Les Egouts

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Yuimen
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Les Egouts

Message par Yuimen » jeu. 4 janv. 2018 15:41

Les égouts d'Oranan
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Lors d’une balade dans les rues et les avenues d’Oranan, un nouveau venu serait sans doute marqué par la présence de jardins, le style architectural si particulier à cette ville. Il dirait probablement : « La nature semble se plaire en cette ville, et se satisfaire de la place que lui laisse l’organisation martiale des Ynoriens d’Oranan. ». Et il aurait raison. Mais sa description aurait beau être juste, il aurait manqué l’essentiel.

Si la nature vit, respire et prospère dans les rues d’Oranan, c’est parce que l’atmosphère y est relativement saine. Pas de flots d’immondices à enjamber. Pas d’odeurs fétides pour vous soulever le cœur. Peu de débris sur les pavés. Les détritus sembleraient presque ne pas exister en cette ville. Et pourtant… si vous êtes attentifs, vous noterez, en poussant votre visite jusque dans certaines ruelles, l’existence de petites bouches grillagées entre les pavés. C’est ici que les Oraniens jettent leurs déchets. La ville étant majoritairement dépourvue d’un réseau d’eau courante, les habitants sortent les ordures eux même pour les renverser dans ces galeries souterraines. En sous-sol sont guidés chaque jour des quantités impressionnantes de déchets dans des boyaux de un à trois mètres de diamètre qui quadrillent la ville. Les grilles, scellées, permettent de tamiser les détritus trop gros pour être évacués par le réseau d’égouts. Oranan s’est en effet dotée rapidement après sa construction d’égouts secs : de par sa localisation, le jeu des marées et les intempéries permettent de guider les déchets vers l’océan. Aucun besoin, donc, de gaspiller de l’eau douce pour évacuer les détritus. Toutefois, cette efficacité a des limites, et ces grilles sont nécessaires au bon fonctionnement des égouts.

Les allées et venues dans les égouts sont bien évidemment interdites et une patrouille de milice est chargée de les maintenir inviolés, notamment, dit-on, par un réseau de pièges et de grilles scellées magiquement. On murmure cependant que quelques grilles fracturées permettent de sillonner la ville selon des axes complètement inexistants en surface... L’inconvénient de ce genre d’expédition, c’est que les habitants des lieux, des animaux se nourrissant des déchets, n’aiment pas être dérangés… et l’air, après une longue période sans pluie, devient rapidement vicié et propice au développement de certains maux.

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Légende :

Points noirs : grilles majeures (accès officiels) permettant de jeter les détritus
Points rouges : grilles de rejet des déchets
Traits fins marron : axes secondaires des égouts, de dimension assez faible
Traits épais marron : axe principal, de dimension assez grande.

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Vohl Del'Yant
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Re: Les Egouts

Message par Vohl Del'Yant » sam. 18 mai 2019 14:54

Un monde de silence et de ténèbres. Le monde en lui même ne lui avait pas manqué. Ses regrets disparaissent dans l'obscurité et le silence : ses sens se dilatent lentement. Il se force à se détendre, tâchant de retrouver les sensations qui l'habitaient lorsqu'il évoluait dans cet espace. Ses yeux retrouvent rapidement une certain acuité, mais c'est surtout son ouïe qui lui apporte les informations qu'il cherche. Tout dans ces boyaux, sous la ville ynorienne, semble étouffé, comme s'il venait de plonger dans un verre fermé, un silence presque complet ne laissant aucune chance de discrétion à ceux qui s'y déplacent. Il attend debout pendant encore un moment que son ouïe et sa vue retrouvent leur niveau dans cet environnement. Il étend les bras, retrouvant le contact suintant des galeries. Dans ce milieu aveugle, il n'y a que peu de repères, et c'est principalement sur sa mémoire qu'il va devoir compter pour retrouver les lieux du dortoir de Sombre et des enfants.

Il avance avec précaution dans les tunnels de roches taillées puis polies par l'humidité. Même si son acuité visuelle est relativement bonne, il est parfaitement au courant des créatures qui peuvent grouiller à quelques mètres de lui sans qu'il en ait conscience. Il se souvient encore de ce ver géant qui l'avait avalé, manquant de le broyer par surprise. Dans les canaux souterrains, l'air de la mer qui s'engouffre fait soudain résonner au loin une sinistre mélodie d'orgue. Vohl avance en maintenant une main en contact avec la pierre poisseuse, peu rassuré. Il tâche de calmer sa respiration qui s'est emballée : il doit se forcer à inspirer calmement les effluves désagréables des égouts. Bien que ceux-ci soient relativement propre, l'air n'y est pas pour autant respirable : une sorte de texture, un goût indéterminé marque les narines de ceux qui y descendent. Vohl continue d'avancer. Il se trouvera bientôt au niveau de l'endroit où il a failli mourir. Les pièges installés par son ancien mentor doivent encore être ici. Il s'arrête un instant. Il se souvient des exercices effectués au péril de sa vie. L'air est à cet endroit particulièrement calme. Il doit se concentrer encore.

Après quelques minutes à sentir le flux et le reflux lié au vent qui traverse en douceur les galeries, il perçoit de nouveau l'irrégularité. Un très léger "zwouff". La lame a balancier est bel et bien toujours à cet endroit, et fonctionne toujours. L'assassin attend encore un passage avant de s'avancer de deux pas en avant. Pas plus. Devant lui se trouvent à nouveau des lames, fixes cette fois. Indétectables jusqu'à les avoir touchées, fatales à qui se jetterait en avant pour échapper au piège précédent. Vohl s'accroupit. Le passage devrait être au même endroit qu'avant. Il s'avance, à genoux dans les flaques nées de la dernière pluie. S'il se redressait, maintenant, une lame percerait sans doute son dos. Tatonant devant lui, sa main touche un tranchant de lame sans se couper. Il marque une pose. Etend de nouveau la main, en douceur. Un mur de lames lui fait face. Le plan du passage a été changé. Il jure à voix basse. Un bruissement de tissus lui répond avant qu'un bruit métallique emplisse le conduit.

"Et ainsi revint le faux allié, le faux disciple et le faux frère, revint demander l'aide de ceux qu'il a trahi."

Vohl baisse la tête. Il connaît la voix. Une voix pleine de rage contenue et de déception. Sombre. Un assassin bien plus expérimenté que lui. Il a tenté de l'affronter par le passé. Dire que c'était un échec serait un euphémisme.

"Je n'ai pas trahi !"
"Nie tant que tu veux. J'ai vu le cadavre, Vohl. Tu l'avais abandonné sur les pavés, comme un chien."
"Je ne pouvais pas... je n'avais plus toute ma raison !"
"Tu admets avoir commis ce crime ? Ta mort en serait plus douce."
"Je n'aurais jamais tué Aliep ! Par Rana ! Je le considérais comme un frère !"
"On ne laisse pas un frère pourrir dans les rues à la merci des corbeaux. J'ai attendu deux jours sur les lieux, pour voir si tu reviendrais te soucier du sort de sa dépouille... en vain. Tu as pris la fuite."
"Je n'étais plus moi-même ! Lorsqu'il est mort, j'ai ressenti une rage telle... et elle me poursuit depuis !"
"Une rage de plus de deux jours ? Tu mens mal, Vohl. Tu n'es pas naturel."
"Si c'est toi qui a récupéré Aliep, alors tu as du voir que je l'ai vengé !"
"J'ai vu les cadavres de gardes. Mais Aliep aurait pu faire cela avant de se faire tuer."
"Tu as vu ses blessures ! Il a glissé du toit ! Il bruinait, cette nuit là, nous n'avons pas été assez prudent !"
"Comme tu dis ! Vous n'étiez pas censés sortir !"
"Mais nous sommes sortis et je le regrette ! Refaire le passé ne permettra pas d'effacer mes erreurs ! Mais c'est ce qui s'est passé !"
"CESSE ! Tu ne me fera pas croire que la rage t'a aveuglé pendant deux jours ! Je te connais ! Si vraiment tu avais été enragé, nous aurions retrouvé bien plus de cadavres que les quelques éparpillés autours d'Aliep !"
"Sombre ! Je voulais m'occuper de son corps! J'ai pleuré de ne pas pouvoir le faire ! Mais j'avais découvert un complot contre Genkishi, je devais réagir vite !"

Le mentor hésite.

"As-tu des preuves de ce que tu avances ?"
"J'en ai."
"Donne les moi."

Au tour de l'élève d'hésiter. Ces preuves sont importantes. S'il les confie à Sombre, il prend le risque que l'être versatile les détruise pour le faire souffrir. Mais quoi qu'il arrive, Vohl ne peut s'échapper. Autant s'épargner une humiliation avant de se faire confisquer le contenu de son sac. Dans les ténèbres, la voix de Sombre s'élève avant qu'il ne puisse reprendre la parole.

"Tu es mieux équipé qu'avant, Vohl."

Sidérant. Voir son équipement alors que le jeune ynorien lui-même ne voit pas à plus d'un pas de lui, et ce malgré ses sens qui s'adaptent de plus en plus aux ténèbres. Mais surtout, il retrouve bien Sombre dans cette phrase. Une observation mêlée d'une menace. Vohl entend parfaitement la remarque complète de Sombre : "...mais ce ne sera pas suffisant. Pas contre moi."

"Mes preuves sont dans mon sac. Je peux te les donner."
"Fais donc."
"Ce serait plus simple si je pouvais me relever."

Un rire cassant retentit. D'autres bruissements se font entendre. Il reprend avec une nuance de moquerie dans la voix.

"Vohl... tu n'est pas vraiment en position de demander du confort. Dépêche toi. D'autres veulent avoir quelques mots avec toi."

D'autres... d'autres. Déesse. Les compagnons d'Aliep. Si leur tuteur refrène sa rage, il en sera autrement de la troupe d'enfant qui gravitait autour d'Aliep. Une haine qui a sans doute grandi dans les égouts depuis plus de deux ans, sous l’œil attentif de Sombre. Vohl se plie à la demande de Sombre, faisant passer son sac à dos devant lui et fouillant à moitié à tâtons dedans pour en dégager le parchemin. Il le tend entre les lames, devant lui. Son ancien mentor s'en saisit aussitôt d'un geste souple.

"J'ai besoin d'aller au prochain puits pour déchiffrer ça. Vous êtes ses juges, en attendant."

Cette dernière phrase ne s'adresse évidemment pas à lui et les ténèbres semblent se resserrer autour de lui. La colère et la peine sont encore présentes dans le silence qui sort des présences invisibles. Ne nouveaux bruissements courent le long des parois de roche. Ténues, presque imperceptibles. Voilà qui en dit long sur l'efficacité de deux ans d'entrainement avec le roi du monde souterrain.

"Vohl. Tu nous dois le sang d'Aliep."
"Je ne sais pas ce que vous croyez, tous. Je ne l'ai pas tué ! Et je ne vous ai pas tourné le dos !"
"Aliep te considérait comme un frère. Celui qui laisse son frère tomber ne vaut pas mieux qu'un traître. Tu es responsable, même indirectement."

La colère embrase la voix qui s'exprime. Elle a mué : Vohl ne la reconnait qu'à moitié, sans pouvoir l'attribuer à l'un des enfants qu'il côtoyait alors.

"Tu devais veiller sur lui. Tu as échoué. Mais pourquoi être revenu ?"
"Je voudrais... j'ai besoin de votre aide. Je vous en prie !"
"QUOI ?!"
"Tu reviens pour qu'on t'aide ?"
"Il voudrait ! Moi aussi je voudrais bien, Vohl ! Tu sais ce que je voudrais ? C'est qu'Aliep soit encore parmi nous !"
"Je vous implore !"
"C'est assez, non ? On l'exécute comme on avait dit ?"
"Je le crois, moi."
"Yûbi, tu es trop tendre !"
"Nous devrions au moins attendre de voir ce que Sombre en pense..."
"C'est hors de question ! Sors de là, Vohl ! Je vais te régler ton compte, et cette fois tu vas tomber comme un homme ! Comme tu aurais du le faire pour sauver Aliep !"
"Natsu..."

Un bruit métallique se fait entendre lorsque la cage de lames est renversée sur le côté dans une multitude de claquements métalliques. Vohl se redresse. Pas assez rapidement pour le jeune homme : un genou le percute à la tête, l'envoyant rouler dans le conduit et s'affaler contre la paroi de pierre.

"Qwhark !"
"Alors ! Tu as perdu en combativité ? Ou peut-être que tu as toujours été un lâche, finalement !"

Vohl se met en garde alors qu'il tâche de contenir la colère qu'a créé le coup reçu. Il s'attend à subir l'embrasement de haine qui ne manque jamais de le rattraper. Mais rien. Sa hanche reste froide. Il en est presque désarçonné. Un nouveau bruissement retentit, indiquant une nouvelle frappe en approche. Vohl se jette en avant pour esquiver l'attaque de côté.

"Ha ! Bien joué ! Mais je te sens moins à l'aise qu'il y a deux ans... tu as passé trop de temps dehors ? Je vais t'aider à y voir plus clair !"
"J'ai essayé de sauver Aliep !"
"Bin oui ! J'vais te croire, tiens !"

Le raclement d'une arme métallique contre la roche indique à Vohl la position de son adversaire. Il se tourne dans cette direction pour se mettre en garde. Bruissement d'étoffe. Vohl décrit un large mouvement de griffe pour parer les dagues qu'il devine dans les mains de son adversaire. Il enchaîne les pas pour une parade du coup suivant, pressant son opposant en avançant vers lui, une muraille d'acier le pressant à reculer. Un coup dans le dos, le fait trébucher.

"Tu ne toucheras pas Natsu !"
"Fuyu ! Laisse le combattre ! Je veux qu'il meure en sachant qu'il n'aurait jamais du nous abandonner !"
"Mais..."
"C'est comme ça ! Et vous autres, même chose !"

Vohl profite de l'instant de silence pour se remettre en garde. Il doit presser le terrain jusqu'à ce que la luminosité lui permette de voir aussi bien que ses adversaires. Ici, chaque coup risque de lui ôter la vie s'il ne le voit pas venir.

"Vohl, je vais te montrer ce que c'est que l'honneur, vu que tu l'ignore sans doute ! Tu peux me donner un coup. Et ensuite nous poursuivrons comme si rien ne nous avait interrompus !"
"Natsu !"
"C'est bon, Fuyu !"
"Je ne chercherai pas à te toucher. Il n'y a aucune raison pour laquelle je souhaiterais vous faire du mal. Il n'y en a jamais eu. Si tu veux combattre, combattons. L'honneur serait de prêter attention à ma version et en déduire si j'aurais pu faire plus pour sauver Aliep !"
"Tu veux qu'on t'écoute pour mieux tomber dans tes manigances ? Non merci !"

Un vif courant d'air indique un déplacement juste sur sa droite . Vohl plonge au sol. Un autre déplacement, à sa gauche. Il se propulse jusqu'au plafond par réflexe. Il atterrit de nouveau sur ses pieds.

"C'était quoi, ça ?!"
"Yûbi ! Ne m'interrompt pas !"
"C'est... c'est assez ! Tu ne vois pas qu'il ne riposte pas ? Il ne veut pas te blesser !"

Un bref bruit de lutte et un son de chute indique que Natsu a poussé la jeune femme.

"Aïe !"
"Ou alors, il n'est pas fort ! Et s'il n'est pas fort, à quoi ça nous sert de lui venir en aide ?"
"Ce n'est pas comme ça que tu devrais réfléchir !"
"Ne me dis pas ce que je dois faire ! Vous avez votre jugement, je le soumet au mien ! Et Sombre est d'accord !"
"C'est Sombre qui t'a dit de me défier ?"
"Non, c'est mon idée ! Quand Aliep est mort, ça m'a arraché le coeur ! Tu dois payer pour ça ! Il y a toujours mieux à faire ! Tu as forcément oublié quelque chose qui aurait pu le sauver !"

Il lui saute de nouveau dessus : Vohl recule. Le déluge de coups lui permet de reculer à chaque impact.

"Arrête de défendre ! Tu ne t'en sortira pas !"
"Je ne blesserai personne ici, je t'ai dit ! Même le plus borné des gamins !"
"J'ai cessé d'être un gamin le jour où tu as tué Aliep !"

Deux nouveaux assauts le font reculer de deux nouveaux mètres. L'intersection n'est plus très loin ; la lumière qui y tombe par une des grilles secondaires lui suffira. Il guette le prochain mouvement de son adversaire. Celui-ci, habitué à ce qu'il ne lance aucun assaut, se jette sur lui sans tarder Vohl se baisse en attrapant un pan du vêtement que porte l'apprenti assassin. Se tournant d'un mouvement vif, il profite de l'élan de son adversaire pour l'envoyer bouler dans la partie éclairée de l'intersection. Aussitôt, il lui saute dessus, plaquant sa griffe contre sa gorge en le maintenant contre le sol. Un coup de pied le fait passer par dessus la tête de son adversaire. Les coups s’enchaînent. Vohl cesse de ne faire que parer : des fentes surgissent de sa garde. Les deux adversaires se confrontent, lame contre lame, âme contre âme, mettant leurs tripes et leurs convictions dans chaque coup. Une fente lui effleure la joue droite : il riposte d'un crochet du gauche qui frappe les côtes de Natsu.

Ce dernier ne se laisse pas démonter, profitant de l'élan procuré par le coup pour passer derrière Vohl en lui agrippant l'épaule. La dague brille près du cou du jeune homme qui ne doit sa survie qu'à une parade instinctive. Se penchant en avant, il donne un coup de pied en arrière : son adversaire est touché au ventre. La surprise lui fait lâcher son arme. Elle tinte sur la roche, renvoyant des éclats de lumières sur les visages des autres jeunes qui encerclent la scène de combat, se tenant à la frontière des ombres et de la lumière. Vohl saute sur l'occasion. Il se rue sur le jeune homme au sol et emprisonne ses mains dans une poigne ferme.

"C'est assez, je crois ! Ecoute-moi, maintenant !"
"Laisse moi ! Combat moi vraiment !"
"Je t'ai combattu. Mais ceci n'a aucun sens ! Aliep n'aurait pas approuvé ça ; tu devrais t'excuser de salir sa mémoire."
"C'est moi qui salis sa mémoire ? Comment oses-tu seulement prononcer son nom !"
"J'ose ! Dans son dernier souffle, il m'a appelé son frère. Il était notre frère à tous ! Je partage ta douleur, et elle ne guérira jamais vraiment chez aucun d'entre nous ! Mais ce n'est pas une raison pour nous séparer !"
"T'as un de ces culots ! C'est toi qui est parti ! Pendant deux ans !"
"J'étais obligé ! Sombre pourra le confirmer en lisant la missive que je lui ait remise !"
"Pourquoi ?"

Vohl se tourne vers le visage en pleur d'une jeune fille. Yûbi.

"Pourquoi ne nous as-tu pas laissé un mot ? Un signe ? N'importe quoi ?"
"Je suis désolé."

La jeune fille lui saute dessus, entourant son coup de bras graciles et serrant si fort qu'elle lui écrase presque la trachée.

"Je suis contente que tu sois revenu, Vohl ! Et contente que tu ais fait ce que tu pouvais pour aider Aliep !"

Un sentiment chaud gonfle le cœur du jeune homme. La gratitude. Et il prend conscience d'un autre sentiment alors qu'il relâche doucement les mains de Natsu en le regardant dans les yeux, dont les prunelles brunes sont plus humides que l'intéressé ne le souhaiterait sans doute.

"Même si je ne suis pas toujours à vos côtés, vous pouvez compter sur mon soutien dès qu'il le faudra... Vous êtes une famille pour moi... si vous le voulez bien ?"

La jeune fille sanglote de tout son soul, renforçant son étreinte pendant que Natsu se redresse en maugréant, prétextant de s'épousseter pour s'essuyer les yeux. Se retournant vivement, il colle grand coup dans le ventre de Vohl, qui se plie en deux, surpris.

"Natsu !"
"Je lui devais bien ça !"

Un nouveau coup de poing discret vient heurter ses côtes, si tendre qu'il doute un instant d'avoir réellement senti quelque chose. Dans la lumière, le jeune homme aux cheveux noirs jais compose une suite de mouvements de main.

"Manqué. Toi. Aliep. Famille."

Vohl sourit au jeune muet. Il se souvient de bribes du langage qu'avait commencé à lui apprendre Aliep pour communiquer avec ses compagnons.

"Où. Autres ?"

Le jeune homme sourit tristement, une peine s'inscrivant sur son visage en même temps que ses yeux s'embuent. Un seul autre jeune homme s'avance pour entourer Vohl de ses bras.

(Rana...j'ai raté tant de choses. Puissent-ils me pardonner...)

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Vohl Del'Yant
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Re: Les Egouts

Message par Vohl Del'Yant » sam. 18 mai 2019 23:04

Les jeunes adolescents, parmi lesquels notamment Yûbi et Koe, commencent à le tenir au courant de ce qu'il n'a pas été présent pour voir. Le muet s'exprime avec la langue des signes, coupant parfois Yûbi en pleine phrase d'un geste pour ajouter les détails qu'il juge importants. Vohl les entoure tous les deux de ses bras bienveillants. Les deux jeunes ne restent pas longtemps immobiles, tout à leur récit. Natsu se tient à l'écart en s'enfermant dans un mutisme complet avec Yûzu, une jeune fille qui avait rejoint le groupe il y a un peu moins d'un an sous la houlette de Natsu.

"Il est comme ça depuis qu'elle est là. Ça lui passera !"

C'est le moment que choisit Sombre pour revenir d'on ne sait où, mais certainement plus loin que ce qu'il avait prévu d'aller. Il tient en main le parchemin. Vohl se détend et se redresse face à l'homme qui semble glisser dans les galeries tant sa démarche est fluide. L'homme mûr lui tend le parchemin sans un mot, qui retrouve aussitôt sa place dans le sac à dos. Du coin de l'oeil, je jeune homme voit le duo Natsu/Yûzu se rapprocher légèrement de Sombre, se rangeant sans condition aux décisions qu'il prendra.

"On dirait que tu n'as pas menti. Certains contacts m'ont confirmé une partie de ta version. Mais ces faits ont eu lieu il y a longtemps : pourquoi n'es-tu pas revenu avant ?"

Vohl songe à son voyage dans les montagnes.

"J'ai cherché ma voie pendant un moment. J'avais besoin de certitudes."

Son interlocuteur le regarde dans les yeux, une expression indéchiffrable sur le visage. Il finit par hausser les épaules avant de changer de conversation d'une voix plus claire.

"Tu voulais notre aide... A quel sujet exactement ?"
"Tu as peut-être eu vent du mariage qui va avoir lieu dans les semaines à venir."
"Celui dont la noblesse ne cesse pas de parler depuis près d'un mois et demi ?"
"Surement."

Sombre fixe de nouveau son ancien disciple.

"L’aînée des Ôkami, avec un capitaine Ynorien très en vue. Rien de bien surprenant jusqu'ici. Dans la course au pouvoir, on ne sait jamais qui en sort véritablement vainqueur..."

Vohl contient ses réflexions personnelles pour tenter d'exposer clairement la situation.

"Le capitaine ynorien s'appelle Talabre Yamada. Il s'agit d'un meurtrier. Son arrivée au rang de capitaine s'est faite par des meurtres. Il n'a aucun intérêt dans l'épanouissement oranien."
"Et alors?"

Le manque d'intérêt de Sombre le perturbe avant qu'il ne comprenne d'où vient le problème. Il savait pouvoir trouver des alliés ici. Mais il ne pensait pas devoir les convaincre de lui prêter main forte. Il s'était convaincu sans raison valable que s'il survivait à cette rencontre, il les aurait gagné à sa cause. Aucun argument ne lui vient d'abord en tête.

"Cet homme est responsable de nombreuses morts injustifiées. Il est complètement mégalomane. Il faut l'empêcher de prendre davantage d'importance dans la chaîne de commandement."
"Si nous devions nous charger de faire le ménage partout dans l'Ynorie, nous ne finirons jamais. Ce ne sera ni le premier, ni le dernier."
"C'est faux ! Un grand nombre de dirigeants sont parfaitement intègres."
"Intègres ? Ha. Ne dis pas de telles idioties. D'une façon ou d'une autre, ils sont tous atteints par les déviances de la société. Dans ce cas, où fixer les limites de ce qui leur vaut la peine de mourir ? Tu n'es ni juge, ni bourreau."
"Les limites doivent être fixées là où d'autres en subiront des conséquences irréversibles. Un officier de l'armée qui alignerait assez de puissance économique pour imposer sa loi, cela ne te rappelle aucun fonctionnement ?"
"Tu veux parler des kendrans ?"
"Evidemment ! C'est la porte ouverte à une prise de pouvoir forcée !"
"Ainsi va le monde. Toi qui es un fervant admirateur de Rana, pourquoi t'opposes-tu à ce changement ?"
"Rana est la déesse qui permet justement d'influer et de faire changer les choses. Et ce n'est pas dans une croisade que je vous demande de vous lancer ! J'ai besoin d'assistance pour éviter un mariage forcé !"
"Nous y voilà ! Je me demandais pourquoi soudainement les affaires des nobles t'intéressaient de nouveau. Un mariage forcé ? Comment le sais-tu ? Et pourquoi cela t'importe-t-il au point de revenir ici, quitte à y perdre la vie ?"

Vohl se maudit intérieurement. Il s'est emballé : il n'avait pas prévu de révéler ce point. Si son implication personnelle ne convainc pas Sombre qu'agir est dans l'intérêt de tous, il ne lui apportera sans doute pas son soutien.

"Je le sais d'une source très proche de ce mariage. Et cela m'importe pour la raison que je t'ai donnée, en plus de bafouer les valeurs d'honneur de la République !"
"Je pense que cette part est bien plus importante que ce que tu veux bien nous dire. Je n'ai rien à ajouter : si tu viens ici pour que l'on te rende un service à titre personnel, peut-être aurais-tu du t'en soucier avant de nous abandonner."
"Sombre, tu sais que j'ai raison ! Tu veux vraiment voir arriver une foule de gamins dans les égouts, pour satisfaire l'ambition d'un capitaine ivre de pouvoir ?"

L'assassin, qui avait commencé à faire demi-tour, fait de nouveau face à Vohl.

"Non. Mais je ne t'aiderai pas. Vu les personnes impliquées, je refuse qu'une chasse soit donnée à notre petit groupe pour tes beaux yeux par la garde oranienne. Peu importe ce que tu proposes, ce sera surement trop risqué."
"Tu ne veux pas écouter mes demandes, avant de présumer d'une intention de vous mettre en danger ?"
"Non."

L'ancien soldat refuse de plier, mais il ne s'abaissera pas à supplier son aide.

"Moi, je veux t'aider si je peux."
"Yûbi...tu es sûre ?"

La petite hoche la tête dans la pénombre. A ses côtés, Koe s'avance. Natsu, rapidement suivi par Yûzu, les rejoignent après un moment d'hésitation. Vohl hausse les sourcils. Son air surpris ne passe pas inaperçu.

"Ne te fais pas d'idée, je ne veux juste pouvoir vérifier que tu ne mets pas Yûbi en danger. Ne comptes pas sur moi pour suivre des directives."

Vohl opine du chef. Il n'a aucun intérêt à ce que ces enfants soient blessés. Si le garçon souhaite se placer en sentinelle ou en vérificateur, il n'y voit aucun inconvénient. Au contraire même, puisqu'une exigence supplémentaire sur l'efficacité de son plan ne sera pas vaine : ses idées contiennent forcément des failles. Un oeil critique pour les signaler sera le bienvenu. En écho aux paroles de Natsu, la jeune Yûzu se renfrogne. Sombre aussi.

"Je ne suis pas sur que ce soit une bonne idée. Vous ne savez pas dans quoi vous vous embarquez, jeunes gens."
"Justement : laisse moi expliquer mon idée, Sombre. Si vous y trouvez à redire, j'essaierai d'adapter les risques encourus. Et si vous n'êtes pas convaincus...je me débrouillerai seul."
"Soit. Sois précis, Vohl. Ne passe aucun détail sous silence."

Le jeune homme opine avant de commencer à égrainer son plan. A plusieurs reprises, les yeux de Sombre affichent une compréhension surprise dont Vohl se réjouit intérieurement. Il en vient à la partie où interviendront les enfants et Sombre s'il le souhaite. Lorsqu'il lui fait part de son besoin, Sombre fronce cette fois les sourcils.

"Que croyais-tu, Sombre ? Que tout allait se faire main dans la main ? Je ne veux prendre aucun risque, laisser aucune chance. Il me faut ces flacons."

Il lui tend des flacons vides.

"Accepte-tu mon plan, vieil homme ?"

L'homme en question se redresse.

"Ton plan est satisfaisant, cela ne fait aucun doute. J'ai des réserves sur la véritable moralité de ce que tu proposes, mais dans les faits tu as de bonnes raisons d'agir, même si elles ne constituent qu'une partie de tes justifications." Il marque une brève pause. "Je dénicherai ce que tu veux obtenir. Mais cela aura un certain coût. Et je n'avance pas."
"Evidemment. J'avais prévu de vous rétribuer... et plus, lorsque j'aurai la possibilité de vous soutenir. Voici une avance. Je te fais confiance pour les négociations."

Vohl tend plusieurs pièces qui disparaissent aussitôt dans le pantalon de l'homme. Il se redresse.

"Si cela vous convient, puis-je compter sur votre soutien, dans deux semaines ?"
"Il nous faudra environ cinq jours pour atteindre les contacts nécessaires à ce que tu demandes. Encore trois jours pour disposer du matériel. Normalement tout devrait être bon. Mais au moindre imprévu, nous nous retirerons. C'est bien compris ?"

Vohl acquiesce.

"Encore une chose." Sombre se redresse, la lumière tombant de la grille se réfléchissant sur la poussière qui vole autour de lui, renvoyant l'image d'un être héroïque. " Tu t'es amélioré, depuis la dernière fois. Cela se sent. Malgré tout, j'aimerais savoir sur quel cheval nous sommes entrain de miser."

Il disparaît. Vohl attendait ça. Il était impensable de ne pas être mis à l'épreuve par le professeur tyrannique. Il recule rapidement, se fondant lui aussi dans les ombres. Aucun bruit ne se laisse entendre. Sans vouloir se l'admettre, Vohl bout d'excitation de pouvoir se confronter à l'assassin. Il se meut rapidement sur le sol encombré de la grande artère, contournant les obstacles et équilibrant son poids en une balance parfaite. Rien ne trahit la présence de son adversaire, qui reste tout comme lui à la limite perceptible. Et d'un coup, le mentor bondit dans la lumière, presque à l'horizontale. Vohl sourit férocement, et s'élance en positionnant ses griffes à la réception du maître des lieux. Le bras de Sombre s'étend d'un coup, prenant appui sur le sol pour se propulser dans les airs, passant largement au dessus du coup que lui réservait son disciple, et se retrouvant dans son dos. Le jeune homme pivote en toute hâte, parant le coup que lui réserve son adversaire, qui lui aurait lacéré le dos.

Ici, même des confrontations 'factices' naissent des blessures potentiellement fatales. En particulier entre les adversaires d'un bon niveau. Dans le cas contraire, Vohl serait déjà gisant dans flaque d'eau sale, assommé. Si Sombre tente de le tuer, c'est qu'il l'estime déjà capable de se défendre et qu'il veut le tester en conditions réelles. Et dans son esprit parfois tordu par on ne sait quelle explication, Vohl pense qu'il s'agit également d'un test pour obtenir son pardon et son retour sans condition dans le groupe des enfants des égouts.

La puissance du coup de son adversaire le propulse au centre du cercle de lumière. Ses pupilles se rétractent. Se catapulte dans les ombres en profitant de son élan. Instinctivement, il saute sans même voir ce qui se passe. Un sifflement dans l'air lui indique qu'il a vu juste : une lame fuse sous lui, allant se perdre dans les ténèbres. Il court souplement dans la direction d'où viennent les dagues de lancer. Il se doute que Sombre n'y est plus. Ou est-ce au contraire un bluff ? Il mise que non. Arrivé à portée, il ne voit pas trace de son ancien mentor. Vohl s'arrête, scrutant les alentours. Les enfants sont toujours là, et restent immobiles, ne suivant même pas le combat des yeux.

(Il l'avait prévu depuis le début !)

Vohl s'avance prudemment. Une lame surgit entre deux planches pour l'atteindre à la cheville. Il bloque cette dernière entre les lames de sa griffe. Les planches qui camouflaient son adversaire semblent exploser, soufflées vers lui par un souffle inaudible. Il tente de relever sa griffe pour se protéger, mais celle ci est bloquée par le saï, enfoncé jusqu'à la garde dans le sol. Sa seconde main vient chercher en vitesse la dague de ce qu'il sait désormais être de la faerunne. La légèreté de l'arme lui permet de réagir à temps et de taper d'un coup sec contre les plaques avant qu'elles ne le heurtent.

Il aurait pu se contenter de les frapper de la main. Mais dans ce cas, il n'aurait pas pu réagir à l'assaut que lance Sombre en profitant de son immobilité forcée. Le second saï vient percuter sa dague dans un claquement sec. Les parades et frappes s'enchainent dans des positions de plus en plus inconfortables pour Vohl, toujours cloué au sol par sa griffe qu'il ne peut lâcher. La situation devient critique et les lames de Sombre percent sa défense en plusieurs endroits, marquant des lignes sanglants là où elles touchent. Ployant sous le poid d'une défense à une main qui l'handicape considérablement, face aux lames vives de son adversaire, Vohl se recroqueville. La position dominante de Sombre lui procure un indéniable avantage. D'une botte vive, le maître assassin enroule un saï autour de la lame de faerunne venue bloquer son coup. La dague de faerunne s'envole : Vohl est contraint de lâcher pour ne pas sentir son poignet exploser. Il écarquille les yeux. Il avait connaissance de l'existence de cette botte pour les armes avec un minimum de portée. Avec une arme courte, il ne la pensait pas possible. Il réagit avec célérité, afin d'éviter d'être débordé par les attaques rapides : depuis en dessous de son adversaire, il s'éjecte en hauteur, en attrapant le col de Sombre. Tous deux s'élèvent alors que la force du saut décoince les lames de la griffe.

La garde de Sombre est complètement ouverte. Les trois lames de la griffe fusent vers sa poitrine. Dans les ténèbres, le sang coule une nouvelle fois, lorsque Vohl doit dévier son coup d'une façon imprévue. Le maître assassin vient de tirer trois kunais vers les enfants immobiles. Transformant son attaque montante en un balayage circulaire, déviant les projectiles.

"A QUOI TU JOUES ??!"

La force du choc contre le plafond est amorti par Sombre qui a basculé ses pieds vers le plafond. Ils se font face pendant une fraction de seconde. Assez pour voir la grimace sarcastique du mentor. D'une détente, ce dernier les expédie de nouveau vers le sol. Vohl profite de l'élan que se donne le maître assassin pour le faire passer vers le sol afin qu'il le heurte en premier. Il arme un nouveau coup pour profiter de la vitesse de la descente. Ils s'écrasent au sol. D'un revers de la main, Sombre a dévié la triple lame de Vohl qui se plante de nouveau dans le sol. Un coup de pied, il envoie voler l'agresseur. Vohl atterrit à proximité d'une lame : celle de faerunne, qu'il récupère immédiatement. Entre les mains de Sombre reprend sa place un saï et un katana court. Les deux opposant courent à nouveau l'un vers l'autre. La lame du disciple s'arrête avant d'entrer en contact avec celle de son adversaire : il transforme son assaut en un mode défensif, parant l'assaut de son adversaire tout en portant un fente vers son adversaire. Son adversaire tique lorsque la pointe ouvre une blessure à son épaule, changeant instantanément sa stratégie et calquant son schéma sur celui de Vohl. Ses lames tournent plus vite, les chocs se font de plus en plus présents. Les confrontations métalliques emplissent le boyau. Le mouvement des deux protagonistes se fige lorsqu'un son de métronome se fait entendre. Le silence retombe presque instantanément lorsque l'écho de leurs coups a fini de s'éteindre dans les tunnels.

Une patrouille passe au dessus de leurs têtes, leurs mouvements figés. Pendant ce temps, seuls leurs yeux bougent, respectant instinctivement une trêve qui prendra fin avec le passage des militaires. Vohl réfléchit à toute vitesse. Il doit priver Sombre de son arme, afin de récupérer un avantage sur le combattant plus expérimenté que lui. Sombre semble répondre à sa réflexion en soulevant un sourcil. Son regard parcourt Vohl, sans doute pour identifier ses faiblesses grâces à ses blessures, détectant les endroits ou sa garde est la plus faible. Ils en profitent pour reprendre un peu leur souffle. Puis le son s'éteint. Vohl lance ses griffes vers le visage de Sombre. Un saï vient intercepter l'attaque pour la dévier. Vohl se propulse en l'air pour changer l'angle de son attaque : le maitre assassin adapte aussitôt sa garde. C'est le but recherché. Son poignet est désormais soumis à plus de contraintes qu'il ne le devrait. Vohl pousse brutalement son bras vers le bas en retombant. Le saï est resté coincé dans la griffe. D'un geste large, il se débarrasse de l'arme dans l'ombre pendant que son adversaire se remet de sa surprise en passant en garde de sa main secondaire. La main droite sort bientôt de son dos avec une nouvelle arme.

Vohl n'est pas satisfait. Son ancien mentor le lui a montré : son mouvement partait du poignet, et non d'un mouvement complet du corps. Il passe de nouveau à l'assaut, faisant mine de bondir. Sombre se prépare en fléchissant les genoux. Il pare toutefois sans difficulté l'assaut direct de la main secondaire de Vohl. La lame de riposte s'approche de l'oeil de l'ancien soldat qui ploie en arrière pour éviter le contact, perdant une précieuse seconde à se remettre d'aplomb. Une seconde que son adversaire met à profit pour une nouvelle attaque verticale que Vohl écarte en retour, se jettant aussitôt dans un nouvel échange de coups. Sa dague lui permet davantage de liberté que sa griffe dont les lames font vingt bon pouces de plus. Sombre est conscient de cette différence, il en est certain. Il mise là dessus en remontant brutalement des lames vers la cuisse du maître. Eclat de métal. Le saï revient bloquer l'assaut, ses pointes se glissant entre les lames de la griffe. Vohl sourit férocement en s'écartant aussitôt d'un pas pour profiter du mouvement d'allonge que lui permet la griffe. D'un mouvement circulaire, il contraint Sombre à lâcher une nouvelle fois sa lame, qui suit le même chemin que la précédente. Le mentor marque une pause pour rire sèchement.

"Toujours soif d'apprendre, hein ?"

Il s'arrête de rire tout aussi sec.

"Eh bien, apprend donc de cela !"

Il semble disparaître une nouvelle fois tant sa vitesse se décuple. Il réapparaît à un souffle de la tête de Vohl qui recule en catastrophe, tout à son succès, déconcentré. Il n'a d'autre choix que de s'envoler une nouvelle fois pour se mettre hors de portée de son adversaire. Sombre l'attrape par une jambe avant qu'il n'ait pu sortir de la zone de contact. D'un geste brutal, il le ramène au sol avant de planter sa deuxième lame dans la planche sur laquelle Vohl roule pour éviter de se faire transpercer la poitrine. Sombre presse son avantage. Vohl, au sol, est impuissant devant la vitesse de son adversaire. La lame suivante passa à un doigt de sa gorge, alors qu'il pare de justesse le saï. Il a réussi à se relever. Il pare en catastrophe les assauts de Sombre qui l’assaille depuis des positions improbables lui permettant de multiplier les coups. Plusieurs nouvelles écorchures viennent faire couler son sang. La colère enfle dans son esprit. Sombre croit-il qu'il n'a rien apprit depuis leur dernière confrontation ? Il se projette en avant, s'exposant volontairement à une attaque potentielle si son adversaire perçoit ce mouvement : celle ci ne manque pas d'arriver. Mais la lame courte de fer rencontre celle de faerunne : lachant sa lame, Vohl saisit le poing de son adversaire pour l'empêcher d'utiliser la seule arme qu'il tient actuellement en main. Ses griffes profitent de l'ouverture ainsi causée. Trois longues traces viennent marquer le buste de son opposant qui saute en arrière. Vohl se rue à sa suite, pressant à son tour son avantage. De nouvelles blessures marquent le parrain des souterrains.

Deux nouvelles lames apparaissent dans les mains de son mentor. Vohl recule après avoir fait mine d'attaquer : il récupère sa seconde lame avant de faire volte-face pour parer l'attaque de Sombre. Qui ne vient pas. Son adversaire s'est encore volatilisé. Trois lames fusent vers lui. Il s'esquive avant de constater son erreur : les lames fusent encore vers les enfants.

"Yûbi !"

La jeune femme ouvre les paupières. Elle ne réagira pas à temps. Vohl réussit du bout de la griffe à toucher la lame qui la cible. Les deux autres lames se plantent au sol, non loin d'elle. Il se retourne, prêt à copieusement insulter Sombre lorsqu'un barrage de lames fusent vers lui. Il ne peut en laisser passer aucune.

"Yûbi, aide moi s'il te plait !"

Il se lance dans une parade précipitée des projectiles, avec une efficacité mitigée. Plusieurs fois, il est obliger d'utiliser des parties de son corps pour éviter que les enfants-statues soient blessés. Sa cuisse le brûle lorsque le mur de projectile se tarit enfin.

"Bien. C'est satisfaisant, je suppose."

La satisfaction dans son ton est néanmoins le témoin d'une nouvelle estime envers son adversaire.

"Ça me va. J'adhère à ton plan, et je te pense capable, si cela tourne mal, de protéger les enfants. En conséquence, tu seras responsable de la moindre de leur blessure. Et cette fois, s'il se passe la moindre chose... je te traquerai."

Pas besoin d'en dire plus. S'il le retrouve, ce sera un combat à mort. Il n'a nul besoin de dessin. Vohl hoche la tête.

"Laisse moi voir pour ce que tu m'as demandé. Tu restera ici cette nuit, il y a quelques choses dont je dois m'assurer avec toi."

Vohl opine une nouvelle fois. Puis se rue sur le maître, lames en avant. Surpris, il pare néanmoins. Une nouvelle fois, les griffes se mêlent à son saï. Un moulinet du poignet plus tard, l'arme va rejoindre les autres au panthéon des lames perdues.

"Ça, c'est pour avoir visé les enfants ! Pourquoi avoir fait quelque chose d'aussi stupide ?"
"C'est évident, non ? Je voulais voir si tes discours valaient plus que du vent. Et maintenant, range moi ça, avant de te blesser. Tu veilleras sur l'entrainement des enfants demain."

Douché, le jeune homme acquiesce encore. Connaissant Sombre, la nuit sera longue, et il en paiera le prix demain. Mais il songe aux enjeux. Talabre. Son père. Hatsu.

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Vohl Del'Yant
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Re: Les Egouts

Message par Vohl Del'Yant » lun. 20 mai 2019 01:01

La nuit se déroule comme Vohl l'avait prévu. Aussitôt revenu, aussitôt de corvée : il est chargé par de patrouiller sur les toits par Sombre avant son départ pour aller retrouver les contacts. Après son départ, Vohl inspecte d'abord son sac pour vérifier que rien n'est tombé à côté lors de la passe... mouvementée qu'il a eu avec l'ancien mentor. Les jeunes garçons sont repartis vers le "dortoir" -qui n'est finalement ni plus ni moins qu'un cul de sac des égouts légèrement surélevés par des planches et des accumulations de futons usés. Après avoir effectué la vérification, il en profite pour fouiller dans les différents déchets qui ornent le sol, notamment à la recherche des saïs de Sombre. Après cela, il suit la même route que les enfants. Contrairement à ce qu'il pensait, il ne les retrouve pas au niveau du dortoir, mais de la salle d'entrainement.

Natsu le regarde entrer dans le large carrefour circulaire d'un mauvais oeil avant de retourner à son entrainement, qui consiste apparemment à boxer un sac bourré de paille. La jeune Yûzu observe discrètement le jeune garçon en lançant des lames contre un planche barbouillée de peinture en une caricature d'être humain, les cheveux longs et globalement de la même taille que... Vohl soupire. En voilà un qu'il ne convaincra pas tout de suite de son innocence. D'autres enfants s’entraînent à différentes tâches qui leur seront malheureusement nécessaires pour survivre en tant qu'orphelins. A l'autre bout de l'intersection, Yûbi reste en tailleur, les deux mains tendues devant elle, une concentration intense se lisant sur son visage. A côté d'elle, Koe porte des coups à un mannequin de bois à l'aide d'une petite dague d'appoint.

Dans l'attente du retour de Sombre, Vohl participe aux entraînements des apprentis assassins. L'art des armes est comme les lames. Il se rouille rapidement, s'il n'est pas entretenu. Alors le senior de la bande se positionne façe à un mannequin, et visualise son mouvement. L'adversaire est ici immobile, et il ne sert pas véritablement de s’entraîner à un combat réel pour quelqu'un de suffisamment aguerri. En revanche, c'est une occasion de tenter de fluidifier ses mouvements autour d'une cible, de tester ses propres limites, d'expérimenter de nouveaux mouvements. D'analyser les faiblesses d'une garde. Mais Vohl n'a pas besoin d'aller jusque là : il voit un problème sur la cible, pour son entrainement. Les jeunes s’entraînent encore sur des cibles ordinaires en tant que voleurs, plus que sur des mercenaires ou des adversaires armés d'autre chose que d'un couteau ou d'un sabre court. Vohl ne sera pas confronté aux mêmes opposants : il doit prendre en compte une garde sérieuse, et le plus souvent il n'aura pas les mains libres. En d'autres termes, il manque au mannequin d'entrainement un bouclier. Il regarde autour de lui. Malgré le débarras auquel ressemble les égouts, il n'y a pas de quoi faire un bouclier sérieux, et pas de quoi le fixer à la cible de bois. Vohl soupire. Au moins, il aura eu cette idée. Il lui faudra apprendre à faire face convenablement à la force défensive que représente le bouclier. Pour l'instant, s'il souhaite ne pas perdre une journée à veiller sur l'entrainement des enfants, il n'a pas d'autre choix que de suivre les mêmes cours qu'eux.

Son regard se fixe sur un jeune garçon qu'il ne connaissait pas : le jeune rouquin répète inlassablement le même geste, l'air concentré. Se tenant en position de garde à environ deux pas de l'adversaire factice, il se rue en avant, portant une attaque vers le visage de la cible tandis que sa main secondaire s'étend vers une ceinture de cuir si séchée qu'elle en est craquelée. D'un mouvement délié des doigts, il se saisit rapidement d'un objet à la ceinture. Il semble rechercher toujours plus de fluidité et de rapidité d'exécution, bien qu'elle soit déjà impressionnante à son âge selon l'ancien soldat. Il s'approche un peu afin de voir mieux comment l'enfant procède. Il commence par avancer d'un pas, avant de basculer le buste pour donner une impulsion à son mouvement : sa vitesse à cet instant est censée surprendre sa cible, c'est évident. Dans le même temps, son bras armé d'une petite dague fuse vers le visage de la cible. Le mouvement n'est pas choisi au hasard, et Vohl reconnait là les directives de Sombre.

"Si vous souhaitez que quelqu'un se focalise sur une chose, il suffit de le lui montrer."

Tu parles ; qui ne se focaliserait pas sur une lame fonçant vers lui, en particulier vers sa tête ? Evidemment. La suite de l'action se déroule logiquement : la seconde main du voleur se rue vers sa bourse. Les doigts souples défont une nouvelle fois le nœud qui attache la bourse à la ceinture. Vohl songe à imiter le jeune élève : récupérer un objet à la ceinture peut lui permettre de subtiliser une missive compromettante, une bourse ou... qui peut savoir quoi. Il regarde plus attentivement le jeune voleur alors qu'il répète, inlassable, l'enchaînement. Il pense avoir saisi. S'approchant du jeune garçon, il attire son attention. Le gamin lui jette un regard avant de se redresser. Ses mains pendent à ses côtés, et Vohl voit qu'elles arborent de larges cicatrices. Sans nul doute, ce garçon a été attrapé à voler quelque chose, et il en a payé un prix pour le moins désagréable. La brûlure semble ancienne, et Vohl se demande d'où elle peut venir. Ce genre de sanctions sur des enfants n'est pas chose commune à Oranan. Voyant qu'il regarde ses mains avec insistance, le jeune garçon les place derrière son dos d'un geste vif.

L'enfant ne correspond pas aux clichés ynoriens. Roux, la peau plutôt pale, tirant vers le gris -peut-être est-ce du à la faible luminosité des égouts. Remontant ainsi le long des bras de l'enfant, Vohl en arrive aux yeux. Il a la certitude que ce qu'il pense est juste : sous les cheveux en bataille sont posés deux pupilles d'un rouge éclatant. L'enfant ne vient pas d'Ynorie. Par tous les lieutenants d'Oaxaca... d'où vient cette couleur ? Il se souvient avoir vu plusieurs géants d'un bleu-gris ayant eux aussi des cheveux d'un roux prononcé lors de la clôture de l'Erementarîfôji, mais il ignore tout à fait d'où étaient originaires ces individus. Il questionne du regard le garçon qui hausse les épaules d'un air stoïque.

(S'il ne veut pas répondre...chacun son histoire.)

"Je peux essayer ?"


Le gamin acquiesce d'un hochement de tête. Il s'éloigne du mannequin constitué d'un manche en bois et de sacs rembourrés de linges et de paille après avoir une ultime fois accroché la bourse également remplie de chiffon à la ceinture. Vohl se met en position. Les deux pieds fermement ancrés dans le sol, à environ deux enjambées de sa cible. Il avance d'un premier pas nonchalant avant de brusquement s'incliner vers la poitrine de son adversaire en tendant la main vers la ceinture. Il s'arrête, reprenant sa position. Il a complètement oublié de lancer une attaque vers le mannequin en même temps qu'il s'incline vers la ceinture. Tout ce qu'il risque de récupérer ici, c'est une bonne tape sur les doigts et la menace de se faire traîner à la milice. De plus, ses doigts sont plus habitués à serrer le manche d'une lame qu'à délier les cordons d'une bourse. Il essaie de se détendre la main avant de reprendre sa place. On réussit rarement du premier coup ce que l'on a jamais fait.

Il recommence la manoeuvre. Un pas, tranquille. Puis un second, où tout bascule et où il se propulse en avant, tendant un poing -le droit, armé de la griffe- vers le visage de son adversaire. Tout de suite après, il tend sa main gauche vers la ceinture de l'homme. Il touche la bourse avant de s'arrêter. C'était mieux, mais le timing est à revoir : il l'a senti. Ses actions sont trop séquencées, et sa main libre s'est envolée vers les hanches de sa cible seulement après que son poing droit se soit immobilisé face au visage de l'homme. Il recommence : même problème. Il réitère : rien à faire. Quelque chose l'empêche de lancer sa main gauche suffisamment tôt, sans qu'il n'arrive précisément à déterminer quoi. Il s'y reprend à plusieurs reprises, échauffé par ses échecs. Ce qui ne devait être qu'une session d'entrainement paisible pour se maintenir en forme s'est transformé en un duel obstiné contre une limite à laquelle il se heurte. Une heure et demie plus tard, il s'arrête, les muscles chauffé par les multiples tentatives. Il n'y arrive pas, c'est un fait.

Le jeune garçon profite de sa pause pour se remettre à l'exercice, et se place devant le mannequin non sans avoir jeté à son aîné une œillade pour le moins moqueuse. Vohl grimace, mais observe le jeune homme en tentant de décortiquer ce moment critique. La clef lui apparaît dès la première mise en pratique du garçon. Il ne faut pas envoyer la main vers la ceinture, mais plutôt la dérouler. Le bras utilisé par le garçon - le gauche également-, est avant l'assaut lové contre sa poitrine, comme une vipère prête à jaillir. Celle de Vohl est toujours en recherche d'une stabilité optimale : comme chez un équilibriste, elle cherche à recentrer son centre de gravité. Ici, le jeune homme semble sur le point de tomber lorsqu'il attrape la bourse. C'est d'ailleurs surement ce qui lui permet de s'en sortir sans prendre une gifle bien sentie sur le museau pour le punir de son audace. En se laissant ainsi presque volontairement perdre l'équilibre, il regagne une énergie, une vitesse qui lui permet encore d'accroître ses chances de finir la manœuvre rapidement hors d'atteinte de la victime. Vohl inscrit précieusement tout cela dans son esprit. Il doit veiller à bien copier cet aspect de la technique. Il reste encore à observer le jeune homme pendant qu'il s’entraîne. C'est son mannequin, après tout. Vohl vient tout juste de revenir, il se voit mal imposer un changement d'organisation. Il reste donc, désœuvré.

Lorsqu'il en a finalement marre d'attendre, il se relève du futon mité sur lequel il s'est assis. Il effectue les gestes dans le vent : à une vitesse très faible, bien décomposé pour qu'il puisse comprendre comment s'articule le moindre des geste : l'attaque haute, léger mouvement de bassin, la main qui se tend jusqu'à une cible imaginaire, le bassin pivotant encore un peu, le déstabilisant assez pour lui donner une sorte de vitesse due à la chute. D'un pas précipité, il s'évite de rouler dans les flaques. C'était un peu trop. Il reprend, tout aussi calmement, évoluant comme une feuille morte tournée et retournée par un vent capricieux. C'est mieux, de ce côté-ci également. Les mouvements sont plus fluides. Il accélère la cadence. Cela ne va plus. Quelque chose dans le changement de vitesse lui fait perdre cet enchaînement.

Alors que le jeune garçon recommence la technique une nouvelle fois, il perçoit la différence. Il l'avait déjà vue au début mais sans y prêter l'attention qu'elle méritait. Il s'agit moins de frapper l'adversaire de sa main droite que de véritablement la lui montrer : la lame se dresse vers le visage sans mettre toute la force nécessaire à passer au travers du crâne. Tant pis si cette main est parée. En fait, c'est même mieux si l'adversaire a le sentiment qu'il peut la parer s'il y prête attention. C'est autant de moins apporté à la seconde main qui commet la rapine.

Il réitère l'opération, sans mettre de force dans le mouvement de sa main droite. L'enchaînement se passe sans accroc. Il lui aura fallu près de deux heures et demi pour en arriver là grâce à ses observations et ses propres réflexions. Le résultat est satisfaisant, dans le vide. Il doit tenter cela contre le mannequin. Le jeune garçon le libère enfin. Vohl prend immédiatement sa place, captant au passage les quelques regard qui le suivent maintenant d'un air curieux après l'avoir vu s'entrainer dans le vide. Cette méthode est davantage un apprentissage mené à la militaire qu'un apprentissage donné dans la ligne de Sombre. Le mentor assassin l'aurait surement directement placé contre un adversaire réel en prétextant que la mise à l'épreuve est le seul moyen de comprendre la technique. C'est sans doute vrai, mais les choses se passent bien mieux lorsqu'on a conscience du cahier des charges de la technique.

A trois pas du mannequin pour se laisser arriver près de sa cible l'air de rien, il se remet en position détendue. Un pas, deux pas, bascule. Premier suivi immédiatement du second bras, accompagnés d'un mouvement de bassin puis d'un autre lui permettant de se trouver face à la ceinture, lui donnant la vue sur la bourse. Ses mains crochètent la prétendue réserve de richesses. La bourse tombe entre ses doigts. Vohl sourit. C'est bon : il maîtrise cet aspect de la technique. Son sourire se fane lorsque le jeune rouquin s'approche de lui et, se glissant devant lui en subtilisant entre ses doigts le sac de cuir, le noue solidement à la ceinture.

"En réalité, c'est plus souvent comme ça."

Vohl hésite entre sourire en le remerciant, et l'agonir d'injures en se maudissant. Il se replace aux trois pas avant de reprendre ses tentatives. Le moindre noeud ralentit terriblement la fluidité du mouvement. Il s'acharne pendant un long moment avant de s'arrêter. Aucun résultat probant jusqu'ici : la bourse tremble, il parvient parfois à faire trembler légèrement sa cible. Mais elle ne tombe jamais dans sa main. La lueur du soleil finit par décroître lors d'une énième tentative. Il renonce : l'entrainement continuera demain. Pour l'instant, il doit se reposer pour pouvoir patrouiller cette nuit, comme prévu. A son réveil, il est temps de partir.

Une occupation qui l'arrange assez, puisqu'elle lui permet de vérifier les fenêtres des quartiers riches. Aucun signe de ce côté. Il aurait été étonnant qu'Hatsu arrive à clôturer l'ensemble des tâches qui lui étaient allouées en si peu de temps. Vohl poursuit son cheminement sur les toits. Aucun événement ne vient troubler sa patrouille : à l'aube, il est de retour dans le conduit.

La seconde journée se déroule de la même façon que le précédent, si ce n'est que l'entrainement finit par porter ses fruits d'une façon... inattendue. Trop peu habile de sa main secondaire pour défaire un noeud, l'ancien soldat maîtrise en revanche de façon presque ambidextre une lame à la main. Il décide donc de passer à l'assaut avec deux lames, l'une se lançant sans vigueur en tant que leurre, l'autre tranchant d'un coup sec les cordons de la bourse. Il emprunte à l'un des jeunes une fine dague en bois, que Sombre utilise pour former les plus jeunes. L'air de rien, le maître assassin est attentionné envers ses protégés. Il répète l'opération plusieurs fois avant d'être convaincu : ses doigts ne sont pas aussi agiles que celui du jeune garçon aux pupilles rouges. En revanche, sa maîtrise des lames est à la hauteur. En fin de matinée, il utilise sa dague réelle une unique fois. La faerunne tranche le cordon de la bourse alors que la feinte vers le visage n'est pas encore arrivée à destination. L'enveloppe de cuir retombe dans sa main alors que le déséquilibre lui permet d’enchaîner plusieurs pas rapides pour s'éloigner du mannequin. Il sourit, faisant sauter la bourse dans sa main.

"Sombre nous proposerait un exercice : chacun trois bourses...celui qui n'a plus de bourse perd."

Vohl acquiesce. Ce serait parfaitement le genre du mentor. Une attaque en condition réelles, avec de vraies armes en main. Comme d'habitude : aucun coup n'est interdit, mais le combat s'arrête dès qu'une blessure grave apparaît. Vohl se met en garde. Cette fois, Natsu le fixe avec attention, comme les autres spectateurs de ce défi fortuit. Les deux combattants s'élancent l'un vers l'autre. L'ancien soldat initie le mouvement qu'il a travaillé pendant plus d'une journée. Son adversaire recule. Tout simplement. Un petit pas en arrière, armé d'un sourire satisfait et goguenard. Vohl est déséquilibré, la garde ouverte pour une feinte qui n'avait aucune chance d'aboutir. Son adversaire plonge dans sa garde et se saisit d'un se ses sacs. L'ynorien se rétablit en vitesse, parant au plus pressé en couvrant les bourses restantes d'une griffe attentive. Le rouquin ne lui laisse pas le temps de se reprendre, mais le jeune homme a bien intégré la leçon. La mobilité avant de lancer la technique est d'autant plus importante lorsque l'adversaire connaît la manœuvre. Vohl fait son choix. L'échange suivant débute avec un genou à terre de son côté. En se relevant, il fait mine de trébucher, en profitant pour sauter sur son adversaire. Ce dernier reste à l'affut, couvrant sa ceinture d'une main. Rien ne protège son ventre du coup qu'il reçoit en plein buste, le faisant de reculer de plusieurs pas alors que Vohl se rue une nouvelle fois sur lui, visant cette fois-ci la bourse. Le jeune garçon pivote sur son pied gauche, privant son adversaire du visuel sur sa ceinture.

Vohl se retourne après être passé sans rien accrocher. L'enfant se rue vers lui. Il recule, heurtant le mur derrière lui. Il prend appui sur ce dernier pour se propulser, presque à l'horizontale. Sa dague vient cette fois trouver l'un des cordons de bourse du jeune roux. Sa main récupère son butin avant de le laisser choir à terre. Le jeune garçon jette un regard incrédule sur sa ceinture avant de darder son regard de feu sur son adversaire. Il lui bondit littéralement dessus. Vohl recule...et recule encore. Le rouquin le poursuit, sourcils froncés. Vohl saute en avant. Ses griffes dégagent les bourses de la ceinture de son adversaire. Il brandit son la balle de cuir. Son adversaire, tout sourire, lui tend les deux dernières bourses qui pendaient à sa ceinture. L'écart qui les sépare est clairement lié à l'expérience et la mise en pratique de cette technique : Vohl admet sa défaite, tout à fait conscient de l'enseignement qu'il vient de recevoir malgré le peu d'humilité du jeune garçon.

"Je peux te donner un gage, alors."
"Pardon ?"
"C'est la règle. Tu pourras te plaindre à Sombre, si c'est trop dur pour toi ?"
"..."
"Parfait ! Ce soir, c'est mon tour de patrouiller. Eh bien... ce sera le tien !"
"Entendu."

La moue déçue du jeune homme en dit long sur l'envie qu'il avait de voir l'adulte attristé de sa décision. En réalité, le gage arrange bien Vohl. Cela lui permettra d'effectuer sa ronde. L'après-midi se passe sans heurt, chacun retournant à des activités plus tranquilles, Vohl s'écartant du groupe pour aller inspecter les débris apportés par les flux des égouts et que la mer a ramené lors de la marée haute. Il finit par retourner dans le dortoir pour se reposer un peu avant la nuit. A son réveil, Sombre est revenu et s'entretien avec les jeunes gens. Le voyant arriver dans la "salle" d'entrainement, le mentor s'approche de lui. Il lui donne une première fiole, lui indiquant qu'il s'agit de ce qu'il a demandé. La seconde fiole lui est remise avec le deuxième contenu. L'ancien disciple semble percevoir un accent d'inquiétude dans les yeux de son mentor, mais sans doute est-ce le fruit de son imagination car il se détourne aussitôt après lui avoir confirmé que le reste de ses demandes seraient prêtes d'ici une semaine le temps de récupérer ces objets. La nuit finit par tomber, il se prépare à la sortie.

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Vohl Del'Yant
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Message par Vohl Del'Yant » mer. 22 mai 2019 08:59

Sa patrouille n'avait rien perçu d'anormal. Rien jusqu'au quartier de la milice, en tout cas. Depuis la prison, il avait vu plusieurs silhouettes s'enfuir dans les ombres. Une évasion. Il avait brièvement donné la chasse à l'un d'entre eux, ne pouvant ni perdre du temps à poursuivre les autres, ni s'écarter trop de la patrouille prévue au risque de tomber sur des miliciens à la recherche de leurs prisonniers.

Il avait proprement assommé celui qu'il avait rattraper, ne voulant pas se positionner en bourreau. Vu les chaînes que portaient les prisonniers, l'ancien militaire doute que cette fuite soit couronnée de succès, l'attirail se prêtant peu à la discrétion. Les miliciens n'auront aucun mal à identifier les évadés. Un point lui posait tout de même problème : pour l'avoir déjà visitée, à plusieurs reprises, les cellules y sont sécurisées et les failles normalement quasi-inexistante, les miliciens chargés de la surveillance conscients de l'importance de leur tâche.

Pour une telle évasion de masse, il n'y avait pas de doute. Des capacités particulières avaient été utilisées. Il repensé un instant à la maison Goont, mais ses membres n'ont pas posé de problèmes particuliers depuis le départ de leur patriarche. Faute d'avoir une piste convaincante, il réintègre le chemin de son tour de garde, s'insinuent dans les égouts par une grille à proximité du poste de la milice.

Son regard se pose sur une masse inhabituelle. Un monticule de chair...qui respire. Vohl se fige, déterminant rapidement que la chose est endormi. La faible luminosité lui laisse voir les éclats des pièces d'équipement, et la teinte verte de la créature. Un garzok? Par tous les dieux! Un garzok à Oranan? Aucun doute sur le responsable de la fuite qui a troublé le siège de la milice... L'amas de muscle n'a sûrement pas prévu d'attendre sagement la mort. Pourtant, l'endroit choisi par la peau verte pour faire sa sieste n'est sans doute pas le fruit d'une profonde réflexion : il est évident que la milice parcourra les entrées des égouts pour retrouver d'éventuels fuyards.

Vohl reste là, armes en mains, hésitant à pourfendre la créature pendant son sommeil ou à lui faire jouer un rôle dans le plan qu'il a mis en place. Le temps qu'il se décide, la masse musculeuse se redresse, un instant perdu dans cet environnement qui ne lui est pas familier.

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Re: Les Egouts

Message par TheGentleMad » dim. 26 mai 2019 19:46

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Un grand bruit métallique réveilla Kurgoth qui émergea de son sommeil profond. En ouvrant les yeux, il distingua une silhouette se tenant debout devant lui. Le garzok se lève aussitôt en plaçant son arme entre lui et l'inconnu. Dans l'ombre des égouts, il reconnut les traits typiques d'un ynorien, bien que celui-ci sembla plus massif que ses congénères. Conscient de sa vulnérabilité, seul dans une capitale ennemie, le barbare sut qu'il devait à tout prix éviter que cet humain, qui venait de le repérer, ne donnât l'alarme. Il le pointa alors de son arme en le menaçant.

"Qu'est-ce que tu veux l'humain ? N'essaye pas d'appeler la milice ou je te découpe!"

L'humain lève alors les mains et, sans fixant son regard dans celui du garzok, déclare qu'il aurait déjà appelé la milice s'il l'avait voulu. Il constate ensuite le guêpier dans lequel se trouve Kurgoth et lui propose de l'aider. Interpellé, mon maître baisse légèrement son arme et l'incite, d'un ton inquisiteur, à continuer. L'humain aux cheveux tressés prétend bien connaître les égouts de la ville et lui propose de le guide au travers de ceux-ci en échange d'un "petit coup de main". Kurgoth le coupe dans sa tirade en répliquant sèchement :

"C'est pas tant d'un guide que d'un moyen sûr de quitter la ville dont j'ai besoin..."

Le chevalier juge son interlocuteur un instant, puis ajoute :

"Pour qu'un ynorien demande de l'aide a un garzok, tu dois être sacrément désespéré, par Thimoros. Je t'aiderai, uniquement si tu me fais sortir d'ici en échange... Et je te déconseille de jouer au plus malin."

Afin d'appuyer sa menace, ramassa au sol une pierre avant de la tendre devant lui. Tout en fixa l'ynorien, il serra inexorablement son poing, jusqu'à briser le morceau de roche. Sa démonstration de force n'eut cependant pas l'effet escompté, l'ynorien se contenter de froncer les sourcils avant de répliquer que briser des cailloux ne l'aiderait pas, mais lui si. Il continue en précisant qu'il lui était impossible de fournir au garzok un moyen sûr de s'échapper, mais qu'il aurait droit au moins risqué à sa disposition s'il l'aidait. Lorsque l'humain lui demanda s'ils avaient un accord, ce fut au garzok de froncer les sourcils, cela lui paraissait trop simple.

"Dis-m'en plus, que devrais-je faire pour que tu m'aides ? Que cherches-tu donc tant à accomplir ? Si c'est pour me lancer dans une mission suicide, j'ai plus de chance de survivre en me débrouillant sans toi."

Puisque Kurgoth voulait plus d'informations, il lui fallait gagner la confiance de son interlocuteur. Pour cela, il détourna complètement son arme et prit une position plus décontracté avant de continuer.

"Que risques-tu en me donner ces informations ? Rien... Tant que tu ne livres pas aux soldats. Si tu veux que je te fasse confiance, au moins temporairement, prouve que tu es prêt à faire de même et révèles-moi tes plans."

Le jeune homme lui répondit avec un sang-froid glacial qu'il veut décrédibiliser un homme lui devant du sang. Il indiqua le que garzok n'aurait qu'à se présenter comme serviteur de ladite personne devant un parterre de nobles, a priori non-dangereux pour lui. Toujours aussi froid, il précisa ne pas vouloir plus se confier, arguant que si ses ordres étaient suivis, tout se passerait sans accroc. Il y avait anguille sous roche, le barbare le sentait, mais il n'avait guère le choix et accepta, sans toutefois omettre une dernière menace censée réduire les risques de trahison.

"Tu me caches des choses, humain. Mais marché conclu. Mais si tu devais me trahir et m'abandonner aux gardes une fois sur place, tes amis les nobles seront les premiers à tomber sous mes coups."

L'ynorien admit que chacun d'eux avait intérêt à réduire les risque de trahison, indiquant qu'il fournirait au prêtre de Thimoros toutes les informations utiles pour diminuer les risques et promettant de l'accompagner jusqu'au bout pour prouver sa bonne foi. Avant de s'asseoir pour détailler ses plans, il menaça à son tour Kurgoth de lui rendre sa sortie de la ville impossible si l'accord ne devait pas être respecté.
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Re: Les Egouts

Message par TheGentleMad » lun. 17 juin 2019 16:55

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Lorsque Vohl s'assit et invita Kurgoth à faire de même pour lui expliquer ses plans, le garzok s'accroupit, peu enclin à s'étaler d'avantage dans la crasse des égouts qu'il ne l'avait déjà fait en s'y endormant. Le jeune homme prévoyait de s'introduire avec son complice à la peau verte dans une demeure pour y neutraliser une personne et ressortir, le tout sans faire couler le sang, ni être repéré par la garde au service du propriétaire des lieux. Il insista particulièrement sur le fait qu'il ne devait y avoir aucune victime et en particulier sa cible, sans quoi leur accord se trouverait rompu. Afin de pimenter cette opération qui était déjà on ne peut plus inadaptée au garzok, la cible se trouvait à l'étage et non au rez-de-chaussée.

Kurgoth doutait sérieusement des capacités de son interlocuteur. L'avait-il vraiment regardé ? Comment ce jeune imbécile espérait que le barbare puisse posséder la moindre once de discrétion ? Et surtout, comment, par toute la cruauté de Thimoros, Kurgoth serait en mesure de choisir la sortie d'égout la plus adaptée à leur mission alors que seul l'humain les connaissait ? L'idée de lui écraser la cervelle sur-le-champs et de se débrouiller pour sortir de la ville s'attarda dans son esprit alors que l'humain attendait une réponse de sa part. La perspective que ses cris d'agonie n'alertassent tous les gardes des environs le dissuadèrent toutefois d'exécuter ainsi le rôdeur des égouts. Devant un plan aussi mal fichu, il n'avait qu'une envie : hurler sur Vohl Del'Yant, le secouer et lui hurler dessus jusqu'à le ramener à la raison. Mais cela le ferait également immédiatement repérer, ce qu'il voulait à tout prix éviter. Le chevalier prit alors une grande inspiration, pour se calmer, alors qu'il se relevait pour dominer de toute son impressionnante stature l'ynorien assis dans les détritus. Aussi calmement que possible, il répondit :

"Bougre d'imbécile, regarde-moi ! Comment, par Thimoros, peux-tu seulement me penser capable de d'entrer par effraction quelque part autrement qu'en défonçant un mur ou une porte ? Tu me prends pour un shaakt ou un sekteg ? Ce serait plutôt à moi de te servir de diversion pour que tu rentres sans encombre, sinon à quoi pourrais-je te servir ? Te faire la courte-échelle pour atteindre l'étage ?"

Le garzok se tut un instant pour reprendre son souffle avant de continuer, cette fois-ci avec un ton réellement posé.

"Je ne vois pas le lien entre ça et les nobles dont tu as parlé. Si c'est tout ce que t'as à me proposer, alors on est pas fait pour collaborer. Quant à choisir la bouche d'égout par laquelle agir, c'est ton rôle de me guider à travers ces réseaux. Si tu veux mon aide, alors confie-moi une mission que je puisse accomplir ou disparais."

Tout en prononçant ces dernières paroles, le garzok ouvrait déjà son sac à dos et enfilait le reste de son équipement, montrant qu'il était déterminé à reprendre son périple dans la capitale ennemie si l'ynorien n'était pas capable de lui proposer quoi que ce soit de raisonnable. Tandis qu'il enfilât ses différentes pièces d'armures, Kurgoth entendit l'humain répondre d'un ton froid. Ses paroles furent sans doute les pires qu'il aurait pu choisir. L'ynorien déclama alors une tirade où il ne fit que rabaisser le garzok. Refusant de prendre en compte le manifeste handicap que son gabarit représentait pour une mission basée essentiellement sur la discrétion, il le traite d'incapable passant son temps à renoncer aux ordres qu'il recevait, l'opposant aux troupes omyrhiennes dont la principale qualité était leur acharnement envers et contre tout. Ces paroles firent s'immobiliser le garzok, la rage contractant tous ces muscles. Après l'humiliation de Khynt, ce cafard, ce rat d'égout en rajoutait une couche. Le barbare se contint tant qu'il le put, mais l'humain continua à déblatérer des paroles qui n'intéressaient que lui, déclarant que Kurgoth n'avait qu'à affronter les gardes s'il ne savait faire que cela, mais qu'il ne tiendrait pas sa part du marché le cas échéant, ou s'il y avait le moindre mort. Le simple fait d'entendre sa voix attisait la colère du prêtre de Thimoros qui, perdant patience, tonna:

"Assez!"

Son cri résonna dans les conduits souterrains, et alerta sans doute les humains proches des grilles alentours. Après un instant de silence, durant lequel il réalisa tous les problèmes qu'allaient lui attirer cet emportement, il s'approcha du voleur en le dardant de son regard couleur sang.

"A Omyre, personne n'est idiot au point de confier à un colosse, surtout flanqué de plaques de métal cliquetant à chaque pas, une mission impliquant de ne pas se faire détecter... Ce serait comme espérer voir survivre un maigrichon désarmé en première ligne. Si vos chefs militaires donnent des ordres aussi censés que les tiens, alors la cheffe de guerre suprême régnera bientôt sur cette ville."

Sur ces mots, il tourna les talons et s'aventura au hasard dans le dédale souterrain.
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Re: Les Egouts

Message par Vohl Del'Yant » lun. 19 août 2019 23:50

Pendant son circuit, il n'avait rien perçu d'anormal. Les toits restent toujours silencieux, n’émettant pas le moindre bruit autre que les cailloux qu’il transporte sous ses bottes, crissant parfois sur les tuiles d’ardoises. La nuit est calme, silencieuse : rien ne semble pouvoir troubler le silence qui règne sur la ville. Vohl en vient presque à regretter le fait de s’être éclipsé tel un voleur des appartements de son amante : il n’a vu aucune activité en quittant la maison. Rien qui puisse lui laisser comprendre cette fois que le frère de Hatsu puisse avoir eu une crise d’insomnie.

Son identité reste secrète. Pour l’instant. Il ne doit pas risquer de se démasquer. Mais comme à chaque fois qu’il sort d’une de ses visites à Hatsu, et ce soir plus encore, il se prend à espérer qu’un jour son identité ne lui causera pas de problèmes lorsqu’il passera devant les gardes. Gardes dont il perçoit soudain les bruits. Son itinéraire passant non loin de la caserne, ce n’est pas surprenant. Mais une telle activité est quelque peu surprenante à cette heure de la nuit… Suffisamment pour lui faire faire un détour.

La lumière des torches s’éloignent à mesure que les cris d’alerte se perdent dans les ruelles. Les soldats s’éloignent : Vohl les voit poursuivre des silhouettes qui courent dans l’obscurité. Certaines ombres passent devant lui : pour être sorti de la milice, il connaît la faune qui y séjourne… Il n’y a pas de doute sur le fait que tout évadé a au moins une chose à se reprocher. Une chose le trouble : pour s’évader de la prison, il a fallu une aide extérieure. Il le sait d’expérience. Qui a pu permettre une évasion aussi massive, au nez et à la barbe des gardes. Par curiosité plus que par réelle nécessité, il donne une chasse discrète à une des silhouettes qu’il voit passer devant lui.

La poursuite se fait par les toits pour Vohl : il bondit d’un toit à l’autre, son départ d’un toit se signe par une forte détente et à peine le bruit d’un souffle. Son arrivée sur le toit de réception se fait de façon systématique par un bruit mat et une roulade pour se stabiliser avant de reprendre sa course. L’homme, large d’épaule, s’éloigne finalement de l’itinéraire prévu par Vohl avant de s’arrêter pour reprendre son souffle. Lorsque sa cible s’arrête, il en profite pour se glisser au-dessus de lui, en s’approchant du bord du toit à plat ventre, il vérifie que la cible est sous lui avant de se laisser tomber.

L’homme regarde le ciel au mauvais moment. La silhouette de l’assassin se découpe dans le ciel nocturne : suffisamment pour alerter l’évadé. Ce dernier bondit s’écarte rapidement de la trajectoire du prédateur qui fond sur lui. Pas assez vite pour esquiver complètement les coups de son adversaire. Les lames déchirent le tissu de mauvaise qualité et entament les chairs superficiellement. L’homme se met à nouveau à courir, et Vohl abandonne son projet de le capturer afin de savoir ce qui a pu causer cette évasion. Sur le succès de cette dernière, il ne se fait guère d’illusions. Au vu les chaînes que portaient les silhouettes passées devant lui, l'ancien militaire doute que cette fuite soit couronnée de succès, l'attirail se prêtant peu à la discrétion. Les miliciens n'auront aucun mal à identifier les évadés. Un point lui pose tout de même problème : pour l'avoir déjà visitée, à plusieurs reprises, les cellules y sont sécurisées et les failles normalement quasi-inexistante, les miliciens chargés de la surveillance conscients de l'importance de leur tâche.

Pour une telle évasion de masse, il n'y a pas de doute. Des capacités particulières ont été utilisées. Il repensé un instant à la maison Goont, mais ses membres n'ont pas posé de problèmes particuliers depuis le départ de leur patriarche. Il est convaincu que cette évasion cache quelque chose de particulier. Mais faute d'avoir une piste convaincante, il réintègre le chemin de son tour de garde, s'insinuant dans les égouts par une grille à proximité du poste de la milice.

Son regard se pose sur une masse inhabituelle. Un monticule de chair...qui respire. Vohl se fige, déterminant rapidement que la chose est endormie. La faible luminosité lui laisse voir les éclats des pièces d'équipement, et la teinte verte de la créature. Un garzok? Par tous les dieux! Un garzok à Oranan? Aucun doute sur le responsable de la fuite qui a troublé le siège de la milice... L'amas de muscle n'a sûrement pas prévu d'attendre sagement la mort. Pourtant, l'endroit choisi par la peau verte pour faire sa sieste n'est sans doute pas le fruit d'une profonde réflexion : il est évident que la milice parcourra les entrées des égouts pour retrouver d'éventuels fuyards.

Vohl reste là, armes en mains, hésitant à pourfendre la créature pendant son sommeil ou à lui faire jouer un rôle dans le plan qu'il a mis en place. Le temps qu'il se décide, la masse musculeuse se redresse, un instant perdu dans cet environnement qui ne lui est pas familier. Ses yeux papillonnent pour tenter de s’habituer à l’absence de lumière qui définit les égouts. L’assassin reste debout, observant la créature se remettre les esprits en place. A genoux, la créature l’aperçoit soudain. Elle se relève alors précipitamment et dirige son arme, une large hache à deux mains, vers sa poitrine.

L’assassin réfléchit à toute vitesse. Un garzok, ici ? C’est une catastrophe et, en même temps, inespéré : ses pensées encore centrées sur le futur mariage biaisent son analyse en le forçant à considérer diverses possibilités qu’il n’aurait autrement jamais envisagé. La présence d’une peau-verte faisant irruption dans la salle du mariage ne peut qu’être du meilleur effet pour ruiner la cérémonie. Et cela assurerait de toute évidence leur coup d’éclat et donnerait une légitimité à leur intervention. En plus de focaliser l’attention, cela éclipserait définitivement l’attention qui pourrait percer leurs déguisements.

La brute prend la parole sur un ton mi-défensif, mi-menaçant.

"Qu'est-ce que tu veux l'humain? Essaye pas d'appeler la milice ou je te découpe!"
« Si j'avais voulu appeller la milice, tu serais déjà encerclé si ce n'est fourré d'acier... Alors on se calme."

Après quelques secondes d'observation, le jeune homme reprend.

"Tu t'es quand même fourré dans un sacré guêpier.... Mais je pourrais t'aider : tu vas avoir besoin d'un guide, dans les égouts. Je les connais bien. Mais j'aurai besoin d'un petit coup de main avant de te servir de guide. Vu ton gabarit, tu n'auras aucun mal..."

Interpellé, le peau verte baisse légèrement son arme et l'incite, d'un ton inquisiteur, à continuer. Kurgoth le coupe dans sa tirade en répliquant sèchement :

"C'est pas tant d'un guide que d'un moyen sûr de quitter la ville dont j'ai besoin..."
"Pour qu'un ynorien demande de l'aide a un garzok, tu dois être sacrément désespéré, par Thimoros. Je t'aiderai, uniquement si tu me fais sortir d'ici en échange... Et je te déconseille de jouer au plus malin."

Afin d'appuyer sa menace, ramassa au sol une pierre avant de la tendre devant lui. Tout en fixa l'ynorien, il serra inexorablement son poing, jusqu'à briser le morceau de roche. Vohl retient un haut le cœur, non en réaction à la menace, mais bien à la constatation de ce à quoi il s'abaisse. L'image de Hatsu, nouant un serpent autour de son poignet et de celui de Talabre en un symbole infini, vient percuter son esprit, renversant les barrières que lui imposent son honneur. Les flammes qui lui rongent les entrailles consument la scène lorsqu'il se résout à poursuivre son initiative.

"Je peux te fournir le moyen le moins risqué. Sûr, c'est un peu trop demander. Et broyer des cailloux ne t'aidera pas. Moi, si. Si tu m'aides réellement, bien sûr. Quand à mon désespoir...peu t'importe, en réalité. Je ne veux pas vraiment savoir combien de sang coule sur tes mains, et tu n'as aucune envie d'entendre ma vie. Avons-nous un accord ?"

Aussi stupéfiant que cela puisse être, y compris pour lui, le jeune homme se rend compte qu’il est capable de tolérer la présence d’un garzok dans Oranan sans immédiatement le livrer aux gardes. Sous réserve qu’il lui soit utile. Le fait que son interlocuteur ait la peau verte ne fait que lui donner un argument pour le plier à sa volonté – ou du moins tenter de le faire. En réalité, il considère celui-ci davantage comme un outil, un atout, que comme une menace en tant que tel. Après tout, n’est-il pas déjà condamné ?

"Dis-m'en plus, que devrais-je faire pour que tu m'aides ? Que cherches-tu donc tant à accomplir ? Si c'est pour me lancer dans une mission suicide, j'ai plus de chance de survivre en me débrouillant sans toi."

Vohl regarde son interlocuteur, se demandant sérieusement s'il doit prendre la peine d'aller plus avant dans les justifications. La créature verte n'est pas dénuée de cerveau à priori, mais elle reste avant tout un ennemi ancestral de son peuple. Lui confier des informations qui lui permettrait de trahir l'ynorien ou qui lui permettrait de comprendre les enjeux du service qu'il lui demande ne semble pas une bonne idée. En tout cas, pas en détails.

"Je veux décrédibiliser un homme. Tu devras apparaître aux yeux de plusieurs personnes comme quelqu'un dont il a loué les services. Ce ne seront que des nobles, ils ne représenteront aucune menace pour toi."

Vohl vient de dire cela avec un sang froid glacial, et enchaine.

"Les raisons pour laquelle je veux faire chuter cet arrogant est le sang qu'il me doit. Voilà ma motivation. Je n'exige pas de toi des informations. N'exige pas de moi de me livrer. Si tu suis les informations que je te donne, il n'y a aucun moyen que cela tourne mal."

Comme convaincu par ses arguments, le Garzok détourne alors complètement son arme et s’adosse à la paroi du boyeau avant de continuer d’un ton détendu.

"Que risques-tu à me donner ces informations ? Rien... Tant que tu ne livres pas aux soldats. Si tu veux que je te fasse confiance, au moins temporairement, prouve que tu es prêt à faire de même et révèles-moi tes plans."
"Bien sûr. C'est la base de notre accord : diminuer les risques que l'on se trahisse."

Vohl reste de marbre devant la menace du garzok.

"Je t'indiquerai tout ce que tu dois savoir pour avoir les meilleures chances. Pour prouver ma bonne foi, je t'accompagnerai presque jusqu'au bout. Mais si tu ne respectes pas notre accord, sortir d'oranan deviendra plus qu'une épreuve."

En tailleur, l'ynorien ne lâche pas des yeux le Garzok pendant qu'il dévoile ce qui devra être fait. D'un geste, il l'invite à se placer en face de lui.

"Installe-toi : nous ne bougerons pas d'ici pour l'instant."

Le Garzok s'installe, préférant toutefois rester accroupi plutôt que de s'assoir. Vohl regarde sans comprendre l'espace d'un instant. Se rendant compte que le peau verte se trouve en effet les pieds dans une flaque d'immondices, il ne dit rien, surpris qu'un peau verte se soucie tant de l'hygiène. Ceux qu'il a croisé jusqu'à maintenant d'auraient sans doute pas fait de manières. Mais c'est tant mieux. Un Garzok classique ne serait d'aucune utilité pour lui, en ce moment.

"Bien. Voici les détails de ce que je vais te demander de faire : nous devrons d'abord nous introduire discrètement dans la maison. Il s'agit d'une maison ayant un rez-de-chaussée, et un étage. La partie qui nous intéresse est à l'étage. Nous entrerons en forçant l'une des fenêtres : le tout sera de ne pas se faire repérer. Des miliciens privés pour l'occasion seront sans doute postés autour de la demeure... A ce moment, il ne faudra faire aucune victime : un manque serait aussitôt constaté et nous aurions le droit à la milice dans les instants suivants. Ni toi ni moi n'avons intérêt à ce que la milice soit alertée."

Il soutient le regard du Garzok, le défiant d'exposer une nouvelle fois sa théorie farfelue sur le soutien de Vohl aux autorités. Comment un vagabond rencontré dans les égouts pourrait-il être un ami de la milice ? Le pense-t-il Grand Egoutier de la République ? Enfin... Vohl préfère finir de présenter les instructions à suivre.

" Peu après, Talabre Yamada, notre cible, arrivera dans son bureau. Nous devrons le neutraliser, sans le tuer... C'est un point crucial."

Il plante de nouveau ses yeux dans les pupilles de l'être bestial qui se trouve en face de lui. Est-ce bien la peine de lui demander de suivre des directives plus compliquées que entrer et tuer tout ce qui bouge ? L’intellect garzoke est aussi réputée que leurs grands penseurs… C’est dire. Mais il décide de poursuivre. Quitte à perdre du temps à lui expliquer quelque chose, autant que cela soit fermement ancré dans le crâne bien épais pour retenir le vent d’y souffler en permanence. Il reprend la parole.

"Tues le, et notre accord est rompu sur le champ. Une blessure fatale compte comme une mort."

Sérieux comme une tombe, il poursuit après un regard au dessus d’eux : la grille est encore visible, mais la nuit qui s’efface à peine ne laisse filtrer que peu de lumière. Vohl songe un instant à lui proposer de s’enfoncer davantage dans les avenues souterraines afin de fuir d’éventuelles patrouilles aux yeux inquisiteurs. Mais il rejette l’idée. Les égouts ont d’autres pensionnaires et ceux là, il ne veut en aucun cas les exposer aux idées tordues, dépravées et peu fiables de sa rencontre fortuite. Il baisse à nouveau les yeux sur la bête qui sommeillait, et qui est désormais bien réveillée. Il poursuit.

"Par la suite, tu n'auras plus qu'une chose à faire. Sortir. Plus ta sortie sera discrète, mieux ce sera. Je me chargerai d'occuper les gardes qui pourraient vouloir te donner la chasse, avant de te rejoindre."

Il sent le Garzok sur le point de dire quelque chose. Sa participation à son plan constituerait un plus évident concernant la crédibilité de la situation : si en plus d’agents oaxiens, c’est un garzok qui est vu partant du domicile de la maison Yamada, cela suffirait presque à l’envoyer immédiatement en cour martiale. A ses yeux, la valeur du peau verte est suffisante pour valoir des preuves de sa bonne foi. Un geste envers lui, en plus de lui promettre son aide pour sortir par les égouts de la ville qui voudra sa mort quoi qu’il advienne.

"Avant que tu ne me menace une nouvelle fois, et toujours aussi inutilement : tu choisiras toi même la plaque d'égout derrière laquelle je te retrouverai, celle-ci ou une que nous verrons sur le chemin."

Le garzok répondit à sa proposition en se dressant de toute sa taille, heurtant de ce fait son crâne contre la paroi du boyau avant de prendre une inspiration pour se calmer et lui parler d'un ton incisif :

"Bougre d'imbécile, regarde-moi ! Comment, par Thimoros, peux-tu seulement me penser capable de d'entrer par effraction quelque part autrement qu'en défonçant un mur ou une porte ? Tu me prends pour un shaakt ou un sekteg ? Ce serait plutôt à moi de te servir de diversion pour que tu rentres sans encombre, sinon à quoi pourrais-je te servir ? Te faire la courte-échelle pour atteindre l'étage ?"

Le garzok se tut un instant pour reprendre son souffle avant de continuer, cette fois-ci avec un ton un peu moins agressif.

"Je ne vois pas le lien entre ça et les nobles dont tu as parlé. Si c'est tout ce que t'as à me proposer, alors on est pas faits pour collaborer. Quant à choisir la bouche d'égout par laquelle agir, c'est ton rôle de me guider à travers ces réseaux. Si tu veux mon aide, alors confie-moi une mission que je puisse accomplir ou disparaît."

Tout en prononçant ces dernières paroles, le garzok se rééquipe. Vu son envergure et la taille de l'égout, cela lui prend de fait un certain temps. Vohl profite du silence pour lui faire part de son point de vue d'un ton froid, observant le garzok sans bouger.

"La question n'est pas ce que tu es capable de faire. Tu n'es pas foutu d'entrer par une fenêtre ? Moi qui pensais qu'un des rares points fort d'Omyre était l'acharnement de son armée... Tu as toujours renoncé aux ordres qui te semblaient compliqués ? Tu n'as pas du être apprécié de tes supérieurs. Dire que je t'avais espéré intelligent et désirant la liberté, je vois un garzok incapable de plier le destin même lorsqu'on lui en offre la chance. Un shaakt ? Un sekteg ? Allons, ne me fait pas rire. Eux sont opiniâtres, ils ne se laissent pas flotter au gré d'un destin. Tu m'as l'air d'en être loin."

Il se redresse finalement. Le garzok a évidemment des centimètres de plus... qui ne font que le forcer à courber la nuque.

"Tu veux d'abord des preuves que je ne demanderai pas à la garde de venir te cueillir, mais tu réclames qu’on te laisse les attirer comme le miel attire les abeilles. Tu veux exploser un mur pour me faire laisser entrer dans la maison ? La noix qui sert de cerveau à ceux de ton espèce semble desséchée. Je n’ai pas besoin de toi pour entrer en silence dans une demeure. Tu oublies un peu vite qui t’a surpris ici, dormant comme un enfant. Mais soit. Tu veux du sang ? Fais donc comme il te chante. Je doute que tu sois capable de suivre un ordre aussi simple que de ne pas tuer... Je retire de mon offre le fait d'occuper de potentiels gardes. Si tu fais tout ce que tu peux pour les attirer, tu mourras seul. C’est ton délire qui te mènera au suicide, et non moi… je n’ai pas besoin d’un enfant irresponsable dans cette mission, sache-t-il broyer des cailloux et fasse-t-il deux mètres. Ne crois pas que je n'aurai que toi à surveiller pendant nos actions."

Vohl attend la réponse du garok, riant comme une tombe. S'il souhaite partir, il ne l'en empêchera pas. Il n'y a qu'une chose pire qu'un assoiffé de sang incontrôlable. Un assoiffé de sang incontrôlable et stupide. Le regard du garzok est empreint de haine et de rage. La lueur d’intelligence qui y luit est la même que celle des animaux sauvages. Et encore. C’est un regard imprégné de la seule conscience de soi : aucun souci de ce qui l’entoure. La bestialité du regard n’effraie pas le militaire. La masse du monstre ne lui sera d’aucune utilité dans un espace restreint, bien au contraire. Mais ce dernier hausse subitement la voix, comme n’y tenant plus, incapable de se contenir.

"Assez!"

Le cri résonne dans les conduits souterrains. Après un instant de silence, la masse de muscle s'approche du jeune homme en le fixant du regard, droit dans les yeux.

"A Omyre, personne n'est idiot au point de confier à un colosse, surtout flanqué de plaques de métal cliquetant à chaque pas, une mission impliquant de ne pas se faire détecter... Ce serait comme espérer voir survivre un maigrichon désarmé en première ligne. Si vos chefs militaires donnent des ordres aussi censés que les tiens, alors la cheffe de guerre suprême régnera bientôt sur cette ville."

Sur cet avertissement funeste au nez duquel Vohl manque de s’esclaffer, la bête tourne les talons pour se perdre dans un quelconque boyau du dédale souterrain. L’ynorien le suit du regard tandis qu’il disparait dans les ténèbres. Il résiste à l’instinct de le poursuivre et d’empaler la large cible que forme son dos. Mais le cri de l’animal aura attiré les militaires, ou du moins l’attention des passants lève-tôt, ce qui revient peu ou prou au même. Il doit disparaitre. Alors il fait ce qu’il fait encore de mieux, se dissolvant dans les ombres pour rejoindre un autre tunnel qui l’amènera près de la boutique de magie… C’est là-bas qu’il pourra entrer en possession de quelques outils supplémentaires.

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Akihito
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Re: Les Egouts

Message par Akihito » mar. 20 août 2019 17:14

Dans le chapitre précédent...

Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre

Chapitre XVIII.1 : Fugitifs

C'est malgré lui que Akihiko finit par s'adapter à la douloureuse odeur des égouts. Avançant dans ce dédale de tunnels de pierre, la petite troupe se dirigeait, il l'espérait, vers le nord. Il n'avait pas revu Anthelia depuis plusieurs semaines mais il espérait que cette dernière ne l'avait pas oublié. Se cacher chez la jeune femme au coeur de la ville alors qu'il était sensé être emmené vers Omyre était une bonne cachette et option pour Ryo. Du moins, c'est ce que Akihiko pensait. Par moment, un torrent de déchets tombait à quelques mètres devant eux et trop peu souvent alimentaire. Non, la plupart du temps, c'était plutôt leurs propres déchets que les oranais déversaient. L'ayant déjà fait lui même durant toute son enfance, l'enchanteur grimaça. Il avait souvent entendu des rumeurs sur des personnes passant par les égouts ou même y vivant, mais il n'y avait jamais fait attention et avait continué à déverser tout ce qui devait l'être dans la grille à quelques dizaines de mètres de chez lui. Qui savait combien de personnes Akihiko avait-il arrosé de ses excréments, ne prêtant que rarement attention à ce qui pouvait se trouver sous la grille ?

(Si tu veux mon avis, pas grand monde. Regarde comment ce gamin se débrouille.) dit la Faëra en interrompant son compagnon dans ses pensées.
Akihiko devait bien admettre que le garçon ouvrant la voie se débrouillait remarquablement bien pour les guider dans les sous-sols de la ville. Guettant tout les sons qui pouvaient venir de la surface à chaque grille, il semblait mût par un sixième sens et s'arrêtait à chaque fois que quelqu'un allait vider ses déchets. Ainsi, l'enchanteur avait cessé de compter les courts arrêts qui avait parsemé leur voyage souterrain, s'arrêtant à quelques pas d'un puits de lumière. Le garçon attendait que le flot de déchets fraîchement odorants ai été déversé avant de rapidement reprendre la marche. C'est ainsi qu'au bout d'une dizaine de minutes, la petite troupe arriva près d'un renfoncement dans les tunnels : étonnamment, ce dernier n'était par jonché des immondices et disposait même d'un petit barrage sommaire pour arrêter les marées de la mer charriant et extirpant les ordures. Derrière ce petit barrage, la jeune fille en robe bleue qui était également sur le toit la veille était entrain d'allumer une bougie, éclairant l'endroit.

Ici et là, plusieurs tas d'affaires étaient entreposés, chacun agencé à coté d'une espèce de couchette faite en planche de bois brisées. Au fond, un autre tas composé de birc et de broc était entreposé. Enfin, "laissé en vrac" était plus approprié, mais l'enchanteur ne s'en soucia pas. Levant les yeux, il distingua un conduit semblable aux autres menant aux grilles, mais ce dernier n'émettait aucune lumière. le voyant lever le nez vers cette curiosité, l'un des enfants expliqua que l'accès menant à la surface au dessus de leur "dortoir" avait été bouché, une construction ayant été effectué à son emplacement. Akihiko trouvait absurde de priver un quartier entier d'un accès aux égouts, mais il n'était pas là pour ça. D'ailleurs, que faisait-il ici de toute façon ?!

"Les enfants, qu'est-ce que vous faites ? On ne doit pas traîner !

- Vohl nous as dit de l'attendre ici, commença la petite fille avant de se plaquer la main sur la bouche.

- Qui ça ?

- Kage, Kage nous a demandé de l'attendre ici.

- Alors qui est ce Vohl ? demanda Akihiko en fronçant les sourcils.

- C'est un... Un ami, un garçon des égouts comme nous. j'ai confondu avec Kage ahah, suis-je bête !

- Mmmh... malgré le fait que Akihiko voyait bien que la petite fille mentait sur l'identité de ce Volh, il n'alla pas plus loin. Il n'avait aucun intérêt à en chercher plus sur cette personne pour le moment et s'assit sur le petit barrage branlant de bois. Quoi qu'il en soit, on ne s'arrête pas plus de quelques minutes. On a pas le luxe de laisser la garde de la ville nous tomber dessus.

- Dites Akihiko, ce Kage, c'est bien un homme habillé tout en noir comme vous ? demanda Ryo en s'approchant du fulguromancien en train de masser sa cheville endolorie.

- Exact, pourquoi ?

- Parce que je crois que c'est lui qui approche." dit le soldat en pointant du doigt un tunnel perpendiculaire à celui qu'ils avaient empruntés. De la venait en effet l'Ynorien tout vêtu de noir, respirant à grande peine. Étirant deux doigts, le fulguromancien fit vibrer un peu de sa foudre et créa un arc crépitant, éclairant la petite troupe. Les enfants poussèrent des exclamations mi-émerveillées mi-apeurées, mais profitèrent de la nouvelle clarté pour vaquer rapidement à leurs occupations. Kage, lui, eu un léger mouvement de recul, mais se ressaisit rapidement avant de les rejoindre. La petite fille se précipita vers lui et lui rapporta qu'elle avait bien remplit sa tâche, ce que Kage accueillit avec un soupir de soulagement. Il échangea quelque mots avec elle -Akihiko se souvint alors qu'elle s'appelait Yuzu en entendant Kage l'appeler ainsi- et les autres enfants, son ton devant de plus en plus inquiet, avant de rejoindre l'enchanteur. Celui-ci n'a guère aimé ce qu'il a entendu : une histoire de remède, d'antidote, qu'une certaine Hatsu devait boire. Akihiko était presque sûr que c'était bien le nom de la mariée, la femme à l'arc. Un coup d’œil en biais vers Ryo lui apprit que ce dernier semblait lui aussi agité en entendant la discussion. Il n'en laissa rien transparaître néanmoins que Kage se dirigea vers eux.

"Ryo, sache que cette mise en scène était nécessaire pour éloigner définitivement le risque que Talabre ne réitère ses manœuvres douteuses, et n'oblige ta soeur à se marier.

- Vous connaissez mon nom, mais j'ignore encore le votre. Akihiko m'a expliqué que cet enlèvement était un jeu de dupe. Mais je ne comprends pas : pourquoi m'avoir enlevé ? Et comment espérez vous que je ne vous trahisse pas ? Comptez-vous m'acheter ?"

Akihiko ne se souvenait pas lui avoir clairement expliqué que tout ceci était une mise en scène, mais le soldat avait l'air plus perspicace qu'il ne le laissait entendre. Il se mit en revanche à faire des sous entendus à propos d'une trahison de sa part, ce qui fit hausser un sourcil étonné de la part de Akihiko.

"Je n'ai pas le temps à consacrer à ces enfantillages : seul le bien être de votre sœur m'importe. Et vous ne me ferez pas croire, si la moitié de ce qu'elle m'a dit sur vous est vrai, que vous accordez la moindre valeur à l'argent de ce capitaine véreux qui est le votre. Je veux m'assurer de son état. Nous discuterons de ton prix après."

La réponse de Kage surprit encore plus le jeune homme : elle commençait par une réplique dédaigneuse comme s'il se fichait de la trahison potentielle, avant de lui dire qu'ils discuteraient de son prix plus tard. Et au milieu, une pointe d'angoisse laissa comprendre que le sort de la fameuse Hatsu l'inquiétait beaucoup trop pour qu'elle soit en simple inconnue. Cette opération avait donc un double but : à la fois une vengeance, mais également un sauvetage ? Le ton amusé dans la voix de Ryo lors de sa réponse lui confirma que Kage ne lui avait pas tout dit sur la jeune mariée.

"Ainsi vous connaissez bien ma sœur ? Elle ne m'a pourtant jamais parlé de vous... Vous seriez donc un contact assez peu... officiel ? Et... Pourquoi donc vous inquiéter de la sorte ? Et quel est ce remède dont vous parliez plus tôt ?

- Talabre a empoisonné la coupe de votre soeur lors de la libation célébrant le futur mariage...un poison rare, dont il avait prévu une fiole d'antidote. Un antidote pour lui, évidemment, au cas où un imprévu aurait inversé les verres... Il connait aussi votre soeur... Elle aurait pu être assez maligne pour lui imposer d'échanger leurs verres, en signe de confiance, directement devant les invités. S'il n'avait pas l'air de souffrir, c'est que son plan a marché..."

Le tout ne prenait pas un tour que Akihiko appréciait. Yuzu arriva sur cet entrefaite.

"Elle... C'est elle n'avait pas l'air d'aller bien, Kage.

- Alors cela a fonctionné... Elle doit prendre le remède. Et vite ! Il ne lui reste que peu de temps !

- Vous êtes surs de ce que vous avancez ? Le capitaine ne plaisait pas à ma soeur, c'est évident, mais je le crois droit, et juste ! C'est un atout pour l'armée d'Ynorie !

- Voilà la preuve que non, Ryo... Il l'a empoisonné. Et il projetait de vous tuer : vous étiez sa monnaie d'échange pour obliger votre soeur à l'épouser malgré sa répulsion. Vous connaissez Hatsu : elle se serait enfuie mille fois déjà si quelque chose ne l'avait pas enchaînée à ce mariage. Quelque chose, auquel elle tenait plus que tout. Vous."

Ryo se tut un instant, le temps pour lui d'assimiler la nouvelle de sa valeur dans l'odieux procédé qu'avait mis en place Talabre pour parvenir à ses fins. Kage lui tapota l'épaule, comme pour le consoler. Akihiko lui avait la désagréable impression que toute cette histoire cachait quelque chose. Il avait vu Kage glisser une curieuse bouteille dans la poche intérieure de Talabre peu après qu'il lui ai subtilisé sa bourse et son trousseau de clé. Cette bouteille, s'il avait bien tout compris, devait être le fameux antidote. Mais alors pourquoi Talabre aurait-il empoisonné deux coupes s'il n'avait pas l'antidote à ce moment là ? (Cet empoisonnement serait-il l'oeuvre de Kage ? Non difficilement croyable... Mais je ne vois pas d'autre solution.)

"Remettez-vous... je vais veiller sur votre soeur. Vous, vous devez sortir d'Oranan. Mais avant : prenez ceci. Akihiko, remettez aussi votre insigne à Ryo, s'il vous plait, ainsi que les manchettes du Tonnerre d'Omyre, maudit soit-il. Elles sont authentiques. Nous n'aurons plus besoin de ceci."

Toujours en proie au doute, Akihiko remit néanmoins les bijoux au soldat : moins il portait de l'équipement affilié à la Déesse noire, mieux il se porterait. C'est dans un sourire sans joie que Kage poursuivit, prenant Ryo par les épaules.

"Félicitation, Ryo. Vous venez de venir à bout de l'élite omyrienne. Vous avez terrassé deux membres prestigieux du Tonnerre d'Omyre. Il faudra vous comporter comme tel : la fierté que vous pourrez afficher sera votre fardeau... j'espère que ce ne sera pas trop lourd à porter.
Une fois que votre sœur sera saine et sauve, je pourrai vous conduire à la sortie des égouts sur l'océan. Vous devrez ensuite attendre quelques jours avant de vous présenter aux portes. Et tâchez d'être prêt à être traité en héros. Et maintenant... pardonnez-moi... je dois veiller sur quelqu'un qui m'est cher... et je prie tous les cieux de Rana qu'elle ai trouvé le moyen de confondre Talabre.


Kage, attendez, l'interpella Akihiko, prenant enfin la parole depuis son arrivée. Je ne suis pas certain que sortir soit la meilleure des solutions. Les gardes de la ville sont déjà sûrement en train de se mobiliser pour arpenter les alentours de la ville à notre recherche : sortir par la mer et essayer de se cacher au petit bonheur de la chance, ce n'est pas un plan pour moi. Se cacher ici non plus : passer par les égouts ou s'y cacher, nos poursuivants vont aussi y penser : et je doute que nous puissions nous y cacher bien longtemps. Non, pour moi, il faut se cacher dans la ville. Devant le regard interdit de Kage et Ryo, Akihiko poursuivit : Réfléchissez : quel est le dernier endroit où chercher un un agent d'Oaxaca et la personne qu'il a enlever ? Dans la ville même ! Normalement, nous ne sommes pas bien loin de la sortie du quartier Nord, non ? Yuzu acquiesca. Alors voilà mon plan. J'ai une connaissance dans ce quartier. Anthelia, une tatoueuse magique. Néanmoins, elle a dû fermer il y a peu son commerce car elle n'arrive plus à se fournir en encre magique pour une raison que j'ignore. Je vais y mener Ryo et attendre avec lui que la nuit se calme. Si Anthelia accepte de le cacher quelques jours, ça serait pour le mieux : sinon, je l’emmènerai chez moi durant la nuit, en essayant d'éviter les patrouilles.

- Mais monsieur Akihiko, les gardes vont pas vous reconnaître comme ça ?

(Futée la petite.) complimenta Amy.

- Habillé ainsi, c'est le cas. Mais si on retire quelques petites choses..."

Akihiko se dévêtit alors de sa tenue sombre, révélant alors sa tenue plus habituelle et sa cotte de Faerunne. Utilisant un peu de l'eau contenue dans sa gourde et le tissu rêche de la tenue sombre, il se nettoya rapidement le visage et décrassa le marteau de Valyus. Il enleva ensuite le fourreau de tissu de la Kizoku, dévoilant ainsi l'arme connue de la grande majorité des Ynoriens. Cette dernière n'échappa pas au soldat dont le regard brilla en découvrant la fameuse lame qui avait dû bercer les contes de son enfance.

"Je suis maintenant Akihiko Yoichi, et je n'ai rien qui pourrait me rapprocher de près ou de loin au Tonnerre d'Omyre. Dans cette tenue, à moins de tomber sur un garde de la milice de Talabre qui ai vu le marteau et le reconnaisse maintenant qu'il est nettoyé et à moitié caché par ma cape, personne ne pourra faire le lien.

- Oui, mais et moi ? demanda Ryo.

- On va changer un peu ton apparence. La tenue d'apparat de ta famille, c'est vrai que ce n'est pas très discret... Très bien. Enlève ton pantalon et ta veste, dit Akihiko en commençant à enlevant ses bottes pour retirer son propre pantalon, d'un tissu brun.

- Quoi ?!

- Exécute toi, c'est tout !" grommela l'enchanteur. Une fois l'échange terminé, Akihiko portait désormais un pantalon noir finement brodé d'or sous sa cotte de maille et ses jambières elfiques alors que Ryo était vêtu d'un pantalon brun et une fois dévêtu de sa veste or et noir au couleurs de sa maison, ne portait plus qu'une tunique grise de bonne facture.

(C'est que c'est vraiment confortable les braies dans un tissu noble !) ne put s'empêcher de remarquer Akihiko à sa Faëra qui répondit par un soupir mi-dépité, mi-amusé.

"Et voilà : tu ne ressemble plus qu'à un jeune homme comme un autre, tant que personne qui ne t'ai vu ne fasse trop attention à toi. Mais ta description va sûrement se résumer à ta tenue et à la mienne, donc à moins d'un monstrueux manque de chance, on ne nous reconnaîtra pas dans la rue.

- C'est vrai que mon apparence à bien changé...

- Certes. Kage, que penses-tu de ma solution ? Anthelia ne saura évidemment pas les vraies raisons de la présence. Je lui dirait qu'il a fuit de ses parents temporairement, ou une quelconque raison obscure. Si elle refuse, je le guiderai chez moi. Cela me semble toujours une meilleure solution que se risquer dehors... se tournant vers le soldat, l'enchanteur lui fit signe de l'attendre. Dans tout les cas tiens-toi à partir, je m'entretiens quelques instants avec Kage."

Le jeune homme acquiesça et les deux homme s'éloignèrent un peu du groupe. Kage le suivit, sans savoir de quoi son complice allait bien pouvoir lui parler.

"Je ne te cache pas que cette histoire de poison et d'antidote ne me plait pas du tout. je t'ai vu mettre cette bouteille dans la poche de Talabre. C'est sensé être l'antidote n'est-ce pas ? J'espère que tu sais à quoi tu joues Kage. Je ne suis pas voyant ou médium, mais je sens bien qu'il y a de nombreuses choses dont tu ne me parles pas. Comme ta relation avec cette Hatsu par exemple... laissant quelques instants flotter le temps de chercher ses mots, Akihiko releva son regard bicolore vers le jeune homme. Il voulait faire peser tout le sérieux de la situation pour lui dans ses mots. Je serai au Sablier du Temps ce soir, après avoir mit à l'abri Ryo. Si je suis obligé de fuir avec Ryo ou si pour une quelconque raison je suis incapable de rejoindre le sablier, reviens le lendemain et les soirs suivant. Tu auras des nouvelles de ma part soit de cette manière, soit en même temps que les autres à l'annonce de notre capture. Là-bas, on fera le point sur la situation et j'espère que tu seras un peu moins avare en informations."

Akihiko testa sa cheville et vit qu'elle répondait déjà un peu mieux, aussi se tourna-t-il vers l'instigateur de toute cette histoire, prêt à entendre sa réponse.



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Vohl Del'Yant
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Re: Les Egouts

Message par Vohl Del'Yant » lun. 2 sept. 2019 19:24

Lorsque Vohl donne les informations à Ryo sur la procédure qu’il devra suivre s’il veut que sa sœur et sa famille soient préservés de l’influence des Yamadas, Cherock s’agite. Le fulguromancien prend la parole d’une voix calme.

« Kage, attendez, l'interpella Cherock, prenant enfin la parole depuis son arrivée. Je ne suis pas certain que sortir soit la meilleure des solutions. Les gardes de la ville sont déjà sûrement en train de se mobiliser pour arpenter les alentours de la ville à notre recherche : sortir par la mer et essayer de se cacher au petit bonheur de la chance, ce n'est pas un plan pour moi. Se cacher ici non plus : passer par les égouts ou s'y cacher, nos poursuivants vont aussi y penser : et je doute que nous puissions nous y cacher bien longtemps. Non, pour moi, il faut se cacher dans la ville. »

Vohl regarde avec inquiétude son allié. Certes, la stratégie de cacher Ryo directement sous dans Oranan, sous le nez des miliciens, pourrait se révéler pertinente pour le cacher aux yeux des miliciens. Mais c’est compter sans les potentielles demandes de la maison Ôkami, qui voudra pousser les recherches, notamment du côté de extérieur… que penseront-ils s’ils ne trouvent aucune trace de la fuite des « agents » ? Et comment justifier la réapparition du jeune homme directement au sein de la ville, sans être passé par les portes ? Il y a fort à parier que des affiches, à tout le moins, seront placardées sur la demande des Ôkamis. Ryo serait donc revenu dans la ville en se cachant sans annoncer être rentré ? Quelle logique aurait pu lui faire suivre cette voie ? L’assassin se tourne vers Ryo pour voir ce qu’il en pense. Son incompréhension est elle aussi palpable.

C’est devant le regard interdit de Kage et Ryo que Cherock poursuit :

« Réfléchissez : quel est le dernier endroit où chercher un agent d'Oaxaca et la personne qu'il a enlevé ? Dans la ville même ! Normalement, nous ne sommes pas bien loin de la sortie du quartier Nord, non ? Alors voilà mon plan. J'ai une connaissance dans ce quartier. Anthelia, une tatoueuse magique. Néanmoins, elle a dû fermer il y a peu son commerce car elle n'arrive plus à se fournir en encre magique. Je vais y mener Ryo et attendre avec lui que la nuit se calme. Si Anthelia accepte de le cacher quelques jours, ça serait pour le mieux : sinon, je l'emmènerai chez moi durant la nuit, en essayant d'éviter les patrouilles. »

En même temps que Ryo explique avoir cette connaissance qui pourrait leur rendre un pareil service, Vohl réfléchit. Il y a déjà beaucoup de monde impliqué dans le secret qui entoure la cérémonie désormais ruinée. L’implication d’une personne dont il ne connait rien ne l’enchante guère. Néanmoins, il a pu se fier à Cherock jusqu’ici. Dans son esprit, la balance pèse pour lui faire accepter cette idée. Il y a toutefois quelques détails qui l’ennuient.

« Mais monsieur Cherock, les gardes vont pas vous reconnaître comme ça ? »
« Habillé ainsi, c'est le cas. Mais si on retire quelques petites choses... »

Le fulguromancien se dévêt de sa bure noire, se débarbouillant à l’aide de la gourde à sa ceinture et faisant subir le même traitement à son marteau orné de runes. Il ôte ensuite rapidement le tissus qui couvre la Kizoku-Rana, ce sabre légendaire, avant de prendre un pose quelque peu théâtrale au regard du décor.

« Je suis maintenant Cherock O'Fall, et je n'ai rien qui pourrait me rapprocher de près ou de loin au Tonnerre d'Omyre. Dans cette tenue, à moins de tomber sur un garde de la milice de Talabre qui ai vu le marteau et le reconnaisse maintenant qu'il est nettoyé et à moitié caché par ma cape, personne ne pourra faire le lien. »

Plongé dans l’obscurité omniprésente des égouts, l’effet en est quelque peu amoindri, et Vohl semble avoir pris place dans une sorte de kabuki venu d’autres mœurs et d’une autre époque. Le changement de tenue, mais aussi du maintien de Cherock le distingue du rôle d’agent omyrhien qu’il incarnait… toutefois les inquiétudes de Vohl demeurent. Alors qu’il s’apprête à reprendre la parole pour les exposer, Ryo exprime ses propres doutes.

« Oui, mais et moi ? »
« On va changer un peu ton apparence. La tenue d'apparat de ta famille, c'est vrai que ce n'est pas très discret... Très bien. Enlève ton pantalon et ta veste. »
« Quoi ?! »
« Exécute toi, c'est tout ! »

Le fils de bonne famille s’exécute, et retire le vêtement d’apparat qu’il portait pendant la cérémonie. Vohl observe avec amusement Yuzu se détourner du spectacle du jeune soldat qui s’efforce de ne pas laisser la tenue se souiller sur le sol inégal, bien que celui-ci soit parmi les plus propres des égouts, la grille obstruée empêchant les passants de déverser les détritus directement sur le dortoir.

« Et voilà : tu ne ressembles plus qu'à un jeune homme comme un autre, tant que personne qui ne t'ai vu ne fasse trop attention à toi. Mais ta description va sûrement se résumer à ta tenue et à la mienne, donc à moins d'un monstrueux manque de chance, on ne nous reconnaîtra pas dans la rue. »
« C'est vrai que mon apparence à bien changé... »
« Certes. Kage, que penses-tu de ma solution ? »

Vohl prend une inspiration, inhalant sans coup férir l’odeur âcre et puissante dans laquelle il a vécu pendant deux ans.

« Je ne cache pas mon déplaisir de faire entrer une nouvelle personne dans cette manœuvre, dont on ne sait encore rien de l’issue. Je suppose que si vous proposez ce service au nom de votre amie, c’est qu’elle est à vos yeux digne de la plus grande confiance. Je vous fais donc confiance sur cela : vous avez plus que répondu à l’appel à l’aide que je vous ai lancé. Il serait malvenu maintenant de vous ôter tout crédit. »

Il expire avant de continuer.

« Néanmoins, je serai plus à l’aise que vous gardiez pour vous les tenants et les aboutissants de ce service. »
« Anthelia ne saura évidemment pas les vraies raison de la présence. Je lui dirais qu'il a fui de ses parents temporairement, ou une quelconque raison obscure. Si elle refuse, je le guiderai chez moi. »
« Et vous, » dit Vohl en se tournant vers Ryo, « il va de soi que laisser s’échapper des informations serait nuisible à votre famille. Tâchez de ne rien ébruiter, et de ne pas vous faire remarquer. Cela me chagrine également, mais vous n’allez pas passer une très bonne semaine… Si vous revenez en bonne forme, nourri, propre et reposé, j’ai bien peur que la version des faits que nous essayons de défendre ne fera pas long feu… vous allez devoir donner le change. Nous sortirons par une grille voisine. Celle-ci ne s'ouvre pas depuis des années : seules quelques grilles sont encore en état de pivoter sur leurs gonds : je vous guiderai vers la plus proche.»

Si cela n’avait tenu qu’à lui, Vohl aurait tout de même tenté de faire sortir le jeune soldat de la ville pour le maintenir dans un inconfort relatif, afin de ne pas saborder l’alibi qu’ils tentaient de fabriquer à la famille Ôkami. Il aurait même pris sur lui de continuer à porter le déguisement oaxien, quitte à se faire charger à vue par toutes les garnisons oraniennes. Malgré tout, l’exposition de ses doutes sur les problèmes évidents que portent la proposition de son allié ne change pas le point de vue du fulguromancien. Il finit par s’y rallier, cédant devant la facilité de la manœuvre, il est vrai moins risquée que celle qu’il propose, à la condition de les suivre pour savoir où trouver Ryo en cas d’urgence.

Cherock se tourne alors vers lui, demandant à lui parler seul à seul. Vohl hoche la tête, ayant une idée sur les doutes qui assaillent son allié. Ce dernier, après une goulée de l’air épais, prend la parole d’un ton serein, mais ferme.

« Je ne te cache pas que cette histoire de poison et d'antidote ne me plait pas du tout. je t'ai vu mettre cette bouteille dans la poche de Talabre. C'est censé être l'antidote n'est-ce pas ? J'espère que tu sais à quoi tu joues Kage. Je ne suis pas voyant ou médium, mais je sens bien qu'il y a de nombreuses choses dont tu ne me parles pas. Comme ta relation avec cette Hatsu par exemple... »

Vohl reçoit les soupçons sans s’affoler. C’est ce qu’il avait pressenti, un doute dont lui avait déjà fait part son allié avant même de l’aider. Plusieurs possibilités passent par la tête de l’assassin : mentir, esquiver la question, ou répondre franchement. Les inconvénients de chaque méthode lui apparaissent clairement : risquer de déshonorer Hatsu, si le bruit court sur leur relation, ou manquer de confiance envers un homme qui a accepté de l’aider sans contrepartie, sous l’unique garantie de son amitié avec Hïo. Finalement, Vohl prend sa décision.

« Je comprends tes interrogations, et je pense te devoir un certain nombre de réponses...Tu as ma parole. Mais ce n’est ni l’endroit, ni le moment. Les gardes vont bientôt fouiller cet endroit de fond en comble et nous devons sortir au plus vite. »

Il jette un regard vers les enfants.

« Toi comme moi avons des choses à faire pour qu’aucun innocent ne soit blessé dans notre sillage. »
« Je serai au Sablier du Temps ce soir, après avoir mis à l'abri Ryo. Si je suis obligé de fuir avec Ryo ou si pour une quelconque raison je suis incapable de rejoindre le sablier, reviens le lendemain et les soirs suivant. Tu auras des nouvelles de ma part soit de cette manière, soit en même temps que les autres à l'annonce de notre capture. Là-bas, on fera le point sur la situation et j'espère que tu seras un peu moins avare en informations. »
« J’y serai. »

Voyant que son interlocuteur le jauge, comme pour savoir s’il allait réellement venir ou non, il se détourne. Oui, il a la ferme intention d’honorer sa parole. Mais pour cela il a justement tout intérêt à se bouger. Même si la phase d’action de son plan a réussi, il lui reste encore à savoir si l’accusation que devra supporter Talabre portera ses fruits, ou s’il s’en sortira encore. Et il doit avant cela assumer les conséquences de ses actes. Car quoi qu’il se passe ensuite, des agents oaxciens ont été vus dans Oranan. La sécurité déployer va atteindre de nouveaux sommets tant que ces agents n’auront pas été débusqués. Il est probable qu’en cas d’échec des enquêtes sur ce sujet, une chasse aux partisans oaxciens soit ouverte par les citoyens les plus honorables d’Oranan. Se déplacer sera une gageure, et le faire pour mettre à l’abri les enfants sera plus difficile encore.

« Yuzu, Koe,vous devez prévenir tout le monde. Il va falloir éviter les égouts pendant un moment… Et camouflez l'existence de ce dortoir : placez autant de débris de meubles que vous le pourrez pour en boucher l'entrée. Il faut que vous preniez ce que vous ne souhaitez pas perdre, au cas où. Et avant que le jour ne sombre, vous devrez être partis.»

En langage des signes, il traduit de façon approximative la dernière phrase pour Koe.

« Compris ? »

Le jeune garçon hoche la tête, attestant que le message est bien passé. Ils doivent retrouver les deux enfants manquant avant toute chose. Tous deux s’enfuient dans le réseau souterrain. Vohl se retourne vers son interlocuteur.

"Le climat de suspicion qui va régner dans la ville sera à son maximum lorsque l'affaire se sera répandue auprès de citoyens à la langue bien pendue, tant que notre héros n'aura pas apporté la preuve qu'il est venu à bout de ceux qui l'ont enlevé. Nous allons devoir faire très attention."

Il récupère la tenue noire qu'il place dans son sac à dos. Malgré un ton qu'il aurait voulu détendu, le stress le tend comme la corde d'un arc, l'inquiétude pour Hatsu, pour les enfants, mais aussi la potentielle condamnation de Talabre. La vie qu'il croyait avoir perdue à tout jamais semble à nouveau lui tendre une main timide. Et l'enjeu que cela représente, la signification que cela pourrait avoir, la possibilité d'échouer lui pince les intestins.

"Nous allons faire croire que les agents oaxiens ont bel et bien pris le large avec leur otage. Il s'agirait de ne pas laisser de trace de leur passage. Et maintenant, dépêchons. Chaque minute qui passe est une occasion que l'on laisse filer."

Lorsque les deux hommes sont prêts à se mettre en route, il parcourt la pièce d'un regard circulaire. Il est temps d'y aller. Au pire, les matelas que s'étaient confectionnés les enfants seront perdus : mais la pièce, elle, sera toujours là. L'important est que son rôle ne soit pas suspecté, afin que les enfants puissent retrouver un endroit familier et dont ils ont la maîtrise. Puis Vohl prend la tête de l'expédition, pour les mener vers une grille ouverte. Cela ne prend qu'une dizaine de minutes. Ils sont un peu plus au Nord que le dortoir, mais cela devrait convenir.

"Je vais vérifier qu'il n'y a personne avant que vous ne sortiez. Je vais passer par une grille un peu plus loin. On ne me reconnaitra pas, quand bien même on me verrai. Toi, Cherock, tu ne peux pas te hisser de ces grilles avec un apanage aussi brillant sans que l'on trouve cela louche. Moi, cela devrait aller, si je me fais voir. Je vous appellerai quand la voie sera libre."

Il vaut mieux qu'il sorte seul. Au pire,s'il est vu, les gens resteront à proximité de la grille. Et il pourra tout de même donner le signal attendu à ses complices. S'il avait demandé au fulguromancien et au soldat de le suivre, ils auraient été directement signalés à la milice, surtout au vu des récents évènements. Ce détour leur fait certes perdre un peu de temps, mais ce n'est rien au regard de ce qu'ils risquent à agir inconsidérément.

Ceci dit, il s'élance dans les boyaux souterrains. La ville est organisée de telle sorte que pour arriver à la grille suivante, il faut toujours partir de la grille existante et longer le même mur. Les grilles sont ainsi organisées en un réseau qui évoque un peu l'architecture d'une charge de cavalerie, selon la méthode de Daimyos Edo, ancien régent militaire ayant couché par écrit certaines stratégies aujourd'hui dépassées, mais passionnantes. Il comparait le flux de cavalerie au fil naturel des nervures d'une feuille de tremble. Vohl se remémore ces lectures passionnantes pendant qu'il longe le mur droit avant d'arriver à un embranchement. La grille au bout de cette voie-ci est fermée. C'est la suivante par laquelle il est possible de sortir. L'ouverture est étroite, et Vohl doit se contorsionner pour en sortir. La rue est à la mesure des égouts : étriquée et baignant dans une odeur quelque peu nauséabonde. Vohl s'extirpe donc et prend pied sur les pavés. Il semble que l'étroitesse de la ruelle ne permet même pas à l'air de circuler : Vohl ne s'en formalise pas. Se dirigeant dans les rues, espérant que le vent qui bat la ville saura aérer ses vêtements et faire partir l'odeur qui l'accompagne, il chemine à pas rapides vers la grille ou se trouve ses complices.

Il a la confirmation de ses appréhensions : des personnes de basse condition sont regroupées à cet endroit, interdisant la sortie de ses compagnons. Il jure entre ses dents avant de dévier sa route. Les badauds ont l'air installés... les déranger attirera forcément leur attention, de la même façon qu'un groupe d'hommes sortant des égouts. Et s'il y a bien un endroit ou les rumeurs vont bon train, c'est bien dans la basse-ville. Que le porteur de la Kizoku-Rana se montre devant eux, et le jour même la ville entière sera au courant. Il doit trouver un stratagème pour les faire partir. Une idée lui vient immédiatement en tête. Il rejoint la ruelle délaissée, et entre à nouveau dans le monde souterrain. Là, il se pare de l'armure des gardes oraniens, avant de remonter. La sortie s'avère encore plus complexe que la première fois, encombré des épaulières qui crissent contre les pavés lorsque le métal se frotte aux bords de l'ouverture. Malgré tout, il y parvient, et la ruelle est toujours déserte. Après avoir une nouvelle fois fait le trajet de quelques centaines de pas, il s'avance dans la rue encombrée.

"Vous ! Dégagez ! Inspection de milice ! Vous n'êtes pas autorisés à rester près des égouts !"

De stupeur, les individus massés ne marquent aucune autre résistance que de vagues grommellements. L'obéissance met également un peu de temps à arriver, mais lorsque le soi-disant garde réitère une nouvelle fois ses injonctions en menaçant de les faire passer une nuit au cachot pour leur apprendre à respecter les biens publics, les fessiers semblent trembler assez pour mouvoir leurs propriétaires vers une ruelle adjacente. Aussitôt, Vohl claque des talons avant de s'approcher de la grille et de l'ouvrir rapidement.

"Vite, dépêchez vous !"
Modifié en dernier par Vohl Del'Yant le mer. 18 sept. 2019 17:42, modifié 4 fois.

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Akihito
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Re: Les Egouts

Message par Akihito » mar. 3 sept. 2019 12:54

Dans le chapitre précédent...

Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre

Chapitre XVIII.2 : Fugitifs

Après un instant de silence, Kage prit la parole.

"Je ne cache pas mon déplaisir de faire entrer une nouvelle personne dans cette manœuvre, dont on ne sait encore rien de l’issue. Je suppose que si vous proposez ce service au nom de votre amie, c’est qu’elle est à vos yeux digne de la plus grande confiance. Je vous fais donc confiance sur cela : vous avez plus que répondu à l’appel à l’aide que je vous ai lancé. Il serait malvenu maintenant de vous ôter tout crédit, Il expira avant de continuer. Néanmoins, je serai plus à l’aise que vous gardiez pour vous les tenants et les aboutissants de ce service." A ces mots, Akihiko ne peut que retenir un sourire gêné. Qualifier Anthelia de personne de confiance était un peu tôt aux vues de leurs échanges très limités. Mais c'était ce qu'il avait de mieux à proposer et refusait de partir dans la nature pour se cacher. L'inconfort ne le dérangeait nullement, mais il n'avait aucune expérience de la cache en forêt : se camoufler de réels pisteurs était hors de sa portée. Il préférait tester sa chance et improviser dans un milieu qu'il connaissait.
Kage lui promit alors qu'il aurait les réponses à toutes ses interrogations le soir même : il se présenterait au sablier. Il partit ensuite donner quelques instructions aux enfants : visiblement, ils allaient devoir quitter leur nid le temps des recherches de la milice. Les enfants commencèrent à s'activer, rassemblant leurs maigres possessions.

Akihiko se retourna vers Ryo. Ce dernier parlait d'il ne savait quoi avec la petite Yuzu, mais au sourire du jeune homme, il n'avait pas vraiment l'air de se rendre compte que sa position était tout de même assez précaire. Il ne savait pas si cette innocence et insouciance était une bonne chose pour le jeune homme. Il se dit qu'il allait lui poser la question sur le chemin. D'un geste de la main, il attira le regard de la petite fille était tournée dans son sens et avec un geste de la main, il lui signifia qu'ils partaient. Elle compris rapidement et tirant le bas de la tunique de Ryo, lui indiqua qu'il était temps de partir et il se dirigea vers le fulguromancien. Secouant la main, Akihiko dit au revoir aux enfants, ne sachant pas s'il les reverrait un jour.

(C'est donc des adieux grand dadais !)

(Je suppose que oui. Si j'avais la possibilité de les ramener avec moi à la surface, je l'aurais déjà fait.)

(Vu la personnalité de Kage, il aurait peut-être tenté quelque chose lui aussi. Et vu comment ils sont débrouillards, ils restent peut-être ici pour de bonnes raisons.) réfléchit la Faëra en se baladant dans la tête de Akihiko.

(J'espère que tu as raison.. Bon, allons-y !)

L'enchanteur referma la main sur l'éclair, faisant instantanément chuter la lumière dans les souterrains. Le temps que sa vue se réhabitue à l'obscurité, il perçut la haute silhouette de Ryo passer devant lui pour rejoindre Kage. De la main, il accompagna ce dernier à passer devant lui et ferma la marche. Le petit groupe continua sa progression dans les égouts, en faisant attention aux sons qu'ils produisaient. Ils n'avaient pas franchi tout ça pour se faire cueillir par la garde maintenant. Kage semblait lui aussi étonnamment très à l'aise dans les souterrains, et très consciencieux lorsqu'il s'agissait de franchir les grilles. Il ne put s'empêcher de grogner quand un plein sceau d'excréments se déversa devant lui, embaumant l'air d'une odeur des plus... agréables. Les bottes de Akihiko ainsi que celles de Ryo en avait pris pour leur grade aussi : bien qu'il existait dans les boyaux les plus larges des passages à sec où ils n'avaient pas à se soucier de sur quoi ils marchaient, les boyaux plus petits les forçaient parfois à devoir patauger dans la fange. Et cette fréquence s'accentua à mesure que leurs pas les éloignaient de la mer et que les déchets en tout genre commençaient réellement à s'accumuler. Même s'il n'avait rencontré qu'une fois la tatoueuse, le fulguromancien pouvait sans mal dire qu'elle n'allait pas apprécier de les voir arriver avec des immondices pleins les chaussures. C'est pourquoi il avait tout de même penser à prendre avec lui les braies noirs de son déguisement : elles allaient être sacrifiées sur l'autel de la propreté et essuyer la majeure partie des bottes des deux hommes. Kage allait ensuite s'en débarrasser dans quelque coin obscur de la ville.

Une poignée de minutes plus tard et un vomissement peu glorieux mais compréhensible de Ryo, les trois individus arrivèrent sans un bruit au pied de l'échelle de barreaux. Le tissu noir essuya rapidement les chaussures, qui n'étaient plus que simplement mouchetées de saletés. Il tendit d'abord la main pour donner le tissu sali à Ryo pour qu'il en fasse de même, avant de se diriger vers l'échelle. il avait prévu d'ouvrir la marche pour vérifier que personne ne serait là pour les voir sortir par la grille. Mais Kage le devança : dans un tel accoutrement, sortir d'une bouche d'égout serait tout sauf discret. Il allait donc vérifier qu'aucune paire d’yeux indiscrets ne serait là pour troubler leur sortie.

(Je ne peux que lui faire confiance sur ce coup là, il est loin d'avoir tort.). Ainsi, le ninja encapuchonné se issa le long de l'échelle pour inspecter les alentours. Akihiko en profita pour cacher les braies souillées sous un morceau de bois brisé laissé là, dans un recoin obscur. Le temps de sa manœuvre, Kage était redescendu en grommelant avant de fouiller dans son sac. L'enchanteur s'apprêta à lui demander ce qu'il se passait mais l'homme sorti alors une curieuse tenue de son paquetage : ni plus ni moins qu'une armure frappée des couleurs oranaises. Ce fait s'ajouta à la déjà longue liste des questions que Akihiko souhaitait lui poser mais encore une fois, l'heure n'était pas propice aux interrogations. Il regarda le jeune homme se ré-engouffrer dans l'étroit conduit, son armure raclant contre les parois. Il le vit disparaître dans la lumière de la surface avant d'entendre sa voix tonner d'un air impérieux.

"Vous ! Dégagez ! Inspection de milice ! Vous n'êtes pas autorisés à rester près des égouts !"

Il menaça ensuite quelques personnes récalcitrantes de les jeter aux cachots pour leur apprendre à respecter les ordres, ce qui fit sourire le fulguromancien. En l'état actuel, c'était eux qui devraient être en prison... Le discret appel de Kage leur indiqua que la voie était libre : Ryo déjà engagé sur l'échelle se hâta de gravir les échelons, suivi de près par Akihiko. Si l'armure de Kage l'avait gêné dans son ascension, c'était en revanche les armes de l'enchanteur qui le génèrent. Le manche du marteau crissa et tressauta contre la paroi de pierre irrégulière mais il finit tant bien que mal par sortir à l'air libre. La rue dans laquelle ils étaient sortis n'était pas bien plus glorieuse que les égouts, sale et étriquée. Néanmoins, la puanteur était bien moins présente ce qui était un soulagement. Un coup d’œil circulaire lui confirma qu'ils étaient bien seuls. Attrapant Ryo par le bras, Akihiko fit un signe de tête à son complice : ils allaient rapidement décamper pour mettre à l'abri le soldat. Le faux soldat oranais lui rendit son signe de tête et parti dans sa direction, non sans rappeler une dernière indication à Ryo.
"Il va de soi que laisser s’échapper des informations serait nuisible à votre famille. Tâchez de ne rien ébruiter, et de ne pas vous faire remarquer. Cela me chagrine également, mais vous n’allez pas passer une très bonne semaine… Si vous revenez en bonne forme, nourri, propre et reposé, j’ai bien peur que la version des faits que nous essayons de défendre ne fera pas long feu… vous allez devoir donner le change."

L'Oranais ne put qu'admirer la perspicacité de son complice : c'était un point auquel il n'avait absolument pas pensé et qui était d'une sacrée importance.
S'aidant du soleil bien visible dans le ciel, Akihiko prit la direction du sud, vers l'échoppe d'Anthelia.

Au croisement d'une ruelle, non loin de la grille dont ils sortaient, Akihiko tomba nez à nez avec un groupe de pauvres hères, discutant du soldat qui les avait chassé de leur emplacement pour une prétendue inspection. Ne s'attendant pas à voir un homme surgir devant lui aussi soudainement, un des hommes poussa un cri de surprise, ce qui alerta les quelques gens aux alentours qui se tournèrent aussi vers Akihiko, puis la grille se trouvant derrière lui. Se maudissant pour sa malchance, Akihiko tenta alors la carte du bluff. Il se mit en face du groupe et mit bien en avant le sabre à sa hanche. Des murmures s'élevèrent alors de la petite foule qui commençait à s'attrouper, Akihiko entendant distinctement le mot "Kizoku" parmi les messes basses. D'un pas faussement assuré, le fulguromancien s'approcha des badauds, suivit de près par Ryo.


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