Les Rues

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Yuimen
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Les Rues

Message par Yuimen » jeu. 4 janv. 2018 20:11

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Cité creusée sous la montagne, Mertar possède de nombreux tunnels. Vous pouvez aussi bien vous retrouver dans un étroit boyau terreux que dans une grande avenue pavée et éclairée par des puits de lumière. Au temps de son apogée, la ville s’étendait dans de nombreuses directions sous les pics enneigés. A présent, plusieurs niveaux se sont complètement dépeuplés et des kilomètres de galeries sont abandonnés et envahis par diverses créatures plus ou moins sympathiques. A Mertar, si vous avez peur du danger ou de vous perdre, ne vous éloignez pas des sentiers battus…

Le plus gros des rues de la ville se situe proche du niveau central et du quartier principal, au dessus duquel s'élève la ville haute, visible, où se trouvent les hautes instances de la grande cité naine.

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Vohl Del'Yant
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Message par Vohl Del'Yant » dim. 7 avr. 2019 10:36

Aussitôt en vue de l’entrée, Hïo presse le pas du cheval de trait, heureux de ne pas s’être trompé de route. Les larges enceintes qui fortifient l’arrivée dans la ville écrasent les voyageurs de leur taille. Vohl ne peut s’empêcher de leur reprocher un style complètement de l’ynorie. Les tours de garde sont brutes, comme créées d’un bloc, taillées à même la montagne. Elles sont elles-mêmes sculptées, représentant le visage d’un nain aux traits sévères, sur un fond rayonnant. La barbe est restituée avec une finesse stupéfiante. Dans le fond, une porte plus petite –quoi qu’elle mesure encore dans les cent coudées – laisse entrevoir l’accès à la cité souterraine.

Vohl laisse son regard s’attarder sur la voute qui encadre la porte. Là encore, des sculptures titanesques de haches encadrent une poterne de sentinelle. En approchant de la première enceinte, Hïo descend du cheval. L’assassin fait de même. Il ne connaît pas les us et coutumes de cette contrée : autant se ranger derrière quelqu’un qui a de l’expérience dans le domaine. Le forgeron évalue d’un œil appréciateur les décorations et renforcements métalliques de la roche. Les écrans d’acier sont ajustés au centimètre près, la preuve en est que les gravures de la roche se poursuivent sur les feuilles de métal. L’intérêt des forges de Mertar ne fait pas de doute pour un artisan comme lui.

Vohl porte un regard plus stratégique sur les installations. Il fustige dans un premier temps le fait d’avoir sculpté les installations défensives, ce qui permet aux échelles ou aux grimpeurs doués de passer outre les différentes enceintes. Les murailles crénelées à l’ancienne mode ne sont également pas au goût de l’ancien militaire, plus habitué aux meurtrières à double étrier et multiples croisillons. Dans le cas présent, il aurait penché pour une série d’arbalétrières plongeantes à double croisillons . Les fentes horizontales permettent une meilleure surveillance et facilite la couverture des murailles par les points adjacents. Sur un point surélevé comme celui qu’occupe la forteresse, la faiblesse du dispositif aux engins de pilonnage est facilement à oublier. Il hoche pensivement la tête, acquiesçant à ses propres réflexions.

« Nous y sommes ! »
« En effet ! Tu sais donc où trouver la faerunne à partir d’ici ? Ne serait-il pas plus pratique de récupérer le matériel dans la ville, et de reprendre la route vers la combe pour finir de récupérer le métal ? »
« Non : creuser en aveugle sous la neige et déblayer la combe, tu imagines le travail que cela représente ? Nous ne serions jamais prêts à temps ! »

(Ah, c’est vrai qu’il ne sait rien du message.)

« De plus, j’ai effectivement l’idée dont je t’ai parlé plus tôt : il est possible que cette veine n’ait pas été découverte. Je connais également un couple qui sera ravi de nous héberger : ils s’entendaient très bien avec Cherock. Je te présenterai…ils sont un peu méfiants au début, mais ils me connaissent : je m’entendais moi-même plutôt bien avec eux. »
« Soit. Allons-y. »

Ils passent la première enceinte, où une lourde grille légèrement ouvragée levée les accueille. Ils passent devant six gardes en faction qui les laissent passer sans broncher. En plus de leur air austère, Vohl capte également la patine usée des pommeaux de leurs armes et leurs doigts calleux. Ces hommes ne sont pas des tendres. Un contrôle plus poussé à lieu à l’entrée de la seconde enceinte : les gardes s’enquièrent du but de leur voyage, de leur provenance, de leur origine. Ni animosité, ni bienvenue : les deux hommes sont accueillis avec la distance que l’on dédie à un inconnu, en attendant de voir s’il causera des troubles ou si l’on entendra plus jamais parler de lui.

Deux ynoriens au pays des thorkins, bien loin de leurs steppes natales : voilà qui attise la curiosité de l’un des gardes. Lorsque la motivation pour un si long voyage est dévoilée, les thorkins semblent s’intéresser davantage à leur sort. Un forgeron, en particulier, semble bien vu. Son garde du corps ne desserre la mâchoire que pour signaler la destruction du refuge dans une avalanche, dont il se garde bien de taire l’origine maléfique. D’ailleurs, il écoute avec bonheur Hïo assumer la version de leur voyage par « le défilé d’Aîsunidoriu, cette enclave qui ne contient pas un soufflet ni une enclume », que le forgeron imagine d’une platitude effarante. Les gardes ne remettent pas en question leur itinéraire : cela leur permet d’éviter les questions gênantes sur leur traversée du territoire d’Oaxaca. Après tout, il est très peu probable que les gardiens de la cité voient d’un très bon œil que les voyageurs arrivent directement chez eux par les territoires oaxiens. D’autant que leurs dires peuvent difficilement être prouvés.

Ils les laissent enfin pénétrer dans la cité enfouie. Vohl ouvre des grands yeux. La cité est complètement différente de ce qu’il avait imaginé. A mesure qu’ils progressent dans le large tunnel qui les emmène au cœur de Mertar, de nombreux autres boyaux débouchent dans leur galerie. Si certains sont parfois de bonne taille, d’autres sont étriqués au possible, paraissant étroits même pour un thorkin. Il encourage Hïo à lui parler davantage de leurs futurs hôtes. Il sera sans doute plus facile de se faire accepter en connaissant leurs sujets de prédilection, leurs habitudes, leur type croyances.

« Ce sont des gens très simples : Brumal, un marchand qui mâche parfois la fin de ses mots, et sa femme Pétunia, une excellente cuisinière, pour le plus grand bonheur de Brumal et de ses hôtes. Ils sont satisfaits de leur vie, et portent tous deux un regard assez philosophe sur leur quotidien. Ils sont un peu plus impliqués lorsque l’on évoque certains points, comme la guerre avec Oaxaca, ou les grands mythes fondateurs de leur religion. Tu seras bien inspiré de ne pas critiquer Valyus !” lâche-t-il avec un petit sourire.

A ces mots, Vohl absorbe les informations tout en lançant un regard curieux sur le côté : il vient d’apercevoir une sorte d’écurie, remplie de boucs et de chèvres sellées. Mahô ne pourra pas faire l’objet de soins ici. Mais où donc peuvent être posées les montures des marchands ou des troubadours qui passent une ou plusieurs nuits à Mertar ?

« Pourrons-nous stocker nos montures chez tes amis ? »
« Oui, il n’y aura pas de problème : la maison est assez grande, et un espace derrière permettait déjà à l’époque de faire stationner leur carriole. Si ses affaires marchent toujours aussi bien, il a du pouvoir encore agrandir tout ça ! »
« C’est un thorkin riche, en somme. »
« Pas plus que ça. Ce n'est pas la place qui manque, dans la montagne. En réalité, la richesse des thorkins ne se mesurent pas vraiment à sa maison, mais plus au nombre de tunnels miniers qu’il possède. Lui n’en possède qu’un petit bout. »
« Les tunnels ont des propriétaires ? Mais pour récupérer la faerunne, tu étais dans sa portion…ou bien c’était lui qui creusait ? Il a dû savoir que tu avais trouvé de la faerunne, non ? Vu le prix des métaux élémentaires, ce serait vraiment étrange qu’il n’en ait pas profité ! Et d’ailleurs, si ce n’est pas dans son tunnel, nous aurons le même problème : comment creuser si la propriété ne nous appartient pas ? »
« Ne t’en fais pas pour l’histoire des propriétaires : la plupart du temps, ce ne sont pas eux qui creusent. Ils paient pour que d’autres extraient le métal pour eux. C’est ainsi que nous pourrons demander l’autorisation, si nous voulons creuser chez quelqu’un. Mais il y a aussi des parties que l’on pourra creuser sans avoir besoin de demander à quiconque : ces parties n’ont pas encore pu être achetées, mais elles recèlent au moins autant de filons. C’est dans une de ces mines que nous avions trouvé la faerunne, et nous n’avions indiqué l’endroit de notre découverte à personne, bien entendu. Un secret comme celui-là vaut de l’or...et d’ailleurs, il avait fallu nous battre pour avoir accès à ce filon avant même que nous sachions ce qu’il contenait. Enfin, surtout Cherock. Déjà à ce moment, moi, j’avais plus d’expérience en ferronnerie qu’en combat ! »

Vohl comprend assez naturellement le fonctionnement de la mine : cela ressemble beaucoup à la lutte paysanne concernant l’acquisition des parcelles de Kôchii. La différence principale est qu’ici, les champs sont sous terre et que ce que l’on y récolte n’est ni une céréale, ni un tubercule. Bien qu’il soit un peu sceptique sur le prétendu secret, il décide de ne pas enfoncer le clou : dans le pire des cas, tout le filon a été extrait, et ils devront chercher ailleurs. Il n’y peut rien. Son regard est à nouveau marqué par la présence d’une foule aux abords d’un bâtiment assez majestueux. Un être portant un marteau et le portique décoré d’éclairs lui en indique la nature. Le temple de Valyus ne manque pas de fidèles.

« Ah ! Zut ! »
« Qu’y a-t-il ? »
« Une célébration pour Valyus ! Vu le monde qu’il y a, c’est certain que Brumal et Pétunia s’y sont rendus ! »
« On ne les retrouvera pas dans une foule pareille... »

C’est plus un commentaire inutile qu’un simple constat, au vu de la foule qui se presse. L’assemblée a un aspect bariolé dû aux habits colorés des thorkins. La frénésie contrôlée de la foule donne l’impression à Vohl d’entrer dans une cour d’entrainement martial pour les jeunes adolescents, en Ynorie. Et vas-y que je te bouscule, et que je trébuche, et que je me bagarre un peu avec mon voisin, et que je houspille mes amis qui ne vont pas assez vite... Le tout dans un brouhaha ponctué d’éclats de rires et de cris. Le forgeron semble partager sa vision des choses.

« En effet. »
« Que veux-tu faire ? »
« Nous serions bien inspirés de mettre ce temps à profit. Si comme tu le penses, d’autres assassins sont à nos trousses, il vaut mieux éviter de s’attarder, et donc trouver au plus vite la faerunne. »
« Je n’ai jamais dit que d’autres assassins seraient à nos trousses ! »
« Tu m’a fait part de tes craintes dès le début. Et je lis un minimum en toi : tu t’inquiètes moins que lorsque nous étions sur la route, hier, mais tu t’inquiètes toujours. »
« Cela ne veut pas dire que... »
« Jusqu’à maintenant, j’aurais dû te faire confiance sur l’évaluation du danger que représente cette quête. C’est un peu tard, mais je compte bien tenir compte de ce que tu penses désormais. »
« Bon...eh bien, je suis surpris et ravi de l’être, une nouvelle fois ! »
« Nous devrions aller placer nos montures dans une étable au plus vite, tant pis si elles ne sont pas chez Brumal. »
« Quelle taille font les tunnels de la mine ? »
« Généralement assez grand pour nous, mais pourquoi cette question ? »
« Alors, je suis d’avis de directement aller vers la mine. Avoir nos montures avec nous nous permettra de transporter la faerunne sans souci si nous en trouvons. Par ailleurs, si la majorité des nains sont regroupés ici, les mines devraient être relativement vides : nous pourrions en profiter. »
« C’est une bonne idée...A ceci près que nous n’avons rien pour extraire ou creuser : or la dernière fois, nous avions passé deux bonnes journées à piocher, que ce soit pour extraire des cailloux sans valeur ou de la faerunne ! »
« Regarde autour de toi, Hïo. Vois-tu le moindre outil ? Je pense que les pioches sont restées dans les tunnels : nous n’aurons aucun mal à en trouver ! »
« Certains ont dû venir exprès de la mine. Effectivement, nous devrions pouvoir trouver leurs outils dans les chariots d’extraction ou près de leurs postes. Vu le prix d’une pioche ici et la vitesse à laquelle elle s’use, il y en aura forcément qui négligeront de la ramener chez eux pour quelques heures de cérémonie. Je vois. C'est une bonne idée. »
« Allons-y rapidement, en ce cas. »

Joignant ses pas à la parole, Hïo oblique et s’écarte rapidement du lieu d’adoration, son protecteur dans son sillage. Ils croisent d’abord de vastes pans de foule : la place qu’ils ont vue toute à l’heure doit désormais grouiller de monde. Comme ils l’ont déjà constaté, aucun ne porte d’outil : en revanche, on voit que ceux qui peuvent se le permettre arborent des tenues jaune d’or, orange ou bleu éclatant. Le flux contre lequel ils progressent se tari petit à petit, avant d’être réduit à quelques âmes pressées qui courent presque vers le lieu saint. La cité semble se vider de ses habitants au profit de l’office en cours : voilà qui donne la mesure de l’adoration dont Valyus fait l’objet.

(Pas étonnant que dans une foule si nombreuse se cachent des fanatiques : ces 'Enragés' y seront d’ailleurs surement. Pour l’instant, nous sommes sans doute en sécurité.)

Ils arrivent peu après à l'entrée des mines. Difficile de les manquer : ce sont d'énormes tunnels, dans lesquelles s'enfoncent des rails. Ils se hâtent d'entrer dans ces galeries minières.

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Vohl Del'Yant
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Message par Vohl Del'Yant » dim. 7 avr. 2019 12:53

Dans les premières rues qu’ils empruntent – donc celles en périphérie de de la ville, ils ne croisent pas âme qui vive. Le décor change considérablement une fois qu’ils rejoignent les artères principales et le cœur de la ville. Les thorkins sans abri sont bien plus nombreux qu’à Oranan. La surprise et l’incompréhension de l’ancien soldat se traduisent aussitôt sur son visage, mais le guide comme Hïo, plongés dans leurs pensées, semblent bien loin de ses considérations.

« Hïo, comment te sens-tu ? »
« Pour l’instant, je n’ai aucun souci. Si je ne les connaissais pas, je penserais à une blague de mauvais goût. »

Vohl ne répond pas. Il n’y a rien à répondre : lui-même a envisagé cette solution...sans l’exclure pour autre chose qu’un manque de logique. Il ne croit pas Oaxaca, ses généraux ou ses lieutenants sacrifie gratuitement un pion aussi puissant que celui qu’il vient d’affronter. Au shôgi, ce dernier aurait surement été un keima...en voie vers une promotion. S’infiltrer dans Mertar n’avait pas dû être une partie de plaisir. Vohl secoue la tête. Les légions noires n’ont pas encore échoué. Lui comme le forgeron, tous deux sont en danger de mort. Une mort qui coule en ce moment dans leurs veines, propulsés par leur cœur pour l’instant indemne.

Hïo se plie en deux au milieu du chemin. Il vomit dans le caniveau central. Des restes de repas attestent qu’il n’a pas tout recraché avant de dormir.

(Merde.)

L’espoir que fondait Vohl, bien que déjà écorné par le sommeil profond de Hïo au début de la nuit, se tarit. Vomir ici signifie qu’il a bien digéré certains éléments. Il attrape le jeune homme par le bras et se place en soutien.

« Pressons, s’il vous plait. »
« Entendu. »

Ils accélèrent le pas vers une autre artère de la capitale naine, avant de s’enfoncer dans les ruelles. Alors qu’ils passent devant un nain dormant au sol, Vohl hésite à le réveiller pour lui demander la direction du bazar magique, afin de vérifier que leur guide est bien ce qu’il semble être. L’odeur d’alcool et de sueur le dissuade. Ils continuent leur route jusqu’à des ruelles toujours plus sombres et plus étroites. La largeur de la rue n’est pas adaptée à un humain, encore moins à un humain en transportant un autre. Hïo le regarde bizarrement. A ses paupières perlent quelques gouttes de sang. Le poison fait son effet...le temps lui est compté.

« Alors c’était ça... »

Vohl regarde son protégé d’un air interrogateur.

« Tu savais qu’il y aurait surement d’autres assassins... »

Le protecteur détourne les yeux, trouvant soudain de l’intérêt aux murs sans apprêts de la cité.

« Pourquoi ne m’as-tu rien dit ? »
« Je ne voulais pas t’angoisser... Tu n’es pas familier avec le stress permanent. J’espérais pouvoir détecter et éliminer la menace avant que tu ne t’en rendes compte. »

Hïo lache un petit rire sarcastique.

« La fierté ynorienne... le capitaine de Luminion avait peut-être raison. Mais tu en as au moins autant que moi. »

Il semble lutter pour reprendre son souffle.

« Je crois qu’on peut dire que c’est raté, pour que je ne remarque rien ! »
« Je suis désolé. »
« Tu peux ! Comment peux-tu me demander de te faire confiance si tu ne me dis pas tout non plus. »
« Je donnerais ma vie pour cette mission ! Et tu avais compris, de toute façon, qu’il y aurait d’autres assassins ! »
« Une impression ne vaut pas une confirmation ! Quant à mourir, ce n’est pas ce qui t’est demandé ! Que sais-tu d’autre ? »
« Je... »
« Ne me cache plus rien, Kage, ou quel que soit ton vrai nom. J’en ai soupé de tes cachotteries. »
« Un message de la conseillière Shimi m’a confirmé que plusieurs assassins étaient à nos trousses. Le Tonnerre d’Omyre. »
« Quand ? »
« Juste après que nous ayons croisé le premier. »

Le forgeron soupire.

« Rien d’autre ? »
« Je pense que celui-ci était le seul capable de rentrer dans Mertar. Si d’autres nous attendent, ce sera pendant le trajet du retour. Non, je ne sais rien d'autre.»
« Désormais, tu me tiendras au courant de tout, Kage. Sinon, tu rendras des comptes, à notre retour.»

Vohl s’apprète à répondre, mais le nain leur signale qu’ils sont arrivés. Tant pis. La bouderie du forgeron finira par le lasser lui-même.

« C’est juste là ! »

Ils s’arrêtent bientôt en face d’une devanture aux étagères éclectiques. Le nain toque discrètement à la porte. L’assassin laisse de côté le tact oranien pour soulager un peu son stress et son énervement.

« Nous n’avons pas le temps pour ces simagrées, maître nain ! »

Il attaque la porte à grands coups.

« Quelqu’un ! … Comment s’appelle-t-il, encore ? »
« Hrm... Aknaer. »
« AKNAER ! C’EST URGENT ! »

Seul le silence répond.

« AKNA... »
« JE SUIS MAGICIEN, PAS SOURD ! J’arrive, non de Meno ! … Par les dieux, que se passe-t-il ? »
« Un empoisonnement au cortinaire. »
« ET VOUS APPELEZ ÇA UNE URGENCE !! Je vais me coucher, faites en autant ! Les nains sont immunisés pour la plupart ! Et votre gamin ne mourra pas pour avoir léché ce champignon ! »

La porte est restée close tout le long de l‘échange.

« Nous ne sommes pas des nains ! »

La porte s’ouvre à la volée.

« Alors vous êtes possiblement en danger. Entrez. »

Vohl hésite entre l’incrédulité et la stupeur lorsque le magicien apprêté dans un attirail complet leur ouvre la porte. Au vu des cernes de ce dernier, il parait toutefois évident que le métier de mage requiert un travail et une application semblable voire supérieure à l’entrainement de certains soldats.

« Quand est-ce arrivé ? »
« Cette nuit. »
« Ce n’était donc vraiment pas une urgence. De plus, si vous vous amusez à manger des champignons inconnus à votre âge, j’appelle cela de la sélection naturelle et non pas un accident. »

Il jette un regard accusateur à Harmir, qui semble se recroqueviller devant le chapeau imposant de son interlocuteur.

« Et ça, N’IMPORTE quel nain aurait su vous le dire ! »
« ... »
« Nous ne sommes pas stupides. On nous a fait ingérer du concentré. »
« On vous en a fait … ingérer ? »
« Le projet était de nous tuer. »
« Vous n’y allez pas par quatre chemins. »
« Je suis sûr que le cadavre du shaakt responsable me permettra de manquer un peu de manières. »
« Qu...quoi ? Un shaakt à Mertar ? »
« Un shaakt mort. Pouvons-nous rester concentrés ? Mourir perturberait mon avenir au plus haut point. »
« Certes. Le jeune homme présente effectivement des symptômes...si rapidement après l’ingestion, ce doit être une forte dose. » Après un regard en coin, il reprend : « Vous avez averti la milice ? »
« Oui. Cette substance a-t-elle un goût ? »
« En effet...un goût amer. Comme une endive. »
« Je vois. » Il tâche de se souvenir de la bouchée de gelée qu'il a prise il y a quelques heures. Compliqué. Il lui semble que c'était effectivement amer...dans le doute, il préfère plaider le pire. « Je pense que vous pouvez considérer que nous en avons mangé une bonne dose. »

Hïo lui jette un regard surpris. Cette affirmation a plusieurs objectifs : ne pas laisser le mage penser qu’ils s’inquiètent pour un mal de ventre passé demain, mais aussi anticiper qu’il y ait peut-être eu du poison dans plus d’un plat... C’est autre chose que la dose qui retient l’attention du mage.

« Nous ? »
« J’en ai également ingéré. Mais moins. Il faut le traiter en priorité. »
« Et toi, tu es ? »
« Kage. J’essaie de faire en sorte que celui-ci reste en vie. »
« Eh bien, Kage. On dirait que ta mission touche à sa fin. »
« Comment ? »
« Tu ne pourras pas la mener à bien. »
« Vous plaisantez ! Il a vomi ! Vous avez forcément de quoi traiter cet empoisonnement ! »
« J’en ai. »
« Vous ne voulez pas les lui donner ? »
« Ne sois pas stupide : je ne refuse pas de sauver des vies quand je le peux. »
« Alors quoi ! »
« Je n’en n’ai pas assez pour vous deux. La dose qu’il a prise est trop conséquente : le soigner va vider les réserves. Et encore, je ne suis pas sûr que cela suffise. Une chose est sûre : si je le soigne en priorité...tu y passeras. »
« Kage...je suis désolé. »

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Vohl Del'Yant
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Message par Vohl Del'Yant » dim. 7 avr. 2019 13:25

Vohl ne réagit pas tout de suite...à force de réfléchir à sa survie, on en oublie les plans mis en place. Puis, après un papillonnement de cils sur un regard égaré, la connexion se fait :

« Oui ? »

Il ne comprend toujours pas pourquoi il est entouré par une foule de thorkins à l’air suspicieux.

« Vous reconnaissez être lié à la mort d’un oaxien entré sur le territoire thorkin ? »
« ...Oh. Ah. Oui... Oui, je reconnais... capitaine ? » tente-t-il en tâchant de se remettre sur pied sans s’étaler par terre.

Il a beau tenter de rester debout, c’est une nouvelle crise qui le jette à quatre pattes. Plus violente que les autres, un filet de sang dégouline depuis son œil sur sa joue alors que son estomac fait comprendre au cerveau qu’il n’a plus rien à vomir. Le thorkin, dont il n’a pas eu le temps de percevoir un quelconque signe d’approbation après avoir cité le titre, se porte à ses côtés.

« Que se passe-t-il ? »
« Je dois aller chez Aknaer ! J’ai été empoisonné ! »
« Je vous l’avais dit : c’est urgent ! »
« Vous devrez d’abord répondre à quelques questions. »
« Pourquoi ai-je l’impression d’être...suspect ? »
« Je poserai les questions. »
« Aknaer doit d’abord préparer un antidote ! »
« Cela vous poussera peut-être à coopérer. »

C’est mal engagé. Vohl ne voit pas d’issue à la situation. S’il ne va pas apporter directement le ballotin de mousse à Aknaer, la préparation du remède prendra trop de temps. Son regard se pose sur Harmir. Il laisse tomber le ballotin de mousse aux pieds de ce dernier.

« Puis-je au moins demander à mon ami d’aller apporter cette mousse à Aknaer, ou pensez-vous que lui aussi est un traitre ? »

Le thorkin gradé prend quelques secondes de réflexion. Il ouvre le sac et en vérifie le contenu d'une façon sommaire. L'incrédulité déforme ses traits lorsqu'il constate effectivement que le sac est entièrement rempli de mousse.

« Vous : accompagnez ce thorkin au Bazar Magique et vérifiez qu’il remet bien ceci à Aknaer. »

Deux nains se détachent du groupe pour encadrer Harmir.

« Quant à vous, en route. Nous avons perdu suffisamment de temps. »

Vohl est bien d’accord. Il se remet en tremblant sur ses jambes. La patrouille se met en marche. Alors que sa faiblesse le fait trébucher, les thorkins le saisissent par les bras pour le faire avancer plus vite. Ils atteignent rapidement le bâtiment de la milice, situé au cœur de Mertar.

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Message par Vohl Del'Yant » jeu. 11 avr. 2019 00:00

A peine sortis, le sergent leur tombe sur le râble. Jambes écartées, bras croisés, mine patibulaire, regard sombre. Si le ridicule tuait, il aurait trouvé là son dernier martyr. Même l’uniforme ne suffit pas à le rendre impressionnant. A moitié appuyé sur le coude de Hïo, Vohl défie le nain du regard. C’est bien tout ce qu’il peut faire.

« Que puis-je faire pour vous, sergent ? »

Une politesse vernie. La mauvaise fois incarnée. Une seule phrase pour illustrer le trésor de duplicité que sont les relations entre hautes familles.

Pourquoi donc venez-vous m’ennuyer ?

Le nain maintien son regard plongé dans les yeux de Vohl, le menton levé en signe de mépris.

« J’ai encore des questions pour vous, ynorien. »
« Je voudrais pouvoir vous aider : quelles sont ces questions ? Je crains d’ignorer ce que je peux vous dire de plus.»
Par Rana, quelles stupidités allez-vous inventer ?

« Ce n’est pas compliqué, vous devriez savoir répondre. Pour quelle raison êtes-vous venus ici ? Vous sembliez peu désireux d’en parler… »

(Grossier. Il ne se donne même pas la peine de cacher son mépris.)

« Il est toujours plus difficile d’être à l’aise à l’extérieur qu’à domicile, sergent. Mais j’ai peur que ma réponse ne vous ennuie de simplicité : nous avions besoin de métal. Pour un concours de forgerons. »
Afficher votre assurance ne vous coûte pas cher, SERGENT. Inutile de me faire perdre mon temps.

« C’est pour le métal que vous avez choisi de faire une halte dans les terres oaxiennes ? Votre trajet vous a forcément fait passer une nuit, si ce n’est deux, chez ces dégénérés. Et je ne parle pas des pendants omyrhiens trouvé dans vos effets personnels. Votre loyauté ne fait aucun doute...»

(Je vois, c’est donc cela. Cela explique sans doute aussi pourquoi sa hiérarchie ne le soutient pas, comme disait Hïo.)

« Il est vrai que nos lames sont passées plus près d’eux que les vôtres, mais je suis sur qu’avec un peu d’insistance, vous aurez la même occasion, sergent. Mais vous nous sous-estimez quelque peu, sergent : nous n’avons passé qu’une nuit pour traverser ce territoire. Sans doute avez-vous mal lu l’échelle de votre carte. »
Lâche. Imbécile. Sergent. Moi, j'ai combattu !


Une veine palpite sur la tempe du nain.

« Votre langue serait sans doute moins fière sur une pique sekteg. Je vais vous dire ce que je pense, étranger. Vous n’apportez rien de bon ici. Vous autres n’êtes là que pour trahir vos alliés, et profiter de notre métal. Aucune confiance ne peut être bâtie avec vous ; et un jour vous en paierez le prix. Je regrette de ne pas vous avoir retenu davantage en cellule. »

Le temps de sa tirade, il est devenu rouge écarlate. Il tourne les talons. Le protecteur se garde bien de dire que leur langue sur une pique sekteg aurait sans doute été plus à hauteur du nain, facilitant peut-être la compréhension sur le fait qu’ils n’étaient pas plus alliés d’Oaxaca que de ses légions. Le nain repart en direction de la milice, faisant signe à la thorkine qui montait la garde de l’accompagner. Celle-ci lui emboite le pas en décochant un regard hargneux aux deux ynoriens. Leur dandinement s’éloigne rapidement. Bon débarras.

« Attendre ici pour ça… »
« Chut !... »

Mais l’air amusé de Hïo laisse penser qu’il a goûté l’échange. Le thorkin a dû lui faire plus d’une remarque pendant le sommeil de Vohl. A leur tour, les deux hommes prennent la route de la forge royale dans une atmosphère aux relents de chaleur humide, baignée d’une lueur rougeoyante.

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Message par Vohl Del'Yant » sam. 13 avr. 2019 23:30

Ils sont dans la souricière : sortir va demander de le faire de force, quoi qu’il arrive. En les voyant chevaucher vers eux, certains thorkins ont un mouvement de recul alors que d’autres, les plus modérés, surement, s’écartent pour éviter de prendre un mauvais coup. Pour rajouter en pression, Vohl laisse apparaitre les longues tiges de fer qui prolongent son bras, arme levée. Il n’en reste pas beaucoup au milieu du chemin, mais c’est toujours trop. Ils sont au contact. Vohl joue la carte de la surprise : d’une pression de genoux, il demande à Mahô de sauter l’obstacle qui fait presque la moitié de sa taille. La Cerfe ne se fait pas prier : les plongeons dans les montagnes sont autrement plus effrayants qu’une dizaine de bouilles furieuses, à moitié masquée par des barbes. Ceux qui se sont rangés sur les côtés les agonisent d’injures, mais ils sont bien trop loin pour agir.

Drap noir, la queue de Mahô se déploie pour la faire planer jusqu’au plus loin possible. Elle renverse les thorkins sous elle. De l’autre côté, les Enragés, surpris, ont suivi sa trajectoire des yeux en brandissant ce qu’ils pouvaient pour l’atteindre. Plusieurs carreaux passent encore à côté de lui. La situation de hauteur représente également un désavantage dans une foule qui ne dépasse pas le mètre cinquante. Tant mieux. En plaçant le focus sur lui, ils en oublient le percheron, un peu plus lent, mais bien plus imposant. Le lourd cheval donne l’impression d’être un morceau de métal percutant un bloc de glace : chassés par le poitrail imposant, cinq thorkins se retrouvent à lécher le pavé.

Mahô baisse la tête pour continuer à avancer : les nains s’accumulent entre les cornes alors qu’elle les fait reculer. Vohl suppose toutefois que le poids sera bientôt trop important : il s’éjecte de la selle pour percuter et éparpiller au sol le bloc compact des enragés collés les uns aux autres. Il finit au sol dans la manœuvre, et aura des contusions. Un moindre mal ! Il se relève d’un bond : Mahô est prête à repartir, mais remonter en selle prendra trop de temps.

“Kage !”

Le percheron est bloqué. Peu habitué à ce genre de situations, et manquant de confiance en son cavalier, le cheval affiche des yeux fous en reculant, henissant et se cabrant à mesure que les thorkins brandissent les armes.

“Ils pillent nos ressources ! Ne les laissez pas s’enfuir ! Ces saletés d’étrangers n’ont même pas payé !”

L’un d’eux tire Hïo au sol en le tenant par son havresac. Déconcerté par la chute, le forgeron lâche le sac. Fanatique mais pas fou, le thorkin ouvre le sac. Il tombe sur la barre de faerunne pure.

“Regardez ! Ils nous volent ! Vous savez combien ça vaut ? Ce sont des Wrunkrolls ! Ils méritent d’être chassés ! Nous n’acceptons pas que ça vive avec nous !”

Vohl bondit. Les bottes le propulsent au-dessus des têtes : il atterrit sur le thorkin pendant que Hïo se redresse. Il roule au sol avec le nain, le percutant suffisamment fort pour lui faire lâcher la barre de faerunne et le sac. La barre tombe sur les pavés : pendant que Hïo la ramasse, les thorkins restants se rapprochent pour bloquer toute issue : un second groupe rejoint l’attroupement, faisant doubler le nombre de thorkins. Vohl fait remonter le forgeron en selle. Il fouette du revers dos des griffes la croupe du destrier.

C’est suffisant : il recommence à avancer, ignorant ce qui se passe en dessous de son buste puissant. La clameur des thorkins augmente en virulence. Un carreau se plante dans le ventre du cheval. Dans un hennissement, celui-ci piétine les thorkins devant lui pour fuir la menace. Tout est confus autour de Vohl. Ça braille, ça brandit des pioches et des pelles. Et il y a trop de torche pour songer à faire tomber l’obscurité comme rideau salvateur. Il reste en garde : des coups de pioches s’abattent sur lui. Une chance pour lui que ses adversaires se gênent les uns les autres. Il pare ce qu’il ne peut esquiver en reculant.

Le mercenaire est pieds et poings liés : s‘il blesse un thorkin, il devra en répondre devant les gardes, mais s’il ne fait rien, il sera passé à tabac par une foule délirante. Sa salvation arrive en face de lui : Mahô. Il voit la monture aux prises avec les nains qui tentent de la mettre au sol. Vohl n’a plus assez de place pour s’élancer au-dessus de la marée de nains. Qu’à cela ne tienne, et tant pis pour les blessés : il n’en sortira jamais s’il ne se mouille pas. Les nains ici ne sont pas tous formés au combat : dès que le sang commence à couler, un mouvement de panique s’amorce. Nul doute que si ç’avait été le leur, ils n’auraient pas eu la même réaction. Profitant de la confusion, Vohl force le passage, écopant au passage d’un coup de coude et d’une estafilade au bras.

Il rejoint malgré tout Mahô qui le guette d’un œil acéré. Ceux qui étaient aux prises avec la monture marchent sur lui, armant des frappes diverses et variées : certains montent leur pioche comme pour recevoir la foudre, d’autres, armés de marteaux et portant des armures, se contentent de raffermir leur prise sur les masses.

Il ne passera pas ce mur-ci. Du coin de l’œil, il note que le percheron sort de la foule, Hïo à son bord. Il oblique sa route, espérant que Mahô comprendra qu’elle doit suivre son instinct et fuir en attendant un moment plus propice aux retrouvailles. Le morceau de faerunne toujours à la main, les enragés les plus cupides courent après le forgeron. En lui portant secours, non seulement Vohl évite l’affrontement qui aurait risqué de durer contre les thorkins en armes, mais en plus il espère bien prendre à revers ceux qui ne valent guère mieux que des rats !

La fonctionne, au moins un temps. Les poursuivants se retournent pour affronter la menace, laissant leur proie prendre le large. Vohl s’enfuit alors. Bondissant sur le premier étage d’une maison, il évite d’avoir à franchir les thorkins restants. Il court sur les toits plats, utilisant les bottes pour se donner assez d’élan lorsque les toits ne sont pas mitoyens. Il court ainsi à perdre haleine, suivant le parcours de Hïo et vérifiant que Mahô le suit. Il est obligé de s’exposer, mais quelques tirs se font de moins en moins précis à mesure que les fuyards gagnent du terrain. Ils arrivent à hauteur de l’artère principale. Vohl ne peut franchir ce fossé d’un bon : il doit descendre, en espérant que la perte de temps ne permettra pas le retour des Enragés à leur niveau. Il descend le long de la maison en hâte, se laissant tomber dès que la hauteur lui semble raisonnable pour ne pas se blesser. Puis il reprend sa course. Il est à bout de souffle : la course d’obstacle est épuisante. Fort heureusement pour lui, les thorkins semblent avoir déserté la rue et ont fermé leurs fenêtres en entendant arriver les tambours des Enragés...ce qui lui laisse un passage libre.

Mahô vient à sa rencontre aussitôt qu’il est descendu au sol. Il lui gratte l’encolure en prenant de grandes goulées d’air ; puis il se hisse en selle. Tout conflit avec le groupe des enragés serait délétère, et ils n’en sortiraient jamais gagnants. Ils reprennent leur fuite vers les portes de la ville. A mi-chemin, une silhouette familière se dresse au milieu de la route.

“Oh, par Rana !”

L’exclamation est sortie toute seule. Devant eux se dresse un nain en armure de plates, une morgenstern à la main, écrasant de son poids un bouc des montagnes. Et sous l’armure, le visage rubicond du sergent transpire abondamment. L’éclat de ses yeux n’en est pas moins décidé.

“Prie ton dieu autant que tu le souhaite, païen. Et viens m’affronter.”

“La route est large, je pourrai aussi bien éviter le combat, et vous le savez pertinemment. Arrêtons donc là ce spectacle ridicule !”

“Tu pourrais mais...”

Le thorkin brandit une barre... de faerunne, à n'en pas douter.

“J’ai cru comprendre que toi et ton forgeron cherchiez désespérément ceci. Au bas mot, il y en a pour une bonne somme de yus trébuchants. Et depuis hier, vous n’avez pas eu le temps d’en retirer assez.”

“Figurez-vous que si.”

Vohl tente le bluff. Il préfère repartir sans être certain d’avoir la dose que de risquer la vie de Hïo pour une de ces maudites doses !

“Essaies-tu vraiment de rouler un thorkin en ce qui concerne le minage ? Ton mépris dépasse les bornes, étranger ! Allez, viens. J’offre une chance à ton forgeron de prouver à son pays qu’il vaut moins que la loque qu’il est !”

Le mercenaire jette un œil vers Hïo qui reste muet. L’indécision se lit sur son visage aussi facilement que la folie furieuse sur celle du sergent fou.

“D’accord. Si vous y tenez tant !”

Vohl s’élance rageusement. Il a suffisamment peu d’estime pour le thorkin pour ne pas débuter ce duel dans les règles. Les deux montures se rapprochent l’une de l’autre à une vitesse effrayante. D’un écart, la Cerfe évite la collision frontale qui lui aurait sans doute été fatale. La Morgenstern siffle dans le vide, de même que les griffes de l’assassin. Encore et encore, le schéma se répète, joute de deux chevaliers vouée à l’échec.

Le mercenaire est un fantassin. Son éducation l’a formé à chevaucher, mais pas à combattre en gérant les commandes d’une monture, encore moins lorsque celle-ci n’est pas entrainée pour se battre. Certes, Mahô est débrouillarde et pleine de ressources. Cela ne la transforme pas en cheval de bataille. Vohl prend conscience de cela au moment où il manque de recevoir un coup de la masse hérissée de pics. Les coups se rapprochent de plus en plus de lui, sans que les siens ne parviennent à faire mouche au travers de l’armure du guerrier.

L’ynorien comprend que rester sur sa monture lui fait finalement perdre plus de mobilité que cela ne lui en fait gagner. Il la fait volter pour la dernière fois, face au boyau qui continue et au bouc qui en obstrue le passage.

“Hïo, vas-y !”

“Je t’attends, Vohl. Gagne ce face à face là rapidement !”

“Haha, voilà des paroles courageuses ! Je m’occuperai de toi après, forgeron !”

Le cavalier ennemi charge de nouveau : Vohl laisse Mahô décider de sa fuite. Il bondit hors de selle au moment ou un coup horizontal aurait dû lui arracher le crâne. Il atterrit sur le bouc qui ploie légèrement sous le surplus de poids. Le thorkin ne se laisse pas pour autant désarçonner ! D’un coup de gantelet, il renvoie Vohl au sol. Le mercenaire se redresse en bondissant en arrière : il doit éviter de se faire piétiner.

“Hahaha, pauvre petite chose fragile : tu abandonnes ta monture ? Tu perds un avantage conséquent !”

Le sergent se précipite vers lui : Vohl tente d’esquiver. Tente seulement, car les cornes du bouc le percutent, l’envoyant rouler sur plusieurs mètres. Il se relève une nouvelle fois précipitamment. Le bouc est sur ses traces. Cette fois, Vohl est dos au mur. Tant mieux. Il s’éjecte, décollant du sol à une vitesse prodigieuse. Crochetant une prise lorsqu’il se trouve à son point culminant, il se laisse tomber sur le bouc, les griffes en avant. Une technique qui a fait ses preuves, désormais ! Il vise le cou du nain, légèrement visible par l’interstice de l’armure. La vitesse accumulée par la chute est impressionnante.

Le réflexe du thorkin l’est tout autant : laissant pendre le bras portant la masse, qui serait trop lent à relever, il pare avec son autre main, gantée elle aussi de lourdes plaques de fer. La force de l‘impact est tel que la poigne du nain se desserre : le tube métallique roule au sol, hors de portée des deux protagonistes, juste sous le bouc, qui sous l’impact ploie l’échine. Vohl écarquille des yeux grands comme des soucoupes en comprenant que l’incroyable poids de son attaque a été vaine.

Le sergent est clairement un combattant d’un certain calibre. Autour de lui, il n’y a personne d’autre que Hïo et les deux montures. Personne pour constater le spectacle, personne pour s’interposer, encore moins pour leur prêter main forte. Le cavalier tente de saisir le poignet de Vohl pour le maintenir en place alors que la morgenstern s’élance vers son visage. Telle une anguille, il glisse entre les doigts de son ennemi. Il s’en est fallu de peu.

Le mercenaire analyse encore la situation. La force prodigieuse du nain porte un sacré coup au moral de l’ancien soldat. Il ne peut espérer le contraindre : il doit être plus vif, plus précis. Facile à dire. Le sergent lance une nouvelle charge, faisant tournoyer la chaine au-dessus de sa tête. Vohl esquive d’un bond sur le côté : la masse vient s’écraser contre la paroi de pierre. Les éclats volent en tous sens : l’un d’entre eux, particulièrement aiguisé, vient créer une nouvelle estafilade sur le bras du mercenaire.

Voilà la faiblesse de ce bloc de métal impénétrable. L’inertie. Sa propre force, et la lenteur de remise en route. C’est là-dessus que l’assassin doit jouer. Il saute sur le sergent, toutes griffes dehors. Entre les plaques d’armures, les lames se frayent un chemin. Le sang coule du bras gauche du thorkin. Un coup au but. Il doit reprendre cette tactique ! Le thorkin se tourne vers lui...la surprise et la peur secouent les entrailles de Vohl. Le visage du thorkin n’exprime que la rage la plus pure. Les traits déformés par la haine, il ressemble aux figures mythiques qui ont marqué les combats des légendes. Des combattants si extraordinaires, si puissants, qu’ils auraient, d’après les livres, eu un impact colossal sur les affrontements entre les hommes et les garzoks, bien avant la fondation d’Oranan. Les berserkers. L’instinct de tuer prime. L’instinct de survie n’est qu’une cendre qui passe devant leurs yeux, qu’ils chassent aussitôt qu’elle se présente. Une attaque cherche un mort, ni plus, ni moins. Et la suivante poursuit le même objectif, encore et encore.

La fureur du combat, la soif de sang. Et celui-ci est en armure complète. C’est un désastre. La puissance d’un combattant qui ne mise que sur l’attaque, préservé des conséquences de ses actes par une armure plus solide qu’un bloc de roche. Vohl tourne les yeux vers Hïo, qui observe toujours le combat. Pour lui, il doit essayer. C’est sa mission. Il se concentre de nouveau sur le monstre qu’il a pour proie.

Les échanges recommencent. Le bouc charge et la morgenstern s’abat, ne recontrant que le vide. Les griffes de Vohl cliquettent sur l’armure. Cette dernière en sera quitte pour quelques rayures. D’un revers de la masse d’arme, le thorkin enragé envoie Vohl bouler contre la paroi. Le mercenaire se redresse, un de ses genou ayant pris un mauvais coup. Il se jette sur le côté, laissant le nain créer un nouveau renfoncement dans le tunnel principal de Mertar. Il se jette aussi vite que possible dans le dos du fanatique. Mais ce dernier l’attend. La poignée de la morgenstern se dresse soudain devant l’assassin, le percutant au thorax.

“Gwah !”

“Tu ne m’auras pas deux fois avec la même ruse, lavette !”

Le thorkin fait volter sa monture. Ses yeux sont plissés par la haine, mais un soupçon de moquerie et de certitude apparaît désormais.

“Oh, tu vas souffrir mille morts lorsque tu seras en cellule. Pauvre brebis égarée. Personne n’entendra tes cris, mais tu vas souffrir !”

Plus que le discours, c’est le regard du thorkin qui fait perdre espoir à l’ynorien. Alors que lui commence à ressentir des contusions et que ses membres fatiguent, pas le moindre reflet de souffrance dans les yeux du milicien.

“Hïo ! Pars !”

“C’est ça ! Fuis, forgeron ! Laisse ce bon à rien qui t’a sauvé la vie mourir ici ! Fuis, lâche que tu es !”

“Ne l’écoute pas !”

“... Comment savez-vous qu’il m’a sauvé la vie ?”

Le soldat hésite un bref instant.

“C’est évident !”

“Vous...”

“Vous étiez de mèche avec le shaakt ! C'est comme ça qu'il a pu tromper la vigilance des gardes !”

“Comment osez-vous ? Nul plus que moi ne défend la cause des thorkins !”

Mais ses paroles manquent de conviction.

“Vendu ! Et vous pavanez, avec vos airs de dévôt à votre cause !”

“C’est ce monde qui se pavane ! Il faut se ranger du côté des vainqueurs !”

“Vous êtes un renégat !”

“Je préserve le peuple thorkin !”

“Traître ! Hïo ! Va-t-en !”

Dans un regard, Vohl capte toute l’hésitation et le remord que partage son compagnon. Il est évident que ce combat ne se soldera pas par une victoire éclatante. Le combattant thorkin est de toute évidence plus expérimenté que ce qu’il pensait. Il est probable que son faible rang dans la hiérarchie de la milice ne soit lié qu’à des idées dérangeantes pour les grands pontes thorkins. Finalement, Hïo fait tourner les sabots à son destrier qui repart en clopinant à cause de sa blessure.

“Vous ne savez rien ! Sans notre travail, la cité est perdue !”

“Votre travail ? Vous n’êtes pas seul dans votre délire ?”

“Bien sur que non ! Nombreux sont ceux qui ont compris la situation !”

“Vous fomentez quelque chose !”

“Lorsque nous auront ce qu’il faut, nous serons libres ! Et nous n’aurons plus à subir votre influence et votre pillage débilitant !”

“Vous êtes fou à lier !”

“Alors c’est que la grande...”

Le reste de sa phrase est noyé dans un geyser de sang. Une lance d’éclair sortie d’une infractuosité du tunnel, derrière Vohl, vient de faire exploser le crâne du thorkin en une gerbe d’os et de cervelle. Sans un grincement, la morgenstern entraine la boite de métal sur le côté de l’animal. Toujours retenu par les étriers, la carcasse pend d’un côté de sa monture. Après être resté un instant paralysé par la surprise, Vohl se rue aussitôt en avant. En passant, il tente de récupérer la barre de faerunne avant de se ruer de nouveau vers la sortie, dépassant l’armure sans tête sur le dos de son bouc. Autant en profiter. Après s'être penché, un nouveau tir électrique passe juste au dessus de sa tête. C'était trop beau pour être vrai ! Quelqu'un a voulu faire taire le traître...et désormais il souhaite probablement veiller à ce qu'aucun témoin ne survive !

“Hïo ! Accélère ! Accélère !”
“Je fais ce que je peux !”
“Un de ces foutus mages essaie de nous tirer comme des lapins !”

Comme pour appuyer ses paroles, un nouvel éclair frôle l'encolure de la monture de l'assassin. Une odeur de roussi s'élève dans les airs : les poils ont été carbonisés par la proximité du courant électrique. Vohl saute brutalement sur la selle de sa Cerfe. Elle ne reste sur place que juste assez de temps pour prendre son passager, accélérant après que le mercenaire se soit agrippé à sa crinière. Ils arrivent bientôt à hauteur du destrier de Hïo : Vohl claque une nouvelle fois le plat de ses griffes sur le postérieur du cheval de trait. Le cheval tente d'accélérer, mais la blessure qu'il a lui ôte toute son énergie : Hïo irait plus vite à pied !

“Hïo, descend ! Prend ma place !”

Un autre roulement de tonnerre indique l'arrivée imminente d'un tir du mage qui veut leur peau. Par chance pour eux, la distance couverte fait perdre en précision au projectile : celui-ci s'écrase au sol à un bon mètre d'eux. Ce qui est tout de même suffisamment peu pour que leurs poils se hérissent. Hïo quitte sa selle sans discuter pour reprendre place sur Mahô. Vohl s'élance aussitôt, en même temps que sa Cerfe. Concentré sur sa course, l'un des éclairs lui frise l'épaule : une odeur de brûlé s'échappe aussitôt de ses vêtements, et son bras se tord douloureusement sous le spasme. A quelques centaines de mètres, ils voient la première enceinte de la cité thorkine. Il continuent d'avancer alors que les éclairs se font de plus en plus rares et de moins en moins précis.

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Re: Les Rues

Message par Oryash » mar. 22 oct. 2019 20:00

Précédemment : Restez donc entre homme à vous mesurer la b....


Oryash était sortie du tombeau et le moins que l'on puisse dire c'est qu'elle était à fleur de peau. Elle avançait droit devant elle, par le même chemin qu'elle avait suivit précédemment. Elle avait récupéré son équipement sans demander son reste et avait filé.Si quelques personnes se trouvaient sur son chemin, elle n'hésitait pas à grogner férocement où à les bousculer sans vergogne.
Bien vite, elle se retrouva dans les rues de cette cité souterraine et la lumière du jour lui manquait bien qu'il y ait pas endroit des puits de lumière, cela ne lui suffisait pas. Il lui en fallait plus.
Elle cheminait, tournant à gauche à droite, suivant une grande artère puis de plus petites, jusqu'à ce qu'elle finisse par se perdre.

" Ahhhh, ces maudits tunnels se ressemblent tous !"

Elle donna un coup de poing dans une porte en bois qui s'ouvrit. A l'intérieur tout n'était que poussière et toiles d'araignée. Dans quel quartier était-elle donc tombée ?
A bien y réfléchir, elle m'avait croisé personne depuis un bon moment. Est-ce une partie de la cité abandonnée et si oui, pourquoi ?
Soudain un bruit sourd et des grattements. Que diable se trouvait-il là dedans ? Elle chaussa ses griffes et entra avec précaution. Un couinement, puis un autre, semblable à ceux d'un rat, mais beaucoup plus fort. Et là soudain, une paire d'yeux la fixant dans la pénombre avant qu'un bout de museau n'apparaisse, celui d'un rongeur, mais il n'avait rien d'un rat normal. Il était énorme, avoisinant la taille d'un chien d'environ 15 kilos.

" Par Fenris, mais que... !" 

Avant même qu'elle ne termine sa phrase l'animal se ruait vers elle, toutes dents dehors, semblant vouloir faire de la peau blanche son dîner. Seulement voilà la demoiselle ne l'entendait pas de cette oreille et si elle esquiva la première attaque, la seconde l'atteignit à l'avant bras droit .C'est dans un grognement de douleur qu'elle embrocha l'animal au niveau de l'abdomen.

" Saloperie ! Prend ça !"  

Le rat recula sous l'impact, mais cela ne semblait pas l'avoir trop affecté puisqu'il remettait ça. Cette fois ce furent ses griffes infligèrent une belle estafilade sur la cuisse gauche de la peau blanche. Oryash fit un bon de côté et planta son arme dans l’œil du rat qui émit un couinement de douleur , puis un second qui avait tout l'air d'un appel à l'aide. Bientôt d'autres grattements sur le plancher de cette habitation et avant que d'autres animaux tout aussi gros n'arrivent, Oryash préféra battre en retraite et rebrousser chemin tant bien que mal. Elle fut suivit quelques temps, avant que plus rien ne se fasse entendre.



Suivant: Enfin la boutique en question
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Re: Les Rues

Message par Oryash » mer. 23 oct. 2019 22:04

Précédemment : Un sindel et ses emplettes


Lorsque Tanaëth lui intima l'ordre d'avaler la potion comme si elle était encore une gamine, elle émit un léger grognement.

" Cesse de me donner des ordres ! J'ai 22 printemps et je ne suis pas de une tes sous fifres !"

Elle rafla rageusement la fiole et en avala le contenu.

" En plus ça un goût atroce. Je comprendrais jamais pourquoi ils peuvent pas en faire de meilleures ? Mai bon doit bien y avoir une raison." 

Elle hausse le sourcil à l'évocation d'une jolie robe et récupère tout ce qu'il lui tend, saluant le nain avant de sortir de sa boutique. Après avoir fait quelques pas, elle demande.

" Une robe ? Pourquoi faire ? Ma tenue te convient pas ? Pas assez bien pour quelqu'un comme toi? J'en ai déjà une de toute façon. Je l'ai laissé à la maison des dépôts de Kendar Kar. Cadeau d'un capitaine de bateau. "

Elle continua de marcher tournant à gauche à droite, allant tout droit et soudain arrivée à un croisement de tunnels, elle stoppa, semblant chercher la direction à suivre. Elle hésitait....

"Alors comme ça on est venu jusque là pour ensuite retourner sur nos pas. Tu parles d'une pertes de temps pour un simple bout de papier ! Il aurait pu tout aussi bien envoyé un de ses hommes, non ? Après moi et vos alliances ou tout autre truc du genre , ça me dépasse. Vous autres les trop civilisés, vous en faites trop. Chez nous, c'est plus simple. Tu veux dire un truc à quelqu'un, tu y vas toi même ! Tu envoies pas le lapin, le renard ou la belette porter le message ! C'est plus rapide. "

Pas à dire, la Phalange de Fenris n'avait vraiment pas la même vision des choses que tout autre. Elle regarda à gauche, puis à droite, toujours hésitante.

  " Faut aller par où ? Sont tous pareils ces tunnels. Je m'y retrouve pas."  


Suivant : Gagnant la sortie de la cité des Thorkins.
Modifié en dernier par Oryash le jeu. 24 oct. 2019 20:54, modifié 2 fois.
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Re: Les Rues

Message par Tanaëth Ithil » jeu. 24 oct. 2019 11:34

La Phalange grogne et s'offusque lorsque je lui enjoins d'avaler la potion de soin, m'invitant à cesser de lui donner des ordres en arguant qu'elle a vingt-deux ans et qu'elle n'est pas l'une de mes sous-fifres. Haussant un sourcil discrètement sarcastique, je lui rétorque du tac au tac :

"Vingt-deux printemps? Fichtre, c'est toute une éternité! Mais ce n'était pas un ordre, juste une manifestation de mon inquiétude pour vous."

Elle n'en boit pas moins le liquide après s'être rageusement emparée de la fiole, puis râle quant au goût de cette dernière en se demandant pourquoi les alchimistes ne sont pas fichus de leur donner meilleur goût mais supposant qu'il doit bien y avoir une raison.

"Je n'en sais rien, je ne connais rien à la magie. Ça soigne et c'est tout ce que je demande."

Elle récupère ensuite la gourde que je lui tends et, alors que nous sortons de l'échoppe, ajoute :

"Une robe ? Pourquoi faire ? Ma tenue te convient pas ? Pas assez bien pour quelqu'un comme toi ? J'en ai déjà une de toute façon. Je l'ai laissé à la maison des dépôts de Kendar Kâr. Cadeau d'un capitaine de bateau."


Amusé, je secoue la tête en retenant un rire et lui réponds :

"Vous ne plaisantez donc jamais, dans vos tribus?"

Nous arrivons bientôt à un croisement où, ne paraissant pas savoir quelle direction prendre, Oryash s'arrête et réagit à ce que je lui ai dit concernant l'ordre du roi que je dois remettre à son armée :

"Alors comme ça on est venu jusque là pour ensuite retourner sur nos pas. Tu parles d'une perte de temps pour un simple bout de papier ! Il aurait pu tout aussi bien envoyer un de ses hommes, non ? Après moi et vos alliances ou tout autre truc du genre , ça me dépasse. Vous autres les trop civilisés, vous en faites trop. Chez nous, c'est plus simple. Tu veux dire un truc à quelqu'un, tu y vas toi même ! Tu envoies pas le lapin, le renard ou la belette porter le message ! C'est plus rapide."

Comme elle me demande ensuite quel chemin emprunter, je le lui désigne d'un petit geste de la main tout en lui rétorquant pensivement :

"Vos vies sont sans doute plus simples, oui. Mais nous ne pouvons pas vivre ainsi, pas avec Oaxaca qui menace d'écraser tout ce qui ne se soumet pas à elle. Avez-vous une idée de sa puissance? Elle ne dirige pas un territoire de chasse de quelques lieues, ni une tribu, mais plusieurs mondes. Ses armées sont immenses, ses ressources quasiment infinies. Aucun peuple n'a plus le pouvoir de lui résister seul. Ces alliances qui vous dépassent sont notre seul espoir de lui tenir tête et de garder notre liberté. De survivre. Mais les ennemis d'Oaxaca sont divisés, de vieilles histoires alimentent encore la méfiance, la rancune parfois. Pour ma part je viens d'un peuple qui n'entretient quasiment aucun lien avec l'étranger, je n'ai rien à voir avec ces antiques rancoeurs et cela fait de moi un interlocuteur neutre. Ce qui me donne la possibilité d'apaiser les tensions et, peut-être, de les amener à s'entendre avant qu'il ne soit trop tard."

Galerie après galerie, de salles en escaliers nous finissons par rejoindre la surface et l'air libre. Sans marquer la moindre halte, j'adresse un petit signe de remerciement aux Thorkins qui se sont occupés des chevaux et saute en selle. Nous avons une longue route à faire et trop peu de temps...

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Re: Les Rues

Message par Oryash » jeu. 24 oct. 2019 20:52

Précédemment : Direction la sortie de la ville mais...c'est par où?


Oryash hausse le sourcil.

" Comment ça, un signe de ton inquiétude pour moi ? Je vois pas pourquoi tu t' inquiète pour moi ? On se connaît que depuis peu. On s'inquiète pour des gens à qui on tient. De toute façon, je suis pas du genre à m'attacher ou à me faire des amis. Quand on s'attache on devient vulnérable et ça n'amène rien de bon." 

Un froncement de sourcil à l'évocation de son manque d'humour.

" Si on plaisante, mais je vois pas en quoi ta remarque sur la robe est drôle. Sauf si tu te paye ma tête et que tu veuilles me déguiser en bourgeoise ou je ne sais quoi d'autre. "

Alors que Tanaëth leur indique la route à prendre, tout en marchant, il lui explique qu'on ne peut pas tous vivre comme les Phalanges de Fenris. Qu'à présent il est temps de s'unir pour lutter contre Oaxaca sans quoi ils seront engloutis par ses armées.

"C'est un point de vu qui se tient. Mais toi ? Pourquoi, tu as voulu parcourir le monde et voir d'autres peuples ?"  

Ils marchèrent longtemps, très longtemps et quand finalement ils gagnèrent les portes de la cité, Oryash ne fut pas mécontente de retrouver sa monture dont elle flatta l'encolure avant de coller son front sur celui de l'animal.

"Herumor, mon seigneur noir. Il est temps de reprendre la route. " 

Elle monta en selle , fit tourner sa monture et rattrapa celle de Tanaëth rapidement.


Suivant: La Chaîne du Karathren, à proximité d'un camp
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