Le Port de Tulorim

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Yuimen
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Le Port de Tulorim

Message par Yuimen » ven. 5 janv. 2018 10:42

Port de Tulorim

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Bienvenue sur les quais du port de Tulorim. Comme tout grand port, il y règne une activité permanente, et il y rôde toute une faune plus ou moins recommandable. Matelots en goguette, pêcheurs vantant leurs marchandises, portefaix lourdement chargés, charrettes et carrioles se côtoient de jour comme de nuit dans un indescriptible brouhaha. Sans cesse des navires s'amarrent tandis que d'autres quittent le port au rythme des marées qui ordonnent le ballet maritime, Tulorim est un centre de commerce florissant et le port en est le centre névralgique. Bien entendu, cette cohue donne parfois lieu à quelques débordements, les rixes entre marins plus ou moins ivres sont fréquentes et les malhonnêtes profitent souvent de la foule pour commettre leurs larcins, mais rien de cela ne saurait entraver l'activité fébrile qui règne en ces lieux. La nuit, vous apercevrez peut-être quelques navires déchargeant ou chargeant discrètement de mystérieuses cargaisons, contrebandiers et autres flibustiers profitant de l'obscurité pour se livrer à leurs activités illégales. Mieux vaut, à ces heures indues, éviter de traîner dans les ruelles sombres qui serpentent entre les entrepôts, les malandrins de toute sorte y rôdent.

Ici vous pourrez louer les services d'un bateau et de son équipage, acheter vos propres navires, ou encore faire réparer voire simplement garder votre embarcation. Vous pouvez également remplir vos cales de marchandises à vendre dans d'autres villes. N'hésitez pas à vous procurer divers équipements pour améliorer vos vaisseaux avant de prendre la mer.

Les bateaux sont rachetés à 1/4 de leur prix.


La demande doit être postée, avec le lien du post, dans le sujet d'Interventions GM.
Prix et explications des navires : Règle des voyages maritimes

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Faëlis
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Re: Le Port de Tulorim

Message par Faëlis » mer. 6 févr. 2019 20:36

L'elfe se rendit ensuite au port. Il était grand temps de trouver un navire pour retourner à Kendra Kâr. Après le cataclysme d'Elysian, il avait perdu la trace de Cromax, mais ne désespérait pas de le retrouver. Il était membre des Amants de la rose sombre, et ces gens avaient un palais dans la cité blanche. Peut-être trouverait-il des informations...

Il n'arrivait pas à s’ôter de la tête que c'était un aveu d'échec. Tout son voyage à Tulorim avait été un désastre, manquant de causer sa mort à plusieurs reprises, sans rien apporter d'autre que toujours plus de courses, et pour revenir à son point de départ ! C'était ridicule...

Mais alors qu'il ruminait ces sombres pensées, il tomba sur Julianos et sa bande, ce qui lui fit retrouver le sourire. Les mercenaires s'étaient bien remis de la dernière aventure, sans doute aidé, il fallait le reconnaître, par la somme que Faëlis leur avait déboursée. C'était la moindre des choses pour la qualité de leur travail ! Certains portaient encore quelques bandages, mais tous avaient le sourire et ne semblaient pas tenir rancune à leur employeur pour les avoir amenés à frôler la mort contre toute une armée de bandits oaxiens. Le jeune chef lui serra la main :

« Ça fait plaisir de vous revoir ! Si vous avez de nouveau besoin de mercenaires... »

Le jeune elfe éclata de rire :

« J'ai bien peur que ma bourse ne me le permette pas indéfiniment ! De toute façon, il faut que je retourne à Kendra Kâr. »

« Oh... hé bien il ne nous reste qu'à vous souhaiter un bon voyage, alors... de la part des Tigres écarlates ! Votre idée de nom était la bonne, on est tous d'accord pour la garder ! En plus, avec les trophées de ruffians qu'on a ramenés, on est en train de se faire une petite réputation ! »

Faëlis était sincèrement content pour eux. Ils l'aidèrent même à trouver un navire pas trop cher. Le capitaine était une connaissance à eux et ils pouvaient garantir sa fiabilité. Le capitaine était un colosse barbu qui accepta sans faire de difficulté, annonçant qu'il partait dans quelques heures. Faëlis et Julianos se serrèrent donc la main chaleureusement avant de se séparer. Il était temps pour chacun, de partir vers de nouvelles aventures de son côté.

C'est alors qu'un célérian se posa à côté de l'elfe pour prendre forme humaine. Aliéna épousseta sa robe d'un geste affecté.

« Je suis surprise. Tu auras passé plusieurs jours en compagnie de ce gamin et tu vas partir sans même l'avoir dépucelé... »

Passé le sursaut de la surprise, il devrait pourtant savoir, maintenant, qu'il devait se méfier de ces volatiles, il répondit avec humeur :

« Dois-je en déduire que tu extériorises une frustration intérieure ? »

« Moi ? J'ai plus de goût que toi. Alors, on part pour Kendra Kâr ? Tu vas faire quoi, me vendre à la milice ? »

« Bien sûr que non... »


Il voulut ajouter quelque chose mais ne trouva rien. Elle était une ancienne servante d'Oaxaca, et il n'était pas sûr qu'elle ait totalement renoncé à cette allégeance. En tout état de fait, il devrait la livrer à la milice, mais... hé bien il voulait croire qu'une femme aussi belle pouvait être sauvée et... Non, il n'y avait aucune autre raison. Le fait que son regard se perde régulièrement sur son décolleté était purement fortuit. De même, le fait qu'il lui propose monter en première sur la passerelle du navire était une pure question de galanterie. Elle-même en avait sûrement conscience, vu comme elle ondula un peu trop du derrière pendant que l'elfe montait derrière elle, les yeux juste au bon niveau.

Le capitaine était occupé à répartir les marchandises mais, en voyant ses invités monter, il prit le temps de venir les voir :

« Ah, je pensais que vous vous absenteriez plus longtemps, maître elfe. Bienvenu à bord, damoiselle. Je vous vous conduire tous deux à votre chambre. »

« Minute ! Objecta Aliéna. Tu as bien réservé deux chambres ? »

« Hum... hé bien... je n'y avais pas pensé... »

Il se sentit rougir. Non parce qu'il avait des pensées coquines à chaque fois qu'il la voyait, ce qui était assez habituel chez lui, mais parce qu'il n'avait bel et bien pas imaginé qu'elle aille dormir ailleurs. Réflexion stupide alors qu'ils se connaissaient à peine et étaient des ennemis encore il y a peu. Le capitaine faisait de son mieux pour cacher un début d'hilarité tandis qu'il les mena vers deux chambres d'invités. Faëlis s'enferma bien vite dans la sienne et se passa le visage à l'eau froide avant de se regarder dans le miroir. La vision de son visage parfait était un instrument habituel pour chasser les pensées déplacées, mais une petite partie de lui-même espérait encore qu'il pourrait la convaincre de venir le voir une nuit ou deux. Sinon, la traversée allait être longue...

Lorsque le bateau sortit du port, il sortit pour s'accouder au bastingage et regarder la mer. Il pensa aux derniers jours mouvementés, dont il lui restait encore quelques ecchymoses. Il pensa au sindel qu'il poursuivait sur demande du palais de Kendra Kâr et dont on disait qu'il était un demi-dieu. Il pensa aussi à Neolia, sa maîtresse qu'il avait abandonné là-bas et, lorsqu'il leva les yeux, ce fut pour voir un célérian qui tournait gracieusement autour du mât.

Les prochaines aventures ne s'annonçaient pas moins mouvementées !

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Adam Von Demorlys
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Re: Le Port de Tulorim

Message par Adam Von Demorlys » jeu. 28 févr. 2019 22:36

<-

« Là, c'est celui-là. »

Zack leva un index vers un navire pirate de taille moyenne. Des forbans étaient en train d'y charger tonneaux et caisses. Un nain à la barbe parsemée de tresses et de perles surgit soudain et les rejoignit d'un pas rapide.
« Bwah ce bon vieux Zack ! Et le petit de Mordred quel honneur ! »

L'enchanteur fit les présentations.
« Voici Génas un compagnon à moi, c'est lui qui nous accompagnera pendant le voyage. »

Adam échangea alors une solide paire de mains qui faillit lui tirer une légère grimace. Bien que ce voyage n'ait rien d'une grande expédition il se sentait quand même un peu excité. L'inconnu... Une chose à laquelle il n'avait hélas jusqu'à maintenant qu'eût peu affaire.

« Notre caisse de marchandise a déjà été chargé ? »

« Yep, et chargée dans la cale, j'ai vérifié encore il y a pas longtemps. J'ai aussi déjà remis la bourse au capitaine du navire, on n'a plus qu'à embarquer et à attendre qu'ils lèvent l'ancre. »

« Parfait, et bien montons alors. Inutile de rester plus longtemps sur le quai. »

Les trois individus gravirent la passerelle. Le navire était de belle facture et doté de quoi bien se défendre. Ce qui était on ne peut plus normal vu qu'il s'agissait d'une embarcation pirate.Le capitaine, un vieux sang pourpre les acceuillit à leur montée et leur présenta la cabine qu'ils partageraient.
Eh bien... Certes Adam ne s'était pas attendu à un grand luxe, mais quand même pas à ce point là. Trois couchettes étaient disposés à même le sol avec une bassine d'eau non loin, et un petit meuble comme unique espace de rangement. Et oui c'était ça quitter sa zone de confort... Le nain lui, avait l'air bien plus réjoui car il s'élança sur la couchette du milieu en tonnant :
« J'prends celui-là ! »

Le navire leva l'ancre une petite heure plus tard.

->

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TGM
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Re: Le Port de Tulorim

Message par TGM » lun. 8 avr. 2019 15:14

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Nous approchons de Tulorim durant la matinée et je comprends, en voyant les marins se presser au bastingage qu'il doit s'agir d'une première pour eux aussi. Devant nous, la ville se dévoile, bien plus grande, il me semble, que Darhàm, mais tout de même très petite en comparaison de l'immense Omyre. Comme son port se trouve dans une crique à l'abri des vents, nous devons reprendre les rames pour manœuvrer le navire pour l'amarrer, tout en évitant de briser nos grandes rames contre les pontons de bois. Pour ce faire, seul un effectif réduit s'occupe des rames, pour ma part, je reste sur le pont et transporte les cordes que des marins plus costauds que moi vont lancent par la suite aux dockers. Durant la manœuvre, je surveille discrètement Tatch pour trouver un instant afin de me faufiler dans sa cabine, mais il y a trop de circulation devant celle-ci. Le navire amarré, tandis que certains descendent et d'autres remontent les marchandises des cales, je me pose nonchalamment contre le mur, près de mon objectif. Le capitaine s'apprête à descendre à terre pour trouver un acheteur à ses biens, cela va me laisser du temps pour agir, déjà certains marins s'apprêtent à prendre quartier libre et à aller s'amuser dans l'un ou l'autre des bordels qu'ils trouveront alentours. Le capitaine hirsute s'immobilise soudainement et me fait sursauter au moment où il m'interpelle :

"Eden, au lieu de rien faire, va dans ma cabine et prends la lettre sur mon bureau. J'y ai mis la liste des marchandise, tu ne devrais pas tromper, il n'y a qu'elle."

Quelle belle occasion il m'offre là, heureusement qu'il ne connaît pas mes plans... Je lui adresse alors un signe de tête et fonce à l'intérieur, claquant la porte derrière moi pour qu'on ne voit pas ce que je fais. Je m'approche du bureau recouvert de cartes, identifiant immédiatement la lettre en question, mais je ne trouve nulle part la bourse contenant ses dés pipés. Je sens mon stress monter. Je dois la trouver rapidement sinon j'aurai l'air suspect. Mon regard parcourt alors la pièce en long, en large et en travers. Rien, toujours rien. J'ouvre alors un à un les coffres non cadenassés et les tiroirs des meubles, écarte d'un geste de la main ce qu'ils contiennent et les referme aussitôt pour passer au suivant, ne voyant absolument rien ressemblant à cette petite bourse de cuir noir. Finalement, je me résigne à prendre la lettre, ayant déjà passé presque deux minutes à fouiller, et grand bien m'en prend, car c'est au moment que je la saisis qu'Ed Tatch ouvre la porte, manifestement contrarié. Je bafouille alors une excuse :

"Désolé capitaine, comme c'est sur deux morceaux de papier, je savais pas lequel prendre, à Omyre, on m'a pas appris à lire."

"Les deux, prend les deux et amène toi."

Mon excuse semble passer puisque le grognement qu'il émet en récupérant sa liste est plus approbatif que menaçant. C'est à cet instant que je remarque qu'il porte sa bourse à sa ceinture, voilà qui me complique la tâche et va me demander de la ruse et du doigté. Conscient que les bas-fonds de la ville sont mal famés, mais qu'il n'est pas connu ici, Tatch décide de laisser ses seconds surveiller le navire avec la moitié de l'équipage, tandis que l'autre moitié, dont je réussis à faire partie, l'accompagne avec un tonneau pour aller négocier, armes au clair. Mon fendoir étant moins impressionnant que les coutelas de mes camarades, je me retrouve à faire rouler le tonneau "pour m'endurcir". Nous sommes donc une dizaine à quitter le bateau, arpentant les docks en jetant des regards patibulaires à ceux que nous croisons, telle une meute de bêtes sauvages, suivant notre capitaine qui passe d'un commerçant à l'autre. Ce manège m'épuise, d'abord car le tonneau, quoiqu'il contienne est lourd, même à deux, et ensuite, car je reste constamment à l'affût d'une ouverture pour m'emparer de la bourse sans succès, mais je ne renonce pas. Au bout d'une heure, Tatch nous déclare qu'il veut voir des commerçants plus riches, ceux-ci ne proposant guère, mieux à Darhàm.

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TGM
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Re: Le Port de Tulorim

Message par TGM » mar. 30 avr. 2019 17:17

-----E-----


De retour au rafiot, je constate qu'il y règne une certaine agitation. Tatch a vraisemblablement conclu un marché satisfaisant puisque l'équipage sort des cales les tonneaux de marchandises qu'ils étaient venus vendre à Tulorim, pour les confier à des inconnus les chargeant sur des charrettes. Je n'ai pas besoin de chercher le capitaine. À peine ais-je posé un pied sur le pont qu'il fond sur moi pour m'engueuler.

"Eden! Par Moura, t’étais passé où ? On est peut-être des pirates, mais quand je vous dis de revenir, c'est pas pour vous voir disparaître dans des ruelles !"

Le voyant s'approcher de moi avec un air furibond, je recule les mains ouvertes devant moi, comme pour l'empêcher de trop s'approcher, en essayant de lui fournir une réponse convaincante.

"J'suis désolé Capitaine. J'ai vu qu'il avait votre bourse alors j'ai fait de mon mieux pour le rattraper. J'me sens plus à l'aise à courir dans les ruelles que sur un bateau alors j'ai dû me laisser emporter par ma fougue."

À ma réponse, il s'arrête et me fixe d'un regard inquisiteur avant de demander :

"C'est lui qui a pris mes dés ? Dis-moi que t'as réussi à rattraper cette ordure !"

Pour feindre la honte, je tortille du pied sur le pont et baisse la tête fixant le sol du regard, cela m'évitant au passage d'avoir à le regarder lors du mensonge que je lui sors.

"Non. Quand il a vu qu'il n'y avait pas d'or dans la bourse, il l'a jetée dans un caniveau, droit dans les égouts..."

S'en suit alors un déluge de jurons et d'invocations de la déesse des mers, jaillissant de sa barbe noire et touffue. Après avoir ainsi dissipé une partie de sa colère, il recentre le sujet sur moi et la raison qui m'a tant retenu, arguant que j'aurais dû revenir au navire avant lui. Je lève alors les yeux vers Ed, mes paroles étant cette fois presque dénuées de mensonges.

"Vous vous rappelez l'affiche du noble qui cherchait des mercenaires ? Je suis allé le voir pour le convaincre de nous engager, nous tous, ne serait-ce que pour le transport s'il avait déjà trouvé une bande pour l'accompagner. Je voulais aider. Je me doutais bien que vous n'apprécieriez pas mon absence, mais il a refusé. Il a dit qu'il avait déjà ce qu'il lui fallait en transport et qu'il préférait un groupe restreint, sans doute vu la récompense promise. J'ai bien tenté de lui dire qu'on partagerait les trois mille entre nous tous, mais il a préféré me poser des questions sur moi. Au final, il a fait comme vous, Capitaine. Mon passé à Omyre l'intéresse et il m'a offert une place dans l'équipe qu'il assemble."

Si un sourire satisfait se dessine sous son épaisse barbe au début de mon discours, il disparaît par la suite tandis que ses sourcils se froncent. Durant quelques secondes, Ed Tatch me jauge en silence. Je n'arrive pas à deviner ce qu'il pense, il reste impassible. Enfin, il se gratte le poil en réfléchissant, d'abord sous le menton, puis derrière la nuque. J'attends son verdict comme un accusé un jugement.

"Trois mille yus, mon petit saligaud, trois mille yus... Pour ce prix-là, j'espère que t'as accepté ! Même moi, j'accepterais de quitter la mer pour un temps si on me promettait une telle récompense. Bien, quand pars-tu avec eux ?"

Une vague de soulagement s'empare de moi et je sens tous mes muscles se détendre. Ce pirate est comme moi, un opportuniste. S'il est habile à gagner sa croûte sur les mers, il n'exclut pas un travail bien payé à terre, un peu comme moi, mais à l'envers. La voie emprunte d'une gratitude sincère de me laisser ainsi les quitter, je lui réponds.

"Il m'a dit de le rejoindre devant sa maison dans deux jours. D'ici là, je peux encore rester avec l'équipage."

À ces mots, le capitaine éclate de rire, puis me répond, un peu gêné :

"Ha ha ha, je savais que tu te sentirais chez toi à bord ! Mais j'ai pu écouler tout ce que j'avais en cales, et la taxe de portuaire est hors de prix ici... À croire que tous les marchands qui vivent là sont riches. Nous partirons demain à l'aube, avant qu'ils ne viennent nous voler à nouveau... Maudits miliciens."

Je laisse échapper un "Ah" empli de déception, me voilà à nouveau seul, abandonné dans une ville inconnue. Au moins, avec eux, j'aurais eu des personnes qui seraient venues m'aider à me défendre. Il ne me reste plus qu'à apprendre un maximum de rues avant la nuit. Je me retourne alors, prêt à quitter ,le navire lorsque j'entends Ed m'interpeler.

"Tu vas où là ? Tu fais encore partie de l'équipage tant qu'on est pas repartis. Et ça tombe bien, car pour te punir d'avoir désobéi, tu vas devoir garder le navire cette nuit pendant que les autres iront s'amuser ! Tu n'auras ta part de la vente que lorsque nous reviendrons."

Je songe un instant à répliquer, mais un seul jour sur ce rafiot suffit pour comprendre que la parole de son capitaine fait loi. Son prochain ordre consiste d'ailleurs à m'envoyer aider les autres matelots à décharger les derniers tonneaux. Une fois ma corvée terminée, je vois l'équipage s'en aller dans les rues à la recherche d'une taverne accueillante, me laissant seul à bord avec Sekou, le second à la peau sombre. Au bout d'un temps particulièrement long, que j'ai passé allongé sur le rebord du bâtiment flottant à écouter mon camarade jouer d'un petit instrument de musique en os, celui-ci décide de ranger son pipeau pour attraper deux balais et m'envoie un.

"Tu vas pas me faire nettoyer le pont en pleine nuit, c'est pas avec deux torches que je vais voir quoi que ce soit !"

Il me répond alors avec un sourire complice :

"Il paraît que tu vas te faire un paquet de fric comme mercenaire, petit. Je veux juste voir ce que tu as dans le ventre, savoir si les pirates de Darhàm seront à jamais déshonorés..."

En réponse à sa provocation, je ramasse le balai au sol et fonce dans sa direction pour lui asséner un coup vertical. Avec un air défiant, il se contente se faire un pas de côté pour l'esquiver. Je tente alors un coup d'estoc qu'il dévie avec facilité en faisant tourner son arme comme une majorette. Ma dernière attaque fini bloquée par son arme, suite à quoi il attrape la mienne et, d'un mouvement que je ne comprends pas, m'envoie rouler au sol.

"Mouais, on en a pour quelques heures avant d'avoir un niveau décent. Commençons par les bases. Tout ce que tu as à faire, c'est d'imiter correctement mon mouvement. Je m’arrêterai juste avant de te toucher, mais toi, tu devras y aller franchement."

Il commence donc avec des coups simples, des coups verticaux s'arrêtant dans mes cheveux, des coups latéraux finissant dans les plis de ma chemise et des coups d'estocs s'immobilisant juste sous mon menton. Je mets un moment à comprendre ce qu'il attend de moi. En effet, il pare nonchalamment mes tentatives avant de frapper parfois au coude, parfois au genou en déclarant que je ne le regarde pas. Je finis par comprendre qu'il veut que j'adopte exactement la même position que lui et commence à prêter plus attention aux détails comme l'angle de pli de son genou, l'espace qu'il laisse entre son coude et son torse ou encore même la position de ses doigts sur le manche à balai. Alors que je m'efforce de toujours mieux l'observer pour mieux l'imiter, il déclare "passer aux choses sérieuses", me demandant d'imiter ses esquives et parades à mes attaques. Il s'agit donc pour moi de réussir à reproduire le mouvement que je viens de voir, tout en observant celui qu'il effectue devant moi.

L'exercice est difficile et épuisant, d'abord pour les gestes qu'il modifie constamment afin que je ne fasse jamais deux fois le même mouvement, puis pour l'attention dont je dois faire preuve. Coup de balai après coup de balai, je commence à m'améliorer. Il ne cesse de me répéter que je serai entouré de professionnels aux talents aiguisés et que, ne maîtrisant personnellement aucune technique, ma meilleure chance de survivre et de ne pas paraître ridicule reste de pouvoir imiter leurs techniques dans l'instant, feignant ainsi une capacité d'apprentissage démesurée. Je mets un certain moment à comprendre ce qu'il entend par là, et donc, ce qu'il attend de moi. Ne pas chercher à comprendre des mouvements, mais seulement les observer pour pouvoir les reproduire dans l'instant, quitte à les oublier quelques secondes plus tard, est quelque chose qui me perturbe profondément, mais c'est ce qu'il semble me demander.

"À quoi bon ? À quoi bon observer les mouvements d'un ennemi si c'est pour les oublier en quelques minutes ? Je ferais mieux de les comprendre en profondeur pour les réutiliser à volonté !"

Il ne s'interrompt pas à mes paroles, et punit mon immobilisme comme s'il s'agissait de mouvement très mal effectués. Alors que je reprends à contre-coeur, il daigne me répondre :

"Personne ne peut maîtriser un mouvement en l'ayant vu une seule fois, et tes ennemis ne t'entraîneront pas avant de te combattre. Apprendre à imiter son ennemi, c'est ne jamais être à court de solution et ça, ça te sauve la vie. Tu réfléchis bien trop, tu veux tout mémoriser. Observe, applique et oublie. Tu auras largement le luxe de te payer des cours aux quatre coins du monde avec tes trois mille yus, en attendant, c'est ça qui t'aidera."

La démarche me semble totalement contre-intuitive et je désespère d'y arriver. Sekou refuse cependant de me laisser le moindre répit et continue inlassablement jusqu'au petit matin à innover - et peut-être aussi inventer des mouvements - de telle manière qu'il m'est impossible de réutiliser les précédant, empêchant par la masse d'information trop grande pour être traitée, toute tentative de mémorisation. Il ne baisse son arme d'entraînement que lorsque le soleil point à l'horizon, se saisissant alors de son coutelas. Son ordre est implicite, je jette aussitôt mon balai pour dégainer mon fendoir. Il me laisse approcher, esquivant d'un pas latéral mon attaque. Je fais, moi aussi, un pas sur le côté, esquivant son coup d'estoc de justesse. Même si mon arme est inadaptée, je tends mon bras en mettant tout mon poids sur mon pied avant. Il se jette alors au sol, effectue une roulade maîtrisée puis charge dans ma direction. Je bondis à mon tour, juste à temps, et me rue sur lui. Il encaisse le coup sans sourciller, la différence de gabarit rendant sans doute ma charge pathétique. Alors que je lève vers lui des yeux écarquillés, il me sourit.

"Tu vois quand tu veux. Tu n'as plus qu'à utiliser cette méthode intelligemment, au lieu de simplement répéter la dernière attaque. Mais si t'as grandi à Omyre, tu dois bien être assez rusé pour te débrouiller seul."

Je m'apprête à le remercier lorsqu'il émet un sifflement suraiguë. Suivant son regard, j'aperçois sur les docks deux groupes approchant du navire. Le premier est l'équipage aviné qui revient pour mettre les voiles. Le second est la milice de la ville qui vient percevoir la taxe portuaire sur les navires à quai. En réponse au sifflement, Ed Tatch s'agite et les pirates commencent à courir dans notre direction. De leur côté, les miliciens ne font que tourner la tête puis, ne voyant pas le groupe qui s'agite grâce à un bâtiment masquant une partie de la vue, continuent à prendre leur temps pour effectuer leur tâche sans rater même le plus petit rafiot. Je commence à compter combien de navire les séparent de nous lorsque je prends un violent coup derrière la tête. Tombant au sol, je vois Sekou avec son manche à balai dans les mains.

"Désolé, petit, va falloir que tu fasses diversion."

Je n'ai pas le temps de comprendre ce qu'il veut dire qu'une pluie de coups de pied et de bâton s'abat sur moi. Sidéré, je ne peux pas crier, je peux à peine relever les bras pour défendre mon visage qu'il semble particulièrement viser. Ce passage à tabac ne cesse que lorsque Tatch déboule sur le pont suivi des matelot qui s'affairent déjà à larguer les amarres. Après un regard entendu entre les officiers, le capitaine m'attrape par le col et m'envoie rouler sur la planche qui relie le pont au dock. Pour tout adieu, il m'envoie une bourse qui tombe à mes pieds et me crie.

"Beau travail gamin, fais nous gagner du temps et t'auras bien mérité ta part."

Je reste un instant médusé devant les pirates qui n'ont déjà plus un regard pour moi, se jetant déjà sur les rames et les voiles pour sortir du port. Les exclamations des gardes me sortent de cette stupéfaction, je récupère alors ma paye et fonce à l'angle de l'entrepôt portuaire qui avait camouflé l'arrivée peu discrète de mes ex-camarades. Plaqué contre le mur, j'écoute les pas pressés se rapprocher. Lorsqu'ils arrivent à ma hauteur, je me laisse tomber à leurs pieds en gémissant. Le groupe s'arrête aussitôt hésitant sur la priorité de ses missions. Finalement, le chef ordonne à ses hommes de rattraper les fuyards tandis qu'il s'approche de moi. Sitôt à ma hauteur, je l'accueille d'un coup de pied dans les roustons et arrache la bourse à sa ceinture avant de filer à toutes jambes, le laissant à genoux et le souffle coupé lorsque ses hommes viennent voir ce qu'il fait dans cette position étrange alors que le blessé, que je suis, disparaît dans une ruelle. La cupidité est un vilain défaut, j'ai comme un doute sur le fait que la paye venant de Tatch ne compense celle provenant de l'elfe esclavagiste qui m'a été volée à Darhàm. Je préfère donc encaisser deux fois en ce début de matinée bien douloureux.

((( Apprentissage Imitation)))

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Koriah
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Re: Le Port de Tulorim

Message par Koriah » mar. 24 mars 2020 10:14

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Rapidement Koriah déboucha sur les larges quais de Tulorim, lieux où se concentrait une bonne partie des activités de la ville. C'était effectivement ici que transitaient quotidiennement d'innombrables navires, apportant son lot d'aventuriers et de marchands. Le lieu fourmillait toujours d'animations, le chant des mouettes peinant à surmonter le brouhaha général.
Le vent frais fouetta le visage du grand gaillard, apportant avec lui cette délicieuse odeur iodée que Koriah adorait tant. Il connaissait bien le lieu, cependant il fût tout de même surpris en apercevant un petit attroupement. Sa curiosité piquée à vif, le colosse joua des coudes pour se frayer un chemin et tomba en face d'une affiche qui lui fit plisser les yeux. Tapotant l'épaule de son voisin il lui demanda :

« Salut l'ami, dis-moi tu sais ce que ça raconte cette annonce ? »

« T'es tombé sur la mauvaise personne j'sais pas lire non plus. Si j'ai bien compris ils recherchent quelques gars pour prendre la mer pas loin de Saman et régler une histoire de monstres marins. »

Koriah ouvrit grand les yeux.

« De montres marins ? »

« Tout juste, des trucs qui arrivent à te chopper du pont pour t'amener sous les eaux. Bref, ça fait pas mal parler mais y en pas beaucoup qui osent y aller. »

« Bah moi qui cherchais quoi faire... Ca tombe à pique. »

« Comment ça tu savais pas quoi faire ? Où pars-tu comme ça à la base avec ton balluchon ?»

« J'quitte la ville, je venais prendre un bateau. »

« Ah.... Tiens donc, on se sent d'humeur voyageuse ! Et où as-tu prévu de partir comme ça avec ces quelques maigres affaires ? »

« J'sais pas. »

« Comment ça tu sais pas ? »

« Non j'sais pas. J''sais juste que je veux partir dans un endroit que je connais pas. J'comptais embarquer dans le premier rafiot venu et voir ensuite où cela mènerait. »

Son interlocuteur loucha alors et le regarda comme si le grand gaillard était fou. Il reprit la parole quelques courtes secondes plus tard en se grattant la joue.

« Bigre toi t'es couillu, ou juste fou. M'enfin, si tu veux en savoir plus demande à ce gars là bas, c'est lui qui a placardé cette affiche. »

Koriah tourna alors la tête vers la direction indiqué et posa les yeux sur un vieux marin occupé à clouer une autre de ces affiches. Le colosse salua alors son voisin d'un signe de tête :

« Merci l'ami, si tu veux viens avec moi je négocierai une place pour nous deux. »

L'homme éclata de rire à la taquinerie et leva la main en signe d'au revoir.

« Bon courage mon gars ! Fais gaffe, si tu veux vraiment pouvoir profiter de nouvelles contrées tu devrais peut-être y réfléchir à deux fois avant de t'engager là-dedans haha. »

Le grand gaillard leva à son tour une main au-dessus son épaule tandis qu'un petit rire roula le long de sa gorge. Quelques courtes secondes plus tard il avait rejoint le marin qui lui avait été désigné :

« B'jour, j'aimerais en savoir plus sur les annonces que vous placardez. Apparemment ça concerne Saman et des bestioles marines c'est bien ça ? »

->
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Re: Le Port de Tulorim

Message par Gamemaster2 » mar. 24 mars 2020 12:27

Intervention pour Koriah Karthès

><

Le marin te regarde approcher, crachant par dessus bord la chique qu'il était en train de mâcher. Assis sur un tonneau, il pose la main sur son genou et t'écoute te présenter, finissant par détourner le regard vers la côte lointaine, certainement où se trouve Saman.

"Ouais, on a des soucis en ville. Les pêcheurs peuvent plus approcher leurs bateaux sans s'faire attaquer par des bêtes. On a des blessés, plusieurs disparus et personne pour nous aider. À c'que j'ai compris, ça viendrait d'une grotte de la crique. Y'a un bruit étrange qu'en sort à chaque coucher du soleil, personne sait c'que c'est. Rien d'bon, en tout cas."

Il finit par te regarder de haut en bas, comme pour jauger la marchandise.

"T'es quoi ? Mercenaire ? Barbare ? Tu viens d'où, comme ça ?"
"Bwaf Assistance, que puis-je faire pour vous ?"

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Re: Le Port de Tulorim

Message par Koriah » mar. 24 mars 2020 13:51

<-

Le vieux marin écouta Koriah d'une oreille attentive, puis tourna un regard machinal dans la direction où si le grand gaillard ne se trompait pas, se trouvait Saman. Le colosse avait déjà entendu parler de cette petite ville, mais ne s'y était encore jamais rendu. A vrai dire il n'avait encore jamais vraiment quitté Tulorim... Chose qui allait enfin changer, et ce dès aujourd'hui.
Tout de même, il ne s'était pas attendu à ce que de belles opportunités d'aventures se présentent aussi rapidement, et sa curiosité fut piquée à vif en écoutant les paroles de son interlocuteur. De plus, ayant trempé depuis tout jeune dans les affaires commerciales de son paternel, il connaissait bien l'anxiété que pouvait engendré un revenu trop faible pour pouvoir convenablement remplir son estomac. Non vraiment, ces pauvres pêcheurs n'avaient pas besoin de ça.
Un sourire amusé étira ses lèvres en entendant les questions du vieil homme. Certains auraient pu s'offusquer de se voir ainsi comparer à un barbare, lui le prenait plutôt comme un compliment.

«Non rien de ça, je suis juste un fils de forgeron qui cherche à mettre un peu de piquant dans sa vie. J'avais prévu de prendre la mer pour découvrir de nouvelles cités mais ce que tu me dis là retient mon attention. Tu saurais s'il y a un bateau dans l'coin se rendant à Saman, ou alors comment on peut faire pour s'engager dans cette expédition ? »

->
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Re: Le Port de Tulorim

Message par Gamemaster2 » mar. 24 mars 2020 15:15

Intervention pour Koriah Karthès

><

Le vieux marin pouffa de rire, comprenant qu'il avait à faire avec un type en mal d'aventures. Rien de bien nouveau pour ce loup de mer.

"Ahah, du piquant, tu risques d'en avoir avec tout c'qui s'passe sur l'continent. T'as entendu parler de c'qui s'passe à l'ouest, près d'Exech ? Ça baragouine sur des morts qui envahissent le domaine d'un noble du coin. Pis y'a l'Royaume de Yarthiss qui perd la main contre des hordes de centaures. On vit une époque de fous, mon gars, j'te l'dit..."

Il se marre un peu, perdant de son rire alors qu'il regarde l'horizon. Un fou, peut-être, qui ne voit que l'ironie d'un monde qu'il ne comprend plus. À moins qu'il ne comprenne parfaitement le malheur de ceux qui le vivent ? Ou rien de tout cela. Quoi qu'il en soit, il se lève de son tonneau et s'étire le dos avant de te répondre.

"Alors t'y tiens ? Dans c'cas, mon gaillard, je t'emmène avec moi jusqu'à Saman. Nul doute que Dame Mantelet et M'sire Von Graveberg s'ront contents que quelqu'un se soit proposé pour résoudre nos emmerdes. J'espère que t'as pas l'mal de mer, on part tout d'suite !"
"Bwaf Assistance, que puis-je faire pour vous ?"

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Re: Le Port de Tulorim

Message par Koriah » mar. 24 mars 2020 18:12

<-

Ah ça... C'était sûr que du piquant, ces continents en regorgeait ! Koriah ne comptait plus les innombrables fois où il avait laissé traîner une oreille alors qu'il était attablé à une taverne. Ou les occasions durant lesquelles il avait simplement discuté avec des aventuriers de passage, tout ça pour avoir des aperçus de ce que renfermait ce vaste monde. Et à la fin de chaque histoire naissait cette même envie.

« Euuhhh non, j'avais pas entendu parler d'tout ça. Bizarrement les macchabées qui marchent ça m'attire pas vraiment. Les centaures à la rigueur, pourquoi pas. »

Une époque de fous, c'était le cas de le dire... C'était d'ailleurs une chose qui n'avait pu qu'accentuer la frustration du colosse, lorsqu'il avait du rester cloîtrer dans la forge familiale pour épauler son père.

« Par contre j'ai entendu dire ça castagne sévère en ce moment sur Nirtim. Oxaca qui commencerait à rassembler son armée et à lancer des raids, à la limite je serais curieux de voir comment ça se passe là bas et apporter mon aide.  Mais dans l'immédiat je veux bien me rendre à Saman ouaip ! Merci pour le service. »

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Re: Le Port de Tulorim

Message par Yliria » lun. 20 avr. 2020 02:20

<< Précédemment
Contes pour pirates

- Akram ? Ouais doit être que'que part là-bas, près d'son rafiot! Tu f'rais mieux d'pas t'approcher gamine. Ces maudits Sang-Pourpres font qu'une bouchée des fillettes dans ton genre. Et j'parle pas d'gastronomie.

Je ne retins pas une grimace dégoûtée au sous-entendu discutable du marin, mais me contentai de le remercier avant de filer dans la direction qu'il m'avait indiquée. Sorinion avait râlé mais j'avais finalement pu sortir pour avancer sur cette histoire de relique. Nyllyn étant occupée avec les préparatifs pour son départ, j'en avais profité pour faire quelque chose d'utile en attendant. J'avais pris rapidement le chemin du port en coupant au plus court et je demandai depuis à tous ceux qui semblaient marins si le nom d'Akram leur disait quelque chose. Je n'avais eu que des réponses évasives ou des reniflements dédaigneux jusqu'à maintenant, mais là j'avais enfin une réponse.

En demandant une nouvelle fois à un type à l'air patibulaire qui dénotait avec sa voix suave, je finis par atteindre le bon bateau. Un deux-mâts solidement ancré à quai avec une activité importante. Visiblement ils recrutaient et chargeaient une cargaison. Je m'approchai sans tarder, slalomant entre les marins et travailleurs qui ne cessaient d'arpenter le port qui fourmillait d'activité, comme à son habitude. Quand je parvins finalement face au navire, je l'examinai rapidement. N'étant pas familière avec la navigation, difficile de dire si ce bateau était rapide, puissant où tout autre mot pouvant décrire un navire capable. Il semblait en bon état en tout cas.

- Hey, bouge de là gamine, tu gènes !

Un type nonchalamment appuyé contre une pile de caisse m'avait apostrophée. Il ne faisait visiblement pas grand chose et je ne risquais de gêner personne là où j'étais. Armé d'un sabre, il semblait fumer quelque chose et me regardait sous une masse de cheveux crasseux cachant légèrement ses yeux noisettes. Il s'écarta des caisses et vint vers moi, jouant avec une dague comme on jouerait avec un petit caillou. S'il essayait de m’impressionner c'était raté, j'avais vu des personnes plus douées et qui frimaient moins. Il se posta face à moins, un peu trop près à mon goût et me jaugea en dévoilant ses dents en un sourire carnassier.

- T'es mignonne dis donc, tu veux monter à bord ? Je te fais faire le tour et on se trouve un petit nid d'amour ?


Je me gardai de lui envoyer mon poing ganté de Xiulh dans la figure, mais tout juste. Il dut sentir quelque chose car il fronça les sourcils et recula d'un pas, la main sur la garde de son arme. Il me fixa, partagé entre la méfiance et une certaine surprise. Je n'avais pas l'air dangereuse pour beaucoup, mais visiblement mon visage laissait exprimer bien plus que je ne le pensais. J'inspirai et décrispai les doigts, me calmant pour le fixer en faisant de mon mieux pour ne pas m'énerver.

- Je cherche Akram, j'ai besoin de m'entretenir avec lui.

- Et pourquoi une pisseuse voudrait voir le cap'taine ?

- Pour... pour affaires. Je dois lui parler.

Il me fixa, toujours méfiant. C'était bien la première fois que je rendais un adulte aussi nerveux. D'habitude on me sous estimait et ça m'allait très bien. Personne ne cherche à s'imposer contre quelqu'un que l'on imagine moins fort, on se contente de l'ignorer. Lui, par contre, avait visiblement une autre vision et il était étonnamment prudent désormais.

- L'est pas là...

- Écoutez, je cherche quelque chose et on m'a dit qu'il pouvait me renseigner. S'il n'est pas sur son bateau, où est-il ?

- J'sais pas.

Je soupirai. Je n'avais pas le temps pour ces conneries. Un autre homme apparu alors. Bien bâti, un nez droit au milieu d'un visage marqué par les ombres qui rongeaient les gens de l'intérieur. Il posa sur moi un regard vert, mais vide, comme si plus rien n'avait d'importance à ses yeux. Il s'informa d'un voix monotone aux accents graves, mais éteints, auprès du marin qui lui expliqua ce que je voulais. Il me fixa un instant et j'eus l'impression qu'il regardait ailleurs tout en me dévisageant.

- Je t'emmène le voir. Va surveiller Ori, Dray.

Le marin ronchonna, mais acquiesça avant de retourner vers le bateau. L'autre me fit signe et se mit à marcher d'un pas traînant vers les bâtiments qui longeaient les quais. Je ne savais pas qui était cet homme, mais il semblait avoir souffert de quelque chose qui le rongeait encore. J'avais l'impression qu'il n'avait plus le goût de rien. Il me conduisit jusqu'à ce qui ressemblait à une maison banale, mais d'où les rires et l'odeur m'informèrent bien vite qu'ils s'agissait d'autre chose. Il entra et je le suivis à l'intérieur, découvrant une taverne crasseuse qui sentait l'alcool, le tabac et le poisson. Il s'arrêta un instant et balaya la pièce du regard avant d'avancer entre les tables et je lui emboîtai le pas jusqu'à atteindre notre destinataire.

- Akram, on te demande.

Un homme à la peau bleue, à la fine moustache taillée et aux yeux couleurs de l'océan se tourna vers nous puis me fixa d'un air partagé entre la moquerie et la surprise. Je soutins son regard, mais ce fut le visage de celui avec lequel il discutait qui attira finalement mon attention. J'écarquillai les yeux en même temps que lui avant qu'un large sourire, orné d'une dent en or, ne déforme son visage marqué par l'âge et les combats. Décidément, je croisais beaucoup de monde ces derniers temps.

- Yliria Varnaan'tha ! En voilà une plaisante surprise. Par les miches de Moura, t'as plus l'air empotée, t'as sacrément pris du galon on dirait. Et t'es armée pour la guerre ma parole !

- Capitaine Makan... qu'est-ce que vous faites là ? Et les Barons ?

- T'as réglé le souci apparemment, en tuant leur salaud d'chef la dernière fois. Les affaires ont r'pris, notamment avec cette pourriture de Sang-pourpre là !

- Tiens ta langue vieux fou. Tu connais cette mioche ?

- Un peu que j'la connais, et tu la connais aussi pardi ! Yliria Varnaan'tha, amie des pirates de Makan le Noir et pourfendeuse de la Peste-Mer. Ah, t'as pas chômé, pour sûr !

Des regard étonnés se tournèrent vers moi et le dénommé Akram haussa les sourcils avant de dévoiler un large sourire de dents blanches comme l'écume. Il se prit d'une révérence après s'être levé.

- Un plaisir de faire ta connaissance, et de faire affaires, puisque tu demandais à me voir. Que me vaut le plaisir ?

- J'ai besoin d'informations et on m'a dit de venir vous voir.

- Des informations ? Ce n'est pas gratuit... enfin tout dépend de ce que l'on demande.

Je soupirai en levant les yeux au plafond. Évidemment que c'était payant... Je posai une pièce valant 100 yus sur la table

- J'ai de quoi payer, et j'ai besoin d'informations sur Tali'Zorah.

Son sourire disparut aussitôt et il me fixa durement. Je soutins son regard jusqu'à ce qu'il ne s'asseye à nouveau et ne regarde autour de lui en empochant la pièce, qu'il mordit pour vérifier son authenticité. Il sembla hésiter avant de parler

- T'as du cran gamine... Soit, pose ton p'tit cul sur c'tabouret, on va discuter. Yvan, cesse de penser à ta donzelle, elle va très bien et elle reviendra pour te mettre une droite, tu le sais très bien. Et installe-toi pour boire aussi, ton humeur maussade commence à m'énerver. Makan, tu..

- Je reste. J'ai une dette colossale envers cette demi-portion d'elfe.

Je lui offris un sourire qu'il me rendit avec enthousiasme. Notre partenariat avait été court, mais difficile d'oublier un personnage comme lui. Je me demandai quel genre d'affaires il faisait avec Akram, mais ce n'était pas le moment. On nous servit à boire et Akram vida la moitié d'un godet avant de me fixer tandis que je repoussais ma boisson. Comme si j'allais toucher à ça...

- J'espère que t'aimes les longues histoires tragiques.

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Yliria
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Re: Le Port de Tulorim

Message par Yliria » lun. 20 avr. 2020 15:24

<< Précédemment

Enfant née d'un viol, comme le pratiquaient les Sang-Pourpre avec toutes les femmes, Tali'Zora vécue cachée, recluse, protégée par une mère dévouée qui trouva la mort lorsque les Moissonneurs, chargés de tuer les fillettes, découvrirent l'enfant dissimulée. Marquée par les flammes, on la cru morte, disparue à jamais alors qu'en secret, elle avait survécu, avait grandi, et avec elle sa soif de vengeance contre ceux qui avaient tués sa mère et brûlés tout son corps.

- Comment elle a survécu ? Ça c'est une putain d'énigme, mais toujours est-il qu'elle est revenue. Et salement remontée.

A bord de son navire, elle écuma les mers, traquant les Sang-pourpres, dont son propre père qu'elle haïssait apparemment encore plus que les autres. Elle tua sans pitié, et apparemment sans remord, à l'aide d’artefacts augmentant ses pouvoir liés à la foudre, maniant les armes comme une furie, coulant nombre de navires des Moissonneurs. Il fallut une armada pour en venir à bout, et son bateau fut envoyé par le fond. Son corps, lui, disparut en mer et personne n'entendit plus parler d'elle après cela.

- Enfin ça, c'est la version officielle, dirons-nous. La vérité, gamine, c'est qu'elle leur a mis une sacrée dérouillée aux Moissonneurs, tu peux me croire. On disait même que c'était une enchanteresse, une de ceux qui imbibent leurs lames de leur magie. Un sacré bout d'femme ! Ah si elle était pas aussi douce qu'un charbon ardent... Où j'en étais ? Ah oui... la vraie version.

Selon Akram, elle avait réussi à abattre tant d'ennemis, coulé tant de navires, que les Sang-Pourpres auraient perdu si une tempête n'avait pas éclatée. Son navire à la dérive et apparemment blessée, elle avait fini par sombrer avec son vaisseau près des côtes de Nirtim, mais aucun Sang-pourpre n'avait jamais voulu attester de cette version les faisant passer pour plus faible qu'une femme. Aucune recherche n'a été faite pour retrouver le bateau et le corps de la femme qui défia la flotte pirate. Du moins, jusqu'à récemment.

- C'était pas vraiment d'mon fait, à vrai dire, on voulait s'poser après avoir quitté Darhàm. Pis on a trouvé c'te lieu pour mouiller sur la côte de la baie des grottes. Et là, PAF ! Une épave fracassée contre les falaises, à moitié rongée par les algues et le corail. Alors forcément, on a voulu envoyer des gars, mais cette zone maudite empêche complètement de s'approcher sans risquer de se fracasser contre les falaises.

- Comment vous pouvez savoir que c'est son navire ?

- Parce que je me souviens encore de son pavillon gamine. J'étais mousse à l'époque, mais j'men souviens comme si c'était hier, vu que j'ai failli y laisser ma peau. C'est son bateau et je suis prêt à parier qu'elle est encore dedans avec tout ce qu'elle avait. Ça te suffit comme infos ?

- Et elle était où entre l'incendie et son retour ?

- Alors ça... mystère. Certains disent que des sœurs de je sais pas quoi l'ont élevées, d'autres qu'elle nageait parmi les sirènes ou encore qu'elle a grandie chez les elfes bleus. Quelle importance ça fait?

Je haussai les épaules, mais j'avais des milliers de questions dans ma tête. Cette femme m'intriguait. De ce qu'Akram avait décrit durant son récit, les Sang-Pourpre étaient pirates, proche de la mer et de Moura, leur déesse. Tali'Zorah les détestait-elle tellement que sa magie s'est épanouie à l'exact opposé de l'élément qu'ils vénéraient ? Foudre contre Eau, antithèse élémentaire. Je ne pouvais m'empêcher de me dire que c'était pareil pour moi, qui maîtrisais la Lumière pour contrer l'Obscurité des Shaakts dont je voulais me venger. Elle avait perdu sa mère, moi mon père, tous deux de la main de ceux qui auraient pu être nos peuples, mais contre qui elle s'était battue, tout comme je comptais le faire. J'avais envie d'en savoir plus sur elle, je ne pouvais m'empêcher de m'identifier à elle, à son combat. C'était à la fois si différent et similaire.

- Pourquoi vous faites ça ? Tuer les fillettes, violer les femmes, à quoi ça sert de tuer sans raison, de faire souffrir, de...

- Écoute gamine, je te demande moi pourquoi tu pisses du sang une fois par mois ? Enfin si t'as l'âge, c'pas facile de savoir avec vous, les elfes.

- Je vois pas le rapport, vous ce n'est pas natu...

- C'est dans la nature de mon peuple, oui. Les Moissonneurs tuent les fillettes pour que seuls les mâles survivent et deviennent à leur tout de solide gaillards qui iront chercher la femme de leur rêve en pillant. Nos gênes sont si forts qu'ils prédominent sur tout. Si demain tu enfantais d'un Sang-Pourpre, il aurait les traits du père, pas les tiens. Les femmes ne sont pas dignes de les porter, seulement d'enfanter notre futur, donc les Moissonneurs les suppriment.

- C'est barbare !

- Et l'esclavage des Shaakts ?

- C'est tout aussi répugnant et ça ne dédouane pas votre peuple de ses crimes ! Ce n'est pas un concours !

Il haussa un sourcil en me dévisageant. Il ne semblait pas en croire mes mots, mais j'étais parfaitement sincère. Quelle culture de cinglés assoiffés de sang... je pouvais comprendre pourquoi Tali'Zorah avait voulu les combattre. Plus j'en apprenais sur elle, plus j'avais envie de la connaître, mais il ne semblait pas en savoir plus, hélas.

- A moins de la rencontrer en personne, ou alors un de ses compagnons, tu as peu de chance d'en savoir davantage. Et comme ils sont probablement tous morts, t'es pas prête de les entendre. Pourquoi tu voulais savoir tout ça ?

- Parce que quelqu'un cherche à récupérer ses artefacts, enfin au moins un. Et que je refuse de laisser cela arriver et veux le récupérer avant.

Le Sang-Pourpre me dévisagea avec attention un instant, avant de sourire plus largement.

- On peut sans doute s'entendre, gamine.

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Re: Le Port de Tulorim

Message par Yliria » lun. 20 avr. 2020 15:34

<< Précédemment

C'était la deuxième fois que je traitais avec des pirates. Et à chaque fois j'avais un mauvais pressentiment. Dans le cas de Makan, j'avais eu de la chance, mais ce Sang-Pourpre ne m'inspirait pas confiance. Il se montrait bien trop intéressé par l'idée que j'aille chercher un objet ayant appartenu à Tali'Zorah. Il commanda de nouveau à boire et mon deuxième verre rejoignis le premier, c’est à dire le centre de la table, plein, sans que je ne daigne y toucher. Je devais garder les idées claires. Et je détestais l'alcool de toute façon. Cela semblait contrarier légèrement le Sang-pourpre, mais il se garda bien d'émettre le moindre jugement. Du moins de vive voix.

- Alors gamine, voilà ce que je te propose. Je t'aide à traverser l'océan, tu entres dans l'épave et tu nous ressors ce qui a de la valeur et t'auras ta part.

- Je ne compte pas piller le navire, seulement récupérer un objet. Pourquoi n'y allez-vous pas vous-même ?

- Je ne vais pas risquer mon navire et mes hommes, gamine. Si tu es assez cinglée pour tenter le coup, autant en profiter non ?

- Et qu'est-ce que j'y gagne ? Je peux très bien aller sur Nirtim sans votre aide et tout prendre moi-même.

- Et tu sais où est cette fameuse côte de la baie des grottes ? Et où est située l'épave, bien évidemment ?

Je grognai et il sourit triomphalement. Je n'aimais pas vraiment cela. Mais un vieil ami vint à mon secours. Simulant une quinte de toux, il attira notre attention et offrit un large sourire mesquin au Sang-Pourpre.

- Je peux t'y emmener, gamine. Je te dois une fière chandelle.

Akram ne sembla pas ravi du tout de la proposition et le fit vite comprendre, mais Makan l'arrêta d'un signe de la main.

- Écoute mon gars, j'aime pas trop qu'on essaie d'rouler ceux que j'ai à la bonne et cette gamine là, je l'ai carrément à la bonne. T'essaie de la rouler et la savoir avec un d'ton espèce ça m'enchante pas vraiment s'tu veux tout savoir. M'suis laissé dire que t'étais pas l'dernier à t'plier aux traditions de ton peuple...

Je jetai un regard dégoûté au pirate à la peau bleue, qui se contenta de hausser les épaules d'un air nonchalant, comme si cela n'avait aucune importance. Le choix était vite fait entre ces deux-là, si je pouvais choisir.

- T'en dis quoi gamine ? L'Impitoyable Vengeance et moi on peut t'y conduire. J'sais pas à quel endroit elle s'trouve ton épave, mais t'as d'la ressource et j'préfère ça que t'voir partir avec ce Sang-pourpre.

- Et notre affaire, Makan ? Je ne pense pas pouvoir tolérer que tu me doubles de cette façon.

- T'en fais pas mon gars, notre affaire tient toujours. D'ailleurs... dis-moi gamine, ça te dirait de participer ?

- Participer ?

Je n'aimais pas trop être mêlée à une affaire entre pirates, ça n'apportait probablement rien de plus que des ennuis.

- Y s'trouve qu'on a un p'tit malin qui s'en prend aux navires entre ici et Nirtim. Un nouveau qui veut s'tailler la part du gâteau. On s'concertait pour lui donner une petite leçon, histoire d'lui faire comprendre qui commande ici. T'es pas un manche si t'as buté cette saleté de monstre marin, donc si t'es partante, on s'occupe de ça avant d'aller chercher ton truc. Le plus long c'est d'le trouver, mais ça devrait pas être trop difficile.

Je fis la moue. Ce n'était pas vraiment au programme, mais je ne pouvais pas vraiment faire la difficile. De ce que j'avais compris de Nirtim, le continent était sous tension et les races affiliées à Oaxaca, dont les shaakts, n'étaient pas bien reçues et débarquer en plein milieu d'une ville humaine sans rien connaître allait probablement être un énorme problème. Que dis-je, j'allais forcément avoir des problèmes! Un navire était la meilleure solution, surtout si je pouvais atteindre l'endroit directement. Le tout me ferait forcément gagner du temps sur un voyage en aynore, puis à pied.

- Très bien, je peux vous aider, si ensuite je peux atteindre l'épave facilement.

- Aha, je savais qu'on pouvait compter sur toi gamine ! Akram, t'en dis quoi mon gars ? Prêt pour une chasse à l'homme en haute mer ?

Le Sang-Pourpre me dévisagea un instant avant de sourire. Ses yeux ne renvoyaient nulle joie, ils étaient froids comme la mort elle-même.

- Faisons ça...

Je n'aimai pas le ton du pirate, mais Makan, visiblement un peu éméché par l'alcool, ne se rendit compte de rien tandis que le Sang-pourpre me fixait. Je convins de partir une semaine plus tard sur le bateau de Makan qui s'éclipsa d'une démarche chaloupée et joyeuse. Visiblement la perspective d'une traque en mer l'enthousiasmait.

- Au plaisir de travailler avec toi.

- De même...

Comme si c'était le cas.

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Re: Le Port de Tulorim

Message par Yliria » sam. 13 juin 2020 21:22

<< Précédemment
Fibre marine

Mon dernier jour à la commanderie fut calme, vraiment calme. Sorinion me fit m'entraîner encore un peu le matin, une poignée d'heures, avant de me laisser quartier libre pour le reste de la journée. Je la passai à entretenir mes équipements et ranger mes affaires, laissant la chambre propre au cas où quelqu'un viendrait y loger. Je passai un moment avec Sorinion, qui insista pour discuter. Une fois de plus, il m'enjoignit à être prudente et tout ce qui allait avec. Etais-je vraiment aussi inconsciente ? Je n'avais pourtant pas l'impression d'aller au devant du danger au mépris de ma propre vie, mais son regard me fit bien comprendre que je me mettais tellement dans le pétrin que cela revenait au même.

Cette nuit-là, je dormis très mal, envahit de pensées ou de rêves désagréables et, lorsque le soleil se leva enfin, ce fut presque une délivrance que d'avoir quelque chose pour m'occuper l'esprit. Tout plutôt que de rester à ressasser les mêmes choses en boucle. Je fis rapidement mes bagages et sortis de ma chambre avant de descendre silencieusement jusqu'au hall où Sorinion m'attendait, un air grave sur le visage. Il posa une main sur mon épaule, sans rien dire et m'accompagna jusqu'à la sortie. Je saluai ceux que je croisai et, finalement face à la sortie de la commanderie, j'eus à nouveau ce pincement au cœur, comme à chaque fois que je devais partir d'un endroit où je me plaisais pour des raisons qui n'étaient pas de mon entière volonté.

- Fais attention à toi. Tu vas me manquer, Yliria.

La gorge nouée, je cédai et l'enlaçai avec force. Il se tendit de surprise avant de se détendre. Il caressa mes cheveux et je fermai les yeux à ce toucher. Je m'écartai finalement, inspirai et le saluai avant de tourner les talons. Je détestai les adieux, je les avais toujours détester et j'espérai ne plus avoir à en faire après ceux-là. Je quittai la commanderie avec le cœur serré et pleine d'appréhension, mais j'étais suffisamment déterminée pour marcher d'un pas vif vers le port, traversant les rues peu fréquentées en cette heure matinale.

Le port, comme à son habitude, fourmillait d'activité, même tôt le matin. Je devais en traverser la majeure partie pour atteindre le vaisseau de Makan que j'apercevais. Slalomant entre les marins et les pêcheurs, évitant les caisses et les tonneaux, je me frayai un chemin parmi le brouhaha ininterrompu et les odeurs de poisson et d'iode qui saturaient l'air. Tout cela avait un air de déjà vu, bien que prendre le bateau n'ait jamais fait partie de mes expériences les plus remarquables. La seule fois où j'avais franchi les océans, j'étais restée enfermée dans la cale, espérant que nous arriverions à Tulorim sans problème. J'espérais que ce voyage serait un peu plus intéressant que d'être recluse dans un coin, dans la veine des voyages en galère au Naora... le monstre marin en moins.

J'arrivai finalement devant le trois-mâts de Makan, toujours aussi impressionnant, encore plus dans la lueur matinale. Je me demandai où un pirate pouvait se procurer pareil bateau et je gardai en tête l'idée de lui poser la question, persuadée d'avoir le droit à une histoire intéressante... ou à une simple transaction dénuée d'intérêt. Des marins s'activaient à son bord, semblaient vérifier les cordes et les attaches reliant encore le vaisseau au quai. Quand j'approchai de la passerelle en bois qui reliait le bateau à la terre ferme, quelques marins me fixèrent avec étonnement, interrompant leur travail quelques instants. Un temps suffisant pour alerter le capitaine qui arriva en tonitruant.

- Allez bons dieux de sacs à foutre atrophiés, bougez-vous le... Oh, v'là notre invitée. Tu peux monter gamine !

Je retins de justesse une expression lasse, trop habituée à me faire traiter de gamine, et obéis en posant finalement le pied sur le pont, sous les regards d'une bonne partie de l'équipage. Une majorité d'humains, mais aussi quelques elfes, bleus et blancs, et deux thorkins, de ce que je pouvais voir. Le pont était peu encombré et je levai les yeux pour apercevoir le sommet des mâts, où là aussi quelques marins s'affairaient, inconscients de ce qu'il se passait en dessous-d'eux. Je me promis d'aller faire un tour là-haut, je me demandais ce que la vue pouvait offrir. Makan vint finalement vers moi, un sourire aux lèvres.

- Bienvenue à bord ! Enfin, t'es déjà v'nue, mais ce fut très bref la dernière fois. Parée à partir ?

- Dès que vous êtes prêts ! Où est...

- Akram ? Sur son rafiot, pardi ! Il partira juste après nous, son vaisseau est plus rapide, vu sa taille. Allez viens là, je vais t'présenter à cette bande de moules trop cuites qui m'sert d'équipage. RASSEMBLEMENT !

L'ordre du capitaine fut aussitôt suivi et la troupe se rassembla. Il devait être une quarantaine, au moins, et me regardait avec curiosité. Makan en présenta quelques-uns. Dego, son second, un elfe bleu étonnement charpenté à qui il manquait une dent de devant ; Ludwig, son maître d'équipage, qui était un humain portant les cheveux longs, en queue de cheval ; Ectoir, le maître artilleur, qui s'occupait de gérer les scorpions et la grosse baliste installée sur l'arrière du navire ; Fediël, un elfe blanc qui était le guérisseur de navire et enfin Hug, le charpentier, un humain avec une cicatrice lui barrant la moitié du visage. Je remarquai aussi un jeune humain, aux cheveux sombres, sans doute une recrue, qui faisait pâle figure comparé aux autres.

- Ecoutez bien, bande de phoques anorexiques, voici Yliria! Certains la connaissent, mais pour les autres, je vais expliquer les choses. C'te gamine m'a sauvé la peau et a tué de sang-froid un chef de la mafia locale qu'on pensait intouchable, donc avant d'tenter que'que chose, j'y réfléchirai à deux fois si j'étais vous. Je lui rends service et elle a accepté de nous aider à traquer et poutrer la petite enflure qui se croit tout permis sur les mers. Le premier qui est déplacé avec elle passera par-dessus bord après qu'elle en ait fini avec lui. Enfin, ça c'est si on retrouve quelque chose de votre carcasse ! C'est clair ?

Je grimaçai, appréciant peu d'être présentée ainsi. J'avais l'impression d'être un monstre sanguinaire en entendant Makan me décrire. L'équipage hocha pourtant la tête unanimement et Makan les renvoya au travail, Dego, son second, se mettant à brailler ses ordres. Je me tournai vers le capitaine, les lèvres pincées face à son sourire malicieux.

- Vous ne pensez pas en avoir trop fait ?

- Bah ! Crois-moi gamine, vaut mieux trop en faire que pas assez. J'imagine que t'es capable de t'débrouiller d'ordinaire, mais là tu s'ras coincée sur ce rafiot au beau milieu d'mes hommes, perdue au cœur des océans. J'préfère que les choses soient claires dès le début. Si jamais il s'passe quand même un truc... essaie de pas les tuer, ça c'est mon boulot, mais fais-leur passer un message.

Je lui offris une moue dubitative qui le fit sourire encore plus largement.

- J'sens qu'on va s'amuser avec toi à bord. Je vais demander à notre mousse de te montrer tes quartiers, j'imagine que dormir avec tout un tas d'abrutis en rut la moitié du temps ne te tente pas trop.

- Tant que je suis pas confinée dans la cale...

- Dans la cale ? Quelle idée !

- Mon seul voyage das un bateau de ce genre s'est passé comme ça.

- Pas d'ça chez moi. T'es libre comme l'air. Essaie juste de pas gêner pendant les manœuvres. En dehors de ça, t'as quartier libre.

Je hochai la tête, un sourire aux lèvres, et il appela le fameux mousse, Jonas, le jeune humain que j'avais remarqué. Il avait un visage anguleux, de petites taches de rousseur sur le nez et son oreille gauche était entaillée. De visu, il ne semblait pas vraiment à sa place, il était pas beaucoup plus grand que moi et guère plus gros, mais il semblait parfaitement à l'aise. Je le suivis dans les quartiers de l'équipage et il m'indiqua un coin à l'écart où se balançait un hamac et une caisse où je pouvais poser mes affaires. Un petit nid douillet et sec. Ce voyage allait peut-être se passer convenablement, finalement.

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Oljyn
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Re: Le Port de Tulorim

Message par Oljyn » lun. 9 août 2021 18:21

« C’est une blague ? »

Demandais-je en sentant une veine palpiter sur ma tempe. Mon interlocuteur renifle longuement, faisant remonter un glaire qui doit bien peser entre 85 et 125 grammes. Il entrouvre la bouche, jouant entre ses quelques dents avec ce morceau de morve baveuse d’un vert tirant vers le noir avant de le cracher dans l’eau des docks. Il rétorque ensuite avec un accent venant de je ne sais où. Une voix qui timbre à la perfection à son physique. Gras, laid, le crâne dégarni et le nez bouffi aux poils de moustache cendré par un mauvais tabac. D’ailleurs, le tabac, il empeste le tabac mélangé à la sueur saumâtre.

« Beh quoué ? »

Puis il parle vite, trop vite, mâchant quasiment une syllabe sur deux, me forçant à plisser les yeux pour déchiffrer ce qu’il me bave.

« J’dis qu’b’teau à vend’. V’la un b’teau fl’bant neuf lè ! »

« Mais il est entrain de prendre l’eau votre … merde flottante là ! »

M’emportais-je avec une certaine gaieté après une hésitation. Revenu depuis peu de ce fichu bois aux nabots, débarrassé des insectes, avec une taille normal, j’étais heureux de pouvoir enfin revoir un peu de civilisation.

« Quoi ! T’chetes pas mon b’teau ? T’m’graines ? »

Derrière lui deux hommes se redressent pour s’approcher, des visages assez proches du négociateur. Un en particulier, peut être un frère, ou un père ou les deux. Le second malgré un faciès semblable possède quelques traits qui le différencie des deux autres, un strabisme notamment. D’ailleurs celui-ci fait l’erreur de me pousser.

« Oh. Oh. Oh. Faute grave. »

Dis-je en ricanant alors qu’il s’apprête à me frapper. Je recule d’un pas vif, lui faisant manquer son coup, rien de spécialement étonnant quand on possède deux yeux incapables de regarder dans la même direction. Les deux autres remontent leurs manches, prêts à entrer dans la danse. Danse qui se fait rapidement moins nombreuse car après l’esquive d’un second coup je décoche à mon tour un direct du gauche qui lui remonte le nez entre les deux yeux. Il recule à son tour en gémissant, libérant un flot cramoisi sur les dalles humides du port.

« Ah ! T’me l’bagarre ça ?! Va t’donner ! »

« J’veux juste pas de votre rafiot merdique ! »

« ´Foiré ! »

Le négociateur attaque en premier avec un large crochet que j’évite en me baissant pour être cueilli par un coup de genoux de la part de son camarade. Celui-ci frappe durement mes avant bras qui, heureusement, protégeaient mon visage. Je me redresse. Pas chassé sur le côté pour m’éloigner du négociateur avant qu’il ne frappe à nouveau, mettant les deux consanguins entre moi et les eaux grises du port. Je pare un direct, réponds d’un autre qui trouve le menton du type qui l’encaisse sans broncher avant de rétorquer avec deux coups rapides. L’un frappe mon poing ferme tenu devant mon menton mais le second me cogne la joue. Je sens mes dents trembler et le sang se répandre sous ma langue. Un déluge de coups qu’il cherche à réitérer alors que je me remets du précédent tandis que le négociateur se décale pour l’assister. Je me baisse alors que le poing du plus rapide se dirige vers mon crâne et me projette contre lui, coude en avant, le bousculant assez pour lui couper le souffle, l’interrompre et le faire tomber à l’eau. Le négociateur, surprit, arme son bras pour répliquer mais l’uppercut qui lui percute le menton le fait décoller du sol. Une de ses dernière molaire pourrie s’envole dans les airs avec une gerbe de sang. Il retombe sur le sol avec fracas pour ne plus s’en relever. Je me dirige alors vers le dernier consanguin, le nez qui pisse toujours le sang. Je le chope par le col alors qu’il me fait signe de le laisser tranquille et le balance dans la coque de noix qu’ils ont voulu me vendre, terminant de la faire couler après un craquement de bois vermoulu.

« Bande de tarés ! »

Je crache le sang dans ma bouche et ramasse mon paquetage avant de poursuivre ma route sur les docks. En effet, je voulais profiter de la récompense des lutins pour m’offrir un nouveau bateau. Mais pas une barque qui prend l’eau, avec des rames sur le point de casser. Non, un navire assez grand pour s’éloigner plus au large. Un voilier à un mat avec le confort nécessaire pour y passer quelques jours, seul avec l’océan. Avec une petite cale pour entreposer le matériel de pêche et des bacs de sel pour conserver le fruit de la pêche. Je parcours donc les quais de pêcheur en quête du rafiot de mes rêves jusqu’à ce qu’enfin mon regard se pose sur un sloop, bateau à un mât, sobre mais élégant. A peine usé par les agressions de la mer et du temps. Un vieil homme s’extirpe de la cabine avec difficulté pour attraper les amarres et les lancer sur le ponton de bois. Sans attendre, je le rejoins à grande enjambées pour lui apporter mon aide.

« C’est un joli bateau que vous avez là. »

Il me jette un regard curieux et épuisé sans dire un mot, soufflant pour remonter sur le quai avec ses filets.

« Laissez moi vous aider. »

« On se connait non ? »

Demande-il après avoir repris son souffle et s’être redressé de toute sa hauteur d’homme de Wiehl. Je le regarde curieusement à mon tour, d’abord comme si c’était impossible puis en détaillant plus son visage je me rends compte que ses traits me sont en effet pas inconnus.

« Un grand gaillard avec une gueule d’Ynorien… Tu serais pas le fils Shazano par hasard ? »

« Co… comment… »

Dis-je, interloqué alors qu’il se marre.

« Tu remets pas ma gueule ? Bah. Un ingrat, comme ton père ! Par Moura ! Tu as bien grandis ! »

Je reconnais finalement son visage derrière sa barbe grise hirsute et sale, un ami de mon père qui me paraissait déjà âgé quand j’étais plus jeune. Je me doutais pas qu’un corps pouvait atteindre un tel degré de délabrement.

« Alors t’es revenu du pays du riz finalement ? Ta mère aussi ? »

« Non… non… elle est encore là-bas. »

Dis-je, encore étonné de tomber face à une connaissance de mon père.

« J’ai cru comprendre que c’est un peu la merde en ce moment. Enfin un peu comme d’habitude quoi. Pousse toi un peu. »

Dit-il en marchant vers le port tout en portant le fruit de son dur labeur, poursuivant la conversation.

« Tu as repris le flambeau alors… tu cherches un navire pour la pêche ? »

« Oui ! Exactement ! Vous acceptez de me vendre le votre ?! »

Il se marre encore, un rire chaud venant de son ventre et secouant ses épaules.

« Non ! Jamais de la vie ! Mais j’ai un truc qui peut t’intéresser. »

Il m’invite à le suivre. D’abord à une échoppe où il vend ses poissons à des marchands qui commencent immédiatement à les vider et les écailler. Puis il me fait traverser les docks jusqu’à l’extrémité du port où les dalles ont fait place au sable. Ici, des petites cahutes font office de logements pour les familles de pêcheur les plus pauvres. Le long de la plage sont accrochés des barques de différentes tailles à des piquets plantés profondément dans le sable. Je continue de le suivre, l’écoutant raconter ses vieilles histoires sur la mer, sur la pêche, sur Tulorim, sur la guerre, sur mon père, sur des souvenirs qui me replongent dans les miens. Il me mène jusqu’à sa cabane et désigne une toile usé par le sel et le soleil qui recouvre une chose de belle taille.

« C’est mon ancien bateau. J’ai choisi d’en acheter un neuf plutôt que de me payer une maison plus confortable. »

Il souffle et râle en poussant du pied les lourdes pierres qui lestent la toile avant de la tirer d’un geste ferme pour révéler ce qui se trouve en dessous. Un navire identique à celui qui lui appartient si ce n’est qu’il est bien plus usé.

« Bon. Y a quelques trucs à retaper mais il serait parfait pour débuter. Puis j’en demande pas grand chose. »

Je le prends.

Le vieillard écarquille les yeux, surpris de me voir accepter si rapidement sans doute. Mais ce bout de bois flottant à provoqué quelque chose chez moi. Comme un coup de foudre. Il me rappelle mon enfance, mes journées passées en mer avec mon père. Je m’approche et passe ma main le long de la coque, récoltant quelques échardes qui s’enfoncent dans mes mains calleuses.

« Le chanceux qu’il s’appelle. Et faut dire que j’ai eu du bol pas mal de fois avec. »

Le chanceux. Voilà donc le nom de mon bateau.

((Achat d’un bateau vitesse x1 + début d’apprentissage de la cc déluge))

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Syelsa
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Re: Le Port de Tulorim

Message par Syelsa » ven. 20 août 2021 00:39

Les poings du pêcheur.


Souriants et accommodants, le couple de marchands me donne un à un tous les objets que j’ai demandé en échange de quelques pièces qui semblent les étonner autant que les rendre heureux. Avec un sourire et une intention bienveillante, l’homme me confie qu’un membre de sa famille vend des bâtons et baguettes qui me seraient sans doute utiles. L’idée aurait pu être véritablement séduisante si Isqua n’avait pas été très claire à ce sujet. Une sorcière façonne son bâton lors de son initiation au Coven et le lie à sa magie propre. Ce n’est pas un simple objet que l’on récupère quelque part, il doit être personnel.

- Je vous remercie, mais je n’en ai pas besoin. Merci encore !

Saluant de la main les deux vendeurs, je prends la direction de la mer, caressant le fabuleux tissu de la cape qui ceint mes épaules et descend le long de mon dos jusqu’à mes jambes. Je ne peux m’empêcher d’être contente pour un simple achat matériel, mon premier qui plus est. Isqua ne m’en voudra pas d’en avoir un peu profité. Après tout, c’est le seul endroit où les pièces ont un quelconque intérêt, autant ne pas s’en encombrer plus que nécessaire. Il me tarde d’entendre à nouveau sa voix, mais je dois déjà ramener les dernières plantes manquantes. J’avais espéré que le botaniste les aurait, mais non, et me voilà forcée d’aller plonger dans la mer pour aller les cueillir, n’en ayant pas vu sur les étals du marché. L’idée de plonger ne me dérange pas vraiment, si tant est que je puisse retirer le sel après. Et que personne ne vienne me déranger.

Je ne peux empêcher un petit soupir de franchir mes lèvres lorsque j’arrive près de la mer. Une très vaste zone la borde, encombrée de caisses, tonneaux, filets et tout un tas d’autres choses dont je ne connais pas le nom. Il y a du monde partout, tous ces gens occupés à courir à droite et à gauche, à transporter des choses, crier ou se lancer des choses. Il règne une vague odeur d’iode supplantée par celles du poisson, de la crasse et d’autres choses que je ne préfère pas identifier. Mais ce qui me chagrine le plus, dans tout ça, ce sont les mastodontes flottants, accrochés à la terre par des cordes. N’arrive pas à dévier mon regard du plus proche et, évitant souplement les hommes, femmes et choses qui ne cessent de s’agiter tout autour, je m’en approche pour l’observer.

Combien d’arbres ont dû être détruit pour créer une telle chose ? Le bois est totalement mort, plié à la volonté des hommes qui s’en servent pour naviguer, sourd à la douleur de ce qu’ils ont bien pu tuer. En caressant du doigt le squelette sans vie de ce qui a autrefois été une forêt, je ne peux empêcher mon cœur de se serrer. Peut-être qu’il y avait ne forêt à la place de cette ville, avant. Sont-elles vouées à disparaître une à une au profit des êtres aussi peu inquiété par la nature et tout ce qu’elle peut apporter ? Je chasse une larme de ma joue et m’écarte, m’éloigne de ce cimetière flottant pour aller m’installer plus loin, au bout d’un quai de pierre où rien n’est attaché, là où je peux m’asseoir et fermer les yeux. Les pieds pendus au-dessus des eaux, je me calme un instant, respire. Isqua m’a en expliqué que tous ne pouvaient avoir ma vision du monde, notre vision de la nature. Je ne suis pas certaine d’être d’accord avec ce que font les humains, mais peut-être me faut-il du temps pour les comprendre. Je ne suis qu’une novice après tout.

- Isqua, je vais te demander conseil en rentrant…

Piaillant près de mon oreille, une mouette se pose, curieuse. Un sourire aux lèvres, je lui tends un morceau de pain qu’elle attrape sans hésiter. Chapardeuse, les mouettes sont plutôt douces quand on sait s’y prendre, d’après Isqua. Je regarde celle-ci avaler le morceau de pain d’une traite et constate, amusée, qu’elle en redemande. D’autres se joigne à elle et je me retrouve à nourrir une demi-douzaine de petites goinfres avec une seule miche de pain. Une essaie de s’attaquer à mon chapeau, mais est vite ramenée à la raison en voyant qu’elle n’a aucune récompense pour cela. Les oiseaux sont si simples et faciles à apprécier. J’aimerais être un oiseau parfois. Isquapeut devenir un chat, peut-être qu’elle pourra m’apprendre à être un oiseau ? Il faudrait que je lui demande ça, également.

Des cris me font tourner la tête et j’aperçois plusieurs hommes en train de se battre non loin, au début du ponton. Le bruit et mon mouvement ont fait fuir les mouettes et je lâche une moue déçue. C’était agréable de nourrir ces oiseaux pendant un temps. Je me relève et époussette ma robe pleine de miettes de pain avant de reconnaître un des protagonistes de cette bagarre. Halatir est parmi eux et semble bien seul face à ces trois hommes. L’un d’eux, pourtant, semble s désintéresser de la bagarre et s’approche de moi, de curieux objets en main. Des entraves ? Il a un nez tordu, un crâne où il manque des cheveux sur le dessus et des dents désaxées. Pas le plus beau spécimen d’humain que j’ai croisé jusque-là. Malgré toute sa rudesse, Halatir a été un compagnon de voyage et je me dis que l’aider un peu serait normal, après tout. La voix de l’humain m’est désagréable à l’oreille, comme s’il mâchait parlant.

- Alors, on a un copain ? Viens gentiment avec moi et il ne lui arrivera rien.

- Pourquoi je viendrai avec vous ? On ne se connaît pas. Et vous devriez laisser Halatir tranquille, il n’est pas toujours très diplomate et il a eu à faire avec plus grand que vous.

Avec la taille d’un lutin, qui plus est. Je n’ai pas besoin de regarder ce qu’il fait pour savoir que les deux autres humains sont dans de beaux draps. L’homme me regarde bizarrement. Je n’aime pas ses yeux, ils sont malsains.

- J’emploierai la force alors !

Et il commence à courir vers moi et essaie de m’attraper, mais je recule aussitôt. Je n’ai pas envie qu’il me touche, je suis sûre qu’il a de mauvaises intentions, avec son sourire étrange et ses objets en fer. Il essaie d’en refermer un sur mon poignet et je recule à nouveau.

- Laissez-moi ! Pourquoi vous faites ça ?

Il ne répond pas, Isqua, il n’a pas voulu m’expliquer ce qu’il voulait. Il est juste méchant, juste comme ça. Alors je n’hésite pas et cherche à appeler la terre pour stopper cet humain.

- Cemen, nuhta-firë

Le sol se craquelle et une gangue de boue enserre rapidement l’humain qui se débat en vain. Il est bientôt prisonnier d’un cocon et lâche les entraves que je me hâte de prendre. Privé de cela, il devrait arrêter. Faible, la boue ne dure guère et il en sort bien vite, tombant à genoux en reprenant son souffle.

-Toi… garce.

Je ne comprends pas. Il devrait avoir compris non ? Alors pourquoi sort-il un couteau ? il m’attaque avec, déchire un morceau de ma robe en voulant m’entailler, balayant l’air de sa lame de fer devant lui, essayant de me taillader. Nul arbre n’est là pour m’aider, alors je fais une chose que je ne voulais pas faire. Le lui envoie les entraves à la figure. Le son du métal précède de peu le cri de douleur quand elles heurtent sa tête. Il me regarde en montrant les dents tandis que je recule avec ces objets. Il m’a forcé en agissant ainsi. Il devrait juste me laisser tranquille.

- Tu vas me le payer !

Il n’y a nulle part où reculer cette fois, je suis au bout du ponton. Sa lame file tandis que je me concentre et je sens la brûlure du métal sur mon bras. Je grimace, mais la boue s’empare à nouveau de son corps et le fige un instant. Juste assez pour que je le pousse. La boue se craquelle, il trébuche et tombe droit dans les eaux du port en poussant un cri. Il se débat et je comprends qu’il ne sait pas nager alors je lui lance la corde. Il l’attrape et se tire jusqu’au ponton, juste assez pour se tenir ensuite à la pierre et remonter vers là où des escaliers peuvent lui permettre de se sortir de là. Un autre bruit de chute me fait relever la tête pour voir Halatir, debout, en train de regarder le dernier homme s’enfuir sans demander son reste. Je m’approche de lui en lui faisant signe après avoir ramassé mes affaires. Je me demande pourquoi ces trois-là se battaient.

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Syelsa
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Re: Le Port de Tulorim

Message par Syelsa » ven. 20 août 2021 13:06

Demoiselles Drapées


Comme pour garder une habitude, je vois Halatir froncer les sourcils et prendre un air bougon. Je ne sais pas s’il fait cela pour avoir l’air intimidant, mais je sais qu’il n’est pas mauvais, pas comme les hommes qui pataugent difficilement dans les eaux du port, derrière nous. Il porte un filet rempli de poisson qui sent aussi fort que le reste du port et je ne peux pas m’empêcher de froncer le nez en approchant de lui. Lui en revanche, ne change pas d’attitude, mais parvient à me surprendre.

- Tu sais que si j’étais pas passé dans le coin tu serais peut-être à poil dans une cage maintenant ? Tu devrais être plus prudente.

Il m’a aidé parce qu’il a compris ce que ces humains voulaient ? Je change mon air étonné pour un sourire et un hochement de tête poli. Il m’a aidé après tout, même si les raisons m’attristent.

- La vie d'autrui n'a semble-t-il pas beaucoup de valeur par ici. Merci Halatir. Je ne pensais pas vous revoir sitôt.

Curieuse, je désigne le poisson qu’il porte dans son filet sur l’épaule, après avoir penché la tête.

- Vous souhaitez le vendre ou le manger ?

- Pourquoi ? T’as faim ?

- Non, j'ai déjà mangé aujourd'hui, mais j'ai quelques plantes qui se marient bien avec du poison, si vous voulez le manger. Je comptais plonger chercher quelques plantes aussi, avant que ces trois-là ne débarquent, mais j'imagine que faire ça ici ce n’est pas une bonne idée. Vous connaissez un endroit où je pourrai faire ça tranquillement ?

- Plonger dans les eaux du port ? Tu manques pas de courage. Rien qu’aujourd’hui j’ai vu sept personnes gerber dans l’eau. Bon et je vous parle pas du reste hein. Mais ouais, je connais un coin plus tranquille, mais faudrait prendre mon bateau

Son rire ne parviens pas à m’empêcher de froncer le nez en l’écoutant et je ne peux m’empêcher de jeter un regard dégoûté dans les eaux qui clapotent contre la pierre et où les deux hommes sont toujours en train de patauger, approchant peu à peu des escaliers pour s’extirper de l’eau saline et visiblement dégoûtante. Je prends donc aisément ma décision

- Je vais m’abstenir... Rien que marcher pieds nus en ville c'est parfois délicat…

Pourtant, je ne changerai cela pour rien au monde. Pas question que j’enferme mes pieds dans leurs chausses horribles. Mes pieds sont libres ! Il me tarde vraiment de rentrer, mais il me reste tout de même à trouver ces plantes… Alors peut-être…

- Cela vous dérangerait de m'y emmener ? Il me manque juste cette plante avant de retourner chez moi et je serai forcée de plonger dans la mer pour la récupérer de toute façon. Je peux vous donner quelque chose en échange bien sûr.

- Pas de problèmes c’est bon. Je dois juste vendre ce poisson, tu n’as qu’à m’accompagner.

Je lui offre un immense sourire reconnaissant en échange et le remercie une fois de plus avant de lui emboiter le pas, le cœur un peu plus léger. Pouvoir trouver ces algues marines va me permettre de rentrer ! Et je n’aurai pas à patauger dans les eaux souillées par les humains et elfes qui vivent ici !

- Y a pas assez de plantes dans la forêt pour devoir venir en chercher ici ?

- Certaines plantes ne poussent qu'à certains endroits précis et celle-là pousse dans l'eau salée près des côtes, généralement à deux ou trois mètres de profondeur. Dis-je en secouant la tête. On en a rarement besoin, mais elle commençait à manquer alors puisque je suis dans les parages, autant en profiter.

Je marque une petite pause avant de pose une question qui me taraude depuis que je l’ai croisé avec les lutins. Il semblait tellement hors de son élément là-bas.

- Si vous êtes pêcheur, comment vous vous êtes retrouvés si loin des côtes, dans la forêt ?

- J’avais soif d’aventures. Répond-il simplement, réajustant son filet sur ses épaules. Deux trois mètres c’est pas rien. Vous faites partie de ces elfes qui peuvent respirer sous l’eau ? J’vois ni palmes ni branchies.

- Oh, non ! Je viens de la forêt, pas de la mer, je vais retenir ma respiration en récoltant ce dont j'ai besoin. Il me faudra sans doute quelques aller et retours pour en avoir suffisamment. Cueillir des plantes ce n'est pas aussi facile qu'on le pense !

Il me surprend un peu en proposant son aide pour aller récupérer les fameuses plantes dont j’ai besoin. En toute honnêteté, je ne m’y attendais pas et l’idée n’est pas désagréable, mais il reste un problème de taille.

- C'est gentil à vous, mais à moins que vous ne sachiez ce qu'est une zostère, je doute que vous puissiez m'aider. Je peux toujours vous montrer si ça vous intéresse. Ce sont de bons endroits pour les poissons.

Il avoue en riant ne pas savoir ce qu’elles sont, et je ne peux pas lui en vouloir. Peu de gens doivent s’y intéresser à ces petites plantes aquatiques, après tout. Je le suis jusqu’à un bâtiment en pierre où règne là aussi une forte odeur de poisson. Plusieurs personnes les écaillent et les vident et je préfère attendre à la sortie que rentrer là-dedans. Mon odorat à ses limites. Le temps qu’il s’occupe de ses affaires, je tire mon grimoire et dessine une esquisse représentant l’Oudio rencontré quelques jours plus tôt. J’aurai pu le faire avant si le voyage ne m’avait pas pris tout mon temps, et trop traîner risquait de me faire oublier de nombreux détails que je garde encore en tête.

- Bon bah voilà. Prenons quelque chose à manger et direction mon navire.

Je redresse le nez lorsqu’il ressort, agitant une petite bourse qu’il vient visiblement d’obtenir en échangeant son poisson. Je range mon grimoire et lui emboîte le pas, curieuse à propos de ces Demoiselles Drapées dont il vante les mérites afin de nous restaurer. Cela nous conduit jusqu’à un stand où je me propose de payer notre repas à tous les deux. Je lui dois bien cela et de toute façon l’argent ne me servira à rien une fois rentrée. L’odeur est alléchante et le vendeur, après m’avoir donné le prix pour chaque Demoiselle, m’explique que ce sont des crevettes cuites à la braise et ensuite enveloppées dans des feuilles de thym. Le mélange me ravit et j’en prend trois, une pour moi et deux pour Halatir, laissant le sympathique vendeur garder la monnaie.

Halatir, après m’avoir gentiment remercié, me guide à travers cet endroit qu’il appelle les quais et nous conduit à son bateau en nous faisant slalomer entre les marchandises qui jonchent l’endroit et les marins qui s’affairent. Tout en dégustant les délicieuses Demoiselles, je l’observe jeter de furieux regards par moment, jusqu’à l’instant où il s’approche d’un humain à la mine étrange. L’altercation ne dégénère pas, mais je me hâte de le suivre jusqu’à un petit bateau. Cachant ma répugnance à me déplacer sur du bois mort, je saute dedans, posant enfin la question qui me brûle les lèvres.

- C'est toujours comme ça quand vous vous promenez ici ?

- Non. Mais c’est rare de croiser une elfe verte.

- Oui, j'imagine, mon peuple ne doit pas aimer ce genre d'endroit. Tout y semble... mort.

Il me regarde avec étonnement, comme s’il ne comprenait pas mes paroles. Il fixe le port grouillant d’activité et je comprends qu’il se trompe sur la signification de mes mots.

- Ce n'est pas la Mort comme vous l'imaginez. La nature est compressée, envahie et ne peut s'épanouir ici. Les gens vont, viennent, parlent et agissent, mais ils ne vivent pas. J'ai vu plus de vie dans le regard d'un merle piaillant dans un champ que dans celui de cet homme qui essayait de vendre ses fruits au marché ou de cette femme qui ramenait ses achats chez elle. Je comprends que vous ayez besoin de villes comme celle-ci, c'est simplement un concept qui ne me plaît pas.

- Mon père disait que l’océan est assez grand pour tous les poissons.

Je l’observe tandis qu’il manie son petit bateau avec aisance et le dirige vers l’est. Cet humain est plus intriguant qu’il ne le semble au premier abord.

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Relonor
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Re: Le Port de Tulorim

Message par Relonor » sam. 22 juil. 2023 15:03

Chapitre 6 - Etablir un plan.

IX.7 Ferrer la ligne.


C’est guidé par le Sinaris que l’elfe noir se dirige au port. Si retrouver cet homme ne semble pas compliquer, lui extorq…l’inciter à rendre l’argent, sans se faire dépouiller à son tour, ne va pas être une chose facile et selon les propos du Sinaris, il est même probable que personne ne le laisse trop près de l’homme.

"J’ignore comment Harti est parvenu à rester en vie. Même cette histoire comme quoi ses dettes le protègerait c’est dingue non ? Il y a certainement un truc qu’on ignore, mais j’ignore lequel !" Déclare le semi-homme.

"Nous verrons." Répond simplement Relonor. "En tout cas, toi qui demandais quel genre d’information je cherche, c’est précisément de ceci, dont je suis friand. Une information que personne ou peu savent. Cela se monnaie toujours bien et si ce n’est de l’argent en contrepartie, nous pourrions toujours obtenir bien d’autres choses beaucoup plus utiles !"

Loin de prendre le chemin le plus simple, P’tit George use de nombreuses ruelles plus crasseuses les unes que les autres. Le shaakt craint de voir des coupe-jarret surgir de nulle part, mais en plus d’éviter ces indésirables, ils évitent également les nuisibles dont les mains œuvrent d’elles-mêmes jusqu’aux poches des malchanceux. C’est sans encombre qu’ils arrivent tous deux à l'auberge de Grigwig le Beau. Un établissement servant un peu à manger, beaucoup à boire, mais dont la spécialité réside dans les multiples vices qui y ont lieu, selon le Sinaris.

"Attends !" Déclare l’elfe noir au semi-homme. "Si je veux éviter des altercations avec ceux envers qui il a des dettes, je vais devoir agir autrement qu’en demandant son nom. Décris-le-moi !"

"De ce que j'en sais, c’est un humain d’une bonne corpulence. Il fait dans le mètre soixante-dix, brun, particulièrement loquace et plutôt bon dans ce domaine…ha ! Et il lui manque deux doigts à sa main droite !" Termine P’tit George.

"Bien, je devrais pouvoir en tirer quelque chose ! Attends-moi ici et trouve un lieu tranquille à l’abri des regards !" Ordonne-t-il en se dirigeant vers l’auberge.

En pénétrant à l’intérieur, une forte odeur d’urine, de sueur et d’alcool le prend au nez et descend jusqu’à ses tripes pour les retourner. Qu’il est loin le temps sur l’île volante avec ces parfums envoûtant. En parcourant la pièce centrale, il observe les lieux et les lieux l’observent en retour. Des tables sont disposées ici et là dans un chaos sans nom. Certaines chaises respectent les règles standards en se situant autour des tables, mais d’autres sont posées dessus, quand elles ne pendent pas simplement au plafond, accrochée ou enfoncée dans le mur. Des hommes boivent, d’autres tripotent une femme au consentement non désiré, lorsqu’il ne s’agit pas d’un groupe pariant sur le temps que va mettre un homme à se faire littéralement étrangler à mains nues. Parcourant cette étrange scène, l’elfe noir observe les lieux et remarque un homme correspondant à la description de P’tit George, particulièrement au niveau des doigts manquant. Il se présente au comptoir demande simplement la meilleure bouteille à l’imposant homme qui semble tenir l’établissement.

"Tenez gardez la monnaie !" Déclare-t-il en lançant les pièces pour qu’elles fassent le bruit caractéristique de l’individu aisé.

Il n’en faut pas plus pour que Relonor se fasse aborder par un autre individu plutôt maladroit dans la présentation.

"Bin l’b’jour m’sieu l’olf ! Comment c’que…c’que…c’que…j’pourrais p’tête faire quèque chose pour vous ?" Propose-t-il en offrant avec une bonté sans pareille, un relent alcoolisé particulièrement immonde.

Le Shaakt ne s’intéresse pas à lui, jusqu’à ce qu’il remarque que cet homme aussi possède une main amoindrit de quelques doigts. Puis c’est un autre qui se remarque par la même absence à la main, offrant également un merveilleux panorama sur l’espace entre les jambes, dénué de protection visuelle et textile. Des regards vifs sur d’autres individus indiquent que la main meurtrie semble être à la mode en ce lieu.

(Ca tu vas me le payer P’tit George ! Mais par Thimoros, où suis-je donc tombé ! Je vais devoir agir différemment pour mettre la main sur ce vaurien !)

Alors qu’il tente de partir, il est retenu par les deux hommes. Il se refuse à les molester ouvertement pour ne pas attirer l’attention sur lui, lorsqu’une femme attire l’attention du défroqué et qu’un homme oriente l’attention de l’ivrogne sur une bouteille.

"Veuillez excusez ces malotrus, ils ne savent pas se comporter correctement avec les êtres normaux. Ils ne sont bons qu’à traîner dans les excréments des ruelles ! Vous êtes nouveau non ?" Déclare-t-il d’un ton mielleux. Puis il se tourne vers l’aubergiste et lui intime à servir une des bouteilles qu’il garde dans sa réserve personnelle. "Grigwig, notre ami demande ta meilleure bouteille alors sert nous-en veux-tu ?"

Voyant de nouveau des doigts manquant, sur la main de l’individu, le shaakt commence à perdre patience jusqu’à ce que l’homme l’ouvre à nouveau. "Moi c’est Harébuis Gagéti, mais tout le monde m’appelle Harti. Mon truc c’est les affaires ! J’ai pas mal de contacts de personnes voulant monter des affaires. J’avoue que je n’ai pas à me plaindre de ma situation maintenant !"

(Haha ! J’ai ferré le bon poisson !)

"Moi ? Je ne suis qu’un simple mercenaire arrivant dans cette ville, un peu las je dois l’avouer de risquer ma vie, ces derniers temps. Dans quels genres d’affaires vous travaillez ?"

"Je suis un investisseur et actuellement à la recherche d’un partenariat pour une affaire juteuse." Commence-t-il en se penchant pour murmurer tout bas. "Si cela vous intéresse de gagner de l’argent facilement, sans avoir à risquer votre vie !"

Une idée d’approche germe dans l’esprit de l’elfe noir. Il affiche un air un peu idiot de mercenaire qui ne connaît rien des affaires, avant de répliquer.

"Je ne comprends pas, quel travail dois-je faire alors ?"

"Mais aucun l’ami, aucun !" S’exclame-t-il avant de revenir à un ton de confidences. "En fait vous donnez de l’argent et en échange vous obtenez un pourcentage, convenu en amont avec le propriétaire, pourcentage qui correspond aux recettes perçues. Mettons vous en échange de deux petits milliers de yus, Grigwig vous offre un tier de son auberge. Et bien en fin de mois, vous recevrez le tier des recettes. S’il fait trois mille yus de bénéfices, vous en recevrez mille sans rien faire et en l’espace de deux mois vous commencerez à rentabiliser votre argent ! Tout réside dans le contrat rédigé en amont en échange des deux milles yus."

"Vraiment ? Mais c’est génial !" Dit-il un peu trop haut, avant de se reprendre. "Pouvez-vous me parler un peu plus de votre partenariat ?"

Harti fixe le shaakt dans les yeux sans ciller, donnant une forte teneur dans ses propos.

"Je connais un homme qui devait lancer une affaire. Il devait recevoir l’aide d’un riche investisseur, mais celui-ci est mort avant de donner la moindre somme d’argent. L’homme a déjà engagé de coquettes sommes d’argent et sa situation est devenu si critique qu’il est prêt à offrir plus que ce qu’il n’était prêt à céder au début du projet. Ca demande une grosse somme d’argent, mais le retour sur investissement est énorme !"

"Nous devrions parler de votre partenariat dans un coin un peu plus tranquille, vous ne trouvez pas ?"

"Cette auberge n’est pas ce qu’il y a de plus raffiné, mais j’ai mes accès pour des endroits privilégiés avec de belles dames !" Répond-il.

"De belles dames, ici ?" S’offusque Relonor en jetant un œil à la chair féminine qui y est proposée. "Celles-ci seraient certainement capables de satisfaire un vieux borgne, bossu, n’ayant pas vu de femme après un voyage en mer beaucoup trop long." L’elfe noir pose une main sur l’épaule d’Harti avant de répliquer d’un petit sourire. "L’ami, tu t’apprêtes à faire de moi un homme riche, alors laisse-moi t’emmener dans un lieu où l’on voit de vraies femmes !"

La proposition excite tellement son interlocuteur qu’il se tient prêt à partir sur-le-champ. Une fois dehors le shaakt propose de prendre une ruelle, plutôt que la rue principale.

"Passons par cette petite ruelle. J’ai eu mon compte de mésaventures pour aujourd’hui en passant par ici."

"Quoi vraiment ?" S’inquiète Harti en observant là où veut l’emmener le shaakt.

"Ne vous inquiétez de rien, je suis là pour vous protéger. Ne faisons pas attendre ces belles dames voulez-vous !"

Poussé par un désir venant du plus profond de son pantalon et s'imaginant avoir le dessus dans cette affaire, Harti se laisse aller à ses envies, plus fortes que ses craintes. Ce n’est qu’en tournant la ruelle qu’il rencontre un semi-homme, jouant nonchalamment avec une dague. Fuyant, il fait volte-face et percute l’elfe noir qui s’est mis sur son chemin. Il tombe au sol, avant de se faire soulever et plaqué contre un mur. D’un regard au sinaris, celui-ci indique une porte que tous trois prennent, dont un de force, une main plaquée sur la bouche, tandis qu’une autre dissuade de tout bruit grâce à une lame habilement disposée sous la gorge. Une foule d’hommes passent quelques secondes plus tard, dont l’inquiétude vocale se fait entendre. Visiblement, ils sont à la recherche de personnes qui se sont soudainement volatilisées.

(Tiens tiens !)

"Harti ! On me fait des cachotteries ? Tu voulais te servir de moi pour éponger tes dettes ! Je crois que l’on devrait recommencer notre conversation. Tu as dépouillé la mauvaise personne et si tu veux vivre ne serait-ce que pour voir de nouveau le soleil se lever, tu vas payer ton dû !"

Hotant sa main de la bouche pour le laisser parler, Relonor comme P’tit George ne s’attendent pas à la réaction de l’individu.

"Pas vraiment convaincant ! J’ai été malmené par bien meilleur que vous. La mise en scène pour me faire sortir était plutôt bien vue, je dois l’admettre, mais il n’y a rien dans vos menaces. Elles sont aussi ternes qu’un jour sans femme !"

L’elfe et le semi-homme se regarde l’un l’autre, ne comprenant pas la réaction presque nonchalante de l’homme, alors que sa vie est menacée.

"Sans vouloir vous faire de la peine, je ne suis pas à ma première dette. Si pour vous c’est une mission, pour moi c’est un lundi ! Certains étaient particulièrement doués, des tonneaux avec des scorpions, des serpents,…ça c’est quelque chose ! Malheureusement, il y a plusieurs groupes d’hommes qui attendent que je rembourse mes dettes avec les intérêts et s’ils tombent sur vous, aïe aïe aïe, je crains que vous ne subissiez le même sort que d’autres avant vous ! Allez sans rancunes les gars !" Dit-il en cherchant à partir, avant d’être maintenu plus fermement au mur par Relonor.

(Bordel, ça…c’était pas prévu ! Faut un truc qui marque les esprits alors ? Très bien !)

"P’tit George !" Tonne le shaakt. "Va me chercher le premier traine-patin du coin. Appâte-le avec n’importe quoi !"

Opinant de la tête, l’intéressé quitte les lieux après s’être assuré que personne n’était présent. Il revient une poignée de minutes plus tard avec un jeune garçon, prêt au moindre travail ingrat pour un bout de pain. La lame dragonique s’éloigne de la gorge d’Harti pour venir se ficher en plein cœur du jeune garçon qui n’a pas eu le temps de se défendre. Cloué au mur, ses yeux se teintent subitement d’un voile blanc qui se déchire, tandis que son visage exprime une douleur plus violente que jamais. La lame relâchée, le corps tombe inerte au sol, faisant s’ouvrir la porte sur la ruelle.

Harti lui, est stupéfait par cette vision toute nouvelle de la mort. S’il peut se vanter d’avoir déjà vécu des expériences traumatisantes, il n’a jamais eu l’occasion de voir une âme mourir définitivement et cela se ressent dans ses tremblements.

"Et maintenant ?" Demande le shaakt. "Cette lame possède un pouvoir très particulier. Tu veux toi aussi en faire l’expérience ?"

"D’accord, d’accord. J’ai une somme d’argent, que je gardais pour foutre le camp de cette maudite ville en cas de coup dur !" Gémit-il. "Ca devrait couvrir vos besoins !"

"Par ici !" Fait soudainement une voix masculine dans la ruelle.

(Merde la main du môme, ils sont revenus et l’on remarqué !)

"Emmène-le avec toi, je te retrouverais par le biais du renard. Je vais faire un peu d’exercices !" Ordonne le shaakt au Sinaris.

"Vous êtes sûr de vous ?" S’inquiète ce dernier.

"Va ! Je te ferais quérir." Répond-il en s’équipant sereinement de son bouclier et moulinant son épée dans le vent pour s’échauffer le bras, alors que plusieurs bruits de pas s’avancent rapidement.


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