Le Sablier du Temps

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Yuimen
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Le Sablier du Temps

Message par Yuimen » jeu. 4 janv. 2018 15:43

Le Sablier du Temps
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Pagode d'Oranan

Au beau milieu de la cité d'Oranan se dresse fièrement une nouvelle curiosité locale, le Sablier du Temps. Son toit en pagode est composé de tuiles d'ardoises bleu pâle et se confond souvent avec le ciel, quelle que soit la saison.

Le rez-de-chaussée est un immense hall au plafond très haut accueillant en son centre un sablier de verre gigantesque (environ quatre mètres de haut) qui fait couler du sable des plages d'Ynorie et qui s'avère être assez précis comme instrument de mesure. Ce sablier est tourné pour entamer une nouvelle saison et, lors de cet événement, une fête est organisée. Les autres pièces qui encerclent le hall sont soit des bureaux, soit des chambres, soit des pièces inutilisées pour le moment.

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Madoka
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Re: Le Sablier du Temps

Message par Madoka » mar. 19 mars 2019 21:20

La pagode du Sablier n’est qu’à quelques minutes de marche du bâtiment du Conseil. Le grand bâtiment bordé d’un jardin épuré se voit de loin grâce à l’ardoise bleu pâle qui compose son toit en épi, une particularité que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. Les jours sans nuages, les pans d’ardoises se confondent avec le ciel donnant au reste du bâtiment, majoritairement fait de bois, des airs de bateau volant.
Une fois l’an, il devient le lieu le plus important de la ville, un lieu de recueillement et de culte, un lieu de fête en toutes circonstances. Je me souviens avoir entendu quantité d’anciens certifier que jamais, de mémoire d’hommes, même pendant les plus terribles guerres, on oublia de fêter le renouveau du cycle. Le temps d’une semaine, le Dieu du Temps et du Destin est prié ou remercié. A cette pensée, mes souvenirs refluent tandis que mon regard se perd dans le vide, observant le fantôme de mon passé vivre sa première fête. Je me revois tenir la main de ma mère, son sourire maîtrisé ne montrant qu’une infime partie de sa dentition pendant que j’exhibais la mienne sans retenue, je me souviens n’avoir eu d’yeux que pour elle lorsqu’elle me fit tirer au sort mon premier Omikuji et sa fierté de m’entendre lire ma prédiction seule. Je me souviens de la dernière, du papier qu’on a enroulé autour d’une branche du pin pour conjurer le sort de la mauvaise prédiction que j’avais tiré … et de la mort de mes deux parents quelques mois après. Depuis je n’ai plus tiré aucune divination. Nous sommes un peuple superstitieux et c’est je pense la raison de tant de ritualisation dans nos vies quotidiennes et la source de notre croyance en un Dieu du Destin … mais on a finit par confondre destin et chance. S’il existe comme les sages le disent un être, un Dieu créateur du Temps et régisseur du Destin … on n’en est pas moins maître de ses décisions et soumis aux caprices du hasard.


Je pousse la large porte d’entrée. L’endroit porte bien son nom : Le Sablier du Temps.
Un énorme sablier en verre trône au milieu du hall, symbole du temps qui passe et qui avance inexorablement. Un sablier d’une précision incomparable car le dernier grain de sable tombe à la dernière minute de la dernière heure du dernier jour de l’année. C’est sans doute la raison du calme qui règne ici. Personne ne vient observer le sable et méditer sur la symbolique de son ruissellement qui, au final, nous rappelle que tout a une fin.


Le petit homme que j’aperçois sur un banc face à l’une des grandes vitres, de par son origine, ne doit pas voir les choses ainsi … et pourrais-je l’en blâmer. Il a le nez dans un rouleau de parchemin et un autre est ouvert à côté de lui, une carte ou un plan à en juger par les formes.
Je le contourne largement et entre dans son champ de vision afin qu’il puisse m’apercevoir. C’est mon ombre au sol qu’il remarque en premier avant de lever son regard brun sur moi et de me saluer brièvement. Il est le premier Sinari que je rencontre et je me l’étais imaginée plus rond car leur réputation de bons mangeurs a traversé les frontières. Ses cheveux aussi bruns que ses yeux lui tombent en partie sur le visage, cachant le haut de ses oreilles légèrement pointues.
Je m’installe sur le rebord de fenêtre et attend qu’il se décide à relever les yeux pour lui sourire et lui tendre la missive remise par le Conseiller Gale. D’un geste de la tête, je l’invite à la consulter. A son froncement de sourcil, je devine tout de suite qu’il reconnait le sceau et à son regard que son attention m’est maintenant toute entière. Fruit d’une existence à communiquer ainsi, son visage est particulièrement expressif. Ses yeux furetèrent de droite à gauche sans rien regarder et avant qu’il n’entame un énième échange pénible, je me présente en langue des signes.

« Sam Gadgo, je me nomme Madoka Mawari. Je serais votre escorte pour le concours. »

Son visage se transforme, change du tout au tout. D’un petit homme calme et studieux, il passe à boule de nerf enjouée que rien n’arrête.

« Je suis soulagé. Je me voyais déjà perdre un temps mémorable à communiquer avec quelqu’un de normal. A vrai dire, je me voyais partir seul. Mais vous êtes là, quel soulagement. »

Ses mains sont agiles malgré leur apparences musclées et calleuses. Je ne parviens pas encore à lire aussi vite qu’il signe, l’habitude du rythme plus lent d’une vieille dame a un peu rouillée ma lecture. Il me gratifie encore de ma présence, ne semblant pas réellement y croire, je le sens impatient de partir, impatient de partager et impatient de forger.

« J’ai beaucoup étudié déjà, j’ai eu du temps, je suis là depuis des jours, peut être même des semaines, je n’ai pas compté. Je sais déjà où on doit aller … enfin quel continent … ce n’est pas si courant, le métal élémentaire, pour avoir un plan détaillé mais j’ai trouvé des histoires de voyages, très vieilles, des récits de voyages en chanson ou en poèmes, des témoignages d’artisans qui ont eu la chance de le travailler. C’est fantastique. J’ai vraiment hâte. Maintenant que vous êtes là, on va pouvoir y aller. »

Ses doigts et ses poignets bougent vite, son souffle et sa gorge les accompagnent parfois aussi. Son sourire ne quitte pas ses lèvres, son soulagement est visible jusque dans la lueur de son regard, très vite remplacé par son impatience et son besoin de partir. Si je le laisse faire, il est capable de partir comme il est.

« Doucement Sam. Vous n’avez pas de la famille à qui dire au-revoir avant de quitter la ville précipitamment ? »
« Déjà fait. Signe-t-il en regardant ailleurs. Ils sont repartis il y a plusieurs jours, ils se languissaient de notre maison. »

Sans m’en douter, j’ai touché un point sensible. Ses gestes sont crispés, son visage a perdu de son enthousiasme et le revoilà plongé dans sa carte. Si son entrain premier est dans sa nature il en parlera de lui-même, je n’ai pas à m’en mêler d’autant que je ne suis pas certaine de pouvoir comprendre les liens qui unissent les Sinaris entre eux. Aussi, je décide de relancer la conversation vers un sujet qui nous concerne tous les deux à parts égales.

« Alors dites m’en plus sur notre destination Sam. Le Conseiller Gale a mentionné la principauté de Kendra-Kar. »

Il grimace et secoue la tête en retournant la carte afin de me montrer notre destination. Je reconnais rapidement le continent, avec ces deux régions désertiques. Sa grimace n’est en rien liée à son état d’esprit précédent. Oubliés les derniers propos, oublié sa détresse, son exaltation reprend le dessus.

« Non. Il n’y en a pas dans la région. En ville oui, mais pas brut. Sur les ornements des toits et des tours par exemple. La ville de lumière porte bien son nom. Les fondateurs et constructeurs de la ville sont tous allés chercher ce métal au même endroit. Il tapote la carte et mon humeur dégringole. Dans les déserts d’Imiftil !!! »

Il ne manque qu’un gong résonnant pour parfaire son dernier geste. Il perçoit ma moue et mon regard fuyant vers les deux zones concernées sur la carte. Il y a moins d’une heure, Sirius Gale nous prédisait un voyage assez court et maintenant, penser à notre destination fait plutôt naître de noires idées. Celles qui ne prédisent même pas un retour. J’ai beau faire, je n’arrive pas à me persuader d’une erreur. Il a passé des jours entiers à ses recherches, quel genre de relation serait-ce que la nôtre si dès le départ, je mettais en doute ses connaissances.

« Moi aussi j’ai fait cette tête la première fois que je me suis imaginé fouler ces terres arides. Après tout, nous venons du même continent où il n’y fait jamais extrêmement chaud. On n’y connait rien. Nulle part il est précisé où on a le plus de chance d’en trouver, à l’est ou à l’ouest. On n’aura surement pas le temps d’aller à l’est de toute manière. C’est vaste un désert, alors deux, vous imaginez.»

Il lit dans mes pensées. Je ne sais si je dois me sentir rassurée ou chagrinée de le savoir lui aussi perturbé à l’idée d’arpenter seuls ces terres hostiles. L’attribut exotique d’un tel voyage disparaissant aussitôt en se remémorant l’interdiction pour lui, et donc pour nous, de faire appel à d’autres personnes pour le guider et l’aider. Ceci dit, sa réaction première comme il dit à vite fait place à un enthousiasme réel et communiquant. Quand bien même, aussi loin que remontent mes souvenirs je n’ai jamais eu la sagacité d’esprit de reculer face au danger.

« Bien ! Dis-je avec conviction en posant à plat la carte sur le banc. Mes semaines d’apprentissage à la Maison Rouge n’auront pas été qu’une perte de temps, on m’a enseigné la géographie afin d’en connaître assez sur les mœurs de nos hôtes et l’endroit où ils vivent pour qu’ils ne sentent pas totalement étrangers et isolés. Inutile espérer arriver directement par la côte ouest, nous allons devoir débarquer à Exech au nord-ouest et continuer à cheval jusqu’au désert, en espérant ne pas avoir à le traverser en entier. Pour les détails, on verra sur place, où est l’aventure si on connait le parcours par cœur !?! »

Il acquiesce plusieurs fois et suit de son doigt les endroits nommés et le perd dans l’immensité désertique. Je le sens légèrement à cran, comme si sa détermination ne tenait finalement à pas grand-chose ou que se jouait quelque chose de plus gros qu’une place au sein de notre armée. Une place de choix mais un choix étrange pour un Sinari. Je me promets alors de le questionner à ce propos au cours du voyage, du long voyage à venir.

« Commençons par le port, je connais un capitaine qui acceptera peut être de nous aider à rejoindre Exech. »

Le forgeron hoche la tête, enroule ses cartes et parchemins qu’ils rangent dans son sas d’où tinte soudainement un bruit de métal. Face à ma surprise il l’ouvre en grand et je peux observer là dedans quelque chose d’inattendu. Tout un set de casserole, poêle et ustensiles de cuisines ainsi que quelques bocaux en métal et en verre plus petits qu’une tasse à thé.

« J’aime la cuisine » Signe-t-il en haussant les épaules avant de tout refermer et de se redresser fièrement, comme si je n’avais besoin d’aucune autre explications. Qu’en sais-je moi si c’est normal ou pas de se trimballer avec sa cuisine sur l’épaule. C’est peut-être un adage Sinari : Montre-moi ce que tu portes, je te dirais qui tu es.

« Aimer est un faible mot si vous emportez avec vous votre matériel … ou est-ce cuisiner que vous aimez vraiment ?
- De vous à moi, j’aime cuisiner autant que travailler le métal.
- Et vous êtes sur le point de parcourir la moitié du monde pour participer à un concours de forge d’un pays étranger … c’est dire si vous aimez la cuisine, en effet ! »

Il m’adresse un léger sourire, presque sur la défensive avant de regarder vers la sortie. Il n’est pas besoin d’être doué d’intuition pour comprendre que la raison de sa participation au concours est un sujet sensible. Nul doute qu’une fois sur le départ et en ma compagnie depuis plusieurs jours, il aura compris que je ne suis pas là pour juger du bien fondé de ses actes et décisions, ni de leur légitimité.
En l’instant, je peux soit me perdre en paroles pompeuses ou marquer le premier pas du périple à venir.

« Allons voir si notre moyen de transport est encore à quai.»

Le moins que je puisse dire, c’est qu’il ne lui en faut pas beaucoup à lui non plus pour mettre de côté ses afflictions et foncer tête baissée vers son objectif.

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Vohl Del'Yant
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Re: Le Sablier du Temps

Message par Vohl Del'Yant » mer. 18 sept. 2019 00:58

La pagode est publique et ses portes ouvertes dévoilent un instrument de verre renflé. Le sable d’or qui coule de haut en bas ne laisse aucun doute sur la nature du Sablier. Lors des solstices, cet outil de mesure est tourné pour lancer le décompte vers un nouveau cycle. Une fois que l’attention quitte la pièce ventrue, son regard se perd dans la contemplation d’un toit azuré, orné de reflets d’opale et de topaze. Le ciel nuageux ne rend aujourd’hui pas justice au noble bâtiment, ombrant les pierres et les privant de l’éclat dont elles devraient faire resplendir les dorures et les bois lustrés des poutres et ogives.
Les courbes élégantes et définitivement ynoriennes du bâtiment laissent couler le regard du passant sur le jardin qui en fait le tour. Comme pour rehausser la richesse du Sablier, le jardin est élégamment conçu tout en restant épuré : quelques cerisiers laisseront au printemps les pétales délicats orner un tapis vert encore recouvert de neige, manteau immaculé que ne rompent que quelques rochers et fontaines de pierre brute. Les lanternes rouges semblent exploser d’une couleur chaude, brisant le ton monochromatique de du jardin, telles les larmes de sang que coutera la nouvelle saison aux ynoriens. Autour de ces larmes, les papiers de bénédiction pendent comme autant de cils jaunes au mascara noir.

Vohl prend place devant ce qui pourrait aussi être appelé le temple du Temps. Il ne peut rien faire de plus pour l’instant : son amante n’est pas chez elle et lui courir après ne ferait que courir des risques supplémentaires au succès de leur opération. Quant au fait de préparer une embarcation pour sa fuite avec Ryo, ils feront avec les moyens du bord, et en nageant s’il le faut. En contournant ainsi la ville par le sud, ils devraient pouvoir revenir par la porte Nord en moins d’une semaine, sans trop traverser de zones de danger. Vohl ne se fait pas d’idée. N’ayant jamais vu le jeune soldat combattre, il ne souhaite pas prendre le risque de tomber une patrouille de garzoks en s’éloignant au nord. Les dangers qui peupleront leur périple vers le lac de Moura et leur retour vers la capitale sera un très bon début pour un duo d’étrangers.

Quant à la question de comment le convaincre, l’assassin ne se fait pas de soucis, si le frère tient autant à sa sœur qu’elle tient à lui. Vohl pousse un soupir. Au moins ce dernier aura-t-il été protégé d’une éventuelle riposte de Talabre. Il ne lui reste plus qu’a jouer son rôle, et cela, le voleur l’en pense capable. Après ce qui semble être une éternité à marcher autour de l’écoulement de sable d’or, Vohl remarque que la nuit s’est enfin faite en remarquant qu’il est désormais seul à tourner autour de la structure de verre. Cherock ne devrait plus tarder : la tension monte en Vohl en pensant aux différents thèmes qu’ils auront à aborder pendant la discussion. Hatsu. L’enlèvement. Le poison. Talabre. Ses crimes. Il lève les yeux : les torches se réverbèrent sur les courbes du Sablier, prunelles brulantes d’un témoin silencieux et impitoyable. Dans ces reflets s’avance la silhouette connue d’un fulguromancien. Vohl se tourne, le port fier et droit. Il a fait ce qui devait être fait. Rien ne saurait être changé maintenant que les dés sont lancés.

Bien qu’il comprenne le besoin de réponses du fulguromancien, il s’interroge sur le fait que ces dernières soient tardives : le mage doute-t-il de ses motivations, ou de ses méthodes ? Le fulguromancien s'avance vers lui. A ses côtés pendent les attributs qui sont les siens : une lame dont l'éclat évoque les souvenirs de son voyage avec Hïo, légendaire parmi le peuple oranien et à travers l'Ynorie. La Kizoku-Rana, lame de faerunne forgée en l'honneur de la déesse éponyme. Sur son autre hanche, un marteau runique dont Vohl ignore la provenance. Le marteau qui a eu raison de Talabre en un unique coup. Une force impressionnante, pour ce que Vohl aurait attendu d'un mage : c'est une certitude qu'il vaut mieux l'avoir dans son camps.

"Tu as demandé à ce que je vienne te voir... me voici. Nous sommes seuls depuis un certain temps : que dirais tu que je réponde à tes questions ?"

Disant cela, Vohl s'emmitoufle dans sa cape de mauvaise qualité afin de lutter contre le froid et le vent qui prennent possession d'Oranan le soir venu. Face à l'armure rutilante de son allié, le constat ne se fait pas attendre : il lui faut un nouvel équipement. Le sien a été d'une grande aide pendant ces dernières années, mais il faut se rendre à l'évidence : ce ne sont aujourd'hui que des guenilles, et Vohl a davantage l'air d'un combattant de seconde zone qu'une véritable aide dans un combat. Son attention se détache des mailles de faerunne de Cherock lorsqu'il prend la parole. Au moins, les questions ont le mérite d'être simples. Il veut savoir tout ce qui est lié à l'opération.

"Je vais te dire tout ce que j'ai répugné à te dire avant de voir si tu étais digne de confiance. Sache toutefois que rien de ce que j'ai dit précédemment n'était faux. J'ai une revanche à prendre sur Talabre, c'est vrai. Des comptes personnels, c'est vrai également. Et j'étais personnellement impliqué dans la situation actuelle. Mais même si j'ai espéré de toute mon âme que ce que nous avons fait serait possible, le reste est vrai aussi. Talabre est un capitaine qui ne s'est illustré d'aucune façon particulière. Etrange, non ?"

Il lève un sourcil faussement interrogateur avant de répondre à sa question réthorique.

"Pas tant que ça. Mais curieusement, les hommes qui auraient pu prétendre au titre de capitaine sont morts, se sont retirés de la vie militaire à des rangs subalternes suite à des blessures, ... Toutes organisées par Talabre. J'ai assisté aux premières étapes de son ascension. J'ai été témoin du meurtre de mon père. Et d'autres par la suite."

Il fixe son regard dans les prunelles du fulguromancien. Les flammes des torches font briller ses yeux d'un reflet dansant, parant ses yeux bicolores d'une pointe de sable aux couleurs du bronze.

"Je ne pouvais pas te faire confiance dès le départ, même si je fais confiance à Hïo et à son jugement... Amis d'enfance, cela brouille parfois le jugement, j'ai craint que le sien ne soit biaisé, d'autant que d'après ses dires, cela fait longtemps que le porteur de la Kizoku ne lui a pas fait l'honneur d'une visite. L'opération était délicate, les risques de trahison importants. J'avais trop de choses à perdre et à faire perdre pour faire confiance aveuglément."

Il détourne le regard, le perdant dans les sables du temps.

"Marchons un peu."

La dite marche est facultative, mais elle permet de faire le tour du colossal dôme de verre... et d'éviter que quiconque n'entende l'intégralité de la discussion, qu'il reprend d'un ton bas.

"Après le meurtre de mon père, Talabre savait que j'étais témoin. Je ne pouvais que me douter ce qui était arrivé aux autres prétendants au titre de capitaine. Un fabuleux hasard que les meilleurs soldats et stratèges de trois divisions aient tourné le dos à l'ennemi avant de prendre une flèche."

Le ton ironique de Vohl ne laisse aucun doute à ce qu'il pense des preuves de couardise de trois dirigeants émérites.

"Il a vu que je le regardait au moment où il a tiré, du haut du rempart de l'avant poste. Il a tenté de me faire taire en m'envoyant dans des patrouilles restreintes, en exploration dans la forêt du Nord. Une stupidité qui a couté des vies, oui. Mais pas la mienne. Je m'en suis sorti en perdant des compagnons de formation. Mais j'ai compris que je n'avais plus d'autre avenir que de mourir dans les voies militaires. Je ne répugne pas à sacrifier ma vie, mais pas en vain."

Il pose la main sur son coeur, sa voix s'élevant au dessus du bruissement du sable avec un indéniable accent de sincérité.

"Comme mon père, je n'ai jamais été lâche. Je ne réclame que de vouloir servir mon pays... Alors oui. J'ai déserté. Pour moi, mais surtout pour ma soeur, qui a suivi la voie que j'ai empruntée. Ma famille ne sait pas que le meurtrier de mon père n'est autre que le capitaine. Ils peuvent ainsi vivre tranquillement, puisque je suis réputé mort et que Talabre s'en était contenté... jusque maintenant."

Il s'incline avec ironie en obliquant le buste vers Cherock.

"Il n'est jamais trop tard pour les présentations. Vohl Del'Yanth, fils de lâche, déserteur et apparemment ennemi de l'Ynorie. M'aurais tu fais confiance, si je m'étais présenté ainsi la première fois que nous avons parlé ?"

Il éclate d'un rire nerveux, et sans joie. Mais c'est la ferveur qui perce dans sa voix lorsqu'il reprend la parole.

"Tu es un homme d'honneur, Cherock O'Fall. Mais tous ne sont pas comme toi : on n'apprend pas ce genre de choses à un voyageur. Je me suis donc éclipsé, et j'ai servi mon pays dans l'ombre, sous un nom d'emprunt, que tu connais. Hïo aussi ne connait que celui-ci. Mais c'est un secret que je te demanderai de garder. J'ai toute confiance en bon nombre de gens. Et c'est parce qu'ils me sont chers que je ne veux pas les voir porter un secret ou laisser un doute ronger nos relations. Hïo a son idée sur là d'où je viens... Il a assisté à une tentative d'assassinat de la part d'un des hommes de Talabre, sur moi. Il m'a sauvé, ce jour-là."

Il continue, des étoiles dans le regard, brillant dans des larmes timides qui humidifient ses yeux.

"Et aujourd'hui, plus que jamais, je suis prêt à délaisser mon identité pour celle qui tient mon coeur entre ses doigts. S'il faut porter un poids pour lui permettre de mener la vie qu'elle souhaite, je le prendrai sans hésiter. C'est pour cela qu'elle devait être victime. Elle devait rester innocente, quel qu'en soit le prix. Si tu me dénonce, ou si l'enquête les mène jusqu'à moi, j'assumerai d'avoir voulu assassiner deux familles nobles d'un coup. Par vengeance ou ce que voudront croire les juges. Peu m'importe. Elle aura pu éviter le mariage de façon définitive, et en sortir blanche de tout soupçon."


Deux larmes tracent des sillons sur la peau tannée du jeune homme, perles qui parlent du stress et de la peur d'avoir commis l'irréparable.

"Si elle doit me haïr de l'avoir fait souffrir, je prendrai ce poids aussi."


Après avoir essuyé d'un pouce les gouttes salées, il se tourne vers le fulguromancien.

"Certaines choses sont d'une nature si forte qu'elle ne doivent peser que sur un coeur tant que l'autre n'est pas prêt à le recevoir. Je lui dirai, le jour venu. Et ce jour là elle tiendra ma vie entre ses mains... comme aujourd'hui sans qu'elle le sache."

Lorsque le mage lui demande davantage d'informations sur ce qu'il avait prévu avec ces fioles, Vohl lui dévoile avoir préparé une fiole de poison et deux antidotes. Un pour le laisser dans la poche de Talabre, l'inculpant ainsi pour ce qu'il aurait de toute façon fini par faire.

"Penses tu qu'une bête sournoise se range parce qu'elle a obtenu ce qu'elle voulait à un instant donné? Qu'il allait se contenter de nouer une seule alliance ? Bien sur que non. L'objectif de Talabre est de monter, toujours et encore. Les Ôkamis n'étaient qu'une étape lui donnant accès aux anciennes maisons. Il abuse tout le monde. Même Ryo, pourtant objet du chantage sur la famille, ne se doutait de rien... et doute encore."

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Akihito
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Re: Le Sablier du Temps

Message par Akihito » mer. 18 sept. 2019 19:52

Dans le chapitre précédent...

Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre

Chapitre XX : Le temps qui s'égrène dissipe les doutes

La nuit n'était pas spécialement claire : par moment, l'astre lunaire perçait à travers les nuages mais le ciel partiellement couvert ne laissait que peu apparaître les corps célestes. Le bâtiment, une pagode ouverte aux quatre vents, contenait en son centre un imposant sablier cerclé d'or. La structure de plus de cinq mètres de haut était remplie d'un sable fin et blanc brillant, à tel point que les légendes urbaines contaient que de minuscules particules d'or y étaient disséminées. Avec le récent changement de saison, le Sablier était remplit majoritairement dans sa partie supérieure.
Akihiko arriva et contempla le spectacle, apaisé. S'il avait choisi ce lieu pour discuter avec Kage, c'était pour un certain nombre de raisons. Premièrement, le Sablier du Temps était un lieu connu pour sa tranquillité et l'apaisement qu'il procurait à ceux le regardant et aux vues de la journée tendue que les deux hommes venaient de vivre, ce n'était pas si mal. Deuxièmement, la pagode était un lieu de rencontres fréquent : voir deux personnes y discuter dans la soirée n'aurait rien de suspect. Enfin, la structure du lieu permettait de voir arriver de loin les oreilles indiscrètes.
L'enchanteur appréciait vraiment cet endroit. Combien de nuits y avait-il passé, seul ou accompagné de Hïo, à rêvasser et refaire le monde ? Aucun lieu ne lui semblait plus approprié à ce moment. La discussion avec Kage allait être, il l'espérait, pleine de révélations. Il aperçut par ailleurs ce dernier qui était déjà dans la pagode, à contempler le sablier. Que pouvait-il bien penser ? Akihiko allait bientôt le savoir puisqu'à l'instant où le regard des deux hommes se croisèrent, ils firent marche l'un vers l'autre. Il sentit d'ailleurs son regard se poser sur son équipement, une lueur d'envie dans les yeux. Aux vues de son équipement à lui, l'enchanteur devina sans mal sa médiocre qualité. Ce qui était étonnant puisque le ninja ne semblait pas impotent. Un manque de finance sûrement ? Toujours était-il qu'il devait sûrement songer à renouveler son propre équipement.

"Tu as demandé à ce que je vienne te voir... me voici. Nous sommes seuls depuis un certain temps : que dirais tu que je réponde à tes questions ?"

Akihiko l'invita alors à s'asseoir avec lui sur un des bancs entourant le sablier. Après un moment à regarder le sable s'égrener lentement mais aussi sûrement que la course du soleil, le fulguromancien prit la parole.

"Des questions... Oui. Mais je pense que cela pourrait se résumer à une seule et unique question. Cette haine envers Talabre, ces liens que tu sembles avoir tissé avec la noblesse... Kage, qui es-tu ?

- Je vais te dire tout ce que j'ai répugné à te dire avant de voir si tu étais digne de confiance. Sache toutefois que rien de ce que j'ai dit précédemment n'était faux. J'ai une revanche à prendre sur Talabre, c'est vrai. Des comptes personnels, c'est vrai également. Et j'étais personnellement impliqué dans la situation actuelle. Mais même si j'ai espéré de toute mon âme que ce que nous avons fait serait possible, le reste est vrai aussi. Talabre est un capitaine qui ne s'est illustré d'aucune façon particulière. Etrange, non ?

- Pas si difficile à croire... La noblesse sert parfois de passe-droit pour les hautes fonctions de l'armée, au détriment de meneurs d'hommes réellement compétents, répondit Akihiko en haussant un sourcil désabusé.

- Pas tant que ça. Mais curieusement, les hommes qui auraient pu prétendre au titre de capitaine sont morts, se sont retirés de la vie militaire à des rangs subalternes suite à des blessures, ... Toutes organisées par Talabre. J'ai assisté aux premières étapes de son ascension. J'ai été témoin du meurtre de mon père. Et d'autres par la suite."

Son regard se fixa dans celui de Akihiko. La haine qui y couvait n'était plus, du moins plus aussi importante. Les mots faisaient remonter de douloureux souvenirs chez Kage qui sombrait lentement dans ses émotions. Mais il parvint à conserver un semblant d'impassibilité.

"Je ne pouvais pas te faire confiance dès le départ, même si je fais confiance à Hïo et à son jugement... Amis d'enfance, cela brouille parfois le jugement, j'ai craint que le sien ne soit biaisé, d'autant que d'après ses dires, cela fait longtemps que le porteur de la Kizoku ne lui a pas fait l'honneur d'une visite. L'opération était délicate, les risques de trahison importants. J'avais trop de choses à perdre et à faire perdre pour faire confiance aveuglément.

- Je ne peux que comprendre ta situation. Moi-même j'aurais peut-être fait pareil... Mais je ne peux m'empêcher de regretter de découvrir tout cela que maintenant."

Kage eu un pauvre sourire. Il fini par se lever et se tourna vers lui.

"Marchons un peu."

Akihiko acquiesca et se leva à la suite de l'homme. Ils marchèrent autour du sablier, de longues secondes seulement perturbées par le bruit du sable s'écoulant inexorablement comme le temps. Puis, Vohl reprit la parole.

"Après le meurtre de mon père, Talabre savait que j'étais témoin. Je ne pouvais que me douter ce qui était arrivé aux autres prétendants au titre de capitaine. Un fabuleux hasard que les meilleurs soldats et stratèges de trois divisions aient tourné le dos à l'ennemi avant de prendre une flèche. Il a vu que je le regardait au moment où il a tiré, du haut du rempart de l'avant poste. Il a tenté de me faire taire en m'envoyant dans des patrouilles restreintes, en exploration dans la forêt du Nord. Une stupidité qui a couté des vies, oui. Mais pas la mienne. Je m'en suis sorti en perdant des compagnons de formation. Mais j'ai compris que je n'avais plus d'autre avenir que de mourir dans les voies militaires. Je ne répugne pas à sacrifier ma vie, mais pas en vain."

Après le saecasme, ce fut la sincérité qui fit vibrer la voix de Kage. Akihiko, lui, écoutait simplement le malheureux raconter comment sa vie avait été ruinée par un homme avide de pouvoir.

"Comme mon père, je n'ai jamais été lâche. Je ne réclame que de vouloir servir mon pays... Alors oui. J'ai déserté. Pour moi, mais surtout pour ma soeur, qui a suivi la voie que j'ai empruntée. Ma famille ne sait pas que le meurtrier de mon père n'est autre que le capitaine. Ils peuvent ainsi vivre tranquillement, puisque je suis réputé mort et que Talabre s'en était contenté... jusque maintenant."

Les pas s'arrêtèrent. Kage, face à Akihiko, s'inclina profondément.

"Il n'est jamais trop tard pour les présentations. Vohl Del'Yanth, fils de lâche, déserteur et apparemment ennemi de l'Ynorie. M'aurais tu fais confiance, si je m'étais présenté ainsi la première fois que nous avons parlé ?"

(Del'Yant... C'était donc lui.)

(Tu le connais finalement ?) demanda Amy, passionnée par la conversation et le résumé du drame qui avait secoué Kage -non, Vohl.

(Vaguement seulement, de la part de Père... Un raid Garzok sur une position ynorienne, un vrai massacre. Les pertes ont été lourdes et Vohl Del'Yant, fils de noble, avait été déclaré comme déserteur. On le pensait mort. Je ne savais pas que c'était à cet accrochage que Talabre avait été promut cependant.)

(Pauvre homme... Il a décidément bien souffert.)

Akihiko fixa Vohl face à lui. Devait-il le considérer comme un mercenaire et le tutoyer comme il l'avait fait, ou devait-il le vouvoyer tel le noble qu'il était ? Après un cours instant, il prit sa décision. Avant d'être tout cela, c'était un compagnon.

"Te souviens-tu de mes paroles lorsque nous nous sommes rencontrés ? "C'est à ses actes qu'on juge la valeur d'un homme". Alors laisse moi rectifier. Tu es Vohl Del'Yant, fils d'un père assassiné, déserteur contre son gré et défenseur de l'Ynorie. Je me fiche bien des sobriquets et des titres qu'on donne à une personne. Alors c'est vrai, j'aurais été plus méfiant. Mais plus curieux également. J'aurais cherché à en savoir plus avant de te prêter main forte. Et je suis certain qu'après avoir tout entendu, ma décision aurait été la même, dit Akihiko en tendant la main à celui qui était devenu son compagnon. Compagnon d'infortune, certe, mais compagnon d'infortune choisie.

- Tu es un homme d'honneur, Akihiko Yoichi. Mais tous ne sont pas comme toi : on n'apprend pas ce genre de choses à un voyageur. Je me suis donc éclipsé, et j'ai servi mon pays dans l'ombre, sous un nom d'emprunt, que tu connais. Hïo aussi ne connait que celui-ci. Mais c'est un secret que je te demanderai de garder. J'ai toute confiance en bon nombre de gens. Et c'est parce qu'ils me sont chers que je ne veux pas les voir porter un secret ou laisser un doute ronger nos relations. Hïo a son idée sur là d'où je viens... Il a assisté à une tentative d'assassinat de la part d'un des hommes de Talabre, sur moi. Il m'a sauvé, ce jour-là.

- Hïo a bien grandit à ce que j'entends, dit Akihiko alors que, perdu dans son discours, Vohl se mit à pleurer sans que le chagrin ou la douleur ne viennent faire trembler sa voix.

- Et aujourd'hui, plus que jamais, je suis prêt à délaisser mon identité pour celle qui tient mon coeur entre ses doigts. S'il faut porter un poids pour lui permettre de mener la vie qu'elle souhaite, je le prendrai sans hésiter. C'est pour cela qu'elle devait être victime. Elle devait rester innocente, quel qu'en soit le prix. Si tu me dénonce, ou si l'enquête les mène jusqu'à moi, j'assumerai d'avoir voulu assassiner deux familles nobles d'un coup. Par vengeance ou ce que voudront croire les juges. Peu m'importe. Elle aura pu éviter le mariage de façon définitive, et en sortir blanche de tout soupçon."

Les soupçons de l'enchanteur se confirmèrent alors. A demi-mots et sans évoquer son nom, le soi-disant ennemi de l'Ynorie confessa son amour pour la première née des Ôkami, Hatsu. Le flot de larmes s'intensifia alors que le jeune homme déversait toute son inquiétude pour la femme qu'il aimait. Akihiko, lui, ne parvenait pas à comprendre comment l'amour pouvait rendre aussi désespéré un homme, le pousser dans de telles extrémités. Mais pour n'avoir jamais ressenti ce sentiment, il mit ses interrogations de côté. Peut-être que, lui aussi, il rencontrerait un jour une femme qui rendrait ses pensées confuses et ses choix, déraisonnables. Cela lui fit penser à une chose : la dernière pièce manquante du puzzle. L'ex soldat écrasa alors les deux dernières larmes coulant de ses yeux, avant de rajouter :

"Certaines choses sont d'une nature si forte qu'elle ne doivent peser que sur un coeur tant que l'autre n'est pas prêt à le recevoir. Je lui dirai, le jour venu. Et ce jour là elle tiendra ma vie entre ses mains... comme aujourd'hui sans qu'elle le sache.

- Des choses... comme le fait de l'avoir empoisonné ? C'était pour cela que tu as glissé les antidotes dans sa veste ? lorsque Vohl acquiesca, Akihiko leva les bras au ciel. Il y a définitivement des choses en ce bas monde que je ne comprend pas... Comment aller aussi loin pour arrêter un seul homme en mettant en danger la femme que tu aimes ?

- Penses tu qu'une bête sournoise se range parce qu'elle a obtenu ce qu'elle voulait à un instant donné? Qu'il allait se contenter de nouer une seule alliance ? Bien sur que non. L'objectif de Talabre est de monter, toujours et encore. Les Ôkamis n'étaient qu'une étape lui donnant accès aux anciennes maisons. Il abuse tout le monde. Même Ryo, pourtant objet du chantage sur la famille, ne se doutait de rien... et doute encore.

- Tout de même... Mais bon, espérons qu'elle s'en tirera, conclut le jeune homme, avant de continuer. De mon côté, je peux te confirmer que Ryo va bien. Je l'ai emmené chez une de mes connaissances, une ancienne tatoueuse magique. Anthelia, tu n'auras aucun mal à trouver son ancien commerce. Elle accepte de le garder quelques jours, moyennant un dédommagement. Ayant été à l'initiative de cette solution, je me charge de ce remboursement.
Bon, la seule ombre au tableau est qu'elle refuse de le laisser empester au delà d'une certaine limite. J'ai convenu avec lui de rationner sa nourriture au stricte minimum pour le laisser maigrir un peu, mais je pense qu'un passage dans les égouts ou dans de la fange sera nécessaire avant son retour sur la scène public."


Vohl grommela en arguant que ce plan était mauvais selon lui, retardant son retour de plusieurs jours pour le faire vadrouiller dans la campagne. Le mage haussa de son côté les épaules.

"C'est toujours préférable que de se risquer dehors en croisant les doigts pour ne pas tomber sur une patrouille Garzok ou de recherche... Lorsque tu le feras vadrouiller, tu auras moins de chance que ça se produise, les recherches étant moins intensives. Et Hatsu aurait pu retrouver son cher jumeau dans des circonstances moins favorables..."

En repensant à Hatsu, une chose lui revint en tête : la folle inquiétude qu'elle avait éprouvée pour son frère. Une fois rétablie, elle retournerait ciel et terre pour le retrouver.

"Il ne faut pas oublier que ta dulcinée semble avoir un tempérament assez va-t-en-guerre. Aussitôt remise sur pied, elle va vouloir aller chercher Ryo. Si je ne doute pas de ta capacité à lui informer qu'il va bien, elle voudra sûrement le voir. Est-ce que je me trompes ?" Vohl acquiesca dans un sourire. "C'était à prévoir... Elle connaît ton nom d'emprunt ?" Nouvel acquiescement. "Bien. Alors si tu n'y vois pas d'inconvénient, je vais m'occuper de la guider jusqu'à Ryo, une fois qu'elle sera rétablie. Sa sécurité va sûrement être sur les dents, et je pense que ma notoriété me permettra au moins de pouvoir lui glisser quelques mots avant de finir embroché. Je dirais que je viens de la part de Kage... Et si jamais cela ne passe pas, je te laisserai la guider à la faveur de la nuit. Cela te convient-il ?"

Vohl grimaça, mais fini par se ranger à son avis. C'était la solution la plus prudente.
Akihiko regarda quant à lui la lune dans le ciel un brin plus dégagé. Il commençait à se faire tard et sa nuit courte suivit d'une matinée mouvementée commençait à lui peser. Et ayant eu toutes les informations qu'il désirait, il décida de ne pas s'attarder plus longtemps.

"Je pense qu'il est désormais temps pour nous de nous quitter, Vohl Del'Yant. Tu as répondu à mes questions et je t'en suis reconnaissant. Quant à la suite des événements, je pense qu'il ne nous reste plus qu'à attendre. On se reverra quand tu viendras chercher Ryo pour son excursion en pleine nature.
Je te souhaite une agréable nuit, et tâche de te reposer."


Sur ces dernières paroles, Akihiko salua le jeune homme et tourna les talons. Il se dirigea vers la maison d'Anthelia où une nuit plus douillette que sur un toit d'argile l'attendait.



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Re: Le Sablier du Temps

Message par Akihito » dim. 10 janv. 2021 14:48

Dans le chapitre précédent...

Troisième Arc : Encre de feu, Ancre de sang.

Chapitre XXI.1 : L'appel du devoir.

Akihito sourit, avant d'avertir Anthelia de leur destination. Elle haussa un sourcil aussi surpris que boudeur, avant de lui faire promettre de revenir dans la nuit ce qu’il accepta sans problème. Traversant la ville sous la clarté de la lune, ils ne croisèrent aucune patrouille de la Milice par chance, arrivant au Sablier du temps. Malgré l'état de guerre qui reignait dans la ville, la pagode avait gardé son aura de calme et de plénitude, etien que voir le sable s'écouler aidait Akihito dans ce sens. Inspirant à fond, il s'adressa à la jeune fille.

« Et voilà le Sablier du temps. L'endroit le plus calme de l'Ynorie... Asseyons-nous sur un banc, si tu veux.

- Pourquoi cet endroit ? demanda la jeune fille en s’asseyant, les yeux curieux et dubitatifs, sur un banc de pierre à ses côtés.

- Et pourquoi pas ? Tu sais, Yli', parfois les lieux n'ont pas de raisons précise d'exister. Ils sont là car ils évoquent des souvenirs, des émotions. Cet endroit est un peu la quintessence de cette philosophie : le temps avance, immuable. Chercher à le contrer est vain et il est plus sage d'accepter ce qui nous arrive, pour mieux voir le futur. »

Son regard se perdit dans le vide, un instant. La vie était pleine de vicissitudes : et il devait composer avec.

« La philosophie Ynorienne est un peu obscure, je te l'accorde. Mais je pense que cette leçon peut être profitable : ce qui est fait, est fait, et rien ne peut le changer. Tout ce que tu peux faire, c'est apprendre de tout ça et faire des choix qui te rendront la plus heureuse. »

Akihito réfléchit un instant à ce qu’il venait de dire, à la jeune shaakte qui avait vécu trop de choses. Puis il passa un bras autour de ses épaules, le regard perdu dans le sel qui s'écoulait.

« Vis, Yli'. Vis ta vie comme tu l'entends. C'est un choix qui nous est précieux.

- J'essaie.... Désespérément. C'est simplement... Dur, parfois. De vivre et d'avancer alors que tout se met en travers. Passé ou présent. »

Il y avait de la gravité dans sa voix. Encore une fois, l'idée de lui demander de lui parler de son passé lui brûla les lèvres. Mais il se retint. Elle le ferait si elle le souhaitait, et quand elle le voudrait. S'étant blotti un peu contre lui, il lui frictionna doucement le dos.

« C'est pas évident, c'est sûr. Mais profite de ce moment pour te vider la tête. Et ce lieu m'a toujours aidé à me reconcentrer sur ce qui était nécessaire pour moi en éclaircissant mes pensées. »

Elle acquiesça d'un air distrait, dans un souffle. Akihito lui jeta un oeil, mais la voyant fermer doucement les yeux et respirer doucement, il ne rajouta ni ne fit rien de plus. Et il avait lui aussi ses propres idées à mettre en place, comme il l'avait affirmé. Il savait enfin ce qu'il allait faire avec sa mère : la laisser à Oranan l'inquiétait, avec un siège qui se profilait avec une inquiétante clarté. Reconstruire la maison ou la faire rester dans une auberge n'était plus à l'ordre du jour. Dès demain, il chercherait un moyen de la mettre à l'abri en la faisant quitter Oranan. Pour aller où ? C'était encore une chose à définir.

(Encore une fois, demande à la principale intéressée ce qu'elle veut. Elle a peut-être envie de rester à Oranan.)

Amy intervint avec justesse. Il s’emballait un peu trop, à vouloir la protéger coûte que coûte.

« Merci Akihito. C'est agréable d'être ici... »

La phrase de la semi-shaakte sonnait comme incomplète, mais il n'en fit pas grand cas : le message de remerciement était passé.

« Je t'en prie Yli', je te dois bien ça. Fais-moi signe quand tu veux rentrer, mais sache qu'on peut passer toute la nuit ici si tu le souhaites. »

(Un poil tendancieuse, cette fin de phrase.)

(Roh eh, arrête de voir des sous-entendus à chaque coin de rue.) Râla le jeune homme intérieurement face au rire moqueur de la Faëra.

Elle hocha vaguement la tête avant de se caler un peu plus sous son bras, comme pour s'installer plus confortablement. Un comportement qui fit sourire Akihito, aussi la laissa-t-il faire. Lui se contenta de perdre son regard dans le ciel étoilé, qui s'était un peu éclaircit et dévoilait timidement une à une ses petites perles lumineuses. Leur nature était un mystère qui titillait toujours le jeune homme et il se perdit dans ses réflexions, débattant avec une Amy qui l'abreuvait du savoir et des idées des yuiméniens du futur qu'elle avait côtoyé.

(Des soleils ?)

(Oui, mais si loin, tellement loin qu'ils ne sont plus que de minuscules points dans la nuit.)

(Mais pourquoi on ne les voit pas le jour alors ?) questionna le fulguromancien.

(Tout simplement car notre soleil éclaire le ciel si fort qu'on ne les voit plus.)

(Mmmh... C'est logique, mais un peu difficile à croire.)

(Ça ne m'étonne pas. Bon, et si tu ramenais Yliria maintenant ? Je ne doute pas que tu sois confortable, mais un vrai lit ça reste mieux.)

La remarque amusée et moqueuse d'Amy fit poser à Akihito un regard surpris sur la semi-shaakte. Sous sa main, il sentait très légèrement sa poitrine se soulever à un rythme lent et régulier, de même que sa respiration.

« ... Yliria ? »

Pas de réponse. La jeune fille s'était endormie contre lui et dormait du sommeil des justes. Devrait-il attendre qu'elle se réveille ? Ça semblait compliqué, puis elle pouvait attraper froid : les nuits pouvaient se montrer fraîches en Ynorie. Akihito considéra un temps l'idée de la réveiller, mais se ravisa et préféra la laisser se reposer. Lentement, il fit passer un de ses minces bras par-dessus son épaule, puis il se positionna accroupi devant le banc. Se contorsionnant pour attraper son autre bras pour le mettre de l'autre côté de son cou, il finit par se saisir des cuisses de la jeune fille et la souleva délicatement. Instinctivement ou dans un semi-sommeil, Yliria se laissa faire et se calla contre son dos, ses bras se refermant sur le torse d’Akihito. Ainsi monté, l'Ynorien se mit d'un pas lent et régulier sur le chemin du retour.

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Re: Le Sablier du Temps

Message par Yliria » dim. 10 janv. 2021 16:48

<< Précédemment
Prologue

Cherock vint me voir alors que je remettais en place une écaille particulièrement mal placée et qui risquait de casser si un mauvais coup la touchait. Je levai les yeux vers lui après l'avoir remise en place et hochai la tête. Il avait parlé d'aller quelque part le soir venu, et je supposai que c'était de ça dont il s'agissait

- Tu es sûr que je peux me balader en ville, surtout de nuit ?

J'écoutai sa réponse et son explication de pourquoi ma présence passerait inaperçue tout en étant visible. Je le fixai, perplexe face à sa façon de percevoir la chose. Être remarquée pour être "normale". Comme si se balader de manière naturelle rendait ma présence somme toute moins étrange ou inhabituelle.

- J'avoue ne pas avoir saisi, mais si tu dis que c'est bon, je te suis.

Je me levai, à la fois nerveuse et enthousiaste. Une sorte de mélange d'émotions contradictoires qui m'avait déjà pris lors de ma visiter de Kers, mais où l'expérience s'était révélée plaisante et sacrément divertissante. Mais ce n'était pas Kers ici.

- Je suis curieuse de toute façon, je préfère ne pas trop attendre sinon je ne vais jamais m'ôter ça de la tête.

Sans savoir où nous allions, je suivis Cherock à travers les larges rues de la ville. Tout semblait désert et calme, peut-être trop. Il fit en sorte que nous ne croisions personne jusqu'à un grand bâtiment au toit si atypique qui caractérisait les édifices de la ville. Plus haut que ceux l'entourant, il se dressait dans une sorte de place que nous traversâmes en silence, comme le reste du trajet. A l'intérieur, un immense hall éclairé par des torches et des braseros nous accueillit, presque vide à l'exception de bancs de bois lustré et d'un immense sablier en son centre, dans lequel s'écoulait un sable fin. Ou du sel. Je hochai la tête lorsque Cherock m'invita à m'asseoir sur un banc avec lui. Je pris place à ses côtés, mes yeux balayant l'endroit silencieux du regard en cherchant à comprendre l'intérêt d'un tel lieut et pourquoi il m'avait emmené ici, précisément. Le Sablier du Temps, l'avait-il nommé, un endroit effectivement calme, mais dont la nature et l'intérêt m'échappaient complètement. Je tournai la tête vers lui, chuchotant comme pour ne pas briser le silence presque sacré qui régnait ici.

- Pourquoi cet endroit ?

- Et pourquoi pas ? Tu sais, Yli', parfois les lieux n'ont pas de raisons précises d'exister. Ils sont là car ils évoquent des souvenirs, des émotions. Cet endroit est un peu la quintessence de cette philosophie : le temps avance, immuable. Chercher à le contrer est vain et il est plus sage d'accepter ce qui nous arrive, pour mieux voir le futur.

Sa réflexion me prit au dépourvu et je l'écoutai silencieusement, le fixant avant de détourner le regard pour le poser sur le sablier géant, incertaine quant à la signification de tout cela. En l'écoutant, tout cela semblait si facile. Tirer un trait sur le passé pour avancer, ne plus penser à ce qui ne pouvait être changé, aller de l'avant, faire ses propres choix pour être heureux, cela semblait évident. Et pourtant, ce n'était pas ma vie. J'étais encore accrochée à un passé que je refusais d'oublier. Je ne faisais pas de choix, je ne faisais que réagir à ce qui me tombait dessus et agissais en conséquence sans jamais ensuite savoir quoi faire. J'avais passé ma vie à écouter mon père pour survivre et, une fois lâchée dans le vaste monde, seule, je n'avais pas su quoi faire. Les seuls vrai choix que j'avais fait, c'était d'aller voir Lichia, puis de rejoindre l'Opale et c'était seulement parce que je ne pouvais rester avec Fylyarina et les autres. J'étais simplement ballottée d'une péripétie à une autre, d'une situation désastreuse à une autre. Alyah argua que je me trompai, que je faisais mes choix, mais je ne le ressentais pas comme ça. Lorsque Cherock passa son bras autour de mes épaules, je n'eus pas ce mouvement de recul habituel. J'étais peut-être trop lasse pour cela... ou alors j'appréciais son contact à ce moment précis. J'en avais simplement besoin.

- J'essaie.... désespérément.

Je soupirai ces mots et me blottis un peu plus contre lui, posant ma tête contre son épaule en fermant les yeux. J'aurai voulu être capable de suivre son conseil, mais ce n'était pas le cas. La mort de papa restait une blessure ouverte et, si j'avais pu passer outre les années à Gwadh, elles restaient une source d'angoisse à l'idée qu'on m'y renvoie. Cherock ne pouvait pas comprendre. Il ne savait pas et je n'avais nullement l'intention d'en parler et d'essayer de lui faire comprendre.

- C'est simplement...dur, parfois. De vivre et d'avancer alors que tout se met en travers. Passé ou présent.

La main de Cherock frottait doucement mon dos et je trouvais un certain réconfort dans sa voix grave et posée. J'avais envie de lui dire que je me fichais du lieu, car je m'en fichais complètement pour être honnête. Rien ne valait de sentir la chaleur du soleil sur ma peau et la douce brise du vent pour m'aider à me retrouver. Je me contentai pourtant d'acquiescer dans un souffle, parce que, malgré tout, je me sentais étonnamment bien ce soir. Je compris bien vite que ce n'était pas le lieu, mais le fait qu'il soit là qui me donnait ce sentiment. Et je préférais ne pas m'étendre sur cette sensation, cela amenait trop de questions dont je n'étais pas certaine de vouloir connaître la réponse. Alyah se manifesta mais je la fis taire avant même que sa petite voix ne vienne murmurer dans mon esprit. Je profitai juste du moment, gardant les yeux fermés en restant collée à lui, comme si sa seule présence suffisait à régler tous mes problèmes. Mon cœur battait un peu plus vite qu'à l'ordinaire, mais je fis de mon mieux pour rester calme. Pourtant, d'un coup d'œil, je levai le regard vers lui, l'observant un instant Son profil était devenu si facilement familier et, malgré la barbe de quelques jours qui recouvrait le bas de son visage, je... Je fermai les yeux en détournant la tête plus vivement que je ne l'aurai voulu et déglutis en sentant mes joues chauffer. Alyah revint, mais fit un simple commentaire qui n'arrangea rien malgré tout.

(Tu aimes les voies difficiles toi...)

- Merci Cherock. C'est agréable d'être ici...

Avec toi... je n'ajoutai pas les mots qu'Alyah me souffla pourtant et fermai mes paupières plus fermement, comme si cela allait faire disparaître tout le reste, la faire taire et me faire oublier la chaleur de sa présence à mes côtés. J'essayai juste de profiter du calme qu'il m'avait offert, sentant mon esprit dériver de façon plus calme qu'il ne le faisait ces derniers mois. Je l'entendis me répondre, assurant qu'il me devait bien ça et qu'on pouvait rester ici aussi longtemps que je le voulais. Je me contentai de hocher vaguement la tête, préférant conserver la quiétude qui s'était installée. Je pouvais entendre son souffle régulier un peu au dessus de moi, le battement de mon cœur dans ma poitrine et le léger frottement de sa main toujours délicatement posée contre mon dos. Je n'avais plus envie d'ouvrir les yeux et ma tête semblait s'alourdir au fur et à mesure. J'aurai pu bouger, me secouer et discuter de la suite des événements avec lui, mais je n'en avais pas envie là non plus. je voulais juste que ce calme dure pour toujours.

Je ne me souvenais pas m'être endormie. Pourtant, je sentis que je n'étais plus sur le banc et ouvris les yeux. Je vis la nuque de Cherock alors que j'étais plaquée contre son dos, je sentis ses mains sous mes cuisses et les miennes entourant son cou alors qu'autour de nous le décor avait changé et était non plus celui du bâtiment, mais celui des rues d'Oranan, si particulières même de nuit. Il me portait, au beau milieu de la ville et ça avait quelque chose d'étrange. Pourtant je n'essayai pas de descendre, calant plutôt ma tête contre son épaule droite en calmant les battements de mon cœur qui s'était soudainement emballé. Le trajet se passa ainsi, en silence, jusqu'à ce que la rue menant à la maison de la tatoueuse ne se dévoile et que je prenne conscience de la situation et du côté inapproprié de la chose.

- Hrm... Cherock ? Je... Tu veux bien me faire descendre ?

Il me laissa doucement poser pied sur le sol. Je haussai un sourcil lorsqu'il parla de son épaule confortable et souris à mon tour en faisant un geste rassurant de la main concernant le nombre de couches disponibles.

- Pas la peine de t'en faire, j'ai tout ce qu'il faut dans mes affaires.

Je marchai à ses côtés jusqu'à la porte de la maison d'Anthelia, gardant cet apaisant silence qui s'était installé. Lorsqu'il ouvrit la porte pour entrer, je le retins par le bas de son vêtement et attendit qu'il tourne son regard vers moi. J'ouvris la bouche, hésitai une seconde avant de me reprendre finalement.

- Tu avais raison, ça m'a fait du bien. Merci pour cette soirée.

- Heureux que ça t'aides. Surtout n'hésites pas à venir me voir si y a quoi que ce soit. Je ne pourrai pas résoudre tout tes problèmes... Mais tu trouveras toujours une oreille attentive chez moi.

Ses mots, couplés à une caresse affectueuse sur ma tête, me firent piquer un fard et j'étais reconnaissante que la nuit fusse bien installée, masquant ma réaction aux yeux de Cherock qui, après avoir posé un doigt sur ses lèvres pour me signifier de ne pas faire de bruit, entra dans la maison. Inspirant profondément, je l'y suivis, refermant la porte suffisamment lentement pour me recomposer un visage que j'espérais vierge de toute rougeur maladroite. Étouffant un bâillement soudain, je me dirigeai vers mes affaires et en tirai ma couverture et mon sac à paille pour m'installer confortablement sur un des divans comme Cherock l'avait proposé. Je retirai mes bottes et avisai le fulguromancien qui allait sans doute rejoindre Anthelia. Je l'interpellai faiblement, lui faisant tourner la tête.

- Pour ce que tu as dit... C'est pas que je refuserai de t'en parler, mais juste.... J'en suis simplement pas capable seule. Mais ce que tu as dit, ça compte, vraiment.

- On prendra ce temps un autre jour. Dors bien Yli.

Je hochai la tête avant de m'allonger aussi confortablement que possible sur le divan. Je n'avais jamais eu l'intention d'en parler maintenant, de toute façon, et me concentrai plutôt pour passer une nuit aussi paisible que possible. Cela faisait longtemps que je n'avais pas dormi sur quelque chose de confortable et ce n'était pas la faible clarté lunaire qui allait m'en empêcher. Je baillai à m'en décrocher la mâchoire avant de fermer les yeux.

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Re: Le Sablier du Temps

Message par Akihito » mer. 14 sept. 2022 11:37

Dans le chapitre précédent...

Interarc : Le rempart des innocents.

Chapitre X.3 : Nouvelles d’un monde perdue.

Retour de shory et rencontre avec la vraie fausse Yliria adulte, apaisement.
Modifié en dernier par Akihito le mer. 14 sept. 2022 22:36, modifié 1 fois.

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Re: Le Sablier du Temps

Message par Yliria » mer. 14 sept. 2022 12:39

<< Précédemment


Après un rapide tour à l’auberge pour y déposer mes affaires et enfiler des vêtements plus seyants que mon armure, je pris mon mal en patience et déambulai un moment dans les rues. Les traces de la guerre s’éclipsaient une fois à l’intérieur de la ville, mais certains visages marqués suffisaient à rappeler ce qu’il s’était passé ici. Au détour d’une rue, je tombai sur un bâtiment familier et, n’ayant rien de particulier à faire, décidai d’y entrer. Le Sablier du Temps n’avait pas changé depuis ma dernière visite et je profitai du calme pour m’assoir en tailleurs sur un banc, savourant la chaleur du soleil qui atteignait mon visage via l’un des ouvertures de la pagode.

Profitant du calme et de la relative solitude, je sortis les deux fioles de fluides de ma besace et les observai un instant avant de les ouvrir pour les boire coup sur coup. Je grimaçai en sentant le liquide glisser le long de ma gorge avec cette sensation huileuse. Je reposai les deux fioles vides et attendis. Le contrecoup ne tarda pas. Mon corps chauffa soudainement et mon souffle devint brûlant, je soupirai avant de voir mon corps se mettre à irradier de lumière sous ma peau sombre, Le fermai les yeux en sentant une vive douleur de brulure, intense mais courte, avant que la lumière blanche ne devienne dorée et que la douleur laisse place à un apaisement de tout mon corps et de mes sens. J’inspirai lentement, expirai, laissant mon corps reprendre son état normal pour finalement fermer les yeux et profiter du calme du lieu et de la caresse du soleil sur ma peau. Voilà qui était agréable et vivifiant.
Un puissant bruit sourd me fit ouvrir les yeux et tourner la tête vers le centre de la ville où ce qui me semblait être la foudre venait de s'abattre alors que le ciel était dégagé et presque sans nuage. Le bruit gronda quelques secondes avant de s'éteindre et je me penchai pour observer le ciel par l'une des ouvertures de la pagode, m'assurant que rien n'avait changé. Je soupirai, imaginant très bien l'une des raisons expliquant un tel bruit à un moment pareil. Restait à savoir si les fulguromanciens étaient courant à Oranan.

(Pas plus qu'ailleurs.)

Au ton d'Alyah, je compris très bien qu'elle en était venue à la même conclusion que moi et je soupirai de nouveau. Je n'attendais pas cette rencontre avec Impatience, ni la conversation qui allait irrémédiablement s'ensuivre. Alors je fermai de nouveau les yeux, reprenant là où j'en étais, savourant la sensation des fluides qui prenaient vie, se mélangeaient pour brûler agréablement au sein de mon corps. Un souffle brûlant m'échappa avant que tout ne revienne à la normale. C'était toujours un moment particulier, encore plus depuis que ma magie avait évolué. Je restais encore un peu immobile sur le banc, laissant le calme du lieu m'envahir avant de sentir mon cœur rater un battement lorsqu'une voix familière et presque oubliée me parvins. J'ouvris les yeux, clignai pour les refocaliser avant de tourner la tête vers l'origine.

(Lui au moins n'a pas changé. Juste les cheveux plus longs.)

Je le fixai un instant, incapable de répondre à cause de sa soudaine apparition et de la déception qui enfla peu à peu, se transformant doucement en colère. Peut-être que c'était injuste de ma part de le prendre si mal, mais il ne m'avait pas reconnu, ou ne voulait pas croire que c'était moi. Alyah me souffla que c'était normal, que rien ne pouvait préparer quelqu'un à des changements aussi brutaux, mais je ne l'écoutai pas. Il était parti et il aurait suffi d'un simple mot pour que les choses soient différentes. J'inspirai lentement, jugulant l'envie crasse de lui apposer ma main sur le visage et me levai. Il me dépassait toujours et ses yeux avaient toujours cet éclat, bien que teinté de scepticisme. Je lui laissai quelques secondes, mais rien de plus ne sembla en ressortir, alors j'ouvris finalement la bouche, me félicitant de parler normalement, avec détachement. J'allais avoir besoin d'un moment après ça, parce que le revoir faisait remonter tout ce que j'avais enfoui, et ça ne me plaisait pas du tout.

- Non. Je ne suis pas sa... famille.

Je n'aurai pas dû me sentir vexée, mais c'était le cas et mieux valait couper court avant que je ne craque.

- Si vous voulez bien m'excuser.

Fuir me semblait plus facile que de foncer tête baissée. Je m'étais pourtant promise de ne plus le faire, mais je ne pouvais pas prévoir quelque chose comme ça. Je me hâtai de rentrer à l’auberge avec la ferme intention de prendre un bon repas et essayer d’oublier ce qu’il venait de se passer ; J’étais une idiote à bien des niveaux.
***
Absorption d'une fiole de fluide de feu 1/4 et fluide de lumière 1/4 pour 8PM solaires

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