à nous prendre pour des idiots ? »

Cette dernière phrase avait été prononcé tranquillement mais le concerné sembla se recroqueviller comme si on venait de lever un fouet. Il balbutia :

« Sir Leegan... Il s'agit juste d'un arrivage étant arrivé bien plus tôt que prévu... C... Ces messieurs s'étaient trompés d'une semaine, des choses qui arrivent. »

Voilà qui était culotté, et hélas cela ne surprit même pas Adam de la part du gobelin. Son premier réflexe était de protester, mais finalement il se dit qu'il valait peut-être mieux aller dans son sens et éviter de faire des histoires. Ils étaient en piteux état et ils avaient cette fois affaire à des pointures. Zack lui avait suffisamment parlé des grandes factions de la cité pour savoir à quoi s'attendre. Clairement, ça sentait le roussi, l'espace de quelques secondes le jeune pyromancien se demanda dans quoi il s'était embarqué. Ce qui suivit le le rassura guère.
A peine le sekget avait-il fini sa phrase que la totalité du groupe éclata de rire. L'un d'eux déclara même :

« Je confirme, il nous prend pour des idiots. »

Le petit malfrat n'était alors plus que l'ombre de lui-même, il émit une suite de gémissements et de plaintes incompréhensibles. Le dénommé Leegan se rapprocha doucement d'eux.

« Irka, Irka... La seule raison pour laquelle je ne t'ôte pas une main ici et maintenant c'est parce que tu as déjà perdu un homme au cours de cette échauffourée sur les quais. »

Adam ressentit un certain malaise. Ces individus les avaient donc observé depuis ce moment-là ? Ni lui ni aucun d'entre eux n'avait remarqué la moindre chose.

« Puis visiblement tu en as un autre qui n'est pas loin d'y passer également. Nous sommes bien placés pour savoir qu'ici chaque ressource est extrêmement précieuse. En parlant cette petite bagarre d'ailleurs, ce fût distrayant il faut l'avouer, mais la prochaine fois ne faites pas ça sur notre territoire. Ca fait tâche. »

Tous firent silence. Ces derniers mots avaient été prononcés bien moins aimablement. On n'entendait que le bruit lugubre du vent et les plaintes du blessé qui était resté dans la bâtisse.

« Manik ici présent, va te raccompagner à l'intérieur. Tu lui montreras ce joli coffre que vous vous êtes trimballés et il en retira de quoi payer notre taxe de passage. Plus le double évidemment vu que tu as essayé de faire ça dans notre dos, c'est donc le minimum que je puisse demander et estimes en toi heureux, la prochaine fois je serais moins sympa. Aussi tant qu'on y est... Manik est un fervent adorateur de Phaitos. Il en profitera donc pour s'occuper de ton blessé et accélérer son passage aux Enfers, sans que ton compagnon ne continue à souffrir d'avantage inutilement. »


Irka blêmit, mais s'éxécuta, résigné. Tous savait que ce geste n'avait aucun but altruiste. Un homme se détacha du groupe et le suivit à l'intérieur.
Le demi-elfe se rapprocha alors d'avantage du trio, désirant visiblement entamer la conversation.

« Vous n'êtes pas du coin n'est ce pas ? Sauf toi... Ta tête me dit quelque-chose. » Dit il en se tournant vers l'enchanteur.

« Je suis originaire d'ici, il m'arrive parfois de passer pour des affaires »

« Des affaires... » Répéta Leegan en se passant le bout de la langue sur les lèvres.  « A ce sujet il n'est pas normal que notre ami Nirka soit le seul à casquer, vu que vous profitez aussi de... Cette voie commerciale. »

Il fit un mouvement de tête vers le sac en bandoulière de Zack. Ce dernier l'ouvrit à contre cœur, laissant voir les deux volumineuses bourses.
Le demi-gris laissa échapper un sifflement et en prit une, qu'il soupesa.

« Eh bien eh bien... Vous ne lambinez pas à ce que je vois. Tant mieux, c'est toujours un plaisir d'accueillir des gens comme vous dans notre bonne vieille ville. »

Leegan émit alors un petit rire faisant curieusement penser à un ronronnement et ouvrit délicatement la bourse, tout en adressant un clin d'oeil au trio. Il prit ensuite le temps de choisir une vingtaine de pièces, referma cette dernière et la replaça dans la sacoche de Zack. Se faisant il fronça soudainement les sourcils. Lorsqu'il retira sa main, celle ci tenait une belle pomme rouge. Le sourire du demi-elfe s'élargit alors encore d'avantage.

« Il y a longtemps que j'en avais pas vu d'aussi belle. Vous savez, Exech est une région très marécageuse, il pousse pas grand-chose ici. »

Leegan mordit dans le fruit à pleines dents, et émit un grognement de ravissement. Soudain, émanant de l'insalubre bâtisse, tous perçurent un horrible gargouillis étranglé. Il n'était pas nécessaire d'essayer d'en deviner la source, l'adepte de Phaitos venait de s'occuper du blessé à sa manière. Quelques secondes plus tard il réapparut avec un petit sac plein à la main. Tout sourire, Leegan prit à nouveau une belle bouchée et adressa un sourire narquois aux trois compères.

« Bienvenue à Exech. »

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Adam Von Demorlys
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Re: Les Ruelles

Message par Adam Von Demorlys » mer. 3 avr. 2019 14:40

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Les deux compères remontèrent le long de sombres ruelles, en direction de l'est de la cité. Un silence pesant s'installait de plus en plus, le brouhaha de la place publique se faisant peu à peu plus lointain. Ils croisèrent deux petits groupes de quelques individus, qui les regardèrent passer d'un œil méfiant et torve. Génas chuchota au jeune bourgeois.

« On n'est pas loin du temple du Thimoros, c'est le territoire du Crâne rouge ici.  Tiens, il y a une entrée là.»

Adam opina silencieusement. Une ambiance malsaine se dégageait de ces quartiers et le jeune mage était sur ses gardes. Ils se dirigèrent vers une sombre cavité creusée dans le mur épais d'un sinistre bâtiment. Le jeune mage aurait pu passer devant sans s'en apercevoir tant cette dernière était discrète, et curieusement, le dédale de marches qui disparaissait dans l'obscurité ne lui inspirait nullement confiance. Le nain était cependant déjà en train de s'engager dans l'étroit passage. Jetant un regard derrière lui, Adam lui emboîta alors également le pas et s'enfonça dans les profondeurs.

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Kassar le laid
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Re: Les Ruelles

Message par Kassar le laid » mar. 2 juil. 2019 21:05

Précédemment...

La respiration haletante, je m’élance dans les ruelles assombries par le crépuscule. Il ne faut guère qu’une poignée de secondes pour que ma jambe gauche, cette traîtresse, soit immédiatement transpercée par la douleur, et que mon corps même me trahisse en faveur de mon poursuivant. À chaque pas, je l’entends se rapprocher, je sens son souffle puissant gonfler et refluer à la manière d’un soufflet de forge alors que la distance fond comme neige au soleil.

Je jaillis sur ma gauche dans une ruelle dont l’orientation la prive presque entièrement de lumière, créant une obscurité intimidante. Dans le flou paniqué qu’est devenu ma perception, j’avise d’anciens déchets laissés à terre par quelques malheureux : une sorte de cruche, ou de jarre. Désespéré, je la déloge du bâton, tentant de l’interposer entre mon poursuivant et moi pour l’amener à trébucher dessus, et me redonner quelques mètres d’avance. Mon espoir se brise en même temps que la poterie quand la lourde botte du garde met fin à son intégrité d’un coup rageur.

« Ça se termine là ! »

Une main moite me saisit l’arrière du crâne, et un instant plus tard, la douleur emplit mon visage alors qu’un immense choc le traverse. Je crois d’abord avoir été frappé, mais je réalise, alors qu’il arme un second coup, qu’il n’a aucunement levé le poing : ma tête a été violemment projeté sur la pierre rugueuse du mur de l’allée, sa prise encore fermement ancrée sur mon crâne.

« Tu as cru que tu pouvais te foutre de moi, hein ? »

À peine le temps de me remettre du premier coup, j’aperçois – trop tard – le mur revenir vers moi à une vitesse inconfortable.

«  Personne ne se fout de moi, t’entends ?! »

De nouveau le mur revient.

« PERSONNE ! »

Le mur. Constellation de gris et de rouge.

Je réalise à peine que la poigne sur mon crâne se relâche alors que je m’affaisse au sol, toussant mon propre sang. Du garde, je n’entends plus qu’un bourdonnement lointain qui résonne dans mon oreille. Ce n’est que lorsqu’un coup de botte pénètre mes côtes que je réagis !

« ZA ZUFFIT ! »

Saisissant mon bâton, je roule sur moi-même, armant un coup sauvage vers là où il me semble se trouver la tête de mon assaillant dans l’obscurité. En réponse, un tintement sourd d’un choc métallique et un juron me récompensent d’un élan de sauvage satisfaction. Je ne sais pas où j’ai touché, mais j’ai touché ! Je relève le bâton, prêt pour un nouveau coup, mais je suis soudain interrompu par une botte qui me cueille au coin du menton, plongeant une nouvelle fois ma vision dans la tourmente. En réaction, je pousse des mains et des pieds au sol, dans un effort véritablement héroïque pour me redresser. Le coup de botte suivant atterrit dans mon épaule, mais les dents serrés, rouges de mon propre sang, je ne m’affale pas cette fois-ci.

( Pas maintenant ! Pas ici ! J’ai tué pour survivre, je le referais s’il le faut ! Par les dieux, je ne crèverai pas ici !)

Une main en appui sur le mur pour achever de me relever, je m’élance de quelques pas maladroits en avant. Un autre coup s’abat derrière moi, heurtant le mur dans un nouveau juron.

« Où est-ce que tu crois aller comme ça ?! »

Péniblement, appuyé sur mon bâton d’une main et suivant le mur de l’autre, je progresse dans le plus grand silence possible, priant silencieusement pour que l’obscurité me masque suffisamment longtemps. Derrière moi, le garde gesticule et me recherche, cherchant lui aussi à y voir clair dans les ténèbres du coupe-gorges.

( Vite mais en silence, je peux le faire!)

Devant moi, la lueur mourante du jour s’infiltre derrière le prochain tournant de la ruelle donnant vers la gauche. Probablement celle qui me ramènera vers l’avenue que j’ai quittée il y a quelques instants.

( Devrais-je y retourner ? C’est probablement très risqué maintenant, mais dès que j’irai dans la lumière, je serais de nouveau en danger, surtout si ce crétin me cherche…)

Mon pas atteint presque la limite séparant l’obscurité de la lumière quand j’entends un bruit derrière moi. Alors que je me retourne, tout ce que j’aperçois sont 4 phalanges gantées de fer ramassés en un poing, le tout bien trop près de mon visage. Puis l’obscurité.

La suite...
Modifié en dernier par Kassar le laid le mar. 2 juil. 2019 21:10, modifié 1 fois.
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Kassar le laid
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Re: Les Ruelles

Message par Kassar le laid » mar. 2 juil. 2019 21:08

Précédemment...

Quand je me réveille de l’inconscience, la première chose que je sens, c’est que j’ai probablement quelques côtes fêlées et des contusions sur tout le corps. Chaque muscle me semble avoir été soigneusement frappé jusqu’à ce que le moindre mouvement m’arrache une grimace derrière mon masque. Je me relève lentement, pour constater que je n’y vois goutte.

« Qu’est ze que… ? »

Fiévreusement, je retire mon masque, craignant que mes yeux aient souffert plus que de raison. L’un d’eux a les paupières collées par le sang coagulé, et je dois faire sauter ce caillot pour libérer ma vue. Levant la tête, j’aperçois les étoiles qui jouent à cache-cache derrière les nuages.

Mon soupir de soulagement résonne dans la ruelle désormais recouverte par le voile insondable de la nuit.


«  Ze ne zuis pas aveugle... »

Péniblement, je me redresse, et fais un état des lieux. Mon bâton est là, mon masque et mes gants aussi. Par contre, plus la trace du moindre yuens… Il semblerait que ce garde ait finalement pris ce qu’il était venu chercher après avoir épuisé sa rage.

Cherchant à tâtons mon chemin dans l’obscurité, suivant les sons de foule que je peux entendre, je navigue mon chemin vers la place entre-aperçue tantôt.


La suite...
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Vadex
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Re: Les Ruelles

Message par Vadex » mar. 23 juil. 2019 13:57

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Il la plaqua contre le mur le plus proche et attendit que la patrouille passe. Une fois que leurs pas lourds et que les bruits de leur armure grinçantes s’estompèrent, Sharon repoussa le garçon dont le visage touchait presque le sien.

-Ola ! Doucement mamzelle.

La jeune wiehl avait le visage rouge de gêne et le souffle rapide suite à sa course à travers la foule. En levant les yeux elle remarqua les traits caractéristiques des kendrans à travers les pans de lumières s’échappant des ouvertures des petites maisonnées. Elle eut à peine le temps d’exprimer sa surprise dans un cri étouffé que le garçon lui saisit le bras pour l’entrainer dans une nouvelle course à travers un dédale de rues, sautant par-dessus les mains tendues des mendiants et s’extirpant aux flaques de boues mélangées aux contenues des pots de chambres. La pluie s’arrêta alors qu’une légère brume s’éleva venant de la mer.

Ils s’arrêtèrent finalement dans une sombre alcôve, essoufflés. La jeune fille retira sa main et se couvrit le visage pensant échapper à la puanteur des rues à laquelle s’était accoutumée le garçon.

-T’as perdu la tête ? Tu dois être…

Le jeune garçon s’arrêta au milieu de sa phrase et l’examina à son tour. Il parût déconcerté puis légèrement amusé.

-Mais t’es pas d’ici ! C’est pour ça que t’as suivi Alder le Voyeur ? T’as pas la tête d’une fille d’Exech, ha, ça c’est sûr.

Il conclut avec un sourire mi-satisfait mi-impressioné.

Son air enfantin contrastait fortement avec son sérieux sur la place publique. Ses cheveux bruns collant et poussiéreux s’éparpillaient sur son front pâle. Des tâches de rousseurs étaient à peine visibles sur ses joues et sur son front. Fin, les oreilles larges, l’air désinvolte et sûr de lui ne trompait pas sur ses origines kendranes. Cependant, ses yeux noisette et ses traits fins trahissait une autre origine obscure. Fort de cette constatation, Sharon put respirer plus convenablement même si ses bras crispés autour de son corps témoignaient de la méfiance qu’elle portait envers son sauveur.

-Pas la peine d’être timide mamzelle, je vous ai emmené dans un quartier sûr. Quand le soleil sera enfin couché les autres petiots nous rejoindrons.

Il s’assit par terre, dans l’alcôve loin de l’allée principale et dont la finalité de la rue donnait sur un cul-de-sac.

Sharon garda une distance de sécurité, elle songea à le laisser là, mais savait pertinemment qu’elle se perdrait dès lors qu’elle tournera au coin de la ruelle. Elle s’assit donc lourdement à ses côtés et plaqua ses genoux contre sa poitrine.

(Après tout il m’a sauvé, il ne me fera pas de mal…je crois.)

Elle s’interdit néanmoins de lui adresser la moindre parole, ayant encore en mémoire l’assassinat de son père par des Kendrans.

-Les autres sont sympa t’as pas à t’en faire. Mais comment tu as atterri ici ? Où sont tes…Tu es seule ?

Sharon l’ignora, ses paupières se faisaient lourdes, ses habits trempés et l’odeur nauséabonde lui firent regretter sa salle à coucher et son bain chaud qui datait à peine de la semaine dernière.

-Tu peux me parler t’sais. Je sais pas ce que tu fais ici mais faut pas suivre les gars comme Alder. Ils ont l’œil pour les proies faciles, et avec ton visage…T’as pas un visage de chez nous, ha, ça c’est sûr.

Face au mutisme de la jeune wiehl, le garçon n’insista pas plus. Ils attendirent plusieurs minutes dans la ruelle sombre. La pluie avait formé des ruissellements qui emportaient les saletés et la mauvaise odeur. Et alors que Sharon se laissait emporter par des rêveries d’eau chaude et de couchette douillette, des larmes lui montèrent à nouveaux aux yeux. Un chagrin plus profond, une nostalgie douloureuse. Sans réellement savoir pourquoi, elle commença à parler à son nouvel ami qui avait renoncé à une discussion amicale. Elle lui expliqua sa périlleuse marche jusqu’à Exech, deux jours à dormir sur un lit d’insecte et à se cacher des bandits des grands chemins. Elle osa à peine prononcer l’incident qui a causé son départ à Exech. Elle exprima toute la frustration et la tristesse qu’elle avait retenues ces dernières heures à cet inconnu qui l’avait courageusement sauvée. Peu lui importait désormais que c’était un garçon des rues – un kendran de surcroît – c’était la seule personne qui lui prêtait une oreille attentive.

Le garçon écouta attentivement sa détresse et hocha la tête de manière méditative lorsque Sharon termina son discours en éclatant en sanglot.

-Tu n’aurais pas dû venir dans ce trou à rats mamzelle. Crois-moi, tu n’auras droit à aucune main tendue ici. Les affamés te harcèleront, la milice te tabassera et les hommes comme Alder t’égorgeront dans le meilleur des cas.

-J’ai de quoi me payer une chambre à l’auberge, je peux même…

Elle s’interrompit en voyant le regard cruellement fatidique de son compère qui lui sourit avec peine.

-Ils n’accepteront rien de ta part, de un tu es une enfant et de deux ta bourse disparaitra avant tu n’arrives à l’auberge de la Cruche Fendue, c’est sûr.

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Re: Les Ruelles

Message par Vadex » jeu. 22 août 2019 18:22

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Voyant la détresse se peindre sur le visage angélique et apeuré de la jeune wiehl, le garçon regretta aussitôt ces paroles.

-Bah, il n’y a pas de quoi te morfondre, au moins tu as une bourse bien remplie.

A la fin de sa phrase, le silence leur permit d’entendre quelqu’un s’approcher. Des pas légers et rapides, s’écrasant dans les flaques de boues. Le garçon ne sembla pas inquiet et fit de grands signes de main quand plusieurs silhouettes se profilèrent au début de la ruelle. Plusieurs silhouettes. Fines. Petites.

-‘es déjà là, Lark ?

Sans prêter attention à elle, les enfants prirent place à côté d’eux et l’un d’entre eux se dépêcha d’allumer une bougie à moitié entamée. Ils étaient une dizaine, de taille et d’âge différents. Certains arboraient un début de barbe tandis que d’autre n’étaient pas plus haut que trois pommes.

Le jeune garçon dénommé Lark s’empressa de faire les présentations en restant évasif sur les origines de Sharon.

-Mmm…fait comme chez toi.

Ces « hôtes » ne semblaient pas plus intéressés, à part quelque regard méfiant, l’accueil était presque sympathique.

-Si t’veux rester va falloir que t’apporte ta propre bouffe, on va pas se bouger pour toi. Si tu nous vole à nous t’es plus la bienvenue.

-C’est Gray, il se prétend le bâtard du roi mais personne le croit. En tout cas, c’est lui qui gère ici.

-Bien sûr que si que j’suis le fils du roi. Même qu’on m’a retrouvé avec une couverture avec ses armoiries. Tout le monde le sait.

Gray dominait d’au moins une tête tout ses camarades, et c’est probablement plus son âge que ses histoires d’héritier royal qui le plaçait à la tête du groupe d’enfant. Son regard froid, ses lèvres pincés et son hostilité apparente firent baisser le regard de la jeune wiehl qui le dévisageait. Elle remarqua alors que ses bras étaient bizarrement enroulés dans son par-dessus brun. Il était bien plus inquiétant que l’homme qui avait voulu l’emmener sur la place publique. Il ne fallait pas se fier à sa barbe naissante, ses yeux exprimaient la dureté de la vie qu’il menait et une maturité qu’il avait acquise très tôt dans son enfance.

-Tu veux ?

Une autre jeune fille se leva et tendit à Sharon une pomme de terre qu’elle venait de sortir de sa poche. Un oiseau gris était perché sur son épaule, il devait être blanc à l’origine, maintenant grisâtre, mince et blessé à l’aile. Sharon accepta le présent de la fille blonde et la remercia.

-Elle, c’est Flamme. Toujours pétillante et joyeuse.

Comme réponse la fille lui sourit à pleine dent. Son sourire sincère réchauffa le cœur de Sharon qui se sentait déjà mieux mais son corps émacié et ses joues creuses rappela à la jeune wiehl le dur traitement qui lui était réservé dans cette cité.

La pitié poussa Sharon à partager une partie de ses provisions qu’elle gardait dans sa sacoche. Alors qu’elle distribuait deux portions pour chaque personne, elle remarqua du coin de l’œil Lark caché aux yeux des autres la bourse de la jeune fille. Sa sacoche était maintenant quasi vide.

La soirée passa vite, les rires se faisaient rares mais les histoires affluaient. Sharon en oublia presque le froid mordant. Elle avait appris que Gray avait perdu ses deux mains, coupées pour cause de vols multiples. Il rechigna à parler sur ce sujet mais débita un tas de détails sur ses soi-disant origines royales. Les autres enfants s’empressèrent de raconter eux aussi leurs exploits, certains avaient perdu une phalange pour avoir volé une poule, d’autres avaient perdu plusieurs doigt pour avoir osé tenir tête à la milice. Flamme était probablement la plus jeune et une amie proche de Lark ; ses histoires ne se terminaient pas sans qu’elle ait prononcé le nom de son ami une vingtaine de fois. Mais, au milieu de cette ambiance festive, –probablement dû à son arrivé dans le groupe- Lark ne pipait mots. Il hocha la tête et précisait quelques détails croustillants pour taquiner les racontars mais Sharon ne savait toujours rien de lui.

Alors que la soirée touchait à sa faim, le jeune kendran lui saisit le bras, un sourire jusqu’aux oreilles.

- Tu ne vas pas y croire ! Flamme montre lui ton talent.

La jeune blonde hocha la tête et sautilla vers le fond de la ruelle, elle sortit un étrange objet d’un coin du cul-de-sac.

-Un jour t’vas te le faire voler, j’te dis.

Maugréa Gray d’un ton acerbe.

La jeune Flamme s’approcha de la lueur chancelante de la bougie, un violon à la main.

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Re: Les Ruelles

Message par Vadex » jeu. 29 août 2019 21:53

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Le violon était vieux et abîmé, mais les notes emportèrent l'esprit de la jeune fille et ses yeux se fermèrent bien vite.

Sharon dormit à même le sol, transportée par un rêve merveilleux: la douce musique d’un violon, l’image d’une fille aux longs cheveux blonds tressés dans une clairière, le chant des oiseaux accompagnant la douce mélodie.

-Debout ! Eh, debout fainéants !

Un coup de botte abrupte dans les côtes réveilla la jeune fille dans un cri de douleur.

-Aller ! Debout !

Un homme la souleva par le bras et la jeta négligemment en direction du mur.

-Qu’est-ce que nous avons là ?

Il faisait encore nuit, des paroles d’ivrognes raisonnaient dans une rue avoisinante. L’homme qui l’avait malmenée était petit et bourrue, la peau mate, il la fixait de ses yeux noirs. Une main lui saisit le bras et la tira en arrière.

-Qu’est-ce que vous faites ?

L’étreinte de Lark se fit plus douce et son expression colérique lui donna un air de grand frère protecteur. Autour d’eux, les autres enfants se tenaient à l’écart. Il n’y avait que deux hommes qui les avaient dérangés dans leur sommeil. L’homme qui l’avait violentée –et qui devait être un kebakeris- et un wiehl aux traits fins, au regard émeraude étincelant, ne laissant nulle doute sur ses origines nobles mais ses cheveux non coiffées et sa barbe parsemé laissaient deviner un certain laisser-aller. Il restait muet mais son regard en disait long sur son mécontentement qui était apparemment dirigé vers Lark.

-On vient te chercher, clébard.

-Vou-vous venez de la part de la patronne ?

-Dans quoi tu t’es encore foutu Lark…Eh, j’vais pas vous laisser nous…

Gray qui sembla vouloir se relever se fit remettre à sa place d'un revers de main du kebakeris. Ce n’était pas le premier coup qu’il lui avait donné à en juger son visage.

-Tu vas nous forcer à te frapper toi aussi ?

Le questionna le wiehl.

-Je sais pas ce que vous me voulez, c’est de la part de qui ?

Le kebakeris écrasa son pied sur la nuque de Gray pour le maintenir au sol.

-On retourne au sud de la ville. Aller, dépêche-toi. Je vais encore me faire disputer si je fais trop de boucan.

Lark hésita, il regarda Sharon qui lui agrippait le bras et qui se cachait derrière lui, la tête enfoncé dans son omoplate. Il détacha ses frêles doigts de son poignet et lui fit un sourire le plus rassurant possible. Gray grogna alors que le kebakeris le torturait joyeusement.

-Laisse donc ce pauvre rat, il a bien trop souvent la peau dans ses propres excréments pour que tu lui mettes le nez dedans toi-même.

Le petit homme à la peau mate s’empourpra. Il retira son pied et invectiva son compagnon.

-Pour sûr ! Quand c’est toi qui t’amuse tu fais ce que tu veux, mais moi je dois laisser cet insecte en paix.

-Il n’a même plus de mains qu’est-ce qui t’amuse là-dedans ?! Torture le vieil éclopé à l’entrée de la ville si ça te plait tant que ça.

Alors que le ton montait, Lark en profita pour se retourner rapidement vers Sharon et lui refiler sa bourse qu’il avait apparemment prise la veille.

-Ca suffit ! Nous devons…

-Et le petit gars qui t’as énervé à l’auberge hein ?! Pourquoi l’avoir tué !

Le wiehl se saisit de Lark par la capuche et tira si brutalement vers lui qu’il tomba la tête la première, malgré cela, l’homme continua à tirer et le traina sur les dalles humides et sales.

-On vient juste le récupérer…

L’homme serrait les dents, retenant sa colère contre son ami qui ne cessait de lui lancer des reproches à la figure.

-Ca suffit.

Les veines sur son front étaient à peine visibles à la lueur de la lune. Lark essayait tant bien que mal de se relever mais sans succès. Sharon put voir Gray sortir avec ses dents une lime de l’intérieur de sa veste. Il fixa leurs agresseurs qui se disputaient tout en s’éloignant d’eux avec Lark. Il prit une position de course, s’apprêtant à s’attaquer à l’un d’entre eux, mais fut soudain devancer par une chevelure blonde qui passa à toute vitesse à ses côtés.
Les yeux de Gray s’écarquillèrent, il ouvrit la bouche, laissant tomber son arme de fortune :

-Non !

Son cri alerta l’homme qui retenait Lark. Il évita la lame de peu, lâcha le petit, et joignit ses mains dans un cri de colère qu’il retenait depuis que son compagnon avait commencé à ouvrir la bouche. En quelques secondes, un vent violent projeta avec une telle violence Flamme qui virevolta jusqu’au mur derrière elle.

-FLAMME !

Lark, le visage dégoulinant de boue, relava la tête juste à temps pour voir son agresseur perdre son sang-froid et user de son sort d’air. Il hurla à s’en déchirer les poumons lorsqu’il vit son amie s’envoler telle une feuille morte et se fracasser le crâne contre la paroi.

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Re: Les Ruelles

Message par Vadex » ven. 30 août 2019 20:45

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Une partie du groupe d’enfant se précipita pour constater l’état de Flamme, l’autre moitié, dont Gray, restait paralysée. Le mage soupira bruyamment après s’être passé une main dans les cheveux avec une nonchalance insultante.

-C’est pour ça que j’avais tué ce foutu gosse à l’auberge…

Les enfants auprès de la petite tête blonde éclatèrent en sanglot, frappaient du poing au sol, appelait leur chef à l’aide.

Le wiehl s’approcha de son compagnon jusqu’à ce que leur visage ne soit séparé que de quelques centimètres.

-…car il m’avait mis en rogne.

Il réajusta sa veste, lança un dernier regard en direction de Sharon et des enfants, et quitta la ruelle dans la plus grande indifférence. Le kebakeris dont le teint était soudainement devenu plus pâle, aida Lark à se relever et amena le jeune garçon choqué, les bras ballants, la bouche ouverte.

Sharon regarda ce spectacle sanglant dans l’incompréhension la plus totale. Elle n’arrivait pas encore à réaliser ce qu’il s’était passé. Les silhouettes venaient de tourner dans la ruelle, laissant résonner derrière eux leurs semelles trempées de boue. La jeune fille n’osa pas tourner la tête vers le rassemblement larmoyant d’enfant, elle fixa son regard sur Gray, comme s’il pouvait tout arranger. Mais celui-ci renonça à poursuivre les deux kidnappeurs, baissa la tête puis croisa le regard choquée de Sharon. Il renonçait. A contrecœur, mais il renonçait. La mâchoire serré, il fixa le sol.

(Non, il faut aider Lark. Tu dois aider Lark !)

Sachant bien que son appel resterait sans réponses. Elle courut sans réfléchir. Les battements de son cœur accélérèrent. Elle tourna au coin de la ruelle. Un long manteau disparut au prochain croisement, similaire à l’étoffe faussement coûteux du wiehl assassin. Elle pouvait entendre les gémissements et les pleurs de son ami. Elle continua sa course-poursuite qui devint rapidement une filature.

Elle ralentit lorsqu’elle vit le groupe s’arrêter abruptement devant un bâtiment qui sortait du lot. Elle se fondit dans l’obscurité derrière un pilastre et essuya ses yeux larmoyants pour distinguer l’icône d’un serpent rouge-sang sur la façade du bâtiment.

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Re: Les Ruelles

Message par Vadex » sam. 31 août 2019 14:58

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Bien trop heureuse, Sharon ne remarqua pas tout de suite le changement d’attitude du garçon. Une fois à l’abri des yeux et des oreilles indiscrètes, la jeune fille l’assaillit de question.

-Je-Je n’ai rien. Ecoute, écoute moi s’il-te-plait.

L’enthousiasme et la joie de Sharon retombèrent aussi soudainement qu’elles avaient monté en elle. Le regard de son compagnon était dur, ses lèvres sèches étaient aussi serrés que sa fine mâchoire. Bien qu’ils aient quitté la lumière de l’aube en se réfugiant dans la ruelle, les blessures du garçon étaient frappantes. Son cuir chevelu du côté droit était recouvert d’une vaste tâche de sang séché alors que son oreille avait été réduite en pâté par des coups répétitifs. Il boitait aussi légèrement de la jambe gauche.

-Je travaille pour la patronne de ce salon. Je fais juste les basses besognes, on me demande principalement de faire du repérage ou de surveiller ses clients. Elle voulait juste…J’ai fait une terrible erreur, je lui ai volé un bijou et - je devrais être mort, putain- bref, elle m’a laissé partir et m’a pardonné.

Sharon eut un sourire hésitant.

-Donc, c’est bon ? On peut aller te soigner maintenant ?

-Non ! Je-Je ne peux pas encore…

Lark qui tentait de garder la tête haute, perdait progressivement son sang-froid. La peur était tellement forte dans ses yeux qu’elle contamina Sharon.

-Je lui ai…

Il chercha ses mots en évitant soigneusement le regard de la jeune fille. Au fil de la discussion il s’était de plus en plus approché, ses mains se fermaient et s’ouvraient frénétiquement, la jeune wiehl se sentait presque menacée par son ami, acculée par le mur derrière elle.

-Elle m’a dit qu’elle voulait te rencontrer aujourd’hui à midi. Je vais t’accompagner. C’est…comme un gage de pardon pour ma part. Je lui montre que je suis utile. Je t’ai bien sauvé hier soir, hein ? Eh bien, je vais lui dire, tu vas lui dire, et elle aura à nouveau confiance en mes capacités. Parce que…parce que j’ai quand même échangé son collier contre toi ! Tu me dois bien ça, tu vois ? J’ai laissé tomber tous le yus que je pouvais me faire pour te protéger et te mettre à l’abri. Ce n’est que justice, tu payeras juste ta dette.

Il semblait, dans son discours, qu’il essayait de se convaincre lui-même plus que la jeune wiehl. Celle-ci cependant hocha la tête vigoureusement et le rassura.

-Je ferais tout ce que tu veux. On va parler et je lui dirais ce qui s’est passé.

Lark la regarda attentivement, comme si ces paroles, cette décision était lourde de sens. Il hocha la tête à son tour, plus lentement, et il dit d’une voix éteinte, tout en s’éloignant :

-C’est ça. Tout va bien se passer. Ça va bien se passer.

Les heures passèrent rapidement, Sharon et Lark avaient passé la majorité de leur temps sur la place publique à acheter des provisions et regarder des spectacles. Le garçon n’avait pas voulu se soigner, rétorquant à la jeune fille que de toute façon personne ne fera de remarque sur ses blessures. Il préférait se déplacer en passant par les ruelles, un vrai dédale avec une surprise à chaque tournant : un chien amaigris dévorant le cadavre de son compère, un milicien copulant avec une femme à moitié déshabillée, un groupe d’hommes édentés les invitant à jouer aux dés,… Lark, le visage sombre, ne parlait que très peu. Le seul instant où il parût réellement impliqué est lorsqu’il demanda à Sharon l’état de santé de Flamme. Celle-ci lui avoua qu’elle ne savait pas, mais ses blessures devaient être graves pour mettre le groupe d’enfant dans un état pareille. Lark, hocha la tête et son visage se ferma à nouveau, ils ne sont pas revenu vers le lieu où ils avaient passé la nuit, apparemment le kendran ne voulait pas y retourner tout de suite.

Ils se rapprochèrent de la fin de leur promenade et Lark lui annonça que le lieu de rendez-vous était l’Auberge de la Cruche Fendue. Un endroit avec assez de manants et de visiteurs étrangers pour que sa patronne ne se fasse pas reconnaître en se fondant dans la masse d’activité.

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Charles
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Re: Les Ruelles

Message par Charles » mer. 26 août 2020 15:28

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Je continue mes tours de magie et mes morceaux au violon. Partir tout de suite aurait été suspect. Ça a l’avantage de me rapporter encore quelques pièces, pas de quoi renflouer mes caisses mais suffisamment pour manger un repas. Je m’arrête en fin d’après midi, remballe mes affaires; les confettis, la petite cage à oiseaux, les cartes, les gobelets, les accessoires truqués... Je met tout ça dans mon tissu sombre servant de nappe et le replie pour le mettre par dessus mon épaule. Je remercie le marchand qui m’a prêté sa caisse de bois de quelques Yus, rien n’est gratuit à Exech, la générosité n’existe pas. Je dépense encore un peu d’argent pour quelques demoiselles drapée; des crevettes enveloppées dans des feuilles de thym cuites à la braise. Pas assez pour me rassasier complètement mais au moins pour ne pas me laisser le ventre vide. Il faut dire que je n’ai rien mangé depuis hier soir. Le cellier est vide, pas une miette de pain ne traîne dans les placards, même les rongeurs ont abandonnés l’idée de trouver chez moi quelque chose à se mettre sous la dent. La situation devrait s’améliorer d’ici deux trois jours.

Je quitte la place publique pour rejoindre le point de rendez vous, empruntant pour cela les ruelles grises et puantes de la ville. Évitant d’une grande enjambées les immondices qui jonchent le sol, je me couvre le nez d’un tissu pour ne pas avoir de haut le coeur. Je retrouve finalement les deux personnes qui m’attendent, papotant tranquillement en riant grassement au coin d’un bâtiment en piteux état à la toiture manquant à tout moment de s’effondrer. Ils me remarquent et m’observent avancer en affichant des sourires satisfait. Les deux bonhommes sont de tailles semblables, me dépassant d’une demi-tête, ils sont costauds et armés, le visage sadique exprimant l’antipathie. Quelques signes permettent quand même de les différencier, l’un d’eux a les cheveux et une barbe rousse qu’il a élégamment coiffé en tresse, le second est coiffé d’un chapeau mais je sais qu’il est chauve comme un oeuf, d’ailleurs tout son visage est imberbe. C’est celui-ci qui s’exprime quand je suis à portée raisonnable de voix.

« Alors, c’est fait ? »

« C’est fait. »

J’extirpe de ma poche recousu maintes fois une petite fiole que je dépose dans sa main.

« Les effets devraient apparaître cette nuit. Un adulte peut tenir quatre jours mais un enfant... Je pense qu’il sera au seuil de la mort dans deux jours. »

« Parfait. Beau boulot l’Alchimiste. Comme toujours.»

L’Alchimiste... petit sobriquet qu’on me donne dans le milieu de criminalité. Il est vrai que j’affectionne particulièrement les poisons. Certains prétendent que c’est une arme de femme, de lâche. Je ne suis pas de cet avis, en réalité c’est un don que seul les personnes assez rusés peuvent user à la perfection. Un don bien hors de portée de ces deux idiots qui ricanent comme des baleines. Le rouquin extirpe une bourse de son sac qu’il pose dans mes mains. Son poids agit comme une balance qui me libère d’une angoisse égal à son poids.

« Le reste quand nous aurons obtenu la rançon. »

Précise-il avec une voix nasillarde avant que son acolyte conclue l’entretien.

« Rendez-vous ici dans trois jours à la même heure. »

J’incline la tête tandis qu’ils s’éloignent. Je recompte rapidement les pièces contenus dans la bourse sans perdre trop de temps. Si je croise une personne à ce moment elle aura vite fait de me planter une dague dans le dos pour récupérer mon bien. Je ne m’attarde donc pas plus que ça et retourne vers un lieu plus sûre. La place publique a beau contenir bon nombres de fripouilles elle est aussi pleine de témoins, évitant ainsi les meurtres de sang froid. Je la traverse en agrippant fermement la bourse dans ma poche. Plus de la moitié vont en disparaître dans moins d’une demi-heure, mon espoir repose sur ce qui doit me revenir dans trois jours. Je souffle, trois jours à tenir dans des conditions plus que précaires, ça ne va pas être évident. Je m’arrête devant une petite habitation semblable à toutes les autres, grise, sale, usée à la porte presque moisie que je pousse pour pénétrer le bâtiment.

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Re: Les Ruelles

Message par Sump » dim. 26 mars 2023 03:26

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6.1


Sump s’extirpa du caniveau et se trouva au milieu d’une étroite venelle cernée d’habitations et de bruits. Malgré un crépuscule nuageux, l’air chaud de la surface le suffoqua. Il se cacha dans un tas de déchets et attendit la nuit.
Lorsque les nuages perdirent leur teintes sanglantes, le cor annonça la fermeture de la ville et l’agitation augmenta : le nombre de paysans devant les portes n'avait fait qu'augmenter et se soulevait de colère à l'idée de passer une nuit de plus dans les plaines. Entre les murailles, le lever de la lune signifiait relâchement, débauche et alcool.

Sump sortit de sa cachette et vérifia les alentours avant de se risquer dans la rue principale. Les logis délabrés le dominaient et perché, un corbeau le transperçait de ses trois yeux. Un bris du verre retentit au loin ; un passant en manteau surgit d’une ruelle. Sump sursauta ; l’homme l’évita, ouvrit une porte et disparut. Sump rengaina et reprit son errance. Assis contre un mur, un barbu en haillons chantonnait et agitait les mains. Pour l’éviter, Sump s’enfonça dans une autre ruelle mais vit deux ombres bouger : des sanglots lui demandèrent de l’aide, une voix sèche lui ordonna de dégager. Il revint dans la rue où l’homme en haillons l’interpella :

« Par Bek’Mor, c’est la mort que tu cherches sekteg ? »

Sump reconnut Rouêt dont la carcasse maigre et abîmée était secoué d’un rire difficile. Sump lui répondit qu’il cherchait à manger.

« Moi je cherche à boire, hoqueta Rouêt, il existe qu'un seul endroit où on pourra avoir ce qu’on veut à c't'heure.» Il rota : «Ça n’te coûtera qu’une tournée. Exech m’a tout pris… encore ! founedieu !»

Sump regarda autour de lui ; derrière une fenêtre sale, une silhouette les observait. Il enfonça la main dans son sac et en sortit une pièce d’or qu'il lança au vieux.

« Pour sûr t’es pas un sekteg ordinaire, bredouilla Rouêt en louchant sur la ferraille, tu dois être le meilleur des voleurs. P’têt’ que tu t’plairas ici après tout.»

Il entreprit de se lever sous le regard défiant de Sump et ils marchèrent sous le ciel sombre illuminé çà et là d’éclairs silencieux. Rouêt abordait les rares passants, chantait et se servait de son compagnon pour maintenir son équilibre. Sump perdit patience et claqua des mâchoires pour l’éloigner ; le vieux éclata de rire et entama une danse joyeuse lorsqu'une forte pluie tomba. Abrité sous un porche Sump le fusillait du regard.
Les nuages tonnèrent quand ils entrèrent dans un bâtiment délabré à l'enseigne impossible à déchiffrer.


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