Les Mines

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Yuimen
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Les Mines

Message par Yuimen » jeu. 4 janv. 2018 20:13

Les mines de Mertar

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De quoi aurait l'air une ville Thorkine sans mine? Mertar ne faillit pas à la règle et en possède de nombreuses dans la montagne au cœur de laquelle la ville s'est construite.
Toutes les entrées des souterrains se situent non loin de la taverne de l'Enclume Étincelante, lieu où se retrouvent tous les mineurs de Mertar. Il s'agit d'un long couloir, qui fait aujourd'hui plus de trois kilomètres et ne cesse d’être agrandi. Si l'on se promène le long de ce couloir, on peut observer les différentes galeries de minage qui s'enfoncent dans les profondeurs.

Maintenant, penchons nous sur la description d'un tunnel classique. La taille de ce couloir permet de faire avancer deux chariots côte à côte sans se gêner réellement. Un petit panneau indique le propriétaire d'un couloir - souvent un Thorkin dans une situation sociale favorable - ainsi que les mineurs autorisés à travailler dans ce boyau; rares sont d'ailleurs les mineurs à posséder leur propre tunnel et à travailler à leur compte. L'entrée est souvent décorée, afin de montrer l'étendue de la richesse du propriétaire.

La mine de Mertar est réputée pour sa clarté et son extraction record de minerais et de pierres précieuses, y disposer d'une galerie est synonyme de richesse et chaque détenteur de couloir peut se vanter d'en posséder un.

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Vohl Del'Yant
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Re: Les Mines

Message par Vohl Del'Yant » dim. 7 avr. 2019 11:18

A mesure qu’ils avancent dans les tunnels, Vohl constate que la plupart sont d’une largeur amplement suffisante pour leur circulation avec les montures. Des rails permettent d’acheminer des chariots pour le transport du matériel et des matériaux : dans l’un de ceux qu’ils croisent, ils trouvent sans problème des pioches. De piètre qualité sans doute pour des mineurs expérimentés, mais c’est bien suffisant pour leur propre maîtrise de cet outil.

Muni de sa pioche, Vohl laisse Hïo le guider le long du tunnel principal, puis bifurquer dans des tunnels annexes. Bien que de moindres dimensions, ces derniers restent calibrés pour le passage d’un chariot et les montures n’ont pas de problèmes pour avancer. Le protecteur découvre des galeries plus ou moins uniformes à ses yeux : hormis le sol, les parois sont irrégulières, piochées selon l’expertise que font les mineurs. Les cavités parfois impressionnantes signalent au choix un acharnement presque psychotique contre la roche ou l’extraction d’une belle poche de minerai.

Dans ce labyrinthe, Hïo semble avoir autant de mal que lui à se repérer. Ce n’est pas si surprenant, selon Vohl : la dernière fois qu’il est venu ici, c’était il y a quelques années, et l’extraction du minerai s’était faite finalement plutôt rapidement, de ce qu’il a compris des récits du jeune homme. Par ailleurs, les galeries peuvent sans doute être rebouchées si elles sont jugées inintéressantes, tandis que de nouvelles sont creusées lorsqu’il y a suspicion d’un filon.

A plusieurs reprises, le forgeron fait demi-tour, pris de doute, avant de les emmener de nouveau dans le même tunnel. A la recherche de la galerie perdue, il s’arrête aussi par moment. Lorsque Vohl lui demande s’ils sont définitivement perdus, son protégé lui demande sèchement de réfléchir plutôt que de le gêner. Bien que la réflexion soit pleine de bon sens, le mercenaire ne peut s’empêcher de se sentir insulté, et attribue le ton sec du jeune homme un peu trop fier au fait qu’il ne sache pas réellement comment ni où retrouver la fameuse galerie.

(Et ce vent qui n’arrête pas de forcir ! Il fait si froid que l’on se croirait dehors...les forges de Mertar semblent bien loin en ce moment !)

En effet, alors qu’ils avaient tous deux ôté leur manteau en entrant dans la ville souterraine, les courants d’airs glacent le lieu, permettant même la création d’une multitude de stalactites erratiques et torturés au niveau des roches perméables du plafond. Ces structures aériennes sont instables, mais ne représentent pas de danger, trop fines et trop légères pour faire le moindre mal si elles venaient à se décrocher. C’est après ce raisonnement, par association d’idées, qu’il fait le lien entre la force de ces bourrasques souterraines et la formation du métal élémentaire. La faerunne étant produit par des veines de fer exposées au froid et à la force du vent, il est effectivement logique de rechercher les zones les plus venteuses de la mine.

(C’est donc cela qu’il cherchait. Il essayait de se guider au gré du vent.)

Hïo fait écho à ses pensées en dénichant l’anfractuosité qu’ils cherchent depuis le départ.

« Ha ! C’est ici ! »
« Où ça ? »
« Ici ! Mais il faut que tu t’approches ! »

Vohl obéit : devant lui, un interstice ridiculement étroit crachote en sifflant légèrement l’air froid de l’extérieur de la montagne. Un point le gêne.

« On ne pourra pas passer par là. Ni toi, ni moi. Ça ne peut pas être le tunnel dont tu m’as parlé ! »
« En fait, il y a une astuce. Il faut être un poil souple, et pas épais. Mais on devrait passer. Regarde mieux. »

Le protecteur s’approche sans vraiment croire à ces derniers mots. Il est clair que le passage est trop étroit. Lorsqu’il s’approche et met vraiment la tête dans le mince passage, il s’aperçoit qu’un coude donne en fait l’illusion que le passage est fermé, sans que ce soit réellement le cas. Comme le passage est de biais, il n’y a dans la paroi du tunnel principal aucun décrochement facile à remarquer. Hïo constate la surprise de l’assassin, et interprète le changement de maintien lié à ses réflexions sur le passage.

« Rassuré ? »
« Disons que je comprends un peu mieux pourquoi tu étais si sûr de toi. Il y a effectivement peu de chances de découvrir cette voie si on ne la cherche pas. »
« N’est-ce pas ? Allons-y tant que la galerie est vide. Passe en premier. Et fait attention, le chemin à la sortie est près du vide. Nous allons voir s’il reste de la faerunne, dans un premier temps. »

Vohl s’immisce dans le tunnel, laissant Mahô et le cheval de trait dans la galerie principale. Sans les outils, il doit déjà se tordre pour passer le coude de ce boyau minuscule. Les irrégularités de la roche lui massent douloureusement le dos, lui écrasant la cage thoracique, l’empêchant de prendre de grandes goulées d’air. Même lors de sa formation dans les égouts, il n’avait rien croisé d’aussi étroit. Une sensation dérangeante que celle de ne plus pouvoir emplir ses poumons d’air, qu’il soit vicié ou non. Une sensation oppressante, qui le pousse à fermer les yeux. Il se force à se calmer. Il inspire. Trop peu, mais les pics de roche l’empêchent de remplir ses poumons plus avant. Une boule d’angoisse se forme dans son ventre. Il manque d’oxygène, et le tunnel semble se rétrécir beaucoup trop à chaque inspiration ! Il décide d’avancer pour tenter d’atteindre une zone plus large. Peine perdue : son torse gonflé à bloc est bloqué par les deux parois ! Coincé, en manque d’oxygène, la patience de Vohl est mise à rude épreuve et sa colère le pouce à forcer son chemin. Les pointes qui parsèment la roche lui griffent les bras jusqu’à ce qu’apparaissent des traînées sanglantes sur sa peau. La colère l’aveugle, mais il a malgré tout besoin d’air : il lutte pour avaler, par petites goulées, la moindre portion d’oxygène à sa disposition.

« Souffle ! Diminue le volume de tes poumons pour respirer plus à ton aise ! »

Son manège a visiblement fait suffisamment de bruit pour que Hïo lui prête attention. Il a compris ce qui se tramait, et prodigue des conseils à son protecteur pour qu’il vienne à bout de sa petite crise d’angoisse et de claustrophobie. Vohl se force à expirer. Au sens premier – il ne maitrise de toute façon pas le sens euphémistique. Un voile noir commence à naître devant ses yeux alors qu’il soupire le peu d’oxygène qui subsiste dans son organisme. Aussitôt, il inspire. L’air entre bien plus facilement dans ses poumons, et la menace de perte de connaissance s’éloigne aussitôt. Il répète l’opération plusieurs fois, se calmant progressivement par les respirations profondes et calmes. Il reprend ensuite sa progression lente mais régulière. Quelques minutes plus tard, ils sortent tous deux du passage secret.

Le vide n’est effectivement pas loin. Sans être à l’étroit, les deux mineurs improvisés ne peuvent toutefois se tenir côte à côte sans risquer de faire faire un plongeon à l’un d’entre eux. D’un coup d’oeil, Vohl estime la chute à une dizaine de mètres. Il chemine au plus proche de la paroi glacée.

« C’est ici que nous avions extrait quelques doses de métal. Nous avions extrait une certaine dose, mais sans épuiser le filon : et comme ceux qui ne souhaitaient pas nous voir y accéder ne sont plus de ce monde, je pense que la veine est encore accessible...mais elle a sans doute été enfouie par la glace qui s’est formée par-dessus. Ah ! Voilà, c’est là ! »

Il pointe du doigt une corniche étroite. La glace recouvre effectivement la roche à cet endroit : il leur faudra la casser avant d’arriver à leurs fins. Et pour cela, ils ont besoin de pioches. Une petite corde pour s’assurer l’un l’autre ne serait sans doute pas superflue non plus. Ils n’ont actuellement aucun matériel, ayant tout laissé avec leurs montures. A l’idée de traverser deux fois de plus l’étranglement rocheux, Vohl ne se sent pas à l’aise. Hïo finit par se détourner lui aussi de la zone qu’il désignait.

« Il faudrait que l’on casse au moins un bout de glace immédiatement, pour vérifier que la faerunne est bien dessous. On pourrait faire ça avec... ça ne va pas ? »
« Si, pas de soucis. »
« ...Si tu recommences à ne plus me dire la vérité, je sens qu’on va avoir de nouveaux problèmes. »

La réflexion prend son sens pour la discussion en cours, mais elle marque surtout l’écho de son mensonge par omission. Hïo ne sait pas que d’autres tueurs sont probablement encore à leurs trousses.

« En fait... »
« J'ai bien compris ; y a qu’à te voir pour savoir que tu ne veux pas repasser dans le goulot ! Mais il faudra bien t’y faire, je ne crois pas qu’il y ait d’autres sorties ! »

Vohl opine en silence.

« Bon, j’y vais ! A tout de suite ! »

Le forgeron s’éloigne aussitôt d’un pas qui réussit à être à la fois vif et hésitant.

(Il n’a pas l’air très à l’aise non plus, ceci dit !)

Quelques minutes plus tard, le voilà de retour avec deux pioches. Il en donne une à son protecteur.

« Et voilà ! Et maintenant... au boulot ! »

Vohl se positionne face à la glace, saisit le manche à deux mains, et soulève l’instrument au-dessus de sa tête. S’il se voyait d’un œil extérieur, il croirait sans doute lui-même à une parodie de mineur, tant la posture parait ridicule. Il abat l’outil avec force. Quelques éclats de glaces volent dans les airs, une fine poudre venant rafraîchir ses mains. Sur la glace, un trou d’une bonne taille est visible mais il est encore bien loin d’avoir ôté la masse.

Il réitère l’opération, pour le même résultat assez désespérant. L’accès au métal est toujours bloqué par la glace, avec toute fois le progrès douteux d’avoir ponctué la glace de petits éclats blancs. Il jette un coup d’oeil au forgeron : lui se débrouille indéniablement mieux, décrochant de petites plaques de glace à chaque coup. Le protecteur décide de copier la méthode employée par Hïo : des coups plus précis, mais surtout, en attaquant aux endroits où la glace est la plus fine, c’est à dire le plus loin des cavités creusées. Vohl rechigne d’abord à contrôler l’intensité de sa frappe, avant de changer d’avis lorsqu’un coup particulièrement mal contrôlé ne vienne heurter la pierre. Le choc se répercute dans tout son bras et jusqu’à son épaule. Il contient de justesse un pas en arrière : le vide qui l’attend derrière n’est pas si profond, mais il n’a aucune envie d’expérimenter la chute. Il pousse une exclamation rageuse : sa main est complètement engourdie par le choc et le froid.

Faisant passer sa pioche dans l’autre main, il étend et replie les doigts. Quelque chose lui échappe. Il essuie la sueur qui lui coule sur le front malgré le froid ambiant.

( Hïo a certes plus l’habitude de traiter avec ce genre de tâche, mais ça n’explique pas la différence de niveau. Il doit y avoir autre chose.)

Le protecteur reprend sa minutieuse analyse de ce que fait le forgeron, tâchant de se forcer à l’observer et non à divaguer. Depuis le début du voyage, il n’a pas vraiment eu le temps de se reposer pour compenser le manque de sommeil accumulé en territoire garzok. Il ne pourra pas remettre à plus tard cette récupération, car il a le sentiment que les ennuis recommenceront dès leur sortie de Mertar. Après environ cinq minutes d’observation vaine, le protecteur désespère un peu de trouver une information sans la demander. Ses yeux papillonnent un peu et il sent une lassitude intense l’envahir.

« Hïo? »

Le jeune homme est absorbé par sa tâche.

« Hïo? »
« Pardon, Kage. Qu’y a-t-il ? »
« Je ne suis pas vraiment efficace. Est-ce que tu as une astuce pour que je puisse aller plus vite ? »

Le jeune homme se frotte le menton, sur lequel une petite barbe commence à se former.

« Je ne sais pas : je suis forgeron, pas mineur. J’essaie de reprendre un maximum les astuces de la forge, mais les pioches ont un manche en bois, ce qui fait qu’elles sont moins rigides que le métal. Je n’ai pas l’habitude, j’ai le sentiment qu’elle peut se casser à tout moment ! »

(C’est plutôt l’inverse, pour moi !)

« Ah ? Tu n’as pas l’impression que tes coups résonnent dans tout ton corps ? »
« Hahaha, oui, je vois ce que tu veux dire...ça me faisait pareil, au début ! »
« Comment ça ? On s’habitue ? »
« Pas vraiment...en tout cas de ce que je sais, ce n’est pas bon signe de s’habituer à cette douleur-là. En fait, mon paternel me faisait toujours la leçon sur ceux qui tapaient comme des sourds sur l’enclume. Il disait : « Encore un qui deviendra vieux avant l’heure ! ». En fait, il faisait attention à ce que je ne tape pas trop sur les barres en fer. Il disait qu’il fallait sentir si...Ah ! »
« Quoi ? »
« Eh bien, il m’a répété tellement de fois que je n’y pense même plus désormais. »
« Mais quoi donc ? Arrête de te faire prier ! »
« Oui, oui, désolé ! En fait, il faut faire comme si tu voulais lâcher le marteau quand tu percutes l’enclume. Enfin, la pioche et la roche du coup. »

(C'est stupide !)

« Mais elle va rebondir...non ? »
« Non ! Euh... Ah, je m’exprime mal : il ne faut pas la lâcher vraiment. Il faut desserer sa prise. Voilà, c’est ça ! Quand on débute, on a envie de serrer de toutes ses forces le manche pour transmettre toute la force du mouvement et être le plus précis possible. Tu dois sans doute faire ça, non ? »
« Eh bien... Oui. En même temps, il vaut mieux y aller fort et être précis, non ? »
« Si, si ! Mais en fait, tu ne perds presque rien en précision si tu laisses l’outil finir sa course tout seul : il ne va pas subitement décider de bifurquer ! En fait, c’est plus l’inverse, car tu as simplement une petite partie de trajectoire à effectuer toujours de la même façon à chaque coup...et ton marteau...enfin ta pioche, arrive ainsi au même endroit ! »
« J’ai un peu de mal à te suivre. »
« Eh bien, imagine que tu me regarde faire, et que tu trace un trait au stylet dans l’air lorsque je guide la pioche. Tu visualises ? »

En donnant ses indications, Hïo mime les situations. Malgré l’incongruité du contexte et du sujet aux yeux de Vohl, l'aspect comique ne l’empêche pas de veiller à ce que les gesticulations de son protégé ne le rapprochent pas dangereusement du bord de la corniche. Il reconnait toutefois un certain talent professoral au jeune homme. La passion qu’il transpire en évoquant les conseils familiaux de la forge ne sont sans doute pas étrangers à ce succès.

« Oui. Tu veux dire que plus le trait que je vais tracer est court, plus finalement je réduis le risque d’en dévier, et donc de ne pas frapper deux fois au même endroit. »

Hïo pointe de nouveau son doigt sur la partie travaillée par Vohl. La surface bleutée constellée de piqûres blanches est un témoignage effectivement éloquent.

« J’ai bien l’impression que c’est ce qui se passe, non ? Et par ailleurs tu verras que la force du coup ne diminue pas ! Au contraire ! »
« Je m’incline devant le raisonnement. Je vais essayer. » [/color]

Il retourne devant le mur de glace. Le forgeron a pris une avance assez large, mais l’assassin peut encore arriver à un résultat honorable. Il brandit la pioche, lui donne de l’élan, desserre sa prise... des éclats de glace volent dans les airs... et il manque de recevoir le retour de la pioche en pleine tête. Le manche vient rudement heurter son bras.

(J’ai donné beaucoup trop de mou !)

Mais il se sent effectivement plus proche de réussir que pendant ses tentatives précédentes. Il arme un nouveau coup après s’être massé brièvement. Une nouvelle fois, il donne de l’élan à la pioche, sans forcer, en tentant de reproduire exactement le même mouvement du buste et des bras. Ses jambes sont fermement plantées dans le sol. La glace s’éparpille à deux centimètres du précédent impact.

(Là, c’était bien ! J’ai simplement encore un peu trop guidé ! Encore !)

Et il enchaîne ainsi les frappes. Il se rend vite compte que cette méthode, si elle n’est bien sûr pas dénuée d’exigences physiques, permet une bien meilleure économie des forces. Pas étonnant que les forgerons l’utilisent : s’ils tapaient sur le métal toute la journée comme il le faisait il y a quelques instants, leurs poignets seraient en compote en l’espace d’un an ! C’est en se faisant cette réflexion qu’un bon morceau de glace se décroche, dévoilant une portion de terre. Pas de métal précieux en vue, mais un intense sentiment de satisfaction étreint Vohl.

Les pans de glace se décrochent progressivement ; tantôt par petits blocs de la taille d’un poing, tantôt par morceaux plus grands, jusqu’à la taille d’un avant-bras. Malgré l’efficacité de cette technique, l’effort fait rapidement chauffer les muscles de Vohl. Il est en nage lorsque Hïo lui indique qu’il a fini de mettre à jour la veine de métal : il va pouvoir commencer à attaquer la partie de fouille à proprement parler. Une question traverse l’esprit du protecteur :

« Comment reconnaîtras-tu la faerunne ? Les fluides de vent ont changé l’aspect du métal ? »
« C’est exactement ça : le fer prend des reflets irisés. Ça va du bleuté au grisé, en passant par le vert...des fois, cela varie même au cours du temps pour un même échantillon. »
« Bon, ça devrait être plutôt simple, du coup. »
« En réalité non...tu m’as posé la question pour la faerunne. Donc je t’ai répondu pour la faerunne. Mais les filons de faerunne pure sont pour ainsi dire inexistants : quand nous allons attaquer la partie de fouilles, il faudra prêter une grande attention au moindre coloris, et à la moindre variation de teinte. Car en fait nous allons extraire une grande quantité de fer, dans laquelle se trouvera, si on est chanceux, une solide partie de faerunne. »
« Par solide, tu entends... »
« Trente pourcent serait un miracle. »
« Tu veux dire que... »
« Exact. Pour extraire l’équivalent des cinq doses, il faudra surement extraire au moins vingt doses de fer apparent. »
« Dans tes récits précédents, je n’avais pas l’impression que vous ayez extrait tant de roche que cela... »
« Cherock était devenu fulguromancien, ce qui lui permettait d’avoir une certaine affinité avec les métaux, de par leur magnétisme. La faerunne n’est pas magnétique : c’est une propriété qui a été brisée par l’afflux de fluides de vents. »

(Encore un fulguromancien...)

« Mais comme elle est mêlée au fer, qui lui est magnétique, il faut une précision suffisamment pour pouvoir faire la distinction. »
« Tu saisis vite. Parfois. »

Sourire sardonique de Vohl.

« Je te retourne la remarque. Avec le circonstanciel. »

Hïo rit. Son protecteur se joint à lui l’espace d’un instant, avant de reprendre la réflexion amorcée.

(Si la faerunne n’est pas aimantée, il est sans doute possible de faire la distinction immédiatement avec le fer. Mais pour cela, il faudrait qu’elle puisse se séparer des enclaves métalliques, cela sera compliqué.)

Il y a deux solutions, qui font dans tous les cas utiliser un aimant d’une certaine taille. Première possibilité : faire fondre le métal. Une fois à l’état liquide, le mélange pourra se réorganiser sous l’influence d’un champ magnétique, du même style que ceux envisagés un temps pour dévier les flèches ennemies. L’un des problèmes de cette méthode, c’est le besoin en énergie pour faire entrer le métal en fusion. Le second problème est lié au premier : il faut pouvoir fournir cette énergie de façon continue. Cela demanderait des aménagements conséquents du tunnel, et donc un manque crucial de discrétion. Un dernier problème vient compléter le tableau avec l’attention qu’il faudra prêter à la fusion pour éviter d’abimer le métal.

« Lorsque l’on porte un métal à trop haute température, cela le débarasse de ses impuretés ou cela risque de l’abimer ? »
« Tu commences à penser comme un forgeron, Kage. J’ai pensé à cette méthode aussi. Mais... »
« Oui. Ce sera bien trop compliqué à mettre en œuvre. »
« Oui. »

Les deux hommes repartent dans leurs réflexions. La seconde méthode, selon Vohl, consiste à en fait extraire le métal avant de le réduire en poudre, pour pouvoir utiliser le poids négligeable de cette poussière pour la soumettre à un tri par champ magnétique. L’effort demandé ici sera purement mécanique, ce qui est plus en accord avec ce qu’ils peuvent accomplir. La taille des particules soumises au tri pourra varier selon la taille de l’aimant qu’ils arrivent à se procurer. Les limites de cette méthode lui apparaissent encore. Dans un premier temps, s’ils veulent véritablement ne récupérer que la faerunne, ils devront, quelle que soit la taille de l’aimant, présenter une poudre et non des blocs. Car dès que la présence de fer sera suffisante dans la roche, il sera récupéré par l’aimant, emportant avec lui la faerunne qu’il contient.

« On pourrait réduire en poudre... »

Il secoue la tête. Cette solution ne convient pas. Il en présente selon lui les différentes raisons : Hïo se range finalement à son avis.

« Il n’y a peut-être pas de solution, tout simplement. Le meilleur compromis est sans doute d’extraire un volume approximatif de matière brute, et de laisser l’un des forgerons thorkin se charger de séparer le bon grain de l’ivraie. »
« Peut-être...ou pas. Laisse-moi encore quelques minutes. »

Vohl vient d’imaginer une adaptation de la balance utilisée pour peser les morceaux de viande ou les sacs de grains, sur les marchés. Si on pèse le bloc de métal, et qu’on effectue une nouvelle pesée en plaçant un aimant au-dessus de la balance, le poids devrait diminuer de façon suffisamment notable pour que l’on connaisse la proportion réelle de faerunne dans le morceau. Ils pourraient alors décider ou non de réduire le morceau en poudre pour récupérer la faerunne. La seule contrainte à cette estimation est de placer l’aimant à une distance toujours identique à un morceau de métal toujours environ des mêmes dimensions. La distance identique ne pose pas problème, puisqu’il y aura uniquement à fixer l’aimant à la colonne de la balance. Le volume est légèrement plus contraignant. D’abord, cela veut dire qu’ils auront besoin d’un burin et d’un ciseau à pierre. Et ensuite, cela veut dire qu’ils auront de petits résidus de roche lorsqu’ils voudront analyser les blocs excavés.

(Mais cela ne devrait pas poser problème...On pourrait partir du principe que les ‘chutes’ de roche ont la même proportion de faerunne que le morceau mesuré.)

Il redresse la tête et fixe son regard sur celui de Hïo, qui a levé les yeux en captant son changement de position.

« J’ai une idée. »

Le regard du forgeron se fait attentif.

« Vu que nous ne pouvons pas sortir de grands volumes discrètement par ici, nous allons devoir vérifier que ce que nous sortons en vaut la peine. As-tu un burin ou des outils de taille des roches ? »
« Evidemment. »
« Alors la seule chose dont nous aurons besoin est un aimant. Dans une mine comme celle-ci, ce devrait être facile ! »
« La dernière fois, nous n’avions pas eu à utiliser de matériel. Comment comptes-tu utiliser le magnétisme, puisque ni la transformation en poudre, ni la fusion n’est possible discrètement ou efficacement ? »
« Nous allons utiliser...le poids de la roche. En plaçant l’aimant à la verticale d’un plateau de balance, nous verrons les morceaux riches en faerunne continuer à peser de tout leur poids sur la balance. En revanche, les morceaux qui sont trop riches en fer, eux, seront attirés par l’aimant, qui diminuera sensiblement leur poids. D’où l’utilité d’une balance et d’un aimant. Tes connaissances thorkines pourraient-elles nous fournir cela ? »
« Sans doute ! C’est une bonne idée ! »

Un instant de silence suit ses paroles.

« Tu n’es vraiment pas un mercenaire banal, hein. Mêler la physique à des propriétés que tu viens d’apprendre sur les roches, la connaissance des techniques militaires...tu es louche, Kage ! »
« ...Nous en avons déjà discuté : tu n’as rien à craindre de moi. »

Le protecteur ne se sent pas vraiment menacé par les questions et remarques du forgeron. Il s'agit plus de curiosité que véritablement d'un besoin ou d'une volonté de nuire à l'anonymat de son mercenaire.

« Oh, mais je ne crains pas. Je serais déjà mort, si je ne te faisais pas confiance. Mais je me demande qui tu es vraiment. Et ça, ça m’intrigue. »
« Ha ! Si ce n’est que ça ! Remettons-nous au travail, Hïo ! Si nous préparons des morceaux, nous prendrons déjà un peu d’avance. La cérémonie avait l’air d’importance, en ville : penses-tu qu’elle dure jusque ce soir ? »
« Sans doute. »
« Alors il nous reste quelques heures pour travailler ! »

Un premier coup de pioche brise encore de la glace du côté du protecteur, tandis que du côté du protecteur, des morceaux de terres tombent au sol : dans l’objectif de détourer la veine de métal, Hïo préfère piocher autour, dans les matériaux les plus friables, afin de laisser choir au sol les morceaux de métal dégagés. Une bonne idée, note l’assassin du coin de l’oeil. Il atteint bientôt la strate rocheuse, sur laquelle il commence le même travail de sape que son compagnon. Les mineurs ne s’arrêtent que quelques minutes tous les quarts-d 'heure : lorsqu’enfin ils n’en peuvent plus, deux petits tas sont à leurs pieds, de taille respectable pour des débutants. Certains morceaux arborent des veines d’une couleur irisée, indiquant clairement leur intérêt pour la quête que les deux hommes poursuivent, là où d’autres semblent uniquement ferreux. Le métal est déjà fracturé à intervalles plutôt réguliers : le jeu des contraintes géologiques leur évitera de perdre du temps à couper les morceaux métalliques. Une bonne nouvelle, pour changer. C’est après ce constat qu’ils décident qu’il vaut mieux pour eux prendre une bonne dose de repos : demain encore sera une rude journée. Et si les muscles chauds qui roulent sous leurs épaules ne les font pas souffrir pour l’instant, ils ont tous deux conscience que demain, leurs corps leurs feront payer cet exercice répétitif et inhabituel. Ils prennent donc le chemin de sortie de cette enclave. Avant de partir, Vohl regarde la zone dégagée pendant qu’il piochait : la veine métallique semble filer droit vers le bord de la corniche.

« Il faudra ramener des cordes, demain. Et un piton. »
« Alors nous rajouterons cela sur ta note de mercenaire ! »
« Quoi ? »
« Je plaisante, bien sûr. Il n’y aura aucun problème, Brumal nous prêtera sans souci ce qu’il nous faudra ! »

Ils se dirigent vers le tunnel de sortie. Trop fatigué pour angoisser de rester bloquer, le protecteur soupire avec lassitude avant de s’introduire dans le goulot. Curieusement, le retour se passe bien mieux que l’aller. Ils retrouvent leurs montures, qui regardent d’un air blasé les galeries de roches. Le retour en ville se fait vite, et Vohl tâche de retenir l’itinéraire qui lie le filon de faerunne et la maison du fameux Brumal. Un échec. A mi-chemin, il se rend compte qu’il a déjà oublié la moitié des intersections. Il se contente donc de se laisser guider par le forgeron dans les rues qui semblent avoir retrouvé une agitation classique. Au bout de ce qui lui semble être une éternité, ils arrivent devant la maison.

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Vohl Del'Yant
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Re: Les Mines

Message par Vohl Del'Yant » sam. 13 avr. 2019 22:39

La corniche n’a pas bougé, et semble se moquer des épreuves qu’ils ont subies. Le travail accompli par Hïo pendant sa semaine de convalescence saute aux yeux : de nombreux morceaux de roches jonchent le sol, et sur les parois accessibles, les trous sont désormais assez profonds que Vohl puisse y rentrer. Le forgeron n’a vraiment pas chômé. Pourtant, récupérer la faerunne ainsi ne leur a pas porté chance : ils doivent essayer une autre méthode.

Leur détour par le marché leur a permis de s’équiper d’une longue corde et d'une dizaine de pitons ainsi que d’un maillet robuste. Les deux ynoriens ne s’accordent pas de répit supplémentaire : faire les achats leur a dégourdi les jambes, mais loin de fatiguer le ninja, la promenade lui a donné envie de sentir ses muscles rouler sous sa peau. Un peu d’escalade lui permettra de reprendre un peu de tonus avec un activité qu’il maîtrise : cela ne peut lui faire que du bien !

Il se saisit du maillet pour planter le premier piton. Enroulant la longue corde à sa taille, il fixe un nouveau piton au sol avant de faire un nœud à la corde autour de ce dernier. Il accumule les nœuds à l’extrémité de la corde avant de la passer au forgeron.

“Si je tombe, tu es ma première sécurité.”

“Et ce nœud, la deuxième ? Quelle chance j’ai : je vaux plus qu’une corde !”

Vohl rit avant de lui montrer le fonctionnement du nœud. En reprenant un nœud simple, il n’y a pas suffisamment de mou pour que l’extrémité de la corde – celle avec les multiples nœuds - puisse entièrement glisser du piton, même si Hïo la lâche.

“Compris ?”

“Oui. Vas-y, je te tiens.”

“Tiens plutôt la corde !”

“Très drôle.”

Le mercenaire tient dans une main ses pitons, dans l’autre le maillet. La pioche est fixée à sa ceinture, tête en haut. Il plante le premier piton à mi-hauteur, emprisonnant la corde dans le fer à cheval. S’appuyant sur cette prise, il en plante un second, encore à hauteur de hanche. Les coups répétés du maillet font un boucan incroyable, et les muscles de Vohl se réveillent doucement, s’échauffant sous l’effort.

Le troisième piton lui permet d’être à la bonne hauteur : vérifiant que le nœud autour de ses hanches est bien serré, que l’étrier formé par la corde ne lâchera pas, il coule un regard vers le forgeron resté au sol.

“Je vais devoir descendre du piton : je serai retenu par la corde, si tout va bien ! Tiens la bien !”

“Si tout va bien ! Je conçois que certains mercenaires aiment à voir des gens pendouiller au bout de cordes, mais je n’avais jamais entendu que certains se l’imposaient aussi !”

Manifestement, Hïo n’aime guère le vide...et savoir son protecteur au-dessus du précipice n’est pas pour lui plaire non plus ! Vohl sourit mais ne répond pas. Il descend précautionneusement du piton. La corde tient. Il lâche le piton. Pas de craquement ou autre bruit suspect. Il installe ici deux nouveaux pitons qui serviront à tendre le grand pan de tissu entre la roche et lui. Ainsi, à mesure qu’il fera tomber les morceaux de faerunne, ces derniers tomberont dans cette poche improvisée.

Il saisit la pioche, à sa ceinture. Le manche glisse doucement contre la corde qui lui entoure les jambes. Il la brandit, avant de donner un solide coup. Il respecte la technique que lui a apprise Hïo. En lachant presque le manche, la force de l’impact ne le fait ainsi pas trop osciller au bout de sa corde. Il vaut mieux, car il ne tient pas à mettre à l’épreuve la solidité des pitons. Les premiers morceaux de roche qui tombent sont bien plus constituées de terres ordinaires et de fer que de tout autre chose. Après une heure de travail, il range la pioche. On voit un reflet irisé au centre du trou qu’il a creusé. La faerunne sera bientôt à l’air libre ! Mais pour l’heure, ses muscles lui demandent un peu de calme.

“Je fais une pause !”

“Moi aussi !”

“Non !”

La protestation du protecteur provoque l’hilarité du forgeron. Il reste pensif pendant un moment, fixant la petite pastille de faerunne brute qui apparaît derrière le manteau de terre et de fer. Puis il se tourne de nouveau vers son protégé.

“Tu tiens bon ?”

“Oui, ne t’inquiète pas : avec les nœuds et les pitons, tu es presque aussi léger que de la faerunne.”

“Haha. A ton avis, combien nous faut-il de morceaux entiers de faerunne, désormais ?”

“Et bien, tu as vu la taille des deux barres : le métal que l’on va récupérer de cette poche doit encore être affiné, mais il nous faut encore environ trois doses de métal. Nous en avons surement pour plusieurs jours, finalement.”

“Tant que ça ? C’est un peu désespérant. J’ai l’impression que je ne te ramènerai jamais à Oranan.”

“Nous allons y arriver. Comment tu te sens ?”

“Ça va mieux. On va pouvoir s’y remettre !”

Et il s’y remet. Vidant le tissu des morceaux de fer qui y sont restés, il agrippe de nouveau le manche de la pioche. Et frappe contre la paroi. Le son de deux métaux qui se rencontrent lui confirme le diagnostic : c’est bien de la faerunne dans laquelle il est enfin en train de miner ! Petit à petit, les morceaux tombent dans l’escarcelle improvisée du voleur : pas encore de quoi crier victoire, mais tout de même ! Il continue ainsi pendant encore deux bonnes heures avant de replier le tissu sur lui-même, emprisonnant les morceaux métalliques avant qu’ils ne tombent sur les dix mètres qui le séparent de la corniche couverte de neige. Dans son poing, il n’a vraiment pas la sensation de transporter autre chose qu’un vêtement. Il le lance vers Hïo : la balle de tissu achève sa course à moins d’un pied du forgeron.

Finalement, il entreprend de se hisser sur le piton pour faire cesser l’exercice. Ses muscles protestent toujours, mais il se sent bien mieux : une saine fatigue vient remplacer le manque d’énergie latent qu’il éprouvait à son réveil. De retour sur la terre ferme, Vohl souffle un grand coup. Pas si mal, pour une première journée.

“On commence directement le retour vers la maison de Pétunia et Brumal ?”

“Laisse-moi juste souffler un peu !”

Encore rouge de l’effort mené, Vohl s’accorde une bonne pause avant de se remettre en route. Ce soir encore, le “bain” sera frais mais indispensable.

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Vohl Del'Yant
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Re: Les Mines

Message par Vohl Del'Yant » sam. 13 avr. 2019 23:14

Les couloirs de la mine résonnent déjà de coups de pioches lointains lorsque les deux hommes s’insinuent dans le passage étroit. Après avoir brièvement réchauffé leurs muscles encore un peu endormis, tous deux reprennent leurs positions. Vohl manque de tomber en glissant sur la fine couche de glace qui a profité de la nuit pour se faire une place sur les pitons : après cela, il prête une attention accrue à ses appuis. Il se place de nouveau dans la sorte de baudrier rudimentaire qu’il a construit à base de corde et de nœuds. Le protecteur tend de nouveau le tissu entre lui et les pitons à sa hauteur. Il arme une frappe. Le repos lui a fait le plus grand bien : le son métallique résonne avec force dans la cavité.

Un regard inquiet vers le plafond rassure Vohl sur la stabilité des stalactites. Rien ne tombera de ce côté-ci. Un second, puis troisième coup ébranlent la solidité de la veine de faerunne. Ce début est encourageant et bien que ce ne soit qu’une impression car aucune fissure n’est encore apparue sur le métal, Vohl en profite pour renforcer l’impact des coups. Pendant plusieurs heures, il s’acharne contre la paroi, comme s’il passait à tabac un mur de brique qui aurait, pendant un instant d’égarement, insulté sa maternelle. A plusieurs reprises, il fait des pauses dont il profite pour reposer ses deltoïdes et pour envoyer la boule de tissus garnie de morceaux plus ou moins gros de métaux au forgeron.

Il est à peu près la mi-journée lorsqu’il décide qu’il a besoin d’une nouvelle pause, plus conséquente. Il décide de ne donner que quelques coups de pioches supplémentaires avant de repartir sur l’à-pic. Le protecteur et son protégé profitent de la proximité du marché pour subvenir à leurs besoins. Ils ne sont pas déçus du voyage : des lézards grillés, dégageant une odeur de malte prononcée et des chauves-souris cuites à la bière côtoient des articles plus classiques. Hïo, aventureux, décide te tenter l’expérience là où Vohl se contente volontiers d’une louche d’un mélange de riz et d’épices inconnues. A voir l’expression de son protégé, il a bien fait. Dans une grimace, le touriste se résout à prendre une part du même mélange que Vohl.

Malgré la détente apparente, le mercenaire ne relâche pas son attention lors de ce bain de foule inopiné. Les éclats des pièces retiennent son attention, lui faisant voir des dagues où il n’y en a pas. Sans qu’il ose faire la réflexion à son protégé, il prête une attention particulière à la façon dont sont préparés les spécialités auxquelles Hïo décide tout de même de faire honneur.

De retour à la mine pour profiter de la fin de leur repas, il observe à nouveau l’intérieur de la caverne. Le toit est en fait constitué d’un énorme morceau du glacier qui recouvre la montagne thorkine. Et c’est de là que semble venir la lumière, prenant une teinte bleutée lors de sa traversée de l’épaisse couche de glace. Vohl frissonne : l’immobilité le laisse se refroidir à toute vitesse. Il se remet en route vers la corniche, le forgeron reprenant en main la corde pour assurer la stabilité du mercenaire. Aussitôt encordé, Vohl reprend le minage. Un bruit de déchirement se fait alors entendre. Au-dessus de sa tête. Levant les yeux, il comprend instantanément le problème et se fustige tant qu’il le peut de n’avoir pas pensé à regarder cela le matin même : les mouvements brutaux font frotter la corde sur les pitons. La corde obtenue pour une bouchée de pain sur le marché n’est bien évidemment pas de la première qualité et cela explique l’usure prématurée de cette dernière.

Il n’a même pas le temps de planter un piton dans cette roche que la corde cède. Il s’accroche par reflexe à une prise devant lui, sur la paroi. La glace irrégulière lui offre un mince répit. Mais ses mains réchauffées jouent contre lui : la prise devient rapidement glissante et, étalé comme il est contre la paroi, aucune prise aux pieds ne lui permet de se propulser vers les pitons. Il se résout à descendre, trop concentré sur une potentielle chute mortelle pour prêter attention à ce que lui hurle Hïo. Plutôt descendre que de tomber de sa hauteur. Les prises se succèdes, humidifiant toujours plus les mains du descendeur. A mi-chemin, les prises deviennent trop minces pour qu’il n’arrive à les prendre avec des doigts humides : sa main glisse sur l’excroissance glacée. Il tente de se rattraper à quelque chose, mais les quelques prises qu’il frôle s’effritent sous ses doigts. Il tombe en arrière. La fine pellicule gelée ne fait pas de miracles : le choc retentit dans le couloir vertical et atteint sans peine les oreilles de Hïo qui s’est approché de l’abîme, comme pour accompagner la chute de son protecteur d’un long cri.

Vohl reste au sol pendant un moment, bougeant un peu le bras pour faire comprendre au forgeron qu’il n’est pas mort. Il est en revanche bien sonné et repose son bras sur le genou à proximité de ses côtes.

(Attends...)

Vohl se redresse brutalement en s’écartant de sa position initiale. Une tâche de sang salit la pellicule de givre : en passant la main derrière sa tête, il sent un peu de sang. Rien de bien grave, préconise-t-il. Le froid commence d’ailleurs son œuvre immédiatement et une croute ne tardera pas à se former : ce n’est qu’une question de minute. Il est davantage préoccupé par ce genou qui n’avais rien à faire là ! Un regard lui confirme ce qu’il sait déjà. Un corps git, recouvert de la poudre blanche, invisible à ses yeux lorsqu’il était en haut de la corniche. Le corps d’un enfant, la corpulence d’une barrique : pas de doute, c’est un thorkin. Vohl fronce les sourcils. Le corps, conservé par la glace et la température en deçà du raisonnable, a gelé sans se décomposer. Aucune odeur ne pouvait trahir sa présence.

Ses yeux remontent. Il est possible que Hïo n’ait pas raconté toute la vérité sur leur découverte de ce gisement de faerunne. Des courants d’air font voler la neige en tourbillon dans le cul de sac, remontant vers le forgeron. Le mercenaire regarde la paroi pour trouver un moyen de remonter. Ce devrait être possible.

“Heeeeeeeem.”

Vohl pivote. Il aurait juré entendre quelque chose. Mais rien. Il se retourne vers la falaise. Il saisit une première prise lorsque les flocons, stoppés dans leur montée, reviennent s’écraser sur ses yeux, le contraignant à abandonner l’escalade.

“HEEEEEEEEEM.”

“Qui est là ?”

D’un revers de main, le ninja s’essuie les yeux. Il ne voit toujours rien.

“Vouuuus croyez ?”

“Sileeeeence, il vaaaaa comprendre !”

“Coooooomme siiiii ! “

“Je vous entends ! Où êtes-vous ?”

“Paaaaas un maaaaalin encooooore”

“Jouuuuuons !”

“Queeee faisons nouuuuus? Queeee faisons nouuuuus?”

“Les danses, les danses !”

“Ooooh non, paaaaaas encooooore !”

“Changeons ! Changeons !”

“Ouiiiiiiiiiiiiiii”

La multitude de souffles désorientent Vohl, qui ne sais pas vers où se tourner. Leurs –il y a clairement plusieurs individus- voix ressemblent à des bourrasques s’introduisant dans les tuyaux d’orgues, prolongeant les sons dans un écho délicat.

“Leeeees trois deeeevineeeeettes?”

“Ceeeeee seraiiiiit droooole !”

“Faisons ça ! Faisons ça !”

“Ecouuuuuuute nouuuuus, mortel.”

“Mais c’eeeeest long.”

“Aliiiiiizé , suuuuffit.”

Les voix sont un mélange de souffles éthérées et de paroles distinctes. Le protecteur arrive globalement à situer la provenance de ces paroles, mais il ne voit rien. Soudain, une bourrasque l’attrape pour l’envoyer dans les airs ; il y reste suspendu, balloté par des vents qui ne proviennent de nulle part.

“Bonjour, jeune hoooooommeeeee.”

“Salut !”

“Bonjour, bonjour, bonjour !”

“Merciiiiiii de la visiiiiiiiiite !”

“Par Rana, qui êtes-vous ?”

“Ooooh, c’est un adeeeeeepte !”

“Deviiiiiinette, deviiiiiinette !”

“C’eeeest vrai.”

“Jeeeee saiiiiiis ! C’est nooooootre question. Voiciiiiiii les rèèèèègles...”

“On poooooose....”

“Tu t’élèèèèèèèves....”

“Eeeeet la réponseeeee...”

“Te faiiiiiis descendre...”

“Quel intérêt ai-je à répondre, si je m’écrase en bas ?”

Vohl se débat, mais peine perdue : comment lutter contre des vents ? Il ferme les yeux : balloté ainsi, l’envie de vomir se fait pressante. Tantôt tête en bas, tantôt tourné de côté, ses acrobaties lui vaudraient surement une excellente note dans une compétition de voltige. Voir défiler la roche à un cheveu de sa tête et l’instant d’après admirer le plafond n’est pas véritablement du gout de son sens de l’équilibre. Il contient un reflux.

“Laiiiiisse nous finiiiiiir.”

“Caaaar si tu ne réééééponds paaaaaas...”

“Nous n’aiiiiiiderons paaaaas...”

“Et làààààà...”

“Sproooootch !!”

“Bouuuuuum...”

“Aïe, aïe...heiiiiiin ?”

“Vous me ferez descendre doucement, si je réponds ?”

“Noooon...mais siiiiii c’est la boooonne, ouiiiiiiii.”

Curieux challenge. On dirait un groupe d’enfant en manque d’amusement qui se trouve un nouveau jouet. Il réouvre un œil...il monte doucement.

“Attendez ! Pourquoi me faites-vous monter ?”

“Tuuuuuu aaaas la queeeeestion.”

“Quoi ? Quelle question ? Vous n’avez rien demandé !”

Un vent aux accents furieux lui giffle les oreilles.

“Nouuuuus ne trichons paaaas !"

"Quiiiiii est-on ?”

“Ah ! D’accord...”

“Siiiii ça ne te diiiis pas...”

“On laisse tombeeeer lààààà.”

D’un œil, Vohl voit déjà qu’il n’a pas le choix. En position de plongeon, trop loin des murs pour s’y raccrocher, s’il leur dit d’arrêter leur jeu, il y laissera la vie. Il referme les yeux : il lui reste un peu de temps avant de toucher le plafond. Il réfléchit à haute voix. Il va accepter...comme s'il avait le choix, de toute façon.

“J’accepte. Quant à ce que vous êtes... des créatures de vents.”

“Nooooon...”

“Pas préééécis !”

“Tu moooontes, tu moooontes !”

“Oui, oui, attendez...vous avez réagi au nom de Rana.”

“La déééééesse...”

“Chuuuuuuut...”

Des créatures de vents qui révèrent Rana...le choix n’est pas bien grand : la réponse devrait être facile à trouver...mais le nom précis échappe à son esprit. Il finit par trouver la réponse, surement très peu de temps avant de toucher le plafond.

“Sylphe ! Vous êtes des sylphes !”

“Ouiiiiiii ! Hahahaaaaaa !”

“Trouuuuuvé...”

“On leeeeee redesceeeeeent.”

Les bras d’air qui le ballottent le libèrent. Il tombe en chute libre dans un cri.

(Qu’est-ce que...Ce n’est pas ce qu’on avait dit !)

Ses yeux s’ouvrent pour chercher une anfractuosité, quelque chose à quoi il pourrait se rattacher : en contrebas, il a juste le temps de voir Hïo lancer quelque chose... La corde ! Vohl tend les bras...ses mains se referment ! Dans le vide : la corde a été soufflée par un des sylphes.

“Triiiiiche paaaas !”

“Ce n’est paaaas drôôôôle.”

Vohl voit le sol se rapprocher à toute vitesse, le cadavre congelé et la glace prête à le réduire à l’état élémentaire d’une crêpe sanguinolente. Sa descente ne ralentit que deux pieds au-dessus de la surface froide.

“Deuuuuuuxième queeeeeeestion...”

“Queeee demaaaaande-t-on?”

“Paaaaaas d’idéééééée! “

“Vous pourriez me demander comment sortir d’ici !”

“Hahahaaaaaa...paaaas besoooooin ! Le trouuuuuuu est là baaaaaaaas !”

“Zeeeeeeeph’ çaaaaa suffiiiiiit !"

“Maaaaaaais noooooon !”

“Je saiiiiis !”

Toutes ces voix qui se chevauchent les unes aux autres finissent par donner mal à la tête : Vohl, toujours dans la poigne d’air, en est néanmoins réduit à attendre.

“Commeeeeent faire pouuuuuuuuur voiiiiiiiiiiiir dans une pièèèèèèèèce sans aiiiiiiiiiir ?”

“Comment...Mais ça n’a aucun sens ! Il n’y a pas de lien ! Et une pièce sans air, ça n’existe pas !”

Il sent les bras le tirer de nouveau vers le haut. Il referme les yeux. Une pièce sans air ne devrait pas empêcher de voir, quand bien même ça existerait. Ce n’est donc pas ‘voir’ qu’il faut comprendre. C’est plutôt sentir. Est-ce comme ça que ces créatures voient ? Peut-être. Alors comment sentir dans une pièce sans air ? S’il n’y a pas d’air, il n’y a pas d’odeur, rien à sentir. Il faut simplement rajouter de l’air.

“Il faut rajouter de l’air. Il faut souffler.”

“Ooooooh, maaaaaaaalin !”

“Mais noooooon...pas le drooooooit! Auuuutre chose !”

Il ne faut pas souffler. Une autre raison ? Il tente de visualiser. Une pièce sans air. Une créature qui sent pour voir.

“Il faut juste ouvrir la pièce.”

“Toujouuuuuuuurs paaaaaaaaas !”

“Bon sang !... On ne peut pas ?”

“Aaaaaaah noooooon !”

“Zuuuuuut ! Il est fooooort !”

“Je saiiiis ! Je saiiiiiiis !”

La voix est fluette : on dirait un enfant. Non pas que les autres ait un comportement d’adulte.

“Troisièèèèèèème questiooooooon !”

“Siiiiii c’eeeest uuuune briiiiiise qui la poseeeeee...”

“N’ouuuuublie pas les rèèèèèèèègles, Zeeeeeph’!”

“Mais elleeeees sont touuuuujouuuurs nuuuuuulles !”

“Eeeeeelle a diiiiiiiit je saaaaais !”

“Commeeeeent est moooooort ce mooooooort?”

“Eh bien...en tombant ?”

“Ouiiiiiii hahahaaaaaa!”

“Ceeeee n’eeeeest paaaaaas logiiiiiiiiique heiiiiiiiiin?”

“Eeeeeeet voiiiilà... les briiiiiiiise devraiiiit reeeester aux nuuuuuaaaaages ! Elleeees oooont les pieeeeds sur teeeeeerrre !”

“J’ai répondu aux trois questions ! J’ai joué : laissez-moi partir, maintenant !”

“Nooooon...je deeeeemande la rouuuuue !”

“Zeeeeeeeph’, tu eeeees sûr ?”

“OUI”

“Attendez, quoi ?”

“Laaaaa rouuuuue : les queeeeestiooons se font à toooour de rôôôôôle.”

“Maaaaaais : interdiiiiiit de pooooooser la mêêêêêême queeeeestion que l’autre.”

“Eeeeeeet jamaaaaaaaais le mêêêêêêême moooooot, de l’uuuuun ou l’auuuutre.”

“Celuiiiii qui ne respecte paaaaaas perds l’objet de touuuutes les questioooons précééédentes. S’il n’en aaaaa pas, il ne peeeeeerd rien.”

“Ce n’est pas ce qu’on avait convenu !”

“C’eeeest vraiiiii....tu ternis l’hoooooneur deeeees sylphes...”

“D’accoooooord...je répondraiiiiiii à n’impooooooorte quelle question avant le jeuuuuu.”

“Poooooose uuuuuuune queeeeestiooooon, fiiiiiiiidèle.”

“Où trouver de la faerunne ?”

“Pfffffffffff...il y en aaaa suuuuur le mooooort. C'ééééétait uuuuuuuune question nuuuuuulle. ”

“Eeeeet maiiiiiintenant, joueeeeeez. Dooooonnnez moi les réponseeees attendues avaaaaaant de pooooser la question. Leeees synonyyyyymes sooont acceptééééés...je seeeeraiiii juge.”

“Je sais !”

“Ooooooh...il apprend viiiiiiite. Bieeeeeen... le fiiiiidèèèèèèle coooooommence.”

Vohl prend le temps de réfléchir pendant un instant. Les règles de ce jeu sont trop contraignantes. Il doit en profiter. Comment maximiser son impact ? Chaque mot qu’il utilise ne pourra pas être utilisé par la suite. Mais comme au shôgi...jouer sur un front suffit rarement. Il doit tirer également parti de la perte redoutée, et de ce qu’il a pu apprendre des créatures.

Elles maitrisent le langage, mais rien de dit qu’elles puissent où qu’elles sachent. Voilà un atout dont il serait utile de les priver. Comme leur phrasé est étrange, les forcer à écrire si elles le peuvent pourrait lui ouvrir des voies de réponses. Par ailleurs, poser une question nécessite des mots clefs : il peut sciemment priver de leur emploi s’il les intègre dans la question. Mais il doit rester attentif à ne pas utiliser deux fois le même mot, sans quoi il est perdant de ce qu’il cherche à faire perdre. Il arrête son choix, et transmet la réponse sous la vigilance qu’il espère impartiale du juge, n’ayant pas les moyens de vérifier que son adversaire ne triche pas.

“Qu’est-ce qui a permis à tous les hommes de parler par la langue ou le langage pour un temps qui est passé sur une vie, soit-elle malheur et dusse-t-il ne pas espérer au futur ?”

“Rhaaaaaaa...maaaaaa questiooooooon sera...”

“Ne dois-tu pas répondre, avant ?”

“Il aaaaa raiiiison, Zeeeeephir. Réééééponds.”

“Fschhhhhhh...”

Un instant de silence perplexe suit la situation.

“Vie...”

“Non. C’était le souffle.”

“Jeeeeee suiiiiiiis le juuuuuuge. Le sooouuuufle est un synoooooonyme de la viiiiiie.”

“Quoi ? C’est faux !”

“Neeeee dit-ooooon pas pouuuuurtant cheeeeeeez vous : reeeendre soooon dernieeeeeer souuuuufle?”

“Mais c’est...”

Peine perdue. Oui : le juge est partial. Vohl sent la colère monter et le pendentif qu’il a toujours à son flanc le brule, de nouveau... Il gagnera. Quoi qu’il arrive. Au milieu de sa colère, la figure d’une jeune fille intervient pour lui faire porter un œil froid sur la situation. Il inspire. Le jeu continue...il doit se concentrer pour éviter de perdre le fil. Le moindre mot de travers, et c’est perdu. Mais ce n’est pas parce que son tour est fini qu’il ne peut pas continuer d’influencer le jeu.

“Bien sûr, cher juge. Si Zéphir veut bien poser la question qui lui tient à cœur, je suis disposé à répondre. Mais qu’il ne tarde pas car la mémoire des mots pourrait lui faire défaut ?”

“Siiiiilence... tu as bien jouééééé....mais c’eeest mon jeuuuuuu. Voiiiiiici ma queeeeeestion... : Aveeeec quelle caaaaapaciiiiiité peut-on prendre deeee l’expéééééééérience ?”

La question est valide : il n'a répété aucun mot utilisé par Vohl ou lui même pour une question ou une réponse du 'jeu'. Dommage. La question est pourtant révélatrice : elle en dit beaucoup sur celui qui pose la question. Il s’est contenté d’une phrase courte : il compte sur la longueur du jeu, et donc sa mémoire, davantage que sur les autres stratégies. Il le prive en outre d’articles qu’il avait gardé en réserve au cas où. Maintenant, il faut répondre. Vohl réfléchit brièvement. En fait, cette question est directement destinée à lui donner un avantage considérable s’il ne trouve pas la réponse. La tension monte. Les pronoms sont presque tous rayés de la liste.

“Mémoire.”

“Fschhhhhh....”

“C’est çaaaaa. A l’adeeeeepte de pooooser.”

Vohl compile les données qu’il a accumulé. L’autre joue sur sa mémoire. Les questions sont plutôt brutes. Bien.

“Que sont des liens consécutifs du conflit chez nous entre humains contre d’autres races ?”

“Faaaaaacile. Ennemiiiiiiiis.”

“Exaaaaact. Ta question, Zephir.”

“Jeeeee... Rhaaaaa....”

Un instant de silence suit.

“Comment voyager sans se déplacer ?”

“Rêve.”

“Cela fonctiooooonne. A toi, humaiiiiin. Laaaaa boooonne réponse étaiiiiit esprit...tu voiiiiiiis, je suiiiiiiiis hooooonnête...”

Le panel de mots est désormais considérablement réduits dans ceux utilisés fréquemment. Il doit tenter une question à double sens désormais. Mais c’est osé, car le juge peut refuser sa réponse. Il tente.

“Quel résultat aura ce yu en tombant dans cette neige : pile, face, côte, bord, coin, côté ?”

Dans sa main, il tient un yu tiré de sa bourse. Il le laisse tomber. Le résultat n'a aucune importance en réalité : si le sylphe donne l'une des réponses, il est certain de perdre le jeu. S'il laisse la pièce tomber, il perdra le jeu sauf à répondre à côté de la plaque, ce qui le fera également perdre. Les mots sont également suffisemment réduits pour ne pas lui permettre une réponse alambiquée, ou une question trop évidente. L'autre possibilité, s'il laisse la pièce tomber, est qu'elle ne tombe pas sur le choix donné par Vohl à l'arbitre. Dans ce cas, Vohl a perdu. Mais le sylphe a bien plus de chance de perdre que le mercenaire : il le sait sans doute.

Le yu flotte dans les airs, retenu par une force invisible.

“Il n’aaaaa pas le droiiiiiit !”

“Siiiii...tu doiiis répooooondre.”

“Paaaaas obliiiiiiigé. Pas de rèèèèèèègle sur ça. Leeeee jeu s’aaaaaarrête ici.”

Vohl est outré, mais pas si surpris... Le poing d’air se serre, compressant sa poitrine.

“Zephir, suuuuuuffit. Tu saaaaalis notre geeeenre.”

Le poing le laisse glisser au sol. Vohl respire profondément. Puis un vent brutal renverse le protecteur avant de résonner contre les parois de la grotte, s’éloignant à une vitesse prodigieuse. Il a failli perdre beaucoup...si tout cela n’était pas que du bluff. Dans aucun compte qu’il a lu sur Rana, les Sylphes ne présentent des pouvoirs exceptionnels : leur nature l’est déjà bien assez ! Il bénit sa vénération envers sa déesse. Cela lui a sauvé la vie. Les schèmes de pensée des syplhes le troublent : même pour des sylphes qu’il a conclu être des vénérables - par opposition à ce qu’ils appellent les brises – ils semblent lier la mort à des jeux enfantins. Une espèce capricieuse et dangereuse...mais non belliqueuse. La race est singulière. Ni agréable, ni haïssable au premier abord. Voilà qui change des shaakts et des thorkins.

“Je peux donc repartir ?”

“Ouiiiiiii, fidèèèèèèle. Tu peuuuuuuux y alleeeeer. Fééélicitatioooon pour ce jeuuuu. Nous partoooons...Nous devons rattraaaaaper Zééééphir.”

Une série de bourrasque indique le départ des sylphes. Un petit “Bieeeeen jouééééé monsieuuuuur !” d’une voix enfantine prend une place incongrue alors que la tension commence à redescendre.

“Kaaaaaaaage !”

Encore un ? Comment connait-il son nom ?

“Kage, ça va ?”

Hïo laisse pendre la corde : elle descend presque jusqu’en bas. Vohl n’a que quelques mêtres à grimper. Vohl s’avance vers la paroi de roche quand une phrase lui revient. Le cadavre aurait transporté de la faerunne, d’après ce que lui a dit le sylphe. Il fait demi-tour.

“Qu’est-ce que tu fais ?”

“Il y a peut-être quelque chose, ici ! Il y a un corps !”

“Ah !”

Vohl fouille le cadavre dans le silence. Il a la sensation que ce cadavre signifie quelque chose pour Hïo, mais il a autre chose en tête. Les vêtements depuis longtemps congelés du nain craquent lorsqu’il les manipule : les fibres cassantes lui restent entre les doigts. Il finit par purement et simplement mettre en pièce le sac de toile grossière et les habits du thorkin. Après avoir fait son choix dans les poches du cadavre, il se redresse et s’élance à l’assaut du mur rocheux. En principe très simple, l’escalade prend des allures impressionnantes à cause de la glace qui recouvre parfois les prises, lui posant alors les mêmes problèmes que lors de sa chute. La montée s’avère cependant plus facile que la descente, ayant la vision sur les prises suivantes, et après une bonne heure d’escalade prudente en s’aidant parfois de la corde, le voilà de retour sur la corniche, son butin dans le sac.

“Qu’est ce qui se passait ?”

“Des sylphes !”

Vohl répond dans un souffle.

“ J’imaginais les créatures de Rana moins sadiques ! Mais par tous les vents, c’était à n’y rien comprendre ! Cet accident a failli me couter la vie de plusieurs manières...”

“Justement, à propos de ça...la corde a été sciée. Tu penses encore à un assassin ?”

“Non... j’ai compris l’erreur que nous avons faite juste avant de tomber. Ce sont les mouvements liés au piochage qui ont scié la corde contre les pitons. Personne n’y est pour rien.”

“Quoi qu’il en soit, il faut que l’on s’en procure une nouvelle. Nous ne pouvons pas continuer pour l’instant.”

“J’ai besoin d’une pause, de toute façon. Autant en profiter pour aller demander une nouvelle corde à Brumal : celle-ci sera sans doute de meilleure qualité.”

Il enjoint le geste à la parole, le forgeron lui emboitement le pas. Vohl n’est pas exténué, juste un peu chamboulé par ce qui vient de lui arriver. Une ballade lui fera du bien.

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Vohl Del'Yant
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Re: Les Mines

Message par Vohl Del'Yant » sam. 13 avr. 2019 23:18

Les pitons sont toujours en place, de même que la vieille corde : rien n’a bougé, dans le décor de glace et de pierre. Même la lumière semble être figée. Les deux ynoriens se remettent au travail. L’interruption leur a fait le plus grand bien et c’est avec une vigueur renouvelée que Vohl fait pleuvoir des éclats aux reflets changeants dans la toile tendue.

Cet entrain ne dure toutefois pas indéfiniment et au bout d’une heure, Vohl commence à en avoir assez de casser du caillou, fusse-t-il de faerunne. Le rythme ralentit alors sensiblement et Hïo lui propose de prendre le relai.

“Tu es sûr ?”

Le protecteur a bien compris que le vide n’était pas exactement la chose préférée de son protégé.

“Allez, ne te fais pas prier. Si je n’entraine pas mes muscles pendant le voyage, comment ferai-je pour forger avec des bras de squelette ?”

“Bon. Je ferai l’assureur, dans ce cas. Je te propose qu’on alterne dans une heure encore. Comme ça, j’aurai le temps de me reposer.”

“Entendu.”

Ils échangent leurs positions, le forgeron faisant de son mieux pour ne pas laisser son regard glisser vers le bas de la falaise.

“La corde va se balancer légèrement à chaque coup, ce n’est rien. Je vérifie qu’elle ne frotte pas sur le piton du dessus.”

Les coups de Hïo sont plus précis que ceux de son protecteur : sa force légèrement moindre équilibre le tableau, mais les morceaux qui tombent sur la toile sont tout de même plus gros que ce que pouvait récupérer Vohl. Ils échangent encore une fois leurs positions : pas mécontent de voir son protégé s’écarter de la falaise, le mercenaire tâche de récupérer des morceaux aussi gros que son compère. Ce n’est pas pour tout de suite : ses morceaux à lui font bien la moitié de la récolte du forgeron. Encore une heure plus tard, ils se remettent en route vers la maison. Il est trop tard pour continuer quoi que ce soit, et c’est l’occasion de passer leur dernière soirée avec les deux nains. Demain matin, ils seront partis quoi qu’il arrive.

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