Les Habitations

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Vohl Del'Yant
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Re: Les Habitations

Message par Vohl Del'Yant » mar. 21 mai 2019 10:59

"Que… Volh ?"

La voix, encore endormie, est incertaine. Son regard, après l'avoir effleuré sans vraiment le voir, revient sur son visage en même temps qu'elle rosit, probablement gênée de la situation. Pas longtemps, visiblement : souriant largement, elle reforme le contact avec les lèvres de son amant. Vohl savoure la texture douce de ses lèvres, l'odeur encore présente du parfum dont elle s'est sans doute parée la journée. Il ne peut retenir une main qui vient caresser la nuque de la jeune femme alors que le feu qui monte en lui menace de se transformer en un brasier débordant. Ses yeux s'ouvrent de nouveau lorsque la jeune femme mais fin au baiser pour le tancer de la meilleure des réprimandes.

"Je pourrais m’habituer à ce genre de réveil, méfies-toi."
"Alors je vais devoir te fournir une écharpe pour t'éviter de prendre froid..."

Il rit chaudement mais le plus doucement possible afin d'éviter que du personnel de la maison ne s'alerte, tout en désignant la fenêtre encore ouverte. La jeune femme sourit également alors qu'un bâillement la prend par surprise, et elle place rapidement une main devant sa bouche, faisant glisser le kimono sur son épaule dans un glissement soyeux. Sa peau nue retrouvant l'air frais qui est entré dans la pièce en même temps que Vohl, elle s'aperçoit de ce que l'indécente étoffe laisse percevoir de son corps, et s'empresse de remédier à la situation. Elle tente de reprendre la main sur la situation, et masque sa gêne derrière quelques bruits de gorge.

"Hum… je ne t’attendais pas si tard... bref, j’ai ce qu’il te faut."
"Je ne pourrai pas passer ainsi dans ta chambre en plein jour... trop de gens y prêteraient attention. Ce ne serait bon ni pour toi, ni pour moi."

La jeune femme se redresse et sort du lit, passant à côté de Vohl en dévoilant de longues jambes fusellées sous le kimono court. Elle s'approche du tas de livres qui ornent son bureau et fronce les sourcils en ne trouvant pas l'objet de ses recherches. La page qu'elle cherche est celle qui est tombée au pied du lit, qu'elle parcourt rapidement des yeux. Hochant la tête, elle transmet le feuillet à Vohl avec un sourire. Le guerrier en profite pour passer un bras autour de sa taille afin de l'attirer à lui. Il lit avec attention le parchemin pendant que la chasseresse lui confirme ce qui s'y trouve : la liste des invités.

De nombreuses familles nobles de renom sont présentes sur la liste. Les noms sont connus, et les premiers sont clairement du côté des Yamada - plusieurs noms d'anciens officiers, parmis lesquels Tanahashi, accolés aux titres honorifiques qui doivent leur être attribués. A leur suite vient les noms des maisons alliées des Ôkami, il suppose. Il sourit, amusé, lorsqu'il voit que le nom de Onoda y figure. Il est loin de connaître tous les noms, ayant passé une bonne partie de sa vie dans le monde militaire, et n'identifie que les principaux clans. Mais certains noms sur la liste attirent son attention : le Conseiller Gale et le Conseiller Kapono sont de la partie. Le premier représente une menace à la moindre manigance, et le second est un danger permanent, une murène dans la société ynorienne. D'après sa réputation, il ne manquera pas de mettre en place une petite machinerie dont Vohl espère qu'elle restera diplomatique et n'entravera pas ses propres plans.

Il relève les yeux, un air soucieux sur le visage : la jeune femme est satisfaite de son travail et il y a de quoi. Il l'embrasse. Elle prend des nouvelles sur ce qui s'est passé de son côté. Il hoche la tête en se massant par réflexe l'épaule sur laquelle les quelques égratignures dont il a écopé finissent de cicatriser.

"Si ce n'est au mieux, en tout cas ça ne s'est pas passé de la pire des façons. J'ai une partie de ce que je veux : le reste ne saurait tarder."

Il regarde une nouvelle fois le visage de la jeune femme. Sa proximité fait monter en lui l'envie de prendre son visage entre ses mains, de l'embrasser....de l'embrasser jusqu'à oublier ce qu'ils s'apprêtent à faire, jusqu'à se perdre dans cette bulle isolée du temps qui les avait enveloppés cette nuit, à la bibliothèque. L'embrasser jusqu'à ce que ses sens, étourdis, lui permette de ne plus penser à ce qu'il doit lui faire faire. Intérieurement, il calme le feu qui menace de l'engloutir en se traitant d'imbécile. Elle a fait sa part du travail, à lui désormais de faire la sienne.

"Il nous manque deux choses : les plans de la maison Yamada. Je n'ai pas trouvé d'autre moyen pour toi que de lui rendre visite pour reconnaître les lieux. Mais tu pourras en profiter pour remplir le deuxième objectif. Il pourrait avoir un coffret, ou un objet particulier pour lui, dont il ne se séparerait pour rien au monde. Même le pire des traître n'est pas prêt à tout abandonner."

Il réfléchit un instant. Son regard errant dans la chambre, il a l'impression terrible d'oublier quelque chose. La lumière se fait dans son esprit lorsque ses yeux passent sur le dessin au fusain de Hatsu avec un homme du même âge...sans doute son jumeau.

"En fait, un croquis de ton frère pourrait avoir son utilité. Il aura un rôle à jouer dans tout cela." En croisant le regard de Hatsu, il peut voir le reflet de sa propre inquiétude. Pour la rassurer sur ce point, il ajoute : "Ne t'en fais pas. Il ne sera pas en danger. Ce sera surement le seul, d'ailleurs..."

Il secoue la tête pour faire partir ses idées pessimistes, et laisse passer un moment pendant lequel il s'assoit de nouveau sur le lit, se détachant d'elle. Elle revient rapidement vers lui, prennant ses mains entre les siennes, assise en tailleur à ses côtés. Il doit encore faire en sorte que la jeune femme aie la prudence nécessaire pour survivre à son plan. Du risque qu'elle court, elle ne voit sans doute que la partie Talabre, puisqu'il a veillé à la tenir à l'écart du reste. Mais il doit lui faire comprendre que le risque est réel. Elle ne pourra compter, une fois les évènements déclenchés, que sur elle-même et ses alliés proches.

"Je... Il faut que tu saches une chose de plus. Pendant cette cérémonie, je ne serai pas maître de tout. Loin de là. Certaines des forces qui montreront la vraie nature de Talabre seront présentes, et je ne pourrai pas les contrôler. Sois sur tes gardes."

Une belle déviation de la vérité, en réalité. S'il laisse entendre que ce sont les alliés de Talabre qui seront le danger, c'est pour qu'elle puisse défendre cette version lorsque toute l'attention sera braquée sur elle. Car s'ils réussissent, ce sera le cas.

Il scrute les yeux de son amante. Il ne veut surtout pas la perdre. Pas maintenant qu'il a un espoir de sortir de sa situation actuelle, si ténu soit-il. La jeune femme semble prendre son avertissement au sérieux : il tente de détecter la frayeur, ou un peu de peur dans ses yeux magnifiques. Il n'y voit que le reflet d'une flamme, encore bien assez grande pour les envelopper d'une chaleur douce ou féroce selon ce qu'il adviendra d'eux.

La jeune femme le regarde en retour, le jaugeant peut-être, tentant peut-être de percevoir ce qu'il met en œuvre pour la prémunir définitivement contre ce mariage. Ou peut-être profite-t-elle du moment qui les réunit. Le cœur de Vohl enfle à cette pensée.

"Tu comptes repartir immédiatement ? Ou tu peux rester un peu ?"

L'amour qui l'envahit le fait presque trembler de plaisir. Il se penche vers la jeune femme.

"Je peux rester...un peu. Je ne pourrai pas passer cette nuit avec toi."

Et presque timidement, perturbé par une émotion qu'il peine à contrôler, il caresse sa joue, croisant son regard avant de l'envelopper dans ses bras et de lui embrasser le front, puis la bouche. Demain sera un autre jour, et la ronde qu'il devait faire souffrira sûrement d'un délai. Mais rien de cela ne passe par la tête de Vohl. Ses pensées son braquées sur celle qu'il aime, et qui l'aime en retour. Ses mains menacent de se perdre sur le corps de son amante : il préfère les noyer dans ses cheveux de jais et, laissant la gravité l'allonger sur le lit, il attire à lui la jeune femme dans les draps fins et doux. Il se redresse lorsqu'il sent que la jeune femme commence à s'endormir et se hisse de nouveau sur la fenêtre, puis sur le toit. Il remet en place les fenêtres avant de partir, d'un bond, vers la fin de sa patrouille avant que ne s'allument les premiers rayons de l'aube.

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Re: Les Habitations

Message par Hatsu Ôkami » mer. 22 mai 2019 00:59

La présence de Volh la rassurait tout en allumant en elle un feu qu’elle choisit de contenir sur le moment. L’heure tardive accentuait d’autant plus le sentiment qui enflait en elle, une envie et une attente qu’elle savait difficile à endiguer. Tandis qu’il feuilletait le parchemin contenant la liste des invités, elle observa de plus près ce visage dont elle voulait retenir le moindre détail. Le petit grain sous l’œil gauche, le sourcil légèrement plus haut que l’autre, ses lèvres qui lui procuraient tant de sensations lorsqu’elles laissaient une marque brûlante sur ses lèvre sou sa peau. Elle ne détacha son regard que lorsqu’il qu’il releva la tête d’un air soucieux, l’embrassant alors qu’elle lui raconte avoir réussi. Une pulsation remonta depuis son bas-ventre tandis que le jeune homme posait ses lèvres sur les siennes. Elle se contint à grande peine, se répétant que ce n’était pas le moment, qu’elle devait d’abord faire son devoir, qu’il n’y aurait pas de lendemain s’ils venaient à échouer et que cela, elle ne pouvait se le permettre. Elle l’écouta ensuite attentivement. Il avait réussi sa part, en partie, et lui demanda de trouver les plans de la demeure des Yamada. Elle hocha la tête, sachant pertinemment comment elle allait s’y prendre, elle avait plus ou moins préparé le terrain pour pouvoir se rendre chez Talabre sans que cela ne paraisse étrange. L’objet à trouver serait probablement une tâche plus complexe car elle ne pouvait pas aller directement demander à Talabre. Elle était la seule à pouvoir arpenter la maison de manière peu suspecte, donc elle ferait de son mieux.

- Ne t’en fais pas, je m’en occupe, je trouverais, tu peux me faire confiance.

Sa demande suivante la fit aussitôt fixer ses prunelles inquiètes dans celles de Volh. Pourquoi voulait-il savoir à quoi ressemblait son frère ? Quel était l’intérêt pour lui ? Mais il la rassura et elle hocha la tête, posant ses yeux sur le vieux dessin qu’elle avait fait quelques années auparavant, lors d’une sortie en famille dont elle gardait un bon souvenir en mémoire, en plus du dessin. Un temps où tout lui semblait plus simple.

- Très bien, je ne devrais pas avoir de mal à le faire, tu l’auras en même temps que le reste.

Assise en tailleur à ses côtés, caressant ses mains avec les siennes, elle vit les légers plis de son front se creuser tandis qu’il s’apprêtait à parler. Elle ne le coupa pas, écoutant sans mot dire les mises en garde. Elle se contenta d’un tendre sourire. Il prenait des risques, il risquait sa vie, pour elle, et c’était lui qui la mettait en garde, alors que d’eux deux, elle serait la moins vulnérable. Elle chercha à comprendre ce qu’il avait en tête pour ainsi s’inquiéter pour elle malgré le fait que c’était lui qui prenait le plus de risques. Elle prit conscience qu’ils risquaient tous les deux beaucoup, que s’ils échouaient, jamais elle ne pourrait le revoir. Alors elle souhaita le garder auprès d’elle, même quelques minutes. Il ne pouvait rester toute la nuit et elle en était déçue, mais elle s’en contenterait. Lorsqu’il la prit dans ses bras, les faisant tous deux basculer sur le lit, elle sentit son corps pulser et brûler de l’intérieur, répondant avec empressement au baiser du jeune homme. Elle le sentit hésiter, ses mains effleurant son corps avant de finalement se perdre dans sa chevelure sombre. Cela ne fit qu’attiser ce qu’elle ressentait pour lui. Elle ne pouvait pas le perdre, elle n’arriverait pas à le supporter.

- Je refuse que tu t’en fasses pour moi Volh. Je serais probablement la personne la mieux protégée et la plus surveillée de cette cérémonie. Et Talabre n’est pas fou au point de tenter quelque chose contre moi. Et même si c’est le cas… une Ôkami ne sort jamais sans sa flèche, sois sans crainte.

Elle l’embrassa à plusieurs reprises avant de se blottir contre lui, profitant de la chaleur de son corps et de la douceur de ses bras, s’endormant finalement contre lui. Elle ne le sentit pas partir et ne se réveilla qu’une fois le soleil levé, seule. Elle s’étira, caressant du bout des doigts les draps où la marque du corps du jeune homme était encore visible. Elle soupira, espérant que tout irait bien, adressant une prière silencieuse et implorante à Rana pour que Volh lui revienne sain et sauf. Consciente que le temps ne jouait pas en sa faveur, elle se leva aussitôt, s’habillant sommairement avant de descendre, trouvant son frère apprêté comme pour un combat, faisant hausser les soucrils de la jeune femme qui se servit une tasse de thé en le regardant nettoyer et vérifier l’équilibre du sabre oranien qu’il portait à la ceinture. Elle devait avouer qu’il avait fier allure, son jumeau, dans sa tenue militaire.

- Je pensais que tu étais en permission, pourquoi tout cet attirail de si bon matin ?

- Je vais au terrain d’entraînement. Comme le fer de la lame, la maîtrise de l’épée, si elle n’est pas entretenue, rouille et finit par se briser.

- C’est de qui ?

- Aucune idée, mais mon instructeur le disait souvent, peut-être qu’elle vient de lui.

Pensive, la jeune femme termina finalement sa tasse d’une traite avant de se lever, se dirigeant vers l’escalier menant à l’étage.

- Tu m’attends ? Je t’accompagne.

- Tu veux me voir à l’œuvre ?

Elle lui jeta un regard torve et un sourire moqueur.

- Si ça peut te rassurer de le croire. J’ai moi aussi une certaine maîtrise à entretenir figure toi.

Sans rien ajouter malgré le regard perplexe de son jumeau, elle alla rapidement enfiler une tenue plus adéquate, prit son arc dont elle vérifia la corde après l’avoir fixé et mit son carquois en bandoulière, ajoutant un sac où elle rangea de quoi dessiner, prenant en compte la demande de Volh. Elle redescendit d’un pas dansant, arrivant devant un Ryo à la mine perplexe.

- Mère te laisse sortir dans cette tenue ? J’ai loupé beaucoup de choses. Ta maitrise de l’arc notamment, je ne savais pas que tu t‘entraînais aussi ardemment.

- J’ai protégé un forgeron lors de l’Erementarifoji je te signale, cher frère. Tu pensais que j’avais fait comment ? En déclamant des poèmes tout en portant un costume traditionnel pour que les Peaux-Vertes nous laissent tranquille ?

- Quel caractère ! Si jeune et déjà si agressive et susceptible, incroyable ! Où est passée la sœur si adorable et chaleureuse qui ne jurait que par les robes et les coiffures extravagantes ? Qu’avez-vous fait d’elle, par Rana ?

Le léger coup qu’il reçut dans l’épaule le fit sourire et il s’inclina dans une parodie de révérence pour laisser sortir Hatsu qui le fusilla du regard malgré le sourire amusé qui n’avait pas quitté son visage durant tout l’échange.

- La formation militaire a du te retourner le cerveau, c’est ta peste de cousine que tu décris, pas ta sœur.

- Toutes mes confuses, il faut dire que vous êtes si semblables…

- Une flèche est si vite plantée dans le fessier de l’impudent… méfies-toi petit frère.

Sortant en se chamaillant de la résidence des Ôkamis, ils se dirigèrent vers le terrain d’entrainement d’un bon pas, portés par leurs discussions. Cela faisait bien longtemps qu’on n’avait plus entendu les jumeaux Ôkami se chicaner ainsi dans les rues pavés d’Oranan.
Hatsu Ôkami, Chasseuse Ynorienne
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Re: Les Habitations

Message par Hatsu Ôkami » dim. 26 mai 2019 02:50

Une fois les jumeaux rentrés et nettoyés, ils s’installèrent dans le jardin, à l’abri d’un vieil arbre. Hatsu sortit son matériel de dessin et se mit à l’ouvrage. Les nombreuses années passées sans pratiquer rendaient ses gestes incertains et brouillons et elle jeta rapidement une demi-douzaine de feuiller dans son sac après les avoir chiffonnées sous le regard amusé de son frère qui leva les yeux au ciel à plusieurs reprises en l’entendant marmonner des insanités à l’encontre du papier, du fusain, ou même du vent qui venait la déranger. Elle finit cependant par être enfin satisfaite du début de son croquis et se mit totalement à l’œuvre, reproduisant le plus fidèlement possible les traits fins de son frère, son nez légèrement tordu à cause d’une mauvaise chute, la fine cicatrice qu’il portait au menton, le sourcil légèrement plus haut que l’autre, le grain de beauté juste en dessous de sa bouche. Tout ça avec le plus de détails possibles pour qu’elle soit sûre et certaine que Volh ne pourrait le confondre avec un autre.

Elle se demandait vraiment quel serait le rôle de son frère dans tout ça. Allait-il être la clé pour faire tomber Talabre ? Ou bien était-ce pour l’emmener en lieu sûr lorsque Volh passerait lui-même à l’action ? Elle n’en savait rien et était persuadée que Volh ne lui en parlerait pas pour éviter qu’elle ne trahisse ses intentions par des regards ou des gestes qui pouvaient paraître étranges, surtout pour l’œil et le monocle d’un certain conseiller invité. Néanmoins, elle devait avouer que l’excuse du croquis lui permettait de passer un peu de temps en compagnie de son frère et cela lui suffisait pour renforcer un peu plus sa détermination à faire échouer Talabre sur tous les plans. Et s’il n’en mourrait pas, un jour, elle le lui ferait payer, quand il s’y attendrait le moins, elle lui rendrait la monnaie de sa pièce.
Le croquis lui prit un moment, pendant lequel ils profitèrent d’être seuls tous les deux pour discuter de tout de rien et Hatsu fut soulagée qu’il ne ramène pas le sujet de Volh sur le tapis, elle n’aurait probablement pas su gérer une avalanche de questions, mais il resta étonnement muet à ce sujet, ce dont elle lui fut reconnaissante. A la place, ils parlèrent beaucoup de ce que Ryo comptait faire au sein de l’armée, et la réponse surprit Hatsu qui fut honnêtement excitée par l’idée.

- Je compte grimper les échelons, rester soldat ne m’intéresse pas, je veux vraiment me faire un nom. Je vais rejoindre la cavalerie dès que j’en aurais la possibilité.

- La cavalerie ? Tu es bien ambitieux.

- Mon instructeur a dit que j’en avais les capacités et que c’était envisageable, si j’arrive à être plus… attentif.

Cela tira un sourire à Hatsu.

- Tu as changé Ryo, tu ne voulais jamais te faire remarquer avant.

- Je sais, je n’aimais pas ça, toi non plus d’ailleurs.

- Je m’y suis faite, par dépit et par nécessité plus que par choix. Je suis contente de voir que tu changes ainsi. J’aurai aimé ne pas avoir à m’inquiéter pour toi… mais j’imagine que tu ne changeras pas d’avis.

Le sourire tendre qu’il lui offrit lui serra la poitrine et elle sentit son nez lui piquer, replongeant aussitôt vers son croquis pour masquer le petit moment de tristesse qui l’avait atteint. Elle se reprit rapidement et ils continuèrent ainsi à discuter le temps qu’elle finisse son croquis qu’elle examina d’une moue dubitative avant que son frère ne la rejoigne pour voir le résultat. Il la regarda avec des yeux surpris et se mit à rire, faisant soupirer la jeune femme.

- J’ai perdu la main, pas vrai ?

- Quoi ? Mais pas du tout, je me moquais de ta réaction, c’est très réussi. Tu n’es jamais satisfaite, c’est incroyable !

La réaction boudeuse et presque enfantine de Hatsu, un tirage de langue en bonne et due forme, le fit pouffer de plus belle et il lui ébouriffa tendrement les cheveux, faisant grogner la jeune femme qui n’aimait guère qu’on touche à ses cheveux ainsi.

- Je vais maudire ce dessin en représailles !

- J’en suis terrifié ! Allez viens, j’ai cru voir Mère chercher quelque chose, je ne serais pas surpris que ce soit toi qu’elle cherche.

- Oh pitié… j’espère que ce n’est pas pour une de ces séances d’essayages…

- J’ai hâte de voir ça…

- Traître !

Malheureusement pour la jeune femme, elle avait deviné juste et, à son grand désarroi, elle passa de nouveaux plusieurs heures entre les mains de sa mère et de la préparatrice qui finit enfin par être satisfaite de sa tenue… après près de quatre heures, sous le regard amusé de son frère qui l’abandonna après une demi-heure, prétextant avoir des choses importantes à faire. Hatsu était complètement épuisée et n’avait qu’une envie, enlever tout ça le plus vite possible et se débarrasser de tous les produits qui la faisait se sentir comme un mur qu’on serait en train de peindre. Une fois dans la salle de bain, son reflet dans le miroir la fit soupirer et elle enleva méthodiquement la moindre trace de maquillage à l’exception de celui sur ses lèvres qu’elle trouvait plutôt agréable à l’œil.

(Peut-être qu’il aimerait…)

Une fois vêtue d’une robe plus seyante et qu’elle préférait largement à l’ensemble blanc qu’elle serait obligée de porter, elle s’enferma de nouveau dans sa chambre pour lire en paix. Un parchemin en particulier attira son regard. Enroulé par un fil noir, c’était celui que le bibliothécaire lui avait remis après sa nuit passée à la bibliothèque avec Volh. Si le souvenir de cette nuit lui tira un sourire tendre et une bouffée de chaleur, le parchemin, lui, fit instantanément tourner le cerveau de la jeune femme à plein régime.

(Par Rana, si c’est vrai…)

Elle relut une deuxième fois le contenu, pour être sûre et certaine d’avoir bien compris.

Dame Ôkami,

D’aucun dirait que votre attitude est loin d’être raisonnable, mais, en tant que modeste gardien du savoir, il ne m’appartient pas de juger vos actes. Il m’est en revanche facile de remarquer les tourments qui viennent peser sur les frêles épaules du couple que vous cherchez à former et à protéger. Aussi, en remerciement pour tout ce que votre famille a fait pour notre noble institution et pour pouvoir de nouveau entendre le rire de la petite fille espiègle qui venait ici avec son père, je vais vous conter une légende qui sera, je pense, forte intéressante à vos yeux.

Il y a de cela des centaines d’années, à la fondation d’Oranan, un général de notre belle cité a voulu créer un outil capable d’espionner l’ennemi. Loin d’obtenir le résultat escompté, ce qui en sorti ne la satisfit en aucun cas. Le résultat était une paire de miroir par lesquels il est possible de voir et d’entendre ce qu’il se passait de l’autre côté du second, peu importe la distance séparant les deux. Toutes traces de ces objets a disparu avec le général, mais un des créateurs, un mage, ne put s’empêcher de le mentionner dans ces mémoires avant de mourir mystérieusement, ravi du résultat qu’ils avaient obtenu et, étant tombé sur ce texte il y a de cela quelques années, je ne peux m’empêcher de vous en faire part, car je suis sûr que vous saurez en faire un usage approprié, bien que différent de l’idée originelle.
Si par chance cette histoire vous intéresse, venez me trouver à la bibliothèque et je vous renseignerais du mieux que je le peux.

Puisse Rana vous guider.

Votre dévoué serviteur.

Gurē Fukuro, archiviste de la bibliothèque d’Oranan


Elle replia le parchemin et le cacha dans un tiroir, avec une seule idée en tête.

(Je dois en parler à Volh.)
Modifié en dernier par Hatsu Ôkami le ven. 21 juin 2019 10:00, modifié 3 fois.
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Re: Les Habitations

Message par Hatsu Ôkami » dim. 26 mai 2019 03:01

Elle ne pouvait hélas pas contacter Volh sans rien d’autre à lui dire qu’une légende alors que le temps jouait contre eux. Elle devait donc s’acquitter de sa mission. Deux jours passèrent alors, dans une impatience fébrile pour la jeune femme. Elle devait absolument remplir sa part, mais elle n’avait trouvé aucune excuse valable et logique pour se rendre chez les Yamadas sans éveiller les soupçons de ses parents ou de Talabre lui-même qui, pas dupe, verrait tout de suite qu’elle trafiquait quelque chose. Elle devait à tout prix éviter cela, il ne devait se douter de rien. Elle n’arrivait pas à s’ôter cela de la tête et n’était jamais vraiment présente, attirant le regard suspicieux de son frère. Pourtant, au matin du troisième jour, c’est sa mère qui lui donna une excuse parfaite pour investir la demeure des Yamadas sans éveiller l’attention.

- Hatsu, je dois aller voir certains détails avec le traiteur, peux-tu emmener ceci chez les Yamada ?

Elle lui tendit un petit coffret ouvragé qui fit hausser les sourcils de la jeune femme. Comprenant la question, la matriarche lui sourit.

- Ce sont les coupes rituelles. Il n’est pas question que d’autres soient utilisées, c’est un héritage depuis des générations, je compte sur toi pour ne pas les abîmer.

- Très bien… vous semblez bien heureuse de tout ceci, Mère.

Elle tourna un regard légèrement outré vers sa mère qui la couva d’un regard tendre, bien que légèrement triste.

- Nous jouons tous un rôle. J’aurai préféré que ceci se passe dans d’autres circonstances, crois-moi, ton père et moi connaissons les bienfaits d’un mariage d’amour. Je fais ce qu’il faut pour vous protéger, toi et ton frère, sois en sûre. Et ne t’en fais pas, nulle offense ne reste impunie.

Le ton froid et le regard glacial qui s’emparèrent quelques instants de sa mère firent frissonner Hatsu qui s’éclipsa aussitôt après lui avoir souhaité une bonne journée. Elle oubliait parfois que sa mère était bien plus terrifiante que n’importe qui d’autre dans cette ville quand elle était en colère. Elle aurait presque pitié de Talabre s’il devait un jour subir ses foudres… presque.

Elle s’habilla donc de manière plus correcte et se mit en route vers la maison des Yamadas, remarquant que, contrairement à d’habitude, deux gardes de sa demeure la suivirent dans ses déplacements, restant néanmoins à bonne distance, mais sans la lâcher du regard. Cela lui sembla étrange, ses parents pensaient-ils que quelqu’un voudrait s’en prendre à elle avant le mariage ? Elle arriva rapidement devant la demeure des Yamadas et demanda aussitôt à voir Talabre. La jeune femme qui lui répondit, visiblement une domestique, semblait intimidée et ne faisait que répéter que le maître Yamada n‘était pas présent et qu’il faudrait qu’elle revienne plus tard, sans pour autant lui donner d’horaire. Perdant rapidement patience compte tenu du caractère urgent de sa demande et de la mission qu’elle devait accomplir au plus vite, elle commença doucement à se montrer agressive envers la pauvre servante qui se recroquevilla un peu plus à chaque mot prononcé d’une voix cinglante. Voyant la pauvre femme sur le point de craquer, Hatsu se calma et soupira.

- Calmez-vous, calmez-vous, je me suis emportée. Je vous propose quelque chose. Vous me laissez entrer, j’attends Talabre à l’intérieur et vous l’informez de ma présence à son arrivée et il n’entendra pas parler de ce petit échange, d’accord ?

La jeune servante hocha la tête et conduisit Hatsu à l’intérieur où cette dernière la congédia gentiment, tiquant lorsqu’elle lui annonça qu’elle ne pouvait laisser une personne extérieure seule.

- Je suis la future femme de votre employeur, je ne pense pas qu’on vous en tiendra rigueur… et mieux vaut ne pas vous mettre à dos celle qui gèrera votre paiement, pas vrai ?

Elle n’aimait pas vraiment terroriser cette pauvre femme qui n’avait rien fait de mal, mais aux grands maux les grands remèdes et la domestique, après avoir pâlit, s’inclina et laissa Hatsu seule dans le salon situé au rez-de-chaussée. La jeune femme attendit que les pas s’éloignent et se leva, sortant discrètement avant de faire le repérage demandé par Volh. Elle nota chaque pièce et leur emplacement sur un morceau de papier qu’elle cachait au moindre bruit, veillant à rester le plus discrète possible. Elle avait l’habitude de cet exercice en forêt, mais dans une maison, c’était une autre paire de manche.

(Facile. Chasseresse silencieuse. Humains trop bruyants pour entendre.)

(Encore faut-il que le parquet ne se mette par à craquer.)

Mais fort heureusement, la maison était bien entretenue et pas la moindre latte n’émit de bruit tandis qu’elle se déplaçait entre les pièces, tendant l’oreille pour percevoir un éventuel arrivant. Elle nota la présence d’appartements au rez-de-chaussée, une grande pièce qui servirait probablement pour la réception, un bureau qu’elle imagina être celui de Talabre ou de son père, quelques pièces annexe sans grand intérêt bien que très bien décorées. Restait l’étage qui fit hésiter la jeune femme. Et si les Yamada étaient là-haut ? Elle de décida finalement, ne voulant pas donner une moitié d’information à Volh lorsqu’il viendrait lui demander ce qu’elle avait trouvé. L’escalier ne fit pas plus de bruit que le reste du sol. L’étage était tout aussi désert que le rez-de-chaussée, à croire que personne n’habitait là en journée. Hatsu commença son exploration, notant la présence de plusieurs chambres, d’une salle d’eau d’une taille plus que convenable et une grande pièce à vivre ressemblant quelque peu au salon que sa famille possédait. Hatus explora l’intégralité de l’étage, tendant l’oreille au moindre bruit. Elle nota toutes ces informations et cacha le parchemin là où personne n’irait le chercher sans devenir aussitôt une cible pour ses flèches.

Restait maintenant à trouver la réponse à la deuxième demande de Volh. Comment trouver un coffret où toute autre chose qui pouvait valoir quelque chose aux yeux de Talabre ? Elle se demanda même l’intérêt d’une telle chose pour Volh, mais elle se mit néanmoins à la recherche de quelque chose de similaire. Elle veilla à ne rien toucher, se contentant d’ouvrir les tiroirs, commodes et autres placards en veillant à ne rien toucher. Rien ne ressemblait à la description de ce que Volh avait en tête, aussi la jeune femme redescendit au rez-de-chaussée bredouille. Elle n’avait aucune idée de ce que Volh pouvait bien vouloir, aussi continua-t-elle sa recherche avant d’entendre des voix, dont une en particulier lui donna aussitôt une envie de fuir.

- Où est-elle à présent ?

- Elle devrait être là monsieur, je ne sais pas où elle a pu partir.

Il était de retour, elle devait justifier qu’elle n’était plus dans la pièce. Inspirant profondément, elle se dirigea vers les voix qui montaient peu à peu et ouvrit la porte de la pièce, faisant taire les deux interlocuteurs. La jeune servante semblait sur le point de fondre en larme et Talabre semblait quelque peu énervé. L’air de rien, la jeune femme entra dans la pièce et se réinstalla près de la boîte qu’elle avait laissée sur place, avant de lever son regard vers Talabre, toujours debout.

- Un problème ?

- Où étais-tu passée ?

- Là où l’intimité est précieuse. J’ai mis un peu de temps à trouver. Inutile de terroriser cette pauvre femme, c'est moi qui lui ai demandé de me laisser seule.

Hypocrite de sa part alors qu’elle avait fait exactement la même chose peu avant, mais ça elle n’allait pas le lui dire. Haussant un sourcil, Talabre congédia sans délicatesse la jeune servante qui s’inclina et fila plus vite que le vent, trop heureuse d’échapper à ces deux-là. Talabre s’assit alors en face d’Hatsu qui lui tendit la boîte qu’il prit avec un air interrogateur.

- Les coupes rituelles. Elles sont dans ma famille depuis des générations et sont importantes pour la cérémonie. C’est normalement au prétendant de les conserver, donc je suis venue vous les remettre.

Talabre ouvrit la boîte et examina attentivement les trois pièces de porcelaines ouvragées avec une forme curieuse.

- C’est une… tête de loup ?

- Bien sûr. C’est le symbole de ma famille après tout. Elles sont très fragiles cependant, si vous avez un endroit sûr où les ranger, un coffre ou autre, ce serait parfait.

- Je vois que vous faites cela dans les règles.

- Evidemment ! Notre réputation n’est plus à faire mais elle peut être défaite, et je refuse que cela se passe avec moi. Avez-vous un endroit sûr où les ranger, oui ou non ?

- Oui, bien sûr.

- Montrez-moi.
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Re: Les Habitations

Message par Hatsu Ôkami » dim. 26 mai 2019 03:04

Elle suivit Talabre qui, malgré une hésitation bien visible, capitula face à l’intransigeance de la jeune femme. S’il voulait ce mariage, il devait accepter ses règles et ne pas faire qu’imposer les siennes. Pour ne pas énerver sa promise ou simplement parce qu’il voulait éviter un conflit pour une raison aussi triviale, il la conduisit dans le bureau qu’Hatsu avait aperçu un peu plus tôt et qu’elle n’avait pas eu le temps de fouiller. Là, il ouvrit un tiroir et manipula quelque chose qu’Hatsu ne put voir, finissant par sortir une clé qu’il utilisa pour ouvrir un coffret caché dans le mur, faisant hausser les sourcils de la jeune femme. Elle n’en vit pas le contenu, mais nota l’information dans sa tête.

- Satisfaite ?

- Cela devrait être suffisant. Etonnant que vous ayez un tel dispositif.

- Je suis sûr que ta famille cache aussi ses petits secrets quelque part.

La jeune femme haussa les épaules d’un air indifférent, notant néanmoins le léger changement de ton de Talabre. Touchait-elle quelque chose qui pourrait expliquer le soudain intérêt des Yamada pour sa famille, hormis sa gloire passée et sa richesse ? Elle allait s’intéresser à cela également, elle n’aimait guère ce que cela pouvait impliquer, le fait qu’elle ne sache pas ce qui pouvait l’intéresser étant le premier problème. Elle détestait être dans une telle ignorance. Elle laissa Talabre la raccompagner à la pièce où elle l’avait attendu et où la jeune servante les attendait, un plateau contenant du thé et quelques friandises à la main, qu’elle proposa aux futurs époux. Hatsu n’avait guère envie de s’éterniser ici, mais elle devait jouer son rôle et accepta avec un sourire le thé que lui donna la jeune domestique, dans une vaine tentative de la rassurer. Talabre fit de même, le sourire absent, et ils furent laissés seuls, pour le plus grand désespoir de la jeune archère qui décida de vider rapidement sa tasse pour mettre fin au plus vite à cette entrevue imprévue. Une exclamation et un juron étouffé plus tard, elle regretta déjà d’avoir accepté un thé aussi brûlant. Le sourire amusé qui s’afficha sur le visage de Talabre acheva d’agacer la jeune femme qui reposa la tasse brûlante sur la table basse.

- Je voudrais savoir, Talabre. Pourquoi moi, ma famille ? Il y en a d’autres plus puissantes, plus riches, plus connues.

Sirotant son thé, le capitaine leva des yeux vides d’expression vers la jeune femme. Hatsu perçut clairement qu’il cachait quelque chose, ce genre de masque, elle savait aussi se l’appliquer lorsqu’il le fallait. Tout cela l’intriguait et l’angoissait en même temps.

- Tu dévalorises ta famille Hatsu. Et qui te dis que c’est pour la renommée de ta famille que j’ai voulu ce mariage ?

- Parce qu’un homme respectable aurait tenté une approche bien plus appropriée.

- Peut-être que cela ne fonctionnait pas et que j’ai perdu patience.

- Et peut-être que je n’aime pas être prise pour une imbécile. N’allez pas me faire croire que c’est l’amour qui vous a poussé à de telles extrémités.

Un léger sourire apparut sur le visage du capitaine. Un sourire qui n’avait rien de joyeux, surprenant la jeune femme par la légère tristesse qui s’en émanait.

- Tu es naïve, Hatsu, jeune et naïve.

Elle n’aimait pas qu’il parle ainsi, avec ce ton qui lui ferait presque s’apitoyer sur son sort. Elle ne tomberait pas dans le piège, jamais elle ne s’abaisserait à cela. Elle souffla sur son thé et, constatant qu’il était enfin buvable, elle le vida d’une traite avant de se lever.

- Tu nous quittes déjà ?

- J’ai à faire. Contrairement à ce que les gens peuvent penser, je ne suis pas du genre à rester à ne rien faire en étant d’une oisiveté crasse. Si vous voulez bien m’excuser.

Et sans plus de cérémonie, elle sortit de la pièce, ignorant le capitaine qui la suivit malgré tout jusqu’à la sortie. Elle se retourna néanmoins lorsqu’il l’appela, lui jetant un regard peu amène.

- Quel regard agressif et sauvage ! Tu me hais tant que ça ?

- Si je n’étais pas si attachée aux valeurs que vous vous plaisez à bafouer et à ma famille que je cherche à protéger, vous seriez mort, Talabre. Cela répond-il à votre stupide question ?

Et sur ces propos qui eurent l’air d’ébranler quelque peu l’assurance du capitaine, elle sortit de la bâtisse sans un regard en arrière. Remontant la rue d’un pas ferme, elle ressassait les paroles quelque peu étranges de Talabre et maudissait le capitaine qui cherchait à se jouer d’elle ainsi. Elle rentra chez elle et s’enferma dans sa chambre, vidant le bureau en posant pêle-mêle tout ce qu’il contenait d’ouvrages et de parchemins, et s’occupa l’esprit en faisant un plan de la demeure des Yamada. Ce serait sans doute plus efficace que seulement expliquer ce qu’elle avait vu à Volh. Elle était cependant hésitante à lui faire signe de venir, elle n’avait pas vraiment trouvé la chose qui tenait tant à Talabre, tout au plus le coffret dissimulé pouvait l’intéresser, et elle n’en était même pas certaine. Elle décida de finalement poser le lotus sur la fenêtre. Le temps ne jouait pas en leur faveur, mieux valait qu’ils soient prêts le plus tôt possible. Elle rassembla tout ce qu’elle avait à lui remettre et occupa le reste de sa journée dans la bibliothèque, fuyant sa mère qui ne cessait de lui demander si elle était d’accord pour telle ou telle chose concernant le mariage. Elle n’osait dire à sa mère qu’elle faisait tout cela en vain, puisqu’elle espérait bien que cette cérémonie serait un fiasco total.

Lorsque le soleil ne fut plus qu’une fine bande de lumière à l’horizon, Hatsu alluma deux bougies dans sa chambre et s’installa par terre, le dos contre son lit, afin d’être sûre et certaine de ne pas s’y endormir. Elle avait enfilée le même kimono rouge, mais l’avait soigneusement ceinturé cette fois. Elle décida de patienter quelque temps, étudiant comme à son habitude un ouvrage en oubliant son environnement proche, totalement absorbée par les pages noircies et les caractères qui défilaient sur les pages et sous ses yeux. Elle passa ainsi une partie de la soirée, puis de la nuit et, absorbée par ce qu’elle lisait, n’entendit pas la fenêtre s’ouvrir doucement tandis qu’une ombre se glissait à pas feutrés dans la chambre.
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Re: Les Habitations

Message par Vohl Del'Yant » jeu. 30 mai 2019 01:10

Le jeune homme poursuit sa route, troublé autant par la rencontre qu'il vient de faire que celle à venir. Hïo avait bien sûr fait mention que son ami était environ du même âge que lui, mais Vohl n'avait pas vraiment enregistré cette information.Sa jeunesse l'avait surpris, et outre le fait que le tableau du jeune homme ait été un peu embelli, le mercenaire se réjouit que Cherock soit fidèle aux mêmes idéaux que lui : il vient de gagner un précieux allié dans cette aventure.

Il progresse rapidement dans les ruelles, ne s'arrêtant que pour se cacher des patrouilles de milice, dont il croise par deux fois le chemin avant d'arriver aux quartiers nobles de la ville. Il reconnaît rapidement le quartier, mais ses souvenirs peinent à localiser la demeure des Ôkamis dans cette zone. Sa vie de vagabond n'a duré que deux ans et cela n'aurait pas suffi à effacer de sa mémoire l'organisation du quartier, mais son service dans l'armée oranienne fait qu'il n'a plus emprunté l'itinéraire de façon familière depuis plus de huit ans. Son monde n'est plus guère celui des rues, et il se guide autant grâce à son sens de l'orientation qu'avec ses souvenirs.

Le beau quartier est vide et les signes de présences se réduisent aux flammes vacillantes des torches qui se consument, pendant que le va et vient des domestiques envoient leurs ombres dansantes sur les murs et les fenêtres des nobles demeures. Dans l'air glacé du soir, le mercenaire contemple les silhouettes de ces acharnés du travail qui continuent de s'affairer. Bien que sa famille soit également noble, l'importance relativement restreinte de cette dernière ne leur permettait pas d'employer autant de domestiques que celles des Ôkamis. Mais la taille de sa maison d'enfance était aussi plus modeste et de ce fait, leur besoin moindre. Lorsqu'il arrive en vue du manoir de la famille de Hatsu, il affecte d'avoir un objectif plus lointain, comme s'il longeait cette maison de la même façon qu'il aurait longé n'importe quelle bâtisse.

Les grilles en fer forgé de l'entrée laissent rapidement la place à un mur de torchis, limitant le style peu conventionnel du fer à l'entrée. Les ouvertures ynoriennes vers les cours intérieures ne sont en général pas grillagées, ni même fermées d'un portique. Vohl se demande d'où est venu cette influence qui a convaincu la famille Ôkami de céder à cette excentricité. Les entrées gardées sont celles des sanctuaires et des lieux de pouvoir. La famille de son amante n'étant ni l'une, ni à proprement parler l'autre, il est d'autant plus perturbant de voir une telle protection. Le style de ce porche, plus récent que le reste de la maison, montre de plus que cette décision n'a pas été prise de façon esthétique - ou en tout cas, pas uniquement. S'il noté ces détails sur le pourtour de la maison, il détache son attention du parapet une fois arrivé au niveau de la fenêtre de Hatsu. Le coin blanc d'une fleur dépasse du rebord de la fenêtre, sans aucun doute, celui d'un lotus de blanc et de pourpre. Ayant fait le tour de la maison, il décide d'aborder la maison par un autre angle que celui par lequel il s'était élancé la dernière fois. Cela nécessitera plus de gymnastique que prévu, mais à emprunter le même chemin, on risque des erreurs d'inattention et surtout, on laisse la possibilité de se faire surprendre.

Il franchit sans difficulté le muret, et saute du muret pour se recevoir sans un bruit sur le toit de tuiles sombres. Il se déplace à l'abri du toit du premier étage, diminuant le risque qu'il se découpe sur le ciel nocturne et permette ainsi à des spectateurs de le remarquer. Il guette les signes de présence : une voix, un mouvement des domestiques, une injonction,... Il ne détecte rien de cela en arrivant au niveau de la fenêtre au lotus. Comme la fois précédente, il pousse la fenêtre vers l'intérieur, ce qui a pour effet de la faire pivoter. En silence, il entre par la fenêtre.

Deux lueurs l'accueillent par un léger tremblement. Au fond de la pièce, la jeune femme l'attend, faisant battre son cœur plus vite. Elle s'est placée dos au mur, en face de la fenêtre, et parcourt avidement le contenu d'un manuscrit dont Vohl ne parvient pas à lire le titre. La jeune femme est encore vêtue de son court kimono rouge, bien qu'elle ait cette fois veillé à ce qu'il ne dévoile que ce qu'elle souhaite de ses charmes. Vohl en profite pour détailler une nouvelle fois la lectrice. Les joues légèrement poudrées, la bouche réhaussée d'un cosmétique qui transforme le doux appel de ses lèvres en une furieuse envie de l'embrasser. Vohl se contrôle et s'approche doucement, afin de ne pas surprendre encore la jeune femme qui ne l'a pas remarqué pendant qu'il entrait dans la pièce. Finalement, elle note sa présence lorsqu'il entre dans le cercle des lueurs des bougies.

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Re: Les Habitations

Message par Hatsu Ôkami » jeu. 30 mai 2019 16:01

Captivée par la lecture de l’ouvrage qu’elle tenait entre les mains, Hatsu mit quelques instants à se rendre compte du léger courant d’air qui s’était insinué dans la pièce. L’ombre qui apparut lorsque quelqu’un pénétra dans le cercle de lumière formé par les bougies lui fit soudainement relever la tête. Un sourire s’étala bien vite sur son visage tandis que son cœur commençait aussi à battre plus fort dès qu’elle vit le visage du jeune homme qui était entré dans sa chambre. Sans mot dire, elle se leva souplement après avoir posé le livre au sol et approcha du jeune homme pour l’enlacer doucement, déposant un chaste baiser sur ses lèvres, notant le début de barbe qui apparaissait sur son menton et ses joues.

- Bonsoir Volh.

Le courant d’air lui effleura les bras nus et elle décala sa tête pour observer la fenêtre avant de sourire d’un air amusé, plongeant ses prunelles sombres dans celles du jeune homme qui semblaient plus inquiètes que d’ordinaire tandis que ses gestes étaient moins tendres et plus crispés, la faisant froncer les sourcils et disparaître son sourire.

- J’espère que tu pourras bientôt passer par la porte, c’est moins romantique, mais tout de même plus pratique… Enfin, tu n’es pas venu pour ça.

Elle s’écarta de lui et l’invita à s’asseoir tandis qu’elle fouillait parmi les papiers qui parsemaient son bureau, en gardant trois dans une main et un quatrième dans l’autre avant de revenir vers Volh, s’asseyant à ses côtés tout en lui tendant les trois premiers, lui énumérant chacun d’eux.

- Le plan de la maison Yamada, j’ai pris la liberté d’en faire un plan sur deux feuilles, une par étage. Les pièces les plus intéressantes sont sans aucun doute les appartements de l’étage, la salle de réception et le bureau de Talabre au rez-de-chaussée. Tout est indiqué.

Elle tendit ensuite le croquis représentant son frère. Elle se demandait toujours à quoi cela pourrait bien lui servir mais elle contint ses questions. Elle lui faisait confiance et il avait assuré que la sécurité de son frère ne serait pas remise en cause par ses actions, cela lui suffisait.

- Voilà pour mon frère… et…il… enfin il t’as vu quitter ma chambre et il a posé des questions quelque peu embarrassantes. Je ne lui ai rien révélé, évidemment, mais je tenais à ce que tu le saches, parce que le connaissant, il va probablement remettre ça sur le tapis lorsque vous vous croiserez.

Elle lui envoya un rictus gênée, encore quelque peu perturbée par la façon dont son frère avait abordé le sujet avec elle, se jouant clairement d’elle. Elle passa ensuite à la dernière demande de Volh, avouant immédiatement ne pas être certaine de ce qu’elle avait trouvé, mais expliquant l’histoire de la clé cachée dans un tiroir et du coffret dissimulé dans le mur derrière un tableau. Elle n’était pas sûre que Volh recherchait ce genre de chose, mais elle n’allait pas fouiller Talabre pour découvrir ce qu’il cachait, il avait été suffisamment pénible de le supporter autant en si peu de temps, elle n’était pas très enjouée à l’idée de remettre ça une fois de plus et encore moins de trop s’approcher de lui. Elle n’avait d’ailleurs toujours pas digéré ses dernières paroles. Elle n’arrivait pas à savoir s’il avait dit ça pour justement la perturber ou s’il était totalement sincère. Cela ne changeait rien à sa résolution, mais elle trouvait ça étrange d’attiser ainsi la convoitise d’un homme qu’elle n’avait jamais vu avant que ne débute cette histoire. Elle garda ses pensées pour elle, laissant à Volh le temps de détailler chacun des parchemins et de mettre en place ses idées. Il semblait néanmoins satisfait, rangeant les feuilles dans son sac avec un soin tout particulier.

- Hum… j’ai aussi découvert quelque chose… enfin ça n’a rien à voir avec notre problème actuel mais… enfin tu me diras ce que tu en penses.

Elle lui expliqua rapidement l’affaire de la lettre de l’archiviste, les miroirs jumeaux et l’histoire les entourant, concluant sur le fait que cela pourrait leur être utile, surtout avec ce qu’elle lui avait promis, son aide en toutes circonstances. Volh écouta avec un intérêt certain s'effondrant presque sur une chaise en lisant le parchemin. Il la serra dans ses bras, mais elle sentit qu'il était tendu. La seul fois où elle l’avait vu ainsi, c’était à leur rencontre, quand la situation était dangereuse pour eux deux et elle n’aimait pas qu’il soit si anxieux. Elle approcha sa main de sa joue et la caressa tendrement.

- Volh… dis-moi ce qui ne va pas. Je vois bien que quelque chose te tracasse, plus encore que la dernière fois. Quelque chose est arrivé ?

Elle parlait d’une voix douce, essayant de l’inciter à lui raconter. Elle n’allait nullement le forcer, mais le vois angoisser ainsi ne la mettait guère en confiance pour la suite, et mieux valait qu’il soit concentré sur ce qu’il voulait faire plutôt que sur les risques. Elle se releva et partit fouiller dans sa table de chevet, sortant quelques objets en pestant silencieusement, avant de trouver ce qu’elle voulait. Elle revint vers Volh et lui tendit un petit objet en tissu. Carré et de couleur rouge et doré, il y avait de petits caractères brodés dessus et une petite corde permettait de le porter autour du cou.

- Un charme porte bonheur. D’habitude je le garde ici pour protéger la maison mais… tiens. Je veux que tu l’ais avec toi. Et c’est non-négociable.

Elle déposa un léger baiser sur son front et jeta un œil dehors, la lune parfaitement visible éclairant d’une lumière blafarde les environs, revenant ensuite sur le visage de son aimé.

- Tu repars ?
Modifié en dernier par Hatsu Ôkami le ven. 21 juin 2019 10:17, modifié 1 fois.
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Re: Les Habitations

Message par Vohl Del'Yant » jeu. 6 juin 2019 23:12

"Bonsoir Volh."

Deux mots. Deux mots qui le font frémir lorsque se lèvent vers lui les yeux de la jeune femme qui se redresse. La silhouette profilée s'avance dans le champ de lumière créé par les bougies, faisant progresser une ombre tremblante dans la pièce jusqu'à ce qu'elle se joigne à la sienne. Hatsu s'approche de son amant d'une démarche souple et glissante. La jeune femme porte la même tenue que la veille, cette fois-ci parfaitement ajustée. La tenue rouge relève la pâleur de son teint... jusqu'à ses joues qui même poudrées ont légèrement rosi sous une confusion que Vohl sait être de la même nature que la sienne. Sa bouche fait écho à sa tenue, encore parée d'un maquillage carmin qui lui donne un air... à la fois tendre et prédateur. Le cœur du mercenaire bat plus fort lorsqu'elle dépose ses lèvres sur les siennes en un chaste salut. Il clôt les yeux, savourant le contact ténu sans demander davantage. La jeune femme s'écarte de lui avec un petit sourire, un frisson parcourant sa peau d'albâtre. A un autre moment, cette vision aurait fait naître le désir au creux de ses reins. Mais ce sentiment meurt dans l’œuf, étouffé par le stress du mariage qui approche. Son amante semble percevoir son trouble, et le sourire qui étirait les magnifiques lèvres de sang se flétrit en même temps que ses sourcils ne se rapprochent, semblables aux ailes des oiseaux de mauvais augure.

"J’espère que tu pourras bientôt passer par la porte, c’est moins romantique, mais tout de même plus pratique… Enfin, tu n’es pas venu pour ça."

Un sourire naît sur les lèvres de Vohl à l'évocation de cette perspective, et sans qu'il ne décoche un mot, il est reconnaissant à l'archère de percer son âme d'une nouvelle flèche. Il couve la jeune femme d'un regard doux, avant de hocher la tête. Le bon déroulement du plan doit d'abord se faire avant d'envisager toute autre chose. Hatsu s'écarte alors de lui en lui indiquant d'un geste le siège qu'il n'occupera pas avant de retourner à son bureau pour en tirer quatre parchemins. Au tour de Vohl de froncer les sourcils. Malgré la taille de la maison des Yamada, la liasse de parchemin lui semble bien épaisse pour un plan et un croquis. La jeune femme liste la nature des documents à mesure qu'elle les lui remet : le plan, sur deux feuilles, détaille la localisation des différentes pièces dans la demeure de leur ennemi. Au premier coup d'oeil, il observe l'agencement afin de mémoriser le plus de détails possible.

Le salon de réception, particulièrement grand, occupe la majorité du rez de chaussée. Ce dernier est complété par quelques pièces de rangement, une cuisine et plus important : le bureau privé de Talabre. Il note mentalement les positions relatives des pièces. Malgré le trait à main levée, le plan est rigoureux et convient parfaitement aux attentes de Vohl. Les ouvertures sont également indiquées par de petits chevrons sur les cloisons : la jeune femme n'a pas fait son travail à moitié ! On comprend toutefois que son coup de crayon lui vient moins d'ébauches architecturales que des dessins plus attractifs : Hatsu lui donne le troisième feuillet qui contient le portrait de son frère. Le visage de ce dernier est inconnu de Vohl : bien que le frère jumeau d'Hatsu soit dans les classes, sans doute est-il entré trop tard pour croiser le Del'Yant au cours de patrouilles. L'esquisse est remarquable et les traits du visage rendus avec précision et netteté. C'est amplement suffisant. Il détourne le regard de la feuille pour tomber sur le regard de la jeune femme. Elle a l'air interrogative, bien que retenant ses questions, comme elle l'avait déjà fait deux soirs plus tôt. Le mercenaire comprend instinctivement sur quoi porte son inquiétude, forcément liée au croquis qu'il tient.

"Tu n'auras rien à craindre pour lui. Tu devrais te soucier davantage de toi... parmi tous ceux qui seront présents, certains se feront un plaisir de te planter un couteau dans le dos. Il faudra être fine et perspicace, j'en ai bien peur, et il n'y aura plus de place prévue pour des affaires qui te perturberaient."

Lorsque Hatsu l'informe qu'il a été vu la dernière fois qu'il s'était envolé par les toits ynoriens. Vohl se maudit de n'avoir pas prêté une attention plus accrue à son départ... mais ce qui est fait est fait et il n'y a pas mort d'homme... Il hoche la tête, prenant connaissance du fait que le jeune homme pourrait éventuellement le reconnaître. Il repasse mentalement les différentes étapes du plan pour finalement conclure qu'il n'y a pas matière à s'inquiéter. Le jumeau ne représentera pas un obstacle au bon déroulement de la machination. La jeune femme a un petit rictus gêné : il tend la main vers sa joue.

"Ce n'est pas grave. Ton frère et toi êtes proches, ça se voit rien qu'à ton trait sur son portrait. Le moment venu, il apprendra à me connaître."

La jeune femme lui désigne ensuite un point sur le plan. C'est ici qu'est le bureau de Talabre, qui comprend un compartiment secret...et une clef que le capitaine ne manquera sans doute pas de garder sur lui. Il sent une tension dans ses paroles, sans arriver à en déterminer la raison. Il la regarde avec attention, parcourant son visage de son menton à ses yeux, passant par ses pommettes. Il en vient à douter de la réalité de ce qu'il a senti... Il lui laisse l'occasion de s'exprimer, mais l'archère semble peu pressée de partager son état d'esprit. Acquiesçant finalement, il range précautionneusement les feuillets dans son sac en les repassant en revue d'un air appréciateur. Il suspend son geste lorsque Hatsu reprend la parole en lui tendant un dernier feuillet.

"Hum… j’ai aussi découvert quelque chose… enfin ça n’a rien à voir avec notre problème actuel mais… enfin tu me diras ce que tu en penses."

Il saisit le parchemin, ses yeux accrochant directement l'auteur de la missive. La bibliothèque ? Le souvenir la nuit qu'il y ont passé lui revient en mémoire, et il ne doit qu'à la curiosité et au stress de ne pas sentir son désir se faire une place dans son esprit. Qu'a donc bien pu adresser l'archiviste à Hatsu qui soit susceptible de l'intéresser ? Son esprit se remplit en un instant des idées les plus folles, les plus délirantes, axées sur le point de mire de son esprit. Un passage secret ? Des registres particuliers ? Des détails sur la correspondance de Talabre ? Lorsqu'il parcourt le parchemin, il retient presque sa respiration. Puis il s'assoit. Tomber sur le siège qu'il a dédaigné jusqu'ici serait plus proche de la réalité. Vohl a les jambes coupées par l'émotion qui l'envahit tandis qu'il relève les yeux de la lettre pour les ficher dans les prunelles de la jeune femme. Il parcourt une nouvelle fois la missive.

Dame Ôkami,

D’aucun dirait que votre attitude est loin d’être raisonnable, mais, en tant que modeste gardien du savoir, il ne m’appartient pas de juger vos actes. Il m’est en revanche possible de remarquer les tourments qui viennent peser sur les frêles épaules du couple que vous cherchez à former et à protéger. Aussi, en remerciement pour tout ce que votre famille a fait pour notre noble institution et pour pouvoir de nouveau entendre le rire de la petite fille espiègle qui venait ici avec son père, je vais vous conter une légende qui sera, je pense, fort intéressante à vos yeux.

Il y a de cela des centaines d’années, à la fondation d’Oranan, un général de notre belle cité a voulu créer un outil capable d’espionner l’ennemi. Loin d’obtenir le résultat escompté, ce qui en sorti ne le satisfit en aucun cas. Le résultat était une paire de miroirs par lesquels il est possible de voir et d’entendre ce qu’il se passe de l’autre côté du second, peu importe la distance séparant les deux. Toutes traces de ces objets a disparu avec le général, mais un des créateurs, un mage, ne put s’empêcher de le mentionner dans ces mémoires, ravi du résultat qu’ils avaient obtenu et, étant tombé sur ce texte il y a de cela quelques années, je ne peux m’empêcher de vous en faire part, car je suis sûr que vous saurez en faire un usage approprié, bien que différent de l’idée originelle.
Si par chance cette histoire vous intéresse, venez me trouver à la bibliothèque et je vous renseignerai du mieux que je le peux.

Puisse Rana vous guider.

Votre dévoué serviteur.

Gurē Fukuro, archiviste de la bibliothèque d’Oranan


Hatsu le regarde avec attention. Les yeux humides, il se lève pour la prendre délicatement dans ses bras avant de la serrer contre son coeur. Contrairement aux précédentes étreintes qu'ils ont partagées, celle-ci ne compte qu'une mince part de sensualité. Hésitant quelque part entre l'amour qu'il porte à l'archère et sa gratitude pour ce qu'elle lui offre, il lui murmure ce qui le démange depuis des semaines et qu'il n'a accepté que depuis quelques jours.

"Ai."

Il tremble presque tant les émotions qui le parcourent sont intenses ; le stress se mêlant à l'empoignade de ses sentiments. Il s'écarte d'elle après avoir inspiré le parfum apaisant qu'elle dégage. Ce qu'elle lui offre est à la fois le symbole d'un lien qui ne peut être rompu, la compréhension que leurs routes divergeront pendant de longs mois avant de se retrouver. L'acceptation de ces contraintes, et malgré tout, la volonté de préserver ce lien. Il ravale l'émotion qui menace de le submerger. C'est aussi une lourde responsabilité qu'elle lui propose. Responsabilité qu'il est prêt à accepter, conclut-il, depuis plusieurs semaines, si ce n'est des mois. Et si ce qu'écrit l'archiviste a des fondements, la quête n'en restera pas moins ardue. Mais au fond de lui, il est prêt à faire ce chemin. Il le sait. Ses réflexions n'auront de poids que s'ils réussissent... dans maintenant deux jours.

"Volh… dis-moi ce qui ne va pas. Je vois bien que quelque chose te tracasse, plus encore que la dernière fois. Quelque chose est arrivé ?"
"Un... imprévu. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'autour de Talabre gravitent des personnalités que je n'aurais pas osé imaginer. Je ne peux que te dire cela : si un invité imprévu se montre, Hatsu... ne lutte pas. Même les chasseurs doivent savoir reconnaître quand la proie est trop grosse pour eux... Fuis si tu le dois. C'est hypothétique et si Rana nous laisse tourner la Roue, nous nous en sortirons facilement. Mais reste vigilante. Je ne veux pas te perdre."

Il se traite mentalement d'hypocrite. Il va droit devant un suicide si la moindre chose va de travers, il le sait pertinemment et il sait que Hatsu le pressent. La jeune amante interrompt la caresse de sa paume tendre contre sa joue qui commence à se parsemer d'une barbe qu'il devra raser d'ici peu, et s'avance vers le bureau avant de lui tendre un morceau de tissu que Vohl reconnait. Un charme porte bonheur, d'excellente facture.

"Un charme porte bonheur. D’habitude je le garde ici pour protéger la maison mais… tiens. Je veux que tu l’ais avec toi. Et c’est non-négociable."

Vohl se déride quelque peu devant cette tradition. Il sourit et s'incline un peu trop profondément devant la jeune femme, comme si elle était maîtresse de maison. C'est assurément sur autre chose qu'elle règne, et lorsqu'elle l'embrasse sur le front, comme un enfant, il se redresse.

"Il remplira son objectif, j'en suis certain !"

Après un sourire, la jeune femme regarde vers l'extérieur.

"Tu repars ?"

Il suit son regard. La lune, dans le ciel libre de tout nuage, est tel un phare dans les ténèbres. Il se rapproche d'elle pendant qu'elle a le regard tourné vers la fenêtre laissée ouverte, se serrant contre son dos en l'enveloppant de ses bras. Dans son déplacement, il en profite pour éteindre entre ses doigts la flamme de la bougie, plongeant la chambre dans l'obscurité.

"Il ne serait pas sage de se faire repérer. Ton frère pourrait avoir la prétention de me voir une nouvelle fois."

Il l'embrasse tendrement avant de se dissoudre dans l'obscurité.

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HRP : Combinaison - Dérobade + Ombre insaisissable + Silencieux

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Hatsu Ôkami
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Re: Les Habitations

Message par Hatsu Ôkami » lun. 17 juin 2019 23:32

Allongée dans son lit, Hatsu repensa à la courte visite de Volh. Il semblait plus que satisfait des informations qu’elle lui avait fourni. S’il avait paru surpris de la quantité de parchemins qu’elle avait à lui confier, il avait attentivement écouté ses explications et probablement déjà mis au point un plan en incorporant les divers éléments qu’elle lui avait transmis. Elle n’avait pu s’empêcher d’avoir l’air inquiète en tendant le croquis représentant Ryo, son jumeau. Evidemment, il l’avait perçu, il semblait lire en elle comme dans un livre ouvert dès qu’elle semblait angoissée ou curieuse. Pas un mal en soit, mais elle se demandait si elle était transparente uniquement avec lui, ou s’il fallait qu’elle arrive à mieux cacher ses émotions. Il l’avait néanmoins rassurée, affirmant de nouveau que son frère ne risquait rien, renouvelant plutôt ses mises en garde la concernant. Elle était une cible bien plus intéressante et susceptible d’intéresser selon lui. Elle avait déjà pris quelques dispositions, mais elle suivrait son conseil et ne ferais pas les choses à moitié. Elle comptait bien sortir de ce mariage en étant libre, célibataire, et vivante. Points non négociables dans son esprit.

La jeune femme sentait encore la douce caresse des doigts du jeune homme sur sa joue, lorsqu’il avait affirmé qu’être vu par son frère ne mettait pas en péril leur petit complot. Le simple fait qu’il évoque qu’ils puissent se rencontrer et apprendre à se connaître avait fait monter un sentiment d’impatience dans le cœur de la jeune femme. Impatience qui s’accrût lorsqu’elle l’avait vu ranger les différents parchemins, lui tendant finalement celui qui, pour elle, avait le plus de valeur. Volh l’avait pris avec une curiosité non dissimulée et, après une première lecture, s’était presque effondré sur le siège qu’il avait jusque-là refusé. Elle avait perçu son trouble, vu ses yeux s’humidifier avant qu’il ne se relève et ne l’enlace tendrement, faisant rater un battement au cœur de la jeune femme. Un seul mot fut prononcé et cela suffit à faire monter l’humidité dans les yeux de l’archère qui avait enfoui son visage contre lui, hochant la tête, trop émue pour émettre le moindre son. Peu importait le temps que cela prendrait, ils finiraient par se retrouver. C’était une promesse, nul besoin de plus de mots alors que les battements du cœur qu’elle sentait chez celui qu’elle aimait semblaient répondre aux siens.

Mais la réalité les rattrapa bien vite et elle avait senti le trouble gagner de nouveau le jeune homme. Elle s’en était inquiétée, avait osé questionner cette fois.

"Un... imprévu. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'autour de Talabre gravitent des personnalités que je n'aurais pas osé imaginer. Je ne peux que te dire cela : si un invité imprévu se montre, Hatsu... ne lutte pas. Même les chasseurs doivent savoir reconnaître quand la proie est trop grosse pour eux... Fuis si tu le dois. C'est hypothétique et si Rana nous laisse tourner la Roue, nous nous en sortirons facilement. Mais reste vigilante. Je ne veux pas te perdre."

Elle s’était crispée et écartée légèrement de lui, perturbée par le sérieux des traits que son visage avait pris. Elle avait hoché la tête, mais en son for intérieur, elle savait qu’elle ne fuirait pas, pas cette fois. Au moindre signe de danger pour lui ou sa famille, elle serait la première à agir, peu importe les risques. Mais elle garda cela pour elle et détourna le visage pour ne pas trop en dévoiler. Le charme porte-bonheur qu’elle gardait précieusement fut transmis à son amant qui s’inclina plus que nécessaire, lui permettant de l’embrasser sur le front, comme pour sceller le charme. Lorsqu’il l’enlaça, elle comprit qu’il ne resterait pas, et il la confirma dans ses hypothèses, éteignant la bougie avant de l’embrasser tendrement. Elle se perdit dans ce baiser avant de ne sentir qu’un simple courant d’air. Restée seule, elle avait ravalé les larmes qui menaçaient de s’échapper et de rouler sur ses joues. Elle avait peur. Pas pour elle, mais pour lui. Il prenait tellement de risques, il risquait tellement de choses pour elle, et jamais elle ne se pardonnerait si quelque chose devait lui arriver.

Allongée dans son lit, elle ne trouvait pas le sommeil en repensant à tout cela. Elle avait surtout en tête le regard dont Volh l’avait couvert. Il n’avait pas fait de gestes particulier, s’était retenu, mais son regard en disait long et la jeune femme rit nerveusement en imaginant ce que serait le futur lorsqu’ils seraient débarrassés de Talabre et de tous ces obstacles. Elle soupira. Elle devait déjà s’occuper du problème principal et faire en sorte que Volh s’en sorte avant de laver son honneur pour qu’il puisse à nouveau vivre la vie qu’on lui avait volée.
Modifié en dernier par Hatsu Ôkami le ven. 21 juin 2019 10:21, modifié 6 fois.
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Re: Les Habitations

Message par Hatsu Ôkami » lun. 17 juin 2019 23:38

Akai Kon’yaku

Le grand jour était finalement arrivé et Hatsu était fébrile et impatiente. Impatiente devoir les plans de Talabre se faire déjouer par celui de Volh et de pouvoir enfin rendre à cet homme la monnaie de sa pièce. L’effervescence qui régnait dans la maison Ôkami était singulière et la jeune femme fit de son mieux pour esquiver sa mère et les domestiques qui voulaient s’occuper d’elle sitôt un orteil posé hors du lit. Elle savait qu’elle n’y échapperait pas, mais elle avait quelques petites choses à faire avant et s’éclipsa en silence. Scrutant les jardins alentours, elle aperçut l’objet de sa recherche et s’approcha du chef des gardes de la maison, un sourire avenant sur le visage. L’homme était un solide gaillard qui devait mesurer 6 pieds de haut au bas mot, avait des cheveux courts et le visage carré toujours impeccablement rasé à l’exception d’un bouc parfaitement taillé. Il vit la jeune femme approcher de lui et fronça les sourcils. Hatsu était toujours polie avec les gardes ou les domestiques, mais cela n’allait pas plus loin, aussi l’homme fut surpris de la voir se présenter devant lui.

- Chef Tanis.

- Damoiselle Ôkami… que me vaut le plaisir ? N’êtes-vous pas… occupée ?

La jeune femme sourit devant la prudence du mercenaire. Se voir appeler « Damoiselle » plutôt que « Dame » lui fit également plaisir. Elle comptait bien le rester pour le moment.

- Ne vous en faites pas, je serai prête à temps. J’aurai un service à vous demander. Un service qui doit rester entre nous.

Le mercenaire haussa un sourcil intrigué et se pencha vers la jeune femme après avoir opiné de la tête.

- Fort bien, je vais voir ce que je peux faire…

Il fut surpris lorsque l’archère lui remit son carquois, son arc, son brassard et un couteau. Il posa un regard étonné sur la jeune femme, l’interrogeant silencieusement.

- J’aimerais que vous ameniez ses effets lors de la réception, discrètement, et, si je vous le demande, que vous me les restituiez. Pouvez-vous faire cela ?

- Avec tout mon respect Damoiselle, je ne pense pas que vous ayez besoin de ceci à votre propre mariage.

- Je pense que si. J’ai eu vent de rumeurs inquiétantes et je tiens à mettre toutes mes chances de mon côté. Pouvez-vous faire cela ?

- Je peux. Mais vous êtes si peu confiante en nos capacités ?

Elle rassura le chef des gardes d’un sourire. Chacun des gardes présents lors de la cérémonie faisait partie de l’élite de la milice Ôkami. Elle doutait de beaucoup de choses dans ce mariage, mais certainement pas des compétences des gardes du corps de sa famille.

- Pas le moins du monde. Mais c’est parce que ce service vient avec un ordre. Si quelque chose arrive pendant la cérémonie, la réception ou sur le trajet, je veux que vous vous concentriez sur mes parents, et eux seulement, je m’occuperai de mon frère.

- Navré, mais je ne peux pas faire cela, je suis chargé de protéger votre famille au complet, pas uniquement…

- Je sais, mais je peux gérer ma propre sécurité et mon frère est un soldat. Mes parents sont les plus vulnérables. Chef Tanis, je ne vous demande pas d’abandonner votre mission, simplement de vous focaliser sur mes parents.

Elle voyait bien que le mercenaire n’était pas du tout d’accord avec sa demande et qu’il ne risquait pas d’abandonner un seul membre de sa famille. D’aussi loin qu’elle se souvenait, il avait toujours travaillé pour sa famille, comme simple garde puis en tant que chef de la petite troupe qui protégeait sa famille, avant même sa naissance à elle. L’honneur et la loyauté était deux valeurs fondamentales pour lui, et elle respectait cet homme pour cela. Mais ce n’était pas le moment pour cela.

- C’est un ordre, chef Tanis.

- Sauf votre respect, c’est votre père qui m’emploie, pas vous.

- Pas encore…

Le mercenaire fronça les sourcils devant la menace voilée de la jeune femme. Elle détestait faire cela, mais elle comptait bien obtenir gain de cause. Evidemment, dans son esprit, jamais elle ne renverrait le chef, il était compétent et loyal, jamais elle ne remettrait cela en doute.

- Je risque gros en vous obéissant.

- J’en ai conscience, c’est pourquoi j’ai préparé ceci.

Elle sortit un parchemin scellé qu’elle donna au mercenaire.

- Une lettre expliquant beaucoup de choses au cas où quelque chose m’arriverait et qui vous dédouane de toute responsabilité.

Vous semblez persuadée que quelque chose va se produire…

- Allez-vous accéder à ma requête ?

Le mercenaire soupira mais acquiesça, rangeant le parchemin dans sa besace tandis que la jeune femme s’inclinait avant de repartir. Elle désobéissait clairement à la demande de Volh, mais elle n’en avait cure. C’était sa vie, elle allait participer, que cela lui plaise ou non. Et s’il trouvait à redire, elle l’attendrait de pied ferme, elle n’était pas du genre à se laisser marcher dessus, éprise de l’homme en question ou non.
Modifié en dernier par Hatsu Ôkami le mar. 20 août 2019 20:23, modifié 1 fois.
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Re: Les Habitations

Message par Hatsu Ôkami » lun. 17 juin 2019 23:42

Une fois coiffée et, selon son ressenti, incarcérée dans sa tenue, Hatsu se présenta devant sa famille qui saluèrent la beauté de la tenue de la jeune femme qui grogna intérieurement, amusant Loup qui se moquait bien de l’attitude des humains et leur goût prononcé pour les apparats qu’il jugeait inutile, faisant sourire la jeune femme. Portant un kimono blanc sur lequel était brodé les armoiries familiale en argent, elle portait une coiffure complexe relevé, tenue par une broche d’or en forme de flèche, détail pour lequel elle avait longtemps insisté. Elle avait calmé la préparatrice qui comptait la recouvrir de maquillage, et s’en était sorti avec juste un peu de poudre et quelques fioritures pour ses yeux et ses lèvres, ce qui lui convenait très bien. Elle n’appréciait déjà pas d’aller à cette cérémonie, elle n’allait pas en plus s’étouffer avec des produits qu’elle ne mettait que très rarement. La famille sortit, escorter par les quatre gardes choisis par le chef Thanis qui attendait lui à la sortie de la propriété, vêtue d’une armure dans un pur style oranien, bien que modifiée pour être utilisé également en tant qu’armure d’apparat. Le trajet se fit à bord d’un véhicule pour éviter tout problème, ce dont Hatsu fut soulagé. Marcher sur les pavés avec cette tenue aurait relevé du parcours du combattant et elle n’avait pas vraiment envie d’être dévisagée par les badauds, c’était déjà suffisamment éprouvant comme ça.

Ils arrivèrent devant la demeure des Yamada et furent aussitôt encadrés par les miliciens de ces derniers. Hatsu ressentit une certaine tension entre les gardes du corps de sa famille et les hommes des Yamada. Elle aperçut le regard dédaigneux que le chef Thanis jeta à l’un des miliciens Yamada et cela la fit sourire. Si même les soldats ne pouvaient pas s’entendre, ce mariage était sérieusement compromis, ce qui n’était pas pour lui déplaire. Ils furent escortés à l’intérieur de la demeure où Talabre et ses parents les accueillirent sur le seuil. Des banalités furent échangées et Talabre s’approcha de sa promise qui le fixait d’un air revêche, le faisant sourire. Il s’incline respectueusement, et prit sa main, déposant un léger baiser sur le dos de celle-ci.

- Tu es ravissante. Je vais devoir faire attention à ce que personne n’ait des vues sur toi…

Elle n’aimait pas du ton le ton qu’il employait, mais elle ne laissa rien paraître et le détailla. Lui aussi portait un costume traditionnel, blanc également, rehaussé de fils d’or et d’argent, portant un sabre d’apparat à le ceinture et une coiffure typique, simple et ornée d’un peigne d’argent. Objectivement, elle le trouva impressionnant et pouvait comprendre qu’on le trouve séduisant. Subjectivement, elle le haïssait tellement qu’elle ne pouvait que trouver tout cela fort convenu et pas du tout séduisant. Loup s’amusa de ses réactions mentales mais n’ajouta rien. Suivit des deux familles, les futurs maries se dirigèrent vers la salle de réception, Talabre tenant toujours la main de la jeune femme qui, même si elle aurait préféré couper court à ce contact, fit de son mieux pour garder les apparences et se laissa conduire. Lorsque les portes s’ouvrirent sur la salle de réception et les invités, la jeune femme eut une folle envie de fuir, de tout abandonner et de quitter cet endroit aussitôt. La salle avait été aménagée pour contenir tous les invités en plus des longues tables sur lesquelles se tenaient les buffets. Il devait y avoir une trentaine de personnes présentes, en plus des deux familles et des gardes qui veillaient aux quatre coins de la pièce. La jeune femme se figea, ses mains tremblant légèrement.

(Je peux pas…)

Elle faillit tourner les talons, mais la main de Talabre serra soudainement la sienne, la faisant grimacer sous la légère douleur. Elle tourna les yeux vers lui et, sous son calme apparent, elle le vit jeter un regard en arrière, là où elle savait que sa famille se trouvait. Elle crispa la mâchoire et déglutit avant de continuer d’avancer pour rester à la hauteur de Talabre. Ils traversèrent la pièce, passant au milieu des convives qui avaient laissé un chemin au centre, avant de s’agenouiller chacun sur un coussin qui faisait face à la salle entière. Et l’interminable cortège des félicitations et autres mondanités commença. Hatsu souriait, remerciait du mieux qu’elle pouvait, essayant de faire bonne figure en plantant ses ongles dans la paume de sa main gauche pour ne pas tout simplement tout laisser tomber et donner à Talabre ce qu’il méritait. Elle salua Onoda qui était venu comme prévu et le regard qu’il lui lança, charge d’appréhension, l’angoissa plus qu’il n’aurait dû. Lorsque ce fut le tour du conseiller Gale, l’échange fut pour le moins étrange. Il scruta la jeune femme et fronça les sourcils, marmonnant quelques mots qui effacèrent aussitôt le faux sourire qu’elle affichait, avant qu’il ne s’éloigne de nouveau.

(Humain malin…)

(C’est son monocle… enfin j’imagine qu’il n’était pas dupe de toute façon. Ça ne va pas arranger nos affaires s’il soupçonne quelque chose.)

Mais personne d’autre ne sembla faire le moindre commentaire, tous semblait, en apparence du moins, ravis de tout ceci. Hatsu commençait à avoir les genoux engourdis à force de rester agenouillée, lorsqu’une voix criarde s’éleva, plus haut que le reste des voix des convives et la jeune femme tourna la tête avant de soupirer. Talabre, visiblement surpris, tourna la tête vers sa promise.

- Qui est-ce ?

- Ma chère cousine, la merveilleuse Shôri…j’aurais dû la rayer de la liste…

La remarque sembla amuser Talabre alors que la jeune archère soupirait de nouveau en voyan approcher une femme légèrement plus vieille donc la robe outrageuse n’avait rien à faire dans ce genre de réception. Hatsu n’aimait pas SHôri, trop maniérée trop maquillée, trop occupée à se goinfrer et à parler mondanité. Elle la trouvait cruche et superficielle, la parfaite fille de noble imbue d’elle-même qu’elle avait juré de ne pas devenir en la voyant elle.

- Hatssuuuuuuuuuuuu. Félicitations ! quel bel homme en plus, quelle chance tu as. Je suis ravie de voir que tu as fini par être raisonnable.

La jeune femme résista à l’envie de lui planter sa broche dans l’œil, offrant plutôt un sourire crispé en retour.

(Quelle chance oui, je te laisse la place quand tu veux.)

- Ravie de te voir Shôri. J’espère que tu apprécieras cette réception.

- Je n’en doute pas, il y a tout ce que j’aime ici, du beau monde et de la bonne nourriture. Et où est … oh, je vais aller saluer ton cher frère. On se voit plus tard. Ravie d’avoir fait votre connaissance sieur Yamada. Cette tenue vous va à ravir, vous êtes très séduisant.

Elle partir comme une tornade sauter sur Ryo qui, ayant entendu sa voix, avait pourtant fait de son mieux pour être parfaitement invisible, caché parmi d’autre convives. Hatsu eut un sourire moquer en voyant le visage de son frère se décomposer lorsque Shôri lui attrapa le bras et commença à l’inonder de ses paroles. Talabre mit un peu de temps avant de finalement ouvrir la bouche et de parler de ce qu’il venait de se produire.

- Une jeune femme très… dynamique.

La remarque tira un rictus amusé à Hatsu, mais elle n’ajouta rien. Pour elle, Shôri était une peste, mais elle pouvait facilement, et à elle seule, annuler ce mariage avec son comportement. Hatsu espérait seulement qu’elle attendrait que Volh passe à l’action avant de faire ce pour quoi elle était douée, à savoir ruiner les cérémonies des autres.

- C’est le mot oui… dynamique.
Modifié en dernier par Hatsu Ôkami le mar. 20 août 2019 20:24, modifié 1 fois.
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Re: Les Habitations

Message par Akihito » lun. 22 juil. 2019 13:43

Dans le chapitre précédent...

Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre

Chapitre XVI.2 : Visite Nocturne.

Lorsque Kage entra dans la pièce, il vit Akihiko mais ne se dirigea curieusement pas vers lui. Au lieu de cela, il alla s’attabler dans un coin encore plus reculé que le sien. Akihiko grommela : il avait choisi sa table exprès pour être suffisamment à l’écart des autres clients sans pour autant paraître trop suspect, à se cacher comme des conspirationnistes. Il se leva néanmoins et rejoignit son acolyte, qui l’accueillit d’un franc « Cher cousin ! ».
Un instant déstabilisé, Akihiko se reprit vite et lui retourna son salut, rentrant dans le jeu de rôle qu’il a composé. La suite de la discussion tourna autour de sujets lambda, les récoltes, le temps, les employés incompétents. Le badinage se poursuivit quelque temps, tout en buvant lentement la choppe en face d’eux. Puis, sortant de son kimono de facture correcte un parchemin, le faux jeune noble dévoila les plans de sa « future maison ». Le fulguromancien comprit rapidement au regard appuyé de son compère que la maison en question est celle de Talabre, aussi y accorda-t-il une grande importance. Les plans étaient remarquablement précis : composée d’un rez-de-chaussée, d’une aile pour les serviteurs et d’un étage supérieur, chaque pièce était minutieusement détaillée. Le jeune homme accorda rapidement peu d’attention à l’aile annexe : une seule entrée, exiguë, très excentrée de la bâtisse principale. La seule raison pour laquelle il pourrait en avoir besoin, ce serait pour se cacher en ultime recours. Ce qui ne serait pas une bonne idée dans tout les cas, constat approuvé par Amy.
Faisant quelques « Mmmh », « Ah oui ? » et autres remarques pour meubler la conversation, il reporta son attention sur le bâtiment. De ce qu’il avait compris, ils passeraient et interviendraient par le toit. L’étage était composé d’un balcon lié à un petit séjour, donnant accès à deux chambres aussi grandes que la salle principale de sa propre maison.

(Respectable, pour des nobles en devenir.)

Son entrée se ferait donc par le balcon, plus pratique pour lui. La chambre principale donnait sur la cage d’escalier et était reliée par une salle de bain disposant du nécessaire pour faire sa toilette. Un chemin alternatif en somme, qui pouvait avoir son intérêt. Les escaliers descendaient sur un grand couloir autour duquel s’articulaient toutes les pièces : la cuisine, une salle d’art, un bureau, la salle dans laquelle aurait lieu la réception et tout au bout, un vestibule donnant sur la rue. Le bureau ne représentait aucun intérêt pour sa mission de même que la galerie d’art, toutes deux des culs de sac. La cuisine pouvait être un axe de fuite intéressant, avec de quoi gêner les poursuivants en reversant quelques objets sur son passage. Il y aurait sûrement quelques cuisiniers, mais ils seraient facilement dispersables selon Akihiko. Le vestibule était pour sa part hors de question : en sa qualité d’entrée principale, elle serait forcément gardée.
Il voyait donc deux scénarios : soit une fois son otage avec lui, forcer le passage par la cuisine et s’enfuir, soit monter à l’étage et passer par le balcon… Mais emporter l’otage le ralentirait et le forcer à descendre une corde à nœuds n'allait pas être facile. D’autant que le balcon donnait sur la grande ouverture de la salle de réception sur l’extérieure… La fuite par le toit était donc inenvisageable pour le moment. Ces réflexions faites, le jeune homme entendit Kage se lever en soupirant, concluant leur entrevue.

« Enfin...je suppose que nous emprunterons, comme d'habitude. »

Continuant son petit manège, Akihiko lui emboîta le pas sur la sortie, sortant comme deux hommes tout ce qu’il y avait de plus banal selon lui. Leur attitude d’hommes passablement éméchés les aida à passer relativement inaperçu, se fondant dans le décor de la taverne. Sortant de l’auberge en titubant presque, ils reprirent une marche vive et énergique une fois dans la rue. Le conduisant dans les quartiers riches de la ville qu’il n’avait que peu fréquenté, Kage le mena jusqu’au lieu dont ils avaient tant parlé une dizaine de minutes auparavant : la maison de Talabre. Des murs en torchis l’entouraient et étaient étonnamment proches de la maison elle-même, faisant revoir son approche à Akihiko : les plans n’indiquaient pas cette proximité avec les murs d’enceinte : fuir par le toit devenait viable, et par la cuisine impossible. A moins de pouvoir défoncer un des murs entourant la maison (ce dont il était incapable), il devrait passer par la porte principale.

(Et elle sera verrouillée dès le moment où tu commenceras à te donner en spectacle avec tes éclairs.)

(Tout juste.)

Il pouvait et devait donc passer le toit. Une fois dans les rues, s’enfuir. Il avait une petite idée dans la façon de procéder une fois-là, mais Kage le sortit de ses pensées en lui demandant ce qu’il en pensait, avant de se hisser habilement sur le mur, puis sur le toit. Une aisance qui laissa Akihiko admiratif, jusqu’à ce que le ninja lui indique d’un signe de la main qu’il pouvait le suivre. Agrippant la corde avec ses deux mains, Akihiko banda ses muscles et se hissa le plus silencieusement qu’il pouvait sur le mur. Bloquant ses prises sur la corde avec les nœuds, il put finalement s’accrocher au sommet du mur composé de tuiles en ardoise sombre. Faisant son possible pour que la cotte de maille fasse le moins de bruit possible, il ne fit cependant pas attention au manche de la Kizoku qui percuta une des tuiles. Il s’immobilisa dans son ascension, craignant d’avoir attirer l’attention des gardes. Un geste de Kage le rassura et il acheva de se hisser sur les trois mètres de mur avant de sauter sur le toit de la maison. Mais, peu habitué à évoluer sur des surfaces aussi peu stables, il perdit un instant l’équilibre mais fut rattraper à l’avant-bras par Kage. Il le remercia d’un silencieux hochement de tête avant de le suivre près d’une fenêtre. Se rappelant mentalement le schéma de l’étage, il estima qu’il s’agissait là de la chambre principale. Il attendit alors que ce dernier lui indique la suite des opérations.



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Re: Les Habitations

Message par Akihito » lun. 22 juil. 2019 13:56

Dans le chapitre précédent...

Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre

Chapitre XVI.3 : Visite Nocturne.

A peine Akihiko demandait d'un regard la suite des événements que Kage décrochait à nouveau son grappin. Il l'enroula, le raccrocha à sa ceinture avant de se diriger souplement vers le mur entre deux des fenêtres. Il se retourna pour demander s'il voulait prendre pour lui ses armes pour éviter tout bruit sur le toit, ce qui serait bien moins discret. Dans un secouement de tête, il refusa. Peut-être était-ce de la fierté mal placée, mais il tenait à ne pas répéter la même erreur et prouver à Kage qu'il était capable. La Kizoku Rana fut rangée dans un fourreau de tissu emprunté à son père qui y rangeait ses armes quand il n’en avait pas besoin. Le tissu d’un brun sombre disposait d’une sangle pour la porter dans le dos, ce qu’il fit, après avoir glissé son gantelet droit dedans également. Les deux armes rangées dans son dos ne le généraient donc pas pour grimper cette fois, en plus de montrer à son complice qu'il avait pensé à camoufler son arme, ce qu'il acquiesça d'un bref hochement de tête avant de regarder une des poutres soutenant le parapet. Là encore, il fit preuve d'une grande agilité pour grimper sur le toit supérieur, le tout dans une discrétion absolue. Se mouvoir et escalader dans le silence devait être une chose qu'il faisait souvent, ce qui posa encore une fois dans l'esprit du fulguromancien la question du passé de son acolyte. Était-ce un assassin professionnel ?

(Non. Je suis pas un expert pour détecter les mensonges, mais il avait l'air des plus sincères en voulant éviter le moins de sang possible.)

La silhouette de Kage disparu au delà du toit. Pendant plusieurs longues secondes, aucun son ni mouvement ne vint du haut du toit, l'ynorien sûrement en train de vérifier que les patrouilles de gardes n'étaient pas à proximité. Puis, la corde se déroula et tomba sous ses yeux. Ne perdant pas de temps, Akihiko l'agrippa et à la pure force de ses bras, se hissa le long de la corde. N'ayant jamais eu confiance en ses jambes pour grimper ou escalader quoi que ce soit, il ne s'en servait que pour se stabiliser et ne pas glisser en serrant le lin entrelacé avec ses cuisses et ses pieds. Cette ascension se déroula sans accroc et une fois arrivé en haut, il se hissa dans un dernier effort, haletant un peu tout de même.

Akihiko se figea en levant les yeux. Devant lui, une demi-douzaine d'enfants se tenaient accroupis sur le toit, le dévisageant avec curiosité. Il leur rendit ce regard, interdit. Voyant qu'une foule de questions se pressaient sur les lèvres du fulguromancien, Kage s'empressa de lui expliquer la situation en l'aidant à se remettre debout sur le toit.

"Akihiko, voici des enfants talentueux qui nous aideront autant qu'ils le peuvent sans courir de risque. Il est possible que nous croisions Yuzu, Koe et Natsu à plusieurs reprises : ils nous aideront à faire diversion quand on s'échappera... je pense qu'on en aura besoin. Toi, tu transportera probablement une charge lourde, et moi... Je ne serai peut-être pas en état de t'aider.

- Talentueux, c'est le mot... Leur présence ici suffit amplement à le démontrer. Je suis Akihiko, se présenta dans un murmure le jeune homme avant d'accepter le paquet de tissu que Kage lui tendit tout en poursuivant.

- J'attirerai Talabre à nous. Il faudra le neutraliser, le plus vite possible : et surtout, ne pas le laisser appeler ses mercenaires. Nous auront fort à faire après : le bonhomme possède une clef qui nous donnera accès aux documents que les Yamada ne souhaitent en aucun cas rendre public. Nous allons faire en sorte que ces documents privés ne le soient plus. C'est ensuite que la mission dont tu as la charge devra être réalisée. Voici un croquis de l'homme que tu dois enlever. C'est à ce moment là que nos routes se sépareront : prends la fuite, même si je ne suis pas là. Ton anonymat sera préservé : afin que tu puisses disparaître, les enfants te guideront vers une des grilles qui donne accès aux égouts.

- Mmmh... Donc neutraliser un capitaine de l'armée Ynorienne avant de faire le reste... j'imagine qu'il va falloir mettre le paquet."

Il prit le croquis de sa "cible" d'enlèvement : un jeune homme ynorien, plutôt beau garçon, aux cheveux courts et à la mâchoire carrée. Un grain de beauté au niveau de la tempe droite lui donna un bon indice pour ne pas se tromper : cela évitera d'enlever la mauvaise personne. Le tas de tissu s’avéra être une tenue intégralement noire pour préserver son anonymat. Déposant sans bruit ses armes sur le toit en ardoise, il enfila le tissu sombre et rugueux par dessus son propre équipement. Une capuche et un col recouvrant sa bouche et sa mâchoire assurèrent de cacher ses traits wiehlnois tant qu'on ne le détaillait pas trop du regard.

(Si tu balances ta magie à tout va, les invités auront autre chose à faire que scruter ton visage.)

Acquiesçant cette remarque pleine de bon sens, Akihiko termina son déguisement : une poignée de charbon récupérée dans l'âtre chez lui permit de rendre méconnaissable le Marteau de Valyus pour, encore une fois, les observateurs rendus moins attentifs par le déluge de foudre qu'il devait envoyer. Et de toute façon, son marteau n'était pas très connu en ville. La manchette et le badge du Tonnerre d'Omyre complétèrent sa tenue. S'étant lui aussi équipé, Kage approuva d'un hochement de tête sobre sa tenue, lui assurant qu'il n'était pas reconnaissable. Il ordonna ensuite aux enfants de se reposer, la journée qui suivait risquant d'être éprouvante pour eux. Ils obtempérèrent tous et se couchèrent à même les tuiles, leurs habits pour seule couverture. Les prenant en pitié, Akihiko détacha de ses épaules sa cape et le leur donna, ce qu'ils s'empressèrent de faire pour s'en recouvrir, les yeux emplis de reconnaissance. Souriant malgré lui devant ce spectacle si innocent, il s’allongea non loin d'eux, les yeux braqués sur le ciel nocturne empli d'étoiles. Le Voile de Rana et ses lueurs vertes avait quitté depuis longtemps la voûte céleste, mais la beauté de cette dernière ne cessait de l'émerveiller. S'étant bien reposé toute la journée, il n'avait pas besoin de dormir pour sa part et réfléchit à comment mieux se préparer à la journée de demain. Alors qu'il faisait jouer la magie sur le bout de ses doigts, provocant de petites étincelles à peine visible, une sensation bizarre l'envahit. Pour s'entraîner à la maîtrise de son sort Transfert Magique, il avait poussé plus loin sa compréhension des fluides en lui. Les fluides n'étaient plus quelque chose de mystérieux et d'étranger à son corps : petit à petit, il les avaient assimilé. Et il s'était rendu compte que son corps générait lui aussi de la Foudre. Tout les ordres que pouvait envoyer son cerveau semblaient se propager dans son corps, ses membres, par de petites impulsions de foudre. Mais la foudre ne s'arrêtait plus à ça : faisant désormais partie intégrante de son organisme, la foudre en lui semblait être une source d'énergie infinie, s'agglomérant autour des fluides plus purs et puissants. Akihiko se demandait s'il pouvait utiliser cette énergie inépuisable pour alimenter ses sorts lorsqu'un rayon de lune accrocha le pendentif en forme d'étoile que tripotait machinalement Kage, accroupi au bord du toit. Cela fit germer une idée dans l'esprit de Akihiko qui se releva et s'approcha silencieusement de son acolyte. D'une pression sur l'épaule, il lui signala vouloir s'entretenir avec lui, ce qu'il accepta et quitta un instant sa surveillance.

J'ai quelques idées pour nous aider et nous faciliter la tâche de demain. Déjà, je te rend la rune que j'ai pu identifier. Il s'agit de la rune Ydemu, ou "Ours". C'est donc une rune plutôt rare, une rune animal. Et même pour une rune animal, elle semble particulièrement puissante... Bref, ça pourrait t'être utile. Ensuite, même si je me doute de la réponse, tu ne maîtrises pas les fluides de foudre n'est-ce pas ? demanda le fulguromancien, ce que confirma Kage. C'est compliqué quand tu dois incarner un membre du Tonnerre d'Omyre. Mais j'ai la capacité d'incorporer à des objets suffisamment résistants certains sorts. Cela te permettra de les lancer à coup sûr et ainsi être plus crédible dans ton rôle, tout en améliorant ta force de frappe, même s'il ne sont utilisables qu'une unique fois. Je te propose donc d’enchâsser un ou deux sorts dans ton équipement, qu'en dis-tu ?"


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Vohl Del'Yant
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Re: Les Habitations

Message par Vohl Del'Yant » dim. 28 juil. 2019 02:31

A ses remarques, l'enchanteur acquiesce. La présence des enfants l'a surpris à tel point qu'il s'est figé lorsqu'il se hissait encore sur le toit : Vohl ne voit pas comment il aurait pu s'y préparer, quoi qu'il advienne. Il s'était davantage inquiété de la façon dont son acolyte accepterait la présence des enfants. Le voir réagir avec surprise et une demande d'explication implicite le rassure : l'approbation qui suit la présentation de ses jeunes amis achève de le convaincre que l'homme sait au devant de quel danger ils se présentent. C'est une bonne chose. La confiance excessive est source de bien plus d'erreurs que de succès. Cherock écoute avec attention le plan que Vohl lui dévoile.

"Mmmh... Donc neutraliser un capitaine de l'armée Ynorienne avant de faire le reste... j'imagine qu'il va falloir mettre le paquet."

Vohl opine.

"Et plus encore."

Après que l'enchanteur ait récupéré et étudié le portrait réalisé par la première née Ôkami, il se saisit de la tenue noire. Il déplie la tenue et enfile le tissu relativement moulant avant de s'enrouler dans l'habit plus ample et plus rugueux. Vohl le regarde s'inspecter de haut en bas, testant différents mouvements avant de réhausser le col et la capuche du vêtement, pendant que l'assassin lui-même revêt la même tenue. Initiative particulièrement appréciée par Vohl, l'enchanteur prend les devants sur le fait de préserver son anonymat : broyant quelque chose entre ses mains, il s'enduit le visage d'une matière qui reflète par myriade d'éclat les lueurs du ciel étoilé. Si les traits du voyageur semblent disparaître dans la pénombre, sa peau brille comme si un millier de petits miroirs discrets recouvraient sa peau.

(Du charbon de bois.)

Un matériau de basse valeur, mais en prenant soudainement dans ce genre de situations. Vohl s'interroge sur les implications de ce morceau de charbon. Il ne parvient pas à croire que son allié soit familier de ce genre de situation : il peut s'agir d'un achat récent, mais qui achèterait du charbon alors qu'il n'a nul brasero ou cheminée à nourrir ? Non. Il s'agit surement de charbon qu'il utilise normalement dans les camps de fortunes qu'un voyageur comme lui doit avoir l'habitude de construire. C'est une bonne idée qu'il tâchera de garder à l'esprit lors de ses propres voyageurs.

L'homme semble perdu également dans ses propres pensées car il acquiesce bientôt à une remarque fantôme. Vohl le laisse à ses pensées lorsqu'il a finit d'enfiler sa tenue. Il s'approche de la bordure du toit pour suivre du regard les chemins empruntés par les patrouilles de mercenaires dans la partie plus vaste du jardin, en prenant bien soin de ne pas laisser sa silhouette sombre se détacher sur le scintillement des étoiles. Il connaît la raison de ces patrouilles : en terrain connu et maîtrisé, une sentinelle en mouvement est toujours plus attentive qu'une sentinelle à l'affût. Talabre est évidemment loin de l'ignorer, et a sans doute imposé ces tours sans prendre le temps de définir les parcours lui-même... sans quoi ils auraient eu bien plus de difficultés à passer au travers des mailles du filet.

Il revient vers les enfants qui se sont déjà installés pour s'endormir à même le toit, assurés qu'il sera leur ange gardien cette nuit. C'est le moment que choisit Cherock pour s'approcher des enfants et leur donner la cape qui entourait ses épaules il y a quelques minutes. Une cape de bonne facture qui les préservera du froid dont ils n'oseront pas se plaindre, mais qui ne les en fait pas moins grelotter. Ils lancent à leur bienfaiteur un regard de reconnaissance silencieuse, conscient qu'ils ne doivent pas faire le moindre bruit, et s'en vêtissent ensemble pour partager leur chaleur. Un seul d'entre eux dédaigne la couverture : Natsu. Vohl est surpris, mais ne dit rien. Les traits du jeune garçon ne reflètent aucune peine liée au froid. A mieux y réfléchir, il est vrai qu'il ne l'a jamais vu partager le dortoir des égouts avec le reste du groupe... un jeune homme singulier... et sanguin, comme sa chevelure. L'assassin se joint aux regards de remerciement et de contentement de ses protégés en hochant la tête et en se rapprochant de Cherock d'un mouvement fluide.

Il inspecte la tenue : ample, elle camouflera ses traits, aucun doute, et sera aidée en cela par le charbon dont il s'est enduit. Une bonne chose, car il doit lui aussi penser à mettre toutes les chances de son côté. La tenue est de qualité suffisante pour qu'on puisse le penser appartenant à une caste particulière, et les insignes, brillants et argentés, ressortent avec force sur la tenue. Il s'intéresse au reste de l'équipement de son allié : il a fait subir le même traitement à ses armes légendaires qu'à son visage, les couvrant de charbon afin d'en ternir l'éclat. Une nouvelle riche idée. Deux jeunes hommes vertueux particulièrement intéressants sur un toit la veille d'une manœuvre politique honteuse. Leur intervention à ce mariage risque fort de faire ... des étincelles. Après avoir terminé son inspection, Vohl approuve d'un nouveau hochement de tête appréciateur avant d'effectuer des vérifications identiques sur sa propre personne. Les armes courtes sont cachées sous le tissu foncé, et l'insigne tout aussi marquant que celui de son acolyte, bien que tous deux soient usés. Il se revêt de son kimono familial avant de repartir pour une ronde, s'approchant à nouveau du rebord du toit. C'est cet habit qu'il doit porter au départ de leur action.

Une masure est cachée par les arbres, au fond du jardin et attire son attention. L'aile des serviteurs, sans aucun doute. Une zone à éviter : les serviteurs sont tenus soit par la peur soit par la fidélité : si quelque chose leur parvient, ils ne sauront pas tenir leur langue, ou du moins pas indéfiniment. Et ce sont eux qui connaissent le mieux la demeure. Vohl se fend d'un sourire sardonique. Il auront l'occasion d'apprendre à connaître des demeures où l'on prendra surement plus soin d'eux. Leur logement est étriqué de façon improbable au vu du nombre qu'ils doivent être pour servir les Yamada. Nulle doute qu'ils ne souffrent pas du froid... les nuits d'été doivent être un enfer dans cette maison sans fenêtres.

Il s'apprête à sortir de ses affaires le plan de la maison pour vérifier l'emplacement de chaque pièce et la disposition des escaliers et des vues ouvertes. Ils rentreront par la chambre des parents. Aucune chance qu'ils soient ici lorsque la réception aura débuté. Le plus compliqué sera indéniablement de passer dans le couloir du rez de chaussée pour s'introduire dans le bureau de Talabre, où il sera sans doute absent. Mais ils doivent récupérer la clef avant quoi que ce soit. La clef de l'espace précis que lui a indiqué son amante. Il doit être vu, et n'attirer l'attention que de Talabre. Sitôt qu'il le verra, Talabre comprendra de quoi il en retourne. Il ne perdra pas l'occasion de se débarasser d'un témoin gênant, en le discréditant. Et par dessus tout, il sait que le voir dans sa maison, le jour de son mariage, est un très mauvais signe. Ils n'avaient échangés que peu de passes lors de son engagement dans l'armée, mais suffisamment pour tirer les conclusions évidentes concernant la mentalité de leur adversaire. Il avait conscience que Vohl était un stratège, et que sa présence ici ferait partie d'un plan. De la même façon, Vohl savait qu'il tenterai de régler cela discrètement, convaincu de la supériorité de ses capacités. Ce qui n'était pas faux. L'homme est d'une constitution incroyable, et son maniement de la lance d'une redoutable efficacité. Fort heureusement, la lance ne lui sera pas accessible ici. Un avantage indéniable pour eux.

Une pression sur l'épaule le tend l'espace d'un instant et il se retourne vivement, la pointe des griffes sortant à peine du tissu de sa manche. Cherock. Il se détend, laissant les pointes métalliques remonter dans sa manche. Son allié - ami ?- lui fait signe de reculer : il a sans doute quelque chose à lui dire. Vohl acquiesce avant de suivre le jeune homme. Une fois près des enfants, sur la partie plane du toit, ce dernier prend la parole dans un murmure.


"J'ai quelques idées pour nous aider et nous faciliter la tâche de demain. Déjà, je te rend la rune que j'ai pu identifier. Il s'agit de la rune Ydemu, ou "Ours". C'est donc une rune plutôt rare, une rune animale. Et même pour une rune animal, elle semble particulièrement puissante... Bref, ça pourrait t'être utile. Ensuite, même si je me doute de la réponse, tu ne maîtrises pas les fluides de foudre n'est-ce pas ?


Vohl enregistre l'information. Effectivement, il s'agit d'une information d'importance. Il ignorait qu'il puisse exister des runes animales. Quelle peut être leur action ? Autant les éléments et les actions, Vohl voit ce qu'un non mage pourrait en tirer : une flammèche, sans doute, d'une rune de feu, et un faible mouvement d'une rune "fermeture". Mais une rune animale ? Il voit mal le caillou invoquer une tête d'ours... Mais l'enchanteur semble lui dire que la force des runes est contenue dans celle-ci : cette information pourrait bien être de première importance ! Ainsi donc, Ydemu serait particulièrement forte... Il tentera cela, un jour. A la question, l'ancien voleur opine.

"C'est compliqué quand tu dois incarner un membre du Tonnerre d'Omyre. Mais j'ai la capacité d'incorporer à des objets suffisamment résistants certains sorts. Cela te permettra de les lancer à coup sûr et ainsi être plus crédible dans ton rôle, tout en améliorant ta force de frappe, même s'il ne sont utilisables qu'une unique fois. Je te propose donc d’enchâsser un ou deux sorts dans ton équipement, qu'en dis-tu ?"

Vohl écarquille les yeux : deux membre du Tonnerre seraient effectivement marquants si les deux usaient de leur pouvoir en direct. Il tâche de ne pas hausser la voix lorsqu'il prend la parole, mais l'excitation apportée par cette information transparaît dans ses paroles sans ambiguïté.

"J'ignorais tout à fait que tu pouvais faire cela ! Ce serait une excellente chose ! Nul besoin qu'ils fassent des dommages : nous devons ici donner du spectacle. La plupart de ceux qui seront ici n'ont jamais vu de magie, et craindront instinctivement pour leur vie si l'on déploie des moyens..."

S'en suit une discussion afin de savoir quels sorts le fulguromancien peut intégrer à ses armes : Vohl insiste pour que ces incrustations ne coûtent pas trop d'énergie à son allié, avançant que l'affrontement avec le capitaine aura besoin de les voir en pleine forme. Cherock le rassurant sur ce point, il cherche le sort qui peut agir en zone sans blesser les cibles. Il apparaît finalement à Cherock qu'un sortilège de neutralisation individuel serait le plus approprié, sans doute renforcé par un sort de zone : les deux lancés en même temps auront davantage d'impact que l'un après l'autre. Il indique ensuite à Vohl la mécanique de déclenchement qu'auront les sorts. L'assassin enregistre les informations au plus vite qu'il le peut, sans pour autant comprendre comment l'action demandée peut avoir un lien avec le déclenchement du sort. L'ésotérisme de cet enseignement n'est définitivement pas intuitive pour son esprit cartésien.

Ce point réglé leur donne un nouvel impact dans la journée dont l'aube finit par se dessiner après de nombreuses heures de garde : cela fait maintenant bien longtemps que son compagnon l'a laissé monter la garde. Les premiers rayons du soleils réveillent les enfants qui sortent du sommeil en s'étirant, mal habitués à cette luminosité. Yuzu réajuste sa tenue. Le repos de cette nuit leur a fait le plus grand bien : la mine fraîche et attentive des enfants renforce le sentiment de Vohl. Sa part doit être accomplie. Il vérifie la présence de deux fioles dans sa tenue, et s'apprête à réveiller son fulguromancien d'allié avant de s'apercevoir qu'il est déjà en train de se lever.

Les heures suivantes sont consacrées à réviser leurs actions et l’enchaînement de ces dernières. Vohl distribue les torches et briquets à Natsu et Hoe. Leur tâche sera accomplie en parallèle de toutes les autres. Il en garde une avec lui. Son sac restera ici, de même que celui de son allié. Pendant que Natsu et Hoe agiront, il doit attirer Talabre à l'étage. Ensuite, la dispersion des preuves commencera. Puis, le kidnapping. Et enfin, le rôle de Yuzu. Après de multiples répétitions et des consignes, il juge que chacun connait par coeur sa partie. Un commentaire de Natsu achève de le convaincre que répeter une fois de plus qu'ils ne doivent en aucun cas être capturés n'apportera rien.

Le soleil est au tiers de l'horizon. Il est l'heure. Il se laisse glisser souplement sur le toit du dessous après avoir attendu le passage de la patrouille, réduite de moitié depuis le matin pour former une grotesque haie d'honneur - et par la même occasion de menace- à la famille de la fiancée. Il glisse la dague dans l'interstice entre la fenêtre et l'encadrure pour soulever le clapet et ouvrir la fenêtre : il entre sans bruit, suivi par les enfants et Cherock. Les enfants s'envolent aussitôt avec vers les autre pièces, leurs pieds déchaussés ne laissant aucune trace sur les tapis moelleux qui ornent la chambre, Yuzu seule marchant comme si elle se promenait dans une maison à découvrir, prêtant beaucoup d'attention à ne rien heurter. Vohl grimace en voyant la fine boule contenue dans sa poche. Il le faut, que ça lui fasse plaisir ou non. L'assassin ne porte qu'une attention restreinte à la pièce, simplement pour repérer l'emplacement de caches éventuelles : la pièce présente de nombreux angles morts et le fulguromancien n'aura aucune difficulté à trouver un endroit duquel il pourra surprendre leur adversaire. Que ce soit derrière la porte coulissante, derrière le parapet aux motifs floraux ou caché dans la large armoire ornée de boiseries grossières, il n'auront pas de mal sur ce point au moins.

Même depuis l'étage, le brouhaha des conversations du rez-de chaussée reste audible. Réajustant son kimono, un éclat de rire particulièrement marqué retentit. Les dents de Vohl se serrent : le Conseiller Gale est reconnaissable entre mille. Il a bien fait de ne pas informer Hatsu du déroulement des évènements. Une voix forte prend le dessus, et les autres diminuent d'intensité. Ils doivent agir vite : Yuzu en a conscience et presse le pas, disparaissant aussitôt par la porte. Vohl ajuste son kimono et vérifie que ses cheveux sont coiffés de façon impeccable. Leur timing suit un calendrier précis et une grande part repose sur l'interprétation d'éléments comme ce discours.

"J'y vais."

Il s'avance à la suite de Yuzu, prêt à intervenir en cas de problème. Il fait bien. Yuzu est en train de descendre l'escalier lorsqu'une jeune servante sort de la cuisine, un plateau à la main. Tirée à quatre épingles, elle porte dans ses bras un plateau doré, lourdement chargé de victuailles plus ou moins légères : le repas ne bat sans doute pas encore son plein. Le kimono qu'elle porte est d'un gris légèrement rosé, ceinturé par une large bande noire : le kimono est de facture tout à fait correcte aux yeux de l'ancien noble, mais il reste un kimono léger, sans les lourdeurs traditionnelles qui encombrent les mouvements. Un aspect pratique apporté par la tenue est sans doute bien plus apporté par l'aspect dispendieux des kimonos traditionnels que par un réel souci d'efficacité : les fines manches oscillent lorsque la jeune femme se fige de surprise, voyant la jeune enfant descendre les escaliers. Vohl arrive dans le dos de Yuzu, posant sa main rassurante contre l'épaule de la frêle jeune fille, la pressant d'avancer doucement.

"Allez petite ! On va finir par manquer le toast pour ta tante !"

Avant de se tourner vers la jeune servante, laquelle le regarde descendre de le long de la rambarde d'un air abasourdi :

"Nous ne l'avons pas manqué, n'est-ce pas ?"

La jeune femme secoue la tête de droite à gauche, comme muette, avant de reprendre contenance et d'incliner la tête en signe de déférence, sans doute pour éviter d'offenser un invité. Elle reprend la parole avec un débit rapide, comme rattrapant son silence précédent.

"Maître Talabre a dit que le toast devait être apporté pendant que votre soeur prendra la parole, pour qu'elle puisse se rafraichir."

Vohl plisse les yeux. Cette enflure veut profiter qu'Hatsu parle pour lui faire lancer le toast à son insu. Prise dans son discours, elle pourrait ne prêter attention à la nature des verres qu'après les avoir saisi.

"Haha, oui, ma soeur a toujours eu du mal pour les grands discours de tels repas ! Allez ma grande, presse toi ! Et laisse passer la dame !"
"Oh, je passe par l'entrée des serviteurs..."

Elle désigne une porte sous l'escalier de bois, permettant d'arriver directement vers la seule table de deux du salon. Vohl fait mine d'être surpris, et gêné de bloquer le passage de la servante. Il s'écarte obligeamment, forçant la jeune femme à continuer sa route si elle ne veut pas paraître offensante. D'un coup d'oeil par dessus l'épaule de la jeune femme tétanisée, il regarde le long du couloir. Des séries de tableaux complètent encore ceux qui ornaient le vestibule haut et la cage d'escalier, sur une tapisserie sobre. Quelques mètres plus loin, une double porte marque l'entrée principale du séjour : c'est par cette porte que viennent les sons du banquet.

"Oh, pardon de mon indélicatesse ! Je vous en prie, faites votre travail !"

La servante s'incline profondément, ses cheveux de jais découvrant une nuque dorée pâlie par l'absence de soleil, avant de prendre le chemin de la porte. D'une pression de l'épaule, il signale Yuzu qu'elle doit agir vite. La petite s'éclipse dans la cuisine aussitôt que la jeune femme entre dans le salon en poussant la porte minuscule avec le plateau de volaille et de fruits confis, distribuant le contenu selon la demande des hôtes. Vohl tient la porte ouverte un bref instant, invisible aux invités... il ne se montre pas encore. La vue de la table du couple lui a suffi : la double porte fermée au milieu du couloir est gardée par deux hommes en armes, auxquels l'échange semble avoir peu importé bien qu'ils l'aient évidement noté. Rien ne semble toutefois leur importer et, inflexibles, ils ne détachent pas leur regard du mur qui leur fait face, comme si le tableau floral leur tenait une conversation d'un indéniable intérêt.

Vohl ne bouge pas tant que Yuzu n'a pas disparu dans la cuisine. Sitôt qu'elle s'est introduite dans la pièce spacieuse, d'où les bruits de vaisselle s'échappent, le jeune homme se tend. Il s'agit d'une étape clef. Machinalement, il tâte sa poche dans laquelle les deux fioles sont encore intactes avant de soupirer. Il tourne lentement en attendant que Yuzu sorte de la cuisine. La poignée de secondes qui s'écoulent semblent prendre des heures. La peur de Vohl serait d'entendre des exclamations de surprise sortir de la cuisine. Heureusement, la porte s'ouvre sans bruit sur un espace minuscule, juste assez grand pour que la jeune fille sorte avant de refermer le battant derrière elle. D'un regard à Vohl, la jeune fille signifie sa réussite en opinant légèrement de la tête. Vohl inspire en hochant la tête.

"Papa ! J'ai oublié mon ruban !"
"Combien de fois t'ai-je dit de ne pas tripoter tes cheveux !? Va vite le chercher, je t'attends... Dépêche toi !"

Mimant l'empressement avec un peu trop d'enthousiasme, la jeune fille part en courant vers le premier étage. C'est le moment que choisit la jeune servante pour reparaître par l'étroite porte située sous l'escalier. N'osant interroger Vohl du regard, elle plisse néanmoins les sourcils sans le regarder directement en face.

"Monsieur m'a demandé d'apporter le rafraîchissement, Monsieur. Vous devriez entrer."

Vohl acquiesce d'un air navré, chuchotant sur le ton de la confidence, comme pour éviter de perturber les conversations des convives de la pièce voisine.

"Les enfants... un seul me suffit bien ! Elle est partie chercher son ruban, elle a du l'oublier dans la salle de bain."

(C'est trop...cette femme se souviendra de nous. Nous avons trop dénoté...)

La jeune femme ne lui laisse pas le temps de réfléchir davantage. Elle s'incline poliment avant de filer vers la cuisine, l'esprit manifestement occupé par le curieux noble qu'elle vient de croiser, et qui fait plus de cas d'un ruban pour les cheveux de sa "fille" que pour le toast de mariage de sa "soeur". Elle en ressort presque aussitôt avec un plateau sur lequel sont posés deux verres d'une allure ancienne et précieux. Indéniablement. Les verres de nacre dorés à l'or fin ne laissent guère place au doute : la forme lupine de ces verres, la présence du blanc réhaussé par l'or finement ciselé pour laisser voir les poils du loup qui semble hurler à la lune, tout dans ces oeuvres laissent penser à la maison Ôkami. La gueule grande ouverte, le museau du loup laisse dépasser un bout de langue qui sert sans doute en réalité à guider le liquide dans la bouche : une curieuse chose de voir ces gobelets à col un peu plus haut que la normale. A boire à l'intérieur, on doit avoir l'impression d'embrasser le loup, scellant un pacte dont on ignore jusqu'au tout premier mot.

La jeune femme se hâte d'entrer dans la pièce, une carafe en cristal translucide posée sur le disque d'or du plateau. Les verres tintent légèrement lorsqu'elle pousse la porte, et le silence dans la pièce semble prendre à nouveau le dessus sur les conversations animées des convives : Vohl entend Talabre dire quelques mots avant qu'une autre ne lui prenne la parole de façon un peu abrupte. L'assassin sourit. Cette voix, il la connaît. Il en connait les accents, les inflexions, les intonations. Il l'a entendue peinée, chaleureuse, tendue et aimante. Aujourd'hui, il découvre le ton du mensonge et du faux bonheur. Même sans en entendre précisément les termes, il devine le discours qu'elle a du répéter maintes et maintes fois. Un discours dont elle a sans doute pesé chaque mot, chaque phrase avant de se faire à l'idée de les prononcer.

L'angoisse lui tord les boyaux. Et s'ils échouaient ? Et s'ils avaient vu trop gros. Et s'il en avait trop dit à son amante, sa compagne, pour qu'elle ne sache le cacher aux yeux inquisiteurs de Conseiller Gale ? Des pas bloquent le doute un instant. Yuzu descend de nouveau. En haut, les opérations ont commencé, au regard que lui lance la jeune fille. Un ruban a quitté sa manche pour trouver son chemin dans ses cheveux. Vohl la regarde avec une fierté non dissimulée.

"Courage, Yuzu."

A peine plus qu'un souffle. La bosse dans la poche de la jeune femme est toujours présente. Le discours de Hatsu semble se conclure lorsque Vohl regarde les deux gardes en livrée. L'un porte des couleurs rouges et or, l'autre noir et or. Les deux maisons montent la garde. La porte a été fermée pour éviter aux invités les distractions comme celle d'un ballet de domestiques affairés. Il ne peut espérer se retirer s'il rentre par cette porte. Vohl s'avance naturellement vers la porte de service. Le silence ambiant laisse la place à la voix forte de Talabre.

"A cette célébration, qui unit l'une des plus anciennes maisons et celle qui s'est illustrée dans la guerre. Les valeurs et la force réunis : puisse cette union servir notre nation autant qu'elle nous rendra heureuse."

Le ton plein de miel n'empêche donc apparemment pas de dénigrer l' "une des plus anciennes maisons" à deux reprises dans une même phrase. Le frère de Hatsu doit grincer des dents. Et Hatsu... Vohl a un sourire crispé. Elle doit probablement être en train de batailler avec l'envie de se trancher la langue pour mettre fin à ces simagrées. Lorsque retentit le bruit métallique de d'une carafe reposée sur son plateau. Presque aussitôt, la porte s'ouvre devant Vohl, qui observe avec attention la scène. Les deux promis sont droit comme des cannes, le bras tendu en avant portant chacun un verre lupin, le liquide oscillant entre les mâchoires des deux têtes de loup. D'un mouvement synchrone, le couple - les intestins de l'assassin se rebellent contre l'emploi de ce terme - vide les verres d'une traite.

Rana lui en soit témoins, l'angoisse qui étreint le coeur de Vohl lorsqu'il maintient la porte ouverte après le passage de la servante une nouvelle fois estomaquée de le trouver ici vaut au moins la stupéfaction de Talabre lorsqu'il voit Vohl, puis reconnaît la tête de ce dernier, désormais barrée d'un sourire sardonique. Le bras de Talabre se fige un instant avant qu'il ne reprenne contenance, laissant une bonne moitié de son verre avant de le reposer et d'en inspecter aussitôt le contenu comme s'il appréciait un bon vin, faisant tourner le liquide contre les parois du verre, sans doute à la recherche de particules suspectes. Il semble n'y rien trouver : afin de ne pas perdre la face lors de cet épisode hautement symbolique, il termine néanmoins son verre avant de jeter un regard vers la porte que Vohl tient toujours entrebaillée, applaudissant silencieusement des deux mains avec un air faussement contrit, son regard laissant parler toute la haine qu'il voue au meurtrier de son père. Le jeune homme prend sur lui pour ne pas lui bondir dessus au milieu de ses invités...mais ses pupilles contractées par l'excitation en disent bien plus sur ses envies que n'importe quel discours. Une bile amère lui remonte dans l'oesophage alors qu'il est si proche de la fin qu'il peut presque la humer.

L'ancien soldat est bien obligé de reconnaître la maîtrise de soi du gradé. Bien qu'un peu tendu et les mâchoires légèrement crispées, son regard reste fidèle à lui même lorsqu'il balaye l'assemblée du regard. Vohl laisse la porte se refermer doucement sur son air goguenard. Le battant n'est pas encore fermé qu'il avance rapidement vers les escaliers. Yuzu a profité de la situation pour déambuler dans le couloir, accaparant l'attention des gardes lorsque le voleur s'était soustrait à leur regard en passant derrière l'escalier. Au moment ou Vohl se retourne, en haut des escaliers, elle entre dans ce qui doit être le salon de luxe -si les plans fournis par Hatsu sont exacts.
Peu après, sous l'escalier, la porte s'ouvre de nouveau avant de se refermer sans douceur, et des pas se font rapidement entendre, claquant sèchement sur le parquet lustré du couloir.

Vohl a déjà atteint la chambre, en haut des escaliers. Il vient s'installer près de la fenêtre, sur le rebord moelleux orné de coussins. Il attend : ce n'est qu'une question de secondes.

"Et le voilà... le fier Capitaine Talabre. La lie des hommes, le marchandeur de mariage."
"Tu as du cran de venir chez moi aujourd'hui. Et un brin de stupidité. À quoi pensais tu donc ? Que j'allais te laisser vaquer dans ma maison ? Que je n'oserais pas te tuer en un jour sacré comme celui d'un mariage ?"

Le ton ironique de Talabre ne laisse aucun doute sur ce qu'il pense de cette dernière question.

"Oh, je ne me fais pas d'illusion sur tes capacités à te salir les mains. Quand on est prêt à tuer ses semblables pour s'assurer une ascension..."

Son adversaire se tend sans relever l'allusion. Vohl ne parvient pas à se retenir. Il lance une nouvelle pique à son ennemi juré.

"...ou à menacer des familles pour faire ployer une 'ancienne' famille..."
"Ha ! C'est donc ça ! Je me demandais pourquoi tu venais jouer les héros maintenant, alors que le lâche que tu es s'est fait passé pour mort toutes ces années."

Le ton hautain de Talabre et sa position, menton relevé en signe de mépris, fait monter la rage de Vohl. Lui, lâche ? Ha, vraiment ? S'il avait donné ne serait ce qu'un signe de vie, sa sœur serait morte 'par accident' au cours d'une patrouille. Les intestins en flammes, Vohl se redresse en s'approchant de Talabre, la colère déformant ses traits.

C'est paumes ouvertes, comme s'il ne se voulait pas menaçant, que Talabre rentre dans la pièce en parlant. La tenue du capitaine est élégante, quoi que chargée : sa stature le rend bien plus imposant que sa taille, légèrement plus petite que celle de Vohl. Large d'épaule, ce militaire a manifestement fait ses classes avec le plus grand sérieux, et loin de délaisser l'exercice, sa carrure semble s'être encore affirmée depuis la dernière fois que Vohl l'a vu. Malgré un discours détendu en apparence, sa tension est palpable. Son attention est focalisée sur les gestes de Vohl, mais un mouvement trop brusque pourrait attirer son attention. L'assassin se retient de jeter un regard vers son allié, le regard fiché dans celui de l'assassin de son père.
Modifié en dernier par Vohl Del'Yant le jeu. 1 août 2019 22:42, modifié 1 fois.

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Hatsu Ôkami
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Re: Les Habitations

Message par Hatsu Ôkami » mar. 30 juil. 2019 13:22

La réception était somme toute classique. Des discussions animées, tantôt sur le mariage, tantôt sur la guerre, tantôt sur la magnifique coiffure d’une fanfreluche quelconque. Hatsu soupira en entendant sa cousine et sa voix nasillarde s’élever au-dessus des autres, son rire insupportable s’entendant probablement jusqu’à l’autre bout de l’Ynorie. Au moins la vision de son frère, tirant une tête de six pieds de long avec Shôri accrochée à son bras, la fit sourire, moqueuse. Sourire qui disparut après une remarque de Talabre.

- Tu sais sourire finalement…

- Profitez en bien, ça n’arrivera pas à vos côtés.

- Je te trouve bien sévère. Je saurai te combler de bien des manières et te donner le sourire.

Elle lui jeta un regard empli de dégoût et de mépris qui disparut aussitôt, laissant place à un sourire de façade en recevant les félicitations de quelques retardataires.

- Impressionnante cette capacité à afficher un masque sur commande. Versée dans l’art de la tromperie ?

Ses yeux foudroyèrent Talabre du regard qui ne se départit pourtant pas de son sourire. Le faisait-il exprès pour l’énerver ? Elle n’en voyait pas l’intérêt pour lui, si ce n’était voir sa future épouse humilier publiquement, ce qui n’arrangerait personne ici.

- Bien moins que dans celui de la traîtrise que vous semblez avoir cultivé depuis bien plus longtemps.

Le sourire de son futur époux se fana avant de revenir, plus large encore.

- Tu me plais de plus en plus, Hatsu.

Cela la fit grincer des dents et elle se détourna, serrant les poings sous la table au point que ses ongles étaient sur le point d’entamer la chair tendre de ses paumes. Elle n’avait qu’une envie, lui enfoncer sa broche dans la gorge et mettre fin à toute cette mascarade. Elle se contint, s’en tenant au plan de Volh. Elle devait rester calme et jouer son rôle sans éveiller de soupçons chez les convives ou Talabre.

Le silence se fit lorsqu’une des servantes arriva finalement avec un plateau d’or portant une carafe et les deux coupes à tête de loup. Hatsu retint une grimace et fusilla Talabre du regard. Que comptait-il faire, il était bien trop tôt. Celui-ci sourit et s’adresse à l’ensemble de l’assemblée tandis que la carafe et les coupes étaient posées devant eux.

- Chers amis et parents, merci à tous d’être venus et, sans déroger à la tradition, j’ai décidé de ne pas perdre de temps en palabres inutiles et ennuyeuses afin de célébrer notre union le plus tôt possible afin de…

- Quelques mots doivent tout de même être dit mon cher !

Elle s’était contenue, mais le regard assassin qu’elle avait lancé à Talabre ne pouvait lui avoir échappé, pas plus qu’à une bonne partie de l’assemblée, mais elle s’en fichait pour cette fois. Il bafouait beaucoup trop de choses et, même si ce mariage n’était que mascarade, elle n’allait pas gâcher ce qui devait sembler être un jour heureux. Il l’avait déjà enchaînée, maintenant il voulait lui faire bafouer les règles les plus élémentaires. Elle n’allait certainement pas se laisser faire et, voulant probablement éviter une scène, Talabre s’inclina, versant néanmoins le liquide transparent dans l’une des coupes avant de lui tendre la carafe. Hatsu serra la mâchoire, mais obtempéra devant l’ordre silencieux, versant à son tour le liquide dans la deuxième coupe. Elle leva la coupe et prononça le petit discours qu’elle avait préparé pour respecter la tradition. Pur mensonge qu’elle déployait, fixant un masque neutre sur son visage, parlant avec assurance malgré la haine qui bouillonnait pour l’homme dont elle devait vanter quelques louanges. Par Rana elle aurait aimé lui cracher au visage. Lorsqu’elle conclut finalement, Talabre s’inclina et ouvrit la bouche à son tour.

- A cette célébration, qui unit l'une des plus anciennes maisons et celle qui s'est illustrée dans la guerre. Les valeurs et la force réunis : puisse cette union servir notre nation autant qu'elle nous rendra heureuse.

Elle vit le rictus nerveux sur le visage de son frère et elle se retint de justesse de faire avaler la boisson avec la coupe à cet imbécile de Talabre. Les Ôkami n’étaient donc que ça ? Une ancienne maison ? Ils avaient versé sang, larmes et sueur pour ce pays depuis sa création, combattant les ennemis de l’Ynorie bien avant la fondation de la République, sacrifiant des membres à chaque génération pour sauvegarder la paix et la prospérité du pays dans lequel ils avaient placé toute leur foi, leur force et leur loyauté. Et lui, il les ramenait à une maison ancienne sans aucune force, sans histoire et sans intérêt autre que la renommée ?

(Volh, je me fous de ce que tu prépares, mais par Rana, tu as intérêt à agir vite, sinon c’est moi qui vais tuer cet enfoiré de mes propres mains.)

Elle but la coupe d’une traite, pinçant les lèvres face à l’amertume de la boisson, jetant un regard froid à Talabre qui semblait savourer le moment, faisant tournoyer sa coupe comme s’il dégustait un bon vin avant de la finir enfin. Elle reposa sa coupe en même temps que lui et, prétextant une affaire urgente, il s’éclipsa rapidement sous les regards de toute l’assemblée et de la jeune femme qui profita de l’occasion pour quitter la table et se mêler aux invités, pas fâchée d’être débarrassée de cet odieux personnage.

- J’ai connu mariage moins tendu.

Onoda, évidemment, arborant un sourire ironique qui fit soupirer la jeune femme.

- Ne m’en parlez pas… merci d’être venu.

- Je vous l’avais promis. J’ai également ce que vous m’avez demandé dans ma manche. Je prie Rana que vous n’en ayez pas besoin.

La fine lame passa de main et disparut dans les manches du kimono de la jeune femme qui afficha un air déterminé.

- Je ne laisserai personne faire de moi sa chose, Onoda.

- Quitte à mourir pour votre orgueil ?

Elle le scruta. Aucune ironie ou moquerie dans sa voix ou son visage, il était parfaitement sincère.

- Si nécessaire.

Cela le fit soupirer.

- Espérons que votre ami agisse vite alors… ami, ou dois-je le considérer comme un futur Ôkami et père de petit Ôkami tout aussi insupportables et orgueilleux que vous, s’il réussit ?

Le ton amusé et légèrement moqueur du forgeron fit sourire l’archère qui lui lança un regard en biais, sourcil levés. Elle murmura, un sourire flottant sur les lèvres. Il était perspicace, ce forgeron, elle était heureuse de l’avoir dans son camp.

- Nous verrons Onoda, nous verrons… mais je retiens que je suis insupportables et orgueilleuse, cela ne vous fera pas rentrer dans mes bonnes grâces.

Il partit d’un rire franc.

- J’y suis déjà, vous le savez aussi bien que moi.

Il n’avait pas tort et Hatsu ne chercha même pas à affirmer le contraire, le saluant avant d’aller se perdre du côté de son frère, saluant les invités qu’elle n’avait pas encore eu l’occasion de voir. Ryo était toujours coincé avec Shôri accrochée à son bras telle une sangsue et il afficha un air soulagé en voyant sa jumelle arriver. Il n’eut pas le temps d’ouvrir la bouche que sa cousine s’égosilla.

- Et bien Hatsu ? Où est donc passé ton charmant époux ? Aurait-il déjà fui face à ton caractère si particulier ?

(Rana donnez-moi la force…)

- Pas du tout, il a dû s’éclipser pour une urgence, mais il sera bientôt de retour, n’aie crainte.

Il était pourtant bien long à revenir… Non qu’elle s’en plaignit, s’il pouvait ne jamais revenir, elle s’en accommoderait sans aucune difficulté et avec une certaine satisfaction.
Modifié en dernier par Hatsu Ôkami le mar. 20 août 2019 20:29, modifié 1 fois.
Hatsu Ôkami, Chasseuse Ynorienne
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Akihito
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Re: Les Habitations

Message par Akihito » mar. 30 juil. 2019 17:57

Dans le chapitre précédent...

Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre

Chapitre XVII.1 : Tomber sur un os pendant les noces

La lueur qui brilla dans les yeux de Kage lui suggéra que l'idée lui plaisait énormément, ce qu'il s'empressa de confirmer de vive voix. Il lui demanda des sorts qui ne faisait pas de dommages. Une idée bien belle sur le papier, mais qui n'était pas possible : les sorts qu'il pouvait lancer en faisaient tous, ou n'était pas des sorts de neutralisation. Il lui dit néanmoins qu'il lui inclurait deux sorts de faible puissance, pouvant blesser mais n'étant pas mortels.

"En théorie bien entendu. Et si la cible est un enfant c'est sûr que les dommages seront plus élevés."

D'un hochement de tête, Kage lui fit comprendre qu'il saisissait la situation. Il lui confia alors une bague d'une qualité relativement décente ainsi que son collier solaire, les déposant tout deux dans la main du jeune fulguromancien qui referma la main dessus. Le ninja repartit alors à sa surveillance, laissant le mage à ses tâches magiques. Après un instant de réflexion, les sorts implantés seraient un Choc de Valyus dans la bague pour pouvoir le lancer rapidement d'un geste et un Cercle Protecteur dans le collier. Il commença d'abord par ce dernier : insufflant la magie dans le bout de ses doigts, il traça avec applications les symboles formant le cercle sur le contour du médaillon en forme de soleil. Une fois cela fait, il condensa la même dose de fluide dans le bout de son index et apposa sa rune de maîtrise à lui, servant d'activateur. Il pouvait se priver d'en mettre pour lui vu qu'il maîtrisait parfaitement sa magie, mais pour un non initié, il était plus prudent d'éviter qu'il active le sort sans le vouloir juste en y pensant.
Il fit de même avec la bague : dans la gemme sertissant le bijou, il concentra un arc électrique et lui imprima sa volonté pour qu'à son activation, il parte en ligne droite. Sur l'anneau lui même, il plaça sa marque sur le métal, sur le côté. il observa alors son travail, confirmant que les sorts se trouvaient bel et bien dans les objets et que les marques étaient bien visible par leur faible lueur pourpre. Il retourna près de son allié et lui remit les deux objets en main.

"Je vais brièvement t'expliquer la façon dont tu peux activer les sorts. Dans ta bague, il y a le sort que je nomme le Choc de Valyus. Un éclair simple, droit, qui foncera en ligne droite depuis cette gemme là. Il te suffira donc de pointer ta cible avec la bague, puis à l'aide de ton pouce, presser la marque luisante juste là. Tu la vois ? demanda Akihiko en l'indiquant de l'index, ce que Kage acquiesça rapidement. Cette marque marche comme... Mmh, disons un verrou de sécurité. Normalement, simplement penser au sort permet de le lancer. Mais pour un néophyte comme toi, le concept de fluide doit être aussi obscure que la bonté pour Oaxaca : il serait fâcheux que tu lances le sort par mégarde en y pensant, ou ne pas y arriver car tu doutes ou n'y arrive tout simplement pas. En appuyant sur cette marque, tu permets de fendre momentanément la coquille de foudre qui englobe le sort, permettant de l'activer en y pensant avec un tant soit peu de conviction. Je t'aurais bien fait tester, mais dans notre situation... Bref. En tout cas, tu peux appuyer autant de fois que tu veux sur la marque : retirer la pression appliquée restaurera les circuits de fluides alimentant la coquille. Fait simplement attention quand tu le fais.
Le collier marche de la même façon : la marque se trouve au centre du soleil et une fois lancé, le sort projettera un cercle runique sur le sol dans ton champ de vision, pour peu que tu orientes la face du soleil dans la direction approximative. Tu feras donc apparaître un cercle de deux mètres de rayon qui frappera toute personne s'y trouvant ou toute personne y pénétrant. Utile donc pour couvrir une retraite, placer un piège, ou cibler un groupe d'ennemis.
N'oublie pas : une utilisation par bijou."


Dans un regard qui en disait long autant sur son intérêt que son incompréhension, Kage récupéra ses possessions et les enfila. il demanda si la marque magique laisserait une quelconque trace sur ses bijoux et Akihiko le rassura : s'il ne savait pas si des enchâssements répétés laissaient une marque avec l'usure, un seul enchâssement ne laissait pas de trace, surtout avec un sort de cette intensité. Rassuré, l'Ynorien retourna à sa surveillance.

(Il est tendu.)

(Ca ne m'étonne pas. Il est venu venger son père et rêve sûrement de pouvoir faire couler le sang de ce Talabre. Mais il choisit pourtant une solution bien plus compliquée.)

(Il ne voudra pas dormir. Profites en pour te reposer toi et reconstituer tes réserves de fluides, tu les as plutôt bien entamé avec les Tranferts Magiques.)

Ayant fait lui aussi le cheminement de son côté, Akihiko s'allongea près des enfants dont il entendait la respiration régulière bercée la nuit. De son côté, ne trouvant toujours pas le sommeil, il plongea une nouvelle fois dans son corps, à la recherche de cette mystérieuse foudre qui parcourait son corps sans faire partie de ses fluides. Quelque chose clochait d'ailleurs, mais quoi ? Essayant de visualiser le globe de foudre sensé contenir ses fluides, il ne trouva rien. Il prit alors conscience que cette conscience innée de la quantité de fluide qu'il avait en lui après avoir utilisé des sorts n'était pas uniquement dû à sa progression dans la voie de la magie. Non, ses fluides circulaient maintenant dans tout son corps, s'autorégénérant et générant le substrat de fluide qu'il avait identifié plus tôt. Ces fluides factices n'étaient pas assez pur pour lancer des sorts. Comment savait-il ça ? Il n'en avait aucune idée. Il savait, il le sentait, c'est tout. Néanmoins, cette énergie qu'il avait perçue comme infinie lui semblait suffisamment puissante pour pouvoir être utilisée lors de combats.
Alors qu'il réfléchissaient à toutes ces questions, le fulguromancien s'assoupit quelques heures. Le soleil commença à poindre au-delà de la ligne d'horizon et ses rayons réveillèrent rapidement l'enchanteur qui se leva tout aussi rapidement. Ses fluides débordant d'énergie, il étira tout ses muscles pour les défroisser.

"Mrgnnn... Les toits d'ardoises, c'est pas si confortable que ça. marmonna-t-il avant de rejoindre son allié qui malgré sa nuit blanche semblait tout à fait alerte. Des mois, voir des années d'attentes de ce moment te donne la force de rester debout, je me trompe ?" dans un sourire franc mêlé de tristesse, Kage lui donna raison. Puis il alla aider les enfants à émerger de leur sommeil également et durant les heures qui suivirent, la petite équipe revisita encore et encore son plan. Akihiko ne se préoccupa que peu de l'ensemble du plan. C'est surtout sa partie qui l'intéressa : il n'avait eu jusque là que les grandes lignes de son implication, à savoir affronter un capitaine de la garde ynorienne et enlever un jeune homme. Mais certaines parties attirèrent néanmoins son attention, et il se fit mentalement un enchaînement des actions qu'il verraient et auxquelles ils participeraient.

(D'abord je m'infiltre avec les autres dans l'étage abandonné. Je me cacherai quelque part et attendrai que Kage finisse par amener Talabre à l'étage. Là, j'interviens et l'aide à le neutraliser. Puis, lorsque les autres enfants auront commencer à faire diversion, j'en profiterai pour enlever ma cible. Aux vues de ces torches, ils comptent mettre le feu à quelques endroits, de quoi provoquer un beau barouf. Ensuite, on refait le chemin inverse, on saute dans la rue et on s'enfuit par les égouts.)

Le plan enfin établit, répété et re-répété, la troupe se mit en branle. Si Kage laissa son sac remplit de ses affaires sur le toit à l'abri des regards, Akihiko n'vaita que sur lui son équipement. Il récupéra seulement sa cape, espérant camoufler un peu plus sa silhouette. Il se glissa à la suite des enfants qui eux même suivaient Kage, utilisant la force de ses bras pour ne pas tomber trop lourdement sur le toit de tuiles, ce qui ne manquerait pas d'attirer la patrouille de gardes que Kage a laissé passé. Cette dernière est d'ailleurs bien plus réduite que celle qui passait la nuit dernière. il se demanda bien où elle avait pu passer avant de se reprendre et se corriger : il avait d'autres chats à fouetter et si Kage ouvrait le chemin avec sa prudence frôlant la paranoïa, ce genre de question était futile.

Déposant finalement ses pieds sans bruits sur l'ardoise et après un dernier regard derrière lui l'enchanteur entra dans la chambre. (La chambre des parents.) se rappela-t-il. A peine posa-t-il le pied dans la pièce que les enfants les accompagnant se dispersèrent dans l'étage, disparaissant de sa vue par la porte. D'un regard circulaire, plusieurs cachettes se présentèrent à Akihiko. L'armoire, le parapet ou non loin de la porte d'entrée coulissante. La première option fut immédiatement rejetée : trop contraignante, avec le lit et le parapet en obstacle. Il perdrait presque son effet de surprise en en sortant. La porte ne lui semblait pas une bonne idée non plus : il n'aurait pas beaucoup de marge pour frapper.

(Et pourquoi ne pas te cacher dans une autre pièce pour le surprendre par derrière ?)

(Mmmh... ça pourrait être une bonne idée. Mais pas avec le marteau, j'ai besoin d'espace pour frapper. La porte est trop étriquée si un des battants n'est pas ouvert. Non, le parapet me semble la meilleure option.)

D'un rapide geste de la main, Akihiko indiqua à Kage qu'il compte s'abriter derrière le parapet. ce dernier leva le pouce en signe de réponse avant de pointer son torse de l'index puis de montrer ses pieds, près de la fenêtre par laquelle ils venaient de passer. "je serai là." sembla-t-il dire à son partenaire. Court hochement de tête entre les deux ynoriens. L'un vint derrière le parapet son marteau à la main, l'autre réajusta le kimono qu'il avait enfilé la veille pour descendre.

Caché, Akihiko prêta attention aux sons qui l'entouraient. Il entendit un brusque éclat de rire qui lui était familier mais ne pouvait pas mettre de nom dessus. La tension qu'il ressentait y était sûrement pour quelque chose. après tout, n'était-il pas sur le point d'attaquer un de ses semblables le jour de son mariage ? Sur les dires d'un homme qu'il ne connaissait que depuis l'avant-veille ?
Il n'était pas encore trop tard pour faire marche arrière. Puis Akihiko repensa aux raisons qui l'avaient poussé à mettre son honneur et même à le jurer sur la Kizoku. Le portrait dressé par Kage avait fait monté en lui une sourde colère. Aussi peu de dignité dans un ynorien, qui plus est un meneur d'hommes... Il n'avait pas de raison de douter de son allié puisqu'il était assez droit pour venir en aide à Hïo.

Utilisant une technique de respiration apprise par son père pour se calmer avant une bataille, il tempéra la colère froide qui embrasait son coeur. Si Talabre entrait dans la pièce, il aurait en ligne de vue le fils de l'homme qu il est sensé avoir assassiné. Il y avait donc de grandes chances qu'ils interagissent, et Akihiko prendrait alors sa décision.
(Si je doute de la véracité des propos de Kage, je me glisserai dans le dos de Talabre pour l'immobiliser avec mon marteau. Sinon... Un coup de marteau dans le torse lui coupera suffisamment le souffle pour nous donner l'avantage.)

Et justement, des pas se firent entendre à l'étage. C'était le seul bruit distinct qu'il pouvait entendre car le brouhaha et les discussions de la réception sous ses pieds étaient trop étouffées pour qu'il puisse déchiffrer la moindre paroles. Il distingua cependant les applaudissements qui précédèrent le bruit de pas. La démarche féline se découpant sur le parapet et un discret appel de son nom informèrent l'enchanteur sur le retour de son acolyte qui alla se poster près de la fenêtre. D'un oeil, il lui jeta un regard et un signe de tête lui apprit que le moment était venu. En effet, quelques instants plus tard, les bruits de bottes de cuir claquèrent sur le bois composant le sol de l'étage et se dirigèrent dans leur direction. La lumière provenant du balcon par la porte entrouverte détailla la silhouette bien bâtie d'un homme de taille moyenne. L'absence de bruit provenant d'une quelconque armure était une information intéressante : bien que militaire, il ne portait pas d'armure d'apparat et devait donc être au mieux protégé par du cuir. Du cuir richement décoré à n'en point douter, mais du simple cuir quand même. La prise de Akihiko se raffermit sur le manche de son arme.

"Et le voilà... le fier Capitaine Talabre. La lie des hommes, le marchandeur de mariage.

- Tu as du cran de venir chez moi aujourd'hui. Et un brin de stupidité. À quoi pensais tu donc ? Que j'allais te laisser vaquer dans ma maison ? Que je n'oserais pas te tuer en un jour sacré comme celui d'un mariage"

Le ton agressif de Talabre ne faisait aucun doute pour l'enchanteur: il y avait bien un passif entre les deux. Le visage tendu par la colère bouillonnante de Kage en était définitivement la preuve, ou c'était un comédien incroyablement doué pour le leurrer à ce point. Se relevant silencieusement sur ses jambes, Akihiko contracta ses muscles, prêt à frapper avec le bout du manche de son marteau.

"Oh, je ne me fais pas d'illusion sur tes capacités à te salir les mains. Quand on est prêt à tuer ses semblables pour s'assurer une ascension.. Ou à menacer des familles pour faire ployer une 'ancienne' famille..."

La pique que Kage envoie en mentionnant le meurtre de son père fit réagir Talabre. La silhouette se raidit, un grognement énervé se fit entendre mais fut rapidement maîtrisé pour être remplacé par un ton dont suintait tout le mépris et l'arrogance qu'un seul homme ne devait pas avoir.

"Ha ! C'est donc ça ! Je me demandais pourquoi tu venais jouer les héros maintenant, alors que le lâche que tu es s'est fait passé pour mort toutes ces années."

(Non, même dix hommes ne devraient pas en avoir tant,) pensa Akihiko en serrant les dents. Kage sembla de son avis puisque c'est avec les traits déformés par la rage qu'il se redressa et fit un pas vers son némésis, sans regarder une seule fois son allié de circonstance. Le capitaine Talabre s'avança lui aussi, les mains levés et ouvertes, dans une pose arrogante et faisant montre d'un mépris total pour son adversaire. Une dernière phrase finit d'achever d'embraser la colère de Akihiko.

"Oh ? Quel regard de meurtrier ! On verra si tu l'auras toujours devant moi quand je ferai agoniser lentement ta chère soeur devant tes yeux, après m'être "amusé" avec elle."

C'en était trop pour le fulguromancien. Modifiant sa prise sur son arme pour frapper non pas avec le manche mais à pleine puissance, il injecta les fluides de foudre à l'intérieur et d'un bond se plaça entre les deux belligérants. Kage compris instinctivement la manœuvre et se recula quand Talabre, surprit qu'un homme entièrement noir surgisse devant lui, se stoppa sur place. Son sourire figé en un rictus moqueur contrastait avec son regard qui s'emplissait peu à peu de peur en voyant le marteau crépitant d'éclairs décrire un arc de cercle horizontale vers sa poitrine.

Il n'eut pas le temps d'esquiver.

Dans un impact sourd, le coup qui avait fait trembler un élémentaire de Terre à Mertar fit s'écraser la tête du marteau au milieu du torse de Talabre. Plusieurs craquements secs, signes des côtes brisées pour certaines et broyées pour les autres, furent les seuls bruits que le capitaine émit. Le bougre avait tout de même réussit à se camper solidement sur ses jambes pour encaisser l'attaque, preuve qu'il était tout de même préparé en s'attaquant à Kage. Voyant qu'il allait s'effondrer sur place et probablement alerter tout le monde en dessous, l'enchanteur l'attrapa par le col de sa main gauche pour le maintenir debout alors qu'il faisait désespéramment entrer de l'air avec difficulté dans sa poitrine enfoncée. Akihiko se retourna vers son allié qui le regardait, stupéfait.

"Bon, j'ai mis le paquet comme prévu, mais il a peut être un poil trop dégusté... Que fait-on de cette ordure ?"



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Vohl Del'Yant
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Re: Les Habitations

Message par Vohl Del'Yant » ven. 2 août 2019 01:52

"Oh ? Quel regard de meurtrier ! On verra si tu l'auras toujours devant moi quand je ferai agoniser lentement ta chère soeur devant tes yeux, après m'être "amusé" avec elle."

C'est la remarque qui sort de la bouche de l'odieux personnage, avançant tout en fixant son regard méprisant dans les prunelles de Vohl. L'assassin serre les mâchoires en faisant glisser les lames le long de son bras. Son ennemi n'est plus qu'à trois mètres de lui. Lorsque les lames sortent de son kimono, son adversaire lui retourne un sourire narquois. Malgré l'absence d'arme en main, ou même proche de lui, il ne semble absolument pas inquiet. Un état d'esprit qui apparaît aussi soudainement que Cherock. Le mage s'est jeté entre les ennemis jurés. Le fulguromancien a le marteau en main, et les éclairs qui en sortent sont autant de fragments de peur et d'incompréhension dans les yeux du noble. Un coup circulaire fend l'espace qui les sépare : une trainée d'une fine foudre reste sur la trajectoire de la masse d'acier noircie par le charbon. L'électricité enveloppe le marteau comme une araignée agitée de spasmes enfermant le métal entre ses pattes effilées. Un grésillement familier retenti dans les oreilles de Vohl : il recule instinctivement, les souvenirs d'un certain séjour chez les thorkins encore frais dans son esprit.

L'impact est violent, sourd. Talabre a le temps de se tourner de côté, pour faire face à l'arme et tenter de la dévier, mais pas d'esquiver. Il a peut-être la force de retenir un peu le coup, mais cela n'empêche pas les os de craquer sous la pression. Le souffle coupé, la cage thoracique enfoncée, le capitaine tombe en arrière sans un bruit. Il est rattrapé au vol par le faux oaxien par le col. Vohl regarde son allié, béat de surprise. Le jeune homme ne paie pas de mine, mais son assaut vaut largement toutes les démonstrations.

"Bon, j'ai mis le paquet comme prévu, mais il a peut être un poil trop dégusté... Que fait-on de cette ordure ?"

Le regard de Vohl revient sur le corps inanimé du capitaine : la poitrine écrasée bouge faiblement, chaque respiration lui tirant un faible sifflement. Il est pour l'instant inconscient, et Vohl n'a aucune idée de combien de temps passera avant qu'il ne redevienne conscient. Une chose dont il ne se soucie pas le moins du monde. Qu'il reste donc ainsi pour l'éternité si cela plait à Rana. Vohl aide son compagnon à accompagner sans heurt le capitaine au sol. La délicate tenue d'aparat de l'odieux soldat se froisse dans un bruissement, marquant des plis qui n'auraient jamais été toléré par de vraies - et anciennes- maisons nobles. Vohl regarde la ceinture de l'homme : un trousseau présentant plusieurs clefs ornent une des boucles. L'emplacement de l'épée, vide, en jouxte un autre tout aussi vide. Le regard du jeune homme tombe sur la bourse de Talabre. Il sourit, et s'en saisit en même temps que le trousseau de clef.

Il se retourne vers son allié, qui suit son manège un sourcil relevé, une expression étrange sur le visage. Il semble surpris lorsque l'assassin envoie vers lui la bourse assez replète dont il vient de délester l'homme. Vohl n'en a cure : d'un ton enjoué mais en contenant sa voix, il partage ses pensées à son allié.

"Voici une récompense pour ton talent : disons qu'il y a aussi l'avance pour le spectacle qu'il nous reste à donner ! Et voici ce qu'il nous fallait." D'un geste, il désigne le trousseau de clef. Sur l'arceau de métal se trouve une petite clef d'un vert pâle, quelconque à côté de celles volumineuses ou dorées. Il s'en saisit. "Nous allons avoir besoin d'une diversion, désormais : deux gardes tiennent les portes de la grande salle dans laquelle tout le monde est rassemblé, hormis les servantes et servants qui vont et viennent depuis la cuisine jusqu'au salon. Neutralisons les pendant que notre diversion se met en place."

Vohl hume l'air. L'odeur de la fumée a pris la place des odeurs de cuisine à cet étage, mais sans doute les flammes n'ont elles pas encore pris assez d'ampleur pour déclencher les cris des sentinelles postées dans le jardin.

"Lorsque les sentinelles signaleront le feu, nous y allons. Cela ne saurait tarder !"

Il se dépêche de tâter le buste du capitaine. Une poche un peu renflée, mais notable, se trouve au niveau de son flanc. D'un geste, il ouvre la tunique déjà défaite par le coup violent de Cherock. Vidant la poche de son contenu, il tire les deux fioles aplaties qu'il a à la ceinture avant de les glisser dans la poche cachée. Puis il se redresse. Impossible de savoir combien de temps il leur reste avant que le feu déclenche les alarmes, ni de combien de temps ils disposent avant que les gens ne s'inquiètent de savoir où est passé le futur gendre des Ôkamis et partent à sa recherche. Il se dévêt rapidement en sifflotant. Sitôt les premières notes égrainées, les enfants dispersés reviennent des autres pièces de l'étage et font glisser la moitié des torches qui leur reste sous le grand lit. Les flammes racornissent aussitôt les fines parures de draps, avant de lécher le bois du lit : la cire qui enduit les montants afin de les protéger des outrages du temps et de la météorologie commence à couler, s'embrasant en passant par les flammes de la torche en s'étalant sur le tapis, continuant de brûler en noircissant la laine.

Hoe récupère le kimono léger de Vohl avant de sortir par la fenêtre, non sans jeter un regard en arrière et en signant un encouragement. Vohl le remercie d'un geste de la tête avant que ses yeux ne soient une nouvelle fois attirés par les flammes léchant le bois, et les flaques de cire s'éteignant une fois la laine consumée. Les flammes ayant amorcées leur prise sur le bois, les parures prennent cette fois feu, quelques flammèches bleutées s'élevant de l'armature du lit. Vu la vitesse à laquelle l'incendie se propage, l'état de la chambre voisine doit être bien avancé ! Après avoir revêtu la tenue noire, il jette un oeil dans le couloir avant de reculer. Les rideaux sont en flammes, de même que les montant des portes. Les murs colorés commencent à noircir aux endroits où les torches ont été fixées. Les enfants ont utilisé les torches déjà en place pour multiplier les points de départ de feu : l'assassin apprécie la situation. La chambre de Talabre doit être une fournaise.

Il descend la capuche sur son visage. Insuffisant : il regarde le camouflage de son allié avec dépit. Son regard revient une nouvelle fois sur la torche. Il n'y a pas ici assez de charbon pour se déguiser. Il regarde Cherock, parti un court instant vérifier que personne ne vient par l'escalier.

"Il ne te resterait pas un peu de charbon, par hasard ?"

Il s'essuie le visage sur les marques laissées par la cire sur le tapis, mais le résultat reste déplorable. A tout le mieux, il a désormais l'air d'un jeune homme sale. En même temps que la réponse de son allié sort de sa bouche, le bruit d'une alerte retentit. Le son de la corne est ponctué d'un cri.

"Au feu ! La maison brûle !"

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Hatsu Ôkami
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Re: Les Habitations

Message par Hatsu Ôkami » ven. 2 août 2019 10:58

Ella allait l’étriper. Ou bien ce serait sa cousine d’abord, elle hésitait entre les deux, mais elle commençait à bouillonner à l’intérieur et le sourire qu’elle s’efforçait de garder sur son visage se crispait un peu plus à chaque minute. Son frère l’avait bien évidemment remarqué et jetait des coups d’œil inquiets à la jeune femme qui semblait se retenir de lâcher une réplique cinglante ou une coupe sur la tête de leur cousine qui continuait de piailler d’une voix nasillarde. Loup s’amusait de l’irritabilité de son réceptacle, mais la jeune femme commençait sérieusement à en avoir plus qu’assez de tout cela. En plus de devoir jouer un rôle de jeune femme heureuse de sa situation avec un homme qu’elle détestait plus que tout, voilà que cette dinde écervelé s’amusait à l’insulter à son propre mariage. Non, décidément, il fallait qu’elle réagisse et calme les ardeurs de Shôri avant que celle-ci ne se croit tout permis.

- Et toi chère cousine, comment se passe ta relation avec la moitié des hommes de ton quartier ? Mariés pour la plupart si je ne m’abuse. Pas trop de déboires avec leurs femmes injustement bafouées ?

Shôri perdit quelques couleurs et Hatsu vit du coin de l’œil son frère se retenir très fort de ne pas éclater de rire devant la mine déconfite de leur cousine. Cela faisait un bien fou, et tant pis pour la diplomatie cette fois, elle avait supporté ses railleries bien trop longtemps déjà. Shôri se racla la gorge et son sourire revint sur son visage, plus agressif et bien moins avenant et large qu’auparavant.

- Comme tu es drôle Hatsu…

- Je le serais beaucoup moins si j’apprends un jour que tu fréquentes le mien… mais tu ne ferais pas ça, n’est-ce pas ?

En réalité, elle se fichait pas mal de qui cette gourde fréquentait. La menace à peine voilée n’avait qu’un but, éviter que Shôri ne mette ses pattes sur Talabre en lui donnant un nouveau moyen d’atteindre sa famille. Elle avait beau ne pas aimer sa cousine, elle était de sa famille, et il n’était pas question que qui que ce soit se voit manipuler une nouvelle fois par le capitaine… ni par personne d’autre. Mais pour Shôri, il n’y avait que la menace sous-jacente et elle déglutit.

- Ce… Voyons ce n’est pas mon genre. Nous sommes de la même famille, nous nous entraidons tu le sais bien.

Hatsu grogna intérieurement. Un son digne de Loup qui ricana de nouveau. Tout cela l’amusait beaucoup.

(Humains si étranges…Continue.)

Cela tira un rictus amusé à Hatsu, mal interprété par Shôri qui ne vit pas tout cela d’un très bon œil. Elle ouvrit la bouche mais une voix transperça la quiétude des conversations et tout le monde, Hatsu comprise, se figea.

- Au feu ! La maison brûle !

Il y eut un moment de flottement. Silence pesant brisé par le cri de Shôri, provoquant une soudaine panique parmi les convives qui se ruèrent de manière désordonnée vers la sortie la plus proche, oubliant toute noblesse pour sauver leur vie, quitte à piétiner les autres sur leur passage. Bousculer, Hatsu grogna mais reste campée sur ses jambes, regardant d’un air navré sa cousine qui se tenait fermement au bras de son frère, hurlant qu’elle voulait sortir sans pour autant faire le moindre mouvement pour s’en tirer. Les jumeaux s’entre regardèrent un instant puis Ryo, comprenant peu ou prou ce que sa sœur avait en tête, aida la geignarde et se dirigea d’un pas ferme vers la sortie.

- Chef Tanis !

La voix d’Hatsu perça le bruit environnant et le chef apparut presque par magie, déroulant le tissu recouvrant l’arc et le carquois de la jeune femme, qui s’en équipa aussitôt. Elle se savait pas si cela faisait partie du plan de Volh ou non, mais, pour éviter tout problème, elle préférait ne pas prendre de risques inutiles.

- Occupez-vous de mes parents comme convenus, faites-les sortir de là.

Alors qu’elle allait se ruer à l’étage, il lui attrapa le bras et ils échangèrent un bref regard. Lui, inquiet, lui demandait silencieusement de ne pas y aller, d’être prudente et raisonnable cette fois. Elle sourit mais se dégagea fermement. Il n’insista pas et donna ses ordres. Les miliciens encadrèrent la fuite de la famille et dirigèrent les convives vers la sortie. Hatsu fut surprise et quelque peu énervée de voir son frère et Shôri loin de la sortie, cette dernière s’étant affaissée contre un pilier, sanglotant comme une hystérique. Elle leva les yeux au ciel et commença à se diriger d’un pas vif vers eux, quand un individu tout de noir vêtue, armé d’un marteau d’où luisait une magie qu’elle connaissait que trop bien, surgit par la porte menant au couloir permettant d'accéder à l'étage. Badgé sur sa poitrine, l’insigne si longtemps fuit pendant sa recherche du métal sombre.

(Oh pas encore par Rana !)

Mais cette fois, l’attention de l’individu masqué ne se porta pas sur elle, mais balaya la salle du regard, s’arrêtant sur la jeune femme hystérique et sur son frère qui tentait tant bien que mal de la relever. Hatsu pâlit brusquement, encocha une flèche et lança un cri d’avertissement.

- Ryo !

(Volh, je ne sais pas ce que tu as en tête, mais j’espère sincèrement que tu n’es pas derrière tout ça !)
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Akihito
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Re: Les Habitations

Message par Akihito » sam. 3 août 2019 02:22

Dans le chapitre précédent...

Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre

Chapitre XVII.2 : Tomber sur un os pendant les noces

Kage se reprit rapidement : il n'avait certainement pas prévu que le combat se termine si vite, mais il n'en fit pas grand cas. Il rejoignit rapidement son allié pour l'aider à le déposer sur le sol, sans un bruit. Cherock plissa le nez : une odeur de brûlée commençait à lui chatouiller les narines. Le feu devait commencer à se propager quelque part, mais il ignorait pourtant où pour le moment. Alors qu'il se demandait quelle était la suite des opérations, Kage se mit à faire les poches de l'ex futur marié. Si c'est avec un regard un peu circonspect qu'il le regarda faire, il le fut un peu plus lorsque ce dernier lui envoya une bourse dans les mains, le son des pièces tintant dedans. Il lui indiqua qu'il s'agissait d'un paiement en avance pour son aide, alors que de son côté il garda pour lui un trousseau de clés qui avait certainement à voir avec les fameuses preuves qu'il avait évoqué durant la préparation de l'assaut. Cherock ne s'en inquiéta pas outre mesure : il se contenta d'accrocher la bourse à sa ceinture en attendant de compter son contenu et se posta à la porte, en prévision d'un autre invité indésirable.

"Nous allons avoir besoin d'une diversion, désormais : deux gardes tiennent les portes de la grande salle dans laquelle tout le monde est rassemblé, hormis les servantes et servants qui vont et viennent depuis la cuisine jusqu'au salon. Neutralisons les pendant que notre diversion se met en place." 

Sur ces mots, Kage se dévêtit de son kimono, dévoilant une tenue semblable à la sienne. Il ne savait pas à quoi prouvaient ressembler les elfes noirs ni les membres du Tonnerre d'Omyre, mais ils passeraient sans problème pour deux acolytes de la même organisation. Quelques sifflements plus tard, les enfants arrivèrent dans la pièce, torches à la main. Ils passèrent devant Cherock qui les regarda avec effroi envoyer rouler toutes les torches sous le lit.

"Mais qu'est ce que...! Bord..." furieux, Cherock jura à voix basse. Si ils mettaient le feu dans cette chambre, par où allait-il sortir avec l'otage ?! Le lit commençait déjà à prendre feu quand il se précipita à son côté, le poussant le plus loin possible de la fenêtre contre le mur. Lorsque la chaleur se fit insoutenable, il donna un coup de pied dans le sommier du lit pour essayer de le faire reculer de quelques centimètres supplémentaires. L'enchanteur se tourna vers son acolyte qui lui demanda aussi tôt s'il lui restait du charbon. Au moment où il acquiesçait et lui envoyait sa bourse contenant le peu qu'il avait encore, l'alarme fut donnée.

"Au Feu ! La maison brûle !"

"Et merde ! Kage, j'y vais ! Essaye de me garder une voie de sortie par le toit !"

La réponse de Kage fut à moitié noyée dans les hurlements qui rugirent au rez de chaussé. L'enchanteur ne s'en soucia pas, il avait bien d'autres choses à penser à ce moment là. Dévalant les escaliers, marteau posé sur l'épaule, il vit deux gardes chacun vêtu d'une livrée différente garder la porte menant à la salle de réception. L'un en livré noir et or tournait le dos à l'escalier, probablement alerté par les cris. Le second, en rouge et or, le vit et le dévisagea d'un regard ahuri. Une décision devait être prise. Lequel devait être neutraliser en premier ? Son choix se porta finalement sur le premier : de dos, il serait une cible facile et n'essayerait pas d'éviter son attaque, surtout qu'il courrait dans un escalier et n'avait pas le temps d'ajuster son tir. Il utilisa alors son marteau pour amplifier sa magie et dirigea sa paume droite ouverte vers l'homme en noir et or.

Et là, le temps se suspendit un instant.

Alors qu'il appelait la magie dans sa main, c'est la foudre générée par son corps, nouvellement découverte, qui répondit à son appel le plus vite. Un globe d'éclairs vibrant d'énergie se condensa dans sa main et partit à grande vitesse vers sa cible. Le projectile frappa le dos le soldat, libérant une gerbe d'éclairs. Le choc projeta le malheureux contre le mur, s'éclatant dessus dans un choc mat. Il glissa et s'écroula au sol, la bouche paralysée par la foudre en un cri de douleur muet. Il était hors d'état de nuire.
Le second soldat brandit sa hallebarde et chargea le jeune homme, voulant l'empaler. Ce dernier mit de côté les interrogations quand à ce qu'il venait de réaliser et se concentra sur son nouvel assaillant. Le visage déformé par la hargne, il tenta de placer un coup d'estoc en direction de son plexus solaire. D'une torsion du buste, Cherock pu éviter l'assaut frontal et la lame acérée passa à un pouce de son torse. De la main gauche, il rabattit le marteau sur la hampe et plaça sa main en bas du manche pour pouvoir exercer une plus grande force. Il fit remonter le long du bois la tête du marteau et l'envoya avec force en plein thorax de son adversaire, arborant le même insigne que le capitaine. Si un coup similaire mais plus puissant avait été atténué par Talabre quelques instants plus tôt en grand combattant qu'il était, l'homme en face de lui n'avait pas cette expertise. Le coup défonça la cage thoracique du garde, sans laisser grand espoir quant à sa survie. Ce dernier percuta également le mur et s'écrasa comme un pantin.
Un cri affolé venant des cuisines derrière lui suivit d'une porte claquée lui apprit qu'il avait été vu attaquant les gardes. Se penchant rapidement sur l'homme qu'il venait probablement de tuer, il confirma que celui ci portait les mêmes couleurs que Talabre. Il eut alors un peu moins de remords à emporter la vie de cet homme, bien qu'un goût de bile lui envahit la bouche.

(Je te rappelle que tu as le frère de la mariée à "enlever" avant que cette maison ne se transforme en brasier !)

(JE SAIS AMY.) répondit avec colère Cherock à sa Faëra. Ne pouvait-il pas avoir quelques instants ne serait-ce que pour souffler ?!

La porte n'étant plus gardé, il pouvait désormais entrer dans cette dernière pour enlever sa cible.

(Et quitte à faire les choses bien...)

Bandant une nouvelle fois ses muscles, il envoya la tête du marteau dans un mouvement ascendant, faisant s'ouvrir la porte avec fracas. De nouveaux cris raisonnèrent et histoire de faire bonne figure, il fit crépiter des éclairs violets le long de son arme et dans sa main avant de se ruer dans la pièce. Un coup d'oeil circulaire lui fit prendre conscience du chaos ambiant qui régnait. Sur sa droite non loin de lui, une jeune femme armée d'un arc le fixa avec un air effarée et un peu derrière elle, un homme en kimono violet était devenu pâle comme un linge en le voyant, les yeux rivés sur sa poitrine. Mais trop âgé pour sa cible. Plus loin dans la salle sur la droite, deux personnes richement vêtues faisaient évacuer le plus de personnes. Enfin, un gros homme ventru que Cherock identifia rapidement comme ke conseiller Gale -faisant le lien avec le rire entendu plus tôt- faisait effectivement sortir le plus de personnes. Le conseiller Kapono, lui, se contentait de regarder dans un coin de la pièce avec un regard amusé l'émeute qui de déroulait sous ses yeux. Sur la gauche du jeune homme, un homme se débattait visiblement avec une jeune femme à la robe au décolleté très... avantageux, qui hurlait à plein volume près de son oreille. Le jeune homme était bien habillé dans un uniforme d'apparat impeccable, ne souffrant d'aucun pli qui n'ai été causé par les serres de l'hystérique s'attachant à lui. Un discret grain de beauté se trouvait d'ailleurs à sa tempe... Sa cible.

Rangeant le marteau noirci dans son dos, il se mit à courir en direction de l'homme. Frappant son poing entre-ouvert contre sa paume droite, l'enchanteur créa rapidement un long poignard de foudre en générant la poignée dans sa main gauche puis la lame en éloignant progressivement sa paume droite, lui donnant un tranchant effilé pourpre. Dans son dos, il entendit la jeune femme hurler "Ryo !", probablement le nom du soldat qui arrêta de se débattre pour tourner la tête dans sa direction.
Cette courte intervention donna de précieuses informations à Cherock :
- 1, sa cible s'appelait Ryo.
- 2, la jeune femme qu'il avait vu armé d'un arc était vraisemblablement la soeur de ce dernier donc la mariée, au ton alarmée qui perçait dans son appel.

La dague dans une main, le faux agent d'Omyre baissa un peu la tête pour cacher davantage ses traits.

(Cette folle furieuse compte pas le lâcher.) lui fit remarquer Amy en voyant que la femme en robe poussait des hurlements atteignant des hauteurs que Cherock ne pensait pas possible en le voyant courir dans leur direction.

(Pas le temps de faire dans la dentelle, j'ai pas le luxe de me permettre de me taper toute la garde.)

Il leva donc la main et projeta un nouveau globe de foudre sur la folle furieuse. Il percuta l'épaule de la jeune femme, brûlant le tissu et attaquant sa peau. Les cris passèrent de la peur à la douleur (sans perdre de leur intensité) et elle s'écroula sur le sol, en tenant son épaule meurtrie, libérant enfin le pauvre homme.
Celui ci n'eut pas le temps de savourer sa liberté. Cherock lui tomba rapidement dessus et se glissa dans son dos, évitant le coup de poing maladroit que ce dernier tenta de lui envoyer. La lame de foudre pure se plaça sous sa gorge alors que la main chargeant un autre sort passa sous son aisselle. La tête juste derrière son épaule, il lui murmura :
"Je suis là pour saboter le mariage de ta soeur et t'extirper de là... Alors laisse toi faire et ne me rend pas la tâche plus compliquée."

Il lança un Choc de Valyus à pleine puissance en direction d'une poutre vers la foule en fuite, accentuant la panique et les cris. Il se tourna alors en direction de la jeune mariée qui pointait désormais une flèche dans sa direction.


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Hatsu Ôkami
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Re: Les Habitations

Message par Hatsu Ôkami » sam. 3 août 2019 10:43

La situation avait tourné au désastre sans qu’elle ne puisse comprendre comment. Sa cousine était au sol, l’épaule ravagée par un sort de foudre et son frère, face à elle, avait une lame d’éclairs sous la gorge tandis que l’ennemi le retenait, menaçant sa vie après avoir frappé d’un puissant sort le plafond de la salle, probablement pour empêcher des gardes d’intervenir. Elle avait une flèche pointée dans leur direction, mais ses doigts tremblaient. Elle risquait gros, à tirer, beaucoup trop gros. Elle jura intérieurement, ne lâchant pourtant pas sa cible du regard. Ses yeux angoissés rencontrèrent ceux de Ryo qui, étrangement, devinrent calmes tandis qu’il semblait soudainement moins tendu. Un discret sourire passa sur ses traits, à peine perceptible, mais qu’Hatsu repéra sans difficulté, le connaissant bien trop pour rater ce genre de détail. D’un discret signe, il lui enjoignit de ne pas intervenir et elle le regarda, médusée, tandis qu’il luttait faiblement, comme pour donner le change.

(Par Rana, qu’as-tu en tête Ryo ?)

Elle relâcha la corde de son arc, doucement, abaissant sa flèche sans pour autant cesser de fixer celui qui détenait son frère. Elle luttait pour ne pas tout simplement tirer sur l’ennemi pour sauver son frère, mais une chose l’en empêchait. Les yeux. Il n’était pas Shaakt, elle en aurait mis sa main à couper. Quelque chose clochait dans tout ça, mais elle ne voyait pas quoi, cela n’avait pas de sens. Indécise, elle ne pouvait se résoudre à laisser passer tranquillement celui qui était là pour enlever son frère. Et pourquoi lui ?

- Si vous touchez à un cheveu de sa tête, je vous jure que je mettrais Omyre à feu et à sang pour vous retrouver et vous le faire payer.

Deux gardes s’avançaient, mais elle les arrêta d’un geste.

- Non ! Vous risquez de blesser mon frère, laissez-les partir… pour l’instant.

Elle suivit le duo du regard, s’écartant pour le laisser passer, les mains serrées sur son arc, attendant une occasion qui ne vint pas. Elle bouillonnait et lança un regard anxieux à son frère qui cligna des yeux pour lui indiquer que, étrangement, tout irait bien. Loin de la rassurer, cela la fit se questionner un peu plus. Elle n’eut pas le temps de s’en inquiéter plus avant car un sinistre craquement provenant du plafond se fit entendre. Elle se tourna vers les gardes encore présents.

- Evacuez ma cousine et voyez si Hayake est encore en vie, il devait protéger la porte. Sortez-le d’ici au plus vite si c’est le cas ! Onoda, suivez-les, sortez d’ici !

- Et vous ?

- J’ai quelque chose à vérifier…

Elle voulut s’élancer mais il la retint par le bras.

- Vous vous jetez dans la gueule du loup.

Elle eut un sourire crispé.

- Très mauvais choix de mots pour une Ôkami, Onoda.

Il la regarda d’un air navré, mais retira son bras, la laissant s’engager dans le couloir à la suite du fulguromancien. Elle vit les deux corps inanimé au sol et aida un des hommes de sa famille à vérifier leur état. Le garde de Talabre était bel et bien mort mais Hayake, bien que très amoché, était encore en vie. Elle fit de son mieux pour aider le milicien à transporter son fardeau sans qu’il ne le blesse davantage, s’attirant un regard à la fois surpris et reconnaissant de celui qui travaillait pour sa famille. Elle leva les yeux au ciel devant sa surprise.

- Vous pensiez que vos vies n’avaient pas de valeurs à mes yeux ? Sortez-le d’ici et trouvez quelqu’un pour le soigner, ma famille se chargera de payer tous les frais, exécution !

- Entendu!

Elle le laissa s’éloigner et, avisant l’escalier, grimpa à l’étage où régnait une chaleur étouffante.

(Si leur but c’est de raser la maison, ils ne font pas les choses à moitié.)

Toussant et se courbant pour éviter la fumée, elle avança en plissant les yeux, essayant de repérer la trace du fulguromancien dans cet enfer.

(Loup ! j’aurai besoin de ton aide sur ce coup.)

(Chasseresse devrait partir. Feu mauvais.)

(Pas avant d’avoir…)

Elle avisa un corps au sol et, jurant contre la chaleur qui devenait intenable, elle s’approcha et reconnut Talabre, respirant difficilement. Elle fit face à un choix, laisser cet enfoiré brûler dans les flammes de sa propre maison, ou le trainer en dehors et lui annoncer plus tard qu’il avait une dette envers elle. Elle sourit narquoisement à cette idée, mais elle aurait voulu rattraper son frère. Elle revit son geste, lui demandant de ne pas intervenir. Par Rana que pouvait-il bien avoir en tête ? Elle hésita puis, sentant la chaleur des flammes, elle jura et attrapa Talabre par le col avant de lui faire descendre l'escalier marche par marche, le traînant sans ménagement. Arrivée en bas, elle le tira un peu plus avant de sentir un mouvement dans le couloir. Elle se retourna, la petite lame dissimulée dans sa manche glissant dans sa main, avant de se figer. Un autre membre du tonnerre d'Omyre lui faisait face. Mais celui-ci ne fit aucun geste contre elle et elle croisa son regard, y voyant un éclat qu'elle connaissait bien. Elle baissa le regard vers Talabre, vérifiant qu'il était toujours inconscient avant de lever un regard chargé à la fois d'angoisse et de détermination pour l'homme qu'elle avait en face d'elle.

- Va ! Je m’en occupe… pour sauver les apparences.

Elle se tourna, murmurant quelques mots avant que l’ombre ne disparaisse.

- Va, mais reviens moi, tu m’entends ?

(On aura des choses à se dire…)
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Vohl Del'Yant
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Re: Les Habitations

Message par Vohl Del'Yant » jeu. 8 août 2019 03:17

Son allié répond à sa question en opinant du chef : après avoir fouillé dans une sacoche à sa ceinture, il sort un nouveau morceau de bois noirci qu'il dépose au creux de sa main. Réduisant en poudre le matériau dans son poing, Vohl se badigeonne le visage et les mains tandis que Cherock pousse une exclamation de surprise lorsque les enfants font rouler les torches sous le lit de la chambre. Visiblement, ce n'est pas du goût du fulguromancien, et Vohl en comprend bien la raison puisque ce dernier est censé passer par ici chargé du fardeau quelque peu handicapant que constituera le frère de Hatsu... Mais ils auront sans conteste besoin d'une diversion pour s'éloigner du lieu de leur crime. Et cela doit passer avant le confort.

Si tout se passe bien, la chambre ne sera pas encore complètement en flammes lorsqu'ils devront repasser par la fenêtre pour s'échapper. Dans le cas contraire...il leur faudra improviser. Vohl regarde au sol en se frictionnant les joues afin de répartir au mieux l'ébène qui teint désormais son visage. Il a une bouffée de colère en regardant son rival, au sol, la respiration sifflante. S'il n'est pas bientôt secouru, il mourra. Une aide qui n'arrivera jamais à temps s'il le laisse ainsi. A regret, et plus par respect pour ses valeurs que pour ses sentiments, il débouche une petite fiole. Réfrenant son envie de plonger les lames dans l'individu aujourd'hui à sa merci, après des années de fuite, il fait perler quelques gouttes sur les lèvres de l'homme qu'il abhorre. Comme il serait facile de le laisser là, consumé par l'incendie, étouffé par la fumée et le sang qui emplissent sa poitrine. Quelle douce vengeance. Mais quelle douceur dans le sort qu'il promet ainsi au meurtrier de son père. Une douceur trop mal méritée. Il ne mérite pas de mourir dans son sommeil comateux, que ce soit brutalement par ses lames ou lentement, dans un calme absolu, lorsque l'air vital désertera son sang et ses poumons.

Non. Une nouvelle vie, voilà ce que souhaite Vohl à son ennemi. Une nouvelle vie, qui passe par la perte de son ancienne et de tout ce qu'il avait commencé à bâtir. Une vengeance à la hauteur de ce que Talabre lui a fait subir. Malgré tout, malgré les liens de haine qui étreignent son coeur comme autant de ronces, malgré sa volonté de faire souffrir Talabre, il ressent la pressente envie, le besoin urgent de mettre fin à la vie du capitaine. Il garde le contrôle. L'homme aux poumons éclatés qu'il a devant lui ne pourra plus continuer ce qu'il faisait. Il doit survivre, pour mieux payer. Mais même avec cette idée en tête, tirer l'homme de la chambre qui finira en feu est un trop gros sacrifice.

(Qu'il en soit ainsi. Ta mort ne m'apaisera pas maintenant, misérable intriguant. Mais au moins elle laissera goûter au monde un peu plus de justice. Je ne sais trancher entre une vengeance immédiate ou la satisfaction de te savoir brisé. La déesse en sera seule juge. Meurs si Rana le veut ainsi. Survis de même. Quoi qu'il advienne, j'ai mis en mouvement ta Roue. L'heure est venue pour toi d'emprunter la route du changement.)

Vohl se redresse, un regard méprisant vers l'ennemi qu'il a fuit pendant des années. Tout a été réglé si vite que des regrets sadiques lui pincent le coeur. Un battement de palpitant. C'est tout ce qu'il aura fallu pour que le marteau de son allié fracasse sa cage thoracique. Des années de fuites, de tristesse, d'abandon et de haine, pour une poignée de secondes. Il perçoit Cherock qui s'élance hors de la pièce du coin de l'oeil, lui adressant une phrase dont il ne saisit pas le sens, concentré sur l'homme qui gît au sol. Une partie de sa vie est portée par cet homme. Vohl n'est pas pour autant devenu aveugle à la situation réelle, mais il ne réagit plus, comme dans un somnambule aux yeux ouverts. Les flammes qui prennent sur le lit ne captivent pas plus son attention que le cri qui retentit à l'étage du dessous. Derrière le corps désarticulé de son adversaire, jeté comme un chiffon par un enfant négligent, il sent plus qu'il ne voit une silhouette danser de joie. La silhouette d'une femme en robe rouge, à la fureur rugissante et laissant pourtant couler des larmes qui s'enflamment avant de tomber sur le lit, comme des perles d'une rage qui la consumme. Une main prend la sienne. Il bat des cils, faisant disparaître quelques larmes. La jeune fille à la robe bleutée le tire en avant doucement. Yuzu.

"Il faut y aller, Vohl."

Le ton est pressant, et reconnecte l'assassin à l'importance de la situation. Il se rue à la suite de son allié, descendant de l'escalier au moment où ce dernier explose littéralement la porte du salon, déclenchant chez les poules de la noblesse une volée de cris aigus. Vohl sourit. Il est presque certain que Hatsu n'aura pas réagi. Penser à son amante achève de le concentrer sur la tâche en cours. Saisissant la clef qu'il a récupéré à la ceinture de Talabre, il se rue dans le bureau tandis que Yuzu, après un regard inquiet vers lui, se dirige vers la petite porte de service pour s'intégrer aux invités l'air de rien. Une fois dans le bureau, il ne perd pas de temps à observer les lieux. Cet endroit sera probablement en cendre dans quelques heures, et si ce n'est pas le cas, il doute d'y retourner un jour. Il s'approche directement du bureau inviolé. Le fait que la clef ait été à la ceinture du capitaine lui enlève la nécessité de trouver le mécanisme qu'avait tenté de lui décrire Hatsu, ou de briser le bureau pour essayer de le trouver. Il tâche de ne rien déranger : ni les liasses de papier qui ornent le bureau, ni les livres empilés sur les meubles, ni même la chaise ou le tapis. L'assassin s'approche rapidement du mur opposé au bureau...proche de la fenêtre. Fort heureusement, les rideaux sont baissés et l'extérieur ne peut voir ce qui se passe dans la pièce.

L'assassin inspecte le rebord de la paroi de boue séchée. Il tâte le rebord. Aucune prise, aucune irrégularité sur le muret. Hatsu lui a pourtant décrit avec précision l'endroit vers lequel il s'était penché avec la clef. Mais rien n'apparaît : le mur est aussi lisse que la peau d'un bébé wunrkroll. En désespoir de cause, il tente de mimer les mouvements qu'avait du faire le futur ancien capitaine pour se placer devant le mur, en tournant le dos à la porte pour cacher ses manipulations à une Hatsu imaginaire. En se mouvant, une des lattes du plancher grince bruyamment. Vohl tend l'oreille, et réeffectue la manœuvre. La planche grince de nouveau. Il tâte les planches voisines du pied, sous le tapis. Aucune ne produit le moindre bruit. Une erreur causée par un artisan trop peu payé ? Peu probable : aucun son n'a été jusqu'ici émis par les lattes du plancher, alors pourquoi ici, en particulier ?

Laissant parler son intuition, il tape d'un coup sec du talon au niveau de la planche grinçante. Un bruit sec de fait entendre, et l'écho se fait entendre au niveau du mur. Rien n'a pourtant changé. Intrigué, Vohl se penche sous la fenêtre. Juste sous le rebord, une épaisseur est apparue : quelques centimètres, seulement. Mais c'est suffisant pour laisser apparaître une minuscule serrure en cuivre forgé. Exactement de la taille de la petite clef du même métal. Il insère la clef dans la serrure et tourne doucement. Aussitôt l'instrument tourné d'un petit angle, un nouveau bruit plus doux se fait entendre, comme le glissement de deux écrins de satin l'un contre l'autre. Il tend l'oreille pour ignorer les bruits de cavalcade et les cris lié au secours de blessés dans le couloir et la pièce voisine.

(Et dire qu'il me demandait de ne pas faire couler de sang inutile.)

Malgré cette pensée pleine de mauvaise foi, le jeune ynorien n'est pas mécontent que de réelles blessures aient été infligées : non pas par plaisir sadique - il éprouve des remords et ne souhaite rien d'irréparable à la plupart des invités - mais cela renforce d'autant la mise en scène sur laquelle ils ont travaillé. Il se centre de nouveau sur l'examen du mur.

Un nouveau repli est apparu, comme un nouveau tiroir gigogne, en dessous du précédent, orné de la serrure. Ce repli est tenu sur les côtés par deux tiges, qui retiennent un coffret sans couvercle. Il tire vers lui le coffret, qui vient sans aucune résistance. Dedans, des papiers et quelques objets dont il ignore la nature, mais dont certains semblent particulièrement étranges : des objets rituels, sans doute, mais également des sceaux étranges. Nul doute que dans ces liasses se trouvent déjà des faits peu reluisants. Mais mieux vaut s'en assurer. Sans tarder, il place sous quelques autres papiers la missive qu'il transporte avec lui depuis si longtemps, avant de disposer la dizaine de symboles oaxiens dans la cache. Ceci fait, il récupère la clef avant de remettre le coffret sur les deux tiges-support et en poussant d'un geste ferme vers le haut, un déclic lui assure que le mécanisme a repris sa place originale. La clef en main, il ne résiste pas à l'envie de fouiner quelques secondes. Dans l'un des tiroirs du bureau, une bourse tellement rembourrée que son ventre distendu laisse voir son contenu. Il ne résiste pas : quelques pièces rembourseront ses frais. Que les Yamada manquent de moyens pour reconstruire leur demeure est le cadet de ses soucis. Une autre bourse, plus petite et discrète, retient son attention. Il s'en saisit rapidement avant de regagner le couloir, la clef toujours à la main.

Il se fige lorsque son regard rencontre le corps du pantin descendu de l'escalier. Tiré par le col par Hatsu. Vohl peine à ne pas sourire rien qu'en la voyant. La jeune femme est magnifique...mais il se reprend vite. Elle ne l'a pas encore remarqué, son attention retenue par la maison en feu et elle reprend son souffle en s'appuyant contre le mur, s'essuyant le front et les yeux pour en ôter la sueur causée par la chaleur intense qu'elle vient de traverser. Vohl profite de cet instant pour s'approcher rapidement et en silence du comateux. Un bien maigre challenge, considérant le boucan qui règne dans la pièce voisine. Il replace la petite clef à la ceinture du capitaine moribond, avant de se redresser, jaugeant son amante en hésitant à se signaler ou non. Le destin aura choisi pour lui : la jeune femme se retourne, comme mue par un flair de chasseur. Vohl reste figé un instant, son regard planté dans celui, dur, de celle pour laquelle il a donné le maximum. Le mariage est ruiné, et vu la condition du capitaine, il va sans dire que la famille Ôkami pourrait sans doute reconsidérer l'offre de mariage sans perdre une écaille de dignité. Il espère néanmoins que ce qu'a vu Hatsu du personnage la persuadera d'aller plus loin, et de bannir l'influence d'un chacal aussi malfaisant de la cour Ynorienne.

Les pupilles de son amante s'étrécissent en un instant lorsqu'elle le voit, commençant à prendre une posture de défense, avant de se détendre. Elle l'a reconnu. Il prend la parole avant qu'elle puisse dire quoi que ce soit.

"Souviens-toi d'où il stocke ses biens les plus précieux, et demande-lui de dévoiler son contenu. Je n'ai pas su trouver le mécanisme d'ouverture. C'est là qu'il cache ses secrets, et ce qui te permettra de l'écarter de ta famille définitivement...Mais pour cela il doit vivre...Je suis navré de devoir te demander ça."

La jeune femme réagit d'un ton vif, sans une once d'hésitation.

"Va ! Je m’en occupe… pour sauver les apparences."

Sans doute pourra-t-elle lire l'admiration dans ses yeux lorsqu'elle prononce cette phrase, et tout l'amour qu'il lui porte avant qu'il ne rompe le contact de leurs regards en se détournant vivement pour s'engager dans l'escalier en feu. Avant de s'y engager, il entend la phrase qu'il attendait, et qui fait battre son cœur un peu plus fort qu'il ne bat déjà. D'amour mais aussi...d'inquiétude.

"Va, mais reviens moi, tu m’entends ?"

Il va devoir s'expliquer, et cette fois, aucune échappatoire ne lui sera permise. Grimpant les marches quatre à quatre après avoir pris une grande inspiration, le crépitement du brasier et les gémissements de la maison en proie aux flammes et aux éclairs. Un madrier tombe derrière lui, accompagné par les hurlements des invités qui se sont massés dans le jardin. Large, ce dernier offre l'abri des arbres : Vohl l'a suffisamment observé la nuit dernière pour le savoir. Un assassin posé en hauteur n'aurait pas la ligne de vue nécessaire pour user d'une arme de jet. Le lieu le plus sûr consisterait sans doute à se réfugier dans l'aile des domestiques. Le bâtiment, exigu, profitant de la protection que les arbres proposent à la plupart du jardin, et présentant si peu d'ouvertures qu'un intrus devrait apporter un bélier ou faire tomber un mur pour entrer dans le bâtiment -trop petit pour être honnêtement appelé maison-. Mais tout le monde ne pourrait de toute façon pas entrer dans le petit baraquement.

A peine arrivé dans la chambre, la chaleur de l'incendie le fait transpirer : les gouttes de sueur perlent sur ses paupières avant de tomber et s'écraser sur les lattes brûlantes du plancher pour s'évaporer presque aussitôt. Les rideaux, enflammés, forment des colonnades de feu autour d'une fenêtre ouverte, là ou le lit, transformé en bûcher mortuaire digne d'un roi, laisse les langues de feu qui en sortent s'écraser contre le plafond qui laisse désormais voir le ciel. Cherchant son souffle dans l'air galvanisé, le toit s'affaisse brutalement de quelques centimètre, avant de perdre une brassée d'un coup, projetant des étincelles dans l'atmosphère, aussitôt entraînées par l'air chaud vers les ouvertures du toit.

Vohl ne se pose pas plus de questions. Le toit va s'effondrer d'un moment à un autre, il n'est plus vraiment temps de tergiverser. Il s'élance vers la fenêtre. Enjambant la rambarde rendue bûlante, les yeux irrités et la gorge sèche par la fumée, il prend appui sur le toit du premier étage. Le soleil, pourtant à son zénith, est d'une rafraîchissante chaleur, et le vent printanier qui souffle sur la maison en attise les flammes, provoquant encore un effondrement partiel de la toiture principale. Vohl n'a pas le temps de se retourner. Le toit se termine devant lui. Au milieu de la fumée tourbillonnante, dirigée par les vents de Rana, la silhouette du jeune homme se dresse, le regard dirigé vers la sente dans le jardin. Une escouade passe devant lui en courant, portant simplement de l'eau dans de larges sceaux de bois.

(Il est trop tôt. L'incendie n'a pas encore rasé la maison. Tu dois repartir de tes cendres, Talabre. Des cendres de ta maison.)

D'une pression sur sa bague, un éclair s'envole en fendant la fumée blanchâtre qui l'encercle. A toute vitesse, cette foudre étrange traverse l'espace qui le sépare du premier garde dans sa ligne de vue. Elle le percute violemment dans le dos, le projetant en avant, renversant son sceau et les deux gardes le précédent. Les autres mercenaires se retournent lorsque le premier pousse un hurlement de douleur. En avisant le pourtour de l'homme qui se tient sur les toits, ils explosent en alerte avant de tirer leurs épées au clair. D'un nouveau geste, une toile d'éclairs tremblotants se déploie vers eux en émettant le bruit sourd des orages et des tempêtes qui balaient parfois cette partie de la côte. La frayeur des soldats est réels, alimentée par les hurlements stridents des invités qui s'exclament de plus belle lorsqu'une partie du toit s'écroule pour de bon dans le jardin, dénudant la chambre calcinée de Talabre et une partie de la salle de bain familiale.

Le décrochement des lourdes poutres noircies fait vibrer le toit du premier étage sous les bottes de Vohl : se faire attraper ici ruineraient toutes leurs chances. Cherock a accompli sa part du travail. Il a également joué son rôle, tout comme les enfant se sont admirablement conformés aux exigences du plan. Il n'y en a plus qu'une, et une seule, qui a son rôle à tenir dans cette maison. Il prie pour qu'elle réussisse à faire entendre sa voix.

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Akihito
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Re: Les Habitations

Message par Akihito » mar. 13 août 2019 23:07

Dans le chapitre précédent...

Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre

Chapitre XVII.2 : Tomber sur un os pendant les noces

Kage se reprit rapidement : il n'avait certainement pas prévu que le combat se termine si vite, mais il n'en fit pas grand cas. Il rejoignit rapidement son allié pour l'aider à le déposer sur le sol, sans un bruit. Akihiko plissa le nez : une odeur de brûlée commençait à lui chatouiller les narines. Le feu devait commencer à se propager quelque part, mais il ignorait pourtant où pour le moment. Alors qu'il se demandait quelle était la suite des opérations, Kage se mit à faire les poches de l'ex futur marié. Si c'est avec un regard un peu circonspect qu'il le regarda faire, il le fut un peu plus lorsque ce dernier lui envoya une bourse dans les mains, le son des pièces tintant dedans. Il lui indiqua qu'il s'agissait d'un paiement en avance pour son aide, alors que de son côté il garda pour lui un trousseau de clés qui avait certainement à voir avec les fameuses preuves qu'il avait évoqué durant la préparation de l'assaut. Akihiko ne s'en inquiéta pas outre mesure : il se contenta d'accrocher la bourse à sa ceinture en attendant de compter son contenu et se posta à la porte, en prévision d'un autre invité indésirable.

"Nous allons avoir besoin d'une diversion, désormais : deux gardes tiennent les portes de la grande salle dans laquelle tout le monde est rassemblé, hormis les servantes et servants qui vont et viennent depuis la cuisine jusqu'au salon. Neutralisons les pendant que notre diversion se met en place."

Sur ces mots, Kage se dévêtit de son kimono, dévoilant une tenue semblable à la sienne. Il ne savait pas à quoi prouvaient ressembler les elfes noirs ni les membres du Tonnerre d'Omyre, mais ils passeraient sans problème pour deux acolytes de la même organisation. Quelques sifflements plus tard, les enfants arrivèrent dans la pièce, torches à la main. Ils passèrent devant Akihiko qui les regarda avec effroi envoyer rouler toutes les torches sous le lit.

"Mais qu'est ce que...! Bord..." furieux, Akihiko jura à voix basse. Si ils mettaient le feu dans cette chambre, par où allait-il sortir avec l'otage ?! Le lit commençait déjà à prendre feu quand il se précipita à son côté, le poussant le plus loin possible de la fenêtre contre le mur. Lorsque la chaleur se fit insoutenable, il donna un coup de pied dans le sommier du lit pour essayer de le faire reculer de quelques centimètres supplémentaires. L'enchanteur se tourna vers son acolyte qui lui demanda aussi tôt s'il lui restait du charbon. Au moment où il acquiesçait et lui envoyait sa bourse contenant le peu qu'il avait encore, l'alarme fut donnée.

"Au Feu ! La maison brûle !"

"Et merde ! Kage, j'y vais ! Essaye de me garder une voie de sortie par le toit !"

La réponse de Kage fut à moitié noyée dans les hurlements qui rugirent au rez de chaussé. L'enchanteur ne s'en soucia pas, il avait bien d'autres choses à penser à ce moment là. Dévalant les escaliers, marteau posé sur l'épaule, il vit deux gardes chacun vêtu d'une livrée différente garder la porte menant à la salle de réception. L'un en livré noir et or tournait le dos à l'escalier, probablement alerté par les cris. Le second, en rouge et or, le vit et le dévisagea d'un regard ahuri. Une décision devait être prise. Lequel devait être neutraliser en premier ? Son choix se porta finalement sur le premier : de dos, il serait une cible facile et n'essayerait pas d'éviter son attaque, surtout qu'il courrait dans un escalier et n'avait pas le temps d'ajuster son tir. Il utilisa alors son marteau pour amplifier sa magie et dirigea sa paume droite ouverte vers l'homme en noir et or.

Et là, le temps se suspendit un instant.

Alors qu'il appelait la magie dans sa main, c'est la foudre générée par son corps, nouvellement découverte, qui répondit à son appel le plus vite. Un globe d'éclairs vibrant d'énergie se condensa dans sa main et partit à grande vitesse vers sa cible. Le projectile frappa le dos le soldat, libérant une gerbe d'éclairs. Le choc projeta le malheureux contre le mur, s'éclatant dessus dans un choc mat. Il glissa et s'écroula au sol, la bouche paralysée par la foudre en un cri de douleur muet. Il était hors d'état de nuire.
Le second soldat brandit sa hallebarde et chargea le jeune homme, voulant l'empaler. Ce dernier mit de côté les interrogations quand à ce qu'il venait de réaliser et se concentra sur son nouvel assaillant. Le visage déformé par la hargne, il tenta de placer un coup d'estoc en direction de son plexus solaire. D'une torsion du buste, Akihiko pu éviter l'assaut frontal et la lame acérée passa à un pouce de son torse. De la main gauche, il rabattit le marteau sur la hampe et plaça sa main en bas du manche pour pouvoir exercer une plus grande force. Il fit remonter le long du bois la tête du marteau et l'envoya avec force en plein thorax de son adversaire, arborant le même insigne que le capitaine. Si un coup similaire mais plus puissant avait été atténué par Talabre quelques instants plus tôt en grand combattant qu'il était, l'homme en face de lui n'avait pas cette expertise. Le coup défonça la cage thoracique du garde, sans laisser grand espoir quant à sa survie. Ce dernier percuta également le mur et s'écrasa comme un pantin.
Un cri affolé venant des cuisines derrière lui suivit d'une porte claquée lui apprit qu'il avait été vu attaquant les gardes. Se penchant rapidement sur l'homme qu'il venait probablement de tuer, il confirma que celui ci portait les mêmes couleurs que Talabre. Il eut alors un peu moins de remords à emporter la vie de cet homme, bien qu'un goût de bile lui envahit la bouche.

(Je te rappelle que tu as le frère de la mariée à "enlever" avant que cette maison ne se transforme en brasier !)

(JE SAIS AMY.) répondit avec colère Akihiko à sa Faëra. Ne pouvait-il pas avoir quelques instants ne serait-ce que pour souffler ?!

La porte n'étant plus gardé, il pouvait désormais entrer dans cette dernière pour enlever sa cible.

(Et quitte à faire les choses bien...)

Bandant une nouvelle fois ses muscles, il envoya la tête du marteau dans un mouvement ascendant, faisant s'ouvrir la porte avec fracas. De nouveaux cris raisonnèrent et histoire de faire bonne figure, il fit crépiter des éclairs violets le long de son arme et dans sa main avant de se ruer dans la pièce. Un coup d'oeil circulaire lui fit prendre conscience du chaos ambiant qui régnait. Sur sa droite non loin de lui, une jeune femme armée d'un arc le fixa avec un air effarée et un peu derrière elle, un homme en kimono violet était devenu pâle comme un linge en le voyant, les yeux rivés sur sa poitrine. Mais trop âgé pour sa cible. Plus loin dans la salle sur la droite, deux personnes richement vêtues faisaient évacuer le plus de personnes. Enfin, un gros homme ventru que Akihiko identifia rapidement comme ke conseiller Gale -faisant le lien avec le rire entendu plus tôt- faisait effectivement sortir le plus de personnes. Le conseiller Kapono, lui, se contentait de regarder dans un coin de la pièce avec un regard amusé l'émeute qui de déroulait sous ses yeux. Sur la gauche du jeune homme, un homme se débattait visiblement avec une jeune femme à la robe au décolleté très... avantageux, qui hurlait à plein volume près de son oreille. Le jeune homme était bien habillé dans un uniforme d'apparat impeccable, ne souffrant d'aucun pli qui n'ai été causé par les serres de l'hystérique s'attachant à lui. Un discret grain de beauté se trouvait d'ailleurs à sa tempe... Sa cible.

Rangeant le marteau noirci dans son dos, il se mit à courir en direction de l'homme. Frappant son poing entre-ouvert contre sa paume droite, l'enchanteur créa rapidement un long poignard de foudre en générant la poignée dans sa main gauche puis la lame en éloignant progressivement sa paume droite, lui donnant un tranchant effilé pourpre. Dans son dos, il entendit la jeune femme hurler "Ryo !", probablement le nom du soldat qui arrêta de se débattre pour tourner la tête dans sa direction.
Cette courte intervention donna de précieuses informations à Akihiko :
- 1, sa cible s'appelait Ryo.
- 2, la jeune femme qu'il avait vu armé d'un arc était vraisemblablement la soeur de ce dernier donc la mariée, au ton alarmée qui perçait dans son appel.

La dague dans une main, le faux agent d'Omyre baissa un peu la tête pour cacher davantage ses traits.

(Cette folle furieuse compte pas le lâcher.) lui fit remarquer Amy en voyant que la femme en robe poussait des hurlements atteignant des hauteurs que Akihiko ne pensait pas possible en le voyant courir dans leur direction.

(Pas le temps de faire dans la dentelle, j'ai pas le luxe de me permettre de me taper toute la garde.)

Il leva donc la main et projeta un nouveau globe de foudre sur la folle furieuse. Il percuta l'épaule de la jeune femme, brûlant le tissu et attaquant sa peau. Les cris passèrent de la peur à la douleur (sans perdre de leur intensité) et elle s'écroula sur le sol, en tenant son épaule meurtrie, libérant enfin le pauvre homme.
Celui ci n'eut pas le temps de savourer sa liberté. Akihiko lui tomba rapidement dessus et se glissa dans son dos, évitant le coup de poing maladroit que ce dernier tenta de lui envoyer. La lame de foudre pure se plaça sous sa gorge alors que la main chargeant un autre sort passa sous son aisselle. La tête juste derrière son épaule, il lui murmura :
"Je suis là pour saboter le mariage de ta soeur et t'extirper de là... Alors laisse toi faire et ne me rend pas la tâche plus compliquée."

Il lança un Choc de Valyus à pleine puissance en direction d'une poutre vers la foule en fuite, accentuant la panique et les cris. Il se tourna alors en direction de la jeune mariée qui pointait désormais une flèche dans sa direction.


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Hatsu Ôkami
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Re: Les Habitations

Message par Hatsu Ôkami » mar. 13 août 2019 23:23

Elle ne put s’empêcher de suivre le jeune ynorien des yeux tandis qu’il remontait les escaliers, disparaissant dans l’enfer brûlant qu’était devenu le premier étage. Elle adressa une prière silencieuse à Rana pour qu’il s’en sorte indemne et, soupirant, entrepris de se saisir du col de Talabre toujours inconscient mais qui gémissait faiblement. Suivant les indications de Volh, elle ferait tout pour le garder en vie et le forcer à dévoiler les secrets honteux que lui et sa famille avaient caché. Mais à la vue du brasier, elle se demandait comment elle allait pouvoir faire. Elle espérait sérieusement que les flammes seraient maitrisées et qu’il serait possible de trouver de quoi confondre Talabre. Elle songea que Volh avait quelque peu exagéré sa mise en scène, tant est que cela en était bien une, car voir son frère être menacé de la sorte lui restait en travers de la gorge. La vision de la lame de foudre sur son jumeau la fit grincer des dents. Où avait-il pu dégoter un fulguromancien d’Omyre ? Elle espérait sincèrement que tout cela faisait partie de la mise en scène et qu’elle n’avait pas fait confiance à la mauvaise personne…

(Reprends-toi idiote !)

(Chasseresse doit se hâter !)

Elle sentit l’empressement dans la voix de Loup et reprit son fardeau tout en cherchant la sortie la plus proche. La chaleur devenait de plus en plus difficile à supporter, même si seul le premier étage était la proie des flammes. Elle entendit nettement des craquements qui la firent se figer, regardant d’un air inquiet le plafond. Comme rien ne semblait bouger, elle continua d’avancer, trainant le capitaine derrière elle à travers la salle qui aurait dû voir son enchaînement à ce dernier. En passant, elle repéra les coupes familiales et, se traitant mentalement d’idiote une nouvelle fois, se hâta de les récupérer. Pour elle, il n’était pas question qu’un seul symbole de sa famille ne soit perdu lors. Un bruit sourd en provenance du premier étage la fit se dépêcher et retourner rapidement auprès de Talabre. Ce dernier lui saisit le bras, la faisant sursauter avant qu’elle ne se dégage brusquement, lui lançant un regard haineux.

- Ne me touchez pas… plus jamais.

Il ne répondit pas et son bras retomba mollement tandis qu’elle reprit son chemin, le trainant jusqu’à l’extérieur où elle héla des gardes qui accoururent. Elle l’abandonna entre leurs mains, leur disant simplement de veiller à ce qu’il soit examiné, lui jetant un dernier regard avant de rejoindre ses gardes.

- Chef Tanis ! Vous et vos hommes peuvent-ils tenter de contenir l’incendie ?

- Sauf votre respect, tout danger n’est pas écarté.

- Je sais… s’il vous plaît.

Le chef des gardes hocha la tête et donna ses ordres afin que ses hommes aident à contenir l’incendie. Hatsu, restée seule avec ses parents, leur raconta l’enlèvement de Ryo.

- Je suis désolée je… je n’ai rien pu faire

Elle vit sa mère afficher un visage neutre, mais elle vit aussi ses poings se serrer et ses yeux perdre leur éclat tandis que son père, lui serrait doucement le bras, retenant tant bien que mal l’air peiné qui cherchait à s’afficher sur son visage. Alors même que leur fils était manquant, ils faisaient de leur mieux pour sauver les apparences. Hatsu inspira profondément. Elle savait qu’une fois rentrée, ils se laisseraient aller. Mais pas ici, pas maintenant. Il fallait d’abord gérer la situation, mettre fin à tout cela et espérer en sortir indemne. Elle vit ses gardes se mettre à aider ceux luttant déjà contre l’incendie et demanda à l’un d’eux d’aller quérir des guérisseurs au plus vite pour soigner les blessés, notamment sa cousine et l’un des leurs, blessé par le fulguromancien d’Omyre. Il acquiesça et partit comme une flèche tandis que Hatsu s’entretint avec différents invités pour les rassurer, tenté de juguler la panique et d’essayer de faire en sorte que sa famille ne soit pas pointée du doigt, ce qui ne sembla pas être le cas. Ses parents faisaient de même de leur côté, rassurant les invités alors que c’étaient eux les plus à plaindre dans toute cette histoire. Onoda finit par la rejoindre et lui prit le bras.

- Ôkami, tout ceci…

- Je ne sais pas… je… Par Rana je n’ai jamais voulu ça ! Mon frère il…

- Calmez-vous ! Ce n’est pas ce qui était prévu ?

- Non ! Jamais il n’a été question de tout ça je…

Elle se frotta les yeux quelques secondes. Sa vue s’était soudainement brouillée et à présent, tout semblait baigné d’une étrange lueur bleuté, chassant les autres couleurs de sa vision.

- Ôkami ?

- C’est bon. Je crois que tout ça joue sur mes nerfs.

- Il y a de quoi. Qu’allez-vous faire ?

- Je n’en sais rien…

Elle regarda autour d’elle, cherchant une trace de son frère, un quelconque visage qui lui indiquerait que tout irait bien et qu’il ne risquait rien, mais tout ce qu’elle vit fut la source de tout cela en train d’être soigné. Lui, entre tous, s’en sortait et l’incendie de sa demeure, s’il n’était pas encore éteint, était maîtriser d’après ce qui lui souffla Tanis. Elle devait sauver la face, mais voir cette ordure s’en sortir aussi bien alors que son frère avait disparu la mit soudainement dans une colère noire.
Voyant que Talabre était conscient et qu’il se redressait, elle se rua sur lui, furibonde. Elle n’avait pas besoin de faire semblant d’être énervée et inquiète, elle l’était réellement. Elle hésita un instant à le frapper mais choisit plutôt de se planter devant lui, sourcil froncés, poings serrés, ses yeux renvoyant toute la haine qu’elle éprouvait pour lui.

- Où est mon frère immonde crevure ? Cela ne vous a pas suffi de le menacer ? Et n’osez pas me dire que vous n’y êtes pour rien dans cette histoire ! Vous vouliez m’humilier un peu plus c’est ça ? Me montrer que vous aviez le contrôle sur ma vie ? Je ne vais pas laisser passer ça cette fois. Les coups et les menaces, j’ai pu les supporter, mais ça, JAMAIS !

Folle de rage, elle tira la petite lame de sa manche et la posa sur la gorge du capitaine encore assis.

- Réfléchissez bien Talabre… parce que je n’ai plus rien à perdre…
Modifié en dernier par Hatsu Ôkami le mar. 20 août 2019 20:34, modifié 1 fois.
Hatsu Ôkami, Chasseuse Ynorienne
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Re: Les Habitations

Message par Vohl Del'Yant » jeu. 15 août 2019 16:51

Depuis le toit, profitant de la confusion des soldats, il se laisse tomber sur le muret qui borde la maison, avant de rejoindre la rue. L'agitation qui règne de l'autre côté, dans le jardin, se fait plus ténue à mesure que le jeune homme s'éloigne dans les ruelles. Une seule direction guide ses pas : la grille sud des égouts. Les abords de la maison grouilleront bientôt de gardes, et ce serait folie que de vouloir s'introduire discrètement dans le monde souterrain en espérant passer inaperçu sans d'abord s'éloigner de la maison.

Vohl file dans les ruelles, favorisant celles encombrées par les étals de marchant : la propreté relative de la ville ne lui offre d'autres abris que celui des fines constructions de bois. Il ignore les bruits de plus en plus faibles qui appellent à lutter contre l'incendie et d'autres plaintes liées à un soldat blessé. C'est toutefois ce qu'il comprend des cris et des insultes qui viennent de la ruelle voisine. Des appels retentissent pour lancer des hommes à la poursuite du frère de la mariée.

(Il s'est fait voir.)

Le jeune ynorien se lance vers la ruelle, attendant au croisement suivant.

"Repliez-vous! Je prends la poursuite !"

La voix qui vient de s'exprimer est haletante, mais ferme : Vohl décide aussitôt de le prendre en chasse. Cherock et Ryo ne doivent pas être loin devant : il doit permettre au fulguromancien de prendre de l'avance. Avec son fardeau, il ira nécessairement moins vite qu'un homme seul. L'assassin a toute confiance en les capacités de son allié, surtout après l'avoir vu exploser la cage thoracique d'un capitaine renommé. C'est davantage pour sa discrétion que pour sa faculté à s'en sortir que s'inquiète Vohl. S'ils mènent les gardes aux égouts...comment s'en sortiront les enfants ? Sombre pourra bien s'échapper et trouver une nouvelle vie... les enfants pourraient ne pas s'en sortir. Lorsque le soldat passe devant lui, il lui emboîte le pas.

L'homme est vêtu de son uniforme standard. Une armure lourde, qui ralentit ses mouvements, ainsi qu'une épée courte et un bouclier de bonne facture. Vohl le laisse s'éloigner des autres soldats auxquels il avait signifié son action. L'homme semble avoir vu les fugitifs, et oblique dans une ruelle. Pas une seule fois, ce dernier ne regarde en arrière. Pas une seule fois, Vohl n'a à se soucier de son attention. Il saute en avant, faisant exploser la puissance de ses bottes pour se projeter vers le soldat, son coude en avant, visant le point faible de ce modèle d'armure : la nuque. La force du coup fait basculer l'homme en avant, et sa tête heurte les pavés. L'assassin le traîne aussitôt dans la ruelle étroite la plus proche, quelques mètres plus loin. Ce faisant, il a l'occasion de jeter un regard au lieu de la chute du soldat : il n'a entendu ni craquement, et sur les pavés égaux, aucune trace de sang ne laisse présager une blessure grave. L'homme est juste assommé, et il se laisse tirer jusque dans la ruelle sans un seul geste de lutte. Vohl l'examine à nouveau, d'autres plans lui venant en tête.

Mais l'homme est d'une taille moyenne ynorienne : c'est à dire bien trop petit pour que le jeune homme ne puisse même espérer se déguiser de nouveau. Il se contente de le laisser ici, avant de s'élancer à nouveau vers l'océan. Jusqu'à atteindre les rives de la vaste étendue d'eau et de sel, l'assassin n'aura pas eu à se cacher : nulle patrouille ne croise son chemin. Il descend jusqu'au flot qui se jette dans la mer au travers de la large grille. Comme il le pensait, elle est ouverte : et pas délicatement. L'orque est bien passé par ici, c'est une évidence. Et plutôt que de crocheter la serrure ou de se servir de sa force pour faire céder la chaîne qui en barrait l'entrée, il a préféré littéralement écarter les barreaux. Une démonstration de force inutile et inappropriée. Exactement ce qu'il craignait de lui s'ils l'avait mêlé à la cérémonie. Les choses auraient pu tourner à leur défaveur s'ils avaient été trop en sécurité... ils auraient du faire un nombre conséquents de victimes pour se tenir à leur rôle et rendre crédible leur interprétation. Vohl secoue la tête. Heureusement, ils n'ont pas eu à aller jusque là, et ce malgré que certains hommes soient morts. Un sourire orne ses lèvres lorsqu'il s'introduit dans les souterrains, pataugeant la boue odorante et brune qui s'en échappe.

(Nous sommes loin de nous en être mal tirés. Tout ce qui devait être fait l'a été. Mais... Hatsu... A-t-elle eu le message ? Par Rana, j'espère que oui...sinon... cela voudrait dire que je l'aurais... c'est impossible. Yuzu lui a fait parvenir l'antidote. C'est certain.)

Certain... mais visiblement pas assez pour que Vohl se retienne de presser le pas dans les égouts, filant droit vers la cache des enfants et de Sombre. Les tours et les détours auxquels il doit se livrer avant d'arriver en ce lieu ne font que prolonger un supplice dont lui même n'a pas conscience. Les rides parquent son front tandis qu'il accélère encore le rythme de sa marche, inhalant l'air des égoûts pour en tirer un peu d'oxygène supplémentaire qui lui permettrait d'accélérer davantage. Il n'a même pas conscience de ce fait, mais il en vient bientôt à courir vers le lieux où les enfants devaient se rendre pour rester en sécurité.

Lorsqu'il arrive, il est à bout de souffle : et au niveau du dortoir, les enfants ainsi que Cherock et Ryo sont courbés, et discutent des récents événements. Vohl les interrompt brusquement.

"Yuzu ! Hatsu a-t-elle eu le message ? A-t-elle bu le remède ? Où sont ils ?"
"Kage ! J'ai fait ce que tu m'as demandé ! Et j'ai vu dans ses yeux qu'elle avait compris le sens de la phrase : ne te fais pas de soucis."

Vohl soupire avant de forcer ses épaules à se détendre. Ce faisant, il croise le regard de Cherock. Quelque chose passe dans les yeux de ce dernier : un plissement des paupières ? Ou pas. Le jeune homme ne saurait dire ce qu'il a vu.

"Nous avons bien fait de prendre la bourse de Talabre : ce manque devrait leur permettre de croire que ce dernier se soit acheté le service des serviteurs d'Oaxaca."
"Alors, ça a marché ?"
"Il y a intérêt, avec ce qu'on a du faire..."

Un crainte ne veut s'éteindre dans le coeur de l'assassin. Il soupire encore.

"Vous avez tous parfaitement agi... je vous en serai éternellement reconnaissant."
"Eh bien crois moi, je m'en souviendrai si tu l'oublies."

Kobe fait taire son camarade d'une bourrade, malgré sa carrure bien moins imposante que ce dernier.

"As tu vu Hatsu boire le remède ?"
"Non... les gardes ont éloigné tout le monde en attendant que les renforts leur permette de transférer les conseillers en sécurité : il les ont escortés jusqu'au palais. Je les ai suivis avant qu'ils ne rentrent dedans."
"Le palais ? Tu veux dire... le Conseil ?"
"Euh, oui... c'est ça !"
"Mais cela a du leur faire faire un sacré chemin ! Si elle n'avait pas pris l'antidote... Par Rana, qu'ai-je fait ? Avait-elle pris l'antidote avant ?"
"Je... je ne crois pas... Talabre avait toujours la fiole sous sa veste..."

Vohl s'agite, tenu par une frénésie qu'il ne peut contrôler. Un soudain besoin de se mettre à courir vers le Conseil se fait sentir, l'agitant encore davantage.

"Je dois m'en assurer."

C'est seulement alors qu'il réalise que Ryo, pleinement conscient, tente de distinguer ses traits dans la pénombre ambiante. Il n'aurait peut-être pas eu à assommer ce soldat, finalement. Les deux fugitifs étant conscients, ils auraient peut-être pu s'en tirer sans son intervention. Mais il n'était pas possible de prendre de risque, quoi qu'il advienne. Il se concentre sur son vis à vis : le jeune homme n'aurait pas du le voir... mais il est trop tard. Il s'agit d'ôter tous les doutes du jeune soldat avant que ce dernier ne commence même à douter.

"Ryo, sache que cette mise en scène était nécessaire pour éloigner définitivement le risque que Talabre ne réitère ses manœuvres douteuses, et n'oblige ta soeur à se marier."
"Vous connaissez mon nom, mais j'ignore encore le votre. Cherock m'a expliqué que cet enlèvement était un jeu de dupe. Mais je ne comprends pas : pourquoi m'avoir enlevé ? Et comment espérez vous que je ne vous trahisse pas ? Comptez-vous m'acheter ?"
"Je n'ai pas le temps à consacrer à ces enfantillages : seul le bien être de votre sœur m'importe. Et vous ne me ferez pas croire, si la moitié de ce qu'elle m'a dit sur vous est vrai, que vous accordez la moindre valeur à l'argent de ce capitaine véreux qui est le votre. Je veux m'assurer de son état. Nous discuterons de ton prix après."

La voix du jeune soldat devient amusée, comme s'il ne réalisait pas la moitié de la potentielle gravité de la situation.

"Ainsi vous connaissez bien ma sœur ? Elle ne m'a pourtant jamais parlé de vous... Vous seriez donc un contact assez peu... officiel ? " Avant de continuer d'un ton plus sérieux, sans pour autant céder à l'angoisse qui ronge Vohl. "Pourquoi donc vous inquiéter de la sorte ? Et quel est ce remède dont vous parliez plus tôt ?"
"Talabre a empoisonné la coupe de votre soeur lors de la libation célébrant le futur mariage...un poison rare, dont il avait prévu une fiole d'antidote. Un antidote pour lui, évidemment, au cas où un imprévu aurait inversé les verres... Il connait aussi votre soeur... Elle aurait pu être assez maligne pour lui imposer d'échanger leurs verres, en signe de confiance, directement devant les invités."

L'assassin reprend son souffle.

"S'il n'avait pas l'air de souffrir, c'est que son plan a marché..."

Il se tourne vers Yuzu.

"Elle... C'est elle n'avait pas l'air d'aller bien, Kage."
"Alors cela a fonctionné... Elle doit prendre le remède. Et vite ! Il ne lui reste que peu de temps !"
"Vous êtes surs de ce que vous avancez ? Le capitaine ne plaisait pas à ma soeur, c'est évident, mais je le crois droit, et juste ! C'est un atout pour l'armée d'Ynorie !"
"Voilà la preuve que non, Ryo... Il l'a empoisonné. Et il projetait de vous tuer : vous étiez sa monnaie d'échange pour obliger votre soeur à l'épouser malgré sa répulsion. Vous connaissez Hatsu : elle se serait enfuie mille fois déjà si quelque chose ne l'avait pas enchaînée à ce mariage. Quelque chose, auquel elle tenait plus que tout. Vous."

Ryo se tait un instant, le temps pour lui d'assimiler la nouvelle de sa valeur dans l'odieux procédé qu'avait mis en place Talabre pour parvenir à ses fins. Vohl lui tapote l'épaule.

"Remettez-vous... je vais veiller sur votre soeur. Vous, vous devez sortir d'Oranan. Mais avant : prenez ceci. Cherock, remettez aussi votre insigne à Ryo, s'il vous plait, ainsi que les manchettes du Tonnerre d'Omyre, maudit soit-il. Elles sont authentiques." Il plonge ses mains dans l'eau croupie pour nettoyer son visage. Entre deux ablutions nauséabondes, il poursuit : "Et nous n'aurons plus besoin de ceci."

Lorsque les échanges ont été réalisés, il reprend la parole, d'un ton bienveillant et un peu humoristique, quoi que l'on sente toujours la tension dans sa voix.

"Félicitation, Ryo. Vous venez de venir à bout de l'élite omyrienne. Vous avez terrassé deux membres prestigieux du Tonnerre d'Omyre. Il faudra vous comporter comme tel : la fierté que vous pourrez afficher sera votre fardeau... j'espère que ce ne sera pas trop lourd à porter..."

L'humour disparaît pour laisser la place à un sérieux inébranlable.

"Une fois que votre sœur sera saine et sauve, je pourrai vous conduire à la sortie des égouts sur l'océan. Vous devrez ensuite attendre quelques jours avant de vous présenter aux portes. Et tâchez d'être prêt à être traité en héros. Et maintenant... pardonnez-moi... je dois veiller sur quelqu'un qui m'est cher... et je prie tous les cieux de Rana qu'elle ai trouvé le moyen de confondre Talabre."

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Hatsu Ôkami
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Re: Les Habitations

Message par Hatsu Ôkami » ven. 16 août 2019 00:52

Un sourd silence tomba soudainement sur les alentours lorsqu’Hatsu se rua sur Talabre et le menaça. Les parents d’Hatsu, les yeux écarquillés, se tenaient non loin et afichaient leur surprise. Les gardes de Talabre dégainèrent tandis que ceux des Ôkamis se contentèrent d’approcher, la main sur la poignée de leurs armes. Face à la colère de la jeune femme, Talabre leva les mains en cherchant des yeux un soutien dans la foule, parlant d’un ton agressif, son regard se braquant finalement sur la jeune femme.

- J'ignore ce que tu as en tête, en parlant de la sorte, tout comme j'ignore ce dont tu parles ! Comment saurais-je où est passé ton frère? La maison Ôkami aurait donc du mal à défendre ses occupants ? Et t’humilier, ha... la belle affaire ! Tu t’en charges très bien seule ! Vois dans quel état te met un petit incendie !

Il continua d’un ton sifflant, parlant plus bas pour que personne d’autres ne puissent l’entendre.

- Range cela, tu vas te blesser ! Ne t’avises pas de me tenir tête, tu le regretteras... et ton frère avec toi !

Relevant la tête vers les autres convives, il parla d’une voix plus forte tandis qu’Hatsu bouillonnait de rage à ses côtés.

- Comment, par Phaitos, voulez-vous que je sois responsable de cela ? Et qu'ont fait tes gardes pour aider à lutter contre la situation ?

Hatsu, parvenant à se calmer, se redressa, rangea son arme et essuya sa joue maquillé pour désigner la peau violacée qu’elle cachait.

- Je regrette déjà chaque jour que Rana fait d'avoir attiré votre attention. Dites adieu à ce mariage et, s’il arrive quoi que ce soit à mon frère, vous le regretterez le peu de temps qu’il vous restera à vivre.

- Hahaha, ta soif d'aventure n'est un secret pour personne, Hatsu, voyons, calme-toi ! Je n'aurai jamais porté la main sur une femme, vous le savez tous. Les honneurs de mes campagnes, mes succès militaires et mon avancement ne se sont pas bâtis sur des accusations aussi ridicules ! L'alliance entre nos deux maisons ne vous plait pas : je le sais fort bien ! Sacrifier la réputation de ta maison sur l'autel de ta fierté ne donnera rien de bon pour tous deux.

Ignorant le regard colérique d’Hatsu, il se tourna vers ses parents.

- Nobles Ôkami, je saurai me défendre de tout crédit aux élucubrations de votre fille, mais la laisser dire cela ne va pas dans votre sens : quel est votre avis ?

Hatsu se retint de le frapper, serrant les poings sans rien dire tandis que le père souhaitait prendre la parole, coupé par un geste de sa femme qui s'avança vers sa fille, caresse sa joue avant de fixer un regard glacial particulièrement effrayant sur Talabre, parlant d'une voix froide comme la mort d'où la colère et le mépris étaient palpables.

- Ne parlez pas d'honneur, vous n'en avez aucun. Si nous avons cédé à votre chantage, c'est pour protéger nos enfants. Nous avons visiblement été stupides de croire que cela vous retiendrais. Vous n'obtiendrez pas notre soutien, pas plus que nous ne vos laisserons lever la main sur notre fille une fois de plus. Chef Tanis !

Le chef des gardes Ôkamis, main sur la poignée de son sabre, fit un pas, visiblement nerveux.

- Dame...

- A la moindre tentative de cet énergumène ou de ses serviteurs de toucher un membre de ma famille, vous avez l'autorisation de vous interposer et d'y mettre fin, définitivement.

Hatsu écarquilla les yeux, tout comme le chef Tanis qui hocha cependant la tête, chacun des gardes Ôkamis s’approchant du chef pour montrer front uni, augmentant un peu plus la tension déjà palpable.

- Si la famille Ôkami au grand complet souhaite se ridiculiser par des accusations fallacieuses, et dont vous n'avez aucune preuve, vous m'y contraignez... Vous m'offensez ici, dans ma propre maison ! Vous foulez aux pieds l'hospitalité, les valeurs ynoriennes. Croyez-vous que je vais le tolérer ? Vous me prenez pour un lâche ? Venez donc. Je vous défie, Sire Ôkami. Nous verrons ainsi à qui il manque réellement des valeurs ! Mais je ne saurais blesser une femme, faites donc approcher ce capitaine dont vous souhaitiez me menacer !

Hatsu fit aussitôt un geste vers le chef de ses gardes pour l’empêcher de répondre et de réagir.

- Il n'est pas question que qui que ce soit prenne ma place. Vous voulez vous battre Talabre ? Vous ne pouvez blesser une femme ? Amusant comme vos valeurs sont différentes lorsque d'autres ont les yeux rivés sur vous. Si vous voulez vous battre, ce sera contre moi. Moi, la femme que vous avez frappé, moi, la femme que vous avez menacé et humilié en lui imposant ce mariage, moi, enfin, qui vous ai sauvé la vie en vous sortant des flammes. Allez-y, dégainez votre lame, nous verrons qui respecte les valeurs ynoriennes.

- Encore et toujours de faux prétextes. Tu as ici suffisamment d'alliés pour chercher du soutien et auprès desquels tu aurais pu demander de l'aide lorsque tu étais soi-disant maltraitée... mais tu ne l'as jamais fait. Pourquoi, à votre avis ? Parce que vous n'étiez pas maltraitée. C'est simple.

Talabre dégaina soudainement sa lame, la pointa vers le cœur de la jeune femme.

- Tu méprises tes hommes suffisamment pour les empêcher de faire leur travail. Voyons si tu as au moins la raison de ton côté. Je demande un duel à l'épée, et il ne se clôturera que lorsque tu auras abandonné vos mensonges ou que vous gisiez à terre.

- Contrairement à vous, je ne suis pas ancrée dans les mensonges, les menaces et les trahisons.

Elle s'avança quand il dégaina, suffisamment pour que la lame entaille son kimono.

- Je respecte mes hommes, parce qu'ils me sont loyaux, comme ma famille est loyale à l'Ynorie depuis des siècles. Et je ne leur demanderai jamais quelque chose que je ne ferai pas moi-même. Vous me devez la vie Talabre, tâchez de ne pas la gâcher en vous enfonçant un peu plus dans vos mensonges.

- Tu n’as pas jugé bon de respecter teshôtes et ceux qui se sont souciés de protéger tes intérêts, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur de ces murs. Ce faisant, sache que tu as perdu tout ce que notre mariage pouvait t’apporter. Et de surcroit, je vais t’apprendre la politesse et le respect de tes ainés.

Se délectant visiblement de la situation, il prononça les mots suivants avec un léger sourire.

- En garde.
Modifié en dernier par Hatsu Ôkami le mar. 20 août 2019 20:34, modifié 3 fois.
Hatsu Ôkami, Chasseuse Ynorienne
Première Née des Ôkami
Réceptacle de l'esprit de Loup
Image
Armoiries des Ôkami:
l'Or pour la fortune, le Loup pour la noblesse d'âme et la flèche pour le passé guerrier.

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