La Commanderie d'Opale

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Yuimen
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La Commanderie d'Opale

Message par Yuimen » sam. 5 janv. 2019 15:07

Commanderie d'Opale



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Dans la périphérie Nord de Tulorim, au bord de la Rivière Sarïn et accessible seulement par un unique point de pierre se trouve un castel. Autrefois habité par la pègre locale, il abrite aujourd’hui la commanderie officielle des Danseurs d’Opale à Tulorim après qu’une enfant masquée et un guerrier en armure se soient débarrassés des précédents occupants et se soient appropriés les lieux sans que personne ne viennent rien réclamer.

De l’extérieur le castel ressemble à une forteresse avec ses nombreuses tours et mur crénelés, ses meurtrières et sa herse située juste après le pont en pierre qui enjambe de larges douves profondes et emplies d’eau. Si vous y entrez, sous l’œil vigilants des gardes postés ça et là, vous arriverez sur une grande cour où ont lieu les entraînements quotidiens. En bifurquant sur la gauche vous pourrez y faire se reposer votre monture avant de prendre la direction du grand hall où ont lieu les rassemblements importants. Ce hall est équipé d’une immense cheminée et de nombreuses tables et bancs permettant de contenir un nombre important de personnes, ainsi que d’une estrade en pierre où se situe la table du commandeur.

Le Castel offre de nombreuses pièces spacieuses dont une grande bibliothèque longtemps restée vide, une grande salle à manger et plusieurs armureries disséminé aux quatre coins de l’édifice. Les chambres se situent dans les bâtiments annexes et sont relativement austères, la place n’étant pas le point fort des lieux de vie individuels. Les Danseurs ont néanmoins aménagé plusieurs salles de bain pour contenter la « petite merveille » du commandeur qui râlait sans cesse à ce sujet, rendant les lieux plus accueillants et agréables à vivre. Dans la tour carrée située au centre du castel se trouve les appartements ainsi que le bureau du commandeur. On peut également y trouver une salle d’entraînement intérieure et le sous-sol contient une réserve ainsi que quelques cellules pour certains invités indésirables.

(Contactez le maître de guilde pour les apprentissages de CC, les chambres peuvent être utilisées librement, aucun yus ne sera débité de votre fiche pour ces dernières.)
Maître d'armes de la Commanderie de Tulorim
Sorinion Thorja
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Sorinion est un homme de Wiehl originaire de Tulorim. Âgé de près de quarante ans, il a rejoint très jeune les Danseurs après avoir rencontré un des commandeurs et avoir été subjugué par son art du combat et sa prestance. Remarqué par ses pairs pour son courage et son talent naturel pour le combat il monta rapidement les échelons de l’ordre pour obtenir ce poste de commandeur. D’un naturel distant et froid, il est peu enclin à la discussion au premier abord mais ceux qui le connaissent savent que ce n’est qu’une façade qu’il se donne. C’est en vérité un homme certes autoritaire mais juste et qui prend soin de ses hommes.

Il peut enseigner les CC de mêlée suivantes:

Basiques (prix public: 300 yus. Membres: 210 yus)
  • Botte Désarmante
  • Charge d’épaule
  • Souplesse arrière
  • Coup de fourreau
  • Estoc droit
  • Feinte
  • Les 100 lames
  • Main de géant
  • 36 chandelles
  • Renversement armé
Posture (prix public: 500 yus. Membres: 350 yus.)
  • Danse de l'éclipse
  • Danse des sabres
  • Instinct sauvage
  • Lames défensives

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Yliria
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Re: La Commanderie d'Opale

Message par Yliria » mar. 8 janv. 2019 16:22

Quotidien rythmé


- Et merde je vais être en retard !

Je courrais dans les couloirs de la commanderie en répondant vaguement aux salutations des Danseurs que je croisais, ignorant leurs regards amusés. Cela faisait deux semaines qu’ils étaient arrivés et que j’apprenais à gérer mes nouvelles responsabilités. Bizarrement personne ne s’était offusqué lorsque Sorinion avait annoncé mon rôle et depuis j’étais devenu la seconde officielle du commandeur.

(Tu as un autre surnom aussi…)

Je grommelai en descendant l’escalier. Sorinion n’avait pas trouvé mieux que de continuer à m’appeler « ma petite merveille », même devant tout le monde et du coup tous l’employait en m’appelant « la petite merveille du commandeur » quand il n’était pas là. Si au début j’enrageais, j’avais rapidement laissé tomber car cela semblait les amuser plus qu’autre chose. J’avais peur que cela ne nuise à mon travail mais apparemment personne ne semblait penser que je ne méritais pas ma place, donc j’avais appris à ignorer les taquineries monnaie courantes entre les Danseurs, comprenant que c’était un moyen d’instaurer une camaraderie au sein de la troupe.

J’arrivai finalement dans la cour où devait avoir lieu mon entraînement avec Sorinion et fus surprise de ne pas le voir à l’endroit prévu. D’habitude il m’attendait toujours ici… Je perçus un mouvement dans mon dos et me retournai en reculant. Je fis bien car la lame de Sorinion me frôla de quelques centimètres et je pris de la distance en bondissant en arrière, mains sur le pommeau de ma lame. Sorinion se mit en garde, un léger sourire aux lèvres.

- Belle esquive. Ma petite merveille devient plus douée.

Je soupirai en dégainant.

- Ne m’appelle pas comme ça…

Peine perdue, je le savais, mais c’était devenu une habitude. Par contre cette attaque dans le dos n’était pas le genre de Sorinion, il était plutôt du genre honorable et les coups tordus n’étaient pas sa marque de fabrique. Le sourire de Sorinion s’élargit et il enchaîna quelques passes rapides que je parai ou esquivai adroitement, mais il n’était pas vraiment sérieux. Ce n’était que l’échauffement, le plus dur était à venir. Une fois qu’il eut l’air satisfait, il rangea son arme et me lança la version en bois de la lame que je portai pour que nous passions aux choses sérieuses. Cela faisait une dizaine de jours qu’il avait commencé à m’apprendre à feinter pour que je sois plus imprévisible pendant les combats. Une technique d’apparence simple mais qui ne l’était pas du tout dans la pratique. Il fallait réussir à tromper l’adversaire avec une fausse attaque, sans qu’il se doute de la feinte et sans se faire blesser en feintant. Un vrai casse-tête pour moi qui n’avait jamais été à l’aise avec une arme avant mon arrivée dans l’Ordre. En soldat expérimenté, Sorinion a donc trouvé une idée merveilleuse pour que j’assimile l’idée… il utilisait cette technique dès qu’il le pouvait et je devais percevoir le vrai du faux et tenter de déjouer ce genre de piège. Au début j’ai surtout récolté des bleus et quelques moqueries du commandeur, mais je commençai à assimiler l’idée et à l’utiliser à mon tour. J’avais même réussis à le surprendre la veille en réussissant une feinte qu’il avait jugée « bien coordonnée et bien exécutée ». Autant dire que je l’avais beaucoup surpris.

Nos joutes étaient souvent l’objet d’une attention particulière de la part des autres Danseurs. Je soupçonnais certains de lancer des paris mais j’étais bien trop occupée à éviter ou parer des attaques qui me mettraient au tapis pour m’en soucier. Sorinion était rapide, puissant et avait l’expérience pour lui. La seule chose que j’avais était ma persévérance, car pas question d’utiliser la magie ici. Donc je parais, esquivais ou encaissais et ce sans me plaindre, la plupart du temps en tout cas. J’étais consciente de mes lacunes et il fallait que j’y remédie. Une passe particulièrement violente de Sorinion me fit décoller du sol alors que je parais et je me retrouvai à terre. Je me relevai après une roulade et sentis le goût métallique du sang dans ma bouche. Il n’y allait pas de main morte !

- Tu n’es pas concentrée ! Ce n’est pas ainsi que tu saura manier une lame !

Il avait raison. J’expirai lentement avant de me remettre en garde. Sorinion se battait toujours avec deux armes, lui donnant un avantage de frappe, mais j’étais légèrement plus vive que lui et j’arrivais d’ordinaire à en jouer. Je m’élançai donc vers lui avec pour projet de lui porter un coup sur sa hanche gauche, en passant sous sa garde. Il anticipa mon geste et se prépara presque imperceptiblement à parer tout en portant un coup circulaire avec son autre lame. Je mis donc en pratique ces dix jours d’entraînements en feintant. Mon pied pila net et je baissai mon centre de gravité en suspendant mon attaque avant de tournoyer dans le sens inverse pour frapper la hanche droite que j’avais jusque-là ignoré. Son attaque me passa au-dessus de la tête et mon arme frappa sa cible comme prévu, déclenchant quelques exclamations surprises de la part des spectateurs et un grognement de douleur chez Sorinion. Je bondis en arrière en craignant une contre-attaque et celle-ci arriva rapidement. Sorinion se jeta littéralement sur moi et me frappa de toutes ses forces avec ses deux armes. Je parai de mon mieux et le choc se réverbéra dans mon bras, l’engourdissant tandis que j’allais m’écraser de nouveau quelques mètres plus loin. Là il avait un peu exagéré par contre. Je me relevai en grimaçant et le vis arriver vers moi sans armes. Je reculai quand même, j’avais eu mon compte pour aujourd’hui.

- Excuse-moi Yliria, je me suis laissé emporter.

Il n’utilisait que très rarement mon prénom, donc il était sincère, mais j’étais quand même furieuse.

- J’ai vu et ce n’est pas la première fois cette semaine ! Restons-en là, je n’ai pas envie de finir avec un bras cassé !

Je le plantai là et sortis de la cour avant de remonter dans mes quartiers après avoir récupérer mon arme. Une fois dans ma chambre, je la jetai sur mon lit et me déshabillai pour constater l’étendue des dégâts. Quelques bleus sans importance sur le torse et les jambes, par contre mon dos me faisait mal et j’avais toujours le bras engourdi. On frappa à la porte tandis que je me changeai, troquant mon armure usée pour une robe rouge courte et des bottes. Sorinion entra après quelques instants et me fixa d’un air contrarié tandis que je coiffai mes cheveux en un chignon lâche.

- Je n’aime pas que tu laisses tomber notre entraînement ainsi !

- Ce n’est plus un entraînement lorsque tu es sur le point de me tuer ! J’ai encore du mal à me remettre de ta séance d’il y a trois jours et tu recommences ! Désolé mais là je vais en ville, j’ai des choses à faire ! Tu me sermonneras plus tard !

Je le dépassai sans lui accorder un regard et ouvris la porte à la volée avant de sortir. La voix de Sorinion résonna dans le couloir.

- Sois de retour avant le coucher du soleil, nous avons à discuter ce soir.

- J’y serai… peut-être.

Il savait que j’y serai, je n’étais jamais en retard et je ne fuyais jamais devant lui, même s’il venait me réprimander. Mais là j’avais besoin d’air, de récupérer quelques commandes personnelles et de passer à la bibliothèque. Et il n’était que neuf heures…

(((début d'apprentissage de la compétence de combat "Feinte" )))
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Yliria
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Re: La Commanderie d'Opale

Message par Yliria » ven. 19 avr. 2019 18:17

<< Auparavant

Je frappai trois coups sur la porte menant au bureau du commandeur et sa voix me parvint, m’autorisant à entrer. Il était en train de feuilleter un tas de paperasse et semblait franchement fatigué, ou ennuyé. Il sourit légèrement en me voyant entrer et il me détailla. Venant de n’importe qui d’autre je n’aurai pas apprécié, mais pour Sorinion c’était différent, il n’y avait pas d’arrière-pensées venant de lui.

- Tu as fière allure.

- J’espère bien, au prix que cela m’a coûté. Tu voulais me voir ?

Il acquiesça et me fit signe de m’asseoir sur la chaise disposée face au bureau. Lorsque je fus en face de lui, il posa ses papiers et croisa les doigts en posant les mains sur son bureau. Un silence légèrement tendu s’installa, probablement suite à notre dispute du matin. Il ouvrit finalement la bouche mais je le pris de vitesse.

- Je te présente mes excuses pour ce matin. Je t’ai manqué de respect, ça n’arrivera plus.

Il eut un petit sourire et s’enfonça dans son fauteuil.

- Ce n’est pas pour ça que je t’ai demandé de venir, mais soit, j’accepte tes excuses et réitère les miennes. Nous reprendrons l’entraînement demain si tu le souhaites.

J’acquiesçai en silence, affichant tout de même un sourire, et le léger malaise qui s’était installé se dissipa. Il prit la parole, expliquant pourquoi il souhaitait me voir.

- L’Ordre a été très satisfait de la réussite de ta mission et souhaiterait t’en confier une nouvelle. Enfin, pas à toi spécifiquement, mais j’ai pensé que tu serais intéressée.

Je l’écoutai en silence, hochant la tête, pas certaine de voir là où il voulait en venir.

- Nous sommes en contact avec des Eruïons du Naora, pour nouer des relations avec eux et avoir leur soutien contre leurs cousins alliés à Oaxaca. Lorsque le commandeur a demandé des volontaires pour établir une relation de confiance, j’ai pensé que tu pourrais vouloir y participer.

Je le regardai comme s’il était devenu fou, ce qui lui tira un sourire amusé.

- C’est gentil d’avoir pensé à moi mais… en quoi je serais plus indiquée qu’un autre ?

- Ton ascendance. Tu es à moitié shaakt et, d’après ce que tu as laissé entendre, tu désapprouves leurs méthodes. Tu es une sorte de pont entre les shaakts et les autres peuples. Et puis je pense qu’apprendre un peu à être diplomate ne te ferai pas de mal.

Je lui lançai un regard outré qui le fit sourire de nouveau mais je secouai la tête.

- Je suis désolée. Je suis en train de chercher autre chose et j’aimerais m’en occuper avant.

- Cela a un lien avec tes journées à la bibliothèque ?

- Oui, j’ai cherché un moyen de me prémunir de la magie des ombres. Et j’ai trouvé une piste, mais il me faut du temps. Je ne sais même pas si je le trouverai un jour, mais je ne veux pas abandonner alors que je viens juste d’avoir un indice. Je sais que c’est égoïste… mais je ne me sens pas prête Sorinion, j’ai besoin de temps. S’il te plaît…

Il n’eut pas de réaction particulière. Je m’attendais à ce qu’il soit déçu, mais non, il me fixa intensément puis posa son dos contre le fauteuil.

- Je ne vais pas te mentir, je ne m’attendais pas à ce que tu refuses. Mais si tu penses ne pas être à la hauteur, il n’y a pas de mal à l’avouer, c’est preuve que tu retiens les leçons de tes échecs ou erreurs. Je vais en informer le commandeur de l’Opale en expliquant tes raisons, il comprendra. Mais parle-moi de ta trouvaille…

Je le remerciai d’un sourire et expliquai ce que j’avais trouvé. Il n’était pas plus avancé que moi mais il me promit de demander par courrier au commandeur si de telles informations avaient pu, par hasard, entrer en sa possession d’une manière ou d’une autre. Notre petit tête à tête dura un moment et, lorsque je sortis du bureau, la nuit commençait à tomber. J’étais affamée et épuisée, aussi je me hâtai de manger, répondant distraitement aux Danseurs qui me saluaient. Je commençai à piquer de nez devant mon assiette, laissant alors tomber l’idée de manger correctement et allai m’effondrer sur ma couche sans plus de cérémonie. Quant à savoir si c’était l’entraînement du matin ou la séance intensive de lecture qui avait eu raison de mon endurance, cela restait un mystère.

(Je dirais les deux !)

Suite >>
Modifié en dernier par Yliria le ven. 19 avr. 2019 19:10, modifié 1 fois.

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Re: La Commanderie d'Opale

Message par Yliria » ven. 19 avr. 2019 18:35

<< Auparavant

Les cinq jours suivants furent pour le moins identiques, entre recherches à la bibliothèques et travaux à la commanderie, à la notable exception des entraînements quotidiens. Sorinion avait tenu à me faire m’entraîner contre d’autres danseurs, expliquant que ne se battre que contre un seul et unique adversaire pourrait me donner de mauvais réflexes, ce qu’il cherchait à éviter à tout prix. Si les combattants étaient moins forts et rapides que Sorinion, ils n’en restaient pas moins bien plus expérimentés que moi et je finissais souvent en nage à esquiver ou parer leurs coups. J’avais malgré tout mis en pratique les conseils du commandeur et m’entraînait à feinter dès que l’occasion se présentait.

Le meilleur coup arriva le troisième jour, lorsqu’après une passe d’armes particulièrement tendue où j’ai senti l’arme de mon adversaire me frôler le crâne, je feintai un déséquilibre pour l’inciter à attaquer. Le piège fonctionna et je pus facilement passer sa garde dans un mouvement tournoyant qui le surprit alors qu’il tentait un coup d’estoc, prenant un coup dans l’abdomen qui, en combat réel, lui aurait probablement été fatal, ou très handicapant tout du moins. Je n’étais pas mécontente de moi, je commençais à bien appréhender les combats de ce type. Mais Sorinion lui, avait quelque chose en tête.

- Ta magie… il faut que tu t’en serves davantage.

- Je sais… mais j’ai du mal à utiliser ma magie et l’épée en même temps. La magie me demande trop de concentration et si je lâche l’adversaire une demi-seconde, c’est fini…

- On va régler ça !

A partir de ce moment-là, en plus de devoir combattre un adversaire plus fort, je devais lancer une boule de feu sur un mannequin dès que Sorinion l’ordonnait. Un vrai calvaire. Toucher une cible immobile, pas de problème, mais tout en combattant un adversaire talentueux qui ne me laisse aucun répit, et ce sans me faire toucher, cela relevait de l’exploit, et autant dire que les premières boules de feu ont failli roussir autre chose que la paille du mannequin. Sorinion a d’ailleurs veillé à ne rien laisser trainer dans la cour à partir de ce moment-là. Cela fit beaucoup rire les Danseurs et pas une journée ne passait sans qu’on me demande si je comptais allumer un feu quelque part. La honte…

(En même temps tu as failli brûler une charrette entière de flèches.)

(Mais je ne l’ai pas fait exprès !)

(C’est bien ce qui les fait rire.)

Parallèlement, je continuais mes recherches sur cette cape. L’intendante était navrée de ne pas trouver plus d’informations de son côté, mais je pus apprendre quelques choses intéressantes en feuilletant d’autres ouvrages. Notamment l’existence de l’Ordre dévoué au propriétaire de la cape. Des fanatiques apparemment, vénérant le Dragon Mauve, créateur de plusieurs autres objets de grande puissance. Mais rien concernant son éventuelle localisation hélas. Comment trouver une simple île au beau milieu des étendues océaniques ? J’en touchai deux mots à Sorinion qui n’était guère plus avancé. Mais il espérait un retour du commandeur le lendemain, aussi il me dit de prendre mon mal en patience, ce que je fis, n’ayant pas grand-chose d’autre à faire.

Au matin du sixième jour, alors que je parai un coup avant de lancer une boule de feu sur ordre de Sorinion, un cavalier encapuchonné pénétra l’enceinte, le médaillon des Danseur bien en évidence, chargé d’un gros sac en plus des deux sacs de selle que portait son destrier visiblement épuisé. Le cavalier s’arrêta, descendit de cheval et me sauta dessus en criant mon prénom. Ce fut si soudain et inattendu que je perdis l’équilibre, m’effondrant sur le sol, le souffle coupé, regardant avec hébètement la jeune taurionne qui me regardait avec un grand sourire.

- Nyllyn ? Mis qu’est-ce que tu fais ici ?

- Je suis venue te voir évidemment. Tu m’as manqué !

L’énergique jeune elfe m’enlaça à m’en étouffer sous les regards amusés des autres danseurs qui assistaient au spectacle. Je lui tapotai le dos pour qu’elle arrête de me tuer à petit feu et lui rendit un sourire.

- Moi aussi je suis contente de te voir. Mais tu as fait tout ce chemin juste pour me voir ?

- J'aurais pu, mais comme je me suis porté volontaire pour la mission, me voilà !

Mon sourire se fana immédiatement et je lançai un regard à Sorinion qui haussa les épaules, pas plus avancé que moi.

- Cette mission… le Naora ?

- Evidemment !

- Tu es sûre de toi ?

- Quoi ? Tu ne veux pas que je vienne avec toi c’est ça ?

- Avec… attends mais je ne vais pas au Naora !

(Oh je sens que ça va être amusant…)

Le ricanement amusé d’Alyah me perturba à peine en voyant l’air étonné de Nyllyn devant mon propre air éberlué. Elle m’aida à me relever et elle m’expliqua.

- On a demandé un volontaire pour t’escorter au Naora, au royaume de Kers plus précisément. Et comme j’ai enfin le droit d’accepter des missions, je me suis portée volontaire !

Plus elle expliquait et moins je comprenais. Le royaume de Kers ? Quel rapport avec les Eruïons ? Mais elle me tendit une lettre, apparemment écrite à mon intention par le commandeur. Je la lus rapidement, comprenant enfin de quoi il s’agissait. Et pour une surprise… Le commandeur avait entendu parler de cette légende et était persuadé qu’elle était liée au Naora, plus particulièrement au Royaume de Kers. J’allais donc devoir m’y rendre pour en apprendre davantage sur place. Je tendis la lettre à Sorinion qui fronça les sourcils. Il avait lui aussi comprit le message sous-entendu. Il me fallait trouver cette cape, puis, étant déjà dans l’archipel, je n’avais aucune raison de refuser la mission concernant les elfes bruns.

- Malin le commandeur. Que vas-tu faire ? Le royaume de Kers est peuplé d’Hafiz, un peuple d’hommes pacifistes mais malgré tout opposé à Oaxaca. Ce n’est pas aussi dangereux que Nessima pour toi, mais…

- J’y vais ! J’ai une piste concrète, je vais l’exploiter. Et j’aviserai pour la suite, il est possible que ce soit un cul-de-sac de toute façon.

Le sourire triomphant de Nyllyn me tira une esquisse de sourire et Sorinion hocha la tête. L’entraînement s’arrêta là et j’aidai Nlllim à décharger ses affaires avant de l’aider à s’installer dans une chambre proche de la mienne, bavardant pour rattraper le temps passé éloignées l’une de l’autre. Elle fut à la fois admirative et épouvantée de la mission que j’avais faite et j’eus du mal à croire qu’elle n’ait pas eu à insister pour qu’on la laisse partir ainsi.

- Je sais me battre je te signale !

- Je n’en doute pas. Je suis juste inquiète pour toi.

- Ne t’inquiète pas pour moi. Inquiète-toi pour toi. Lorsque nous aurons mis la main sur cette fameuse cape, le plus dur sera à faire avec les Sindeldi.

Je haussai un sourcil. Le « plus dur » ? Il allait falloir que j’ai une sérieuse discussion avec elle, parce qu’elle semblait cruellement sous-estimer la dangerosité de ce dans quoi elle s’embarquait. Mais je comptais avant tout profiter de sa présence, ce n’était pas tous les jours que je pouvais revoir une amie.

Suite >>


(((Suite de l'apprentissage de la compétence "Feinte")))
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Re: La Commanderie d'Opale

Message par Yliria » ven. 19 avr. 2019 19:23

<< Auparavant

Les jours suivants passèrent à une vitesse effarante. Nyllyn, fidèle à elle-même, était une boule d’énergie, sans cesse à courir partout pour participer à la vie de la commanderie. Cela amusait beaucoup les danseurs présents, mais c’était surtout épuisant lorsqu’il fallait la suivre dans chacune de ses déambulations. Je dus lui faire visiter la ville, découvrant en même temps qu’elle quelques coins que j’avais jusque-là soigneusement évité. Je fis tout de même attention à ne pas la faire traîner dans les lieux les plus mal famés que j’avais pu explorer malgré moi lors de ma mission. L’avant-goût que j’avais eu m’avait largement suffi, autant éviter autant que possible de l’attirer dans un guet-apens. Mais elle était ravie de découvrir ce qu’elle appelait des « curiosités » locales. Elle m’expliqua qu’ayant toujours vécu à l’Opale de Lune, elle n’avait jamais vraiment voyagé en dehors de la vallée et que cette expérience était une grande première pour elle. Je fis donc de mon mieux pour lui faire visiter la ville dès que nous avions du temps libre.

Car Sorinion prit les choses en main à l’arrivée de la jeune taurionne et l’incorpora immédiatement à mes séances d’entraînement, soi-disant pour me stimuler. Alors chacune de nous combattait un danseur ou Sorinion à tout de rôle. Nyllyn avait une façon de se battre très différente de la mienne. Moi qui comptais sur mon agilité pour esquiver et contre-attaquer et, de plus en plus, sur ma magie, elle était bien plus frontale, ne s’effaçant pas, allant plutôt au contact pour parer ou s’introduire dans la garde de l’adversaire. Sorinion fut surpris, mais pas déstabilisé, expérimenté comme il l’était. Elle avait énormément progressé depuis la dernière fois que je l’avais vu, probablement bien plus que moi et lorsque Sorinion finit par nous faire nous battre l’un contre l’autre, la petite lueur dans les yeux de mon amie ne me trompa pas. Elle voulait sa revanche sur la dernière fois. Je soupçonnai Sorinion d’avoir prévu cela depuis le début, pas certaine qu’il l’ait prévu avec elle, mais avec eux tout était possible. Sorinion expliqua donc les règles du combat.

- Bien. Conditions réelles, magie autorisée, au premier sang, désarmement ou si l’adversaire abandonne. Des questions ?
Plein ! Mais surtout une.

- Premier sang ?

- Je ne compte pas les estafilades bénignes. Une blessure qui pourrait signifier la fin du combat si tu préfères. Eviter les parties vitales tout de même, j’ai prévu des potions, mais autant ne pas vous mettre inutilement en danger.

Oui, parce que nous faire nous battre en condition réelle n’était pas suffisamment dangereux. Je gardai néanmoins mes réflexions pour moi et tirai ma lame en me mettant face à Nyllyn qui me souriait. Sourire qui disparut lorsque ma lame s’embrasa, remplacée par une mine concentrée. Quelques instants passèrent ainsi avant qu’elle ne s’élance vers moi, abaissant son centre de gravité pour tenter une attaque d’estoc qui ne rencontra que le vide. Je m’étais décalée d’un tournoiement sur la gauche et assénai un coup sur son flanc qu’elle para de justesse, projetant des flammèches en tous sens. Elle remonta sa lame le long de la mienne, cherchant à me désarmer mais une boule de feu apparut dans ma main, l’obligeant à reculer et à rouler pour l’esquiver lorsque je la lui lançai au niveau des jambes. Je lui fonçai immédiatement dessus pour profiter de son équilibre précaire, nos lames s’entrechoquant à force d’attaque et de parades, projetant des étincelles autour de nous, sans pour autant réussir à prendre l’avantage. Un coup de pied dans le tibia me déséquilibra et elle en profita pour reculer et se rétablir avant d’entamer une série d’attaques rapides que j’esquivai de justesse, parant la dernière qui visait mon flanc gauche. Elle pressait sa lame contre la mienne, cherchant à me faire céder, mais j’avais d’autres tours en réserve et activai de nouveau ma magie.

L’aura de feu qui m’entoura soudainement la fit glapir et reculer instinctivement tandis que je profitai de l’effet de surprise pour attaquer d’une fente d’estoc qu’elle dévia de justesse avant de bondir en arrière pour prendre de la distance alors que l’aura s’éteignait. Nous étions toutes les deux haletantes mais aucune ne semblait vouloir s’avouer vaincue, loin de là. Nyllyn semblait apprécier l’échange et je vis du coin de l’œil Sorinion faire une moue appréciatrice. La technique de Nyllyn était légèrement meilleure que la mienne et seule ma magie arrivait à faire la différence. Je décidai donc de tenter de mettre en pratique les leçons avec Sorinion et mon entrainement personnel. Je me fichai de gagner, je voulais juste voir si j’arrivais à mettre en pratique ce pour quoi je travaillais depuis des jours.

Invoquant une boule de feu, je me ruai sur Nyllyn qui fit de même pour réduire la distance face à l’attaque de feu que j’allais lancer. Sauf que ce n’était pas dans mon plan. Faisant un mouvement imitant le lancer, je fis à la place disparaitre la boule de feu avant de feinter, changeant brusquement d’angle d’attaque en tournoyant, surprenant Nyllyn qui mit une fraction de seconde de trop pour réagir, le plat de ma lame venant violemment heurter ses côtes avant qu’elle n’ait pu parer l’assaut. Elle grogna et tituba sous l’impact, se figeant avec la pointe de ma lame à quelques centimètres de son cou. J’éteignis les flammes en faisant cela, ne voulant pas brûler mon amie qui lâcha son arme en levant les mains, une moue boudeuse sur le visage. La voix de Sorinion s’éleva alors, nous faisant tourner nos deux regards vers lui.

- Très beau combat. Tu as bien assimilé mes leçons Yliria. Nyllyn, tu te laisses trop facilement déstabiliser. Soit préparée à tout et elle ne pourra pas te surprendre ainsi la prochaine fois. Et content de voir qu’il n’y a pas de casse. Vous avez quartier libre pour le reste de la matinée, on se verra ce midi, passez dans mon bureau toutes les deux.

Nous adressant un sourire, il retourna à l’intérieur, nous laissant toutes les deux au milieu de la cour. Rengainant mon arme, j’avisai Nyllyn qui faisait de même avant qu’elle n’affiche un large sourire qui me rassura. Elle aurait pu se sentir blessée, mais elle ne l’était pas. Remontant dans la tour où nous logions, elle me raconta qu’elle était étonnée de ma dernière attaque, me faisant avouer que je travaillais cela avec Sorinion depuis un moment déjà.

- Enfin si je n’avais pas eu ma magie, je ne m’en serais pas aussi bien sortie. Je vais prendre un bain, on se retrouve en bas ?

Le regard qu’elle me lança me fit soupirer, la faisant sourire. C’est donc quelques minutes plus tard que nous nous retrouvions toutes les deux dans le bain, profitant d’un réconfort après cette séance d’entraînement éprouvante.

Une fois propres et reposées, nous avons flâné, parlant de tout et de rien avant d’aller déjeuner. Une fois le repas terminé, Nyllyn et moi rejoignîmes Sorinion dans son bureau comme il nous l’avait demandé. Installé derrière celui-ci, il semblait s’occuper comme toujours d’une montagne de paperasse et sembla ravi de nous voir pour enfin lâcher des yeux la montagne de sujet à traiter.

- Bien, content que vous soyez là toutes les deux. J’ai quelques informations pour vous. Vous partez dans deux jours, l’Ordre vous a réservé une place à bord d’un Aynore pour le Naora. Il vous déposera à Tahelta et de là, vous devrez prendre un Cynore pour Kers. Vous avez bien compris ?

Nous hochâmes toutes deux la tête, tirant un sourire au commandeur. Il nous tendit une missive que Nyllyn prit. Elle était scellée par un sceau ressemblant au motif du pendentif.

- A remettre au Seigneur Ithil ou à n’importe quelle autorité des Danseurs lorsque vous serez à Nessima après avoir trouvé cette cape. Gardez-la précieusement. Elle ne doit pas tomber entre de mauvaises mains et il vaut mieux pour Yliria que les Sindel l’aient dès votre arrivée.

- Je… Je pensais que je ne risquais rien au sein des Danseurs…

- Au sein de l’ordre non. Mais Tahelta, Nessima et le Naora en général… la situation est complexe, et tu n’y seras probablement pas la bienvenue. Kers fait figure d’exception cela dit. Faites-vous discrètes et tout se passera bien.

Voilà qui promettait… Pas encore partie et je sentais déjà que ce voyage allait être sources d’ennuis en tout genre.

Suite >>

((( Suite de l'apprentissage de la compétence "Feinte" )))(((Achat de guilde : Un billet Aynore Tulorim-Tahelta 877 yus)))

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Yliria
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Re: La Commanderie d'Opale

Message par Yliria » lun. 23 mars 2020 17:31

Le Sindel gérant le guichet fut à peu près aussi aimable qu'un bout de bois, mais au moins il ne fut pas méprisant. Je lui donnai la somme convenue et patientai les deux heures suivantes avant de pouvoir embarquer. Nyllyn dut presque me pousser à l'intérieur, mais je finis par m'asseoir à ses côtés dans l'engin volant. A mesure que le voyage se déroulait et que la Naora s'éloignait, le sentiment d'impuissance enflait peu à peu. Je restai muette pendant un long moment, perdue dans mes pensées, la tête collée contre la carlingue de l'appareil, sans vraiment faire attention à ce qui m'entourait. Ni Alyah, ni Nyllyn, n'essayèrent de me forcer à réagir. Peut-être qu'elles comprenaient ce que je ressentais et me laissaient le temps d'accepter les choses. Je savais déjà que ça allait prendre du temps, que j'allais ressasser les choses sans pouvoir m'en empêcher. C'était parfaitement ridicule, mais je n'y pouvais rien.

Le voyage se passa bien, heureusement. Je finis par m'ennuyer et trouver le temps long, aussi Nyllyn m'invita à jouer à un jeu simple. Une question ou une action, chacune notre tour. Elle avait de ces idées... mais ce fut étonnamment prenant et j'en appris beaucoup sur elle, sur son passé, avant l'Opale et après qu'elle l'ait rejoint véritablement en tant qu'apprentie. Elle ne semblait pas triste en parlant de ses parents, tués par des Shaakts près de Khonfas. Eux aussi étaient des guerriers, des protecteurs de leur peuple et elle semblait véritablement fière d'être leur fille, même si elle n'en parlait jamais. Bien sûr il y eut des question plus intimes et je pus rire en la voyant rougir à l'évocation d'un potentiel amour, mais elle démentit très vite, ce qui laissa un sourire moqueur traîner sur mon visage. Je racontai sans détour le semblant de début de relation que j'avais eu avec Vyrl et elle fut étonnamment surprise.

- Je te voyais plus... Prude.

- On s'est juste embrassé, ce n'est pas la mer à boire, pas la peine d'en faire toute une histoire.

Elle ne semblait guère du même avis, mais elle ne voulut pas continuer sur ce sujet, visiblement peu à l'aise à l'idée d'embrasser qui que ce soit. J'espérai qu'un jour elle trouverait véritablement quelqu'un avec qui faire sa vie, loin des combats et des dangers qui risquait de parsemer sa route en tant que membre de l'Opale. Elle semblait réfractaire à l'idée, mais je pus voir qu'elle n'avait pas vraiment quoi que ce soit contre une telle vie. Je grimaçai lorsqu'elle me dit que je pourrai faire de même.

- Je préfère éviter...

- Hein ? Mais pourquoi ? Tu es jolie et si tu calmes un peu ton caractère de cochon sauvage, je suis sûre que les garçons te mangeront dans la main.

- C'est supposé être un compliment ? Le problème vient surtout du fait que je suis trop... enfin je suis une semi shaakte. Je vis trop longtemps pour un humain, trop peu pour un elfe, et mon apparence repousse... de toute façon c'est trop compliqué, je préfère éviter. J'ai l'Opale, je t'ai toi, ça me suffit.

Elle fit la moue, visiblement peu convaincue, mais au moins elle passa à autre chose, consciente que ce sujet n'apporterait rien de bon. Finalement, entre questions et défis plus stupides les uns que les autres, notamment faire le tour de l'appareil sur les mains, ce qui se révéla complètement impossible, nous finîmes par enfin atterrir à Tulorim. Je descendis, mon sac sur l'épaule, un sentiment de nostalgie enflant dans la poitrine. J'avais presque l'impression de rentrer chez moi après une longue absence. Après tout, J'avais vécu à Tulorim, j'avais vécu beaucoup de choses ici et la commanderie de la ville était mon poste attitré en tant que seconde du commandeur. Mais bizarrement, je n'avais pas si hâte que ça de retourner à la monotonie de la gestion quotidienne et des entraînements. A croire que j'avais pris goût à cette vie d'aventure dans laquelle j'avais été jetée de force. Un comble.

Suivant le chemin jusqu'à la ville, Nyllyn et moi remontâmes jusqu'à la commanderie qui fourmillait d'activité. Sans surprise, les gardes me reconnurent et nous laissèrent passer sans problème. Le vieux fort avait changé en quelques mois. Les murs avaient été réparés et consolidés, il y avait plus de monde et des civils venaient, ce qui me surprit. Je savais que l'Opale cherchait à recruter davantage maintenant, mais pas aussi ouvertement. Alors que mes yeux parcouraient les alentours, la voix du commandeur perça le brouhaha ambiant, faisant tourner les têtes vers lui, puis vers moi, pour mon plus grand déplaisir.

- Ma petite merveille est de retour !

Un large sourire sur le visage, il s'approcha d'un pas vif. Il s'arrêta juste devant nous, posant une paluche sur chacune de nos épaules. Il nous examina ouvertement, le regard légèrement étonné.

- Tu as changé... as-tu obtenu ce que tu voulais ? Et remplis la mission ?

Je hochai la tête.

- Oui. Tout ne s'est pas passé comme prévu, mais, dans les grandes lignes, c'est un succès.

Si on oubliait la guerre et les morts... Il me tapota affectueusement la tête et nous laissa nous installer et nous reposer après le voyage. Je lui donnai la lettre confiée par Lyann et il la prit en hochant la tête, me promettant de la lire dès que je serai installée. J'étais finalement rentrée, je devais juste me faire à l'idée que je ne pouvais rien faire de plus. J'espérai sincèrement que les choses allaient s'arranger malgré tout.

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Re: La Commanderie d'Opale

Message par Yliria » mar. 24 mars 2020 04:08

Epilogue

Je retrouvai la petite pièce qui me servait de chambre avant mon départ. Une fois mes affaires posées et mes équipements enlevés, je pus correctement m'atteler à la nettoyer et la préparer avant de m'effondrer sur ma couche avec un certain soulagement. Le simple fait de m'arrêter me fit aussitôt réfléchir et je soupirai rapidement, secouant ma tête pour ne pas succomber à une léthargie comme celle qui m'avait prise pendant le voyage. Je me levai et sortis, parcourant les couloirs restés familiers, les pièces connues et le hall toujours aussi impressionnant. Je saluai les hommes et femmes qui vivaient ici. Certains me reconnaissaient, d'autres, nouveaux, s'étonnaient de ma présence avant qu'on ne leur explique. Finalement, je rejoignis le bureau de Sorinion et frappai à la porte.

Il m'ouvrit lui-même en me lançant un regard entendu. Il savait pertinemment que je n'allais pas rester à rien faire pendant des heures et il avait parfaitement raison. Je m'assis face à lui et il posa la lettre sur le bureau avant de croiser les mains devant lui, cherchant visiblement ses mots. La lettre était-elle si détaillée ? Je ne craignais pas vraiment sa réaction. Parmi toutes les choses que je me reprochais, je savais qu'il n'allait m'en reprocher aucune. J'avais agis selon mes principes et c'était tout ce qui comptait probablement à ses yeux.

- Et bien... Félicitations !

Je levai des yeux étonnés alors qu'il m'adressait un sourire.

- Lyann m'a expliqué la situation au Naora. Comme Nessima n'est désormais plus accessible, nous ne pouvons que prier Sithi que tout se passe bien.

Je hochai la tête, la gorge nouée. J'allais prier tous les dieux du panthéon s'il le fallait, je voulais juste que la guerre se calme au plus vite.

- Cela dit, mes félicitations ne concernent pas tes actions à ce sujet, bien que tu ais visiblement été encore plus étonnante que je ne le pensais. Non, je voulais te féliciter pour tes actions avant ça. Ta réputation au sein de l'Opale va faire des émules, toi qui est officiellement une Danseuse d'Opale à présent. Un titre que bien peu possèdent, mais je ne peux qu'approuver ce choix.

- Je... merci.

- Nous allons donc préparer ton intronisation et envoyer la nouvelle aux autres commanderies, pour que tu y sois reconnue. Je connais un commandeur qui sera ravi de cette annonce. Sais-tu ce qu'est l'intronisation ?

- Pas du tout. Lyann l'a mentionné, mais comme tout s'est précipité, nous n'avons rien mis en place.

- Et bien nous nous en occuperons ici... Comment tu te sens ?

- Un peu abattue, je dois l'avouer. Je pensais empêcher le pire et j'ai dû tout quitter à cause de quelque chose que je ne pouvait pas éviter... J'ai fait tout ça pour rien.. je..

Je me sentais si inutile. J'entendis plus que je ne vis Sorinion se lever et s'accroupir à ma hauteur en posant une main sur mon épaule.

]- Tu as fait de ton mieux. Et tu as fait bien plus que tout ce qu'on imaginait. Prends le temps de récupérer, prends le temps de te reposer et de penser à la suite. Vois vers l'avenir. Je suis sûr que les Sindeldi sauront gérer la crise. Et tu pourras y retourner et aider une fois la situation plus stable. D'accord ?

J'acquiesçai d'un hochement de tête alors qu'il m'ébouriffait doucement les cheveux. Il me donna ensuite un parchemin, selon lui de la part de la commandante de la Garde Militaire et de Lyann. Je la pris, un peu hésitante, avant de l'ouvrir et la lire. J'en serai tombée si j'étais restée debout. Sylënn ne m'en voulait pas, elle allait étouffer l'affaire pour que je puisse revenir au plus vite, en promettant tout de même une petite discussion. Lyann m'encourageait à continuer sur ma voie et les deux me remerciaient pour mon aide. Je reniflai en inspirant. Je n'avais pas tout fait foiré, c'était ce qui ressortait de cette lettre. J'avais aidé, j'avais agi. J'espérai juste que cela ferait une différence. Sorinion me renvoya gentiment dans ma chambre, me demandant juste de venir au repas du soir, équipée. Je le regardai d'un air suspicieux, mais il n'ajouta rien de plus et je dus me contenter de ça avant de patienter jusqu'au repas du soir, accompagnée de Nyllyn.

Le soir venu, je rejoignis le hall, équipée comme l'avait demandé Sorinion. Nyllyn avait fait de même et en arrivant, je vis que Sorinion également. Je lui jetai un regard sans équivoque qui le fit sourire avant qu'on ne s'installe pour manger. Ce qui m'étonna, ce fut le monde présent pour le repas. Les elfes et humains ayant des cycles de repos totalement différents, c'était rare de les voir manger ensemble, et je sentais que Sorinion avait préparé quelque chose. Alors, lorsqu'il se leva après avoir demandé le silence, je m'attendais au pire. Il nous souhaita simplement un bon retour, largement repris pas les danseurs présents, avant de terminer.

- Nous accueillons officiellement une Danseuse d'Opale au sein de notre commanderie, Yliria Varnaan'tha, recommandée par deux des trois membres du triumvirat, avec l'approbation de plusieurs commandeurs. Yliria, quelque chose à dire ?

- Je suis obligée ? Parce que pas vraiment...

Il y eut des rires dans la salle et je soupirai. Je n'étais pas faite pour ça moi !

- Gageons que l'intronisation te déliera la langue. Pas ce soir, rassures-toi, je voulais juste annoncer la nouvelle à tous ici présents. Reprendras-tu le rôle que tu avais avant ton départ ?

- Si vous cessez avec vos surnoms ridicules...

- Ma petite merveille serait-elle gênée ?

Je grognai sous les rires d'une bonne partie de l'assemblée. Certaines choses ne changeaient pas et il appréciait toujours autant de se payer ma tête face à tout le monde. Nyllyn me regarda d'un air amusé et je me déridai finalement. J'acceptai néanmoins sa proposition et il hocha la tête avant de se rasseoir. Les choses se calmaient de mon côté, et Alyah restait persuadée que c'était pour le mieux. J'avais comme un doute, malgré tout.

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Re: La Commanderie d'Opale

Message par Yliria » ven. 27 mars 2020 23:47

<< Prédemment

- J'espère que tu plaisantes Yliria ! Il n'en est pas question !

Je soupirai face à Sorinion qui avait attiré l'attention des personnes alentours alors qu'on se préparait pour l'entraînement. J'étais revenue à peine une heure plus tôt et avait finalement décidé de lui parler de la demande de la Vipère et du Woran. Je m'attendais à un refus, mais pas à ce qu'il s'énerve ainsi. Nyllyn suivait l'échange d'un air étrange, partagée visiblement entre l'envie de calmer les choses et en même temps de clairement prendre partie pour Sorinion.

- Écoute, je n'ai pas vraiment le choix en fait.

- Pas le choix ? On a toujours le choix, Yliria, et visiblement tu n'as pas pris le bon.

- Mais j'ai pas pu faire autrement ! J'aurai dû faire quoi ? Leur dire gentiment d'attendre le temps que l'Opale valide ?

- Tu n'aurais pas dû suivre la Vipère en premier lieu ! Pourquoi as-tu fait ça ?

Je lui expliquai toute l'histoire, donnant rapidement les information sur Kisp et sur notre passé commun. Lorsque j'en vins à la raison de mon choix de la suivre, il soupira et se passa une main sur le visage, mais je continuai, allant jusqu'au bout de la conversation que j'avais eu. Il y eut un silence pesant quand je terminai et Sorinion semblait las, très las.

- Tu peux m'expliquer ce qui t’arrive, Yliria ? Tu es complètement différente de celle que je connaissais, même de celle que tu étais à ton retour. As-tu perdu l'esprit ou tu essaies juste de me rendre cinglé ?

- Je suis parfaitement normale.

- C'est précisément ça le problème. Tout à l'air normal alors que ça ne devrait pas être le cas. Je te connais, que tu agisses comme ça, ce n'est pas toi.

- Tu me donnes ton autorisation ou pas ?

- Quoi ? Mais tu m'as écouté ? Il n'en est pas question !

- Je m'en passerai alors.

Abasourdi, il me regarda récupérer mes affaires et tourner les talons. Il me rappela, mais j'accélérai le rythme pour rapidement sortir de sa vue et courir m'enfermer dans ma chambre. Une fois la porte verrouillée, je m'y adossai et inspirai profondément, tentant de juguler le sentiment enflant dans ma poitrine. Je voulais paraître forte, je voulais oublier, je voulais changer, j'en avais marre de tout le temps hésiter ou faire les choses à moitié. J'y arrivais pas, visiblement. Je reniflai en m'essuyant le nez humide. Je soupirai avant de sursauter en entendant trois coups sur ma porte. La voix inquiète de Nyllyn fila sous l'embrasure.

- Yli... ouvre s'il te plaît. Je t'entends le soir tu sais. Tu t'éloignes depuis qu'on est revenu ici. Parle moi s'il te plaît.

Je gardai le silence. Je n'avais pas envie de lui faire du mal, mais j'avais besoin d'être seule, de gérer les choses à ma façon, comme je l'avais toujours fait. Toujours je cherchais le contact des autres pour vivre, pour apprendre, mais quand j'avais des problèmes, je me sentais mieux seule. Ce n'était pas quelque chose que je contrôlais, je ne voulais simplement pas que quelqu'un me voit dans cet état, tout simplement.

- Je sais que tu t'en veux, je sais comment tu penses à force. Parle-moi, vide ton sac, tu en as besoin, tu ne peux pas rester comme ça Yliria. Ça te ronge de l'intérieur ça se voit, ouv...

- Et je suis supposée faire quoi ? J'ai échoué, bordel, j'ai tout fait foirer, et ils sont peut-être tous morts, et c'est ma faute ! Merde ! Je...

J'avais craqué, ouvert la porte pour lui répondre et là je fondais en larmes alors qu'elle me prenait dans ses bras. Je perdis la notion du temps alors qu'elle me réconfortait, à moitié effondrée dans le couloir. Elle resta silencieuse jusqu'à ce que, faute de mieux, je finisse par me calmer.

- Ce n'est pas ta faute... Non écoute-moi ! Ce n'est pas ta faute. Tu as fait de ton mieux, tu as aidé, tu as agi et c'est tout ce qui compte. Je sais que tu aurais voulu faire plus, mais tu ne peux pas tout résoudre toute seule, d'accord ? Tu m'as raconté ce que tu as fait, et tu devrais en être fière au lieu de te morfondre sur un échec qui n'est pas le tien, ni même certain. Laisse Sylënn gérer les choses, fais-lui confiance, et je suis sûre que tu pourras de nouveau y retourner et régler plein d'autres problèmes. Pour le moment focalise-toi sur le présent, le concret. Je suis là pour t'aider, Sorinion est là pour t'aider. Ne nous rejette pas dans ces moments-là, d'accord?

Je hochai la tête en reniflant et elle me sourit avant de resserrer son étreinte. Au bout d'un moment si long que mes genoux commencèrent à me faire mal à force de rester sur le sol, elle s'écarta et m'aida à me relever. J'inspirai et expirai lentement en me frottant le visage.

- Merci Nyllyn.

- C'est à ça que servent les grandes sœurs... Dis, tu vas vraiment y aller ?

- J'ai pas le choix. C'est ça ou voir cette ordure débarquer... je n'ai pas envie qu'il s'en prenne à vous ou à la famille de mon père.

- Sorinion n'acceptera jamais.

- Je ferai ça dans son dos alors. Et tu restes ici, je ne veux pas que tu y sois mêlée. Si jamais ils ne tiennent pas parole, affronter Kisp en sachant que tu es en danger...

- Quand est-ce que tu comprendras que je ne suis pas fragile ?!

- Je sais que tu es forte, mais je refuse de t'embarquer dans les ennuis que j'ai créés par mes actions, tu comprends ? Promis la prochaine mission on la fait toutes les deux.

- Promis ?


Je hochai la tête et elle soupira avant d'accepter. Elle était heureusement moins têtue que moi. Convaincre Sorinion allait relever du miracle... mais je n'avais pas besoin de le convaincre, juste de faire ça sans qu'il le sache. C'était mon problème, et j'allais le régler avec mes propres moyens, sans impliquer personne d'autre.


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Re: La Commanderie d'Opale

Message par Yliria » lun. 30 mars 2020 19:15

<<Précédemment

Escapade nocturne


Hanté, ce manoir serait hanté. En l'apprenant j'en eus des frissons, mais j'étais allée trop loin pour laisser tomber. Sorinion m'avait surveillé tout le reste de la soirée et avait veillé à ce que je rejoigne ma chambre. Il était prudent et je ne pouvais pas lui en vouloir, il avait raison. Je laissais filer une journée entière sans lui en reparler. Je remplis mes obligations sans me défiler et sans remettre sur le tapis le sujet concernant le manoir. Nyllyn faisait sa petite enquête à ma place pour ne pas éveiller les soupçons, allant en ville pour se renseigner. Ce qu'elle apprit ne la rassura pas, mais elle me fournit toutes les informations en sa possession et je programmai l'exploration pour la nuit même, passant une partie de l'après midi à me reposer dans cette idée, prétextant des problèmes féminins que Sorinion n'irait certainement pas vérifier.

- Tu es vraiment sûre ?

- Oui, ne t'en fais pas. Si c'est vraiment hanté, ma magie de lumière m'aidera. Je suis bardée de potions et élixirs en tout genre. Tout ira bien. Si je ne suis pas de retour avant que Sorinion ne le remarque, feins l'ignorance ou la colère, mais ne lui dit pas que tu m'as aidée.

- Il va te passer un savon...

Je le savais et me contentai de sourire, la faisant soupirer d'un air las. Je savais qu'elle n'aimait pas être laissée derrière, mais je ne voulais pas que la pègre puisse apprendre quoique ce soit sur elle pour l'utiliser ensuite contre moi. C'était une chose que je ne me pardonnerai jamais et je préférais faire ça seule plutôt que de risquer qu'elle soit blessée, ou pire. Le soir venu, Nyllyn me monta de quoi manger et je filai en douce à ce moment-là, veillant à me faire la plus discrète possible. Rien d'évident, mais je me contentai de marcher calmement en tendant l'oreille jusqu'à atteindre l'extérieur où j'accélérai le pas. Difficile de savoir si j'avais été trop prévisible ou si j'avais naïvement cru que mon stratagème fonctionnerait, mais Sorinion était là, adossé à la porte, lames à la ceinture, me fixant d'un regard dur. Je ralentis en tiquant, mais sans m'arrêter.

- Tu es une vraie tête de mule... Qu'est-ce qu'il faut que je fasse pour que tu restes ici ?

- Détruire la pègre et Kisp. Ou alors m'enfermer.

- Je ne peux pas réaliser la première option, et je ne veux pas faire la seconde. Tu ne rends pas les choses simples, Yliria.

- Alors laisse moi simplement faire ça. Je n'implique personne à part moi-même, je ne mets en danger personne.

- Tu te mets en danger. Tu es sous MA responsabilité tant que tu es sous mon commandement, pourquoi ne comprends-tu pas ça ?

- Je comprends, mais je refuse que vous soyez mêlés à tout ça. C'est mon problème, ça ne concerne pas l'Opale. C'est entièrement dû à ce que j'ai fait, avant même de faire partie de l'Ordre, c'est quelque chose que je dois gérer seule.

Il resta muet quelques instants, le regard fixé sur moi tandis que je lui rendais le mien. J'étais déterminée, je devais régler les choses par moi-même. Compter sur les autres était rassurant, mais je devais aussi m'en occuper de mes propres mains. C'était mon passé, mes actes et mes erreurs, c'était à moi de les réparer, seule.

- J'espère que tu prends conscience que tu me désobéis sciemment.

- Et j'en assumerais les conséquences.

- Tu pourrais le regretter.

- Si l'un de vous venait à mourir par ma faute, j'aurais bien plus de regrets, je suis prête à prendre le risque.

Il me scruta encore un instant avant de soupirer et de s'écarter du mur.

- Cela ne me plaît pas, vraiment pas. T'es dans cette période, hein... Soit, vas-y, je sais que tu es plus que capable. Ne prends pas de risques inconsidérés et reviens en vie et entière. Et tu auras une belle correction en revenant, j'espère que tu es prête.

Je hochai la tête sans rien ajouter face à son regard. Il n'aimait vraiment pas ça. Je le connaissais suffisamment pour savoir qu'il prenait ses responsabilités très à cœur. Avant Tanaëth, c'était lui qui m'avait appris l'escrime, me permettant de m'en sortir vivante avant d'arriver à Nessima. Il avait été là pour ma première mission, ici, à Tulorim. C'était un ami, lui aussi je devais le garder éloigné de mes problèmes. Il me dépassa pour rentrer, me laissant passer et faire ce que je voulais. J'inspirai avant de reprendre ma route vers la sortie.

- Promets que tu rentreras, Yliria.

Je me tournai vers lui alors qu'il avait un pied à l'intérieur, mais le visage tourné vers moi. Il savait que j'avais cette volonté de toujours respecter mes promesses, même les plus stupides. J'avais toujours réussi jusqu'à maintenant. Parfois par mes actions, souvent par chance. Cette fois, je ne devais compter que sur ce que je savais, que sur mes capacités.

- Je promets que je rentrerai.

Parce que j'avais quelque part où rentrer et que je ne voulais pas que tout cela finisse par disparaître, quitte à faire des choses stupides et en assumer les conséquences plus tard. Il hocha la tête et rentra tandis que je prenais la route pour traverser la ville. J'allais régler ça en vitesse et me débarrasser de ce poids sur mes épaules.


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Re: La Commanderie d'Opale

Message par Yliria » jeu. 16 avr. 2020 00:34

<< Précédemment
Telle une grande famille

- Aie... Mais AÏE, NYLLYN !

- Tiens-toi tranquille ! Par Sithi, comment as-tu pu laisser ça dans cet état...

Je grommelai une vague excuse avant de siffler de douleur lorsqu'elle serra le bandage entourant mon torse. Sitôt la discussion avec le Woran terminée, j'étais rentrée à la commanderie en traînant les pieds avant de m'effondrer. Nyllyn m'avait trouvée dans ma chambre, vautrée toute équipée sur le lit, et s'était mise en tête de me réveiller pour m'aider à mieux dormir ensuite. Et elle n'était pas contente. Pas du tout.

- Je serai prudente, Nyllyn ! Tout va bien se passer Nyllyn ! Aucun. Problème. Nyllyn !

- Écoute, je... mais AÏE ! Doucement !

- Je me suis rongée les ongles toute la nuit ! Et pas une seconde tu ne t'es dit que tu pouvais me prévenir que tu étais rentrée ?! Demander qu'on te soigne ?! Par Sithi, Yliria, pourquoi tu ne réfléchis pas ?

- J'étais épuisée ! Je ne me suis pas rendue compte que j'étais effondrée, je...

Elle m'enlaça sans rien ajouter et je me laissai aller contre elle, passant doucement ma main dans ses cheveux. Je n'avais pas vraiment d'excuses à lui fournir. J'étais à bout, physiquement, et je n'avais eu que l'idée de dormir pour récupérer un peu. Je n'avais prévenu personne et les deux gardes en faction n'avaient pas eu envie de me retenir à l'entrée au vu de l'état dans lequel je m'étais présentée. Pas étonnant que les rares badauds que j'avais croisés en revenant s'écartaient en vitesse, je ne devais pas inspirer la confiance avec le sang qui maculait mon équipement. Nyllyn resserra son étreinte un instant puis me relâcha avant de terminer de traiter les résultats des affrontements du manoir. Elle s'arrêta un instant pour passer un doigt dans mon dos.

- Dis... Je sais que c'est un peu tard mais j'avais jamais osé demander... elles viennent d'où ces cicatrices ? Ce n'est pas un combat, pas vrai ? On dirait...

- Des coups de fouet, oui. Et je n'ai pas envie d'en parler, s'il te plaît.

Elle n'insista pas, à mon plus grand soulagement. Une fois les bandages et onguents odorants appliqués, je remis une tunique que je serrai au niveau de la taille. Je jetai un œil désespéré à mon armure qui allait avoir besoin d'un bon nettoyage avant que Nyllyn ne me pousse de force dans le lit en me faisant promettre de ne pas en sortir tant que je n'aurai pas récupéré. Je lui répondis d'un simple sourire, la faisant lever les yeux au ciel avant qu'elle ne s'allonge à son tour. Je m'endormis ainsi, Nyllyn collée à moi. J'étais juste contente d'être rentrée, même si toute cette histoire ne faisait que commencer

Le réveil ne fut pas exactement celui que j'escomptais. Je sentis qu'on me secouait gentiment et émergeai avec les yeux embrumés de sommeil. La nuit était tombée, j'avais donc dormi toute la journée. Nyllyn afficha un léger sourire qui avait quelque chose de crispé avant de me désigner l'autre côté de la pièce d'un mouvement du menton. Assis là, Sorinion, les mains croisées, les coudes sur les genoux, me fixait. Je retins de justesse une grimace qui finit par apparaître lorsque Nyllyn suivit l'ordre de sortir qui lui donna. Elle m'envoya un regard anxieux tandis que je me redressais sur mon lit en grinçant des dents. Mes muscles avaient largement eu le temps de refroidir et protestaient à grands coups de courbatures.

- Alors ?

Le ton de Sorinion me fit froid dans le dos, mais je restai aussi stoïque que je le pouvais. Je lui racontai globalement le résultat plutôt mitigé de cette escapade. Je vis sa mâchoire se contracter à plusieurs reprises, mais il me laissa terminer. Une fois que j'eus fini de tout lui dire, il resta silencieux un moment avant de soupirer en se passant une main sur le visage. La sanction tomba rapidement.

- Tu es cantonnée à l'intérieur, tes armes sont confisquées jusqu'à nouvel ordre et tu auras pour tâche de nettoyer la commanderie de fond en comble, seule, et d'aider aux tâches de la vie quotidienne. Tu es également suspendue de tes fonctions. Est-ce clair ?

- Mais je dois...

- Est-ce clair ? Yliria !

- Je... C'est clair...

- Bien ! Tu viendras me voir demain matin et je te donnerai les détails, repose-toi en attendant.

- Mais et Kisp ? Je ne vais pas...

- Qu'il vienne ! Nous sommes des guerriers, Yliria, nous saurons l’accueillir s'il menace l'une des nôtres, rentre-toi ça dans le crâne ! Je t'avais prévenu que tu serais punie, et estime-toi heureuse que je ne sois pas plus sévère !

Il se leva et se dirigea vers la porte en me laissant là, partagée entre l'indignation et la résignation. Quelque part, je l'avais cherché, mais je ne m'attendais pas vraiment à ce qu'il mette ses menaces à exécution. Je me fichais pas mal de devoir nettoyer le sol ou d'aider aux repas, le reste par contre...

- Je me suis fait un sang d'encre Yliria...

Je relevai les yeux vers Sorinion qui s'était retourné dans l'embrasure de la porte. Il soupira et me lança un dernier regard qui me fit physiquement mal, avant de fermer la porte. Un regard empli de déception. Et ça me faisait bien plus mal que les blessures que j'avais subies dans ce manoir.

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Re: La Commanderie d'Opale

Message par Yliria » jeu. 16 avr. 2020 01:23

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(Nettoyer-er, balayer-er, astiqueeeeer, casa toujours pimpaaante !)

(Alyah je te jure que si ne tu te tais pas tout de suite je vais faire un carnage!)

(Il reste de la poussière là, tu feras attention...)

Je lâchai un grognement exaspéré en l'entendant ricaner dans mon esprit. Sorinion m'en faisait baver. Je pensais que nettoyer la commanderie serait ennuyeux, mais faisable. J'avais visiblement sous-estimé le chantier. Ça faisait trois jours et je ne faisais que ça. Nettoyer, manger, aider aux tâches quotidienne avant de m'effondrer, complètement épuisée. Pas besoin de m'interdire de sortir, je n'avais aucune envie de marcher une fois le soleil couché tellement j'avais mal aux jambes et aux bras. Sorinion ne m'avait pas vraiment laissé le temps de me remettre du manoir et me faisait payer mon insubordination comme il fallait...

(Vrai qu'il est sacrément remonté contre toi.)

(C'est injuste en plus ! J'ai pas fait ça pour aller contre lui, c'était pour ne pas les mettre en danger.)

(Je pense justement que c'est ce qui l'énerve le plus.)

(Comment ça ?)

(Tu considères l'Opale comme une famille, mais tu ne les laisses pas prendre soin de toi comme une des leurs, tu dois toujours tout régler seule. Je pense que c'est ça qui l'énerve profondément.)

(Mais je veux juste...)

(… les protéger oui, j'ai compris. Mais t'ont-ils demandé une seule fois de le faire ?)

(Non mais...)

(Ecoute-moi... Je sais que ça te terrifie depuis cette nuit-là, de perdre quelqu'un, mais tu dois aussi leur faire confiance. De mon point de vue, je pense que Sorinion, Nyllyn et tous les autres, ont le sentiment que tu ne leur fait pas confiance pour régler un problème qui, que tu le veuilles ou non, les concerne.)

(Je... Je peux pas...)

(Yliria...)

(Non ! Je ne veux jamais revivre ça, d'accord?!)

(Et quoi ? Tu vas tout faire toute seule ?)

(S'il le faut...)

(Ce n'est pas possible, tu le sais. Tu ne peux pas tout résoudre seule)

Je le savais, je n'avais pas besoin qu'elle me le rappelle. Mais c'était plus fort que moi. Rien qu'y penser, je pouvais sentir ma poitrine se serrer. Je ne voulais pas revivre une telle douleur en perdant quelqu'un. Je sentis Alyah soupirer et je retournai à mon travail sans vraiment faire attention à ce que je faisais, à savoir nettoyer les marches d'un escalier avec un tissu épais et un seau d'eau. J'avais mal à mon bras à force, mais utiliser l'autre voulait dire échauffer les muscles encore fragiles à cause de la morsure de l'autre saleté, ce qui était encore pire.

- Yli ? Je t'ai amené à manger, on ne t'as pas vu ce midi.

Je relevai la tête, offrant un sourire qui se fana rapidement devant l'air inquiet de Nyllyn. Elle me donna mon repas, composé de fromage et d'une tranche de viande séchée entre deux morceaux de pain tout en s'asseyant à côté de moi.

- Tu t'en sors ?

- On va dire que oui. Quelque chose ne va pas ?

Elle hésita en se triturant nerveusement les mains. Cela me fit hausser un sourcil inquiet. Ce n'était pas son genre.

- Je vais partir en mission. Tyrdann a demandé à ce qu'on envoie quelques Danseurs dans les environs de Khonfas pour libérer des esclaves après une demande de Taurions rescapés, et je me suis portée volontaire.

Je ne répondis pas tout de suite. Ses parents avaient été tué par les Shaakts de Khonfas et elle avait échappé de peu à l'esclavage grâce à l'Opale, je pouvais comprendre qu'elle ait envie d'à son tour aider ceux qui vivaient ce calvaire. D'un autre côté, l'idée qu'elle parte sans moi me serrait la poitrine. Mais j'avais déjà fait la même chose... Je lui offris un simple sourire rassurant.

- Tu avais peur de ma réaction ?

- Un peu... tu avais promis qu'on ferait une mission à deux la prochaine fois et je pars de mon côté... je..


- Non, je comprends. Déjà je n'ai pas à te faire la morale à ce sujet... et puis je sais à quel point ça te tient à cœur. Promets-moi juste que tu seras prudente.

- Je te promets. Merci Yli. Je ne savais pas comment te le dire.

- Si j'avais mal réagi j'aurai été une belle hypocrite... Tu pars quand ?

- Dans une semaine, le temps qu'on prépare tout.

Je mordis dans mon repas en retenant un soupir. Une semaine. Elle partait et j'étais coincée là, à faire ces tâches ménagères. Je commençai à regretter d'avoir désobéi, vraiment. Il fallait que j'aie une petite discussion avec Sorinion, et vite.

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Re: La Commanderie d'Opale

Message par Yliria » jeu. 16 avr. 2020 01:32

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Il était tard. J'avais terminé de manger en vitesse et repris mon travail durant le reste de l'après midi après l'annonce de Nyllyn. Elle était restée un moment et on avait discuté d'autre chose, un peu de tout et de rien, juste pour passer le temps pendant que j'astiquai ce satané escalier. Puis ce fut le sol et les murs, enlever les toiles d'araignées et ce genre de choses qui me faisaient perdre foi en mes muscles tellement ces tâches étaient éreintantes et douloureuses. Répéter en permanence des mouvements ce n'étaient jamais agréables, mais en levant les bras pour atteindre quelque chose en hauteur, c'était l'horreur. Quand je vidai finalement le seau, je laissai échapper un soupir de soulagement en roulant des épaules. Une bonne chose de faite.

En rentrant, je traversai rapidement la salle de repas sans m'attarder, chipant un morceau de pain à la volée avant de monter droit vers le bureau de Sorinion. Je ne savais pas trop ce que j'allais pouvoir lui dire, mais j'avais une bonne idée de ce qu'il voulait entendre et, qu'il le croit ou non, je voulais qu'il comprenne que j'étais désolée. Je devais lui expliquer ma façon de voir les choses, sinon jamais on ne parviendrait à s'entendre sur ça et je préférai éviter de me prendre le bec avec lui une fois de plus. Sa voix ordonna d'entrer à peine les trois coups frappés, mais visiblement il ne m'attendait pas. Il avait l'air surpris de me voir.

- Yliria ? Tu as besoin de quelque chose ?

- De te parler, si tu as le temps.

Il me fit signe et désigna la chaise face à son bureau. J'inspirai et m'installai, essayant de faire sortir un discours cohérent de ma bouche avant de dire n'importe quoi. Mais il prit la parole avant moi.

- Nyllyn t'as prévenu ?

- Oui. Je suis un peu étonnée et inquiète, mais elle a le droit de faire ce qu'elle veut et ce genre de sujet la touche personnellement.

- Je pensais que tu serais contre.

- Non. C'est vrai que ça ne m'enchante pas, mais je n'ai pas le droit de la retenir, elle est libre. Et je pense qu'elle a besoin de faire quelque chose d'elle-même, elle n'a pas pu prouver ce qu'elle valait au Naora, pas comme elle l'espérait du moins. Je l'ai compris et c'est un peu ma faute.

Il prit un air pensif, un sourcil haussé avant de poser ses mains sur le bureau, croisées.

- Tu as mûri depuis ton départ.

- Je n'ai pas eu le choix à vrai dire... Je tenais à te présenter mes excuses. Le départ du Naora a été brutal et injuste et je.. je l'ai pas accepté, je voulais faire plus, prouver que je pouvais y arriver. Je suis désolée d'avoir agi comme ça, mais ça a ravivé des souvenirs que je pensais enfouis et je ... je ne voulais pas impliquer qui que ce soit, j'avais trop peur de perdre quelqu'un à nouveau.

- Nous sommes capables de nous défendre, Yliria, tu n'as pas à...

- Je sais ! Je sais... ce n'est pas quelque chose que je peux maîtriser c'est... j'ai peur, c'est tout, je ne l'explique pas et je ne sais pas comment faire autrement, ni même si je peux. Je sais que c'est égoïste, irresponsable et tout ce que tu veux, mais j'y arrive pas, Sorinion. Je dois régler les choses moi-même.

- Sans nous laisser la possibilité de t'aider ? Dis-moi Yliria, si demain moi, Nyllyn ou un autre, étions en danger, que ferais-tu ?

- Je viendrai vous aider.

- Même si on te demandais de ne pas intervenir ? Même si on te suppliait de ne pas venir pour ne pas perdre une sœur, tu viendrais ? Quitte à trahir notre confiance ?

- Je... Oui. Parce que je préfère vous savoir en vie, même si vous m'en voulez.

- Alors pourquoi ne pouvons-nous pas faire de même avec toi ? Tu es l'une des nôtres, tout le monde ici sait ce que tu as fait, personne ne remet en doute ton implication et je suis prêt à parier que tous seraient prêts à se battre à tes côtés si tu leur demandais. Tu n'es pas seule, Yliria. Je ne le répéterai jamais assez, mais tu n'es pas seule. Rentre-toi ça dans ta satané caboche d'insolente tête de mule.

J'ouvris la bouche, scandalisée et un peu vexée, avant de la refermer. Il n'avait pas totalement tort après tout, mais je n'étais pas certaine d'être capable de changer. Ni maintenant, ni même dans cent ans. Ce n'était pas si simple, ce n'était pas quelque chose que je faisais volontairement pour obtenir quelque chose ou que savais-je encore. J'étais comme ça, et je ne savais simplement pas faire autrement. Je m'attachais aux gens et je me battais pour eux, parce que je refusais de les voir disparaître comme lui avait disparu, brutalement, sans prévenir, me laissant toute seule. Une main se posa sur ma tête et je relevai les yeux. Je ne m'étais pas rendue compte qu'il s'était levé, ni que j'avais commencé à pleurer. Alyah avait raison, Nyllyn avait raison, Sorinion avait raison. Il avaient tous raison, mais je n'y arrivais pas.

- J'imagine que tu ne serais pas toi si tu rentrais dans le rang et nous laissais faire, mais laisse nous t'aider, Yliria. Cesse de tout porter sur tes épaules et laisse-nous agir aussi pour toi. Et par Sithi, ne recommence pas à faire ce genre de choses dans notre dos, d'accord ?

- D'accord... Je suis vraiment désolée. Je pensais bien faire.

- Les Enfers sont pavés de bonnes intentions Yliria, j'aimerais juste que tu ne t'y rendes pas trop vite. Allez, va dormir, tu en as bien besoin. On reprend l'entraînement demain matin.

Je hochai la tête en expirant pour me redonner contenance, tirant un sourire à Sorinion qui me tapota doucement la tête. Je ne savais pas s'il avait attendu que je vienne lui parler en toute franchise ou s'il avait pris le temps de comprendre pourquoi j'avais agi ainsi. J'étais juste contente d'avoir pu lui parler et déballer mon sac.

- Merci Sorinion.

- Tu ne devrais pas me remercier si vite...

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Re: La Commanderie d'Opale

Message par Yliria » ven. 17 avr. 2020 11:27

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Il ne fallait pas prendre les menaces de Sorinion à la légère. Il prit très à cœur le fait de me remettre d'aplomb en me faisant lever aux aurores pour me jeter aussitôt à l’entraînement martial après un très léger repas. Il avait toujours été exigeant en la matière et parfois un peu brut dans nos échanges, et cela n'avait pas vraiment changé. Si je parvenais plus ou moins à lui tenir tête au début, sa maîtrise et son endurance étaient largement supérieures et, puisque je ne pouvais utiliser la magie dans nos combats, je finissais toujours au sol ou incapable de continuer le combat. Il ne disait rien, me faisait recommencer, encore et encore jusqu'à ce que je sois complètement épuisée. Je ne comprenais pas pourquoi il faisait ça, à part pour m'épuiser ou me mettre en rogne.

Pourtant ce n'était pas ça, Nyllyn subissait le même traitement dès que j'étais hors-jeu et force était de constater que, en escrime pure, elle se débrouillait maintenant bien mieux que moi et Sorinion sembla davantage satisfait de ses progrès que des miens. Du moins je l’interprétai ainsi en le voyant bien plus enthousiaste avec elle qu'avec moi. A vrai dire m'en fichai, je n'étais pas la meilleure escrimeuse de l'Opale, je devais jongler avec ma magie et un corps trop jeune pour être pleinement efficace contre un adulte avec des dizaines d'années d'expériences. Je maniai l'épée depuis moins d'un an, il s'attendait à quoi ? Tandis que les deux s'écharpaient joyeusement, je me postai à un lieu plus propice et commençait mon propre entraînement. Magique celui-ci.

Je m'étais rendu compte à quel point j'avais du mal à lancer des sorts en situation critique, dans l'urgence ou en souffrant et j'espérais trouver une solution à ça en utilisant mes fluides quotidiennement, en jonglant rapidement entre le Feu et la Lumière. Un sort après l'autre, sans réelle difficulté. Je n'avais aucun problème avec cela dans ces conditions, j'avais le temps de me concentrer dessus et ils partaient tous sans problème. Cela n'allait peut-être pas m'aider, mais je n'avais pas de professeur sous la main. J'utilisais la magie depuis bien plus longtemps que l'épée et pourtant mes plus grosses lacunes étaient dans ce domaine, un comble.

Je finis par m'asseoir dans l'herbe après un certains tee passer à m'entraîner. Je me plaçai sous le soleil radieux et fermai les yeux. J'inspirai avant de me concentrer. Je sentais toujours qu'il manquait quelque chose et je commençai à comprendre quoi. J'avais le temps et autour de moi c'était calme, j'allais m'y employer. Je l'avais fait une fois, une unique fois, et j'espérai me souvenir de la sensation. Les yeux fermés, il était facile de sentir la chaleur sur ma peau, mais ce n'était pas cela que je cherchais. En levant la tête, je pouvais la sentir, même à travers mes paupières fermées. Cette lumière naturelle qui englobait tout. J'expirai lentement, inspirai, recommençai avant de doucement me couper de l'extérieur.

A force de concentration, les bruits devinrent murmures et seule la caresse du vent et la chaleur du soleil me parvenaient. Alors, doucement, en tâtonnant, je cherchai. Dans l'air, sur ma peau, tout autour, l'énergie était partout, la lumière baignait le monde, je devais simplement la rassembler, l'intégrer et l'absorber pour la faire mienne. C'était comme attraper un à un des grains de sable pour bâtir un château, comme tenter de saisir de l'eau entre ses doigts. C'était impalpable, insaisissable, immense et invisible, mais c'était là, je le sentais, peu à peu. La magie était partout, il suffisait juste de le savoir et de l'inviter à entrer, de l'inciter à entrer et à rester.

Je finis par la percevoir, cette énergie, en me concentrant si intensément que j'en oubliai le temps qui passait. Pas à l'aide d'un sens quelconque, mais avec mes fluides. Comme un ruisseau ondulant paresseusement, elle était là, calme et sereine. J'inspirai à nouveau et fit corps avec elle, la laissant d'abord passer à travers moi, y mêlant peu à peu ma propre énergie. La magie faisait partie de moi depuis mon enfance, pourtant tout cela était différent. Le Feu était vivace et ardent, une énergie instable et puissante, mais la Lumière n'était que calme et apaisement, que douceur et bienveillance. Je sentis mes doutes s'éteindre à chaque seconde qui passait, toute la tristesse ne devenir que souffle rapidement envolé tandis que la lumière circulait à travers moi, emplissait ce réseau magique si semblable et pourtant si détaché du corps.

Lentement, je mélangeai mes fluides à cette énergie, la fis devenir plus palpable dans mon propre corps, la fis mienne, l'intégrai à ce noyau de pouvoir immatériel logé dans ma poitrine. Lentement, peu à peu, l'énergie s'installa, se lova dans mon corps sous mes sollicitations, devint une part de moi-même, répandant une douce sensation d'apaisement dans tout mon corps. C'était grisant de s'approprier une telle énergie, de ressentir ce sentiment de paix pendant quelques instants avant que, lorsqu'elle intègre finalement le corps, la beauté de l'instant ne se délite lentement. Quelque part, au fond de moi, je savais que c'était fini, que je ne pourrais plus le refaire. C'était ma limite.

- Yli... pourquoi tu brilles ?

J'ouvris calmement les yeux et souris en voyant l'air dubitatif de Nyllyn qui fixait ma peau qui luisait encore de particules de magie pure. L'effet ne dura pas, mais la laissa perplexe et je l'invitai à s'asseoir pour lui expliquer ce que je venais de faire. Elle me regarda, partagée entre l'émerveillement et l'incompréhension.

- Je croyais que tu ne pouvais pas méditer ?

- Ce n'est pas la même chose... je crois. Comment expliquer avec des mots... la magie est partout quand on sait où chercher, je me suis contentée de la faire venir à moi.

- C'est pour ça que tu n'as pas bougé pendant une heure ?

- Une heure ?! Cela ne m'a pas paru si long... c'est difficile à expliquer, mais c'est quelque chose qui me transcende, j'en ai oublié le monde pendant un moment.

- Tu as l'air calme.

- La Lumière a cet effet sur moi.

- Tu devrais le faire quand tu es triste, ça te ferait du bien.

- Je ne peux plus, j'en suis persuadée.

- Quoi ? Mais pourquoi ?

- Mon corps ne peut pas absorber davantage. On a tous une limite et c'est la mienne.

- C'est dommage, tu as l'air vraiment bien comme ça... Utilises ta magie peut-être ? Tu sais, pour faire pareil, pour être calme et détendue.

- Une idée à creuser... t'as de bonnes idées quand tu veux.

Elle se mit à rire et je souris en retour avant de m'allonger dans l'herbe où elle me rejoignit. On passa l'après midi là, à discuter de tout et de rien, à profiter du soleil et de la légère brise au parfum iodé. J'aurai aimé que ces moments durent à jamais, mais je savais qu'elle partait bientôt. Je devais juste profiter de sa présence autant que possible avant que nos routes ne se séparent.

- Arrête de penser, idiote, profite.

- Tu lis dans ma tête, c'est effrayant.

- Non, je te connais, et tu réfléchissais encore à des trucs stupides. Arrête.

- Tu as raison... C'est juste... je n'aime pas te voir partir.

- Et tu crois que j'ai aimé quand tu t'es ruée dans le désert ? Écoute, Yli. Je ne fais pas ça pour me venger ou je ne sais quoi. L'Opale a besoin de nous, j'ai prêté serment et j'ai envie de sauver ces gens de l'esclavage. J'aurai aimé que tu viennes, mais Sorinion a fait comprendre qu'il avait autre chose pour toi alors que je m'étais déjà portée volontaire en pensant que tu viendrais aussi. On savait toutes les deux qu'on pouvait être séparées du jour au lendemain...

- Je sais... c'est juste... si soudain. J'ai peur pour toi, je...

- Arrête. Fais-moi confiance, pour une fois. Ce ne sont pas quelques shaakts qui vont me faire peur, j'ai l'habitude d'en battre une.

- Oh, vraiment ? J'ai pourtant l'avantage des points.

- T'es chiante à compter !

J'éclatai de rire et elle me suivit quelques instants avant qu'on ne se calme, le souffle court et le sourire aux lèvres. Toute mon angoisse n'avait pas disparue, mais elle avait raison, je devais lui faire confiance.

- Sois prudente.

- Cent fois plus que toi.

Ça, honnêtement, c'était rassurant.
***

Tentative d’absorption naturelle d'un PM de fluide de lumière

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Re: La Commanderie d'Opale

Message par Yliria » ven. 5 juin 2020 17:34

<< Précédemment

Les deux jours qui suivirent furent étranges. J'étais étrange. J'avais l'impression de tout voir, entendre et comprendre avec un temps de retard, comme si tout allait soudainement trop vite pour moi. Je n'étais pas très attentive, je devais bien l'avouer, mais j'avais du mal à me focaliser sur quoi que ce soit. Je sentais le regard de Nyllyn me fixer par moments. Elle était inquiète depuis la nuit où j'étais revenue du cimetière. Je n'avais pas eu le courage de lui cacher quoi que ce soit, je lui avais tout raconté, absolument tout et elle avait pleuré avec moi, pour moi, me serrant à m'en briser les côtes. Et depuis, elle me couvait du regard comme si elle avait peur que je ne me brise soudainement, que je ne m'effondre pour ne plus me relever.

Je soupçonnai Sorinion de nous avoir entendu parler ce soir-là, car il me laissa étonnamment tranquille, ne me demanda absolument rien. Pas de corvées, pas d'entraînement, aucune question d'aucune sorte concernant mon rendez-vous avec les pirates que j'avais brièvement résumé ou pourquoi j'étais revenue avec les mains tachées de sang. Débordant de temps libre, je me contentais de ne rien faire. Je restais allongée dans l'herbe à profiter du soleil, nettoyais ma chambre de fond en comble et entretenais mon armure et mes armes avec application. Tout semblait comme neuf au bout du deuxième jour et mon esprit se focalisa sur un truc absolument inutile dont je n'avais pas l'utilité, mais qui me semblait soudainement important. Un fourreau pour Stelarhyss.

- Un fourreau ? J'imagine que tu peux aller chez le forgeron en ville. Tu veux que je vienne ?

Je hochai la tête, voyant apparaître un sourire sur le visage de Nyllyn. Je ne savais pas pourquoi ça me semblait si important, soudainement, mais je m'en fichais, bien trop contente de parvenir à me concentrer sur une tâche, même aussi triviale que celle-ci. J'emballai mes affaires, les rangeant minutieusement en prévision du voyage qui arrivait bientôt. L'octaèdre que j'avais trouvé dans le manoir tomba sur le sol et je le ramassai, me demandant si je pouvais en tirer quelque chose chez le forgeron.

- Comment tu te sens ?


Je tournai la tête vers Nyllyn qui était allongée sur mon lit, les bras posés sous son menton, ses cheveux de plus en plus longs tombant en cascade sur ses épaules. Je lui offris un sourire en posant le bloc de métal sur le sol et m’asseyais sur le lit, en tailleur face à elle. Autant être honnête.

- J'ai connu mieux. Il me faut juste un peu de temps, j'imagine.

- Tu as l'air ailleurs...

- Un peu. J'ai des choses en tête et en même temps je me sens vidée. C'est difficile à décrire.

- T'as l'impression d'avoir un manque, mais en même temps tu te sens soulagée et prête à avancer.

Je la regardai avec des yeux ronds. Elle avait si parfaitement résumer la chose que c'en était déroutant. Elle ne bougea pas, mais un sourire à la fois tendre et triste ourla ses lèvres.

- Quand mes parents sont morts, j'ai été séparée d'eux, physiquement, par les esclavagistes. On m'a sauvé in extremis et j'ai passé deux jours à errer avant de les retrouver. L'Opale était toujours sur place et soignait les gens, tentait de redonner un peu d'espoir aux survivants. Et moi j'étais là, toute seule, en pleurs aux côtés des corps de mes parents. On les a enterré près de leur maison, ensemble, et je n'y suis retournée que quinze ans après. Et c'est ce que j'ai ressenti. Je leur ai dit adieu pour de bon et j'ai choisi d'avancer. Je sais ce que tu ressens et je sais que ce n'est pas une mauvaise chose. Pas entièrement. Il ne faut juste pas que tu te laisses envahir par ce sentiment trop longtemps. Le manque finira par se résorber, être comblé par quelque chose, ou quelqu'un.

Je la fixai un instant, surprise. Elle n'avait jamais exprimé ce genre de choses. Son passé n'était que rarement un sujet à discussion. Elle essayait de m'aider, à sa manière et je sentis une vague de tendresse m'envahir en l'écoutant.

- Et ça t'a pris longtemps ? De combler ce manque ?

- Oui... Jusqu'à ce que Tanaëth me prenne sous son aile et que je me sente à nouveau comme faisant partie de quelque chose. D'une nouvelle famille. Je ne les oublie pas, mais je n'ai plus ce sentiment douloureux en pensant à mes parents. Je garde les souvenirs d'eux comme un trésor et ça me suffit à présent. Je ne dis pas que c'est facile, mais ça viendra. Tu es assez forte pour ça. Bien plus que je ne le suis.

Je me perdis un instant, les yeux dans le vague, scrutant son visage rassurant. La petite cicatrice qu'elle avait sur la tempe gauche, le grain de beauté sous l’œil droit, cette mèche de cheveux rebelle qui lui tombait toujours devant les yeux et qu'elle remettait sans arrêt derrière son oreille. La petit perle qui était accrochée sur la pointe, seul coquetterie qu'elle s'autorisait, la corde de son pendentif visible sur son cou. Tous ces petits détails que je gravai dans ma mémoire en sachant qu'on allait se séparer dans quelques jours. Et j'étais là à me morfondre...

- Tu vas me manquer.

Je m'allongeai près d'elle, posant ma tête contre son épaule, sentant sa main passer dans mes cheveux avec délicatesse.

- Toi aussi tu vas me manquer. J'aime bien avoir une petite sœur.

- T'es pas mal comme grande sœur.

Un léger rire s'échappa de ses lèvres et elle m'enlaça doucement, me laissant nicher mon visage contre elle alors qu'elle posait son menton sur le haut de ma tête. Si une personne pouvait combler le manque laissé par mon père, c'était elle.

- Sois prudente.

- Je te l'ai promis. Cent fois plus que toi. J'ai envie de te dire la même chose, mais ta témérité fait partie de toi, donc je te dirai simplement de pas trop en faire.

- Bah, je vais simplement parcourir les mers avec des pirates pour trouver un objet perdu convoité par un chef de pègre qui m'en veut personnellement, le tout sur un continent en guerre où je serai détesté par la majorité de la population. Que pourrait-il bien m'arriver ?

Elle pouffa face à mon sarcasme et je souris avant de fermer les yeux contre elle en inspirant lentement. Les minutes passèrent, silencieuses, calmes et sereines. La légère caresse de ses mains dans mes cheveux, sa respiration régulière qui soulevait sa poitrine, tout ça me berçait lentement mais sûrement, m'enfonçant un peu plus dans le sommeil qui me tendit finalement les bras.

Une lumière, vive, aveuglante. Puis du blanc, partout. J'observai mes mains. Cette peau sombre qui me recouvrait contrastait avec le décor. J'avais l'impression de ne rien porter, mais je ne ressentais rien, aucune gêne, ni chaud ni froid. C'était étrange, comme dans...

- Un rêve.

- Alyah ? C'est...

- Comme sur l'île, oui. Cela commence à prendre forme.

- Tu vas m'expliquer cette fois ?


Son sourire mutin fut la seule réponse que j'obtins avant que le décor ne bascule et que je me réveille, ouvrant lentement les yeux en sentant la caresse du soleil matinal et la chaleur du corps allongé près du mien. Elle bougea légèrement et je levai les yeux, la voyant sourire. Un sourire moqueur.

- Le gros bébé a bien dormi ?

Je grognai en réponse et elle ricana davantage alors que j’enfouissais ma tête dans les draps en soupirant. Elle partait bientôt, et moi je dormais... Lorsqu'elle me secoua pour sortir pour mon fameux fourreau, je me redressai en baillant. Il me restait deux jours avec elle.

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Re: La Commanderie d'Opale

Message par Yliria » jeu. 11 juin 2020 16:32

<< Précédemment

La journée qui restait avant le départ de Nyllyn, je la passai avec elle. Elle avait fini de préparer ses bagages et s'installa dans ma chambre pour libérer la sienne. On passa beaucoup de temps à parler, de tout et de rien. Du passé, mais surtout du futur, en évitant de parler de nos missions respectives, de ce qui pouvait survenir de pire dans nos vies. On ne se fit aucune promesse, conscientes l'une comme l'autre que la possibilité de ne pas réussir à la tenir était possible. Pourtant rien ne semblait entacher la bonne humeur de la taurionne. Elle parlait sans cesse, allongée avec moi dans l'herbe, lorsque le soleil fut suffisamment haut.

Elle parla un peu de sa vie d'avant, mais surtout de ce qu'elle espérait faire un jour. Elle était curieuse, comme à son habitude, mais je ne pouvais l'aider sur les sujets qu'elle voulait connaître. L'amour et toutes ces choses qui y étaient liées. Nous en étions si éloignées. L'Opale n'empêchait pas une telle chose, bien au contraire, mais tout cela ne m'intéressait finalement que très peu. Nyllyn abordait ça avec légèreté et innocence, emplie d'interrogations auxquelles j'étais bien incapable de répondre. Elle se disait que, un jour, elle aimerait sans doute quelqu'un. Elle l'espérait même, mais semblait si peu à l'aise avec l'idée de ne rien connaître. J'avais à peine une longueur d'avance sur elle, ce qui la fit sourire d'une étrange façon.

- Si je t'embrasse ça compte ?

- Aha, très drôle ! Ce serait...

-... bizarre...

- Clairement...

- Je suis quand même curieuse... ça fait quoi ?

- Difficile à dire... ça m'a donné chaud... et très envie de recommencer. Mais c'était... je me sentais maladroite et pas du tout à l'aise. J'imagine que c'est mieux avec l'expérience...

Cela la laissa pensive un long moment. C'était étrange d'avoir ce genre de discussions. Et moi qui pensais que cela ne pouvait pas aller au-delà...

- Tu crois aux âmes sœurs ? Au Destin ?

- J'en sais rien. Je ne me suis jamais posé la question. Si vraiment le Destin prévoit quelque chose pour chacun d'entre nous, je lui demanderai gentiment de me laisser tranquille, j'ai assez donné pour les quarante prochaines années.

Cela la fit rire et elle passa son bras au dessus de ma tête, me lançant un regard compréhensif.

- J'espère que tu trouveras le bon. Un jour. Comme ça je serai tante et je viendrai m'occuper de tes enfants.

J'éclatai de rire face à son regard empli d'étoiles, comme si cette perspective l'enchantait au plus haut point. Je ne pensais guère à tout cela et m'amusais surtout de ses plans pour le futur alors que je ne savais même pas où je serai dans un mois. L'anticipation n'était pas mon fort. Je me laissais porter par le flot des événement, bataillant parfois à contre-courant, mais sans vraiment chercher à faire plus. Je réagissais toujours à ce qui se passait autour de moi, je ne prenais pas d'initiative à grande échelle. Je devais changer cela, mais ce n'était pas si aussi simple.

Lorsqu'elle enfourcha son cheval, le jour de son départ, la boule coincée dans ma gorge m'empêcha de lui dire des adieux convenables. L'excitation qui marquait ses traits me força à sourire, à l'encourager, à lui souhaiter bonne route sans chercher une seule seconde à écouter cette voix intérieure qui me disait de la suppliait de rester à mes côtés. Je l'avais serrée une dernière fois dans mes bras et la regardais à présent partir en répondant à son grand signe, accompagnée des autres volontaires. Je sentis une main se poser sur mon épaule et sursautai, reprenant pied avec la réalité. Je fixai encore l'horizon alors qu'elle n'était plus visible. Elle était partie. Je serrai les dents en déglutissant, tentant de juguler les larmes qui s'accumulaient.

- Elle va s'en sortir, tu la reverras bientôt.

- Tu n'en sais rien, Sorinion.

- Si, je le sais. Et tu le sais aussi. Elle reviendra, tu reviendras et vous vous raconterez vos histoires en riant comme vous avez l'habitude de le faire.

Il me tapota doucement l'épaule et m'invita à rentrer. Je le suivis sans résister en reniflant.

- La commanderie va être bien silencieuse sans vous deux, on avait pris l'habitude de vous entendre vous chamailler ou rire. Viens avec moi je te prie.

Je l'accompagnai jusqu'à son bureau et m'installai face à lui tandis qu'il s'asseyait confortablement sur son fauteuil.

- Je voulais te voir avant ton départ. Nous avons des contacts dans tout Nirtim, ainsi qu'une commanderie à Luminion. Voici la liste et leurs emplacements. Je me suis dit que tu pouvais en faire usage, si jamais tu en avais besoin. Tu sais que la situation est tendue sur place ?

- Oui... tu en as parlé.

- Je tiens à te prévenir. Les population locales, humaines, elfes et thorkines, sont bien plus hostiles aux shaakts qu'ici, à cause de la guerre contre Oaxaca. Sois très prudente si jamais tu es forcée de te rendre dans une ville d'un de ces peuples. Je doute qu'ils fassent la différence. Je pense que le territoire d'Oaxaca, ironiquement, te sera moins hostile... même s'il reste globalement bien plus dangereux.

- Si tout se passe bien je vais juste m'y rendre, prendre ce dont j'ai besoin et repartir dans la foulée.

- Je sais, mais nous savons aussi tous les deux qu'il y a un monde entre le plan initial et la réalité.

Je ne pouvais qu'être d'accord avec lui sur ce point. Il me fit une liste de recommandations pour mon voyage, mais je l'arrêtai en cours de route, un peu lasse.

- Sorinion... je sais tout ça...

- Je me doute. Parfois je déteste ma position...

Je haussai les sourcils à sa confidence et il s'expliqua.

- Voir des frères et sœurs partir ainsi, pour parfois ne jamais revenir, je n'ai pas vraiment l'habitude. Encore moins quand j'envoie des enfants.

- Je ne suis plus une enfant. Plus vraiment.

Cela m'avait pris du temps de le réaliser, mais Yliria, l'enfant insouciante qui riait, était maladroite et aimait son père plus que tout, était morte en même temps que lui, deux ans plus tôt. Sorinion m'observa d'un air grave, mais il n'ajouta rien, peut-être conscient que pour moi c’était quelque chose de difficile à accepter, même en l'ayant compris. Je me levai finalement, lui souhaitai une bonne journée et quittai son bureau sans autre forme de cérémonie, rejoignant ma chambre pour m'affaler sur mon lit. Je fermai les yeux et inspirai. Plus que trois jours à présent.

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Re: La Commanderie d'Opale

Message par Yliria » jeu. 11 juin 2020 16:38

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Dès le lendemain, sous le regard surpris de Sorinion et d'une bonne partie des Danseurs qui avaient plus ou moins été informés de ce qu'il se passait, je m'étais présentée à l'entraînement. Je ne devais pas m'apitoyer sur mon sort. Oui, elle me manquait. Non, il ne reviendrait jamais. Mais je ne pouvais pas changer l'un ou l'autre de leurs destins. Ils étaient partis, l'un pour de bon, l'autre pour un temps. Si je voulais revenir et la revoir, il me fallait mettre toutes les chances de mon côté. Aussi je me plantai face à Sorinion, déterminée à profiter des quelques jours pour continuer d'apprendre, continuer de m'entraîner. Il acquiesça sans mot dire, le regard montrant pourtant une certaine satisfaction, peut-être même une fierté. Et il me surpris cette fois.

- Utilise tout ce que tu as, Yliria. Magie comprise. Tu n'as jamais montré de quoi tu étais véritablement capable entre ces murs depuis ton retour. Je veux voir à quel point tu te débrouilles, à présent.

Je hochai la tête et inspirai en tirant ma lame. Jambe en retrait, le bouclier levé pour cacher mon arme, j'invoquai mes fluides. Ma rapière s'enflamma, mais je ne bougeai pas, fixai Sorinion quelques secondes. Comme toujours sa garde était impeccable, impénétrable. Je devais le surprendre si je voulais espérer le toucher ne serait-ce qu'une fois. Je pris l'initiative et fis un pas en avant. Il fut sur moi si vite que je sursautai presque. Une de ses lames vint frapper mon flanc, rencontrant mon bouclier. Le coup se répercuta dans mon bras, me faisant serrer les dents. L'autre lame visait mon épaule. Je me fendis sur le côté et fit glisser sa lame sur la mienne pour la dévier. Je bondis avant d'essayer de prendre de la distance mais il ne m'en laissa pas le loisir, attaquant aussitôt.

Je me pliai en arrière pour éviter ses lames et roulai avant de bondir sur mes jambes, prenant un peu de distance. Je plantai ma rapière dans le sol et la relevai brusquement, soulevant du sable vers le visage de Sorinion pour l'aveugler juste assez longtemps pour me ruer sur le côté et viser son flanc. Plutôt que de charger tête baissée, je chargeai une boule de feu qui fusa sur lui alors que je passai dans son dos. Il me prit totalement par surprise en bougeant à une vitesse ahurissante en évitant mon attaque et je me retrouvai avec sa lame sous la gorge alors qu'il était passé derrière moi. Les yeux écarquillés, je déposai les armes, déçue et passablement exaspérée de m'être faite battre aussi simplement.

- Ne fais pas cette tête, c'était intéressant.

- N'empêche... C'est frustrant... Comment as-tu fait pour bouger aussi vite ?

- L'entraînement et l’expérience.

Je fis la moue, le faisant sourire. Il se moquait visiblement de moi et finit par me tapoter la tête.

- Je voulais te l'apprendre, mais tu n'étais guère réceptive ces derniers jours.

- Désolée...

Il fit un signe de la main, indiquant que ce n'était pas grave.

- Je peux comprendre. Ça n'a pas dû être évident pour toi. Tu veux essayer ?

Je hochai la tête et l'écoutai tandis qu'il expliquait la technique qu'il voulait m'enseigner.

- En duel, tu es rapide, autant dans tes actions que dans tes décisions et c'est ce qu'il faut. Le problème, c'est qu'à niveau égal, un adversaire plus fort aura forcément l'avantage. Je ne vais pas te faire un dessin, tu dois le savoir.

J'acquiesçai. J'étais polyvalente, mais même avec mon entraînement, je restai moins forte que n'importe quel adulte un peu entraîné, et je savais parfaitement que je devais compenser ce défaut. Ce que je m'efforçai à faire en essayant de parer à toute éventualité et en m'entraînant régulièrement.

- Donc, pour remédier à cela, j'ai eu une idée. Enfin deux, pour être exacte. La première, c'est la technique que je vais t'enseigner. L'autre, c'est un renforcement musculaire conséquent.

- C'est à dire ?

- C'est à dire, jeune fille, que tu vas devoir chaque jour faire des exercices pour perdre cette silhouette de crevette à peine sortie de l'enfance.

- Mais je suis musclée !

- Pour un enfant de ton âge... que dis-je, pour une fille de ton âge, oui, mais ça ne suffit pas. Je t'ai donc préparé une petite liste et, si tu t'y tiens, tu seras plus rapide et plus forte. Tu es déjà souple au delà du raisonnable, donc on va se concentrer sur ces deux autres points. Tiens.

Il sortit une feuille que je pris d'un air dubitatif avant de la déchiffrer. Il m'expliqua chaque exercice un à un et je lui lançai un regard perplexe.

- Je suis pas sûre d'avoir le temps en voyage...

- Tu le trouves. Ça te prendra une heure par jour.

- Je vais avoir l'air ridicule...

- Pas du tout. Et même si c'est le cas, mieux vaut être un peu ridicule que mort.

- Avec ce genre d'arguments on ne peut plus discuter… Très bien, je vais le faire.

- Tu m'en vois ravi. Et bien, au boulot, je vais corriger tes postures si jamais elles ne sont pas bonnes.

Je le regardai, mais il ne plaisantait pas et je commençai à enlever mon armure, mais il m'arrêta avec un sourire. Je devais le faire avec, le surplus de poids serait particulièrement efficace. Je grognai, mais obtempérai et, pendant une heure, je suivis à la lettre les exercices qu'il me demanda. Au début ce fut simple, j’avais quand même de l'endurance et une certaine forme physique, mais plus le temps passait, plus cela devint difficile et je commençai à sentir mes muscles s'enflammer. Cela tira un sourire à Sorinion qui assura que cela prouvait que les exercices fonctionnaient. Merveilleux...

Il enchaîna aussitôt avec la suite et me lança un sourire moqueur quand je lui jetai un regard indigné. J'avais déjà donné, mais visiblement il ne voulait rien entendre et me força à me mettre en garde. La technique était, sur le papier, plutôt simple. Profiter de l'attaque de son adversaire pour lui passer dans le dos afin de le surprendre, lui faisant ainsi perdre un temps précieux pour réagir et profiter de cela pour frapper en lui laissant peu de temps pour se reprendre. Dans les faits, cela voulait dire tromper la vigilance d'un vétéran avec des dizaines d'années d'expériences de combat. J'allais en baver et il le savait.

Il commença simplement. Il me fit expérimenter la technique du point de vue de l'attaquant, se dérobant à ma vue dès que je portais un coup. En connaissant la technique, je finis par plus ou moins anticiper son mouvement, mais il était suffisamment rapide pour garder l'avantage. Il l'usa ensuite contre un autre danseur, pour me donner une perspective extérieur. Chacune de ses esquives était différente de la précédente. La technique n'était pas une bête action facilement répétable, il fallait tout de même l'adapter à l'adversaire, même si l'idée restait la même. Je commençai à comprendre et il passa ensuite à la pratique.

- Je vais t'attaquer, relativement lentement, et tu dois te servir de ça pour passer derrière moi et me toucher avant que je ne réagisse. Surprend-moi.

Je me mis en garde, inspirai et me préparai, me focalisant sur les mouvements de ses épaules pour déterminer quand il attaquerait. Lorsqu'il se fendit pour une attaque verticale, je tournoyai sur le côté mais sa deuxième arme me cueillit aussitôt, me renvoyant face à lui. A la deuxième tentative, je reculai au lieu d'essayer de passer derrière lui et à la troisième je me fis avoir par une feinte, m'envoyant au sol dans un grognement frustré.

- Es-tu sûr d'être concentrée ?

Je me relevai d'un bond et raffermis ma prise sur mon arme, lui tirant un sourire.

- J'aime mieux ça.
***

Début de l'apprentissage de la cc mêlée« Dérobade »

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Re: La Commanderie d'Opale

Message par Yliria » jeu. 11 juin 2020 16:43

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Sans relâche, je m'efforçai de passer la garde de Sorinion pendant tout le reste de la journée. Chaque fois que je parvenais à me dérober à son attaque, il était plus rapide, plus fort et parvenait à voir venir mon assaut avec une telle facilité que cela en était rageant. Passer dans son dos se révélait plus complexe que je ne pensais. Je n'avais pas trente-six solutions. Droite ou gauche. Les choix étaient limités et il me contrait aisément avec ses deux lames, peu importe le chemin que je pouvais choisir. J'étais trop petite pour lui passer au-dessus et trop faible pour forcer le passage. J'avais beau me servir de tout ce que je savais, de tout ce que je maîtrisais, il n'y avait rien à faire et, pour la première fois depuis que je m'entraînais avec lui, je me sentis découragée.

C'était décevant et exaspérant, mais le sentiment enfla un peu plus à chaque échec et je finis par laisser tomber ma rapière, autant à bout de force que de patience. Je m'effondrai au sol, le front en sueur et la poitrine se soulevant avec force. Il n'ajouta rien et s'approcha après avoir rengainé ses lames, et me tendit une gourde. Je me redressai et la prit, buvant de longues gorgées avant de soupirer et de m'asperger le visage. Je n'espérai rien de plus de sa part, mais il s'éloigna, se remit en place en attendant patiemment. Il n'était pas avare de conseils, mais lorsqu'il s'agissait de maîtriser quelque chose, il pensait que l'important était de comprendre la solution par soi-même. C'était sa façon de faire : me pousser à bout pour me forcer à évoluer. Je mis du temps avant de me relever, encore plus avant de saisir ma rapière. Ma main me lançait à force de serrer la poignée de mon arme et l'agripper commençait à devenir douloureux.

- On peut s'arrêter, si tu préfères.

Son ton condescendant me fit tiquer et je lui jetai un regard noir. Un simple sourire me répondit avant qu'il ne se mette en garde et ne passe à l'attaque. Un coup de taille sur la gauche que j'évitai souplement en me décalant sur son flanc droit, me heurtant aussitôt à sa deuxième arme, m'empêchant de lui passer dans le dos. Chaque fois c'était la même chose, et je ne trouvais pas de parade à cela. Peut-être que contre un adversaire doté d'une unique arme cette technique fonctionnait, mais, contre lui, j'étais complètement démunie. Je ne comprenais d'ailleurs pas pourquoi il attaquait ainsi. D'habitude, ses assauts impliquaient ses deux armes, dans une parfaite coordination. Là, il les utilisait l'une après l'autre. Et cela me frappa.

(Je suis si stupide par Meno!)

C'était ça, la faille ! Il me le montrait depuis le début et moi je fonçai comme une idiote dans son piège à chaque fois depuis des heures. Comme s'il avait perçu que quelque chose avait changé, Sorinion se fit soudainement plus rapide, balayant l'air devant lui de son arme de droite. Je ne bougeai pas, puis, au dernier moment, me fendit en direction de la lame, pliant le buste et me servant de ma rapière et de mon bouclier pour faire glisser le métal sur la chitine sans qu'elle me touche. Une torsion du buste et un jeu de jambe plus tard et je me retrouvai dans son dos, fixant ses omoplates avant qu'il ne se retourne, un sourire aux lèvres.

- Bien ! Peux-tu me dire qu'elle a été ton erreur jusque là ?

- Je n'ai pas profité de l'ouverture de ton attaque. J'évitais l'assaut pour ensuite essayer de passer dans ton dos alors qu'en fait je devais utiliser l'attaque pour me dérober en un seul mouvement et te prendre par surprise.

- Exact ! C'est là tout l'intérêt de cette technique, utiliser l'attaque de ton adversaire à ton avantage. C'est pour cela que je voulais que tu la maîtrises. Tu es agile et rapide et ce genre de mouvements t'es parfaitement adapté. Pas besoin de force lorsque l'ennemi ne peut pas te toucher et ne riposter que difficilement. Comme toute technique, elle a bien sûr ses défauts, mais mieux vaut que tu les découvre toi-même pendant notre entraînement.

Je hochai la tête et reprit. Il répétait inlassablement le même genre d'attaque, accélérant peu à peu pour me donner une idée de comment faire en situation de combat réel. Je devais presque prédire d'où l'attaque viendrait en me fiant aux mouvements de ses épaules et de son bassin, ce qui ne facilitait pas la tâche et me valut quelques bleus et une belle frayeur en pensant m'être cassée l'épaule en recevant un coup un peu trop enthousiaste. Sorinion m'aida à me redresser et s'assura que j'allais bien avant d'arrêter l'apprentissage pour ce jour-ci. Je voulus continuer mais il fut très clair : je fatiguai et il ne voulait pas risquer une blessure à cause de cela.

Ce ne fut qu'une fois dans le confort de ma chambre que je compris qu'il avait raison et que j'étais vraiment épuisée. Combattre ou m'entraîner accaparait mon entière attention et je me fixais tant dessus que j'en oubliais le reste. Les pensées ou les sensations extérieures étaient comme reléguées dans un coin, en pause. Je grignotai rapidement le repas que Sorinion me fit monter et m'endormis très vite, avant même que le soleil ne soit totalement couché. Un sommeil de plomb, perturbé seulement par le lever matinal de l'astre solaire venu s'illuminer jusqu'à mes paupières. Je ne perdis pas de temps, mangeai un repas frugal et sortis aussitôt, trouvant Sorinion déjà prêt, un sourire aux lèvres.

- On reprend ?

- Et comment !

Cela me faisait oublier mon père, me faisait oublier le départ de Nyllyn ou l'angoisse de devoir partir sur les mers. Pendant des heures, je m'efforçais de maîtriser la technique de Sorinion. Il changea souvent d'attaque, à une ou deux armes, se servit de masses ou de lances pour m'obliger à trouver une faille pour chaque type d'arme. Puis il termina simplement. Il envoya un Danseur contre moi. Un Hinion à en juger par ses cheveux blonds, ses oreilles pointues et ses traits fins. Il portait une cotte de maille surmontant un gambison et maniait une hache et un bouclier rond qui lui couvrait le côté gauche. Il s'inclina sans approcher trop près.

- Un honneur de me battre conte vous. Mon nom est Falikië.

Je haussai un sourcil avant de m'incliner respectueusement à mon tour. Je n'étais pas très à l'aise avec la façon dont certains s'adressaient à moi, avec leur ton martial, mais je faisais de mon mieux pour leur rendre la pareille.

- L'honneur est pour moi, Falikië.

Il se mit en garde, son bouclier placé devant lui, bloquant mon champ de vision sur la majeure partie de son corps et son arme. Puis il chargea. Ne pouvant me permettre de recevoir sa charge de plein fouet, je l'évitai promptement en bondissant sur le côté. Je me ruai sur lui alors qu'il se retournai. Je frappai violemment son bouclier de ma semelle alors qu'il le mettait devant lui, projetant son bras en arrière, mais, bien entraîné, cela ne l'empêcha pas d'abattre sa hache que je déviai de justesse d'un coup de bouclier. Ce court instant lui permis de se reprendre et je dus bondir en arrière pour éviter de me prendre la tranche de son bouclier dans le visage. Il n'était pas plus rapide que moi, mais bien plus massif. Son équipement était simple mais il le maniait avec aisance et sans fioriture. Le problème, c'est que j'avais des heures d'entraînement dans les pattes et que je n'allais pas pouvoir le faire durer éternellement, ce combat.

Il me fallait forcer son attaque et utiliser efficacement la technique enseignée par Sorinion. J'avançai donc vers Falikië, lentement, en garde, parée à tout. Il me surpris en envoyant sa hache vers moi. Solarhyss la dévia de justesse, mais je reçu son coup de bouclier en plein torse, vidant l'air de mes poumons en me jetant au sol. Je roulai et me relevai d'un bond en me tenant la poitrine, essayant tant bien que mal de reprendre mon souffle alors qu'il me courait dessus après avoir ramassé sa hache. J'inspirai et une vive lumière imbiba mon arme alors que je m'élançai vers mon adversaire qui frappa. Je me glissai sous son attaque pour le dépasser et le frapper dans le dos. Je ne fus pas assez rapide car il se retourna assez vite pour parer l'assaut. Il détourna les yeux lorsque ma rapière rencontra sa hache, aveuglé et j'en profitai pour reculer à nouveau.

Je pris un peu de distance et inspirai lentement. Je devais être plus rapide, plus agile. Je devais attendre son attaque et l'utiliser à mon avantage. Falikië était visiblement un combattant porté sur l'attaque car il se remit aussitôt à me charger. Je déviai le premier coup de hache d'un revers de mon bouclier, puis évitai le second sans pour autant trouver une vraie ouverture. Je devais la forcer. Je reculai d'un bond et raffermis ma prise sur mon arme pointée vers lui, une jambe en retrait avant de fondre vers son torse. Son bouclier intercepta l'attaque qui transperça le bois sans atteindre la cuirasse derrière. Il fut surpris, mais, aguerri, il attaqua aussitôt et ce fut ma chance. J'évitai en me penchant en arrière, passant sous la lame de la hache et tournai sur son flanc pour me trouver derrière lui, me dérobant à sa vue. Avant qu'il ne puisse réagir, ma lame se posa sur sa nuque et il déposa ses armes en signe de reddition. Je haletai, mais un large sourire ornait mon visage alors qu'il se retournait.

- Je comprends pourquoi Sorinion voulait vous entraîner, vous êtes faites pour le combat.

Je grimaçai, pas vraiment à l'aise avec cette idée, mais le remerciai néanmoins. Ce combat avait été instructif et Sorinion me tapota l'épaule en signe d'assentiment avant de m'envoyer me reposer. Je levai les yeux au ciel, mais ne me fit pas prier et remontai dans ma chambre. Une fois de plus, les pensées s'étaient tenues loin de moi, comme si mon esprit s'était vidé. Peut-être que Falikië avait raison...
***

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Re: La Commanderie d'Opale

Message par Yliria » sam. 5 févr. 2022 22:29

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Une place au soleil

Un frisson. La sensation de mes pieds touchant un sol comme si je venais de sauter et la lumière se transformant en obscurité alors que le vent se diluait. J’ouvris les yeux, observant autour de moi. Un lit, un bureau, une étagère, tout était vide, mais l’endroit était propre. Je posai mes yeux sur le pot d’encre vide situé sur le bureau près duquel se trouvait des petites gravures dans le bois, résultant de mes réflexions, mes ongles ou la plume grattant le bureau avec insistance quand j’essayai de me souvenir quel mot utiliser pour terminer ce qu’on m’avait demandé. La fenêtre située juste à droite donnait sur la mer et je l’ouvris, sentant aussitôt l’odeur des embruns et entendant le lointain murmure du ressac qui berçait parfois mes nuits lorsque la chaleur me faisait garder la fenêtre ouverte. Je posai mon sac et inspirai longuement. J’étais dans ma chambre.

À la maison.

Je ne pris pas le temps de défaire mes bagages. Je sortis en ouvrant la porte frappée d’un Y, descendant le couloir puis la volée de marches menant aux étages inférieurs. La nervosité commençait doucement à m’étreindre, mais je continuai d’avancer malgré tout, parvenant finalement au rez-de-chaussée sans croiser personne. Etrange. D’ordinaire, la commanderie était toujours active, même au milieu de la nuit. Une bonne moitié des danseurs résidant ici étaient des elfes et ils n’étaient pas rare qu’ils profitent de leur méditation pour s’aventurer dans les couloirs le soir. Mais ce soir, personne. Je finis par percevoir une rumeur en me dirigeant vers le hall principal, là où se situait la salle de repas. Au détour du couloir, je vis les doubles portes entrouvertes et la lumière filtrant par l’ouverture. Quelqu’un parlait. J’approchai en tendant l’oreille avant de finalement reconnaître la voix. Sorinion. Il semblait s’adresser à toute la commanderie.

- … et pour l’heure nous ne savons pas encore quelles seront les répercussions, mais nous surveillons étroitement la région. Selon les prochaines semaines voire prochains mois, nous enverrons peut-être certains recueillir des informations dans les territoires fracturés de l’ancien empire.

Je m’arrêtai alors que des murmures enthousiastes s’élevaient dans la salle. Je ne savais pas de quoi il s’agissait précisément, mais je savais que c’était lié à la bataille près d’Oranan, à toute cette horreur. Le monde apprenait la défaite d’Oaxaca et ce que cela avait coûté, mais aussi ce que cela allait permettre. J’inspirai, essayant de décider si je devais entrer maintenant ou si je devais attendre qu’il ait fini de faire son discours et que la salle se disperse.

- Nous avons également la certitude que plusieurs des nôtres on prit part à la bataille contre Oaxaca. Leurs actions nous font honneur malgré le résultat amer. Nous sommes sans nouvelles de certains et il nous faut hélas envisager le pire au vu du cataclysme.

Un silence de mort suivit sa déclaration. Même les murmures qui, jusque-là, s’élevaient à droite et à gauche s’évanouirent avant qu’il ne termine.

- Yl… La vice-commandante Varnaan’tha est officiellement portée disparue.

La salle s’agita à nouveau, mais je n’écoutais plus, une brique venant de me tomber sans l’estomac. Il me croyait morte… Ils croyaient tous que j’étais morte… J’étais juste là, à quelques mètres à peine, et il me déclarait morte… Je sentis mon cœur s’emballer et je fermai les yeux pour inspirer. Comment j’allais pouvoir entrer dans la pièce maintenant ? Mes jambes semblaient avoir ramolli et je m’adossai au mur pour me reprendre. En cet instant, j’avais plus peur d’entrer dans cette salle que d’affronter le dragon noir. Comme si je pouvais rentrer dans la salle comme une fleur après ça. Je déglutis et portai la main contre mon torse avant de laisser mes fluides tempérer toutes ces émotions. Je savais que ce n’était pas idéal, mais j’avais vraiment besoin d’un petit coup de confiance, et c’était la seule façon que j’avais d’en avoir assez pour me décoller du mur et passer la double porte.

Les tables étaient alignées comme à l’accoutumée, face à l’estrade où se trouvait la table sur laquelle je venais m’asseoir à la droite de Sorinion. Sorinion qui était debout devant, immobile, faisant face à la trentaine de danseurs que comptaient la commanderie en ce moment. À sa gauche se tenait Falikië, un des lieutenants, le visage impassible, l’attitude droite, les mains dans le dos. Nyllyn aussi était là, un peu en retrait, les yeux baissés vers ses mains qu’elle triturait. Mon cœur se serra en les voyant et le peu de courage que j’avais eu pour franchir les portes s’évanouit comme il était venu. Je ne savais simplement pas quoi faire ou dire. Je ne ressemblais même plus à celle qu’ils connaissaient, qu’est-ce que j’espérais exactement ?

Nyllyn choisit ce moment pour redresser la tête comme si elle inspirait profondément pour se remettre dans une posture plus neutre. Nos regards se croisèrent et son visage changea. Ses yeux embués s’écarquillèrent et ses traits tendus s’évanouirent comme par magie, remplacés par une visible confusion et un éclat que je n’avais jamais vu dans ses yeux semblables aux couleurs de la forêt. Elle quitta l’estrade, attirant l’attention de Sorinion qui me fixa à son tour. Ses sourcils se froncèrent et il se pencha comme pour mieux observer ce qu’il voyait. Les pas des bottes de Nyllyn rompirent le silence pesant sur la salle alors qu’elle semblait marcher aussi vite qu’elle le pouvait avant de s’arrêter juste devant moi. Elle m’avait toujours dépassée de quelques centimètres, mais maintenant ses yeux étaient en face des miens et je pus les voir briller après quelques brèves secondes.

- Je peux pas te laisser cinq minutes…

Je n’eus pas le temps de répondre qu’elle se jeta sur moi en me serrant à m’étouffer. Surprise, je lui rendis pourtant bien vite, la serrant à mon tour alors qu’elle reniflait contre mon épaule. Aucune de nous deux ne bougea pendant un moment et ce furent seulement les bruits de bottes qui me firent ouvrir les yeux pour les lever vers Sorinion qui s’était également avancé. Il me fixa d’un air partagé, incertain, puis ses traits s’adoucirent malgré une confusion qui semblait toujours les marquer. Il posa une main sur ma tête avec une douceur qui me rappela la façon dont mon père le faisait parfois. Je déglutis.

- Ma petite merveille est de retour…

- … je t’ai dit que je détestais ce surnom…

Il sourit et m’attira à lui, surprenant Nyllyn dont le dos se plaqua contre son torse alors que mon visage s’écrasait dedans. Je crus l’entendre soupirer, voire renifler, mais ce furent surtout ses paroles qui me piquèrent le nez.

- Tu nous as fait peur, Yliria… Tu m’as vraiment fait peur…

- Pour être honnête, moi aussi…

Je ne savais pas comment eux avaient pu si facilement voir que c’était moi alors que j’avais eu tant de mal à accepter cette nouvelle apparence. Mais j’étais soulagée. Terriblement soulagée. Tous les scénarios où je devais me justifier, lancer des preuves et me faire entendre s’évaporèrent de mon esprit quand je fermai les yeux à nouveau en inspirant doucement. J’étais à la maison, je n’étais pas seule, perdue au milieu de nulle part. Tout allait bien.

- Est-ce que quelqu’un peut expliquer ce qui se passe ?

La voix brisa le moment de calme et je redressai la tête alors que Sorinion s’écartait et que Nyllyn soupirait en desserrant son étreinte. L’entièreté de la salle nous fixait et personne ne semblait comprendre ce qu’il se passait en dehors de notre trio. Sorinion haussa un sourcil dans ma direction et je compris qu’il attendait lui aussi quelques réponses. Je soupirai. Je m’y attendais après tout. Mais ça me faisait quand même royalement chier.

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Re: La Commanderie d'Opale

Message par Yliria » dim. 6 févr. 2022 00:48

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- J’arrive toujours pas à y croire…

Je haussai les épaules tandis que Nyllyn s’occupait de m’affubler d’une longue tresse. Nous étions finalement montées dans ma chambre après que j’eusse passé un long moment à expliquer à elle et Sorinion – et accessoirement l’entièreté de la commanderie – ce qu’il s’était passé ces derniers mois. J’avais survolé l’épisode concernant Kisp et ses hommes, vaguement abordé ce qui était arrivé ensuite et m’étais concentré sur la guerre en elle-même, puis sur ce qui avait suivi. Parler de la guerre avait été un exercice que je n’avais pas envie de renouveler de sitôt, mais personne n’avait commenté les longs silences qui ont entrecoupé le récit de ces dernières semaines. Ce fut seulement une fois arrivé chez les dieux que quelques exclamations de surprises ont eu lieu, mais ce fut bien plus simple d’expliquer cela. Même si j’avais encore cette histoire en travers de la gorge, l’expliquer était bien plus facile. Au final, une fois terminé, je me sentais libérée d’un poids. Et vide, d’une certaine façon.

- J’ai mis du temps aussi… C’est tellement impensable si on ne l’a pas vécu…

Je la sentis acquiescer, mais elle n’ajouta rien. À vrai dire, ce fut surtout un silence qui accueillit la fin de mon récit, un peu plus tôt. Personne ne savait trop quoi dire ou faire. Sorinion avait coupé court et déclaré que j’avais sans doute besoin de repos et qu’il était temps que tout le monde retourne à ses occupations. J’avais intercepté son regard, et je savais qu’il me demanderait de venir le voir à la première heure le lendemain. Il aurait surement des questions ou des précisions à demander, après tout. J’étais restée aussi vague que possible concernant tout ce qui n’était pas lié à la guerre ou à ma… condition, et j’avais bien vu que cela le dérangeait. Voir Sorinion froncer les sourcils m’avait manqué, bizarrement. Ça avait quelque chose de plus familier et de normal comparé à tout le reste.

- Tu veux en parler ?

Elle relâcha mes cheveux finalement coiffés et je tournai la tête vers elle. Elle n’avait pas vraiment changé, elle, à part ses cheveux un peu plus longs que trois mois auparavant... je haussai les épaules à nouveau. Je n’avais pas grand-chose à ajouter, je ne me sentais pas vraiment d’humeur à reparler de tout ça dès maintenant. Elle sembla comprendre le message, mais elle avait un air peiné sur le visage qui me serra le cœur. Je m’en voulais de l’inquiéter comme ça, de lui avoir fait peur. Ce n’était pas ma faute, tout ce merdier, mais j’aurais pu trouver un moyen de les contacter, de les rassurer. Il y aurait bien eu quelqu’un capable de faire ça sur l’île des dieux, non ?

- Il n’y a pas grand-chose à dire de plus.

Elle n’était pas dupe et ça se voyait, mais elle n’insista pas. Je lui en étais reconnaissante et, pour changer de sujet, je lui demandais ce qu’elle avait fait de son côté, et un air très sérieux se peignit sur son visage tandis qu’elle se mettait à raconter son voyage et sa mission. Un voyage jusque chez son peuple qui semblait lui avoir fait plus d’effet qu’elle ne l’avait imaginé et qui lui rappelait beaucoup trop de choses.

- Me retrouver au milieu des miens, c’était comme revenir des dizaines d’années en arrière, avec mes parents…

Je l’écoutai en silence raconter comment elle avait été l’intermédiaire entre l’Opale et un rassemblement de villages taurions. Comment ils avaient réussi à gagner suffisamment leur confiance pour être accepté sur leur territoire et comment ils avaient final fait ce pour quoi ils étaient venus : attaquer des camps d’esclaves gérés par les shaakts de Khonfas, la grosse ville au Sud du continent.

- J’ai l’impression que ça n’a servi à rien… on en a sauvé quelques dizaines, mais il y en a tellement, Yli… et même ceux qu’on pensait avoir sauvé, certains sont morts après parce qu’ils étaient sous-nourrit et ne supportaient pas ce qu’on leur donnait. Il y avait des enfants, et on n’a pas pu tous les emmener…

Elle s’arrêta soudainement alors que je la prenais dans mes bras. Elle soupira et je la gardai contre moi le temps que les battements de son cœur se calment. Elle aussi avait vécu quelque chose de marquant, je ne pouvais pas simplement me focaliser sur mes problèmes. Elle avait besoin de moi et je fis de mon mieux pour la réconforter. Ce n’était pas souvent qu’elle semblait fragile comme ça, vulnérable, mais je savais de quoi elle parlait et je comprenais sans mal pourquoi cela la perturbait autant.

- Tu as fait de ton mieux, Nyllyn, j’en suis sûre. Chaque vie que tu as sauvé est importante, d’accord ?

Elle hocha la tête et soupira pour se redonner contenance et continuer son récit qui se fit plus léger et simple, une fois le passage dans les camps terminés. Au final, la mission était un succès et la petite équipe était rentrée à Tulorim pour faire son rapport seulement trois semaines plus tôt. Elle n’avait pas bougé depuis, s’était entraînée en attente de la prochaine.

- Tu viendras avec moi cette fois, pas vrai ?

Je ne sus pas quoi répondre. Je ne savais pas si j’avais envie de reprendre les armes après ce qu’il s’était passé. J’aimais voyager, découvrir des lieux et des gens qui me faisaient découvrir leur monde, comme Makan et son bateau ou Vikar et sa dévotion, mais peut-être que j’en avais juste assez des combats, du sang, des morts et de la souffrance. Il y en avait eu tellement sous mes yeux que je ne pensais pas qu’il soit possible que cela continue encore et encore. Tant de vies perdues à cause de la folie d’un seul être…

- Je ne sais pas encore Nyllyn, je… j’ai besoin d’un peu de temps

Elle resta silencieuse avant de me serrer un peu plus dans ses bras et je me blottis contre elle en inspirant lentement. J’étais en sécurité, à la maison. Loin de la guerre, loin de la mort. Je voulais profiter un peu. Et pour la première fois, je commençais à envisager de ne plus jamais me battre. J’avais fait ma part, j’avais assez versé de sang pour plusieurs vies. Je me voilai la face pendant un instant, parce que je savais que ça n’arriverait pas de sitôt.

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Re: La Commanderie d'Opale

Message par Yliria » dim. 6 févr. 2022 00:54

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- Tu m’as demandée, Sorinion ?

- Oui, Yliria, assieds-toi. Je termine ça et je suis à toi.

J’obéis et pénétrai dans le bureau de Sorinion avant de m’asseoir face à lui. Ses yeux verts étaient cernés et une barbe de plusieurs jours commençaient à encadrer son visage et cela me laissait un sentiment étrange, lui qui était d’habitude si carré concernant son apparence. Il semblait fatigué, vraiment, et je me demandais quelle pouvait en être la cause exacte. Sans doute cela avait-il à voir avec la montagne de paperasse qui s’amoncelait sur son bureau et la demi-douzaine de plumes trop usées pour être utiles qui étaient posées dans une boite juste à côté de l’encrier presque vide.
Il m’avait fait mander dès le lever du soleil et, n’ayant presque pas dormi de la nuit à force de discuter avec Nyllyn, je n’avais pas mis longtemps à le rejoindre, laissant à mon amie le temps de prendre un bain et de se préparer pour une nouvelle journée.

- Tu es sûr que ça va ? tu as une mine affreuse…

Il redressa la tête du parchemin qu’il lisait et me fixa avant qu’un sourire ne s’affiche sur son visage. Il s’adossa à sa chaise et s’étira en baillant avant de se frotter le visage.

- J’ai eu beaucoup de travail après le retour de notre petite expédition et l’annonce de la disparition d’Oaxaca m’a également tenu éveillé. Ça et ta réapparition. Je dois faire un rapport et compiler les informations que tu as fournies… Enfin, je ne t’ai pas appelé pour ça.

Il repoussa le parchemin et soupira doucement en posant les mains sur la table. Le genre de geste qui me disait clairement que je n’allais pas aimer la discussion qui allait suivre. Et j’eus raison.

- Tu es partie pour gérer une autre affaire Yliria, et tu n’as presque rien narré à ce sujet.

- Quelle importance ? - Je haussai les épaules en évitant son regard, me concentrant sur un grain de peau sur son front - Kips est mort, problème réglé…

- Yliria… Tu es partie trois mois et la bataille n’a eu lieu qu’il y a deux semaines. Il ne t’a pas fallu près de deux mois et demi pour rejoindre Nirtim et tuer une ordure. Raconte-moi.

Ce n’était pas une demande, mais un ordre et je pinçai les lèvres, irritée au plus haut point par ce qu’il me demandait.

- C’était une affaire personnelle qui n’a rien à voir avec l’Opale, je n’ai aucune obligation de raconter quoi que ce soit.

Je le mouchai. Il fut bouche bée alors que je croisai les bras. Puis il soupira et se passa une nouvelle fois une main sur le visage sans me lâcher du regard. Je le soutins sans ciller et il poussa un grognement exaspéré.

- Toujours aussi butée… Je te ne demande pas ça en tant que Commandeur ou ton supérieur. Je te demande ça en tant qu’ami, Yliria. Tu as peut-être réussi à faire illusion pour les autres, mais pas pour moi et certainement pas pour Nyllyn. Il y a autre chose que la guerre qui te hante et je veux savoir quoi.

J’ouvris la bouche pour protester, mais il leva la main pour m’interrompre, les yeux fixés dans les miens. Il y avait une gravité et une tristesse nouvelle qui y passa, fugace, mais suffisante pour que je me taise et le laisse parler.

- J’ai vu mon lot d’horreurs, Yliria. J’ai vu mon lot de compagnons mourir et j’ai vu ce qui arrive quand c’est une charge trop importante pour quelqu’un de vivre ce genre de chose. Je ne te demande pas ça par curiosité malsaine, mais parce que je veux savoir comment t’aider. Et Nyllyn veut la même chose.

Je ne sus quoi répondre, parce qu’il avait sans doute raison. Je n’avais simplement pas envie d’en parler, à lui ou qui que ce fusse d’autre. Je savais qu’il ne lâcherait pas le morceau, pas alors que je lui avais implicitement confirmé qu’il s’était passé quelque chose alors même que je ne voulais rien dire. Je finis par soupirer et me levai. Il fit de même, mais je l’arrêtai en levant la main, la gorge nouée.

- Je vais juste chercher Nyllyn… Je n’ai pas envie de raconter ça une seconde fois…

Elle ne fut pas difficile à trouver et à convaincre de m’accompagner dans le bureau de Sorinion. Il avait aménagé un peu ce dernier, plaçant les chaises devant le bureau pour se placer avec nous, affirmant qu’il ne voulait pas que la hiérarchie joue le moindre rôle dans ce qui allait suivre. Nyllyn me regardait d’un air inquiet alors que ma jambe tressautait nerveusement. Sorinion avait placé ses coudes sur ses genoux et croisé les mains pour poser son menton dessus. Ils attendirent tous les deux en silence et ça ne fit rien pour me calmer. J’aurai préféré qu’ils me pressent, que je n’ai pas à réfléchir. Alyah m’encourageait doucement et j’inspirai longuement, expirai tout aussi lentement avant de commencer par leur demander quelque chose.

- Ne m’interrompez pas… je ne suis pas sûre de vouloir répondre à des questions ou de pouvoir reprendre où je m’étais arrêtée…

Nyllyn acquiesça rapidement, hochant la tête. Sorinion serra la mâchoire, mais finit par faire de même. Et je racontais. Je racontais la traversée en mer, le dilemme de voyager avec des pirates, puis les combats, la fuite, la traque, la poursuite, la capture… puis le reste, sans lever les yeux, cherchant à déballer tout ça au plus vite, mécaniquement, froidement, détachée le plus possible. Je n’y arrivais simplement pas. Pas quand je devais raconter ce qu’il s’était passé lorsque j’étais enchainée sur le bateau, pas alors que je devais parler de lui sans me noyer dans le sentiment qui m’étouffait. Je terminai en racontant vaguement le voyage à Oranan, la voix de plus en plus faible, la gorge nouée et enrouée. Elle mourut toute seule et le silence prit le pas sur le reste.

Un raclement de chaise et je me sentis tirée en avant juste. Sorinion s’était levé et m’enserrai délicatement, une main plaquée à l’arrière de ma tête qu’il posa contre son torse alors que Nyllyn me tenait les mains silencieusement. Je ne réagissais même pas, je me sentais tellement vidée que j’avais oublié que je pleurais, que j’étais à genoux sur le sol et que mon corps entier tremblait, incontrôlable. J’entendais leurs voix, mais je ne saisissais pas les mots qu’ils prononçaient. J’entendais simplement les intonations inquiètes et tristes qui s’en dégageaient. Ce fut un murmure de Nyllyn qui perça le premier et me fis retomber sur Yuimen.

- On est là, Yli… on est là.

Je serrai ses mains et me blottis entre eux en fermant les yeux, laissant les larmes couler silencieusement. C’était un miracle que je n’aie pas craqué pour de bon la veille, mais là c’était trop de revivre tout ça encore une fois, d’avoir à nouveau les images en tête, la vision de tout ce qui s’était passé. Je ne voulais plus revivre tout ça, j’aurai voulu tout oublier, que plus personne n’en parle. Plus jamais. Je regrettai d’avoir quitté Tulorim, d’avoir voulu régler cette histoire. Tout ça n’avait apporté que des mauvaises choses, des choses douloureuses et difficiles. Je voulais oublier les trois derniers mois. Enfermer ces souvenirs à tout jamais et ne plus jamais avoir à y faire face.

- Je suis désolé de t’avoir forcé la main, Yliria… On fera tout ce qu’on peut pour t’aider. Tu es ici chez toi, tu es en sécurité. On prendra soin de toi.

Je hochai la tête, incapable de parler tant j’avais la gorge nouée et la bouche sèche. Malgré tout ce que j’avais pu tenter pour me détacher de tout ça, ça restait quelque chose d’horriblement difficile à digérer et à revivre. Aucun des deux ne posa la moindre question et je leur étais reconnaissante. Je ne voulais pas en parler davantage. De longues, très longues minutes passèrent avant que je ne finisse par me calmer suffisamment pour leur dire que ça allait. Ils me laissèrent me rasseoir, Nyllyn gardant toujours une de mes mains dans les siennes.

- Si tu as besoin de quoi que ce soit…

- Du temps… j’ai juste besoin de temps… ça ira mieux.

Il fallait que ça aille mieux. Je ne pouvais pas vivre comme ça pour toujours. Il fallait que je surmonte tout ça, que j’arrive à vivre avec et à oublier tout ce qu’il s’était passé, ou au moins à ne pas me laisser submerger. Et en voyant leurs visages à tous les deux, je savais que je n’aurais pas à faire ça toute seule, cette fois.

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Re: La Commanderie d'Opale

Message par Yliria » sam. 19 mars 2022 17:51

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Après les dernières heures suivant mon retour, le calme et une certaine routine s’installèrent finalement. Les heures devinrent des jours, puis des semaines. Je me réhabituai au climat du Nord de l’Imiftil et à la chaleur inhérente à ce dernier. Mes journées étaient peu rythmées et je passai le plus clair de mon temps à trouver de quoi m’occuper. Parce que je ne savais tout simplement pas comment faire. Avant de vivre en Imiftil, la vie à Gwadh se résumait à peu de chose : trouver de quoi manger, ne pas se faire remarquer et rentrer dans le taudis nous servant d’abri avant que la nuit ne tombe et que les gardes ne sortent pour de bon. Depuis, j’avais surtout erré sur les routes et les rares moments où j’avais eu le temps de m’installer quelque part, je m’entrainais, apprenais sur la magie ou ce genre de choses. Mais depuis mon retour, je n’avais pas approché les entraînements et les rares choses que je pouvais lire à la commanderie étaient surtout liées à la gestion de la commanderie et m’ennuyaient profondément. Je ne savais finalement pas m’occuper en dehors des aventures et des combats, et cette réalisation me donna la chair de poule.

Chaque jour, j’observai de loin Nyllyn se joindre aux autres danseurs pour suivre les instructions de Sorinion. Elle était toujours si sérieuse et semblait dans son élément, les armes à la main. Les premiers jours, elle m’avait demandé de venir avec elle, mais, loin d’être prête, j’avais décliné et elle avait laissé tomber, comprenant sans doute que j’avais besoin d’y réfléchir sérieusement. Le problème, c’est que je ne savais simplement pas quoi faire d’autre. Je n’étais pas douée pour quoi que ce soit. J’étais un cataclysme dès qu’on parlait cuisine et réussissais davantage à m’entailler les doigts qu’autre chose lorsque je m’essayai à la couture pour repriser des vêtements. Je savais entretenir mon armure, mais rien qui sortait de l’ordinaire ou ne remplaçait un véritable forgeron et je ne savais pas assez bien lire ou écrire pour apprendre à qui que fusse.

Appuyée sur le rebord de la fenêtre, j’observai Sorinion aller et venir au milieu des danseurs, de ceux qui reproduisaient des enchainements seul et qu’il corrigeait inlassablement, ou ceux qui, comme Nyllyn, se lançaient dans des duels et qu’il commentait en expliquant telle ou telle chose, donnant conseils et parfois démonstration, attirant toujours le regard des autres qui l’écoutaient presque religieusement. Sorinion était un maître d’armes et un chef, personne ne pouvait remettre cela en doute en le voyant agir ainsi. Et j’étais supposée le seconder. Cela me fit souffler du nez. Je me demandais encore pourquoi il avait eu cette lubie de me nommer sa seconde alors que je n’avais aucune des qualités nécessaires pour cela. Je n’étais pas patiente, pas vraiment pédagogue et rester assise derrière un bureau pour la gestion quotidienne m’ennuyait, quand je n’étais tout simplement pas partie contre son avis. Plus j’y pensais et moins cela faisait sens. Falikië était tout désigné à ma place, mais dès mon retour, il avait repris son rôle de premier lieutenant et m’avait cédé la place sans même broncher. Et quand je lui avais demandé pourquoi, la veille, il avait haussé les épaules.

- Je ne faisais que vous remplacer, rien de plus.

- Et ça vous convient ?

- Le commandeur vous a désigné et je n’ai pas à remettre en doute son jugement à ce sujet. Je n’ai rien à y redire, mais vous devriez lui poser la question vous-même, si cela vous dérange.

Ce que j’avais décidé de faire, juste après la fin de l’entraînement. J’attendis près de son bureau et le suivis à l’intérieur, ignorant son sourcil haussé alors que je m’installai face à lui.

- Pourquoi ?

- Il va falloir que tu explicites, Yliria, parce que je ne lis pas dans ta tête.

Il semblait amusé et je m’empourprai avant de me reprendre. La question tournait tellement dans ma tête que je n’avais pas pensé à la formuler correctement à voix haute.

- Pourquoi m’avoir nommée ta seconde, Sorinion ? Falikië est bien plus qualifié que moi et je… je ne sais même pas ce que je suis supposée faire. Pourquoi tout le monde a l’air d’accord avec ça ?

Je lus une certaine surprise sur son visage, mais elle disparut bien vite alors qu’il s’installait dans son fauteuil avec cet air de « je vais te donner un cours, alors écoute bien » qu’il avait lorsqu’il avait en tête de me dire quelque chose d’important et qu’il fallait que j’écoute attentivement.

- Il y a plusieurs raisons. La plus simple, dirons-nous, c’est que tu as mérité cette place lorsque tu m’as aidé à créer cette commanderie. Je sais – enchaina-t-il alors que j’ouvrais la bouche pour rétorquer – que ce n’est pas suffisant, mais laisse-moi terminer. La seconde raison, c’est parce que, comme d’autres de nos membres, tu es une itinérante la plupart du temps et que ce statut te permet d’outrepasser la majorité de la hiérarchie pour mener à bien des missions bien loin de la commanderie.

Il m’envoya un regard entendu et je fis de mon mieux pour ne pas grimacer. J’outrepassai déjà allègrement son autorité de temps à autre et il était extrêmement laxiste à ce sujet. J’avais eu quelques réprimandes et sanctions, mais comparés à ce qui aurait pu être fait, je m’en tirai à bon compte. Il continua.

- Et la dernière raison, c’est parce que tu en avais le potentiel quand je t’ai nommé. Pour moi, tu en avais les capacités.

- Je ne suis pas une cheffe… je ne sais pas faire ce que tu fais.

- Et tu crois que c’est venu naturellement ? Tu sais mieux que personne qu’il faut travailler dur pour réussir ce qu’on entreprend. J’ai appris les arts de la guerre et du commandement, je ne suis pas né avec… Ah ! Vu ta tête tu n’avais pas pensé à ça.

J’avais pensé que Sorinion était un chef-né, qu’il avait toujours su faire avec les autres et qu’il avait simplement mis ses capacités en action pour parvenir à commander ainsi une petite troupe de guerriers comme les danseurs de la commanderie.

- Tu pourrais apprendre, Yliria.

J’écarquillai les yeux et le vis sourire alors qu’il s’adossait plus confortablement contre le dossier de son fauteuil.

- Ne sois pas surprise. J’ai dit que tu avais du potentiel, pas que tu étais douée. C’est même plutôt l’inverse, tu es exécrablement mauvaise dans tes interactions avec les autres et, avec le peu que je connais de ton passé, ça peut se comprendre. Apprendre à commander, déléguer, ou, avant tout, communiquer, cela te serait bénéfique à de nombreux niveaux pour…

- Je veux apprendre.

Je n’avais pas vraiment besoin d’y réfléchir plus que cela. Je n’en pouvais plus de rester à ne rien faire sauf à me demander ce que mes dix doigts pouvaient faire sans forcément aller taper sur quelque chose ou quelqu’un. Sorinion sembla surpris de ma volonté soudaine, mais je n’avais dit ça sur un coup de tête. Pas uniquement. Des gens avaient voulu que je leur apprenne à se battre comme Elvia ou Jorus et je m’étais sentis démunie dans ces moments-là, incapable de les aider réellement.

- Peux-tu m’expliquer pourquoi ?

- Parce que je... Je veux mériter ma place dans la commanderie. Et pas pour ce que j’ai fait à un moment, mais pour ce que je fais au quotidien. Je veux apprendre à enseigner des moyens de se défendre. Je suis la commandante en second, mais seulement de titre. Je voudrais l’être en acte aussi. Parfois j’ai l’impression d’être un peu en dehors et c’est surtout ma faute à force de ne pas prendre mes responsabilités. Et je... J'ai besoin de m'occuper l'esprit.

je soupirai, me frottant la nuque en cherchant mes mots.

- Tu as raison je... je ne sais pas comment dire les choses. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai empiré les choses en ouvrant la bouche. Peut-être que ce serait une solution…


Pendant un moment qui me semble affreusement long, Sorinion resta silencieux, semblant m’étudier calmement avant de finalement se pencher vers le bureau et de tirer un parchemin vierge sur lequel il commença à écrire.

- Cela ne se fera pas du jour au lendemain. Et tu vas devoir travailler dur et être attentive à ce que je dis et fais, parce que tout ne s’apprend pas en écoutant bêtement des leçons. Tu auras des responsabilités au sein de la commanderie et tu dois t’engager à les respecter.

Je hochai la tête, droite comme un piquet sur mon fauteuil alors qu’il continuait d’écrire, inscrivant visiblement une liste sur son parchemin qu’il finit par me tendre après plusieurs minutes. Je parcourus les parchemins des yeux et haussai finalement un sourcil interrogateur dans sa direction.

- Ce que tu apprendras et ce que tu auras à faire au quotidien. Bien sûr il faudra du temps donc nous ferons ça progressivement. Il y a aura de la théorie, surtout au début, et de la pratique au fur et à mesure. Ce qui veut dire que tu devras assister aux entraînements.

Je hochai la tête et terminai de lire la liste avec de plus en plus d’appréhension. Je ne voyais même pas ce que certains mots signifiaient concrètement. Je commençai à me demander dans quoi je m’embarquais avec cette histoire…

- On commence dès demain. Sois prête aux aurores.

Trop tard pour reculer de toute façon.


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Re: La Commanderie d'Opale

Message par Yliria » dim. 5 juin 2022 01:05

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Intense. C’était le mot pour décrire la première semaine que je passai sous la direction de Sorinion pour apprendre réellement à gérer cette commanderie dont j’avais, moi aussi la responsabilité. Dès le premier jour, je compris que je n’allais pas beaucoup dormir chaque nuit. Dès l’aurore, je devais être prête pour la journée. Sorinion m’expliqua comment il préparait l’entraînement, gérait le matériel et s’assurait que tout soit prêt pour l’entraînement quotidien matinal. Car s’il y avait bien une chose qui ne devait jamais être annulée, c’était bien celle-ci. Une fois que tout était prêt, il m’expliqua rapidement comment il gérait un entraînement classique.

- Le plus simple et efficace, c’est de toujours faire des paires avec un combattant expérimenté et un qui l’est moins. Le plus expérimenté corrigera sans peine le moins aguerri tandis que celui-ci sera plus enclin à proposer de nouvelles choses. Mon rôle, et donc le tien, est de s’assurer que tout se passe dans ce sens. Et de faire respecter la discipline. Un coup peut rapidement échauffer certains.

Ce qui ne fut pas nécessaire ce jour-là, ni les jours suivants. D’abord surpris par ma présence et par la raison de celle-ci lorsque Sorinion la leur annonça, les danseurs ne firent aucune vague et les entraînements se passaient généralement sans incident particulier. Je me retrouvai bien plus sollicitée que le commandeur, ce qui eût le don d’amuser Alyah lorsque le premier danseur vint me voir en demandant de l’aide sur son enchainement. Sorinion ayant décidé que le mieux pour moi était de mettre la main à la pâte, il ne me vint pas en aide et je me retrouvai dès le premier jour à expliquer et montrer comment utiliser la technique des cents-lames. Je n’étais pas certaine de bien expliquer, mais le danseur semblait avoir parfaitement compris et se remit avec son partenaire pour suivre à la lettre les maigres conseils que j’avais pu suggérer. Sorinion attendit que l’entraînement soit fini pour me faire une remarque, un léger sourire aux lèvres.

- Tu n’en finiras jamais…

Je ne compris ses mots que le lendemain quand d’autres vinrent me demander la même chose et je sus que j’avais fait une erreur en accordant une attention complète à un seul d’entre eux, ce qui ne manqua pas de faire ricaner Nyllyn quand elle capta mon regard qui devait exprimer à quel point cela me submergeait bien trop vite. Sorinion finit par remettre tout le monde à sa place et je me gardai bien de faire des démonstrations individuelles avant de voir Sorinion faire de même. Je haussai un sourcil et il me répondit d’un simple haussement d’épaules. Visiblement, lui n’avait pas de problèmes à gérer cela. Je n’en comprenais simplement pas la raison et il se garda bien de me l’expliquer, arguant que je devais comprendre certaines choses par moi-même. Il aimait bien trop ce genre de phrase…

Surprenamment, les entraînements étaient la partie la moins intéressante de ce que Sorinion avait en réserve. Lorsque je le suivis le premier jour après avoir rangé le matériel sous le regard toujours un peu étonné de quelques-uns des danseurs, il posa devant moi trois livres, mais attira mon attention sur autre chose. Tout d’abord ce qui ressemblait à un plateau peint en échiquier, puis sur une série de cartes représentant je ne savais trop quoi. Perplexe, mes yeux passèrent des livres aux cartes puis au plateau sans vraiment voir la connexion entre les trois. Jetant un œil plus attentif aux livres, je lus leurs titres. « L’Art de la guerre », « Résilience » et « Stratégios ». Cela me rendit encore plus perplexe.

- J’admets ne pas vraiment comprendre…


- Nous sommes un ordre martial, il est normal que tu apprennes à commander au combat. C’est le premier livre. Le second sert davantage à trouver la façon dont tu souhaites commander. Chacun à sa manière et il est très instructif sur la façon de gérer des crises. Le dernier, c’est pour comprendre tous les aspects de ce qu’est la stratégie autant en temps de guerre que de paix ainsi que la tactique. C’est davantage pour que ton esprit s’affûte. Tu as de bons réflexes et tu réfléchis très vite en combat, mais ce serait très différent si tu devais agir pour éviter un conflit, n’est-ce pas ?

- Et lire c’est censé me dire comment faire ?

- Cela donne des pistes. Et puis ça te permettra de parfaire ta lecture et ton écriture également.

Je fis une moue dubitative, mais hochai la tête. Je ne m’attendais pas vraiment à devoir lire des bouquins, loin de là, mais je les empilai malgré toutt en le remerciant. Il évacua mes remerciements d’un geste de la main. C’était normal, selon lui, c’était le minimum et il comptait bien me faire bosser dur. Il dit ça avec un sourire et je lui rendis une grimace, accentuant son sourire avant qu’il ne désigne le plateau peint placé entre nous deux.

- Ceci est un jeu appelé « Régicide ». Chaque joueur possède le même nombre de pièce, mais d’une couleur différente et le but est de mettre en échec le roi adverse. Je vais t’expliquer les règles en te montrant les pièces et en les plaçant.

Ce qu’il fit et je me concentrai en fixant les pièces finement ouvragées qu’il tira d’une boite en bois lustrée. Il y avait les pions qui formait la première ligne, le roi et la reine qui se trouvait eu centre derrière. Puis les chevaliers, de part et d’autre des bretteurs qui entouraient les souverains. En dernier, aux extrémités, se trouvaient les phalanges. Chaque type de pièce avait sa façon de bouger et les règles, pas si complexes que ça, me parurent assez faciles à retenir. Quand je demandai l’intérêt de tout cela à Sorinion, il termina de préparer le plateau avant de m’expliquer.

- Le Régicide est un jeu qui est facile à prendre en main, mais très difficile à maîtriser vraiment. Comme pour une guerre, il y a de nombreuses stratégies possibles et rien n’est jamais joué d’avance. Je veux que nous y jouions plusieurs fois par jour et que tu réfléchisses à comment gagner.

- Et c’est supposé m’aider ?

- Affûter son esprit et prendre des décisions rapides est primordiale, particulièrement lors d’un affrontement. Il y a des leçons que tu vas devoir apprendre et cela me permettra aussi de les amener sans avoir besoin d’un vrai conflit. Prête ?

- Je crois.

- Bien. Tu as les blancs, donc tu commences.

Dire qu’il me battit au jeu serait un euphémisme. Il ne montra aucune pitié et me massacra en quelques minutes sans perdre la moindre pièce en dehors d’un pion qui avait servi d’appât. Je fixai l’échiquier d’un air surpris avant de le regarder alors qu’il se lissait le menton pourtant vierge de toute barbe. Puis il sourit.

- Une autre ?

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Re: La Commanderie d'Opale

Message par Yliria » ven. 26 août 2022 19:04

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- Tu te joins à l’entraînement finalement ?

Trois semaines après le début de ma formation concernant la gestion de la commanderie et de ma place dans son organisation, j’étais finalement descendue en tenue de combat complète pour le premier vrai entraînement depuis ce qui me semblait être des mois. Mon armure et mes armes avaient eu le temps de prendre la poussière et il m’avait b fallu près d’une demi-heure pour leur faire retrouver leur éclat et leur propreté. Sorinion m’accueillit avec un air sérieux, mais la lueur dans ses yeux m’en disait suffisamment long : il était soulagé de me voir peu à peu redevenir moi-même. Non pas que j’abandonnais l’idée de la formation, mais la routine qui s’installait à la commanderie commençait déjà à me faire tourner en rond malgré tout ce que je devais faire. Tout cela manquait d’actions concrètes et j’avais fini par en prendre conscience pour finalement descendre ce matin dans la cour tandis que les autres n’étaient pas encore là.

- Je pense que j’en ai besoin. Je n’ai pas envie de rouiller.

- Souhaites-tu faire quelques passes ? Cela nous échauffera.

Je ne pus m’empêcher de lui renvoyer un regard entendu. Je savais très bien que ce serait bien plus qu’un échauffement, Sorinion ayant la fâcheuse tendance à me pousser dans mes retranchements. Enfin il le faisait avant, mais je doute que cela ait changé, contrairement à beaucoup de choses ces derniers temps. J’acquiesçai pourtant. Sorinion était un vétéran, un combattant expérimenté qui savait ce qu’il faisait. Je risquais moins avec lui que contre à peu près n’importe qui qui pourrait s’enflammer lors d’un échange de coups. Je fixai un instant ma rapière pendant à mon flanc, consciente que ces semaines entières à délaisser le moindre entrainement personnel pouvait me coûter cher si jamais quelque chose devait arriver.

- Tu hésites ?

- Je me demandais juste si je n’ai pas attendu trop longtemps avant de me reprendre.

L’air de Sorinion devint plus sérieux lorsque je reposai mon regard sur lui, mais rien dans son attitude ne me laissa penser qu’il hésitait à croiser le fer malgré tout.

- Tu avais besoin de temps, tu n’as pas à t’en vouloir. Tout comme tu prendras le temps qu’il faudra pour te remettre en forme. Allez, montre-moi ce que tu sais faire.

Je hochai la tête, dégainai, inspirai lentement avant de lui faire face. Sa posture, je l’avais vu des dizaines, peut-être même des centaines de fois, et pourtant, j’avais l’impression de redécouvrir la moindre parcelle de ses mouvements. Je n’avais pas repris l’entraînement depuis que les dieux m’eussent faite vieillir et si je m’étais habituée sans trop de mal pour la vie quotidienne, ce n’était pas le cas du combat que j’avais sciemment évité, persuadée que rien de bon n’en ressortirait. Je m’étirais alors, échauffant mon corps, faisant quelques légers sauts pour me mettre en jambe pour ensuite me mettre en garde face à un Sorinion portant ses deux habituelles épées. Après des mois, des années même, à me battre, j’avais pris l’habitude de toujours être sur l’offensive. J’étais toujours plus petite, moins forte, parfois moins expérimentée que mes adversaires et devais tout donner aussi vite que possible pour ne pas entamer un combat d’endurance que j’étais presque certaine de perdre. Tout ça était flou à présent, je n’étais plus sûre de mes capacités, de mes limites. Je me devais de les tester.

- Quant tu es prête.

J’inspirai, resserrai la prise sur le manche de ma rapière, et engageai le combat d‘un bond. Ma lame glissa sur la sienne, déviée et mon bouclier intercepta son attaque. Les coups s’enchainèrent alors. Je feintai, tournoyai, reprenant peu à peu mes marques. Le combat gagna en vitesse, puis en intensité. Mes coups étaient plus rapides, plus précis, mais pas une fois je e sentis la colère ou la rage qui parfois m’emportait lors des combats. J’étais calme. Mes yeux ne se posaient que sur les points faibles de la défense de Sorinion, je laissai mes autres sens et mon instinct intercepter ses assauts. Lui semblait être parfaitement sérieux, ne laissant jamais d’occasion gratuite, cherchant sans cesse une faille, reculant, avançant, tournant avec moi au beau milieu de la cour où résonnait les sons des coups. Plusieurs fois je le touchai, mais sans jamais que ce soit important pour me déclarer vainqueur. Plusieurs fois je reçus un coup, mais trop léger, trop superficiel pour le considérer comme autre chose qu’une estafilade sans conséquence

Je sautai, mettant tout mon poids dans mon attaque qu’il para, me repoussant. Je me laissai tomber, profitant de l’élan pour lui faucher les jambes. Il en profita pour faire une attaque ascendante qui frôla mon menton. Je reculai d’un bond, il se releva d’un saut. Nous nous fixâmes, chacun reprenant notre respiration. Je sentais la sueur couler le long de mes tempes et sur mon front, mais l’essuyer serait une erreur dont il profiterait. Il roula des épaules avant de se remettre garde.

- Tu t’en sors bien

- Je pensais être plus rouillée que ça, pour être honnête.

- On ne se débarrasse pas si facilement de mois d’entrainement et d’expérience.

Il avait sans doute raison. Le combat repris, devenant plus fluide, telle la danse que nous utilisions tous les deux pour tenter de gagner l’avantage sur l’autre. Malgré tous les combats que Sorinion et moi avions pu avoir au fil des entraînement, c’était le premier qui me semblait aussi intense. Aucun de nous deux ne cédait le moindre pouce. Ce qu’il avait en force et expérience, je le compensai en vitesse et adresse. L’échange se termina avec un coup de sa part qui me meurtrit l’épaule alors que ma rapière percutait son torse. Nous reculâmes tous les deux, grimaçant chacun de notre côté, nous fixant l’un l’autre avant de chacun baisser nos armes en nous souriant.

- Tu as progressé, avant tu ne me tenais pas tête de la sorte.

- On sait tous les deux que tu as gagné, mais merci.

Je m’approchai de lui et apposai ma main sur son torse, laissant mes fluides solaire soigner sa blessure. Il me fixa étrangement et je haussai un sourcil.

- Quoi ?

- Je me demandais pourquoi tu n’utilisais jamais ta magie pendant nos entraînements.

- C’est un entraînement martial, ça n’aurait pas d’intérêt. Et puis je ne pense pas que tu ais très envie d’encaisser des boules de feu.

Cela le fit sourire et grimacer en même temps tandis que je retirai ma main de son torse désormais exempt de toute douleur.

- Merci, Yliria. Et tu as sans doute raison, je me passerai volontiers de me battre contre ta magie. Et vous autres, il est temps de se mettre au travail ! Et plus vite que ça.

Je tournai la tête, voyant les Danseurs nous observer. Ils avaient sans doute assisté au combat. Nyllyn fut la première à s’approcher, un sourire rayonnant sur le visage. Elle posa sa main sur mon bras, croisant mon regard.

- Je te préfère comme ça.

Et je pensais exactement la même chose.


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Re: La Commanderie d'Opale

Message par Yliria » mar. 6 sept. 2022 22:16

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Retour à Oranan

L’homme n’était pas bien bavard. Il prononça juste quelques mots et je repartis aussi sec avec ma fiole de fluides dans les mains après avoir donné la même somme qu’à la marchande. Une fois sortie du temple, je repris le chemin de la commanderie d’un pas leste, listant dans ma tête tout ce que je devais encore faire avant la tombée du jour et le repas du soir. Pas grand-chose, au final, mais j’allais devoir m’y atteler avant que la journée ne soit trop avancée. Je saluai les deux gardes en factions devant la porte avant de me diriger vers le hall, mais la voix de Sorinion m’interpela. Je tournai la tête et le vis finir de descendre les escaliers, un air inquiet sur le visage.

- Il y a un problème ?

- Il pourrait y en avoir un. Viens avec moi.

Je hochai la tête et le suivis jusqu’à son bureau, croisant Nyllyn au passage qui me lança un regard interrogateur auquel je répondis par un haussement d’épaules indécis. L’air de Sorinion m’intriguait mais je me gardai de poser des questions, certaine que j’aurai les réponses en temps et en heure. Il poussa la porte de son bureau, dévoilant le capharnaüm organisé auquel j’étais habituée et s’installa derrière sur son siège tandis que je me plaçai face à lui.

- Il y a eu un incident à Oranan.

Au moins il ne tourna pas autour du pot. Je retins de justesse un « encore ? » malvenu et haussai plutôt un sourcil en me penchant pour écouter attentivement. Les souvenirs des événements qui s’y étaient déroulés des mois auparavant me revinrent en mémoire et un frisson d’angoisse remonta le long de mon échine. J’espérai que cela n’était qu’une douloureuse coïncidence.

- Le bâtiment de la milice de la ville a été soufflé. L’explosion est d’origine inconnue mais… nous savons plus ou moins qu’elle en est l’origine. Sais-tu qu’il est possible de voyager entre différents mondes ?

- Oui, j’ai rencontré quelqu’un l’ayant fait, et Tanaëth m’a parlé de l’invasion d’Omyre via un autre monde, même si je n’en sais pas plus… Quel rapport ?

- Le rapport, c’est qu’on voyage grâce à ce qu’on appelle des fluides spatiaux. Ils sont sévèrement contrôlés et… l’un d’entre eux se situe dans le bâtiment de la milice d’Oranan, celui-là même qui vient d’être soufflé.

- Et ce serait ce fluide qui aurait fait une telle explosion ?

- De ce que le rapport indique, cela ne devrait pas être possible, sauf peut-être si quelque chose l’avait provoqué… de l’autre côté.

- Tu penses que c’est volontaire ?

- Difficile à dire, mais c’est une possibilité et nous savons tous les deux que cela n’augure rien de bon.

Je hochai la tête, comprenant le problème. Si un fluide devenait instable, cela pouvait mettre en danger la ville entière, voire même bien plus, mais si quelqu’un tirait les ficelles d’une telle chose et tentait quelque chose comme une invasion… Oranan devait toujours être exsangue malgré les mois passés depuis la bataille. La moindre menace deviendrait un véritable problème qui pourrait anéantir la cité pour de bon. Il restait cependant quelque chose qui me tracassait.

- Je comprends bien le problème… Mais pourquoi tu m’en parles spécifiquement ?

- La milice rassemble des volontaires pour aller voir ce qu’il se passe de l’autre côté… des aventuriers. Et comme tu es connue dans le coin…

- Ah… Je vois… Tu veux que j’aille mettre mon nez là-dedans pour que l’Opale sache ce qu’il se passe et prenne des mesures si besoin ?

- C’est l’idée. Je doute qu’ils laissent passer n’importe qui et ta réputation sur place n’est plus à faire.

J’ouvris la bouche avant de la refermer, indécise. La vie à la commanderie était paisible, routinière, rassurante et sûre, bien loin de l’incertitude d’une vie de voyages et d’aventures qui nous tombaient sur le coin du nez. Et pourtant, après tout ce temps, l’idée de repartir ne prit pas longtemps pour se frayer un chemin. Me voilais-je la face à ce point en disant que je préférais une vie calme ? Je soupirai en me frottant la nuque.

- Est-ce un ordre ?

- Non, mais c’est une mission tout ce qu’il y a de plus officielle et tu as carte blanche une fois sur place.

En résumé, je faisais ce que je voulais tant que la mission était ma priorité et que je trouvais la raison ou les responsables de l’explosion. Et pour cela, j’allais devoir aller sur un autre monde et découvrir de mes propres yeux ce qu’il s’y passait.

(Je sens l’excitation de l’aventure ! Allez ! C’est parti !)

- C’est d’accord, je vais m’en charger. J’irais à Oranan. Quand dois-je partir ?

- Merci Yliria, je savais qu’on pouvait compter sur toi. Pars dès que tu peux, c’est plutôt urgent.

- Je vois… Autant me préparer rapidement dans ce cas.

Je me levai avant de m’arrêter, une dernière question au bord des lèvres.

- De quel monde s’agit-il ?

- Le monde ? Aliaénon.

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