La Maison Rouge

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Yuimen
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La Maison Rouge

Message par Yuimen » jeu. 4 janv. 2018 15:38

La maison rouge




La Maison rouge se situe dans les quartiers nord de la ville, sa haute tour s’élève au dessus des murs à l’extrémité nord du port. Sa hauteur n’est en rien un moyen pour ses propriétaires de se mettre en avant, au contraire. Depuis toujours elle sert de tour de guet destinée à surveiller les rivages, mais rassurez-vous, sa fonction militaire s’arrête là.
Cela fait maintenant cinquante ans que La Maison Rouge est devenue une maison de joie où nombre d’hommes influents viennent se reposer, se baigner et passer des heures agréables en compagnie d’hôtesses aux charmes envoûtants.



Deux statues, gardiens des lieux, encadrent les marches qui donnent sur le perron. La porte d’entrée est sobre, sans emblèmes et toujours fermée, mais n’ayez crainte, il y aura toujours une personne pour vous ouvrir avant même que vous ne vous posiez la question de comment avertir vos hôtes de votre arrivée.
Dès vos premiers pas, une musique douce et discrète accompagne vos gestes, l’air chaud semble vous envelopper de sa protection et les parfums apaisent les maux et humeurs flottantes. Votre hôtesse d’accueil vous mène alors vers l’une des salles de la Maison.
Vous y trouvez un bar chaleureux où musiques et danses réjouissent corps et esprits, un salon plus privé où s’échangent souvent des discussions politiques ou commerciales. Un étage où se trouvent les salles de cérémonie du thé où les hôtesses offrent aux initiés des moments d’harmonie traditionnelle avec la lecture de poèmes, de chants et de danses lentes et enivrantes. L’étage suivant est celui des thermes où hommes et femmes, vêtus de légers vêtements de bains, passent des moments plus intimes.
Les étages supérieurs ne sont accessibles qu’au personnel de la maison, mais il peut arriver qu’une hôtesse vous y emmène pour des moments plus libertins. Seulement sachez qu’à la Maison Rouge, ces moments sont ne sont pas un dû mais un partage avec une femme au savoir faire divin et aux connaissances parfois … exotiques.



Lorsque le temps s’y prête, vous pourrez vous aventurer dans la cour arrière, jardin fleuri de toute beauté, bordant les murs extérieurs de la ville.

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Madoka
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Re: La Maison Rouge

Message par Madoka » sam. 19 janv. 2019 15:12

La Maison rouge.
L’endroit où j’ai vécu le plus longtemps, où j’ai pu réapprendre à vivre en communauté, à lire, écrire et bien d’autre chose encore.
Etre devant les grandes portes de cette bâtisse étroite et haute comme quatre ou cinq maisons me fait un drôle d'effet. Même si je ressens la nostalgie de l'époque où j'y faisais mes débuts, je ne retrouve pas la magie d'antan.
Triste constat, lorsque l'on sait que cela ne fait que quelques mois que j'ai quitté les lieux, quitté une situation plus qu'envieuse, un métier relativement facile à vivre, une vie dont chaque geste était orchestré comme une pièce de théâtre, quitté tout ce que j'avais mis tant de temps à bâtir. Une vie qui, en définitive, était sans doute devenue trop orchestrée, faite de menus plaisirs à peine savourés, de faux semblants avec lesquels je ne pouvais jouer de tout mon saoul ; et incapable de satisfaire l'ambition d'une vie plus aventureuse.
Revenir ici, même en cachette, me donne surtout l'occasion de ratifier un pan de ma vie, et d'y mettre fin sans atermoiement.

A cette heure précoce, l'activité autour de la Maison rouge est au plus bas. La plupart des filles dorment et les clients peu nombreux. Ces clients là sont particuliers, ils souhaitent un cadre discret et neutre, plus propice aux rencontres prudentes avec la certitude qu'aucun secret ne serait être mieux gardé. Il ne s'agit cependant pas de rencontres adultères ou amoureuses, mais d'affaire de gros sous, de contrats anguleux, d'extorsion ou de chantage, sans qu'aucun membre de la Maison, pas même les dirigeants, n'y prennent part. Et je pense sans risquer de me tromper que ce second rôle de la Maison Rouge n'a jamais été un but de ces derniers ; les connaissant, et s'ils en avaient le courage, ils demanderaient à cette catégorie de clients d'aller faire boutique ailleurs … mais du courage, ils en ont moins que des convenances.
Là où en revanche l'activité n'est pas en berne, c'est du côté de l'intendance, des boulangers, cuisiniers ou blanchisseurs, des livreurs de fruits, légumes, viandes ou poissons, à peine débarqués des premiers bateaux ou provenant des fermiers des environs, de missives et de cadeaux pour certaines de mes anciennes camarades. Un ballet incessant, des dizaines de personnes qui vont et viennent dans l'arrière cour, bien loin du luxe de la rue principale, et l'idéal pour qui sait comment entrer discrètement. Il y a là toujours deux ou trois employés au sens de l'observation à toute épreuve à qui rien n'échappe … rien de ce qui concerne le nombre de sacs ou du volume prévus et réels en tout cas.
Je n'étais pas la seule à parfois m'évaporer pour la nuit et revenir le matin, cachée dans la masse, sous les yeux de ceux qui, au final, ne s'intéressaient guère à la vie des filles de la Maison ; et les vieilles habitudes ont la vie dure. Depuis des années, et encore maintenant, c'est une véritable ruche qui s'affaire dans la cour ; une bonne vieille routine où chacun ou presque pourrait œuvrer les yeux fermés, et heureusement pour moi … aucun humain n'est plus aveugle que celui qui répète les mêmes choses tous les jours.

Je me faufile donc très facilement dans la bâtisse et me dirige plus rapidement encore dans les étages endormis. Je n'emprunte que les passages réservés aux domestiques. Les patrons ne souhaitant pas que les clients soient incommodés par les vas et viens nécessaires à la bonne tenue des lieux, ils ont aménagé à chaque étage une succession d'étroits couloirs et d'escaliers en forme de tourbillon, qui serpentent entre les salles et les murs extérieurs, aux sols recouverts de plusieurs couche de paille de riz, plus silencieux que la respiration de ceux qui les sillonnent.

Au dernier étage, les chambres des filles sont alignées autour du puits central qui traverse toute la maison. Ici, la tour que représente la Maison Rouge est plus étroite et le trou est imperceptible d'en bas en raison des grandes tentures et des lampions qui habillent le puits à chaque étage. Nous nous amusions beaucoup à regarder ce qui se passait à l'étage en-dessous, dont les pièces proches des balcons intérieurs n'avaient pas de plafonds. Car à cet étage, rien de très secret ne s'y jouait. C'est celui où l'on se baigne, souvent à plusieurs, où l'on se fait masser, où l'on danse, où l'on se détend à l'abri du regard de la ville … mais pas du nôtre. La plupart des habitués étaient dans la confidence de nos petits jeux d'observation, devenus au fil des années un jeu de séduction à distance, où le voyeurisme et l'exhibitionnisme étaient devenus une manière de profiter pleinement du moindre instant où la rigidité de la vie Oranienne ou la dureté de la guerre ne pouvaient pas encore nous atteindre.

Je me faufile jusqu'à la porte de mon ancienne chambre et l'ouvre de quelques centimètres afin de jeter un œil à l'intérieur.

Je ressens brusquement une sorte de lourdeur qui me coupe le souffle. Elle n'a pas encore été assignée à une autre, mais le vide dans lequel elle baigne fige mes poumons et alourdit mon entrée. La vue de cet endroit intime, à la fois abri et recueil, aussi vide de sens que mes derniers souvenirs me saigne le cœur, d'une intensité plus forte qu'en découvrant l'absence de vie dans la demeure de mon protecteur.
J'ai quitté cette chambre, cette maison, cette vie simple et facile sans un regard en arrière, sans un regret il y a quelques mois … et pourtant, je me sens abandonnée en la voyant si fade, si froide, sans odeur ni chaleur. Le lit, la console, l'armoire, la petite table et le fauteuil sont là pourtant ; mais où sont les couleurs, où sont les coussins, les lampes, les longues bandes de tissus, les bougies, la vaisselle fleuries, les draps chatoyants, les fumées aux senteurs exotiques, les bouteilles de parfum, les toiles et les instruments de musique ? Où sont mes biens, mon passé et ma vie d'avant ?
Est-ce une punition que m'inflige le destin pour avoir voulu encore une fois partir à la recherche de ma voie ? Ou une épreuve que je suis en train de rater ? Ne dit-on pas que nous ne connaissons la valeur de ce que nous possédons que lorsque nous le perdons à jamais.
J'étais sûre de moi lorsque j'ai accepté de quitter Oranan à sa demande, sûre de pouvoir y revenir pour enfin rester avec mon protecteur, le servir et l'aider. Vivre dans son ombre et le protéger lui et ma patrie !
((Quelle idiote !))
Et maintenant, où en suis-je ? "Savoir au lieu de suivre" Cette simple doctrine, cette pensée qui m'anime et enflamme mon esprit est contraire à tout ce qu'est mon protecteur, dont les secrets ont leurs secrets espions. Ce que j'avais ici était insuffisant et je l'ai abandonné sur un coup de tête. Ce que je convoitais, presque divinement, n'a pas survécu à la mort et son message.
En cette seconde, je repense à mon échappée avec Pragatt' et le souvenir d'avoir touché de si prêt la liberté sans prise de tête, la possibilité de dire au monde : "Va crever !" … et l'envie de tout abandonner m'effleure. Les laisser tomber pour qu'ils ressentent ce que je ressens maintenant. A être assise devant une console vide, à regarder un visage terne dans un miroir sale, à sentir l'odeur du vide, à chercher l'introuvable, à vouloir l'impensable.


J'entends tout à coup un bruit de l'autre côté de la porte coulissante. Ma tête se tourne lentement vers elle, aussi molle que mon moral, et je le dis, à mi-voix, comme une prière.
- Rien à foutre de tout ça.

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Madoka
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Re: La Maison Rouge

Message par Madoka » sam. 19 janv. 2019 15:16

Celle qui entre est en petite tenue, a un sein qui sort de l'enclos, les yeux plissés, les cheveux blonds ébouriffés et la moue boudeuse de celle réveillée trop tôt. Elle tient en main une lampe à huile heureusement bien scellée, car elle la lâche à terre. Elle a l'air tétanisée. Je lui fais un signe de la main pour la rassurer et me lève doucement dans un rai de lumière. Elle pousse un cri et se jette sur moi en pleurant.
((Nom d'un chien, cette fille a plus de larmes qu'un océan a d'eau !))
- Joséphine, lui dis-je en grognant, arrête ton cirque. Lâche-moi.
- Non, me répond-elle en gémissant de plus bel.
Elle gigote tellement que j'arrive à peine à nous maintenir debout. Sans la brusquer, j'essaye de nous mener jusqu'au lit mais elle se crispe et force sur la pointe des pieds pour rester contre moi.
- C'est bien toi, pour de vrai ? Me demande-t-elle entre deux sanglots et reniflements gutturaux.
- C'te question, bien sur que c'est moi.
Elle ne répond rien et continue à sangloter dans mon cou.
- T'es en train de tremper mes vêtements là !
Elle renifle, penche la tête en arrière et essuie ma peau avec sa manche avant de faire de même autour de son nez. Mais à peine croise-t-elle mon regard qu'elle se remet à sangloter, des gargouillements plein la gorge.
Aucune classe au réveil, jamais. Joséphine est la plus sensible de toutes, la plus gentille, la plus douce, mais au réveil … c'est une vraie paysanne.
- Bon allez ! ça va là, ça fait pas si longtemps.

Sa faible voix couine et s'éteint. Elle renifle encore mais je la sens plus résolue.
- C'est vraiment toi n'est-ce pas ? Demande-t-elle encore d'une voix de cristal.
- Bon sang, oui, c'est moi ! Dis-je en forçant le ton et en la secouant un peu.
Je n'ai jamais connu quelqu'un dont la sensibilité est autant exacerbée. J'ai toujours pensé que le destin nous avait amené cette fille pour contrebalancer le trop peu d'émotions visibles des Ynoriennes pure souche comme moi. A elle seule, elle pleure pour quatre d'entre nous, des larmes de joie, des larmes de tristesse, des larmes d'espoir, d'empathie ou des larmes juste parce que !
Mais quand elle est dans cet état, elle a besoin de temps et je n'en ai guère à lui consacrer. J'ai des choses importantes à faire, il faut que je …
((Des choses à faire ?! Sans rire ! Des choses à faire !!?))
Où est donc passé ma prière de tout balancer par la fenêtre ? Je suis là, le cœur noyé et les trippes nouées, le corps au milieu du vide abyssal qu'est ma vie … et mon esprit, à peine n'est-il plus en tête à tête avec son reflet, me rappelle à mes devoirs, disperse l'intime, le personnel, le libre arbitre, et ne garde que mes obligations envers les autres.


- On nous a dit que tu avais disparu en mer !
Ces mots sonnent comme une gifle magistrale. Mon sang ne fait qu'un tour et mon cri trahit ma soudaine colère.
Elle plaque ses mains sur sa bouche, ses yeux vert émeraude grands ouverts toisent les murs comme s'ils étaient capables de voir à travers. La colère l'emporte sur la précaution, j'en peux plus, trop c'est trop.
- Nom d'un chien ! on pourrait pas m'foutre la paix deux minutes avant de me remettre dans un cercueil !?!
Elle avance les mains vers moi en tentant de me calmer mais je fais un pas en arrière pour lui échapper.
- Discrétion mes couilles !! Dis-je avec une virulence libératrice. Qu'ils m'entendent, ça m'f'ra des vacances !!

Je me dirige vers la sortie, bien décidée à hurler dans toute la maison et exulter toute la bile qui s'est engouffrée dans ma gorge.
Mais je n'ai pas fais trois pas, Joséphine sur les talons, que la porte s'ouvre sur deux silhouettes. Deux des mes anciennes camarades, tout aussi peu vêtues que la blondinette, se jettent sur moi … sans sanglots ou reniflements, des vrais filles du pays.
La chaleur de leur corps a un effet salvateur et je me sens tout à coup assez honteuse d'apprécier leur contact, ainsi que la sincérité de leur sentiment ; sachant que si les rôles étaient inversés ; je n'aurais levé qu'un sourcil à l'annonce de leur décès et leur aurais simplement souhaité la bienvenue en apprenant que l'annonce était fausse. Je me sens faible de ressentir un réel réconfort au contact de personnes que je faisais semblant d'apprécier. Mais pas au point de me mettre à leur faire part de ce genre de pensées ou de leur dire à quel point j'ignorais combien il est bon de se sentir entourée … car ce n'est pas le cas. Ces étranges jours où j'apprends à redevenir moi-même et chasser de mon esprit ce type de pensées mielleuses vont vite passer … j'espère.
Modifié en dernier par Madoka le jeu. 24 janv. 2019 16:18, modifié 1 fois.

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Madoka
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Re: La Maison Rouge

Message par Madoka » sam. 19 janv. 2019 15:24

Nous nous sommes installées dans la chambre de Joséphine. Midori et Hoozue sont allées passer un kimono avant de nous rejoindre. Comme à son habitude, Midori porte du vert dans sa tenue et Hoozue, une fois installée, a rapidement posé sa joue dans sa main pour m'écouter raconter mon histoire. Ce ne sont pas leurs vrais noms, pas plus que Madoka n'est, je crois, le mien. Midori est devenue Midori pour nous quelques jours après son arrivée en raison de sa couleur fétiche, ce vert qui ne la quitte pas soit disant parce qu'il lui porte bonheur. Pour Hoozue, cela a pris plus de temps et est un surnom donné par des clients à cause de cette manie de reposer sa joue ou son menton dans la paume de sa main.
Je ne leur raconte pas la stricte vérité et brode autour de leur récit concernant l'annonce de ma mort par mon protecteur. Je ne comprends pas encore très bien où voulait en venir Keyoke en me faisant passer pour morte, surtout sans me faire prévenir avant que je ne remette les pieds ici. Mais, de ce que j'ai pu en lire sur leur visage, aucune n'a semblé douter de la cohérence des faits.
Dans mon récit, au lieu de fuir Oranan à cause d'un assassin frustré, je l'ai quitté au bras de mon protecteur que j'avais réussi à amadouer pour qu'il me laisse participer à une escapade spéciale en bateau à Kendra Kar. Au lieu d'une chasse au trésor au commencement de fin du monde, je leur décris des navires élégants et une fête inoubliable. J'imagine ensuite de toute pièce un incident à bord de mon navire pendant la nuit, un chaos indescriptible de cris, et ma chute dans l'océan avant mon réveil, à bord d'une barque, fiévreuse ; puis mon retour difficile, sans protecteur dont je n'avais plus de nouvelles depuis le naufrage, sans un sous et sans une seule personne pouvant attester de mon identité.
Mais pendant que j'inventais, une certitude est venue un peu plus noircir le tableau et expliquer l'état de ma chambre. A la nouvelle de ma mort, le premier acte des propriétaires après les quelques jours de deuil acceptables, fut probablement de vendre tout ce qui m'appartenait.
J'allais devoir trouver un moyen pour me procurer un kimono de bonne facture afin de me faire passer pour Kasumi. Hors de question de l'acheter. En voler un est impensable étant donné que je vais devoir me promener dedans dès le lendemain. Il faudra se contenter d'une des tenues restées chez Keyoke … des déguisements plus que de vrais vêtements.

- Ils ont tout vendu tu sais … Me dit alors Midori de sa voix neutre, faisant écho à mes pensées.
- Ce n'est pas grave, leur marmonné-je en mentant à nouveau. Ce ne sont que des objets. ((Que des objets …))
Le masque de Pragatt' et le miroir de Pulinn aussi ; peut-être que si je me le répète mille fois, je réussirai à effacer la honte d'avoir perdu ces trésors.
- Sauf les cadeaux des meilleurs clients ! Continue-t-elle d'une voix guillerette. Ils n'auraient pas osé prendre le risque qu'ils reconnaissent leur présent sur une autre.
- La robe rouge de Monsieur barbichette en fait parti, demandé-je le souffle court à Joséphine.
- Oui, bien sûr.
M'avouerai-je un jour avoir réellement souri à cet instant, et de soulagement qui plus est ?
Une robe qui n'a rien d'un kimono, loin de là, mais elle est somptueuse et l'excentricité vestimentaire fait parti du personnage de Kasumi. J'aurais moins de mal à justifier ce choix que celui de porter un déguisement.

- Vous vous souvenez de lui ? Rajoute aussitôt Joséphine avec un brin de malice dans la voix.
Oubliés les pleurs, oubliée la surprise, elle est entourée des filles qu'elle aime et pour Joséphine, c'est tout ce qui compte.
- Oui, celui qui possède pleins de navires. Et qui a récemment invité un ami ici qui plait beaucoup à Joséphine.
- Qui plait à toutes les filles, ajoute l'intéressée. Il est tellement … charmant et sauvage à la fois.
- Aaaah, le capitaine Logan. Elles s'esclaffent toutes les trois en riant. Quant à moi, le nom évoqué me fait remonter des mois en arrière.
- Logan Tiercevent ?
- Oui. Les cheveux mi-longs, une peau dorée par le soleil qui sent bon l'embrun, un sourire ravageur.

Logan Tiercevent. Le monde est petit. Un autre survivant du voyage dans les profondeurs d'un océan qu'a été la chasse au trésor de Kendra Kar. Celui qui a volé le registre où le nom de chacun des participants avait été noté, pour le compte de Pulinn, l'elfe fascinante et mystérieuse du Temple des Plaisirs. Je me souviens de lui, non loin de moi en première ligne lorsque les événements ont mal tourné, mais il n'a pas été de ceux qui durent décider du destin du Marionnettiste. Aurait-il décidé tout comme moi de garder l'arme noire maudite et sceller en toute conscience le destin d'un homme, ou aurait-il rendu l'arme pour le sauver, sachant le monstre repenti qu'il était ? En d'autres circonstances, j'aurais pris le temps d'aller le voir, pris enfin le temps de discuter de cette histoire avec quelqu'un l'ayant vécu.
Mais des circonstances promptes à me laisser badiner en paix, je n'en ai pas beaucoup connu.
Ce qui m'intrigue sur son compte, c'est qu'il est déjà là depuis plusieurs jours et qu'il a laissé entendre qu'il ne partirait pas de suite. C'est rare qu'un navire fasse escale ici pendant plusieurs jours. Peut-être est-ce lié à ce climat si tendu aux portes de la ville … peut-être observe-t-il la situation et cherche-t-il à savoir ce qui se passe ici avant de retourner à la cité blanche.


Le temps passe vite. La légèreté des discussions de ces filles m'ont au moins permis de ne pas penser à ma situation. Doucement, je leur fais comprendre que le temps est venu de nous séparer et ce, pour toujours. Je leur fais promettre de ne rien dire sur ma venue ici et leurs yeux me répondent bien avant leur bouche que notre rencontre restera scellée. Joséphine pleure encore, cette fois de joie assure-t-elle en me remettant un sac avec ce qu'il reste de ma vie d'ici. Elle me prend dans ses bras une dernière fois et me laisse partir après une phrase étrange.
- Je suis contente que tu ne sois pas morte.

Pendant que je rejoins l'arrière cour, je me rends compte que finalement ... moi aussi. Un premier pas et pas des moindre me dis-je alors car non seulement c'est vrai mais les vertiges qui m’embrument la tête à cette pensée ne s'accompagnent pas de nausées.

Morlet est pile à l'heure et convoie un chargement de poteries et d'objets en terre cuites. Je me surprends à sourire tandis que je me faufile discrètement en profitant de la cohue occasionnée par cet arrivage impromptu. Je me demande souvent s'il existe une logique sous cette étrange relation qui est la nôtre ; comment peuvent cohabiter méfiance et respect au point d'être en parfait équilibre. Et sa réaction ce matin ? Est-ce la stupéfaction d'apprendre que la mort peut ne pas être définitive, d'imaginer que les Dieux œuvrent parmi les mortels ; ou a-t-il été bouleversé par autre chose, une chose qu'il a murmuré si bas quand il me tenait dans ses bras que j'ai du mal à me convaincre de l'avoir entendue.

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Hatsu Ôkami
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Re: La Maison Rouge

Message par Hatsu Ôkami » lun. 28 janv. 2019 02:40

Fuji Onoda


La description donnée par le conseiller ne plut guère à Hatsu. Un noble, prétentieux, peureux et qui apparemment passait beaucoup de temps à la Tour Rouge… lieu de débauche bien connu en ville. Hatsu était sceptique… Mais bon, elle n’avait qu’une parole, donc elle prit la missive scellée que le conseiller lui donna en le remerciant. Il lui confia ensuite quelques pistes pour trouver de l’Olath. Apparemment les lieux liés à Phaistos étaient les plus susceptible de renfermer un tel métal. Encore une chose qui risquait de nuire à sa petite aventure, mais elle refusait d’abandonner. Le conseiller pris congé et elle le remercia de nouveau avant de sortir du bureau. Elle prit le chemin de la sortie et croisa la route d’un homme qui visiblement était là pour les mêmes raisons qu’elle. Elle jeta un bref regard à son concurrent qui visiblement semblait se jouer de l’agitation ambiante et regardait les gens comme s’il essayait de les évaluer. Leurs regards se croisèrent et elle détourna le regard, ne voulant pas être prise à l’observer, d’abord par respect mais aussi parce qu’après avoir dû supporter des regards toute sa vie, elle savait combien cela était désagréable. Elle salua l’intendante et sortit. Lettre en main et un léger sourire aux lèvres, elle imagina la tête de ses parents lorsqu’elle leur parlerait de sa mission. Elle savait que cela les ennuierait grandement, mais ils ne pourraient rien dire qui la forcerait à changer d’avis. Elle avait donné sa parole et son honneur exigeait qu’elle accomplisse sa mission. Et l’honneur de la famille, ça, c’était au-dessus de tout autre chose. Et Hatsu allait en profiter pour faire ce qu’elle voulait.

Elle décida de se rendre immédiatement à la Maison Rouge, histoire de commencer au plus vite. Elle connaissait plus ou moins la localisation du bâtiment, ayant plusieurs fois demandé à son père à quoi servait la grande tour du bâtiment lorsqu’elle était petite. Si elle se souvenait du regard gêné de ce dernier alors qu’elle ne comprenait pas, cela la faisait sourire aujourd’hui. Elle arpenta les rues familières avec légèreté, marchant d’un pas détendu au milieu de la foule qui produisait ce brouhaha si caractéristique aux grandes villes comme Oranan. Elle y était habituée depuis toute petite, mais aujourd’hui elle préférait le calme et la sérénité des bois ou des plaines plutôt que l’étouffante promiscuité qui régnait souvent dans les artères les plus fréquentés de la cité. Les pas de la jeune ynorienne l’amenèrent finalement devant sa destination.

Grand bâtiment serti d’une porte toute simple précédée d’un petit escalier et encadrée par deux statues, la Tour Rouge portait bien son nom. Hatsu leva la tête pour observer un peu le haut du bâtiment puis, expirant lentement, approcha d’un pas décidé de l’endroit. Elle n’était pas très à l’aise mais elle ferait ce qui devait être fait. Elle monta les marches pour atteindre le perron ou elle hésita avant de se préparer à toquer. La porte s’ouvrit d’elle-même et Hatsu fut assaillie d’un parfum d’ambiance entêtant et d’une musique lancinante. Elle s’avança, incertaine et vit deux femmes lui sourire avant de refermer doucement la porte derrière elle. Une troisième l’invita avec un large sourire à la suivre et elle se retrouva dans un lieu tamisé d’une étrange lueur rougeâtre et le parfum se fit plus entêtant. Les éclats de rires et les conversations parvenaient comme étouffés aux oreilles d’Hatsu qui ne savait plus trop où donner de la tête face aux petits groupes posés au comptoir, sur des tables ou en tête à tête dans des coins de la pièce. La jeune femme se laissa entraîner vers le comptoir et un homme à l’imposante carrure, mais au sourire enjôleur, lui demanda ce qu’elle voulait.

- Je cherche quelqu’un… Fuji Onoda, cela vous dit quelque chose ?

Le sourire se fit plus large encore, dévoilant une dentition impeccable et il lui indiqua où elle pourrait le trouver. Soit à l’étage, où elle refusa catégoriquement d’aller voir par elle-même, connaissant les rumeurs liées à cet endroit, soit dans l’une des salles adjacentes, probablement en bonne compagnie. Le sous-entendu était plus qu’évident mais elle lui demanda un moyen de le reconnaître. Il ricana et lui apprit qu’il avait l’air le plus prétentieux de toutes les personnes présentes ici, ce qui n’était pas rien. Elle soupira légèrement et entrepris de fouiller chacune des pièces du rez-de-chaussée, arrêtant parfois des femmes vêtues d’atours dévoilant leur féminité d’une manière qui impressionnait Hatsu qui avait été éduquée dans la pudeur la plus stricte qui convenait à son rang. Lorsqu’enfin elle fut orientée vers l’une des pièces, elle se sentit soulagée. Elle entra donc, surprenant un homme, coupe à la main, vêtu d’habits d’excellente qualité de la soie la plus fine, entouré de cinq magnifiques créatures qui semblaient être en adoration devant lui. Son sourire prétentieux, ses petits yeux mesquins et son allure nonchalante rassurèrent Hastu. C’était bien l’homme qu’elle cherchait. Celui-ci tourna la tête vers elle et parut légèrement surpris mais reprit vite son masque prétentieux avant de lever la coupe vers elle.

- Damoiselle Ôkami, quel plaisir de vous voir ici, vous avez… mûrie.

La façon lubrique qu’il avait de la détailler exaspéra Hatsu qui roula des yeux avant de s’approcher. Elle tendit la missive qu’il récupéra, fronçant les sourcils en voyant le sceau.

- Ravie que vous vous souveniez de moi sieur Onoda. Ceci est une lettre du conseiller Gale, je serai votre escorte pour l'Erementarīfōji. Tout devrait vous être expliqué à l’intérieur. Nous devons discuter… en privé.

Elle regarda les cinq femmes collées au forgeron en disant cela et ce dernier leva un sourcil tout en affichant un sourire moqueur. Il obtempéra néanmoins et congédia sans délicatesse les cinq femmes avant de s’asseoir sur l’un des fauteuils, invitant Hatsu à faire de même sur celui le plus en face de lui. Elle s’y installa et le laissa parcourir la missive, sourcils froncés tandis que Loup, fidèle à lui-même, se moquait.

(Homme faible une fois de plus. Arrogant mais inapte.)

Elle ne pouvait pas vraiment le contredire, ni l’affirmer, mais cela ne dura pas longtemps et elle fut vite d’accord avec celui qui partageait ses pensées. Car il parla, usant d’un ton qui énerva aussitôt Hatsu. La suffisance transpirait dans chacun de ses mots.

- Je n’aurai jamais imaginé que la première née Ôkami se lance dans cette aventure. Vous pensez être à la hauteur ? Voyons, jolie dame, cette expédition n’est pas faite pour une jeune fille inexpérimentée. Je suis probablement plus à même de me défendre seul qu’avec vous à mes côtés. Je suis le meilleur forgeron qui participe à l'Erementarīfōji et je remporterai sans mal la compétition. Mais si vous êtes dans mes pattes, vous risquez de compromettre ma réussite. Alors soyez gentille, retournez chez vos parents, épousez votre bellâtre, contentez-vous d’être belle et laissez aux vrais guerriers le soin de ma protection voulez-vous ?

Il se leva, comme si l’entretien était fini et se dirigea vers la sortie, lançant une dernière pique.

- Allez voir Gale et dites-lui que vous renoncez, il n’y a pas de honte à avoir. Après tout, une femme n’a pas d’hon…

Il ne finit jamais sa phrase car une flèche se planta pile au-dessus de la main qu’il avait posée sur la porte pour l’ouvrir. Il se retourna vivement, une lueur apeurée dans le regard. Hatsu bouillonnait de rage, son visage déformé par un rictus de colère qu’Onoda trouva parfaitement terrifiant et inapproprié sur une jeune demoiselle de haute naissance. Mais Hatsu n’avait pu se retenir face à l’insulte qu’il avait entamée et avait réagi au quart de tour, victime de ces impulsions si colérique lorsque l’on s’en prenait à son honneur ou celui de sa famille. Elle avait déjà encoché une deuxième flèche et visait cette fois l’entrejambe du forgeron qui semblait sur le point de s’effondrer. Pleine de hargne, sa voix glaciale claqua comme un fouet.

- Voilà comment JE vois les choses. Personne ne voudra accompagner un homme aussi prétentieux, suffisant et bon à rien que vous, si ce n’est moi, car je serai la seule à avoir un soupçon d’intérêt pour votre misérable personne étant donné ce que mon père a pu laisser entendre. Alors vous allez ravaler votre ton suffisant, vous allez rentrer chez vous et vous préparer pour partir demain à l’aube. Et je dis bien à l’aube !

- Mais… mais c’est impossible, il me faut au moins deux jours pour tout…

- Très bien, deux jours alors ! A l’aube du troisième jour, devant chez moi. Je ferai des recherches sur l’Olath en attendant. Ne soyez pas en retard.

Et sans attendre la réponse du forgeron médusé, elle récupéra sa flèche, la rangea et sortit, lâchant une dernière phrase.

- Et l’honneur n’est pas une question de sexe, c’est une question de volonté. Chose dont vous semblez manquer cruellement, restant là à vous vautrer au lieu de prouver votre talent !

Elle le planta là, énervée par les paroles que ce cancrelat avait osé lui cracher au visage, à elle. Personne ne lui manquait de respect avec autant d’assurance sans s’en mordre les doigts et celui-ci ne ferait pas exception. Il pouvait douter de ses capacités, mais en aucun cas lui suggérer d’abandonner et d’entacher son honneur. Quel genre d’homme pourrait penser cela ? Un lâche, voilà ce qu’était ce type aux yeux de Hatsu. Et dire qu’elle allait devoir protéger cet homme…
Il la rattrapa alors qu’elle sortait du bâtiment, lui agrippant le bras avec un regard furibond. Les deux se défièrent du regard sous les yeux médusés et intéressés des passants et des filles de la maison. Hatsu retira lentement la main du forgeron de son bras en lui tordant les doigts tandis qu’il lui renvoyait un regard où le mépris, la haine et une part d’étonnement se mélangeaient. Aucun des deux ne semblaient vouloir baisser les yeux le premier et leur affrontement silencieux aurait pu durer longtemps si un homme ne s’était pas mis à toussoter pour attirer leur attention afin de pouvoir entrer à son tour dans la maison. Les deux adversaires silencieux se regardèrent à nouveau et le forgeron rebroussa chemin, retournant dans la Maison Rouge. Il tourna légèrement la tête vers la rue avant de passer la porte.

- J’y serai, soyez prête, je déteste attendre.

Un sourire victorieux s’étala sur les lèvres de la jeune ynorienne tandis qu’Onoda disparaissait dans la chaleur parfumée du lieu des vices et des plaisirs. Fière d’avoir obtenu l’assentiment du forgeron récalcitrant, elle se dirige d’un pas assuré vers sa maison. Il lui restait cependant encore un obstacle à franchir. Et à côté de ça, la discussion avec le forgeron aurait l’air d’une visite courtoise et amicale.
Hatsu Ôkami, Chasseuse Ynorienne
Première Née des Ôkami
Réceptacle de l'esprit de Loup
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Armoiries des Ôkami:
l'Or pour la fortune, le Loup pour la noblesse d'âme et la flèche pour le passé guerrier.

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Faëlis
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Re: La Maison Rouge

Message par Faëlis » sam. 20 avr. 2019 21:11

Les gens lui lançaient des regards mi-figue mi-raisin lorsqu'il demandait la direction de la maison rouge, mais Faëlis put constater la courtoisie des ynoriens, qui le menèrent sans faillirent à sa destination. Au premier abord, cela semblait une grande tour de guet construite contre le rempart, si bien que l'elfe crut un instant qu'on l'avait mal renseigné. Et pourtant, la porte rouge, encadrée de deux grandes statues, un homme et une femme aux vêtements nobles quoiqu'un peu fantaisistes, semblait coller à la réputation des lieux.

Comme pour confirmer cela, la porte s'ouvrit et une femme délicate lui fit signe d'entrer. Il la suivit sans hésiter et découvrit un lieu assez sombre, mais richement décoré. Les murs étaient peints en rouge et tapissés de décorations élégantes. Indéniablement, il était dans un lieu dédié au luxe et au plaisir, et le tout avec un goût qui rivalisait avec la cour royale de Cuilnen ! Il se serait perdu dans la contemplation des lampes finement ouvragées, des fenêtres hautes et étroites aux rideaux de soie, des plantes vertes bien soignées dont la douceur contrastait si sublimement avec l'écarlate torride et l'or lumineux des murs... si l’hôtesse d'accueil ne l'avait pas tiré de sa rêverie :

« Que souhaitez-vous, messire ? Des bains chauds ? Une compagnie intellectuelle ? Ou quelque chose de plus charnel ? »

Faëlis lui dédia une courbette élégante :

« Peut-être pourrez-vous m'aider... En vérité, on m'a parlé d'un jeune homme du nom d' Ayamiki, fort sympathique et avenant. Serait-il possible de bénéficier de ses services ? »

Elle alla aussitôt consulter un registre et déclara :

« Oui, il est libre à cet instant. Cela dit, une compagnie personnalisée coûte le double, si je puis me permettre. »

Elle lui énonça le prix, extrêmement onéreux, mais au demeurant honnête compte-tenu du luxe évident des lieux. Faëlis n'avait pas fréquenté de lieu de plaisir pour noble depuis un certain temps et cela lui manquait grandement, il ne fit donc aucune difficulté ! On le conduisit vers une petite salle d'attente matelassée où attendaient déjà quelques clients. Un à un, ils se retirèrent sur l'invitation de sublimes jeunes femmes ou jeunes hommes. L'atmosphère douce respirait la confiance : ici, pas de malheureux obligés de vendre leur corps, mais bien des employés formés et protégés. Que demander de plus ? C'était là la garantie d'un plaisir optimal !

Finalement, un jeune ynorien aux cheveux noirs, vêtu d'un yukata bleu et blanc s'approcha à pas feutrés. Il était souriant tandis qu'il s'agenouillait avec élégance, avant de se relever sans effort.

« Bienvenue à la maison rouge, messire. Si vous voulez bien me suivre... »

Déjà conquis, l'elfe ne fit même pas mine d'hésiter ! Ayamiki le conduisit jusque dans une chambre emplie de lumière chaude. Le mobilier était surtout composé d'un grand lit aux draps de velours et d'une table de massage. Sans perdre une seconde, Faëlis ôta sa tunique et s'installa sur la table, non sans jeter un regard à son compagnon d'un soir, avide de voir sa réaction. Sans surprise, le jeune ynorien garda un air globalement très neutre et professionnel, mais quelque chose dans son regard et ses mouvements assurait qu'il n'avait pas l'habitude de clients aussi séduisants.

Lorsque Faëlis s'installa sur la table, des mains douces commencèrent immédiatement à lui masser les épaules. En connaisseur, il maîtrisait lui-même pas mal de techniques, il put constater le talent à l’œuvre : ce massage avait une réelle vertu de détente, tout en étant subtilement érotique. Il était pratiqué avec un talent nettement supérieur au sien, il fallait le reconnaître. Dans un premier temps, aucun mot ne fut échangé, et le début de la soirée passa en silence et en douceur.

Au bout d'un moment, Ayamiki l'invita à se retourner sur le dos et demanda doucement :

« Puis-je connaître votre nom, mon seigneur ? Si vous me le permettez... »

L'elfe se retourna et le fixa dans les yeux en souriant :

« Bien sûr, mais il risque de vous surprendre. Je m'appelle Faëlis Nyris'Kassilian. »

Une lueur de trouble passa dans les yeux noirs de l'ynorien tandis que ses mains glissaient sur le torse de l'elfe pour entamer une phase plus sensuelle de son art. En bon observateur, il avait lui-même bien compris que son client aimait être flatté de la sorte.

« En effet, ce nom ne m'est pas inconnu. Je ne suis guère surpris, vous lui ressemblez un peu... Mais vous devez savoir que je n'ai pas le droit d'en dire trop sur mes clients. »

Étrécissant les yeux comme un chat tandis que les mains dessinaient le contour de ses pectoraux, l'hinïon ronronna :

« Je m'en doute, et rassurez-vous, je n'ai aucune mauvaise intention. Je sais que celui qui a pris mon identité ne lui a pas fait défaut, et sa conduite a, paraît-il, été sans tâche. Vous devez pouvoir en attester, à moins que cela ne soit trop vous en demander ? »

Il sourit d'un air contrit :

« Je ne connais pas tous vos us, et ne souhaite point vous attirer d'ennui. »

« Certes non, je puis vous assurer qu'il était fort aimable. »

Il ne dit rien de plus, bien sûr. Il aida Faëlis à se relever, le guidant doucement vers le lit. Prenant les devants, l'elfe profita qu'il avait le dos tourné pour lui glisser un baiser-surprise dans le cou. Sa peau était chaude et satinée, et il l'effleura avec délectation, sentant au passage sous ses lèvres l'accélération du rythme cardiaque. Il n'y avait aucune feinte : son gracieux serviteur était vivement intéressé !

Ils basculèrent tous les deux sur le lit et échangèrent une succession de caresses et de baisers langoureux. Fier et emplit d'une douceur conquérante, l'elfe défit la tenue du jeune homme avec tendresse et détermination. Il explora son corps délicatement musclé de ses mains, de ses lèvres et de sa langue, attisant son désir avec une telle ardeur qu'en réponse, le désir se fit plus fort, et également plus déterminé. Entraîné dans une spirale de plaisir, Ayamiki en venait lui-même à sauter les étapes, et ce n'était certainement pas pour déplaire à son client !

Faëlis entreprit alors de lui montrer divers jeux propres aux ébats cachés des familles nobles de Cuilnen. L'humain ne perdit pas une miette de cet apprentissage fait de caresses dont la délicatesse et la précision avaient quelque chose de terriblement tentateur. Car l'elfe, de son côté, espérait bien le pousser jusqu'au bout de son désir ! Ses mains s'aventuraient vers les lieux de plaisir les plus intenses. Sa langue s'enroulait avec passion autour de celle de son compagnon, l'embrassant presque jusqu'à l'étouffer ! Et lorsque Ayamiki fut prêt à céder, qu'un gémissement suppliant monta de ses lèvres, l'elfe obtint un élément de réponse réponse. Une découverte si surprenante et si inquiétante qu'il faillit en perdre ses moyens : l'imposteur était allé consulter l'oracle de la ville.

Mais se reprenant, il poursuivit avec ardeur pour le remercier. Finalement, il s'abandonna pleinement à l'extase tandis que son amant, lui aussi, laissait libre cours à son plaisir. Le temps se suspendit un instant dans la jouissance, avant qu'ils se laissent glisser dans les draps, en sueur et comblés de plaisir.

Un laps de temps indéterminé plus tard, Ayamiki glissa un regard troublé et inquiet vers lui, n'osant pas dire ce qu'il avait sur la conscience. Il n'en avait pas besoin, son regard disait tout. Faëlis posa un doigt tendre sur ses lèvres pour lui signifier qu'il n'avait pas à expliciter :

« Je suis désolé d'avoir eu recours à une telle méthode, mais sache que j'y ai vraiment pris plaisir, en toute sincérité. Et sache aussi que, sur mon honneur, je te jure que je n'ai aucune mauvaise intention envers mon... prédécesseur. Du moins tant qu'il n'en montre pas à mon égare. Et, enfin, personne ne saura ce que tu m'as dit. »

L'air un peu rassuré, l'ynorien hocha la tête. C'est néanmoins avec un soupçon de froideur qu'il reconduisit son client vers la sortie. Il ne fallait sans doute pas espérer être de nouveau le bienvenu en ces lieux...

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