VIII 11 La brigade de lutinos.
De retour après le terrible défi que nous avons affronté, j’ai le plaisir d’être accueilli par les lutinos comme un membre officiel de la brigade, porté même en héros pour leur avoir offert cette victoire qu’ils attendaient tant. Rapidement, le sort que j’ai employé est au centre de l’attention et ils m’en demandent davantage.
"Il s’agit d’un sort particulier qui intervertit les sens de la cible. Incapable de se fier totalement à ses sens, la victime perd grandement la maîtrise de son environnement et de ses gestes !" Dis-je pour résumer grossièrement le sort.
"Ha oui ? Mais ça fait quoi exactement ?" Me demande le plus petit.
En vérité, je n’ai jamais été atteint par mon propre sort. Il m’est donc impossible de décrire avec précision ce que la cible subit. Cependant, il y a bien un moyen de répondre. Un moyen…lutinesque !
"Je ne sais pas. Mais tu n’as qu’à me le dire !" Fais-je en manipulant mes fluides pour lancer ledit sort sur le plus jeune.
Celui-ci s’arrête, ouvre grand les yeux, la bouche et nous exprime son ressentit par un :
"Woooooooow !"
Tous s’arrêtent pour l’observer avec un grand intérêt. Ses yeux vont et viennent en fonction des différents stimulis sensoriels qu’il ressent. Les lutinos le comprennent et claquent des doigts un peu partout, transformant le plus petit en un chien qui ne saurait vers quelles saucisses imaginaires jeter son dévolu. Pourtant, le petit lutino affiche un sourire béa qui fait envie à ses autres camarades. Je suis donc obligé d’user de ma magie sur toutes ces petites bouilles qui ont soif de curiosité. Tout comme eux, je suis curieux des nombreux avantages, effets, capacités et surtout possibilités qu’offre la magie. Cette prodigieuse source dont les limites sont sans cesse repoussées à mesure que je rencontre de nouveaux êtres dotés de ce pouvoir miraculeux. J’obéis donc aux insistances des lutinos et lorsque j’en ai la possibilité, je m’enfuis de ces petits monstres.
J’ai beaucoup appris avec les lutins. Leurs joies de vivre, cette espièglerie qui les caractérise si bien. Antonio m’a également beaucoup appris sur les sorts de lumière. Moi qui réduisais cette forme de magie à sa capacité à soigner, j’ai non seulement repoussé les limites en travaillant assidûment pour être en mesure de ramener un mort à la vie, même si je n’ai pas eu l’occasion concrète pour m’exercer. J’ai également appris à repousser les limites de ma magie grâce aux fluides de lumière, tout comme je peux perturber les attaques de mes ennemis d’une simple émission de lumière.
(Maintenant, je me demande ce que je pourrais apprendre de la penseuse.)
En plus d’être la lutine la plus respectée du village, la penseuse est également la garante du savoir des lutins, ainsi qu’une magicienne tout comme moi. Elle pourrait m’aider à débloquer ce sort qui me bloque encore. Déjà en venant répondre l’appel des lutins, j’avais l’idée de création d’un sort. Au fur et à mesure de mes essais et tentatives, celui-ci s’est mû en une fluctuation d’énergie destinée à interférer avec la magie environnante. Or, si je sens être arrivée au terme de ce sort, je n’arrive pas à pleinement le faire mien.
C’est donc en quête de savoir que je me rends à la demeure de la penseuse, ça et me cacher des lutinos. Arrivant à sa porte, je frappe de trois coups forts sur le bois. Une petite voix m’invite à pénétrer à l’intérieur. Je réponds à l’invitation en ouvrant la porte, saluant la propriétaire des lieux.
"Bien le bonjour penseuse !"
C’est avec un large sourire et des yeux pétillant qu’elle m’accueille, faisant passer ses nombreuses rides au second plan. Elle m’invite à prendre une chaise près d’elle, pour lui expliquer la raison de ma venue. Des effluves d’herbes viennent chatouiller mes narines en une odeur enivrante et apaisante. Un savant dosage que la penseuse maîtrise visiblement à la perfection. Sur la table de la cuisine, de nombreux livres sont ouverts. Je dois certainement la déranger au milieu de quelque chose. Sur les étagères, je revois encore ces nombreux pots qui les garnissent. Ici, tout est ouvert, au point que j’entrevois la chambre de la lutine et perçois également le bourdonnement des abeilles. Tout cela me rappelle ma première visite, ou devrais-je dire, mon intrusion.
"Je suis venu vous voir pour parler magie. Je travaille sur un sort depuis plusieurs jours et je rencontre quelques difficultés pour l'achever. J'espérais avoir cette dernière étincelle qui me permette de trouver ce qui me manque. Cependant, je dois également m'excuser. Lorsque nous sommes venus, je suis entré chez vous sans autorisation et ai commencé à fouiller dans vos affaires pour tâcher de comprendre les événements qui arrivaient dans le village."
D’un signe de la main, elle m’invite à m’asseoir à sa table. Une fois fais et posant mon sac au sol, j'entends un bruit de choc qui ne le plaît pas. J'inspecte son contenu et le constat est sans appel : je dois mettre de l'ordre dans les affaires ! Dans le lot, la plume de gredin me paraît la plus fragile de tout ce que je possède. Je la sors pour éviter qu'elle ne se brise. J'écoute enfin la penseuse qui me pardonne pour ce que j'ai fait, comprenant la raison de mon intrusion. Puis, d’un silence, elle m'invite à expliquer la raison de ma venue.
"Il y a plusieurs jours, j'ai réfléchi à un sortilège particulier. Durant notre trajet jusqu'à Tanasun, cette idée s'est muée en une émission de magie pour perturber la magie de mes adversaires. C'est un sort que j'ai usé contre nos doubles d'ombres, mais il ne semble pas vraiment au point. Comme il s'agit d'interférer avec la magie, j'ai pensé à générer des émissions favorables aux alliés. Je pensais avoir réussi durant l'affrontement avec les ombres, mais il me manque cette dernière étape pour parvenir à mon objectif. Un champ de pulsation magique, qui soit à la fois favorable aux alliés et défavorable à mes adversaires !" J'associe mes explications avec des mouvements de mains, la plume toujours dans celle de droite, allant et venant au gré des gestes.
La penseuse m’écoute d’un sourire malicieux. Sans un mot, elle sort un pot d’encre ainsi qu’un parchemin vierge qu’elle déroule sur la table, qu’elle tapote de deux coups. Immédiatement, la plume prend vie et s’agite, pointant en direction du parchemin.
"Libère-là de ton étreinte" Me dit la penseuse d’une voix douce.
"Elle pourra prendre en note tout ce que tu lui dis, mais attention, le charme qui l'ensorcèle, se dissipera après quelques utilisations. "
Curieux, je lâche la plume et l’observe prendre vie comme un enfant impressionné, me penchant à raz de table pour la contempler d’un autre angle.
"C’est…fascinant !" Dis-je en observant la réaction de la plume à mes mots.
Sur le parchemin, la plume écrit d’une calligraphie aux courbes élégantes mes propres mots. C'est... fascinant ! Il n’en faut pas plus pour que mon esprit soit martelé de question, aussitôt transmise à la penseuse.
"Qu'elle est cette magie qui anime la plume ? De quel animal trouve-t-elle son origine ? Les plumes peuvent avoir des effets différents en fonction des couleurs ? Et d'autres animaux disposent de capacité similaire ? Une autre personne que moi peut-elle prendre le relais ? Que se passe-t-il s'il n'y a plus d'encre ou de parchemin ? Comment puis-je m'empêcher d'écrire pour émettre des idées à haute voix sans qu'elles ne soient notées ?" Je m'arrête un bref instant pour porter un intérêt sérieux aux deux prochaines questions.
"Et surtout pourquoi seulement quelques utilisations ? N’y a-t-il pas un moyen de rendre l’effet permanent ?"
Bien entendu, la plume transmet sur le papier toutes mes questions et cela s’avère particulièrement utile puisque la lutine n’a qu’à se pencher pour les relire sans avoir à s’en rappeler.
"Cette plume a été enchantée, donc peu importe l'animal à qui elle appartenait jadis.... donc peu importe la couleur. Une fois activée avec le parchemin et l'encre, la plume écrit ce que dit la première personne qui parle. Comme tu vois, elle n'écrit pas mes paroles." Refermant le pot d’encre et enroulant le parchemin, l’effet de la plume ne s’active plus et celle-ci se pose sur la table d’elle-même avant que la penseuse ne commente.
"Sans parchemin à sa disposition, la plume ne s'activera pas. Sans encre, elle tentera de griffonner ce que tu dis, ... mais tu devines bien que sans encre rien ne s'inscrira. " Elle s’arrête un bref moment pour le laisser le temps de la ranger soigneusement dans mes affaires.
"Cet enchantement a des limites dans le temps et dans ses actions et puis nous ne savons pas depuis combien de temps elle dure. Qui sait ? Il te reste peut-être qu'une utilisation, peut-être dix ? Chose certaine, lorsqu'elle aura épuisé ses capacités, tu verras un changement.... couleur, allure, je ne peux pas te dire lequel. Mais j'ai comme idée que c'est un lutin farceur qui est à l'origine de l'envoûtement de cette plume."
"Un lutin ? Qui est-ce ? Où se trouve-t-il ? Peut-il enchanter d'autres types de magies ?" Fais-je intrigué par le savoir qu’il détient.
D’un calme contrastant avec mon enthousiasme, elle me répond qu’elle l’ignore. L’auteur pourrait ne plus être ici ou vivant. Une information qui me chagrine un peu, face au savoir que je ne pourrais obtenir. Puis elle me questionne sur la façon dont je l’ai obtenue.
"C'est Gredin qui me l'a offerte lorsque nous étions sur l'Epouvandétail. Il l'aurait ramassé au sol parce qu'elle était plutôt jolie !" Je lâche un soupir de résignation.
"C'est bien dommage que je ne puisse rencontrer un magicien capable d'enchanter de la sorte les objets !"
"Parfois, la qualité est préférable à la quantité. Contente-toi de ce que tu as ! " Dit-elle calmement, loin de toute forme de remontrance dans la voix.
(Dois-je me contenter de cela ? S’il existe une magie capable d’enchanter une plume de la sorte, il devrait être possible de recommencer, voir même, d’accroître la magie et donc l’utilisation de chaque objet de la sorte !)
"Non ! La magie est incroyable, surprenante, prodigieuse ! Je suis sûr que quelque part, il existe un moyen de renforcer sa capacité d'utilisation, voire de la rendre permanente ! Une quête qui me rend déjà impatient !" Dis-je avec conviction.
"Ha oui, ce n'est pas la raison principale de ma venue. Je travaille actuellement à la création d'un sort et j'aurai aimé votre avis sur la question. Il s'agit d'un sort permettant d'influencer l'utilisation de la magie environnante. Je pense qu'il existe un moyen de prêter main forte à mes camarades magiciens, comme de perturber celle de mes ennemis. Voyez vous-même !" Je manipule ma magie pour condenser des particules perturbatrices. Au lieu de ne générer que des éléments perturbateurs à la magie, j’y implante une partie de ma volonté pour que cette énergie soit favorable à la manipulation de la magie pour mes camarades et un fardeau pour ceux qui veulent me nuire. J’y augmente la quantité de mana pour que son utilisation soit la plus longue possible. Puis, je fais en sorte que l’orbe libère cette énergie par vague. Des pulsations qui émettent les particules comme une onde dans l’air.
"Vous qui êtes une utilisatrice de fluide, pouvez-vous me détailler ce que vous ressentez ? Cette magie provoque un champ neutre qui le rend insensible à mon propre sort lorsque je le génère !"
Ma magie fonctionne, du moins, il se passe quelque chose qui transparaît avec la surprise de la panseuse. Cet étonnement laisse rapidement place à son sourire habituel lorsqu’elle me répond qu’elle sent effectivement quelque chose provenant de l’extérieur, ou du moins d’une force qui n’émane pas d’elle. Si elle prétend pouvoir user de cette magie, elle n’est cependant pas suffisante pour accomplir de grandes choses. Un retour de mon sort qui me surprend autant qu’il me satisfait.
"C'est vrai, ça marche ?" Puis je me ravise.
"Qu'entendez-vous par ne pas pouvoir accomplir de grandes choses ?"
D’après ses dires, elle sent bien quelque chose de moi, mais c’est bien trop faible pour que cela soit notable. Une remarque qui touche mon ego de mage et me pousse à afficher une grimace.
(Trop faible ? Il y a donc un manque de mana, mais cela me surprend assez. J’en ai utilisé pas mal pour celui-ci. L’autre hypothèse serait qu’il y a une perte de mon mana. D’une manière ou d’une autre, la totalité du mana employé ne sert pas comme il le devrait !)
"Ma première idée serait un manque de mana, mais... j'en doute. Essayons tout de même pour voir !"
Joignant le geste à la parole, j’use de mes pouvoirs pour effectuer le même sort, mais en usant davantage de mana qu’avant. D’après les traits de son visage, j’en conclus que le manque de mana est un facteur important. Cette fois-ci, elle sent ma magie à l’œuvre, au point de refermer son livre sur lequel elle s’était accoudée, perdant son signet au passage.
"Alors comment était-ce cette fois-là ?" Fais-je en ramassant son signet et le lui rendant.
C’est une réussite, une franche réussite. Cependant la réponse de la panseuse ne me plaît pas, au point que je n’entends pas la suite. Non pas que je ne sois pas content de ma réussite, mais la dépense de mana est trop importante pour que le sort soit, en un sens, rentable. Il n’y a pas d’intérêt de générer un tel sort, s’il est nécessaire de puiser dans la totalité de son mana pour les sorts les plus puissants.
(Dans ce cas, il peut être bon de s’attarder à l’efficacité du mana utilisé. Actuellement, il est utilisé pour générer un champ d’action via des pulsations magiques, afin de le rendre plus ou moins permanent. Mais que se passerait-il si je concentrais tout ce mana en un même point ?)
Avant de réitérer mon essai, j’use de ma magie pour faire appel aux esprits environnants et recouvrer mon mana. Ceux-ci doivent être influencés par les lutins car il faut une deuxième tentative pour y parvenir. Ensuite, plutôt que de renforcer la quantité de mana nécessaire, je modifie la façon dont il est utilisé pour générer mon sort et focalise le mana en un point plus petit, mais plus concentré.
J'écoute la panseuse, comprenant que mon sort a eu le même effet que précédemment. A la différence que cette fois-ci, ça ne m'a pas coûté tout mon mana. C'est satisfait de moi-même que je me penche en arrière sur ma chaise, me frottant les joues avec les mains.
"J'y suis enfin arrivé ! La création d'un champ magique favorable aux alliés, défavorable aux ennemis et qui ne me vide pas de mes réserves magiques !" Puis je regarde le signet en main et le présente.
"Pardon, vous disiez quoi à ce sujet ?"
"Il t'appartient désormais." Déclare-t-elle.
"Ho, c'est gentil ! Ce n'était pas nécessaire vous savez !" Puis je regarde le signet, la panseuse, le signet, la panseuse, avant de demander à nouveau.
"Lui aussi, il s'anime tout seul ?"
En observant de plus près le signet fait de bois, je constate un assez joli dessin d’une étrange créature ressemblant à un cheval courant dans un champ, mais doté d’une corne dont le motif forme une spirale sur son front. La penseuse clame que je peux être fier de moi, non seulement par l’apprentissage du sort, mais aussi d’avoir cherché une magie capable d’être une aide à mes camarades. Des compliments qui me gênent, peu habitué à en recevoir. Puis elle glisse un livre épais vers ma direction et me propose de déposer le signet dessus avant de prononcer un mot, n’importe lequel. Ma curiosité ne cesse d’être titillée en présence de ces lutins et la penseuse tout particulièrement. Je pose sur le signet sur le livre et prononce le mot au centre de mon existence d’une voix claire :
"Magie !"
A mon ordre, le signet s’élève au-dessus du livre qui s’ouvre de lui-même. Les pages défilent rapidement, portées par la magie du cheval cornu qui s’est mis à galoper à une vitesse folle, tout en restant sur place. Finalement, le livre se referme sans que rien d’autre ne se passe, si ce n’est que le signet se dépose sur le dos du livre et moi qui ouvre de grands yeux devant ce spectacle.
"Il s'agit de mon livre d'identification d'herbes guérisseuse, il n'est pas question de magie dedans. Mais c'est pas grave...tu as compris son fonctionnement." M’explique la penseuse.
"Hooo, voilà qui pourra considérablement m'aider dans mes recherches ! Un cadeau très précieux !" Puis examinant le signet dans mes mains, des questions me viennent.
"Donc cela fouille le terme recherché, mais cela fonctionne t'il avec un groupe de mots ? Et s'il y a plusieurs apparitions du mot dans le livre, comment cela se passe-t-il ?"
Celui-ci est limité à un seul mot et comme la plume, son nombre d’utilisation est restreinte et l’usage avec parcimonie vivement conseillée.
"Encore une magie qui perd de son énergie." Dis-je les yeux fermés.
"C'est dommage d'être limité ainsi, mais d'un autre côté, le lancer dans une recherche en quête des restaurer la force qui les anime pourrait m'en apprendre plus que je ne le pensais. Je verrais bien ce que l'avenir me réserve !" Dis-je amusé de ces perspectives à venir avant de poser mes mains sur la table, concluant sur cette entrevue et ne voulant pas déranger davantage la penseuse.
"Je ne m'attendais pas à autant en arrivant dans ce petit village, ni même en entrant dans votre demeure penseuse. Merci pour votre aide dans la réalisation de mon sortilège, pour vos cadeaux et ce temps que vous m'avez accordé !" Fais-je avant de me lever pour rassembler mes affaires, non sans avoir salué la lutine qui me répond.
"Le plaisir fut pour moi. Il n'y a pas d'autres sorts que tu aimerais expérimenter ?"
"Des sorts ?" Fais-je surpris.
"Pas à ma connaissance non. Je sais déjà user de ceux que je connais ! Seul celui que je vous ai mentionné était mon dernier obstacle, avant de découvrir ma prochaine énigme magique, si je puis nommer ainsi les sorts que ne je maîtrise pas !"
Me souhaitant une bonne journée, elle me reconduit à l’extérieur et lorsque je pose les pieds en dehors de sa demeure, le sol sous mes pieds se ramollit et se met à engloutir mes bottes dans un étau de terre qui m’immobilise sur place. Le constat est rapide, sans appel et je comprends parfaitement où cet étrange effet tire sa source : la penseuse.
"Hooo, un sort qui entrave les jambes ! Voilà de quoi donner du fils à retordre ! C'est une magie de terre n'est-ce pas ? Donc à ma portée !" Fais-je loin de comprendre le contrôle actuel de la penseuse sur son sort.
"Pas seulement les jambes." Déclare-t-elle, alors que la boue remonte jusqu’à la cuisse. Puis elle me demande quelles seraient selon moi, l’utilité d’un tel sort et titille encore ma curiosité pour tout ce qui entoure la magie.
"Une utilité vous dites ?" Fais-je avant de réfléchir un bref instant.
"Immobiliser une cible peut avoir de nombreux avantages que ce soit empêcher quelqu'un de fuir, de facilité sa propre fuite, mais dans le cas des combattants de mêlée, je dirais que ça les rend inaptes au combat et de protéger des camarades dans le besoin. Sauf s'ils disposent de moyens pour atteindre des cibles à distance, ou d'user de magie !"
"Vous le voyez comme une arme, certes, mais réfléchissez encore "
(Bigre ! C’est qu’elle sait s’y prendre avec moi cette petite malicieuse !)
Je commence à examiner la boue qui m'entoure, la tâtant de mes mains.
"Il est vrai qu'elle semble...assez dense." Je prends mon bâton et frappe de petits coups avec.
"J'en déduis qu'il y a là une sorte de résistance induite par la densité de la boue. Cependant, s'il est question d'un sort de protection, je suis déjà muni de sorts bien plus utiles et orientés dans ce sens."
(Mais dans un sens, un tel usage serait bien plus approprié pour lutter contre les cibles en feu que mes sorts de terre actuels !)
"Il serait également possible d'éteindre des flammes de manière plus efficace que mes propres sorts cependant, mais les miens ont l'avantage de recouvrir tout le corps et non uniquement sous les hanches comme celui-ci !"
A ma remarque sur la limitation physique, l’étau continue son ascension jusqu’à mes hanches, preuve de la maîtrise de la lutine et contredisant mes déductions sur la limite possible de la cible.
"En effet, la boue peut être assez résistante, pour vous protéger quelqu’un d’autres ou à la limite vous camoufler.... mais bien sûr, elle est surtout employé comme arme.... j’arrête mon sort là. Vous devinez qu’il pourrait monter encore. Je vous laisse donc tenter de manœuvrer cette boue afin d’au moins vous libérer." Dit-elle d’un clin d’œil malicieux en retournant à sa maison, laissant tout de même la porte ouverte. Des fois que j’aurais besoin de son aide pour m’extraire.
(Ainsi donc, elle semble user de ses fluides pour manipuler la terre et former un étau pour empêcher la cible de se mouvoir. Cependant, l’inverse devrait être possible pour se libérer !)
Tâchant de reproduire à l'instinct cette magie, j’use de mes fluides, dont une partie de mes fluides de terre, pour les envoyer dans la boue qui m'entoure et essayer de réduire la pression de mes jambes. Comme prévu, cela fonctionne, cependant le temps nécessaire pour me déloger est assez long à mon goût. Je pourrais me faire dévorer par des bêtes que je ne serais toujours pas libre. D’un coup d’œil, je porte attention à la lutine qui si elle lit un livre, la présence de signes au niveau des yeux m’indiquent qu’elle n’est pas vraiment absorbée par sa lecture.
(Serait-elle en train d’user encore de sa magie pour s’opposer à la mienne et me forcer à plus d’efforts ? Voilà bien un jeu auquel je suis friand !)
Accroissant mon contrôle sur la boue autour de mes membres via mes fluides de terre, je prouve ma maîtrise magique en reculant davantage le sort qui m’immobilise, mais encore, le temps me parait trop long et la fatigue d’user et de maîtriser de nombreux sorts s’accumulent.
(Il va me falloir un peu de repos je pense, avant d’approfondir ce sort d’immobilisation. Je pourrais demander à la penseuse de me libérer mais…je pense être en mesure de faire autrement !)
Usant des esprits environnementaux pour récupérer mes réserves magiques, je manipule mes fluides de feu pour faire chauffer la boue qui m’étreint. Malheureusement, la chaleur qui me permet de cuire cette boue m’est aussi insupportable et lorsque je suis incapable de résister à plus, je montre à la penseuse mon sort de protection, s’insinuant entre mon corps et la boue et brisant ce qu’il reste du sort de la lutine. Je lui jette un dernier regard avant de partir, voyant son sourire de m’avoir vue trouver une solution par moi-même.
(Si elle connaît d’autres sorts de terre, je devrais revenir rapidement pour en apprendre plus !)
VIII 13 Bouleversements physiques.