La Bibliothèque

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Yuimen
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La Bibliothèque

Message par Yuimen » jeu. 4 janv. 2018 15:42

Bibliothèque Générale d'Oranan
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La Bibliothèque d’Oranan est un bâtiment rectangulaire organisé sur deux étages, merveille architecturale de bois, de tentures, de dorures et de sculptures. Défiant de ses quelques quinze mètres la hauteur du Conseil de la République d’Ynorie, de l’autre côté d’une rue secondaire, l’entrée se fait par la rue principale qui traverse Oranan d’est en ouest. Cette localisation lui permet d’être assez près du camp d’entraînement, pour des raisons pratiques : les maîtres peuvent avoir besoin de faire des aller-retours rapides entre la formation qu’ils assurent et les documents dont ils ont besoin.

Ce bâtiment a été construit en vingt ans par ordre des responsables d’Oranan, après le début de la grande campagne punitive contre les Garzoks, sur suggestion d’un des premiers héros de cette ancienne guerre. Bien que son but originel fût de contenir l’ensemble des données et des ouvrages militaires pouvant servir dans un conflit, l’ouverture d’esprit des Ynoriens a rapidement conduit à l’ouverture de ce lieu sur d’autres sujets. D’autre part, l’importance des fluides dans la guerre a su marquer les grands pontes de la bibliothèque. Il est donc possible d’y trouver des livres traitant des arts occultes et d’une quantité astronomique d’autres domaines !

La bibliothèque d’Oranan a rapidement connu un grand succès auprès des hautes classes de la société Ynorienne. Ces derniers ont mis à disposition des fonds non négligeables pour acquérir des ouvrages intéressants: la bibliothèque s’est rapidement remplie. Les archivistes, peu nombreux, ont réservé une partie des fonds à la construction d’annexes, sous formes de petites pièces attenantes à la bibliothèque. Celles-ci permettent d’emmagasiner des ouvrages en attendant que les archivistes décident si l’œuvre a sa place sur les rayonnages, ou si le sujet dont elle traite nécessite une gestion prudente de l’information. Dans ce dernier cas, elle est alors entreposée dans une petite annexe spéciale du côté est du bâtiment, baptisée « Bibliothèque Rouge ».

Directement accessible depuis la rue, le monument semble faire l’apologie du bois et de toutes les formes d’arts qui lui sont liées. Après une courte volée de marches taillées dans des blocs de roche grise, surveillée par d’inertes chiens tout droit sortis des enfers : trogne renfrognée, crocs découverts, sourcils froncés…tout en eux indique la politique de la maison ! En ce lieu, pas de plaisantins ! Les marches conduisent devant une porte de bois massif, encadrée par deux colonnades savamment sculptées et recouvertes d’une feuille d’or. L’abondance des motifs, la richesse de l’architecture…jusqu’à la complexité de la toiture octogonale… Le bâtiment tout entier semble avoir été construit pour refléter la puissance d’Oranan. En y mettant les moyens. L’entrée dans ce temple du savoir se fait par une porte de mesure contraire à la débauche de moyens dépensés. Une porte modeste – par rapport au reste du bâtiment – s’ouvre sur une vaste pièce. En regardant droit devant soi, on fait face à une œuvre dorée de cinq mètres de haut qui représente un homme en armure traditionnelle de l’époque, brandissant dans sa main gauche une épée règlementaire et tenant sous son bras droit un volumineux parchemin enroulé. Comme l’explicite la gravure sur son socle d’un mètre de hauteur, il s’agit de Suyn Wa’Stral, l’un des premiers généraux qui combattirent contre les Garzoks lors de la campagne séculaire dite « des Orques du Nord ». La seconde phrase de la gravure « La victoire par le savoir » illustre la fonction première de la bibliothèque. Pendant que le visage impassible de la statue semble juger les individus qui franchissent le pas de la porte, sa présence intangible impose le silence et le respect de ce lieu.

Le socle de la statue est encerclé par une table ronde, en bois sculpté également. Un homme se tient derrière cette table, le plus souvent absorbé dans des ouvrages, que ce soit pour recopier ceux abimés, restaurer ceux qui peuvent l’être, ou pour chercher la place à attribuer sur les rayonnages aux nouveaux arrivants. C’est le gardien des lieux. Si le bâtiment a pendant longtemps été destiné aux seuls militaires de carrière, il a récemment ouvert son usage au public: sur présentation d’une lettre portant le seau militaire, tout le monde peut désormais pénétrer dans ce saint lieu de la culture. Une fois que cette incorruptible sentinelle a accordé le droit de passage, on entre dans un monde d’encre, de rouleaux de parchemins, de livres reliés et de rayonnages. La salle qui constitue le premier étage, s’étendant sur une quinzaine de mètres, présente des rangées d’étagères soigneusement alignées. Sur ces rayonnages, parchemin, ouvrages reliés et feuillets se disputent le droit de propriété sous l’œil vigilant des organisateurs du lieu. Dans le coin droit de la salle, caché par les rayonnages, se trouve un escalier qui mène au deuxième étage, dont la rampe finement sculptée montre alternativement des scènes d’apprentissage et des actions héroïques sur les champs de batailles.

De l’étage, organisé en promenade derrière une rambarde dans la continuité de la rampe d’escalier, on peut voir le rez-de-chaussée. Le mur, à cet étage, est quasiment invisible, tantôt derrière les rayonnages, tantôt absent au niveau des ouvertures, laissant entrer la lumière à travers le croisillon des fines baguettes de bois. La tête dorée de la statue brille de mille feux les jours de beau temps.

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Vohl Del'Yant
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Re: La Bibliothèque

Message par Vohl Del'Yant » sam. 4 mai 2019 01:12

Mais la jeune femme est absorbée par autre chose, et ne lui laisse pas l'occasion de se justifier. Après un froncement de sourcils, elle semble accepter ce que ses souvenirs font remonter la surface de son esprit. Le protecteur est curieux de savoir ce qu'elle connait de son histoire et les détails que le cercles de noblesses n'auront pas manqué de déformer. S'il y a bien une chose qui a autant de succès auprès des nobles que des miséreux, ce sont les ragots...mais le regard franc que la jeune femme plante dans ses prunelles, il renonce à le lui demander. Il sera bien temps de revenir plus tard sur ces événements qui n'ont rien à faire dans son crâne lorsque son cœur lui ordonne de profiter de l'instant. Ses yeux se détachent du visage de l'archère pour détailler la ville enfermée dans les mâchoires de la nuit. Certaines lueurs sont en mouvement : des patrouilles. La chasseresse se rapproche de lui. Malgré le froid, le paria est parcouru par une chaleur intense. Leurs regards se croisent une nouvelle fois. Vohl résiste à l'envie de l'embrasser de nouveau. Souriante, elle lui montre la fleur de lotus parcourue d'une fine veine de sang.

"Si j’étais superstitieuse, je verrais là un présage intéressant…"
"Certains lotus sont intéressants pour les oracles...d'autres le sont plus encore pour moi..."

Un sourire malicieux fait suite à leur échange : elle replace la fleur dans la cascade noire dont quelques mèches sont portées par le vent. De quelques manipulations qu'il considère propre à la gente féminine, elle parvient à fixer ce symbole fleuri sur le côté de son crâne. Vohl admire sa silhouette qui se découpe sur le fond étoilé, lorsque la jeune femme frissonne. Après s'être intérieurement traité d'abruti, il accepte avec plaisir qu'Hatsu vienne se blottir dans ses bras, tous deux regardant le paysage nocturne. La lueur du phare, au loin, marque la frontière entre deux obscurités. Un point d'ancrage. Vohl serre doucement la jeune femme dans ses bras. Elle se retourne pour placer ses lèvres contre les siennes avec douceur, puis avec plus de force, passant sa main dans ses cheveux pour l'amener vers elle avec une douceur mêlée d'envie. Le jeune homme répond à l'appel, pressant son corps contre le sien, ses bras parcourant fiévreusement son dos. Leurs lèvres se séparent pour prendre une gorgée d'air glacé. Dans son regard, le mercenaire voit l'écho de ses sentiments et des désirs dont il est encore trop tôt pour parler. Un sourire dévoilent l'ivoire de leurs dents, sourire qui se transforme en rire nerveux sous la tension de l'instant et la délicieuse désobéissance à laquelle ils ont abandonné les normes des nobles oraniennes. Hatsu se plaque une nouvelle fois contre le torse de Vohl, cachant son visage.

"Excuse-moi. Tout ça est un peu inattendu et nouveau pour moi. Je n’ai jamais ressenti tout ça avant."

Il l'entoure de ses bras avant que sa voix ne fasse vibrer sa poitrine, baissant la tête vers elle. Un parfum délicat émane de ses cheveux, qu'il hume avec plaisir avant de répondre.

"J'ai bien peur de devoir avouer autant de lacunes que toi... mais pour l'instant, je trouve que nous ne nous en sortons pas si mal !"

Elle relève les yeux vers lui, les lèvres un peu pincées en un sourire amusé avant de plaquer un rapide baiser sur sa gorge. Elle s'écarte un peu sans pour autant se séparer de lui afin de voir son visage.

"J’ai beaucoup de questions, beaucoup de choses à dire aussi. J’aimerais qu’on profite, tous les deux, qu’on apprenne un peu l’un de l’autre si tu es d’accord. Dans un lieu moins ouvert ceci dit, il commence à faire froid et ma tenue n’est pas très adaptée pour crapahuter sur les toits en pleine nuit sous la pluie et face au vent."

C'est un fait : le jeune homme sent la dulcinée trembler de froid dans ses bras. Il acquiesce avec un sourire bienveillant. Se débarrassant du manteau d'hiver pour le lui placer sur les épaules, la jeune femme se plaque contre lui. Sa respiration un peu plus saccadée que la normale dans son cou lui fait prendre conscience de l'état de fatigue et de faiblesse dans laquelle se trouve Hatsu. Elle s'accroche à lui avant de le laisser décider de leur destination.

"On va où vous voulez messire Del’Yant ! En revanche, cette fois-ci, préviens avant de sauter. Sinon, je hurle et tu le regretteras une fois au sol !"
"Voilà qui me donne presque envie de tenter l'expérience !"

Malgré un ton amusé, Vohl regarde discrètement en contrebas. Il y a bien six mètres. Impossible de se laisser tomber ainsi sans risquer une chute. D'une main, il saisit le grapin qui est à sa ceinture, avant de l'ancrer d'une talonnade dans l'une des tuiles. Un bruit sec se fait entendre. Et pour un peu que les propriétaires n'aient pas le sommeil lourd, ils l'auront entendu aussi. Ils doivent déguerpir en vitesse.

"C'est parti !"

S'assurant que Hatsu ne le lâche pas en gardant une main autour de sa taille, il fait faire à la corde plusieurs tours de son bras avant de les laisser glisser du toit. Ils touchent bientôt l'appentis du premier étage, sur lequel il réitère la manœuvre en se hâtant pour éviter de laisser le temps aux maîtres des lieux de se rendre compte que quelqu'un a utilisé leur toit comme terrasse improvisée. Peine perdue, aux bruits qui retentissent bientôt dans la maison. Ils finissent leur trajet vertical au moment où les volets s'ouvrent, laissant une ombre replète se pencher à la fenêtre en criant d'une voix stridente.

"Gaaaardes ! Gaaaardes !"
"A croire qu'on vient de lui voler un bien précieux...!" maugrée Vohl, une ombre mi amusée, mi agacée planant sur son visage.

Le sourire se fige lorsque l'archère lui signale le feu de torches approchant. La lueur se réverbère sur les pavés et les murs humides, indiquant l'arrivée imminente de plusieurs miliciens.

"Oh, oh..."

Une patrouille à proximité. Autant pour la descente discrète. Arrachant le grappin de la fine tuile de bois, il récupère en vitesse les quelques affaires qui étaient restées à cet endroit avant de se redresser. La patrouille est en vue. Il fait signe à l'archère de prendre la prochaine à gauche pendant qu'il rajuste les affaires à ses côtés. Lui peut se permettre d'être vu ; ce n'est pas le cas de la réputation de sa partenaire. La jeune femme semble comprendre et s'élance dans la ruelle. Vohl la suit de près. Il la guide dans les artères de la ville, courant et s'assurant qu'ils distancent la lumière des torches. Chaque virage et intersection divise la patrouille qui ne pourra pas quadriller tout le secteur. Des cris retentissent pour faire passer les ordres de progression. La milice progresse cependant en inspectant les lieux, ce qui la ralentit par rapport aux deux fuyards. La jeune femme a eu la présence d'esprit d'ôter ses talons, quitte à devoir réchauffer ses pieds lorsqu'ils seront cachés. Vohl a bien en tête l'idée de l'endroit où il veut aller, mais pas de réel itinéraire : quelques virages plus loin, ils s'engagent dans une petite ruelle. Une ruelle familière au jeune homme dont il ne comprend la raison qu'en en sortant.

(Parfait !)

Devant eux se dresse un bâtiment imposant encadré de deux statues de molosses aux babines retroussées sur des crocs acérés : les deux gardiens protègent une porte flanquée de deux épaisses colonnes torsadées. Et derrière se trouve une porte en bois, comme le reste du bâtiment. Entraînant l'archère sur la courte volée de marche, il ouvre la porte en simulant une entrée calme et ferme la porte derrière eux comme si de rien était. Au centre du bâtiment, sur une hauteur de deux étages, la statue de Suyn Wa'Stral les toise avec une sévérité emprunte de fierté.

"La victoire par le savoir..."
"C'est en effet ce qui est écrit. Vous êtes bien tardifs, mais le savoir est accessible à toute heure."
"C'est en partie pour cela que nous sommes ici. Nous voulons des réponses."

Le vieil homme qui a parlé est l'un des gardiens du savoir, un prêtre dans son genre, un ermite de la connaissance. A leur entrée, il a levé vers eu un visage de hibou et les touffes blanches de cheveux qui s'écartent de sa tête miment parfaitement les aigrettes de l'oiseau nocturne.

"Nous en cherchons tous : mais il est plus facile d'avancer en sachant ce que l'on veut savoir."

La jeune femme le prend de vitesse : elle indique le titre d'un livre dont Vohl peine à croire qu'il est choisi au hasard. Elle connaît les lieux.

(Forcément.)

"Curieuse recherche à un horaire pareil...mais toute instruction est bonne à prendre."

Le livre se trouve au premier étage, là où ils seront tranquilles pour discuter sans se soucier des oreilles du seul être présent ici, qui semble de toute façon trouver bien plus d'intérêt dans le parchemin qu'il a entre les mains que dans leur discussion. Il s'y replonge d'ailleurs aussitôt après leur avoir donné les références du rayonnage sur lequel se trouve l'ouvrage. Vohl parcourt rapidement du regard les lieux. Ils semblent seuls en compagnie de l'honorable vieillard. En tout cas, si quelqu'un d'autre parcourt les lieux, il le fait dans le noir. La seule source de lumière est en effet une bougie dans un tube de verre que l'homme utilise pour parcourir un feuille remplie de gribouillis indistincts à cette distance. Les vitres permettent de deviner la rue mais filtrent aussi surement la lueur des étoiles qu'une tenture. Après que Vohl ait posé un yu sur la table pour leur permettre d'emprunter trois bougies et un socle avec le tube en verre - les torches étant bien évidemment proscrites, ils montent l'escalier qui émet un petit concert de craquements, et dont la rampe sculptée ne livre ses secrets qu'à la pulpe de ses doigts.

Une fois en haut, plutôt que de se placer à l'emplacement exact du livre, ils se placent d'un commun d'accord dans un recoin duquel ils sont cachés de l'entrée par une étagère, déplacement pour se faire plusieurs coussins afin de s'installer confortablement, côte à côte. Afin de s'occuper les mains face au curieux mélange d'anticipation et d'attente qui lui noue le ventre, Vohl saisit machinalement un livre. " Hôshin to ketsugi", d'un certain Ashikaga Takauji, indique la couverture. Son regard revient sur la jeune femme à ses côtés qui le fixe intensément. Il sort de son sac une couverture dans laquelle ils pourront se réchauffer : après l'avoir déployée sur les coussins, il prie sa jeune amante de prendre place, feintant une autorité et une assurance pour la sécher délicatement... leurs peaux se frôlent encore et finalement, il l'attire doucement contre lui, en lui laissant la possibilité de se décaler si elle le souhaite.

"Concernant cette réunion, ce soir... Tu es fiancée à Talabre."

Ce n'est pas une question. Il caresse doucement la joue qui a désormais viré au bleu en prenant garde de ne pas appuyer. La colère renaît en songeant à l'infâme personnage qui en est à l'origine. C'est évident à la lueur d'une bougie, et ce le sera bien davantage au grand jour. La colère se mêle à la tristesse de l'humiliation qu'elle aura à affronter. Mais ces sentiments se changent rapidement en conviction. Talabre mourra. Quoi qu'il arrive. Et désormais, cela presse. Sans laisser à Hatsu la possibilité de répondre, il enchaîne. Il ne veut pas qu'elle se justifie : mais quelque chose cloche, c'est évident. Bien que l'influence de Talabre soit difficilement discutable, s'allier à une famille de l'ancienne et nouvelle noblesse comme les Ôkamis représente un pour lui un énorme bond en avant... il a du mal à croire que tout cela s'est fait naturellement. Quelle famille, plus particulièrement noble, vendrait sa fille à un mari qui la bat? Mais il décide de commencer par libérer le poids que cette situation doit faire peser sur ses épaules : l'avenir de sa maison. Rien que ça.

"Que prévoyais-tu de faire ?"

Lorsqu'il énonce cette question, il tâche de paraître détaché sans réellement y parvenir. Son cœur pulse dans sa poitrine dans l'attente d'une réponse. Il sait ce qu'il en coûte de tourner le dos à sa famille pour son propre bien... Cette question en amène une nouvelle. Se sacrifier soi-même, ou sacrifier les avantages que sa famille pourrait tirer d'une alliance. S'il juge bien celle qui tient son âme, l'abandon ne sera pas de mise, mais faute d'autre solutions, se perdra-t-elle ?

"Laisse moi t'aider, cette fois... je m'en mêlerai quoi qu'il arrive : toute seule, tu auras du mal à prévoir jusqu'où il peut aller."

Son visage affiche la détermination qui l'étreint. Il ne laissera pas le capitaine maudit lui voler un nouveau pan de sa vie.

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Hatsu Ôkami
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Re: La Bibliothèque

Message par Hatsu Ôkami » sam. 4 mai 2019 11:30

L’idée de trouver un autre endroit pour qu’ils puissent discuter sembla convenir à Volh qui, d’un geste tendre, enveloppa Hatsu dans le large manteau qu’il portait, s’attirant un regard reconnaissant de la jeune femme. Regard qui devint quelque peu boudeur lorsqu’il se moqua gentiment d’elle. Il fit néanmoins ce qu’elle lui demanda, les faisant descendre doucement à l’aide d’un grappin, serrant Hatsu d’un bras et se servant de l’autre pour les faire descendre du toit. Hatsu se promit de lui demander de lui apprendre à faire de même, cela semblait fort pratique. Alors qu’il semblait à la jeune femme qu’ils avaient été plus que discret, hormis un bruit sec lors de l’attache du grappin, voilà que les volets s’ouvrirent brusquement sur une voix stridente qui se mit à hurler.

- Gaaaardes ! Gaaaardes !

Elle entendit Volh maugréer à ses côtés, mais avant qu’elle ne puisse répondre d’un air amusé, elle perçut les déplacements de flambeaux approchant dans leur direction. Elle en informa Volh qui eut une réaction alarmée qui amusa Hatsu. Après tout, ils n’avaient rien fait qui justifieraient de quelconques ennuis, mais lorsqu’il lui enjoignit de courir, elle s’exécuta, trouvant cela fort amusant malgré la situation. Au bout de quelques mètres, elle pesta néanmoins et retira ses chausses dont les talons la gênaient dans sa course. La morsure des pavés froids et humides sur ses pieds était désagréable, mais elle fit avec, gardant ses chaussures dans une main. Sous les indications de Volh qui la suivait de près, elle arpenta les ruelles de la ville sans savoir exactement où ils se rendaient. Ils prirent ce qui semblait être un itinéraire aléatoire dans le but de semer la patrouille qui, plus lente, devait vérifier chaque ruelle, contrairement à eux. Après une ultime indication de Volh, ils arrivèrent devant un grand bâtiment qu’Hatsu connaissait relativement bien : la Bibliothèque. Elle hésita, mais lorsque Volh gravit les marches, faisant fi des regards menaçants des deux chiens monstrueux figés à jamais devant les portes, en l’invitant à faire de même, elle le suivit, curieuse et pressées de se mettre à l’abri du froid et de la pluie qui commençait à cascader.

Le jeune homme ouvrit la porte comme si aucun empressement ne les avaient conduit ici et la referma de la même manière derrière elle. L’odeur du bois lustré et du papier l’entoura tandis qu’elle avançait de quelques pas, retrouvant avec plaisir cette odeur qu’elle appréciait tant. Face à eux, la statue du général Suyn Wa'Stral les jugeait du haut de ses cinq mètres, protégeant de son épée ce lieu du savoir oranien. Volh lu l’inscription qui ornait la statue, attirant l’attention du vieil archiviste qui travaillait là. Hatsu fut surprise de le voir affairé à une heure si tardive. L’homme ressemblant à une chouette les fixant d’un air curieux. Oui, ils voulaient des réponses, comme le souligna Volh, mais ils ne les trouveraient pas vraiment dans les livres cette fois-ci.

- Nous en cherchons tous : mais il est plus facile d'avancer en sachant ce que l'on veut savoir.

- Vous avez parfaitement raison, nous cherchons « Omyre, entre légendes et réalité » de Takeshi Miratomo.

Le vieil homme sembla surpris par ce choix, et pour cause, c’était un obscur ouvrage qu’Hatsu avait déniché par hasard lorsque son père lui avait enjoint de patienter tandis qu’il livrait un chargement de copies de livres de leur propre bibliothèque, un soutien qu’il renouvelait régulièrement, en plus de sommes d’argent qu’il estimait bien investit. Le vénérable archiviste leur indiqua les références de l’ouvrage et où le trouver et Hatsu suivit Volh au premier étage, l’escalier craquant sous ses pas. Fixant le dos du jeune homme, elle se demanda ce qui avait motivé son choix. Certes, personne ne viendrait les chercher ici, mais il était étonnant qu’il ait pensé à cet endroit plutôt qu’à un autre. Guidée par la faible lueur des bougies que Volh avait achetées au vieil homme, elle le suivit entre les rayonnages, veillant à ne rien toucher avec son corps et ses cheveux humides. Ils s’installèrent dans un coin, invisible depuis l’entrée, à l’abri des regards, rassemblant des coussins pour se mettre à l’aise.

Elle sentit la fébrilité de son compagnon, le voyant saisir un livre dont le titre lui arqua un sourcil, mais elle se garda du moindre commentaire, attendant qu’il prenne la parole. Mais il l’invita d’abord à se rapprocher de lui, d’un ton qui l’incita à obtempérer. Il entreprit de la sécher délicatement avec un couverture qu’il sortit de son sac et elle lui renvoya un sourire plein de reconnaissance avant qu’il ne l’attire contre lui d’un geste maladroit, comme s’il ne voulait pas imposer quoi que ce soit à la jeune femme. Celle-ci se blottit néanmoins contre lui, cherchant à se réchauffer après ses longs moments passés dans le vent et sous la pluie.

- Concernant cette réunion, ce soir... Tu es fiancée à Talabre.

La jeune femme se tendit et tourna vivement la tête vers Volh. Elle sentait de la douleur dans les paroles du jeune homme et une certaine culpabilité la submergea. La douceur avec laquelle il caressa sa joue contrastait avec la colère qui transparaissait dans ses yeux et Hatsu se demandait ce qui pouvait ainsi le mettre en colère. Et puis l’évidence la frappa. Le coup qu’elle avait reçu devait avoir laissé une marque sur sa joue, raison pour laquelle le regard du jeune homme semblait si furieux lorsqu’il y posait le regard. Elle se promit de jeter un œil dès qu’un miroir serait disponible, anticipant déjà les murmures et questions qui ne manqueraient pas de surgir. Non content de lui faire du mal, cette ordure allait réussir à l’humilier. Elle voulut dire quelque chose, mais Volh ne lui en laissa pas le temps.

- Que prévoyais-tu de faire ? Laisse-moi t'aider, cette fois... je m'en mêlerai quoi qu'il arrive : toute seule, tu auras du mal à prévoir jusqu'où il peut aller.

Il semblait si sûr de lui, si déterminer à l’aider. Hatsu inspira pour se donner un peu de courage. Elle avait craint cette question, plus encore maintenant qu’il annonçait vouloir l’aider avec une telle conviction.

- Tu ne peux pas Volh. Je sais parfaitement jusqu’où il est capable d’aller. Ce mariage… ce n’est qu’une mascarade.


Elle s’écarta légèrement, se mettant face à lui plutôt qu’à côté, gardant tout de même contact en tenant une de ses mains dans les siennes, la caressant machinalement.

- J’ai un frère, Ryo, mon frère jumeau. Peu de gens le connaissent, il n’a jamais été très sociable et le fait que je sois celle qui doit succéder à la tête de la famille ne l’a pas incité à se faire connaître. Nous avons pourtant toujours été collés l’un à l’autre, nous avons toujours tout fait ensemble. Et il y a quelques mois, il est parti, presque sans un mot, pour s’engager. Je n’ai pas compris à l’époque, mais avec le recul, je pense qu’il voulait lui aussi trouver une voie dans laquelle il serait reconnu… pardon je m’égare. Quelques semaines après, cette histoire de mariage est survenue, sortie de nulle part. Ça ne ressemblait pas à mes parents, jamais mon père n’aurait cautionné cela, et j’ai tout fait pour repousser l’idée, ça ne me semblait pas juste.

Elle toucha sa joue du bout des doigts, sentant la douleur lorsqu’elle appuya dessus, une lueur de honte passant furtivement dans ses prunelles.

- Ce soir… Talabre s’est amusé. Il m’a frappé, il m’a… il s’est ri de ma pauvre tentative de vouloir échapper à tout cela. Pour une raison toute simple. Mon frère est sous ses ordres. Il a clairement fait comprendre que sa vie dépendait entièrement de mon obéissance et que, pour être sûre qu’il ne meurt pas à cause d’un de ses ordres, je n’avais d’autre choix que de devenir sa femme.

Les larmes recommencèrent à lentement perler sur les joues de la jeune femme, mais pas un son ne sortit de sa bouche, pas une plainte, et elle continua à parler, d’une voix néanmoins bien plus tremblante.

- Je suis désolée Volh, je… Je ne peux pas sacrifier mon frère. Et je sais qu’il ne fera pas que le tuer. Il le fera passer pour un traître,il jettera l’opprobre sur ma famille, il l’anéantira, fera de nous des parias et il salira la mémoire de Ryo, j’en suis persuadée… Et je ne peux pas sacrifier la vie de mon frère et l’honneur de ma famille pour mon confort… Je ne veux pas lui appartenir, mais est-ce que j’ai un autre choix ?

Elle n’arrivait pas à regarder de nouveau Volh dans les yeux. Les aveux la faisaient culpabiliser. Elle l’avait embrassé, elle lui avait ouvert son cœur et il avait fait de même, et voilà qu’elle lui disait que tout cela, ce qu’ils vivaient, était impossible à cause d’un autre homme. Il devait être furieux, et elle craignait de voir cela dans ses prunelles.

- Oui, je pourrais fuir, disparaître et ainsi déjouer son plan, mais je ne suis pas sûre que cela l’empêcherait de tuer Ryo et… toute ma vie est ici. Je ne sais pas vivre autrement et je ne peux pas abandonner ma famille comme ça, je n’ai pas le droit.

Elle releva la tête sous la pression de la main de Volh sur sa joue, lisant une tendresse dans son regard qui brisa sa retenue. Elle se jeta dans ses bras, surprenant le jeune homme qui bascula sous l’impact, s’étalant sous les coussins. Hatsu étouffait des sanglots erratiques contre son torse, parlant d’une voix faible et entrecoupée de hoquets étouffés.

- Je ne sais pas quoi faire. J’ai tellement envie de le tuer, de lui faire payer son affront et ce qu’il m’a fait. Je ne peux pas t’embarquer là-dedans, je ne peux pas. Je tiens à toi Volh, et je refuse que tu te mettes en danger pour moi. Qu’est-ce que je ferais s’il t’arrivait quelque chose ? Cela n’a rien à voir avec toi, je ne peux pas te demander de m’aider, je ne veux pas te perdre.

Elle sentit les bras de Volh l’enlacer tendrement tandis qu’elle s’agrippait à lui comme on s’accroche à une planche de bois au beau milieu d’une mer déchaînée. Elle d’ordinaire si forte, la voilà qui pleurait comme une petite fille. Elle avait craqué, et elle détesta Talabre encore un peu plus à cause de cela, se trouvant ridicule. Le ton suppliant qui finit par sortir d’entre ses lèvres n’avait rien à voir avec la tristesse qui transparaissait jusqu’alors, c’était comme un appel au secours qu’elle ne pouvait décemment pas demander.

- Volh… s’il te plaît.
Modifié en dernier par Hatsu Ôkami le mer. 15 mai 2019 07:54, modifié 3 fois.
Hatsu Ôkami, Chasseuse Ynorienne
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Vohl Del'Yant
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Re: La Bibliothèque

Message par Vohl Del'Yant » sam. 4 mai 2019 14:04

A ses questions, la jeune femme se tend et le regarde. Sa culpabilité répond à une colère sous-jacente qui n'est pas dirigée contre elle.

"Tu ne peux pas Volh. Je sais parfaitement jusqu’où il est capable d’aller. Ce mariage… ce n’est qu’une mascarade. "

Evidemment ! Il aurait voulu la secouer et lui montrer qu'elle s'enfermait dans une analyse biaisée de la situation. Pourquoi refuser son aide ? La réponse se trouve dans les sentiments qu'ils partagent et la peine sur le visage de la jeune femme le dit bien assez. Elle s'écarte un peu de lui pour pouvoir lui faire face, gardant toujours leurs mains liées. Vohl la laisse faire. Il attends d'elle qu'elle se confie entièrement. Elle lui parle de son frère jumeau, Ryo Ôkami : un jeune homme secret qui tente de trouver une voie qui lui permette de s'épanouir et de se faire un nom. L'armée. L'ancien soldat commence à y voir plus clair sur l'accord de ses parents donné pour le mariage entre Yamadas et Ôkamis. Une lueur de révolte envahit ses prunelles. Les mariages arrangés sont monnaie courante dans les familles nobles, et cet usage ne lui paraît pas complètement stupide si l'accord est souhaité par les deux partis. Mais ici, il s'agit plus d'un mariage forcé que d'un mariage arrangé. Et cela n'est absolument pas du goût de Vohl. La jeune femme continue ses explications, amenant sa main à sa joue pour toucher le bleu qui s'est étendu sur son visage. Pas de trace dans ce geste d'une tentative d'attendrir le ronin, qui serait de toute façon inutile : il y perçoit davantage une sorte d'incrédulité...

"Ce soir… Talabre s’est amusé. Il m’a frappé, il m’a… il s’est ri de ma pauvre tentative de vouloir échapper à tout cela. Pour une raison toute simple. Mon frère est sous ses ordres. Il a clairement fait comprendre que sa vie dépendait entièrement de mon obéissance et que, pour être sûre qu’il ne meurt pas à cause d’un de ses ordres, je n’avais d’autre choix que de devenir sa femme."

De nouvelles perles tombent de ses paupières. D'une voix tremblante, elle lui annonce le verdict qu'elle décrète à ce sujet. La douleur grandit dans sa poitrine à mesure qu'elle parle.

"Je suis désolée Volh, je… Je ne peux pas sacrifier mon frère. Et je sais qu’il ne fera pas que le tuer. Il le fera passer pour un traître,il jettera l’opprobre sur ma famille, il l’anéantira, fera de nous des parias et il salira la mémoire de Ryo, j’en suis persuadée… Et je ne peux pas sacrifier la vie de mon frère et l’honneur de ma famille pour mon confort… Je ne veux pas lui appartenir, mais est-ce que j’ai un autre choix ?"

La première dague vient de la réponse elle-même. Voir s'éloigner la relation qu'il chérit depuis si peu de temps et avec une ardeur assumée noircit son âme. La seconde lame qui le transperce vient des regrets et de la douleur qui fait écho à la sienne dans la voix de Hatsu. Il se révolte, le cœur battant. Le feu de sa colère couve sous les réflexions qui explosent sous son crâne.

(On a toujours le choix.)

"Oui, je pourrais fuir, disparaître et ainsi déjouer son plan, mais je ne suis pas sûre que cela l’empêcherait de tuer Ryo et… toute ma vie est ici. Je ne sais pas vivre autrement et je ne peux pas abandonner ma famille comme ça, je n’ai pas le droit."

(Tu te sacrifie pour ton frère, crois tu permettre à ta famille de survivre ainsi ? Alors tu le sous-estime encore.)
(Accepte d'écarter ta fierté, Ôkami, non pas pour ne pas perdre, mais pour gagner !)


Autant de réflexions qu'il garde pour lui, ne voulant pas blesser la jeune femme plus qu'elle l'est déjà : d'une main douce qu'il place sous son menton, il lui redresse la tête. Dans les yeux humides, il lit la honte et la souffrance, le déni du sacrifice qu'elle s'apprête pourtant à faire. Il sent les liens qui les unissent, et bien qu'il désapprouve sa gestion de la situation, il comprend le choix de la jeune femme. A lui de la convaincre qu'elle fait fausse route avant qu'il ne soit trop tard. La jeune femme détaille son visage et ses pupilles au travers d'un voile de larmes avant de se jeter dans ses bras, le prenant au dépourvu. Son corps réagit néanmoins d'instinct : ses mains entourent le corps à nouveau chaud de la jeune femme alors qu'il bascule en arrière, le choc amorti dans un léger bruit de froissement par les coussins. Elle se blottit dans ses bras, contre son torse, sanglotant en s'accrochant à lui comme un soldat agrippe son bouclier avant un combat.

"Je ne sais pas quoi faire. J’ai tellement envie de le tuer, de lui faire payer son affront et ce qu’il m’a fait. Je ne peux pas t’embarquer là-dedans, je ne peux pas. Je tiens à toi Volh, et je refuse que tu te mettes en danger pour moi. Qu’est-ce que je ferais s’il t’arrivait quelque chose ? Cela n’a rien à voir avec toi, je ne peux pas te demander de m’aider, je ne veux pas te perdre."

Ses mains vont se perdre dans le dos et la chevelure de la jeune femme, la plaquant contre lui. Son cœur le pousse à vouloir réconforter son amante, mais ils doivent aborder ce problème avant qu'il ne soit trop tard. Il sent un les battements de son âme contre sa peau. Il sent l'honneur de la jeune femme qui exige qu'on lui permette de s'exprimer. Il sent la colère de se sentir faible. Il sent la rage qu'elle voue à Talabre. Il sent sa volonté prête aux sacrifices qu'elle envisage. Mais dans ce fourbi d'émotions qui se mêlent, s'entrechoquent, il perçoit autre chose : un espoir ténu qui franchit ses lèvres comme une supplique.

"Volh… s’il te plaît."

Il embrasse son épaule en caressant son dos dans un geste aussi réconfortant que sensuel.

"Je n'ai rien à perdre que je n'ai déjà perdu. Et obtenir le pouvoir de ta famille sera le prochain objectif de Talabre si te dévoue à lui. Refuse ma lame si tu veux me condamner à mourir et te condamner à souffrir, chasseresse. Mais si tu veux vivre libre et fière, alors écoute-moi."

Malgré les conflits et les doutes qui apparaissent dans son esprit, sa voix grave s'oppose à celle, perdue, de la jeune femme. Il veut qu'elle laisse parler sa rage de vivre et sa fierté plutôt que sa résignation. Il veut retrouver la jeune femme fière, prête à vivre ce qu'elle pense juste et à faire plier le monde devant elle pour atteindre ses objectifs. Il veut revoir le profil altier qui avait combattu à ses côtés, dans cette ruelle qui avait marqué le début de leur aventure.

"Ton histoire présente bien plus de points commun avec la mienne que tu ne peux le croire. Les Del'Yants ne représentaient pas une famille assez puissante pour qu'une vermine comme Talabre ne souhaite s'y attacher, mais je représente pour lui un témoin gênant. Et lui me doit le sang d'un père."

La rage embrase ses pupilles à cette mention. Les souvenirs d'une bataille parmi d'autre. Un assaut garzok. Quelque chose qu'ils n'auraient du avoir aucun mal à repousser. Un ordre qui avait trop tardé. Et une flèche oranienne dans le cou de son père. Le sang coulant sur ses bras et ses mains. L'incompréhension. Son regard se dressant sur l'une des tours. La carapace rouge de Talabre, un arc à la main, le regardant et armant de nouveau. Puis la vague garzok qui avait déferlé. Et il avait fallu défendre sa vie, ce qui l'avait probablement sauvé d'un assassinat en règle. Lutter pied à pied pour préserver l'avant-poste. A l'issue de la bataille, la flèche était cassée et impossible à reconnaître. Il marque un temps de pause, rappelant le calme dans son esprit. Il avait déserté dans la semaine, alors que les pressions se multipliait sur lui. Mais Ryo Ôkami ne peut décemment quitter l'armée de la même façon que lui sans prendre le risque de jeter l'opprobre sur une famille comme celle des Ôkamis, qui a fait figure d'une ancienne et respectée noblesse. L'option de la fuite est donc exclue. De même, Hatsu ne peut s'enfuir sans condamner à une mort certaine et dépravante son jumeau, ou pire, le retour handicapé d'une mission de routine ou son rejet de l'armée.

"Tu ne te marieras pas."

La jeune femme lève les yeux vers lui, surprise. Il voit bien à son incompréhension qu'elle doute qu'il ait écouté ce qu'elle lui a confié. Avant que la colère ne puisse prendre la place de l'incrédulité dans ses iris, il enchaîne.

"Mais tu devras aller à la cérémonie. Et ton frère également. Avant de t'exposer la chance que je perçoit, jure moi, sur la vie de ton frère, sur la tienne, que tu ne t'opposeras pas à ce que je tue Talabre."

Il attend que la jeune femme acquiesce avant de continuer.

"Je dois savoir quelques choses d'abord."

Il les fait pivoter pour pouvoir regarde la jeune femme dans les yeux. La douce couverture bruisse alors qu'ils bougent. La chevelure soyeuse de la jeune femme glisse sur les oreillers lorsqu'il se tient au dessus d'elle.

"Où et quand se tiendra la cérémonie ?"
"Ton frère est-il au courant de la situation ?"


Il approche son front de celui de la jeune femme. Ses lèvres l'appellent : il se prive de satisfaction jusqu'à la question suivante.

"Me fais tu confiance ?"

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Hatsu Ôkami
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Message par Hatsu Ôkami » sam. 4 mai 2019 21:53

Agrippée contre le corps de Volh, Hatsu tentait de se calmer, de rassembler un peu de courage pour ne pas totalement se laisser aller. Par Rana qu’elle détestait être ainsi, surtout devant lui. Il ne semblait pas s’en offusquer, bien au contraire, enlaçant tendrement la jeune femme, allant même jusqu’à lui caresser tendrement le dos et lui embrasser l’épaule, la faisant frissonner au contact de ses lèvres sur sa peau nue. La voix grave de Volh retentit, contrastant avec la sienne et elle concentra toute son énergie à l’écouter, à ne se focaliser que sur sa voix.

- Je n'ai rien à perdre que je n'ai déjà perdu. Et obtenir le pouvoir de ta famille sera le prochain objectif de Talabre si tu te dévoue à lui. Refuse ma lame si tu veux me condamner à mourir et te condamner à souffrir, chasseresse. Mais si tu veux vivre libre et fière, alors écoute-moi.

(Rien à perdre ? Ta vie, Volh.)

Jamais elle ne serait dévouée à cette ordure de Talabre, mais il avait raison, elle passerait une vie entière sous son joug et jamais elle ne serait vraiment heureuse. Elle savait qu’il avait raison, elle le savait au plus profond d’elle-même, mais comment pourrait-elle lui demander d’agir pour elle, de se mettre en danger une fois de plus, pour la sauver, elle. Elle garda néanmoins ses pensées pour elle, hochant doucement la tête pour qu’il sache que ses sens étaient entièrement tournés vers lui en cet instant.

-Ton histoire présente bien plus de points communs avec la mienne que tu ne peux le croire. Les Del'Yants ne représentaient pas une famille assez puissante pour qu'une vermine comme Talabre ne souhaite s'y attacher, mais je représente pour lui un témoin gênant. Et lui me doit le sang d'un père.

Elle écarquilla les yeux à ses mots. Il aurait perdu son père à cause de Talabre ? L’aurait-il tué lui-même ? Les pièces du puzzle se mirent en place dans son esprit, expliquant la haine que le jeune homme semblait vouer au capitaine oranien. Un silence ponctua ses paroles, pendant lequel il sembla se souvenir de choses qu’il ne raconta pas. Hatsu voulait en savoir davantage, elle voulait le connaître, le comprendre, mais elle garda ses lèvres closes, ne souhaitant pas le gêner dans ses réflexions. Elle profita du léger répit pour calmer son propre cœur, pour sécher les larmes qui avaient finis par se tarir.


- Tu ne te marieras pas.


De surprise, elle releva la tête, les yeux se fixant sur ceux de Volh. N’avait-il pas entendu ce qu’elle avait dit ? Etait-il contre parce qu’il ne voulait pas la voir au bras d’un autre ? Où disait-il cela parce qu’il savait comment l’empêcher ? Hatsu voulu répliquer, lui faire comprendre que jamais elle ne pourrait trahir sa famille, même si elle devait sacrifier son bonheur pour ça, mais il ne lui en laissa pas le temps.

- Mais tu devras aller à la cérémonie. Et ton frère également. Avant de t'exposer la chance que je perçois, jure moi, sur la vie de ton frère, sur la tienne, que tu ne t'opposeras pas à ce que je tue Talabre.

Elle n’en revenait pas. Pourquoi ne l’écoutait-il pas ? Pourquoi voulait-il à ce point l’aider ? ET pourquoi, par Rana, les avait-elle espérées, ces paroles qui lui redonnaient espoir ? Elle ferma un instant les yeux. Si elle acceptait, elle n’aurait d’autres choix que de mettre sa vie et celle de son frère en jeu, d’une manière ou d’une autre. Comment le prendrait-il s’il l’apprenait ? Qu’elle avait choisi de mettre sa vie en jeu pour éviter un mariage. En plongeant ses iris dans celles de Volh, l’hésitation qu’elle ressentit vola en éclat face à la détermination du jeune homme.

- Je te le jure…

Il la fit alors basculer, l’allongeant à ses côtés tandis qu’il se redressait sur un coude, ses yeux parfaitement alignés avec les siens. Il posa deux qeux questions, très simples, dont elle connaissait les réponses.

- Deux semaines à partir de demain, au temple de Rana… Ils ont tenu à ce que tout le monde sache, de nombreuses invitations ont déjà été envoyées aux familles nobles de la ville.

Ça avait un sujet de discussion pendant cette fameuse soirée et Hatsu s’était longtemps retenue de hurler contre cela. Elle servait de tremplin à Talabre et tout le monde en ville serait au courant, tout le monde pourrait admirer l’étalage de force des Yamadas lorsque l’alliance avec sa famille se concrétiserait par son enchaînement forcé au capitaine. Le lieu la dérangeait également. Le temple de Rana était un lieu particulier, qui avait énormément de signification pour elle. Elle s’y sentait comme chez elle et elle avait souvent discuté avec le prêtre qui lui avait appris les bienfaits de la vérité et que la noirceur, quelle qu’elle puisse être, n’avait pas sa place en ces lieux. Avant même de connaitre le but de Talabre, elle trouvait ça révoltant de s’y marier alors qu’elle n’éprouvait aucune affection pour cet homme. Après ses révélations, c’était encore pire, c’était pour elle une offense à Rana, au prêtre et au temple qu’elle affectionnait.

- Il sait pour le mariage, cet idiot m’a félicité dans une lettre et je sais qu’il viendra. Je doute qu’il soit au courant pour le reste, il aurait probablement aussitôt quitté l’armée pour nous rejoindre si ça avait été le cas.

Elle le connaissait comme s’il était elle. Ils pensaient de la même façon bien que leurs tempéraments soient totalement opposés. Lui calme et réservé, elle fière et démonstrative; il aimait la ville, elle préférait la forêt; il maniait l'épée, elle utilisait un arc. Deux opposés pourtant complémentaires. Jamais il n’aurait pu rester à ne rien faire ne sachant ce qu’il se passait, elle en était convaincue. Il l’aurait contacté, aurait tenté de trouver une solution, quitte à lui-même sacrifier sa carrière pour éviter tout cela. Puis Volh posa une troisième question, plus étrange, mais bien plus personnelle et importante. Il s’était rapproché d’elle, collant presque son front au sien. Hatsu était totalement plongée dans ses prunelles, son cœur battant la chamade à cause de la proximité du jeune homme. Elle déglutit, répondant finalement avec une voix plus assurée qu’elle ne l’aurait cru.

- Comment peux-tu encore poser la question ? Evidemment que… hmpf

Il la coupa en pleine phrase, l’embrassant plus fougueusement que la dernière fois, prenant la jeune femme au dépourvu. Loin de s’en offusquer, elle se pressa contre lui, rendant le baiser qu’elle recevait avec la même force. Plusieurs fois leurs lèvres se séparèrent pour reprendre leur souffle, et à chaque fois elles reprirent contact, dans des gestes empressés et presque désespérés. Une sensation étrange enveloppa Hatsu, pulsant au sein de son corps, différente de la chaleur qu’elle avait ressentie la première fois, mais plus intense. Elle se perdit complètement dedans, ses mains caressant la chevelure et le visage de son amant avec autant de fougue que de tendresse. Elle finit néanmoins par s’écarter, appuyant sur le torse du jeune pour s’éloigner. Haletante, elle avait le visage plus rouge que jamais et quelques mèches rebelles lui tombaient devant le visage. Sa poitrine se soulevait avec force et ses pensées étaient loin d’être cohérentes… ou totalement dénuées de pensées qu’elle préférait ne pas révéler à celui qui lui faisait un tel effet. Comme si les derniers événements n’étaient qu’un lointain souvenir, le temps d’un instant, elle lui offrit un sourire malicieux.

- Que dirait le bibliothécaire s’il nous voyait ? Ce n’est pas correct.

Elle déposa un chaste baiser sur la commissure de ses lèvres, redevenant plus sérieuse.

- J’aimerais que tu m’expliques, que tu me dises ce que tu comptes faire et comment je peux t’y aider. Et je me fiche que ce soit dangereux. SI tu es prêt à prendre tous ces risques pour moi, laisse-moi en faire de même pour toi.

Elle lui lança un regard éloquent, ou l’hésitation avait laissé la place à la détermination qui avait disparu jusqu’alors. Elle n’allait certainement pas rester sur la sellette en le laissant mettre sa vie en jeu, seul. Elle allait elle-même se sortir de cette situation. Elle acceptait son aide, mais pas qu’il règle tous ses problèmes seul. Une idée lui vint alors. Elle aussi pouvait faire quelque chose pour lui, elle aussi pouvait l’aider.

- Laisse-moi t’aider en retour. Laisse-moi t’aider à redevenir Volh Del’Yant et à retrouver les tiens, à redorer ton nom, à venger ton père et à reprendre la place qui t’es due. Peu importe le temps que cela prendra, je ferais tout ce que je peux pour t’aider. Et… et lorsque tu seras prêt… je serai là.

La dernière phrase n’était qu’un murmure, une promesse soufflée tandis qu’elle lui caressait doucement la joue, un sourire tendre sur le visage, les pommettes prenant une teinte rosée qu’elle ne maitrisa pas. Elle avait fait son choix, et il n’allait pas plaire à tout le monde.
Hatsu Ôkami, Chasseuse Ynorienne
Première Née des Ôkami
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Re: La Bibliothèque

Message par Vohl Del'Yant » mar. 7 mai 2019 20:24

Elle répond à ses deux premières questions rapidement. Le mariage aura lieu dans deux semaines...c'est peu, contre un adversaire du calibre de Talabre. La célébration se tiendra au temple de Rana. Vohl grimace : penser au lieu saint souillé par la présence sournoise du capitaine lui hérisse le poil. Mais autant l'échéance est plus courte que prévue, autant l'endroit choisi ne le surprend pas. Toute la personnalité de Talabre est orientée sur ce que pensent les autres de lui. Pas n'importe qui, évidemment. Les gens qui comptent. Le pouvoir, la richesse. La renommée. Toutes ces choses qu'il ne mérite pas.

(Le temple de Rana...il y a de la place, et pour un mariage de premier plan, il y aura certainement pléthore de membres éminents de la société oranienne, alliés espérés ou vassaux soumis.)

Hatsu lui confirme que ne nombreuses invitations ont été envoyées afin de convier un grand nombre de familles nobles. Le scélérat ne veut pas manquer son coup, c'est une évidence. En officialisant l'union des Yamadas et Ôkamis devant le gratin de la société oranienne, il ne fait aucun doute qu'il bondira dans les rapports de force politiques. Que l'Orgue des Vents reste muet. Il doit saboter cette opération. Il regarde la jeune femme allongée à son côté tandis qu'elle lui annonce que son jumeau est autant au fait du mariage qu'ignorant sur le caractère forcé de la chose. Ses pommettes encore roses et ses yeux ont retrouvé l'éclat qui l'attire tant. La volonté de mener sa vie comme elle l'entend. Lorsqu'elle répond finalement à sa dernière question, il l'embrasse avec plus de force que les autres fois. Surprise un instant, elle se reprend bien vite en répondant à son corps. Les émotions de Vohl se focalisent sur sa partenaire. L'envie, la volonté, la peur, aussi. Ils n'ont que deux semaines pour préparer le plan le plus au point possible pour faire annuler le mariage et faire flancher la notoriété de Talabre. Tout cela le pousse à plus de tendresse qu'il n'en aurait surement témoigné en temps normal : la jeune femme répond à ses sollicitations avec ardeur, avant de l'écarter d'une pression sur le torse. L'ynorien n'insiste pas, profitant de cet instant pour reprendre son souffle et se remettre de cette lutte tendre et passionnée. La jeune femme halète autant que lui, son visage se parant des tons pivoines, visibles à la lueur de la bougie. Leurs poitrines se soulèvent avec force, les poumons cherchant l'air dont leurs propriétaires ont fait peu de cas. Son souffle retrouvé, la jeune femme se fend d'un sourire malicieux à son amant.

"Que dirait le bibliothécaire s’il nous voyait ? Ce n’est pas correct."

Vohl rit un peu avant de tenter d'effacer ce que son instinct lui intime de faire. Il affiche en réponse du ton léger de Hatsu un air coquin.

"Le vénérable cœur n'y survivrait peut-être pas...tu n'es pas raisonnable, chasseresse !"

La jeune femme dépose délicatement un nouveau baiser en bordure de ses lèvres, faisant sourire Vohl par le retour d'une pudeur innocente. Son sourire diminue sans disparaître lorsqu'elle lui demande d'expliquer son plan. Il s'évanouit lorsque la jeune femme lui demande de l'y mêler activement, qu'importe le danger encouru. Mais il acquiesce. S'ils veulent réussir sur tous les points, ils devront tous mouiller la chemise. Au sens propre comme au figuré, si son plan voit le jour. Il darde ses prunelles dans les yeux de la jeune femme. L'amant est passé à l'arrière plan, s'effaçant devant le stratège. Il la regarde attentivement. Pas question de la mettre en danger si elle n'est pas prête. Mais ses mots comme son visage traduit autant la confiance qu'elle lui accorde, que la force dont elle fait preuve. Un sourire retrousse ses lèvres. Ils ont peut-être une chance de s'en sortir. Il se redresse, se positionnant à genoux, les mains à plat sur ses jambes, dans une position de joueur de shôgi.

Il ferme les yeux, imaginant la situation du plateau. Il ne dispose que d'un keima - lui - et d'un kakugyo. En face, il devra compter avec un hisha. Non. Il se corrige automatiquement. Un Ryûô serait plus juste. De toute évidence, la cérémonie se déroulera sous haute surveillance. Il ajoute sur chaque coin de l’échiquier les narikyo. En lieu et place des fuhyo, ils ne posséderont que d'inertes pièces de bois, inattaquables mais sans pouvoir offensif. Talabre y verra sans doute la même chose. Abattre un de ces pions le desservirait aussi surement que de tuer la mariée. Ou son frère. Vohl attribue à ce dernier la position du Roi. Talabre a sans doute connaissance de la valeur de son ôtage. Ryo sera donc à la fois le Roi de Talabre et le Joyau de ses adversaires.

L'élément clef est donc le fait de protéger le Joyau. Encore faut-il que le joyau soit encore à l'abri après la fin de la manche. Car si la partie suivante commence pour Talabre en considérant que Ryo est un traître, ils perdront définitivement la partie. Vohl a au moins cette certitude : de leur côté, aucune pièce ne joue le double jeu. Il inspire avant de commencer à dévoiler son plan, fixant d'un oeil attentif la première née des Ôkami.

"Voici ce que nous connaissons de la situation : nous sommes les seuls à pouvoir agir. Ton père, comme ta mère, sont pieds et mains liés par ce qui est promis à leur fils s'ils ne se soumettent pas. Ils ne pourront rien faire, car nous ne leur dévoileront pas le plan. Cela les mettrait en danger, et ils n'auraient pas d'impact significatif : des fuhyo."

Il marque une courte pause, rassemblant ses idées.

"Pour ton frère, c'est un peu différent. Cela pourrait nous être utile qu'il connaisse, au moins, une partie du plan. Mais pas la totalité, et pas sous les bons prétextes. D'après ce que tu m'as dit, il est un peu impulsif... loin de moi l'idée de critiquer ce point ! Mais saura-t-il jouer la comédie avec suffisamment de talent pour duper certains qui en ont fait leur métier ? Sinon, alors mieux vaut qu'il ne soit au courant de rien, et continue de croire que ce mariage est une bénédiction."

Il secoue la tête.

"Je te laisse juger de cela. La situation pourrait être terrible si Gale ou Kapono assistaient au mariage et découvraient la supercherie... Particulièrement le second. Et j'ai bien peur qu'il fasse partie de la liste des invités : y as-tu eu accès ? Sinon, il faudra le découvrir. S'intéresser à son propre mariage n'étant pas un crime, je pense que tu pourrais remplir cette tâche sans problème."

Il lève un index menaçant en sentant la jeune femme outrée par le peu de danger qu'il lui fait courir.

"Ce n'est pas tout. Tu vas devoir mentir à tout le monde. Le temple de Rana est trop vaste, trop clair. Nous ne pourrons plus agir une fois là bas. Il est important que les festivités commencent avant, dans un lieu que notre adversaire devra choisir. Tu auras la tâche capitale de lui en instiller l'idée. J'insiste. Ce point est terriblement important : chez lui ou dans une des pièces du Conseil, selon ce que tu arrives à lui mettre en tête. Il serait hautement préférable que ce soit chez lui. "

Il la regarde droit dans les yeux. Le regard empli de confiance mais aussi d'une certaine sévérité. Mais il n'a pas le choix. Bien qu'il ait prévu de nombreuses portes de sorties à son plan, il vise le meilleur. Et plutôt qu'un simple échec, il cherche le mat d'emblée. C'est une stratégie minutieuse, une adaptation de ce qu'il prévoyait de longue date.

"Cet homme est assoiffé de pouvoir. Lui offrir la possibilité d'étaler son succès auprès de ses vassaux, c'est la garantie qu'il sautera sur l'opportunité. Et où pourrait-il montrer davantage son pouvoir que chez lui ? Il n'est pas dit qu'il obtienne l'aval du Conseil pour se prêter à ses manœuvres politiques... mais qui sait... si les coups qu'il dont il t'a marqué ne suffiront sans doute pas à remettre en cause l'union qu'il souhaite, ils pourront sans doute te servir à obtenir quelques caprices."

Un sourire froid comme la mort se place sur ses lèvres. Ses yeux se perdent dans le noir un bref instant. Une douleur lui vrille la hanche, sans qu'il ne tressaille. La chaleur est familière et seul lui peut la sentir. Il a depuis longtemps renoncé à savoir pourquoi.

"Avant la fin...il regrettera amèrement chacun de ses gestes."

Un murmure distant, si faible qu'il se dilue dans le silence. Il secoue la tête alors qu'il revient dans le présent. Son regard capte la lueur tremblotante de la bougie. Il tire une nouvelle tige de cire afin d'en allumer la mèche, avant de lui faire prendre place sur le socle, dans le cylindre de verre. Après avoir éteint la seconde bougie, il replace sa main contre ses jambes avant de reprendre là où ses pensées s'étaient égarées.

"Mais il est important que tu les caches. Capital. A aucun moment tu ne dois avoir la réputation d'avoir des griefs contre Talabre. Pour que cela marche, le public doit ignorer que tu lui plongerais une flèche en plein cœur si tu le pouvais. Remarque, ce serait sans doute plus efficace ailleurs, chez lui. Savoir où aura lieu la préparation à la cérémonie et le buffet d'entrée sera capital également. Car nous auront besoin des plans. Et de connaître le déroulement précis de la soirée : où tu seras et si tu y sera seule ou non, où seront les invités, dont Ryo, et évidemment, où sera Talabre."

Il soupire. Pendant cette phase comme pendant la suivante, elle sera plus exposée que lui. Et bien qu'il rejette cette idée de tout son coeur, il cède devant l'efficacité et les chances de succès de son plan.

"Voilà les connaissances et les manipulations dont nous aurons besoin. Nous auront besoin d'outils techniques pour la suite des opérations, mais nous devons déjà connaître ces informations avant de planifier le reste. Sans cela, nous ne ferions que tirer les cheveux de Rana. Cela te fera un programme assez chargé. Plus tôt nous seront fixés sur ces éléments, plus vite nous pourrons prévoir et peaufiner le reste. De mon côté, je dois reprendre quelques contacts qui nous aideront le jour venu... S'ils le souhaitent."

Il déglutit. Si son amante décide de le suivre, alors son plan est déjà en marche. Il sera pleinement responsable de ce qui se passe, et si les choses devaient mal tourner... il se maudira probablement jusqu'à la mort. Il la regarde : celle qu'il aime semble concentrée sur ses paroles et le regard acéré ne le quitte pas. Il ne sait pas déchiffrer son regard, bien qu'il y perçoive une lueur d'intérêt et de déconcertation... il y a quelque chose en dessous. Son coeur est parcouru par un nouvel éclair de chaleur lorsqu'elle reprend la parole d'une voix douce mais ferme.

"Laisse-moi t’aider en retour. Laisse-moi t’aider à redevenir Volh Del’Yant et à retrouver les tiens, à redorer ton nom, à venger ton père et à reprendre la place qui t’es due. Peu importe le temps que cela prendra, je ferais tout ce que je peux pour t’aider. Et… et lorsque tu seras prêt… je serai là."

A cette phrase, il sent un poing de chaleur le revigorer en même temps que ses doigts caressent sa joue. Une promesse d'avenir, un souffle d'espoir. Un allié dont il ne pourra remettre en cause le soutien. Une alliée, une amante... et peut-être, un jour, plus encore. Son esprit par nature anxieux se pare d'agréables songes, délaissant la froideur technique qui fut sienne pendant ses explications. Le feu lui monte au visage. Il la remercie en l'attirant à lui doucement afin de la prendre dans ses bras, soufflant au passage la bougie qui éclairait ses pommette d'un rose délicat, et répondant à son murmure par un écho.

"Et tu me trouveras. Je reviendrai vers toi, quand le ciel qui plane sur nos vie se sera enfin découvert. "

Il l'enlace tendrement, terminant son murmure.

"Nous devrions dormir. Demain sera épuisant."

Pourtant, après l'avoir embrassée délicatement sur la nuque, le ronin a le plus grand mal à ne pas prêter attention au corps blotti contre le sien. Et c'est bien plus tard qu'il s'endort, bercé par les respirations finalement régulières de son amante.
Modifié en dernier par Vohl Del'Yant le mer. 8 mai 2019 13:52, modifié 2 fois.

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Message par Hatsu Ôkami » mer. 8 mai 2019 13:21

Le sérieux avec lequel Volh s’écarta légèrement d’elle en prenant une pose droite et déterminée intriga Hatsu qui, désireuse de comprendre celui pour qui elle ressentait tous ses sentiments inconnus jusque-là, l’écouta avec attention pendant toutes ses explications. Le sourire malicieux et les yeux tendres avaient laissé place à une part plus stratégique de Volh et, tel un joueur de Shogi, il lui expliqua pas à pas ce qu’il aimerait qu’elle fasse. Laisser ses parents en dehors de tout ça lui convenait parfaitement. Rana seule savait ce qu’ils pourraient faire en apprenant les projets de leur fille et d’un allié dont ils douteraient sûrement u premier coup d’œil. Elle acquiesça lorsqu’il parla de son frère. Il comprendrait bien vite qu’Hatsu ne désirerait pas ce mariage et elle ne lui cacherait pas, mais elle garderait les vraies raisons pour elle, cela valait mieux, pour eux tous.

- Le conseiller Gale sera présent, je peux te l’assurer. C’est un ami de longue date de mon père, il est impensable qu’il ne soit pas invité… pour le reste, je trouverai cette liste, sois en sûr.

Elle faillit argumenter en constatant qu’il ne lui demandait rien de très important, mais le doigt levé de Volh la coupa avant qu’elle ne puisse continuer, et il enchaîna. Elle écarquilla les yeux. Elle devait convaincre Talabre d’organiser une réception chez lui ? L’idée ne la séduisait guère, mais elle acquiesça. Elle comprenait les raisons, bien que l’idée de faire ça dans un endroit connu, chez elle notamment, lui paraissait plus simple, mais au vu du passé de Volh et de la façon qu'il avait eu d’analyser la situation, elle s’en remit à son jugement. Elle n’était pas du genre à remettre en question l’expérience et le savoir-faire d’autrui lorsqu’il était évident qu’ils en savaient plus qu’elle. Elle passa son pouce sur sa joue lorsqu’il affirma que cela pouvait jouer en sa faveur, et elle sourit tristement. Elle allait devoir subir les regards et des murmures des gens, mais au moins cela ne serait pas pour rien.

- Avant la fin...il regrettera amèrement chacun de ses gestes.

Elle se retint de lui prendre les mains, le regard perdu de Volh la figea et, tandis qu’il allumait une deuxième bougie pour remplacer la première qui défaillait, il enchaîna de nouveau. Tromper, mentir et manipuler… Une mission simple en définitif. Elle avait longtemps manipulé les gens autour d’elle pour obtenir ce qu’elle voulait, jouant de son statut ou d’autres avantages. Elle n’en était pas fière aujourd’hui, se rappelant à quel point elle était imbue d’elle-même avant que tout cela ne la fasse relativiser. Volh, lui, semblait inquiet pour elle. Elle en eut conscience lorsqu’elle entendit son léger soupir et vit son regard. Mais elle ne céda pas, elle soutint son regard et, d’une voix claire, lui fit comprendre qu’un jour, elle l’aiderait à son tour, peu importe le temps, peu importe le coût ou les conséquences.

Doucement, presque trop, il l’attira à elle, la prenant dans ses bras avant d’éteindre la bougie et lui murmurer une promesse qui ralluma un feu au sein de son corps. Tendrement, ils s’allongèrent, elle dans ses bras, le cœur battant à tout rompre, de longs frissons se répandant le long de son corps lorsqu’il lui déposa un baiser sur sa nuque. Collée à son torse, elle sentait nettement les propres battements du cœur de Volh. Loin d’être calme, lui aussi semblait ressentir quelque chose. Elle aurait voulu lui dire ce qu’elle avait sur le cœur, ce qu’elle voulait vraiment, mais elle se retint, embrassant le dos de sa main avant de se blottir un peu plus contre lui, essayant d’ignorer le souffle du jeune homme.

Malgré que son souffle et son cœur se soient calmés, elle ne parvenait pas à s’endormir. La respiration calme de Volh à ses côtés lui fit prendre conscience de ce qu’elle venait de vivre, de ce qu’elle venait de promettre. Elle ne doutait pas, pas un instant elle n’imaginait retirer ce qu’elle avait dit, mais elle venait peut-être d’entraîner malgré elle le jeune homme dans quelque chose qui pouvait lui coûter la vie, et elle n’osait pas imaginer ce qu’il se passerait si c’était le cas. S’ils venaient à échouer, qu’arriverait-il à Volh ? Entendant la respiration calme et apaisé d’un sommeil mérité chez le jeune homme, elle se retourna lentement, ses yeux habitués à l’obscurité détaillant le visage endormi. Elle sut qu’elle ne le laisserait jamais tomber, jamais elle ne pourrait supporter de la voir payer à sa place. Elle devait agir, assurer qu’après cela, il soit en sécurité, qu’il ait des alliés, un lieu où venir. Elle déposa un baiser sur son front, finissant enfin par s’endormir, son visage niché dans le cou de son amant.

Clairière verte éclairée d’une lumière dorée, cernée de grands arbres centenaires. Loup était là, allongé, attendant patiemment que la jeune fille n’approche au centre de la clairière. Lorsqu’elle s’assit face à lui, caressant le museau de la taille de son avant-bras, leurs yeux se croisèrent. L’ébène et l’or se fixèrent avant que Loup ne se mette à lui parler, d’une voix étrange, mélange entre sa voix habituel et un grognement de gorge plus prononcé.

(Chasseresse est inquiète, anxieuse. Ennemi doit mourir.)

(Je sais Loup… Il mourra.)

(Bien…Douloureux ?)

Il fixait la joue qu’elle ne sentait plus vraiment, les sensations dans ces songes étant quasi inexistantes.

(Plus maintenant. Serais-tu en colère ?)

Il ignora superbement la question, secouant la tête comme pour en chasser une mouche agaçante, faisant onduler sa fourrure noire comme la nuit.

(Cet homme. Chasseur. Intéressant et fort.)

(Espionner aux portes est un vilain défaut Loup… un peu d’intimité s’il te plaît.)
Il ricana.

(Jamais seule Chasseresse, jamais...)


Elle ouvrit des yeux embués de fatigue, baillant doucement avant de se figer. Elle avait passé la nuit dans les bras de Volh et une douce chaleur se répandait dans son corps tandis qu’elle regardait son visage encore endormi. Elle caressa doucement la joue du jeune homme, veillant à ne pas le réveiller. Peine perdue, il ouvrit les yeux et un sourire tendre l’accueillit, suivit d’un léger baiser qu’elle ne prolongea pas, ne voulant pas retomber dans la fièvre qui l’avait emportée hier soir et à laquelle elle avait failli succomber. Pas ici, pas maintenant, et pas si vite. Elle constata néanmoins qu’il semblait ravi de la voir et cela la fit rougir légèrement. Elle passa encore un moment blotti contre lui, ignorant les pulsations de son corps, avant de finalement dire quelque chose.

- Rejoins-moi dans ma chambre lorsque tu auras trouvé ce dont tu as besoin. Essaie de ne pas être vu, je ne voudrais pas qu’on pense que je vois quelqu’un, ce serait inapproprié.

Elle lui sourit malicieusement avant de reprendre.

- Je laisserai un lotus sur le rebord de ma fenêtre lorsque j’aurai trouvé ce qu’il faut. Je ne sais pas comment te contacter autrement sans éveiller l’attention, c’est le plus sûr. Je laisserai la fenêtre ouverte, évidemment.

Elle l’embrassa de nouveau, résistant de nouveau à prolonger le contact plus qu’elle ne le devait, se levant finalement en lissant sa robe et en remontant la bretelle qui descendait dangereusement.

- Il vaut mieux qu’on ne nous voit pas sortir ensemble… Prends soin de toi Volh. Et… Merci, pour tout.

Elle lui souffla un baiser avant de descendre, saluant prestement le bibliothécaire qui arqua un sourcil broussailleux.

- Dame Ôkami…

Elle se figea. S’il l’avait reconnue, cela pouvait très mal finir pour elle et Volh, mais il se contenta d’un sourire et de lui tendre une feuille soigneusement enroulée par un ruban noir.

- Certaines légendes et histoires sont parfois étranges. Celle-ci devrait vous plaire. Puissiez-vous trouver ce que vous recherchez.

Un peu dubitative, elle saisit néanmoins le rouleau en remerciant le vieil homme avant de sortir. Il était temps de rentrer et de mettre en place le plan de Volh. Elle avait à la fois hâte et peur des conséquences. Puis la coupure sur sa main se rappela à elle, et elle sourit. Le jeu en valait la chandelle, elle en était convaincue.
Modifié en dernier par Hatsu Ôkami le dim. 12 mai 2019 14:57, modifié 3 fois.
Hatsu Ôkami, Chasseuse Ynorienne
Première Née des Ôkami
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l'Or pour la fortune, le Loup pour la noblesse d'âme et la flèche pour le passé guerrier.

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Vohl Del'Yant
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Re: La Bibliothèque

Message par Vohl Del'Yant » ven. 10 mai 2019 23:56

Vohl se réveille à l'aube en sentant une peau douce lui caresser la joue. Sa partenaire est réveillée. Vohl la couve d'un regard tendre en réponse au sourire qu'elle lui dédie. La jeune femme est toujours dans la magnifique robe émeraude, mais la nuit passée dans ses bras a légèrement déshabillée, dévoilant une épaule d'albâtre. Elle l'embrasse rapidement avant de se blottir de nouveau contre lui. Il accepte bien volontiers la preuve de tendresse, d'autant qu'ils seront chacun de leur côté pendant un moment avant de se retrouver.

"Rejoins-moi dans ma chambre lorsque tu auras trouvé ce dont tu as besoin. Essaie de ne pas être vu, je ne voudrais pas qu’on pense que je vois quelqu’un, ce serait inapproprié."

Elle a raison. Le plus simple est ici certainement le plus efficace. Lui demander de sortir pour le retrouver dans un lieu standard attirerait davantage l'attention sur elle... et sur lui. C'est une réputation dont elle n'a pas besoin, en particulier au vu de ce qu'ils essaient de faire. Il retient de justesse la colère qui l'envahit lorsqu'on lui parle de Talabre, quant bien même ce serait pour lui parler de sa chute. La jeune femme continue d'un ton doux avec un sourire malicieux qui écrase les braises de sa colère pour lui faire penser au feu qui les a menacé tous deux hier soir. Ils ne peuvent pas être ensemble pour le moment, mais la savoir penser à cette idée l'emplit de fierté et de plaisir.

"Je laisserai un lotus sur le rebord de ma fenêtre lorsque j’aurai trouvé ce qu’il faut. Je ne sais pas comment te contacter autrement sans éveiller l’attention, c’est le plus sûr. Je laisserai la fenêtre ouverte, évidemment."

Il hoche la tête en souriant. Plaçant sa main contre son coeur, il incline le buste devant la jeune femme et termine d'un ton faussement innocent.

"Le lotus sera amplement suffisant pour me contacter, ne t'en fait pas. Quant à ce que quelqu'un me voit... connais tu quelqu'un d'autre qui pourrait regarder ta fenêtre ?"

Elle répond à sa question en l'embrassant de nouveau, ne prolongeant pas l'instant bien qu'il sente l'envie de rester à l'abri, protégée, et aimée dans ses bras. Mais la flamme de la volonté danse dans les pupilles de la chasseresse, un éclat qui est réapparu hier soir. Vohl souri de plus belle. Comme ce petit brin de sauvagerie la rend attirante. En lui s'allume le même écho : l'envie renouveler de ne rien céder, ne rien perdre. Et surtout elle. Elle lui souffle un nouveau baiser avant de lui faire comprendre qu'ils ne doivent pas quitter les lieux ensemble. Une logique évidente à laquelle il acquiesce. Il la regarde disparaître entre les étagères. Après que le bruit de ses pas et d'une brève conversation avec le bibliothécaire se soit éteint, il se lève et rassemble rapidement ses affaires. Il empoche rapidement les bougies avant de descendre silencieusement l'escalier. Il a fort à faire.

Lorsqu'il passe devant le bibliothécaire penché sur une nouvelle feuille de parchemin, il sourit. Voilà un gardien du savoir. Il se sent d'excellente humeur, emplie d'une pointe de férocité. Et il sait parfaitement d'où viennent ces pulsions du cœur. Alors qu'il dépasse l'homme de savoir, il s'arrête, avant de passer derrière le bureau pour déposer à côté du vénérable le livre qu'il a oublié de remettre dans les rayonnages. Le scribe le regarde avec un sourire en coin et énigmatique. Vohl fronce les sourcils : à quoi donc est liée cette expression ? Il sort finalement de la boutique. La nuit est finie, et il doit à présent agir avec célérité. Ses anciens contacts seront difficiles à retrouver. Il s'expose à la lumière du jour en sortant de l'imposant bâtiment. Il descend la volée de marche en caressant le flanc des chiens de bronze. Lui aussi va sortir les crocs. Bientôt.

Il s'engage rapidement dans les ruelles encore endormies, un objectif précis en tête. L'artificier va lui rendre un nouveau service.

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Xël
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Re: La Bibliothèque

Message par Xël » lun. 23 sept. 2019 20:38

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C’est tout guilleret que je me dirige vers une destination précise d’Oranan. Lors de mon séjour dans la milice, j’ai eu l’occasion de discuter avec quelques miliciens et l’un d’eux m’a appris une chose intéressante. Il existe dans la cité une bibliothèque immense contenant un nombre incalculable d’ouvrages. Ils m’assuraient que parmi eux devaient se trouver les informations que je recherche sur les Lieutenants d’Oaxaca. En effet je n’ai pas caché le fait que je compte bien défendre Yuimen en m’en prenant directement aux douze autres Lieutenants de la demi-déesse.

Me voilà donc devant la Bibliothèque Générale d’Oranan, un immense bâtiment de bois et d’or, comportant deux étages. Je suis impressionné et me demande soudain si je mérite d’y mettre les pieds. Le bâtiment est si beau qu’il ressemble à une œuvre d’art, comme ces vases peints que les riches de Kendra Kar m’interdisaient de toucher. Pourtant la porte est juste devant moi, accessible, au sommet de quelques marches taillées dans des blocs de roche grise. Seul deux statues de chiens à l’air agressifs en garde l’entrée. Je déglutis et prends mon courage à deux mains pour commencer l’ascension des marches, je ne peux pas renoncer, je dois en apprendre plus sur mes ennemis. Je pousse le battant de la porte modeste taillé dans une autre porte de bois massif encadrée par deux colonnades sculptées et recouvertes d’or. A l’intérieur mon souffle se coupe quand je me retrouve face à une statue d’or immense, bien plus grande que celle qui me représentait au Bourg d’Or. Celle-ci représente un homme en armure brandissant dans sa main gauche une épée et tenant sous son bras droit un parchemin enroulé. Sur son socle est gravé le nom de l’homme représenté, un général du nom de Suyn Wa´Stral. Juste en dessous est gravé une phrase qui résonne dans mon crâne et que je ne peux m’empêcher de prononcer à voix haute tant je suis ému.

" La victoire par le Savoir. "

Je le savais, mes premières armes se trouvent ici.

" Chhht. "

Je baisse les yeux et remarque la table ronde qui encercle le socle de la statue. Derrière se tient un homme assez âgé équipé d’une paire de lunettes qui fait ressembler ses yeux à deux grosses billes rondes. Je manque de pouffer en pensant que c’était étrange pour un Ynorien et me garde de lui en faire part vu qu’il n’a pas l’air commode. Je m’approche de lui avec un sourire.

" Bonjour, je recherche des ouvrages sur les Lieutenants d’Oaxaca et leurs créatures. "

Le bibliothécaire relève ses verres et dévoile ses yeux bridés.

" Vous avez une autorisation ? "

" Une autori-quoi ? " Dis-je surpris.

Il soupire avant de répondre en détachant chaque syllabe.

" Au-to-ri-sa-tion. Il vous faut une lettre portant le sceau militaire pour avoir accès aux ouvrages, surtout à ceux qui vous intéressent. "

" Je n’étais pas au courant. Est-ce que vous pouvez faire une exception. Mon nom est Xël, je connais le capitaine Atsukiho je suis sûr que... "

" Xël ? Xël le mage Kendran ?"

Il me scrute de haut en bas après avoir remis ses verres devant les yeux.

" C’est cela, exactement. " Dis-je un peu béatement.

" Le sauveur d’Aliaénon ? "

" Si on veut. "

" Celui qui a organisé les défenses de Fan-Ming ? "

" Tout à fait. "

" Celui qui a chevauché un dragon pour affronter un Titan ? "

" Absolument. "


" Et c’est vous qui avez mit un dragon au tapis à l’aide d’un sort ? "

" Je ne l’ai pas fait tout seul. "

" Et c’est vous qui avez planté une épée dans le sol et transformé une plaine en or ? "

" Non ça ce n’était pas m... "

" Aha ! " Me coupe t-il en me pointant du doigt avec un étrange sourire victorieux comme si il venait de gagner une partie de cartes. Devant mon air niais il reprend son sérieux avant de déclarer:

" Pas d’exception. "

Je m’accoude à la table massive.

" Allez ! Vous pouvez au moins me renseigner ! "

" Oui en effet. Il y a les ouvrages de l’Obscurologue Mademoiselle Mikuzuki. Notamment un qui s’appelle "L’Absurde Vallel." . J’ai cru comprendre que vous vous êtes personnellement rencontrés. Mais elle a aussi rédigé d’autres ouvrages qui donnent bons nombres d’informations sur les créatures des Treizes. Elle donne également des conférences militaires. "

Je me redresse, tout excité. A tel point que j’en fais sursauter le surveillant des lieux.

" Mais c’est super ! Vous avez ces livres ? Est-ce que je peux les acheter ?! "

" Les acheter ?! " s’offusque t-il. " Vous êtes à la Bibliothèque d’Oranan ici, pas à la place du marché de Kendra Kar ! "

" Et elle ? Je peux la rencontrer ? Où est-elle ? "

" Je l’ignore ! On n’écrit pas une telle encyclopédie sur des créatures que personne ne veut croiser sans les croiser ! "

" Mince ! "

Il semble ressentir ma déception et rétorque.

" Il vous suffit d’avoir ce sceau militaire et vous aurez accès à tous ses livres. "

Je soupire et secoue la tête.

" Je comptais repartir aujourd’hui... mais je reviendrais ! Je vous assure que je reviendrais ! "

" J’en suis certain... "

Je tourne les talons et me dirige vers la sortie. Si je n’ai pas accès à ce qui m’intéresse alors autant retourner chez moi. J’ai hâte de revoir Méli.

" Merci pour les infos ! " Criais-je avant de quitter les lieux.

" Chhht ! "


>>>

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Nhaundar
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Re: La Bibliothèque

Message par Nhaundar » mar. 10 mars 2020 14:21

VI.26 Séparation.

Oranan, enfin ! Le lieu où j’ai obtenu ma liberté en échange d’une loyauté sans faille. La grande cité d’Ynorie nous fait de nouveau face et je ne pensais pas ressentir une telle joie en revoyant ses murs. Après tant de jours, je vais enfin mettre un terme à cette sombre histoire. Qui aurait pensé que ma première mission de milice m’aurait emmené d’une intrusion de la bibliothèque, à fouiller sous les décombres d’une ville réduite en cendre ? Même si les ruines d’une cité antique que nous avons découvertes n’étais qu’en réalité la manifestation d’un grand pouvoir magique, tout était d’une telle intensité. Les pièges, le gardien, j’en frémis encore rien que d’y penser. Malheureusement dans l’affaire nous avons perdu maître Ashiro, capturé par les scélérats qui suivaient la même piste. Grâce au pouvoir d’un renne, nous avons pu atteindre la cité assez rapidement, du moins j’espère que nous sommes les premiers car sans cela, le plan que j’ai imaginé se retournera contre nous. Je jette un œil à Sylve, qui m’accompagne depuis mes débuts. Nous avons vécu tant de choses ensemble et je commence à croire que nous pourrions en vivre d’autres plus tard. Je chasse rapidement mes pensées. Je dois garder ma concentration pour ce qui va arriver.

Nous arrivons aux portes séparément et si l’emblème de la milice sur mon tabard fait hausser des sourcils, il me permet également de pénétrer dans la ville sans rencontrer d’importantes résistances. Sylve arrive aux portes peu de temps avant pour faire un bref rapport aux gardes et ainsi empêcher qu’ils n’y pénètrent. En tant que Shaakt portant un tabard de milice je suis assez reconnaissable dans la ville, donc il est préférable que l’on ne nous voit pas arriver ensemble. Je suis persuadé que l’homme derrière toute cette affaire l’a déjà oubliée. Ce qui est moins sûr pour moi puisqu’il a été se plaindre auprès de la milice pour avoir envoyé un Shaakt. Avec le recule je me dis que ce n’était qu’une excuse pour retarder l’aide qu’il avait lui-même demandée. Je ne comprends toujours pas pourquoi l’intendant en second de la bibliothèque voulait mettre la main sur la relique. Que pense-t-il réaliser avec elle ? Je me perds dans mes pensées et arrive à destination.

Voici la bibliothèque, là où tout a commencé. Je laisse le renne à l’entrée, sachant qu’il n’existe qu’une monture de la sorte dans la ville et qu’il possède une capacité qui le rend encore plus unique. Je frappe à la porte du bâtiment jusqu’à ce que la même jeune femme que la première fois vienne m’ouvrir.

"Bon…jour. Ha je vous reconnais vous êtes…" Commence-t-elle avant que je ne l’interrompe de toute mon autorité.

"Trêve de bavardages, je désire voir l’intendant Kayeko immédiatement !"

"C’est-à-dire que l’intendant n’est pas présent actuellement. Je lui ferais savoir que le chargé de la milice est venu le voir." Explique-t-elle, mais entre son ton variant et les marqueurs de tensions de la joue, je dirais qu’elle ment.

"Je pense ne pas m’être bien fait comprendre. J’exige voir l’intendant immédiatement ! Dites-lui qu’un homme détient ce qu’il recherche ardemment." Fais-je en faisant un pas en avant pour asseoir ma domination sur la malheureuse jeune femme.

"Bien je…je vais voir ce que je peux faire !" Répond-elle en refermant la porte, mais je place un pied pour m’assurer qu’elle n’en fasse rien.

"Faites vite !"

Je crois l’avoir un peu affolée car elle part en jetant de brefs regards vers moi. Alors qu’elle disparaît, j’entreprends de la suivre aussi silencieusement qu’il met possible sans craindre de la perdre. Elle finit heureusement par s’arrêter rapidement à un bureau avant d’annoncer la présence d’un homme.

"Dites-lui que je ne suis pas disponible, est-ce trop vous demander ?" Déclare-t-il non sans cacher sa colère.

Je parcours les quelques pas jusqu’à la porte du bureau et écarte fermement la jeune femme.

"Je pense que vous voudrez prendre de votre précieux temps pour moi, intendant !" J’insiste sur le titre de l’homme comme celui d’un être abject. Ce qui est d’ailleurs le cas.

"Veuillez prévenir la milice de l’intrusion d’un de leurs membres sur-le-champ !" Ordonne-t-il.

La jeune femme s’incline et s’apprête à partir lorsque je l’arrête subitement en attrapant son bras, tandis que je garde mon regard centré sur mon interlocuteur.

"Vous devriez attendre quelque peu avant de prévenir la milice. Intendant kayeko, auriez-vous entendu parler d’Erézia l’indomptable ?" Fais-je avec un sourire narquois.

L’homme tente de me dévisager. Sur son visage je perçois des signes d’anxiétés. Ma remarque l’a déstabilisé au-delà de ce que je pensais et cela se voit jusqu’aux tremblements dans ses mains.

"Veuillez nous laisser. Nous avons certaines choses à voir en privé." Dit-il en désirant sauver les apparences.

"Qu’en est-il de la milice monsieur ?" Demande-t-elle timidement alors que je lui lâche le bras.

"Sortez !" S’insurge-t-il.

La jeune femme quitte rapidement les lieux, assez confuse face au changement brutale de situation. Pour ma part je m’avance jusqu’au fauteuil en face de l’intendant et pose mes chaussures avec une absence totale de complexe et de savoir vivre. Du moins, c’est l’impression que je contrôle totalement la situation que je veux imposer. En face de moi, l’intendant perd patience alors que je ne semble pas vouloir entamer le dialogue.

"Donc vous me parliez d’Erézia, si je ne m’abuse !" S’exclame-t-il après avoir recouvert son calme.

"En effet." Fais-je avec nonchalance. Je pose mon chapeau sur la table et remarque qu’un intérêt discret se porte sur celui-ci. "Vous l’avez reconnu n’est-ce pas ?"

"Plaît-il ?" Me demande-t-il, surpris par le changement de sujet.

Toujours vautré dans le fauteuil et les pieds sur le bureau, je pointe du doigt le dit objet en m’expliquant.

"Le chapeau, vous l’avez reconnu n’est-ce pas ? Il appartenait à l’un des hommes que vous avez envoyés à la recherche du tombeau d’Erézia !"

"Je ne vois pas de quoi vous me parlez !" S’offusque-t-il faussement.

Je passe une main sur mon visage pour dissimuler le sourire qui me vient en voyant ses gestes reprendre des mouvements de stress. Quoiqu’à la réflexion, il prendra ce sourire pour une grande confiance et j’enfonce encore le clou.

"Intéressant. Comment pensez-vous que j’ai appris votre implication dans cette affaire ?" Je marque une pause durant laquelle l’intendant ne semble pas vouloir intervenir. "Bon sang, je savais que j’aurais dû garder ce fichu fouet, même avec ce bruit insupportable qu’il faisait !" La remarque de l’arme fait perdre une à deux teintes de couleur sur le visage de mon interlocuteur qui se contente de rester muet pour le moment. Il vient d’apprendre que non seulement les hommes qu’il a envoyés ont été défait, mais que j’ai également connaissance de son implication dans l’histoire. Il est temps de lui retourner encore une fois la tête. "J’ai la chevalière en ma possession !" Cette fois-ci les yeux semblent vouloir sortirent de leurs orbites. "Je suis prêt à vous la laisser pour le double du montant que vous avez promis à vos hommes !" Ses yeux me fixent comme s’ils cherchaient une parade.

"En admettant que cette hypothèse soit avérée, de combien parle-t-on ?" Me demande-t-il en calmant ses respirations.

(Est-ce une question piège ?)

Je reste perplexe sur la question du montant et décide de le bousculer. Je me lève et le toise de toute ma hauteur et parle d’un ton qui ne veut aucun refus.

"Ne jouer pas à cela avec moi !" Je fais demi-tour et me dirige vers la sortie. "Maintenant que j’y pense, je n’ai pas encore fait mon rapport à la milice. Préparez du thé, vous risquez d’avoir de la visite prochainement !"

"Attendez, attendez ! J’ai besoin de temps pour rassembler cet argent. Pourrions-nous nous retrouver demain à cette adresse ?" Me propose-t-il en griffonnant sur un parchemin.

J’ignore où cela se situe exactement, mais je ne compte pas lui laisser le contrôle du rendez-vous.

"Va pour votre adresse !" Dis-je en prenant le parchemin. "Mais en ce qui concerne l’argent, vous avez une heure !"

"Comment, mais…" Se plaint-il avant que je ne le coupe.

"Ayez, ne serait-ce que l’impolitesse de me faire attendre et notre accord sera caduc." Fais-je avant de partir définitivement.

Je quitte les lieux sous les lamentations de l’intendant qui réclame plus de temps. J’arrive non loin de la jeune femme et la salue poliment.

"Nous en avons terminé. Libre à vous d’aller à lui, mais je ne vous conseillerais pas de le déranger, il a reçu de mauvaises nouvelles !"

Je quitte la bibliothèque avec un air des plus ravis.

VI.28 On se déleste du superflue.

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