Les Portes et Remparts

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Heartless
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Re: Les Portes et Remparts

Message par Heartless » lun. 9 août 2021 19:34

La Rascasse traversa nonchalamment le canal menant au centre de la cité sous le regard éberlué des défenseurs d'Oranan. Sirius s'était remis de ses blessures en grande partie grâce à la magie blanche de Mythanorië. Du navire, il avait un aperçu du chaos qui régnait à l'extérieur des murs. Il vit le ciel se noircir et une créature de la fin des temps rompre les portes et murailles de la cité par la seule force de ses serres. Sirius avait autrefois prié pour qu'il ne le croise plus jamais, mais il était bien là : le Dragon Noir, messager des Enfers, avait rejoint la bataille. Montée sur lui, Oaxaca observait son déroulement.

"Si c'est pas la fin du monde, ça y ressemble quand même vachement."

Là encore, l'angoisse lui serrait le ventre. Il observait l'équipage de la Rascasse en effervescence, c'était lui qui les avait attiré en plein dans ce spectacle de la fin des temps. Allait-ce être leur chute ou leur heure de gloire ? Sirius fut tiré de ses pensées par Gallion, qui lui avait ramené un bout d'étoffe noir. Lorsqu'il le déplia, le dessin blanc d'une tête de mort aux fémurs croisés semblait attendre son prochain geste. Le borgne s'en saisit, car c'était là tout ce qu'il restait à présent du Masamune, son noir pavillon.

"On l'a vraiment dessinée avec le cul, cette tête de mort."
"Ah ça, c'est sûr qu'c'est ignoble."
"Du coup, ça fera parfaitement l'affaire."


Sirius noua le pavillon autour de son coup comme un foulard et laissa le reste flotter à côté de son bras droit. Le Masamune avait coulé, mais à travers lui, il vivait encore. Il fut le premier à descendre dans la capitale d'Ynorie, épaulé par l'oudio et la prêtresse Leyna. Des miliciens s'étaient déjà dépêchés pour les accueillir avec les pointes méfiantes de leurs lances.

"Yo. On est v'nus aider !" déclara-t-il avec un grand sourire, tandis que Mythanorië se présentait comme le capitaine du navire.

L'homme à la tête des miliciens avait tout d'un vétéran de guerre, mais il ne cacha pas son étonnement :

"Par Rana, qui êtes-vous donc, et comment avez vous réussi à passer le blocus ?"
"Par la grâce de Moura, tout est possible."
répondit Leyna. "Nous sommes la confrérie d'Outremer. Nous sommes prêt à vous aider, mais nous avons besoin de savoir comment."
"Concernant les détails techniques..." Mythanorië désigna le borgne du pouce. "Voyez avec lui. Certains points m'échappent encore."

Sirius s'avança vers le militaire, la main tendue en guise de salutations, faisant fi des coutumes ynoriennes.

"Sirius Hartingard. J'étais sur Aliaénon pendant la deuxième bataille d'Oranan." Il jeta un coup d’œil autour de lui. "J'ai cru comprendre que vous aviez un léger différend à régler avec l'armée d'Oaxaca. Si quelqu'un peut me dire où trouver les gens qui prennent des décisions, dans le coin, ça s'rait vachement sympa."

Le bonhomme ne serra pas sa main et l'informa de la situation avec le genre de mine grave si propre à la soldatesque :

"Nous sommes encerclés de toutes parts par les troupes d'Omyre, et leur foutu dragon vient de défoncer notre mur d'enceinte au niveau de la porte. C'est bien plus qu'un léger différend. Nous sommes sans nouvelle de nos deux conseillers spécialisés dans le domaine militaire, Nora Shimi et Shen Muri. Ils étaient sur la muraille avant qu'elle s'effondre, je crains le pire les concernant.Je suis donc actuellement le plus indiqué pour vous guider. Conseiller Hoga Tirama, capitaine de la milice Oranienne."

Le sourire du pirate laissa doucement place à un air plus sérieux, celui que partageaient ces camarades. Pour autant qu'il se bornait à le prétendre, la situation présente se prêtait difficilement à ce genre d'insouciance. Le conseiller Hoga leur fit part de la charge ynorienne à l'extérieur des murs. Le gros de leurs forces était donc sur le champ de bataille, et seuls restaient la milice et leurs conseillers militaires au sein de la ville. Cependant, une bonne partie de cet état-major avait été porté disparu suite à l'écroulement des portes. Pour le reste, Oranan était encerclée de toutes parts, comme le craignait Sirius, et la férocité du combat entre les forces oaxiennes et les alliés n'avait pas encore nommé de vainqueur. Seulement, le Dragon Noir était un fléau sur le monde, craint même des dieux, et son arrivée ne présageait rien de bon pour l'avenir de l'Ynorie.
Sirius demanda ce qu'il en était de la compagnie Air-Gris, avaient-ils laissé des machines volantes qui pourraient faire diversion contre la bête ?

"Vous pensez bien que les elfes gris ont décampé sitôt la menace d'une armée déferlant sur notre cité. Ils ont daigné accepter d'emporter avec eux la population fuyant la ville, mais leur participation à tout ceci s'arrêtera là. Il ne reste ici plus l'ombre de l'une de leur machine, et le terrain d'embarcation est occupé par les troupes de Darhàm, au sud de la cité."
"Bien sûr..."
pesta le marin.
"Nous avons déjà fait face au dragon et nous avons survécu. La force de Moura ne cède pas devant la menace."

En toutes situations, Leyna était d'une assurance à toute épreuve, mais Hoga remit les choses en perspective.

"Il s'agit ici d'une calamité majeure de notre monde. Toute témérité de votre part pourrait se solder par votre mort instantanée."

Les dés étaient jetés, ils savaient qu'ils ne pouvaient plus rien tirer du conseiller et qu'il était temps de passer à l'action.

"S'ils se sont occupés des réfugiés, c'est déjà ça. Je pense qu'on f'rait mieux d'aider les gaillards devant la porte, enfin, c'qu'il en reste. Comme ça vous pourrez sortir vos copains des décombres. Nos gars sur la Rascasse pourront aider à la défense du port et des murailles pendant ce temps."

Il se tourna d'un geste vers Mytha et Leyna, ses camarades de bord. Ses traits étaient légers malgré la gravité de ce qui les entourait.

"Z'en pensez quoi ? Quoiqu'il arrive, je veux voir personne partir à l'aventure dans son coin. Pas de sacrifice héroïque ou de "heuuuur on s'revoit de l'autre côté partez sans moâaa", pigé ? On botte des culs ensemble, et on se fait botter le cul ensemble. Laissez le dragon à l'armée, parce que ce grand type a raison : cette saloperie est la pire chose qui soit jamais arrivée à Yuimen. Croyez-moi, j'l'ai déjà vue de près."

Son regard croisa celui de l'oudio qui s'était saisie de son tricorne et qui lui renvoyait un hochement de tête confiant. Prêt à partir, il posa une dernière question au conseiller :

"Avant qu'on y aille, y'a quoi comme euh... gens comme nous, aventuriers, tout ça, avec lesquels on pourrait se coordonner, dans les parages ?"
"Il y en a quelques uns : Cherock O'Fall, porteur de la Kizoku Rana, charge avec notre cavalerie les troupes de Karsinar. Le Dragon d'Or d'Ynorie, saint protecteur de notre cité, vole dans les cieux pour défendre les siens. Sibelle, une elfe blanche, et Hatsu Okami, une dresseuse de Griffon, sont également présentes."


Sirius était heureux d'entendre que Sibelle était bien arrivée à la défense d'Oranan. Mais quelque part, Sirat sans doute rôdait du côté omyrien. Comment allait-elle réagir si elle le recroisait dans ces circonstances ?

"Ah et aussi, c'est quoi la situation du côté Aliaénon ? Y vous ont pas envoyé de renforts ?"

Surpris, Hoga s'éclaircit bruyamment la gorge.

"Ainsi vous êtes de ceux qui y sont allés. J'ai de mauvaises nouvelles pour vous : une rébellion des titans sur place nous a coupé toute possibilité de traverser le fluide. Nous ignorons tout de ce qui s'y passe depuis. Je gage qu'ils sont au moins dans d'aussi beaux draps que nous."

Les trois marins s'emboîtèrent le pas jusqu'aux murailles. Sirius avait laissé des instructions : les marins de la Rascasse resteraient dans la cité pour aider là où ils pouvaient se rendre utiles, et si jamais Perailhon finissait par lancer une attaque sur le port, Hoga ferait le nécessaire pour qu'il soit mis au courant.

"Si ce Hoga dit vrai, alors Mazhui a ptèt été évacué avec les autres."
"Si Moura le veut... Il a fait beaucoup pour former cette... confrérie d'outremer à laquelle je me suis moi-même jointe. Une confrérie dont vous êtes le porte-étendard."


Sirius se tourna vers Leyna, souriant à pleines dents.

"Déçue ?"

Elle conservait son air impassible. Ses yeux semblaient se perdre dans les abysses de sa pensée.

"L'avenir le dira."

Ouille, ça, c'était froid. Glacial même.

"Ah ? Euuh... Ouais, j'imagine." balbutia le borgne.
(J'suis censé répondre quoi, moi ? Même pas elle me calcule !)

Après un silence gênant, elle demanda au sujet de ce qui semblait bien plus important à ses yeux :

"Où avez-vous trouvé ce trident ?"
"Mh ? Nosvéria. Comme je l'ai dit, il m'est un peu tombé dans les mains."
répondit-il, embarrassé.
"Il n'y a pas de hasard dans les desseins de Moura. Ce trident a jadis conquis toute l'Omyrie. Son retour en ses temps de guerre en disent long... mais pourquoi revient-il à vous plutôt qu'à son peuple ? Je suis la fille des deux océans, et pourtant, cette énigme m'échappe. Encore une fois, l'avenir parlera."
"Fille des deux océans ? Qu'est-ce que ça veut dire ?"


Elle lui montra ses doigts palmés.

"Earionne et sang-pourpre. Les deux peuples de l'océan. Fille perdue pour les uns, hérésie pour les autres. Cela ne m'empêche pas de tracer ma voie, comme vous le faites."

Sirius se demanda si ce n'était pas là l'origine de sa froideur. Exclue des deux peuples pour ses cheveux roux, Leyna n'avait sans doute jamais eu de véritable famille.

"T'as pas eu une vie facile, on dirait."
"Moura nous met tous à l'épreuve. Par ma foi, je suis prête à toutes les surmonter."


Elle forçait. En fin de compte, sa foi mouraïque était-elle née d'une conviction véritable, ou parce qu'elle y voyait un récif auquel se raccrocher lorsque la vie devenait trop injuste, trop incompréhensible ?

"Bien parlé. Mais si tu veux mon avis, ça te ferait pas de mal de péter un coup, de temps en temps !" lança-il avec un grand rire et une tape dans le dos.

Il couina de douleur. Il venait de se rappeler que cette femme n'était qu'os sous sa peau bleue, mais que Moura l'avait investie d'une prouesse physique bien supérieure à la sienne. Leyna le fixa bizarrement. Elle n'avait sans doute pas compris le sens de ses paroles.

"Bordel..." fit Heart dans sa barbe lorsqu'il arriva devant les portes effondrées. "Bon, je pense que ça sert à rien de demander qu'on nous ouvre."

Sans attendre, il tenta de gravir la colline de débris. Ce n'était pas le genre d'escalade auquel il était habitué, mais il parvint à se hisser au-dessus du bazar sans s'arracher la peau des genoux. De là où il était, il avait une vue imprenable sur la lutte impitoyable qui avait pris place juste devant la cité. Il était bien tenté de les rejoindre sans attendre, mais il fut retenu par les appels à l'aide de la conseillère Nora Shimi. Leyna et Mythanorië avaient commencé à mettre leur force prodigieuse au service des ensevelis. Il s'attarda donc à les aider comme il le pouvait de là où il était. Après avoir dégagé quelques pierres, des cris désespérés parvinrent à ses oreilles. Quelqu'un était bloqué dans la pénombre, les jambes en compote, à priori seul survivant de son entourage. Dans sa souffrance, il implorait qu'on lui vienne en aide, mais le pirate ne voyait pas bien comment il pouvait l'aider seul.

"J'crois que ce gars là perd du sang !" cria-t-il à l'adresse des sauveteurs.

Le hennissement d'un cheval abattu tourna son attention vers la bataille. Il vit clairement la silhouette massive de Karsinar prête à fondre sur un mage désarçonné, sans doute le Cherock mentionné plus tôt par Hoga. S'il ne se dépêchait pas, le Prédateur Ultime allait sans doute ôter à leur armée un atout de taille.

"Hé, si vous avez de la corde, lancez-la moi ! Sortez le plus de gens possible et rejoignez-moi ensuite !" avait-il crié à l'adresse de ses compagnons en contrebas.

Quelque part dans la cité, un vieil homme s'était mis à hurler. Mythanorië, qui était sans doute la plus prévenante du groupe, sortit un bout de corde qui permit à Sirius de hisser Leyna jusqu'à lui, laissant l'oudio aider les rescapés de son côté. Sans atteindre, les deux autres dévalèrent les restes du murs et coururent jusqu'au champ de bataille qui les attendait.

((( Si montée de niveau :
Mains dans les poches : A chaque montée de niveau, le larron reçoit 2D50*niv yus. )))



[XP : 1 (discussions avec Hoga et Leyna) + 0,5 (escalade et aide aux victimes)]

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Leyna
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Re: Les Portes et Remparts

Message par Leyna » mer. 11 août 2021 21:52

Leyna se réveilla alors que le navire accostait à Oranan. Mythanorië était penchée sur elle, la soignant avec un air vaguement réprobateur. C'était sas importance. Ils avaient réussi à passer, c'était tout ce qui comptait.

Il débarquèrent donc dans la ville, et furent sans surprise assez vite rejoints par un hommes en armure qui leur demanda la raison de leur présence, visiblement quelque peu surpris qu'ils aient pu passer le blocus. Ils se présentèrent, et la jeune femme salua en silence, écoutant avec soin la conversation qui s'engageait. Elle se contenta de répondre quand on leur demanda comment ils avaient fait pour passer :

« Par la grâce de Moura, tout est possible. Nous sommes prêts à vous aide,r mais nous devons savoir comment. »

Ils apprirent que le dragon avait déjà fait tomber une partie de la muraille, écrasant potentiellement plusieurs conseillers. Le chef de la milice, ici présent, était maintenant le plus haut responsable, mais il espérait encore retrouver ses supérieurs. La capitaine craignait en outre qu'une sortie attire les ennemis à l'intérieur.

« Si nous portons la guerre dans les rangs ennemis, assura la prêtresse, ils ne pourront attaquer. Cependant, peut-être serait-il sage de retrouver ces conseillers, s'ils sont encore vivants, afin de défendre la cité. »

Pour le milicien, cependant, rechercher les disparu serait aisé. Il était plus important de combattre et d'assister l'armée offensive. D'autant que leur crainte était grande vis-à vis du dragon de légende. La capitaine et Leyna échangèrent un regard sinistre, elles avaient déjà fait face au dragon, et n'avaient survécu que de justesse !

« Nous avons déjà fait face au dragon, et nous avons survécu. La force de Moura ne cède pas devant la menace. »

Sirius fit alors l'étrange demande de savoir s'il restait des cynore, ici, mais sans surprise, les sindeldi étaient parti depuis longtemps. Quand au dragon... il était évident qu'il ne fallait pas l'attaquer directement. Le groupe sembla donc d'accord pour partir à la bataille. Mais...

« Et... euh... avez-vous des cavaliers qui pourraient nous y emmener ? Cela risque d'être long a pied et... je ne sais pas monter. »

L'assurance de la prêtresse était tombée. Cette constatation était moins héroïque ! Il n'y aurait hélas pas de chevaux, il allait donc falloir s'y rendre à pied. D'une certaine manière, c'était presque rassurant. Ils prirent donc le chemin des portes. Heartless confirma qu'il connaissait Mazhui en faisant remarquer qu'il avait peut-être été évacué. Il fallait l'espérer :

« Si Moura le veut... Il a fait beaucoup pour former cette... confrérie d'outremer à laquelle je me suis moi-même jointe. Une confrérie dont vous êtes le porte-étendard. »

Amusé, il demanda si elle était déçu, ce qui ne tira pas un sourire à la prêtresse, qui se contenta de répondre en appuyant d'un regard profond comme l'océan :

« L'avenir le dira. »

Il ne semblait pas trop savoir quoi dire. Aussi, elle insista :

« Où avez-vous trouvé ce trident ? »

Il l'avait trouvé dans la cité perdue de Nosvéria, apparemment plus ou moins par hasard. Qui était donc cet homme qui trouvait de telles reliques dans un lieu perdu dans les limbes de la légend ? Mais Leyna secoua la tête :

« Il n'y a pas de hasard dans les desseins de Moura. Ce trident a jadis conquis toute l'Omyrie. Son retour en ses temps de guerre en disent long... mais pourquoi revient-il à vous plutôt qu'à son peuple ? Je suis la fille des deux océans, et pourtant, cette énigme m'échappe. Encore une fois, l'avenir parlera. »

Comme il s'étonnait de ce surnom, elle désigna ses mains palmées et ses cheveux roux, ainsi que les branchies qu'ils peinaient à cacher :

« Earionne et sang-pourpre. Les deux peuples de l'océan. Fille perdue pour les uns, hérésie pour les autres. Cela ne m'empêche pas de tracer ma voie, comme vous le faites. »

Tout en disant cela, elle sortit l'écho de vie de son fourreau, et les coquillages de la dague sacrée de Moura s'animèrent en sifflant.Après un instant de silence, il répondit simplement :

« T'as pas eu une vie facile, on dirait. »

« Moura nous met tous à l'épreuve. Par ma foi, je suis prête à toutes les surmonter. »

Il répondit en lui demandant de... péter un peu ? Une référence cryptique qui lui échappait. Il devait pourtant y avoir une certaine importance, puisqu'il l'appuya d'une tape sur l'épaule qui ne la fit pas broncher. Pour autant, elle ne trouva rien à ajouter.

Devant eux, se dressaient les murailles effondrées, autour desquels les ynoriens s'activaient. Heartless était déjà en train de grimper agilement lorsqu’une voix les interpella. Des soldats réagir aussitôt. C'était l'une des conseillères perdues ! Aussitôt, la prêtresse se rua dans sa direction. Usant de sa magie, elle humidifia les pierres pour les faire mieux glisser. Puis, usant de la force de la déesse, elle la dégagea. La femme, lourdement blessée, averti que l'autre conseiller n'était pas loin. Hélas, inspectant les rochers, la jeune femme ne vit pas beaucoup de moyen de l'aider. De plus, au même moment, Heartless lui lança une corde pour l'aider à grimper. Le champ de bataille et d'innombrables autres vies restaient à sauver ! Alors, elle le suivit.


[XP: 1 (discussions avec le Conseiller et Heartless)]

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Mythanorië
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Re: Les Portes et Remparts

Message par Mythanorië » sam. 14 août 2021 12:50

*<---*

*4*

La Rascasse rejoint l'un des pontons du port et y est arrimée en douceur. Je jette un regard circulaire à la zone, mon bois grinçant de la voir si dénuée de vaisseaux. Une cité portuaire de cette taille devrait être un véritable présentoir de bateaux de tous gabarits, et là, hormis de rares navires de pêche et quelques-uns de belle taille, le port est déserté ou presque. Pas de dockers s'affairant, pas de marins se détendant une pinte à la main. À la place, une tension que je n'ai que rarement perçu. Le poids de la guerre en cours se fait définitivement sentir, et le passage du Fléau des Enfers au-dessus des lieux n'a pas du aider.

La passerelle est dressée, et si Leyna' et Sirius descendent rapidement, je prends le temps de me tourner vers mes hommes. Après tout, j'ignore comment va se passer notre accueil. Nous n'avons pas pris de flèches, mais ce n'est pas une raison pour relâcher notre vigilance. Je leur donne l'ordre de rester à bord jusqu'à indication contraire ou s'ils estiment être trop menacés pour ça. Ainsi, je ne fais pas que des heureux, notamment concernant Eliwin qui voudrait rester à mes côtés ou Samrik tapotant les fourreaux de ses lames avec agacement.

À mon tour, je mets pied à terre et m'efforce de chasser la sensation de mal de terre qui m'étreint un moment. Je suis mes compagnons plus avant dans la cité, jusqu'à ce qu'un petit contingent de miliciens vienne à nous. Heartless est le premier à parler, adressant un signe de main et une salutation des plus informelles au visible meneur de la troupe. Je lui adresse un regard avant de rouler des yeux lorsqu'il explique sommairement que nous sommes venus aider. J'attrape mon tricorne et fais un signe de tête en guise de salutation.

"Capitaine Mythanorië, en charge de ce vaisseau. L'explication de mon Frère est simple mais efficace."

Les premières questions viennent, notamment sur notre identité et comment nous avons pu passer le blocus. Si la Prêtresse met comme d'habitude l'emphase sur la volonté de Moura, je me contente de renvoyer la question vers le borgne. Après tout, si j'ai pu voir le phénomène en action de mes propres yeux, je suis encore loin d'avoir compris la totalité du processus. Sauf que le fondateur de la Confrérie élude la question pour en apprendre davantage sur ce qui se passe, et demander à voir des dirigeants. L'homme armuré nous fait un bref état des lieux : un Dragon sombre qui vient de démolir les murailles près des portes, des conseillers qui s'y trouvaient maintenant disparus. Je lisse mon tricorne du serpentin, jetant un regard à Leyna à la confirmation que le lézard des enfers est bel et bien présent. Les souvenirs de notre brève mais intense mésaventure sur Nosvéris me revient encore et encore, me forçant à consciemment me concentrer sur la conversation en cours.

J'évoque brièvement mon inquiétude de savoir la muraille percée et le risque de surcompenser cette faiblesse en déplaçant des troupes gardant les remparts dans cette direction. Nous apprenons que les ynoriens viennent de faire une charge hors des murs, que retrouver les Conseillers est une priorité et qu'à l'extérieur, aucune des armées ne semble prendre le dessus. Sirus cogite puis demande s'il n'y a pas un vaisseau de la compagnie Air-Gris encore disponible. Je hausse un sourcil.

"On vient d'arriver. Ce n'est pas un peu tôt ?"

Un mince sourire aux lèvres, je m'efforce de désarmer un brin de cette tension que je ressens. J'ignore si c'est l'évocation de ce nom d'Aliaénon ou parce que les ynoriens sont en pleine crise, mais les voir nous faire confiance aussi aisément me perturbe un peu. Le fondateur de la Confrérie discute encore un instant puis se tourne vers nous, nous avertissant de ne pas jouer aux héros. Que s'il faut botter des arrière-trains, nous ne ferons ensemble. Mon regard clair se tourne vers la zone des murailles écroulées, et je n'écoute que peu le reste. Il est question d'Aliaénon encore, quoi ce que soit, d'autres aventuriers déjà dans les environs et de la nécessité de se déplacer à pied. D'un commun accord, nous nous dirigeons vers le lieu de la catastrophe.

Sans voix, je ne peux que constater des dizaines de soldats et civils ynoriens s'affairer à dégager les débris. Même en s'y mettant à plusieurs, certains pans de ce qui fut leur protection sont trop massifs pour eux. Sirius lâche un juron et un trait d'esprit quant à l'ouverture des portes, avant de partir à l'escalade des gravas. Leyna' et moi nous hâtons pour prêter main-forte aux ynoriens, aidant par nos forces conjuguées à soulever et écarter les premiers débris rencontrés. Soudain, un soldat s'écrie, indiquant que la Conseillère Nora Shimi est là, quelque part dans l'effondrement proche. Elle est notre priorité car comme pour un équipage, un meneur est indispensable en période de troubles. J'examine le monticule, cherchant par où l'attaquer pour procéder au dégagement en minimisant les risques.

"Nous ne sommes pas loin ! Parlez régulièrement pour indiquer votre position !"

Pendant qu'elle obtempère et m'indique que l'autre conseiller était proche d'elle, nous unissons nos forces pour dégager un passage. Quelques éboulis se font, mais demeurent superficiels. Au bout d'un moment, un léger creux est dégagé. La conseillère s'y trouve. Amochée, mais pas bloquée. Je l'aide à s'extraire des décombres et elle braque immédiatement son regard sur moi. Malgré son état, elle semble bien plus inquiète pour son confrère qui doit aussi être quelque part non loin. Mon regard clair dévie vers ledit 'non-loin' pour constater que seuls de gros blocs restent dans la zone. Même avec ma force et celle des présents, parvenir à les soulever est de l'ordre du miracle physique.

Je me tourne d'abord vers l'assistance.

"Un mage de lumière dans les environs ?! En fait, est-ce qu'il y a des pratiquants de la magie d'eau ou de terre ? Ces blocs sont massifs, mais on peut peut-être les percuter un par un assez fort ensemble pour les faire basculer sur l'autre versant."

Mais comme j'aurais du m'y attendre, s'il y a des mages dans cette cité, ils doivent être mobilisés depuis un moment. De divers endroits, des éclats de voix se font, y compris celle de Sirius, qui demande à ce que je lui envoie mon rouleau de corde. Il semble que Leyna' veuille se rendre plus utile qu'à déblayer les victimes. Pendant que j'extrais l'objet de mon sac, une idée me vient et je m'adresse à la Conseillère, tout en tendant la corde à la prêtresse impatiente.

"Conseillère, ma magie terrestre peut donner à une portion de la roche aussi peu de consistance que du sable. La portée est limitée et je ne puis garantir que tout se passera bien. Mais nous manquons de temps et bras."

J'avise les ynoriens aux alentours et donne de la voix, fidèle à mon rôle de capitaine.

"Prenez de quoi déblayer en quantité ! Pelle, pierre plate, tout ce que vous trouvez ! Attendez mon signal puis vous attaquerez la matière !"

Voyant que seuls des soigneurs s'échinent à panser les plaies de l'humaine, l'évidence me saute aux yeux qu'elle ne sera jamais assez remise pour guider les siens. Je tends mes serpentins vers la Conseillère, appelant ma magie curative pour la soulager un peu. Elle me signifie son accord, acceptant toute aide de ma part. Je me place sur les débris non loin de l'emplacement d'où elle a été extraite et mets un genou puis les mains au sol.

"Tenez-vous prêts à creuser jusqu'à un mètre autour de la zone touchée par mes mains. Donnez-vous à fond !"

Je me concentre, étendant mes serpentins sur la surface puis y diffusant ma magie. Lorsque le premier léger affaissement se fait ressentir, je m'écarte.

"Allez-y !"

Les premiers coups de pelles, pierres plates et même de simples mains entament la pierre. Si certains s'en surprennent un court moment, la plupart des ynoriens sont totalement dédiés à leur tâche. Ils creusent sans relache, mettant au jour des victimes en armure et d'autres non. Beaucoup de blessés. Bien davantage de morts. Je tire les roches lourdes qui n'ont pas été affectées entièrement par le sort hors de la zone de déblayage, m'efforçant de ne pas attarder mon attention sur les corps brisés ou mourant des victimes extraites. Une soudaine exclamation d'un soldat proche me fait comprendre que nous venons de trouver Shen Muri. Il est terriblement blessé, sa tête suintant de sang, son souffle sifflant de celui qui est durement meurtri au torse, et l'une de ses jambes est dans un plus triste état encore.

Je ne prends pas le temps de réfléchir et me hâte à ses côtés, utilisant ma magie curative pour stabiliser son état. Ce n'est qu'une fois les soigneurs compétents prenant la relève que je peux me redresser. J'étends et resserre mes serpentins, fermant les yeux une brève minute. Et en les rouvrant, je ne peux qu'assister au spectacle du retour d'un Sirius encore grésillant et légèrement fumant, avançant vers moi avec une grimace. Je ne l'ai laissé hors de ma vue qu'une poignée de minutes. Qu'est-ce qui a bien pu se passer littéralement aux portes de la ville ? Lentement, je hausse un sourcil en silence, blasée, jetant un regard derrière lui pour demander implicitement où est sa rivale en terme de soucis causés. Il prétend qu'un mage l'a foudroyé et que s'il a bien voulu partir avec Leyna', celle-ci est restée en arrière. Décidément, ma magie curative développée 'au cas où' est fortement utile.

Après avoir réduit ses blessures en trois emplacements différents, je me saisis de ma gourde et visualise la potion moyenne destinée à reconstituer ma réserve magique. Heartless me pose une question invraisemblable sur mon genre, ne sachant pas si je suis mâle ou femelle. J'avale silencieusement le liquide, conservant sur lui un regard incrédule. Je prends le temps de refermer et replacer ma gourde à ma ceinture avant de lui répondre en haussant une nouvelle fois un sourcil.

"Les pollens sont sexués, oui. Quant à moi..."

J'abaisse le sourcil, et incline la tête sur le côté..

"Je ne vois pas l'intérêt de cette question. On aura de toute façon la réponse à ma maturité physique."

Je m'attends presque à l'entendre me demander quand c'est censé arriver, mais l'humain ne semble pas assez curieux pour le faire. Il avale d'une traite ce que je pense être du liquide curatif et retrouve son entrain habituel. Il recommence à escalader et me tends la main. J'agrippe son poignet, le laissant assurer mon ascension. Et puis, des hurlements émanent de l'étendue face aux portes de la cité. Mon écorce se raidit tandis que le Dragon noir se déplace dans les airs, mais je n'en ai cure. Ce que je vois, c'est une armée faisant face à... Un charnier. Aux couleurs ynoriennes. De rares silhouettes semblent fuir en désordre sur les côtés. Le Fléau des Enfers ? Est-ce cette engeance crainte par les divins eux-mêmes qui vient de faire ça, laissant le champ libre aux garzoks et autres créatures massés en nombre ?

"Sainte Moura Mère des Eaux..."

Etait-ce là le gros des troupes envoyées contre Karsinar ? Comment la cité va-t-elle tenir, amputée d'une si grande partie de ses forces ? Peste soit de ce Dragon noir ! Si je tenais celui qui a songé que sa création serait une bonne idée, il passerait un sale quart d'heure ! Si les défenseurs survivants d'Oranan voient cela, leur moral pourrait en prendre un sacré coup. Et garder la foi est la seule possibilité pour tenir.

Je pince mon tricorne, pensive. Les ynoriens en eux-même me sont indifférents, mais Mazhui doit tenir à eux. Et je pense aussi à mon équipage dans le port, qui ne pourra pas fuir aisément non plus. Oranan doit tenir. Et pour cela, la charge lancée contre ses murs doit être, si ce n'est stoppée, au moins ralentie.

"Dommage pour le plan de ne pas jouer aux héros. Ça semble un peu foutu."

J'avise le pirate un moment puis me tourne vers l'Est. La question est... Qu'est-ce qu'un borgne, une demie-elfe musicale, une brindille et les quelques aventuriers évoqués peuvent mettre en place face à ça ?


*--->*
___



*Note* : PM - Eau 8/9 Lumière 6/6 Terre 3/4

- Ingestion d'une potion de mana moyenne (4PM)


[XP : 0,5 (discussion avec le Conseiller) + 2 (sauvetage).]
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Mythanorië, Oudio

Sœur de la Confrérie d'Outremer - Capitaine de la Rascasse Volante / Shaman hippocampe.

Thème musical

"Y'a pas à dire : la Mer, ça vous change quelqu'un !
"

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Akihito
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Re: Les Portes et Remparts

Message par Akihito » mar. 17 août 2021 12:30

Dans le chapitre précédent...

Evénement : La fin d'une ère.

37 : L'espoir ne meurt jamais.

Bras, jambes, torse, crâne, tout semblait en feu alors que son corps se mouvait vers la musicienne. Ses blessures nombreuses se remirent à saigner, drainant un peu plus le soubresaut d'énergie qu'il avait pu mobiliser. Il ne s'en préoccupa pas, occultant douleur, fatigue, désespoir. Seule la survie de l'Earionne importait.

Son marteau rangé dans son dos sans qu'il s'en soit aperçu, il se porta au contact de la jeune femme et sans cérémonie, la souleva de son bras gauche pour la poser sur son épaule.

"Accrochez-vous," grinça Akihito d'une voix erratique, qui lui semblait lointaine à ses oreilles. Et sans attendre la réponse de la concernée, sa foulée s'allongea, la foudre accrue sa vitesse et il parti en un éclair. Autour de lui, il ne prenait que vaguement conscience des restes de la cavalerie en déroute, durement touchée par le souffle maudit de l'apex predator. Tous trop occupé par sauvé leur propre vie, aucun n'avait proposé aux deux aventuriers de les extirper de ce bourbier. Mais pouvait-il seulement leur en vouloir, dans pareille situation ?

SI l'enchanteur parvenait à faire fi de ses blessures, c'est qu'il savait qu'elles étaient présentes et pouvait les ignorer : mais il ne put le faire avec la brûlante sensation qui envahit sa joue, son bras, sa main. Tout ce qui était en contact avec la jeune femme, pour être exacte. Une impression d'être piqué par des centaines d'aiguilles chauffées à blanc. La fine membrane verte qui recouvrait l'armure de l'Earionne semblait corrosive, et la prendre à bras le corps le mettait directement en contact avec cet acide. Assez peu capable d'encaisser cette douleur, en plus des chocs des haches et des épées qui cognait contre son bouclier, il accéléra encore. Il dépassa la vitesse limite qu'il s'était fixé en obtenant les bottes, celle au delà de laquelle il n'était plus sûr de pouvoir s'arrêter correctement.

(C'est pas comme si j'avais le choix...!)

Ses pas marchaient sur des cadavres, piétinaient des hampes brisées, pataugeaient dans la bour rougeâtre, pour enfin sortir de ce charnier omyrien et entrer dans la zone de désolation créée par le Dragon Noir. Tout semblait avoir dépérit : l'herbe brunâtre comme brûlée par le soleil, les ynoriens et chevaux à la peau décomposée et aux visages figées dans des expressions de souffrances terribles. Des jeunes, des vieux, des hommes dans la force de l'âge, et même quelques femmes... Le souffle mortel avait fauché tant de vie.

Avec hargne, Akihito finit par dépasser les survivants de la cavalerie. Trop occupé par sa propre charge, il ne put qu'imaginer le regard des ynoriens qui le voyaient courir plus vite que leurs chevaux, certes épuisées, mais qui restaient des montures. Devant lui, les murailles de la ville grandissaient, emplissant peu à peu son champ de vision, et le chaos qui y régnait. A quelques dizaines de mètres sur sa droite, les portes effondrées grouillaient de silhouettes tentant désespérément de secourir ceux prisonniers sous les décombres. Les fantassins avaient déjà formé un semblant de ligne défensive devant les murailles et la brèche dans la défense de pierre, et ils s'écartèrent en voyant Akihito et les reste de la cavalerie arriver à brides abattues.

Trente, vingt, quinze mètres... Ils étaient enfin à l'abri des troupes garzoks et du danger immédiat. Il avait réussi.

(J'ai...)

Tout lâcha. Dans un cliquetis d'acier, Akihito lâcha la jeune femme avant de perdre l'équilibre et de s'écraser face contre terre. Ses oreilles ne captait pour seul son qu'un bourdonnement sourd. Ses yeux ne renvoyait qu'un patchwork de couleurs floues. Sa peau ne n'était qu'un mélange incohérent d'engourdissement et de douleur. Sa langue ne goutait que la saveur métallique du sang. Son nez ne sentait plus rien. L'enchanteur n'était qu'une coquille brisée, accueillant un esprit vacillant qui restait conscient uniquement grâce aux efforts acharnés de sa Faëra qui l'abreuvait d'encouragements, de remontrances et de plaintes suppliantes pour qu'il continue de se battre, de survivre.

L'Ynorien perçut à peine l'Earionne la mettre sur le dos d'une hippogriffe qui, en quelques battements d'ailes, le porta par dela le sommet des remparts jusque dans la rue où il s'écroula. Allongé sur le dos, le regard tourné vers le ciel, il trouva un instant son lit de pierre confortable. Dormir serait si doux, si bien, si reposant...

(AKIHITO ! Je n'ai pas décidé de te faire confiance et de prendre à nouveau le risque de suivre un Porteur pour que tu me lâches maintenant ! Je ne l'accepterais pas ! Tu m'avais promis, par Rana ! Tu m'avais promis que tu ne baisserai pas les bras, que tu n'abandonnerai pas ! Que tu ne M'abandonnerai pas ! Alors... S'il te plait... Je t'en supplie... Lève toi...)

La bouche d’Akihito laissa échappé un râle, alors qu'il essayait de se lever. De bouger, ne serait-ce qu'un doigt. Tout ce dont il était capable, c'était de faibles soubresauts d'un corps désarticulé répondant avec peine à la volonté de son propriétaire. Brisé par sa propre impuissance, par ce corps qui n'arrivait pas à supporter les rares lambeaux de motivations qu'il parvenait à rassembler. Il senti des larmes de rage, de désespoir couler le long de ses joues maculées de saletés et de sang. Le sien comme celui de ses pairs, de ses adversaires. Pitoyable ironie, de savoir que la seule chose fonctionnant encore chez lui était sa capacité à noyer ses yeux et exprimer son impuissance.

Il se débattit, prisonnier de son corps. Il arriva plus par chance que par volonté à porter déboucher sa gourde crispée dans sa main tenant son bouclier, déversant le précieux liquide guérisseur sur la plaie béante ayant faillit le priver de son membre. La douleur reflua, un peu. La sensation revint, un peu. Suffisamment pour porter la gourde au dessus de son visage, mais pas assez pour la tenir. Elle tomba sur lui, renversant de nouveau la potion sur son visage, abreuvant sa bouche parcheminée. Il retrouva la vue de son oeil jusque là aveuglé par le sang... Mais ce n'était pas suffisant. Et ayant désormais perdu sa gourde, il ne pouvait plus guérir son corps meurtri. Il voyait la forme flou de personnes autour de lui. Peut être Sibelle, peut être d'autres personnes. Le contemplant, pathétique, et aussi impuissant que lui.

Le salut arriva sous la forme, serpentine, d'un long dragon d'ivoire et d'or. Apparaissant dans un flash de lumière au dessus d'Oranan, et descendant majestueusement sur lui. Un grondement sourd fit vibrer sa cage thoracique, ressemblant aux grondements du sergent Kiyoheiki sous sa forme draconique. Un globe de lumière brilla, et une douce pélllicule lumineuse l'enveloppa, d'une chaleur douce. Agréable. Maternelle. La force revint miraculeusement dans son corps. Il retrouva le contrôle de ses membres, une sensation d'engourdissement se dissipant rapidement alors que doigts, bras, pieds et cou recommençait à lui obéir. Ses sens lui revinrent ensuite : ouîe, odorat, vue, toucher. Tout, sauf la douleur. Se relevant avec hébétement, tâtant son corps maladroitement, Akihito aucune des innombrables blessures qui avaient meurtris son corps. Seuls témoins silencieux de ces dernières étaient ses vêtements et armures déchirés, abimés par les combats.

L'enchanteur se releva. Avec plus d'aisance qu'il ne l'aurais pensé. Mis à part le poids d'une fatigue musculaire apparue avec l'utilisation catastrophique de la rune. Akihito se sentait... Bien. Prêt à reprendre le combat. C'était à n'y rien comprendre, mais une personne était la responsable indéniable de son rétablissement. L'Ynorien s'inclina profondément, bien plus encore que ce qu'il avait pu faire à l'intention des Conseillers.

"Je vous dois la vie, Ser Dragon d'Or. Merci... Merci infiniment."

Sa voix était emplie d'une gratitude enrouée par sa gorge serrée. Sans l'intervention du mage de lumière, qui sait comment ce qu'il serait advenu de lui, immobile et à la merci de tous. Il ne se rendrait probablement jamais à quel point il avait sauvé Akihito, tant physiquement que spirituellement. Lui qui était prêt à baisser les bras et tout abandonné, retrouvait un second souffle. Sa psychée était encore loin d'être aussi vaillante qu'une petite heure auparavant, mais elle était désormais assez forte pour lui permettre d'encaisser de nouveau combats.

"L'effet de repos est temporaire, une poignée d'heures tout au plus. J'aimerais vous dire de préserver vos forces..."

Quelques heures. Le deux Ynoriens savaient que c'était plus que suffisant. Car s'il s'écroulait dans trois, quatre heures, c'était qu'ils avaient réussi à surmonter l'épreuve qui les guettait. Une épreuve qui n'allait pas les épargner, loin de là, et où le danger allait être de tout les instants. L'enchanteur sera le poing, remerciant silencieusement une seconde fois son guérisseur qui englouti une potion avant de se retransformer dans sa majestueuse apparence draconnique. Déclamant qu'il allait défendre le front plus au nord, et cette fois sans montrer de pitié.

"Oranan n'est jamais tombée. Et ce n'est pas sous notre protection que cela arrivera. Que le vent de Rana vous porte, Ser Kiyoheiki."

Un grondement approbateur lui répondit, précédant son envol, disparaissant au loin. Autour d’Akihito, les guerriers et autres aventuriers se rassemblaient en un groupe des plus hétérogènes : le pirate borgne qu'il avait foudroyé, Sibelle l'hinïonne polymorphe, Hatsu la grifonnière, l'earionne -qui n'en était peut être pas une, à en juger ses doigts palmés- musicienne, et même... Un arbre mouvant, vaguement humanoïde.

(hey, Akihito...)

(Dé... Désolé pour le souci que je t'ai causé, Amy.)

(Tu ne voudrais pas... T'arrêter là ?) demanda d'une petite voix la Faëra, avant de continuer d'une voix hésitante. (Tu en as déjà bien assez fait.. Survivre à un affrontement avec Crean, blesser en un presque duel Karsinar, capturer le roi de Darhàm, participer à une charge de cavalerie et la motiver suffisamment pour provoquer un deuxième assaut... Et toutes ces blessures que tu as enduré... Personne ne peut te reprocher d'avoir lambiné, de n'avoir rien fait... Alors...)

Alors qu'elle essayait de le convaincre de se reposer, de s'arrêter, il l'interrompit d'une voix douce.

(Amy.. Ce n'est pas une question de savoir si j'en ai trop ou pas assez fait. C'est mon devoir. Ces gens, Oranan, Theli, Yliria... Ils ont besoin de moi ici, maintenant. Je ne peux pas l'ignorer.)

(Tête de mule... Promets moi au moins de lever le pied. Ton corps n'est pas en état d'encaisser une autre mêlée aussi violente, si tôt après ta guérison. Promis ?)

(Promis.) acquiesça l'Ynorien. Cette promesse, en plus de rassurer son amie, était pleine de bon sens. Aller au front dans son état était dangereux pour lui, mais aussi pour ses alliés s'il n'arrivait pas à jouer son rôle. Pendant ce temps là, le borgne avait déjà commencé ce qui s'apparentait à un conseil de guerre improvisé.

"... Ils vont tenter de passer ce qu'il reste des portes et c'est pas ce qu'y reste de la milice qui va les en empêcher. Notre avantage, c'est qu'ils vont devoir passer sur du mauvais terrain entre deux murs. C'est notre chance de les éclater. On reste planqués et on les arrose avec tout ce qu'on a. Je pense flèches ! Je pense magie ! Qui est bon pour faire tout péter ? Toi euh... Akihito, c'est ça ? Pas la peine de te proposer, t'es déjà inclus de base."

Le flibustier le toisa, son oeil brillant d'un éclat méfiant et rancunier. Et il ne pouvait l'en blâmer, après ce qu'il avait malencontreusement subit. L'homme n'était cependant pas un imbécile et savait que dans ce qui allait leur tomber dessus, il allait avoir besoin de toutes les paires de bras disponibles. Il réglerait son différent avec l'Ynorien uniquement quand la bataille serait fini, et Akihito serait alors plus que ravi de retirer son casque pour encaisser la beigne qu'il méritait pour avoir manqué de le tuer.

"Je ne comptais pas me défiler. L'éclair de tout à l'heure était... un accident. Je prendrai le temps de m'en excuser plus tard, lui dit-il à voix basse avant de parler à l'ensemble. On a pas vraiment le choix, pour la défense. Laissez moi m'occuper de rallier les survivants. J'ai beau ne pas faire partie de l'armée, je saurai les motiver. Quant à ce qui est de tout faire péter, j'ai de la ressource."

Le reste de la concertation fut bref : chacun alla de son avis, avant que le pirate ne synthétise le tout : Sibelle et lui allaient s'occuper d'être au front pour maintenir les rangs à la mêlée quand les autres allait faire pleuvoir la mort depuis les remparts ou les airs. Le pirate était probablement le capitaine de son navire : son ton et son aura étaient ceux d'une personne habituée à commander, à organiser ses hommes. Des compétences qu'on développait sans doute quand on devait gérer un équipage dans des situations aussi variées que critiques. Et lui n'avait rien à redire à ça : bombarder depuis les remparts allait lui permettre de se reposer physiquement tout en déployant toute l'étendue de sa magie.

"On va concentrer notre puissance de feu sur la zone devant les fantassins au niveau de la brèche. C'est ce point qui doit céder en dernier.

- Sécuriser une zone ? Je peux le faire. Mais je serais plus efficace si on m'apporte de l'eau. Beaucoup d'eau. Et je pense que vos pouvoirs pourraient m'être utiles également..."

Akihito se tourna vers l'Earionne, qui pouvait aussi bien être une sang pourpre maintenant qu'il la voyait de près. Elle lui souriait, et il haussa un sourcil quand elle évoqua l'eau. Amy lui confirma ses doutes en lui révélant qu'il avait bien à faire à une aquamancienne, une prêtresse de Moura qui plus est. Elle le lui avait apparemment révêlée alors qu'il venait tout juste de s'écrouler, mais son état d'alors l'avait rendu incapable de même se rendre compte qu'on lui parlait. L'eau pourrait sans problème transmettre plus efficacement sa foudre, révélant un combo des plus dévastateurs. Il opina du chef.

"Sifflez, ou faites moi signe quand vous aurez besoin d'une grosse dose de foudre. je m'occuperai de rendre votre magie encore plus dangereuse qu'elle ne l'est probablement déjà."

Leur maître de réunion conclut en ajoutant que l'heure n'était plus à la gloire, mais à la survie, ce qu’Akihito ne pouvait qu'approuver. Lui et Sibelle commençait déjà à grimper l'éboulement qui recouvrait encore probablement des dizaines d'Ynoriens, ce qui fit frémir le jeune homme. L'ensemble était relativement instable, et marcher dessus pour rejoindre le front le moment venu allait s'avérer difficile pour lui qui sans être empoté, n'avait pas le pied sûr dans ce genre de situation. Pas plus que la majorité des soldats, à la réflexion. Citoyens comme miliciens et même des Samouraïs s'afféraient à déblayer le tout, à la recherche de survivants. Une recherche désespérée qui se soldait que trop rarement par l'émergence d'un survivant. Avisant un sergent de l'armée qui semblait superviser comme il pouvait les opérations.

"Sergent, il faut déblayer un corridor vers l'extérieur dans ces gravas. On pourra ainsi sortir les blessés, se replier et défendre plus facilement que sur un tas de débris aussi peu stable.

- On fait ce qu'on peut dans ce sens ! On déblaie aussi pour sauver les blessés.

- Je vais faire transmettre l'ordre de l'autre côté, pour libérer un passage des deux côtés le plus vite possible."

Il aurait bien contre argumenté en disant que les chances de récupérer des rescapés s'amenuisaient drastiquement à mesure que les minutes passaient, mais il n'avait pas coeur à condamner ainsi les malheureux en privilégiant une tâche à une autre.

(Si ça commence à vraiment tourner mal... Je le dirais.)

Puis se tournant vers les deux silhouettes surplombant le tas de roches brisées, il héla ces dernières.

"EH ! Euh... Capitaine ! Sibelle ! Dites aux dernières lignes de votre côté de commencer à déblayer aussi, il faut qu'on sécurise un corridor au plus vite !"

Grimper les marches des murailles en courant s'avéra plus éprouvant qu'il ne l'avait escompté. Essuyant d'un revers de la main sa bouche après avoir consommé un remontant remplissant de nouveau ses réserves de fluides, il constata l'ampleur des dégâts. Là aussi, des dizaines de cadavres d'archers fauchés par le souffle du Dragon noir jonchaient le sol. Ils avaient été en partie poussés dans un coin par leurs camarades, mais ils étaient désormais tous derrière les créneaux, arc en main et carquois au pied. Tous avaient une flèche déjà encochée, avisant avec appréhension la masse grouillante et meurtrière qui approchait. L'inertie d'un tel groupe rendait leur arrivée plus lente que si un seul garzok avait courut vers les remparts, mais déjà étaient-ils presque à portée de flèches. Il ne devait pas rester plus d'une trentaine de secondes avant que le choc n'ai lieu.
Les soldats tremblaient. De peur, face au rouleau implacable omyrien. D'effroi, en sentant les dizaines de milliers de pas frapper le sol, faisant trembler jusqu'aux murailles mêmes. De douleur, pour les miraculés ou malchanceux ayant été touché par le souffle maudit sans en mourir.

Il fallait une figure de proue. Il fallait quelqu'un pour galvaniser, inspirer ces archers, ces fantassins en contrebas qui devaient être plus effrayés encore. Mais... Aucun Conseiller n'était présent. Akihito n'avait pas eu le luxe de demander ce qui était advenu de Nora Shimi ou de Shen Muri. S'ils étaient vivants. Si on les avait même retrouvés. Plus tôt, Akihito avait déclamé qu'il pourrait motiver les troupes. En était-il capable ? Lui qui était tout aussi terrifié que les autres si ce n'était plus pour avoir expérimenté l'horreur de la mêlée avec Omyre, quelques minutes plus tôt ?

Ses propres paroles lui revinrent dans la figure. Il n'était plus question de ce qu'il était capable de faire. Il était question de son devoir.

"YNORIENS !"

Sa voix tonna. D'abord un peu éraillée, il en modula les accents pour y cacher sa peur derrière des notes graves, emplie d'une confiance qu'il essayait de se donner en même temps que de la transmettre.

(Ne laisse pas la peur te consumer. Sers-toi en. Utilise la. Alimente ta rage. Alimente ta colère.)

"YNORIENS !"

Son second appel attira l'attention des archers, qui se tournèrent pour certains vers lui en louchant sur la lame de la Kizoku-Rana qu'il venait de dégainer à la main. S'approchant d'un pas vif des créneaux, ces derniers s'écartèrent pour le laisser accéder aux parapet sur lequel il sauta, tout en commençant son discours.

"MILLE ANS ! UN MILLÉNAIRE QUE NOTRE CITÉ SE DRESSE FIÈREMENT, REPOUSSANT SANS JAMAIS FAIBLIR LES ASSAUTS D'OMYRE ET DE KENDRA-KÂR AVANT ELLE. UN MILLÉNAIRE QUE JAMAIS NOS MURS NE SONT TOMBÉS ! ALLONS NOUS BRISER CET HÉRITAGE AUJOURD'HUI ?!"

Sous lui, des dizaines, des centaines de soldats se massaient, anxieux. Angoissés. Et déjà des visages se tournaient vers lui, alors qu'il brandissait la lame de son peuple au dessus de sa tête. Il aurait aimé que son casque soit encore complet : ainsi, il n'aurait pas eu à maintenir ce visage confiant qui ne reflétait pas ses pensées.

"JE SENS VOTRE PEUR ! L'ENNEMI EST IMPITOYABLE, TERRIFIANT ? JE L'AI AFFRONTÉ AVEC LA CAVALERIE ! J'AI AFFRONTÉ KARSINAR EN COMBAT SINGULIER ! J'AI AFFRONTÉ CREAN EN PERSONNE ! ET JE SUIS TOUJOURS LÀ ! ILS NE SONT PAS INVINCIBLES !"

Il venait de déblatérer des semi vérités, car il n'était pas tout à fait seul face à Karsinar, comme il avait bel et bien bataillé avec Crean avec pour résultat une cuisante défaite. Mais ce n'était pas important, tant que cela inspirait les Ynoriens. De la pointe de son sabre, des volutes noirs s'échappèrent. Drainant toujours plus ses fluides, soutenu par les runes de son armure, un épais nuage d'orage éclata au dessus du champ de bataille à venir. Comme pour répondre au craquement du tonnerre, une, puis deux, puis des dizaines et des dizaines de cordes claquèrent, laissant voler leurs traits en direction des milliers de garzoks, sous les ordres des officiers ynoriens. L'effort intense qu'il avait fournit pour créer un nuage aussi imposant avait fait couler un filet carmin de son nez, qu'il essuya d'un revers de la main. Le roulement du tonnerre était tel que la charge, sans être stoppée, avait très visiblement ralentie.

"LE DRAGON NOIR ? OAXACA ? LA BELLE AFFAIRE ! NOUS SOMMES LES FILS ET LES FILLES DE RANA, DÉESSE DES VENTS IMPÉTUEUX ET DE LA SAGESSE ! ELLE NE LAISSERA PAS TOMBER SON PEUPLE ! N'A T-ELLE PAS DÉJÀ SCÉLLÉE PAR LE PASSÉ CE FOUTU LÉZARD ?"

Un pieux mensonge. Nul ne savait si les Dieux allaient intervenir, s'ils allaient laisser la créature qu'ils n'avaient su abattre répandre la mort sur le monde qu'ils avaient créé. Mais les Ynoriens étaient de fervents croyants : et face à la menace divine que représentait le Dragon et la Déesse noire, il leur voulait leur fournir un espoir, quelque chose à quoi se raccrocher. Les archers sur toute la muraille enchaînaient trait après trait, couvrant le ciel de nuages de flèches s'abattant mortellement sur les ennemis de leur pays. En réponse, les Garzoks répondirent par des carreaux d'arbalètes, moins nombreux et précis car tirés en pleine charge. Si la plupart s'écrasèrent contre le rempart, d'autres furent tirés assez haut pour fondre vers les rangs d'archers. D'un revers du sabre, Akihito déploya sa Magnétisation balistique qui arrêta trois carreaux, l'un d'eux stoppé à quelques centimètres de la poitrine d'un Ynorien qui devint blanc comme un linge. Un deuxième revers renversa les têtes en diamant des carreaux pour les renvoyés dans les rangs omyriens. A ses côtés, la prêtresse de Moura était entrée dans une transe religieuse, invoquant sa magie des eaux. Entourées de jarres dont elle semblait puiser une partie de l'eau dans un maelstrom aquatique, sa magie entra en action alors que ras de marée et larges étendues d'eau recouvraient le champ de bataille, renversant et embourbant la charge qui fut ralentie, une nouvelle fois. Elle l'apostropha visiblement fatiguée et il répondit à son appel, usant de son dernier sort transféré. Un large cercle runique apparut au milieu des troupes garzoks détrempées, foudroyant tout ceux présents à l'intérieur. Mieux, l'afflux de foudre se répandit à travers l'eau et augmenta la portée du sort de l'enchanteur. Les dégâts étaient certes moindre, mais l'impact était là.

"ALORS ENDUREZ ! DRESSEZ VOS BOUCLIERS, BRANDISSEZ VOS NAGINATAS, LIBÉREZ VOS FLÈCHES ! POUR UN COUP ENCAISSÉ, RETOURNEZ EN LE DOUBLE ! POUR UN FRÈRE D'ARMES ABATTU, FAUCHEZ EN TROIS !"

Le sabre brandit de nouveau vit naître à son extrémité un orbe de foudre, tourbillonnant, crépitant de foudre. L'obus magique consuma une autre part importante de ses fluides, mais il n'en eut cure, alors que les ultimes secondes s'égrainaient avant l'inexorable froissement de l'acier d'une lutte sans merci. Atteignant sa masse critique, il le propulsa dans les airs alors que les rangs Ynoriens se resserraient, prêts à encaisser la charge imminente. Dans cet obus magique, Akihito avait mit toute son angoisse, tous ses doutes, toute sa peur. Galvanisé par ses propres paroles, il poussa un dernier rugissement de colère et de défi alors que l'orbe de foudre crevait le nuage d'orage pour s'abattre avec fracas dans la marée verte en un grondement furieux.

(Seigneur Valyus, Dieu de la foudre et de la protection... Si vous avez bel et bien fait de moi votre héraut, donnez-moi la force de protéger ma patrie.)

"AVEC MOI, FIERS ENFANTS DE L'YNORIE ! POUR NOS FILS ! POUR NOS FEMMES ! ORANAN NE TOMBERA PAS AUJOURD'HUI !"


HRP :


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Kiyoheiki
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Re: Les Portes et Remparts

Message par Kiyoheiki » ven. 20 août 2021 19:53

~Auparavant~
~~


Suite à ma chute, et encore victime de l'aveuglement, j'entends bien des choses autour de moi. En particulier une voix par trop de fois subie dans de désagréables circonstances. Masculine, mentionnant Aliaénon, provocatrice et grossière, prétendant encore laisser une chance de retraite à ses opposants quand la véritable meneuse de ce conflit souhaite ne faire aucun quartier. Par deux fois, l'humoran s'est illustré par de terribles faits d'armes contre mon peuple ou nos alliés. À l'entendre s'égosiller concernant la Princesse, il confirme le dicton du 'jamais deux sans trois'. Je ne réponds pas à la puérile provocation qui m'est destinée, me contentant d'user une fois encore de ma magie curative afin de reconstruire ma mâchoire supérieure certainement fracturée. Tant que mes yeux sont voilés, je préfère ne pas prendre d'initiative pouvant mettre mes alliés en danger.

Lentement, ma vue me revient, m'amenant le spectacle de Sisstar effectivement brisée, de plusieurs personnes dont l'imprévisible et dangereux humoran. Je lève la tête à la voix du dénommé Cromax, l'écoutant rétorquer au fanatique que la Sombre Dame est responsable, pas ceux cherchant à se défendre. Je bascule mon poids sur mes pattes, faisant jouer ma musculature pour me relever en prenant la parole avec neutralité.

"Point de raison possible avec cet individu, car la seule qu'il écoute est la sienne. Ne gaspillez pas votre souffle, l'humoran Sirat trouvera toujours une façon de nier ou dénaturer vos paroles, se rassurant immanquablement quant à sa légitimité."

Je m'ébroue brièvement, avisant Sirat de mes yeux violets puis les braquant en direction de l'individu inconnu trop proche de ma forme, cherchant à déceler ses intentions. Du mouvement se fait subitement tout autour. Un guerrier se jette contre l'être penché vers Sisstar, un passage s'ouvre et quatre charges tombent gentiment sur mon dos sans causer le moindre crissement typique d'une attaque contre mes écailles. J'élève mon cou, avisant les passagers et reconnaissant au moins trois d'entre eux. Yliria, Jorus et Xël, accompagnés par un individu elfique. Empressée, la jeune femme se hâte au plus proche de ma tête et me révèle le lien du gentâme avec nos adversaires, me laissant songeur. Ainsi, cette créature serait en accointance avec un puissant nécromancien. Pourtant, mes connaissances en la matière laissent entendre que seules des âmes ayant appartenu à des mortels peuvent être asservies. Est-ce une fausse conception ou le lien entre eux est-il différent ? Un grand danger guette donc les porteurs de marques, mais mon inquiétude est moindre.

Je présente ma corne gauche à ma passagère, lui demandant de retirer l'arme s'y trouvant. Jorus tient sa lame vers moi, visiblement méfiant, se révélant surpris et usant d'un mot que je ne reconnais pas semblant m'être destiné. Soudain, la voix de l'humoran attire mon attention. Son ton laissant entendre qu'il va faire quelque chose de désespéré. Son regard sur ma forme me suffit. Instinctivement, je sais que ce brutal manipulateur de la magie terrestre en a après moi. Mais avec la venue de ces passagers, ma priorité change drastiquement.

"Accrochez-vous !"

J'accompagne cet ordre d'un bond vertical dans les airs, m'efforçant de me cabrer et courber l'avant de mon corps vers l'arrière. Protéger mes passagers. Dresser mes écailles entre eux et un dangereux individu par trop longtemps ignoré. L'humoran cède comme toutes les fois précédentes à ses accès de violence. Cette menace par trois fois avérée doit être stoppée. Je riposte en laissant surgir contre lui la puissance dormante de la marque arcanique tatouée dans mon corps. Un choc brutal, mais pas celui attendu. Non loin, une explosion d'une lumière intense se fait, frappant l'ensemble des présents sur plusieurs mètres. Une déflagration aussi soudaine qu'inattendue, me coupant le souffle. Mon torse me fait savoir avoir encaissé un lourd impact. Des cris... Des lamentations... Des voix par dizaines se mettent à résonner en moi. Cette douleur sourde au plus profond de mon corps n'est rien en comparaison de l'appel désespéré faisant écho dans mon être. Comme anticipé, les ynoriens font face à une menace démesurée. Ma tête se tourne vers Oranan, les sombres couleurs du Dragon noir immanquables. J'oriente mon profil vers mes passagers.

"Mon Peuple se meurt. Ma place est à ses côtés."

Je commence à me concentrer, suivant cet appel d'une terrible précision pour rejoindre mes protégés. Tel un filin coloré se dessinant dans la pénombre au fur et à mesure que mon esprit s'acclimate, je perçois avec exactitude les lieux. La Capitale. Laissant ma forme se fondre dans la lueur ambiante, je quitte cette zone. Le Devoir guidant mon déplacement.




Mon ombre serpentine apparait au-dessus de la cité. De cet emplacement, il m'est impossible de ne pas avoir vue sur le carnage. Des guerriers ynoriens jonchent le sol de nos terres, comme fauchés en pleine course. Montures, cavaliers, fantassins. La ligne des morts se poursuit jusque sur les remparts où une grande partie des archers a aussi perdu la vie. Face à une entité de cauchemar, mes mortels protégés n'ont eu aucune chance de s'échapper. En-dessous de moi, j'aperçois la silhouette de Cherock et descends à son niveau. Allongé, d'inaudibles murmures lui échappent tandis que je jauge son état. Le jeune homme tressaille d'épuisement, son corps tâché de sang et de saleté. Grondant doucement, je l'incite à garder courage. Positionnant ma perle dorée proche de lui, j'emploie les forces lumineuses qu'il me reste pour soulager son corps de ses plaies. Toutefois, son épuisement n'est pas anodin. Il lui faut plus apte que moi pour lui venir en aide.

Je tourne la tête dans la direction du carnage effectué, silencieux un instant. Contemplatif. Lentement, mes yeux se ferment, la perle dorée émet un léger écho lumineux et je penche la tête, plongeant le regard dans cet orbe si particulier. Des images à une autre échelle se mêlent à des voix et des visages, mais surtout des sensations, des sentiments. D'instant en instant, je réalise l'ampleur de ce que je viens de vivre. J'ai vu la Demie-Déesse de la guerre de près, tout comme le Destructeur infernal. J'ai contribué à vaincre l'une des Treize, et par mon audace, j'ai poussé ces adversaires inégalables à accélérer leur campagne d'oblitération. Tous ces corps. Tous ces soldats. Toutes ces vies étendues devant nos portes comme de vulgaires boisseaux de riz... Sans aucune chance de se défendre. L'injustice de la situation étreint mon cœur avec violence. Pourquoi devons-nous faire face à une telle calamité ? Les dieux ont-ils réellement décidé de nous abandonner entre les mains de la Sombre Souveraine ? Je ne peux me résoudre à y croire.

Je serre le poing, mais la première chose que je fais est de me tourner vers un espace vide, une quinte de toux précédant une expectoration sanguinolente. Je ressens encore la douleur fantôme des armes de Sisstar dans mon flanc, mais pas celle issue de l'explosion dans ma poitrine. Impossible de dire si j'ai instinctivement soigné cette blessure ou si quelqu'un d'autre comme Yliria s'en est chargée. Ce que je ressens n'est toutefois rien par rapport à l'agonie de savoir tant des miens perdus. Mes yeux brillent de larmes que je m'efforce de maintenir sous contrôle alors que je passe le revers de ma main contre mes lèvres tâchées. Un ynorien ne pleure qu'en quelques occasions, le deuil dans l'intimité du Bochi par exemple. Et il est encore trop tôt pour laisser le chagrin prendre le dessus. Je laisserai libre cours à ma peine en temps voulu. En cet instant, elle doit m'aider à sauver mes concitoyens survivants et lutter sans relâche. J'avise Cherock, employant mes connaissances en magie curative pour lui restituer son énergie.

"L'effet de repos est temporaire, une poignée d'heures tout au plus. J'aimerais vous dire de préserver vos forces..."

Je me tais, laissant mon regard embué mais déterminé achever ma tirade, car nous savons tous deux ce qu'il en est de la situation. Le jeune homme se redresse et effectue une salutation profonde, exprimant une gratitude sincère. J'attrape ma gourde et ingurgite l'une de mes plus puissantes potions de mana. Une fois mes forces revenues, je fais face à la situation. La culpabilité n'a pas sa place sur le champ de bataille. Mes scrupules et ma volonté de trouver une autre solution ne sont plus d'aucune utilité. Il est temps pour moi de voir la vérité en face. Laisser une chance à l'ennemi en cherchant à le neutraliser plutôt que l'abattre ne fera que condamner les nôtres. J'aimerais que cette guerre cesse sans davantage de victimes, mais je ne suis pas assez naïf pour y croire plus longuement. Alors je vais me battre et lutter jusqu'à mon dernier souffle.

Je laisse mon Devoir reprendre le pas sur le reste, repoussant mon cœur loin derrière le plus important. Ma forme humanoïde disparait peu à peu, laissant place au Dragon d'Or. De nouveau sous forme draconique, mes yeux violets se posent avec un air protecteur sur le jeune homme.

"Ce Dragon occupera l'ennemi en direction du nord-est. Désormais, il ne retiendra plus ses coups, mais il trouvera toujours moyen de revenir auprès des siens. "

Le jeune Cherock répond que jamais Oranan n'est tombée jusque-là, et qu'elle ne le fera pas sous notre protection. Il m'offre quelques paroles de soutien, auxquelles je gronde avec approbation. Mon corps serpentin se déroule subitement, me lançant vers les cieux. Point d'adversaires, mais des ennemis dépourvus de pitié. Des troupes d'orques et de bêtes chargent, tel le prédateur ayant flairé la proie blessée. Le front nord-est est ma responsabilité. Je ferai obstacle de mon être aussi longtemps que possible.

Je vole dans cette direction, apposant le regard sur quelques cavaliers ynoriens cherchant à dégager l'un de leur compagnon piégé sous sa monture brisée. Mon corps descends, et j'attrape l'animal mort de mes pattes, le soulevant et le repoussant au passage. Les combattants ne perdent pas de temps, tirant la victime de ce mauvais pas. Mon chemin se poursuit et je survole les premières lignes ennemies, identifiant de nombreux soldats garzoks accompagnés de bêtes déformées. À mon premier passage, certaines haches se lèvent dans ma direction, et quelques guerriers se figent, bousculés sans ménagement par les autres. Des javelines et des projectiles fusent vers moi, une clameur enragée montant de ces troupes à pied. Ma trajectoire se poursuit en un cercle au-dessus d'eux, menaçant sans commencer à les attaquer. Dans leur hâte pour me toucher à distance, certains tirent de leurs arcs ou arbalètes pratiquement en l'air. Certaines munitions me manquent, d'autres se brisent contre mes écailles, et certaines sont renvoyées vers le sol. Des cris hargneux ou surpris s'élèvent quand un carreau retombe sur des troupes non visées.

Mon regard clair avise un garzok massif et à la protection plus épaisse que ses voisins directs. Un sentiment de déjà-vu. Je plonge pour m'en saisir, mais ses compagnons proches forment un bloc levant des pics ou des haches, visiblement prêts à m'accueillir. Tactique trop gourmande en temps. Je me contente d'un survol vif, et assène un revers de ma queue violent. Hampes qui se brisent, têtes casquées ou non qui s'entrechoquent. Regard par-dessus mon épaule, en direction de la porte détruite. Certaines sections de la première ligne ont fort avancé, menaçant des ynoriens à pied n'ayant pas eu le temps de s'éloigner. J'ondule férocement, rasant le sol et élevant un mur d'écailles contre lequel nombre de garzoks se heurtent. Ceux qui choient sont contournés ou piétinés par leurs pairs, poursuivant leur charge. Malgré ma taille et ma présence, les orques semblent sous-estimer la menace que je représente, galvanisés qu'ils sont par leur nombre. Il me faut leur montrer que je ne suis pas une simple diversion, un obstacle négligeable.

Ma forme serpentine vole près du sol et se rue dans les troupes d'Omyre, pourfendant la masse. Je perçois des coups contre mon armure naturelle, mais aucune douleur aussi vive que ce que Sisstar m'a causé. Mon mouvement se poursuit, bloquant le passage de certains groupes qui doivent ralentir pour me contourner. Ondulant, mon corps forme bientôt un anneau autour d'une vingtaine de soldats et d'une poignée de bêtes difformes à bois semblant moquer les miens. Rapidement, je resserre mon étreinte, causant des cris aussi bien de matière que d'êtres vivants. Mon acte a le bon goût de faire s'arrêter une partie des soldats, cherchant à tirer mon corps écailleux quand ils comprennent enfin mon objectif. Mais je n'ai pas l'intention de m'arrêter. Tête haute, hors de portée d'épée, je pose un regard neutre sur ceux qui s'échinent à me frapper. Mais leurs lames et gourdins ne parviennent pas à entamer mes écailles. À chaque coup que je distingue contre mon armure brillante, je rétrécis mes anneaux, imitant un reptile autour de sa proie. Je serre encore et encore, les cris guerriers de mes prisonniers se muant en échos de douleur à mesure qu'ils sont écrasés les uns contre les autres. L'une des bêtes à bois se débat et parvient à grimper sur le dos d'un garzok, mais son arrière-train demeure bloqué dans la masse. Ma tête se meut dans sa direction, ses cris tels un brame enragé s'élevant sans discontinuer. J'ouvre la gueule et la referme brutalement sur sa tête, mes crocs au ras des bois et bloquant sa mâchoire en position fermée. Elle se débat tandis que je l'extirpe, frappant des sabots les têtes de mes victimes. À peine est-elle extraite que ma musculature joue, ramenant d'un coup l'ensemble de mes proies les unes contre les autres. Je serre encore et encore, jusqu'à ce que des craquements sinistres se fassent entendre et un silence pesant lui succède.

Lorsque certains soldats tentent d'escalader ma forme, je détends mes anneaux de façon fulgurante. Certains sont projetés dans les jambes de leurs voisins, causant de nombreuses chutes. D'autres, propulsés en hauteur, se réceptionnant lourdement au sol. Les corps des troupes enserrées choient comme un lot de brindilles, inertes et brisées. Dans ma gueule, la créature se débat. J'élève la tête puis le haut du corps, soulevant la masse animale tentant vainement de me frapper de ses dangereuses pattes. Après un bref instant, je l'abats sans ménagement, écrasant quelques combattants peinant à se relever. Une seconde fois, je réitère mon geste. Je recommence jusqu'à avoir fait place nette autour de moi, poussant les soldats d'Omyre à prendre leurs distance. Puis, j'appose une patte à la base du robuste cou de la créature, tirant sa tête entre mes crocs jusqu'à ce que sa nuque émette un claquement distinct. D'ordinaire, cela serait suffisant. Point en ce jour. La traction se poursuit jusqu'à ce que le chef de la créature finisse arraché du cou brisé, répandant une gerbe de sang par terre. Quelques jets effleurent mes écailles sans me distraire. Un mouvement rapide, et la tête retenue jusque-là entre mes crocs est lancée dans les soldats, percutant des bois deux guerriers avant de choir. Des regards sur moi. Il semble que mon petit tour ait attiré leur attention.

Mes pattes touchent terre, mon long corps placé parallèle au gros des troupes. Mes yeux se posent sur les faciès vindicatifs mais brièvement hésitants des garzoks me faisant face. Cette section de la charge a grandement ralenti, but que je visais. Bientôt, des voix fortes se font entendre, exhortant les guerriers à arrêter d'avoir la trouille et à m'abattre. Quelques-uns, masses brandies, tentent d'initier le mouvement, mais un grondement bas suivi d'un claquement d'avertissement de ma queue au sol les fait hésiter. Ils ne se ressaisissent que quand une poignée de garzoks visiblement plus importants et mieux protégés se lancent à l'assaut. Les coups qu'ils me portent sont plus précis, faisant tinter leurs armes métalliques contre moi. Pendant qu'ils cherchent à me distraire, leurs subalternes se mettent à m'encercler. Avoir leur attention est nécessaire pour offrir aux miens se repliant le temps de le faire, mais même une puissante entité peut être mise à bas par un effort collectif.

Ma forme ondule violemment, repoussant des membres les soldats qui ont le courage de m'attaquer. Je suis brièvement surpris quand un des garzoks en armure pare ma patte de son espadon, tremblant mais tenant la pression de mon poids. Je m'apprête à changer de tactique et prendre mon envol quand une traction contre mon appendice caudal fait brièvement riper ma patte arrière au sol. Plusieurs soldats se jettent contre ma forme, cherchant visiblement à me déséquilibrer. Leur soif de sang et de combat semble avoir supplanté leur peur. Ils n'ont d'yeux que pour moi, s'attelant à trouver la moindre faille dans ma cuirasse. Un mouvement pour me défendre fait grogner un garzok qui détourne brutalement le regard. Un reflet sur son visage laissant entendre qu'un rayon de soleil l'a brièvement aveuglé. L'idée chemine rapidement, quand bien même elle est interrompue par le soudain retrait de l'espadon et son retour en estoc vers ma patte. Il ripe entre deux de mes doigts, me causant un léger picotement. Je serre ma prise dessus, tirant de façon erratique pour l'arracher aux mains adverses. Le long de mon corps, voyant sans doute que j'abaisse le reste de mon être pour conserver mes appuis, les coups reprennent. Certains tentent leur chance en voulant m'escalader, mains tirant sur mes crins. Mais un brusque sursaut déloge les importuns.

Le souvenir du flash m'ayant aveuglé revient. Toutefois, ce n'est pas un bref éclat qui m'intéresse. Je ne suis pas certain que cet acte suffise. Si mes cibles ferment ou détournent les yeux au moment de mon action, elle n'aura servi à rien. Il me faut m'assurer de leur handicap. La seule manière serait de causer de l'inconfort longtemps. Puisqu'ils me regardent tant, que cela soit la raison de leur peine.

L'espadon tremble tant le garzok lutte pour le reprendre en main. Il est si occupé en ce but qu'il ne remarque pas ma gueule s'approcher de son dos. Ma mâchoire se referme, mais est déviée par une masse de bois et métal venue contrer mon agression. Un orque aussi massif que le précédent tient un bouclier, utilisant son revers adroitement. Le long de ma forme, des échos de choc gagnent en nombre. Ma longue queue s'agite, mais au lieu d'aller dans le sens des fantassins en les voyant se tenir prêts à être percutés, je bondis, prenant appui sur l'espadon et mes pattes pour me lancer dans les airs. Les regards me suivent, comme certains projectiles. Des invectives, des injures, des provocations. Voyant que je ne compte pas revenir me poser dans l'immédiat, les meneurs font reprendre leur charge aux guerriers proches. J'appose brièvement le regard sur mon dos et ma forme, décelant de légères éraflures sur les zones les plus assaillies. Nombre d'entre eux sont donc bel et bien motivés par l'idée de m'abattre. Les plus courageux ou vindicatifs. Les ôter du champ de bataille aidera grandement.

Pendant que je pousse ma magie à s'éveiller, je réfléchis sur le moyen le plus efficace d'obtenir le résultat voulu. Instinctivement, cependant, je continue de me mouvoir pour demeurer une menace permanente sur les troupes d'Omyre. Mes pattes se saisissent de ce qui se trouve sur le champ de bataille. Corps de bêtes, armes abandonnées que j'élève et largue au-dessus des piétons. La vitesse de la charge en est réduite, car ils doivent prêter attention à ce que je fais et également où se posent leurs pieds. Bien. Loin de suffire. Ils sont encore trop nombreux et assoiffés du sang de mon Peuple. Je pousse mon énergie lumineuse dans mes écailles et l'y déploie, mais l'effet n'est pas visible dessus. Dois-je pousser mon fluide plus avant ? Tenter de modifier la nature de mon armure teinte ivoire ? Une présence rassurante me souffle que l'effet doit être perceptible. Altérer mes écailles serait dangereux et chronophage.

Je repère de petits groupes se mouvant ensemble et choisis délibérément de rompre leurs rangs, bousculant ces piétons et arrachant un individu du sol. Je plonge vers un autre groupe élevant des armes dans ma direction, sans doute pour me dissuader d'approcher. Ma réponse est de laisser choir ma prise et de ne pas y accorder davantage d'attention, même quand sa voix en pleine chute cesse brutalement en s'empalant sur les lames et armes ne lui étant pas destinées. Je réitère cette stratégie une ou deux fois, causant le même résultat jusqu'à ce que les orques choisissent de ne plus s'en prémunir de cette façon. Au passage suivant, tandis que je cherche en vain à pousser mon fluide à envelopper l'intégralité de ma forme, je parviens à duper le garzok à bouclier en faisant semblant d'avoir pris son voisin à espadon pour cible. L'individu tente de parer mes pattes en tendant son bras au dernier moment, ne se rendant pas compte qu'il l'expose. Tournant vivement le poignet, j'agrippe le biceps révélé. Toutefois, je ne reprends pas d'altitude et me contente de trainer le guerrier au sol, visage dans la terre. Il tente de frapper sur mes doigts, acte que je punis en serrant ma prise sur son membre. Un cri de douleur et de hargne lui échappe, masqué par les obstacles que je lui fais percuter en le traînant.

J'avise un roc émergeant du sol et l'y cogne sans ménagement. Le garzok est sonné et se débat peu tandis que ma forme se redresse, son bras toujours entre mes doigts et sa tête à présent plaquée contre la roche, sous ma seconde patte. Celui possédant l'épée à deux mains crie quelque chose dans ma direction. Peut-être de relâcher ma proie, une insulte ou une menace envers moi. J'hésite un bref instant, mais quand les bottes des soldats commencent à fouler les corps des miens sans y accorder la moindre attention, je laisse mon poids se porter sur ma patte. Le crâne qui s'y trouvait éclate tel un fruit trop mûr. Mes yeux violets ne s'y attardent pas, se rivant aux soldats venant dans ma direction. Aucune parole, car le temps du dialogue n'est plus. Je déploie mon énergie magique, la faisant partir du bout de mon nez à celui de ma queue. Ma forme s'enveloppe d'un léger voile clair, faisant presque l'effet d'une brume épaisse par endroits et fines en d'autres. Aucun effet chez mes adversaires, ma magie sans doute trop peu condensée pour avoir le bon effet. Je suis possiblement trop long, mon fluide manquant de puissance pour m'envelopper comme je l'entends.

Je repars à l'assaut, museau en avant, accompagnant mon vol d'un grondement sourd et menaçant. Le guerrier à l'espadon hurle dans ma direction, campé sur ses jambes à m'attendre. Je file ventre à terre dans sa direction et m'écarte au dernier moment, lui jetant un bref regard tandis que je passe juste à côté de lui. J'incline la tête et referme la gueule sur un archer qui le suivait, n'emportant et ne recrachant que la tête de ce dernier. Un tressaillement douloureux le long de ma hanche, l'arme à deux mains parvenant à enfoncer l'une de mes écailles. Faisant immédiatement volte-face, je percute sans retenue les omyriens à proximité et me rue vers lui. Je l'encercle de mes anneaux, élevant la tête au-dessus de lui pour le contempler en silence. Il a l'air aguerri, endurci, un vétéran au nombre de cicatrices qu'il arbore. Il prend une grande inspiration et s'élance à l'assaut de mon museau. Je concentre ma magie en ce point, une lueur dorée y apparaissant brièvement. Toutefois, cela ne semble pas l'arrêter. Il frappe, m'obligeant à lever la tête pour éviter le coup. Son arme part à la verticale et me contraint à basculer la tête, mettant le ciel dans mon champ de vision. Un rayon de soleil manque de peu me distraire, et la soudaine image de la jeune Yliria auréolée de la lueur matinale m'apparait comme une évidence. Un halo, provenant d'une source de lumière. Mais mon corps est si grand qu'il me faut préparer plusieurs points d'énergie.

La distraction permet au garzok d'abattre son arme avec férocité, le fil parvenant à faire sauter une écaille au-dessus de mon œil et le long de ma joue. Mes crocs se dévoilent et je riposte en m'efforçant d'attraper son avant-bras. Le combattant ne recule pas, au contraire. Il pèse de tout son poids contre ma blessure, s'efforçant de l'aggraver tout en se tenant hors de portée de ma gueule. L'occasion est parfaite, et je pousse ma magie à se concentrer le long de mon corps en plusieurs sources pour s'en déployer en même temps. La lumière m'enveloppe, mais elle semble juste surprendre le garzok et pas le déranger. Autour de nous, des bruits de pas s'accentuent, et la percussion d'armes reprend sur mes écailles. Un souffle s'échappe de mes naseaux. Il me manque quelque chose, un point important. Mon œil violet se rive au trait causé par la présence de l'arme contre mon profil, puis se tourne vers le soldat. Son expression est emplie de hargne, de fureur et de haine. Il veut me tuer, ses intentions sont clairement visibles.

Ses intentions... Le terme résonne en moi. Ce raisonnement m'est familier car déjà appliqué auparavant, lors de l'exploration du sort de pacifisme. Donner un but à son sort, sans quoi il n'est qu'effet visuel sans dessein. Avec un hurlement, ma cible retire son arme de ma plaie et se redresse. Un geste qui m'est aussi familier, une prise d'élan pour un coup destiné à ne laisser aucune chance. À sa rage de vaincre, j'oppose ma force lumineuse destinée à l'en empêcher. Mon profil se pare d'une aura brillante si surprenante que son espadon dévie de sa trajectoire et se plante à quelques centimètres de ma joue, dans le sol. Une opportunité. Mon museau s'élève et se tourne vers lui. Mes crocs s'enfoncent dans son épaule proche, lui tirant un cri de souffrance et de colère. Ses mains demeurent agrippées à son arme, mais cette dernière est fichée si fort dans le sol qu'elle refuse de bouger. Il finit par lâcher prise tandis que je chasse le menu fretin d'une boucle de mon corps, avisant les troupes d'Omyre sans laisser ma prise m'échapper. Lorsque sur son injonction les soldats se lancent contre moi, je m'efforce de disposer ma magie comme je viens de le faire sur mon profil. Petits soleils à intervalles réguliers. Pulsants et puissants. Diffusant leur lueur tout autour de moi, et chargée de l'intention de les gêner s'ils me prennent pour cible. Je la matérialise, percevant immédiatement des grondements surpris. Cela n'empêche pas plusieurs coups de porter, mais mes écailles encaissent le choc.

L'individu prisonnier de ma gueule tente de me la faire ouvrir et de cogner où il le peut. Je me contente de raffermir ma prise, son sang dégoulinant entre mes dents et maculant sa tenue. Même s'il est en mauvaise posture, il continue de lutter. En d'autres circonstances, j'apprécierais son courage. Cependant, c'est parce qu'il ne semble pas redouter la mort qu'il est dangereux pour les miens. Je saute et reprends de l'altitude, frappant de mon appendice caudal les bêtes et combattants à proximité. Ma forme s'élève et je survole la même pierre que précédemment. Ma victime continue de se débattre, m'invectivant de se mesurer à lui au lieu d'avoir recours à des tactiques de lâche. Silencieux, je lâche son épaule brisée et le regarde choir lourdement. Son dos heurte le roc de plein fouet, émettant un son mat. Il m'est possible de voir que la chute ne l'a pas tué, mais que si ses bras parviennent à se mouvoir légèrement, le bas de son corps ne tressaille même plus. Il survivra, si sa fierté est aussi brisée que sa colonne vertébrale.

Un brouhaha monte depuis l'Est, et je comprends que les autres fronts progressent. Revenant hâtivement vers les omyriens que j'ai ralenti, je condense ma magie lumineuse pour les frapper brièvement d'un manque d'agressivité. Leur charge reprendra, mais j'aurai gagné quelques instants de plus. Je me dirige vers la porte détruite, apercevant de sombres nuages et les silhouettes d'archers sur les remparts. Malgré ce revers, mon Peuple semble déterminé à se défendre.

Oranan tiendra, ou mon Devoir me fera tomber avec elle.



~Suite~


- Utilisation d'une Enorme potion de Mana (16PM)
- Tentative d'apprentissage du sort "Aura éblouissante"
- Utilisation d'un pacifisme rang 1 (1PM)


[XP : 4 (meurtre de Sisstar) + 2 (situation) + 3 (combat contre la charge de Karsinar) + 2 (apprentissage réussi) + 1 rune Tao pour la qualité du texte.]
Modifié en dernier par Kiyoheiki le mer. 8 sept. 2021 20:58, modifié 1 fois.

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Leyna
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Re: Les Portes et Remparts

Message par Leyna » sam. 21 août 2021 21:41

L'homme qui l'avait portée était durement blessé, entre autre par son armure d'acide. Gênée, la jeune femme déclara :

« Porter la main sur une prêtresse de Moura est une entreprise risquée. Je vous en suis pourtant redevable. Vous devriez aller vous soigner, car au plus fort de la bataille, vous n'en aurez plus le temps... »

Il ne semblait plus en état de l'entendre, mais déjà, une guerrière à dos d'hippogriffe. Il l'aida à embarquer l'homme tandis qu'elle rejoignait les défenses de la ville.

Les défenseurs s'organisaient du mieux qu'ils pouvaient. La capitaine et Heartless étaient là, déjà en train de préparer les défenses. Leyna, promptement déposée par le fulgomancien épuisé, le remercia d'un ample signe de tête. Puis, elle lança :

« La force d'une cité tient dans ses murailles. Nous ne devons pas seulement aider les soldats : la population même doit se mobiliser pour renforcer la portion effondrée en gêner leur avance. Même si je suis plus faible sans eau à proximité, je pourrais vous assister pour faire gagner du temps, mais il faut renforcer les murailles sans quoi nos efforts seront inutiles. »

Les autres combattants semblaient partagés à ce sujet. Aussi, Heartless prit les devants avec une autorité inattendue, demandant aux magiciens de tenir sur les murailles. Les guerriers allaient tenir la première ligne. Être à l'arrière n'enthousiasmait pas la prêtresse, mais il avait raison : elle aurait plus de mal à se replier que les autres sur ce terrain difficile.

De son côté, le magicien en armure qui l'avait sauvé, Cherock était son nom, ainsi qu'elle l'apprit, déclara qu'il allait falloir défendre le centre, au niveau de la brèche. Il fallait « sécuriser un corridor ». La prêtresse sourit :

« Sécuriser une zone ? Je peux le faire. Mais je serai plus efficace si on m'apporte de l'eau. Beaucoup d'eau. Et je pense que vos pouvoirs pourraient m'être utiles également... »

Il acquiesça, s'engageant à l'aider le moment venu. Elle commença donc à appeler ce qui restait de main d’œuvre à proximité. Alors que certains tentaient d'empiler des pierres et de dresser des pieux de fortunes pour renforcer légèrement la brèche, d'autres, sans trop savoir pourquoi, apportèrent des jarres d'eau en quantité. Lorsqu'il y eut quelques dizaines de litres d'eau à proximité, la prêtresse hocha la tête pour les remercier. Puis elle s'assit en tailleur, méditant en attendant que la vague frappe les défenseurs... ce qui allait arriver très bientôt !

Alors, elle se posa, ferma les yeux, et se concentra. Pour commencer, elle invoqua les flots pour créer une zone de boue devant leurs premières lignes. Le sol détrempé allait ralentir les assaillants, mais d'autres allaient passer autour. Alors elle leva les bras et cria :

« Invincible détentrice de la force ! Souveraine des champs de batailles ! J'en appelle à ton nom ! »

Autour, des nombreuses jarres, l'eau commença à s'élever.

« Que ta puissance se manifeste ! Et à l'appel de ta prêtresse, que ta volonté s'accomplisse ! »

L'eau se mit à tourbillonner autour d'elle tandis qu'elle la façonnait, la divisait, la préparait à se déchaîner...

« Par ton nom invoquée, viens et frappe nos ennemis de ton poing ravageur ! MOURAAAA ! »

Et elle déchaîna les flots. L'eau attirée par ses soins se déversa sur le champ de bataille ! Un premier raz-de-marée renversa deux rangs de soldats d'un côté, puis un deuxième en renversa encore d'autres, ajoutant encore au sol détrempé, jetant les garzok et les créatures à terre. Leyna tituba et s’effondra à genoux, trouvant encore la force de crier à Cherock :

« Maintenant ! »

L'ynorien réagit aussitôt et lança la foudre ! Un cercle électrique se répandit dans la zone humide, et les garzoks embourbés, ainsi qu'une sorte d'énorme fauve, poussèrent des hurlements tandis que l'électricité se répandait dans l'eau, achevant de décimer la première ligne. Leyna adressa un hochement de tête approbateur, quoiqu'un peu fatigué. Leur action combinée avait porté ses fruits, mais elle avait vidé la prêtresse de la quasi-totalité de ses pouvoirs et de ses forces. Elle n'était pas encore une si grande magicienne...

Alors, se dirigeant, à moitié rampante, vers un récipient qui contenait encore un peu d'eau, elle plongea une main dedans et ramena un peu d'eau en murmurant :

« Bénie sois-tu, Moura, pour avoir entendu mes prières. »

Elle but l'eau... et ses yeux se révulsèrent ! Une aura bleue se déploya autour d'elle tandis que ses fluides se régénéraient, elle écarta largement es bras, s'abandonnant au pouvoir bienfaisant de la déesse. Ainsi, elle avait récupéré ses capacités. Elle en aurait besoin, car la charge des omyriens, durement touchée mais nullement stoppée, déferlait maintenant sur les défenseurs.


[XP : 2 (retarder l'attaque)]

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Heartless
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Re: Les Portes et Remparts

Message par Heartless » dim. 22 août 2021 21:24

Sirius et Leyna filèrent rejoindre le combat qui faisait rage à quelques centaines de mètres des murs effondrés. De loin, il pouvait voir un griffon monté d'une archère survoler les rangs omyriens tandis qu'au beau milieu de la mêlée, un mage faisait rugir le tonnerre contre Karsinar. L'archère décochait flèche après flèche pour couvrir son compagnon malmené. Le borgne reconnut l'aventurier Cherock au fourreau noir qui pendait à sa ceinture, porteur d'une lame légendaire d'Ynorie. D'innombrables cavaliers oraniens, garzorks et Blakalangs étaient engagés dans une cacophonie mortelle, et bien sûr, Sarl était aussi dans la danse. Cherchant sans relâche à s'immiscer dans le combat du Prédateur Ultime pour le débarrasser du fulguromancien, chacune de ses tentatives était interrompue par un trait dissuasif de l'archère céleste.

Tandis qu'ils approchaient, Sirius changea son arme de main et couvrit le bras qui avait été blessé lors de l'attaque du castel Vandrak. La manière la plus simple de déstabiliser une armée était d'abattre son chef, et avec de tels alliés, il croyait en ses chances. Karsinar le croirait encore blessé, et au moment où il s'y attendrait le moins, Sirius se servirait de ce même bras pour lui asséner une attaque surprise. Leyna s'était emparée de sa lyre, que comptait-elle faire ? Comme il avait déjà vu sa magie à l’œuvre, il se dit que sa musique devait tout simplement renforcer ses pouvoirs. Il n'allait pas remettre en doute ses compétences maintenant.

Cherock, qui avait les traits d'un Ynorien mais dont la stature et la crinière dorée semblaient empruntées d'une autre ethnie, déchaîna une traînée d'éclairs bleus sur ses adversaires. La foudre se répercuta sur une poignée d'assaillants et frappa le Prédateur Ultime en plein torse avant de griller sur place un garzork malchanceux. Le torse fumant, Karsinar restait debout, impassible. Un déferlement d'une telle violence n'avait provoqué qu'un grognement de sa part. Sa hache de guerre en main, il s'avança lentement vers Cherock, prêt à séparer sa tête de ses épaules, mais il fut forcé de se retourner lorsqu'une bourse remplie d'or vint s'écraser contre sa poitrine. Les yus roulant à ses pieds, le barbare reconnut sa propriété, ainsi que son expéditeur.

"Coucou Nanar, j't'ai manqué ?"

Le pirate adressait son meilleur sourire au guerrier des Treize. Non loin de lui, Leyna avait commencé à entonner un chant guerrier à la gloire d'Esswan Sessra. Cette situation ressemblait de plus en plus à une vulgaire imitation des contes épiques de l'ancien temps, mais cette mélodie exécutée avec virtuosité dans un tel carnage avait le bénéfice de remonter le moral aux combattants. Sirius lui-même ne pouvait pas nier qu'avoir son propre troubadour avait un effet énergisant. Tout ce qui restait à Karsinar, en revanche, était une rage mortelle.

"Toi..."

Le colosse fondit sur Sirius. Redoutant un écrasement de sa hache, il brandit son trident pour se défendre. Il y avait quelque chose de jouissif à combattre un être aussi redouté que Karsinar avait une seule main. On aurait pu croire que le capitaine Hartingard sous-estimait son adversaire, mais bien au contraire, il comptait sur sa colère, même le Prédateur Ultime ne pouvait se défendre efficacement après avoir mis tout son poids dans une attaque. Seulement, Karsinar était plus rusé qu'il n'en avait l'air, et il le percuta d'un coup d'épaule.

"Tu vas mourir."

Sirius fut envoyé au sol. Secoué, il reprit ses esprits bien assez vite pour voir l'arme immense du colosse fendre le ciel, prête à l'occire. Mais pourtant, alors que ses alliés paniquaient, le borgne conservait son sourire. Tout se passait encore selon son plan. Son bras droit, recouvert par le dernier vestige du Masamune de sa jeunesse, se préparait déjà à sortir le carreau qu'il avait destiné à Perailhon. Il avait subrepticement enclenché le mécanisme de relâchement et détaché la boucle postérieure. Tandis que Karsinar déployait ses bras pour asséner le coup final à sa victime, le borgne profiterait de l'ouverture pour lui tirer en plein cœur.

En ce court instant, où tout semblait figé, Sirius jubilait. Il jubilait à l'idée de claquer le bec à un immortel grâce à l'ingéniosité combinée de ses membres d'équipage, l'arme sur laquelle ils avaient tout parié en prévision d'un affrontement contre le Carapacé. Depuis que les dieux avaient pris la décision de se retirer des affaires mortelles, comment se faisait-il que le monde devait encore courber l'échine face à la puissance écrasante d'Oaxaca et du Dragon Noir ? Les Treize, insufflés d'immortalité par une divinité conquérante, n'avaient plus leur place en Yuimen. Depuis sa rencontre avec Moura, il en était convaincu : le monde appartenait aux mortels. Choses éphémères que seule la mort attend, mais dont la renommée peur égaler jusqu'à celle des divins, ils définissaient chaque époque. Les humains, en particulier, avaient la vie la plus courte parmi toutes les créatures pensantes. C'était la raison de leur soif d'aventure, de leur esprit entrepreneur, cela faisait d'eux une des races les plus proactives, se hissant à la tête de nombreux royaumes influents. Karsinar était un guerrier capable d'échapper à la mort, une contradiction qui l'empêchait d'être pur, d'être vu comme un véritable champion que ce fut par ses ennemis que par ses alliés, sans aucun doute.

Mortels et immortels vivaient dans des mondes différents. Oaxaca, Karsinar, Perailhon, tous étaient anachroniques, des reliques d'un temps où les dieux interféraient sans remords avec les vies de leurs créations. Ils finiraient tôt ou tard par disparaître, que Sirius agisse ou non, et les hommes seraient libres de changer le monde à force d'inventivité et de progrès. Mais la perspective d'être un de ceux qui avaient appuyé sur la détente à ce moment fatidique caressait son égo d'une manière irrésistible, et il ricana comme un dément lorsqu'il dévoila son bras soigné, porteur du trait qui apprendrait à ce ressuscité la peur de mourir pour de bon.

"OUI, VIENS !! VIENS VOIR PAP-"

Il fut frappé par la foudre. Littéralement. Comme si Valyus l'avait châtié pour avoir pensé en ces termes profanes. Trois éclairs concentrés de magie sautèrent par dessus l'épaule de Karsinar et le foudroyèrent en plein milieu. Il n'avait pas eu le moindre espoir de réagir.

Cherock regardait avec horreur le corps immobile du pirate, étalé de tout son long et fumant de toutes part, aux pieds de Karsinar. Puis il regarda ses mains qui pulsaient encore d'électricité. Une erreur de calcul. Une simple erreur, une erreur toute bête. Et voilà le résultat.

"Non...! Putain FAIT CHIER !" hurla-t-il dans un mélange de frustration et d'apitoiement.

Le Prédateur Ultime haussa les épaules. Il semblait que le destin lui donnait raison. Il raffermit son emprise sur sa grande hache. Qu'allait-il faire à présent ? Le borgne ne semblait même pas avoir besoin d'être achevé. Cherock dissipa toute ambiguïté lorsqu'il se plaça héroïquement entre cet adversaire bien plus fort que lui et le dégât collatéral fumant. Il le regarda avec honte, puis dit à Karsinar d'un air résolu :

"M'oublie pas gros tas, c'est moi ton adversaire."

L'expression du semi-garzork était insondable. Qui sait si à cet instant précis, le sacrifice de Cherock l'impressionnait ou l'amusait ? Leyna, quant à elle, avait choisi de continuer son chant, résolue à aider ceux qui étaient encore en état de combattre.

(Qu'est-ce qu'y se passe ?)

Sirius avait perdu connaissance l'espace d'une seconde. Quand il revint à lui, il cracha un nuage noir. Comme s'il se réveillait d'un long rêve, il sentait tous ses membres engourdis, mais lorsqu'il tenta de bouger, il eut droit au rappel de la douleur. Son corps fumant le brûlait, il avait été touché à l'abdomen, la poitrine... chaque mouvement fébrile était accompagné de la promesse d'un mal de chien. Il avait l'impression d'avoir la gorge remplie de braises, il cramait de l'intérieur comme de l'extérieur. Était-il en train de mourir ? Il lui fallut un court instant pour se rappeler que la raison de son état se trouvait juste en face de lui. Il vit le dos du fulguromancien prêt à se sacrifier pour racheter sa faute... Mais que croyait-il accomplir, en lançant des sorts aussi volatiles en pleine mêlée ?

La prêtresse de Moura l'avait vu ouvrir les yeux. D'un murmure peiné, il l'appela.

"L-Leyna..."

Elle tendit l'oreille. Dans cette situation, ça pouvait tout aussi bien être son testament.
Mais s'il y avait bien une chose que le fondateur de la Confrérie n'était pas prêt à faire, c'était dire ses derniers mots.

D'une énergie impossible à imaginer venant d'un homme au bord de la mort, Sirius contracta tous ses muscles, se baignant dans la douleur de tout son corps, comme un plongeur bravant l'eau froide. Son corps était meurtri, mais il était le sien à nouveau. Chaque tiraillement agonisant était un fil de plus au contrôle de ses membres. Agile comme un serpent, il se redressa d'un bond, à nouveau face-à-face avec le Prédateur Ultime.

"RETRAIIIITE !!"

Ceci dit, il tourna les talons et se mit à courir vers Oranan comme un possédé ! Leyna le regarda partir, comme tous les autres, et laissa échapper un souffle las. C'était ça, le fondateur de la Confrérie ? En tout cas, elle n'était pas prête à le rejoindre. Elle était dans le feu de l'action. D'une voix décidée, elle se remit à chanter.

Pendant ce temps, une oudio affublée d'un manteau de capitaine assista à un spectacle déboussolant du côté des remparts. Sirius se tenait au sommet des débris, le torse fumant et le souffle noir.

"C'est pas ma faute, c'est un con de mage qui m'a zappé !" geignit-il en réponse à l'expression désabusée de Mytha.

Dire que le marin avait l'air éreinté passait pour le plus doux des euphémismes. Peu d'hommes pouvaient encore se permettre de fuir avec une telle fougue avec des blessures aussi graves, mais celui-ci avait presque la larme à l’œil alors que Mythanorië appliquait sur lui sa magie de lumière.

"J'ai même pas eu le temps de mettre UN GNON à Karsinar !" s'écria-t-il.

Il voulait lever le poing en signe d'indignation, mais la douleur l'en dissuada.

"J'voulais partir avec Leyna, mais elle a voulu rester. Tiens, pendant que je te tiens, là, j'ai une question à te poser. Chez les oudios, vous avez euh, des mâles et des femelles ? Parce que je sais pas trop si toi t'es euh... comment dire... t'es plutôt gars ou plutôt fille ? Parce que jusque-là, j'aurais ptèt dit fille, mais sans les..."

L'oudio androgyne leva un sourcil, du moins, ce qui y ressemblait le plus. Sirius ne lui renvoyait qu'un sourire idiot. Un signe qu'il se remettait, en soi.

"Ptèt un mec, du coup... ?"
"Les pollens sont sexués, oui. Quant à moi...Je ne vois pas l'intérêt de cette question. On aura de toute façon la réponse à ma maturité physique."
"Ah."


Il voulait lui demander ce qu'elle entendait exactement par "maturité physique", mais il avait déjà rendu la situation plus gênante qu'elle n'était censée l'être au départ. Une fois que Mytha eût fait tout ce qui était en son pouvoir pour alléger ses blessures, Sirius en rajouta une couche en se gavant de potions de soin comme si c'était du rhum.

"Bon, assez niaisé ! J'y retourne !" déclara-t-il après s'être levé d'un coup.

Il proposa à l'oudio de le rejoindre, mais ils n'eurent pas le temps de gravir la muraille. Un cri tonitruant secoua le champ de bataille, et le soleil fut complètement bloqué par les ailes gigantesques du Dragon Noir.

"Oh non..."

Le fléau de jais fit jaillir ses flammes vertes à nouveau, cette fois en plein milieu de la formation ynorienne. Des centaines de cavaliers furent anéantis en une poignée de secondes, et Sirius dût se couvrir derrière les rochers pour ne pas inhaler son souffle mortel. Lorsqu'ils se permirent de poser à nouveau les yeux sur l'extérieur, ils ne virent qu'un spectacle de destruction. Les forces d'Oranan avaient été décimées, et celles de Karsinar lançaient une charge contre les murs.

"Sainte Moura Mère des Eaux..."

Ils descendirent tous deux de la muraille, conscients qu'ils n'avaient qu'une poignée de minutes avant que l'ennemi ne se regroupe et parvienne jusqu'à eux.

"Dommage pour le plan de ne pas jouer aux héros. Ça semble un peu foutu."

Sirius n'était pas d'humeur à lui donner la réplique. Une boule de fer s'était logée dans sa gorge alors qu'il se demandait si Leyna avait été abattue par le Dragon. Il ne pouvait s'empêcher de penser que quoi qu'il pût arriver à ses camarades rencontrés depuis peu, la faute lui en incomberait. Mais il n'avait pas le temps de s'apitoyer, s'il restait inactif, il courait le risque de faire connaître le même sort à tous les autres.

"On doit se regrouper. Où sont les autres ?"

Le borgne initia un conseil de guerre destiné aux aventuriers. En faisant de grands signes, il attira l'attention de l'archère au griffon et de Sibelle qui, à son soulagement, avait ramené avec elle les deux égarés. Cherock était dans un piteux état et à peine conscient, il avait apparemment porté Leyna jusqu'aux murailles et c'était là que l'hippogriffe les avait récupérés. Ils avaient aussi été graciés de la visite de Kiyoheiki d'Esh Elvohk, le dragon d'or protecteur d'Ynorie. Il resta avec eux le temps de remettre Cherock sur pieds puis reprit sa forme écaillée pour s'envoler dans les cieux. Il n'allait pas faire partie du conseil, en vérité, il jouissait sans doute d'une autorité bien supérieure à celle des autres aventuriers.

"Tout le monde est là ?"

Il sonda le groupe du regard du regard. Il avait devant lui un oudio déguisé en pirate, une prêtresse de Moura un peu trop zélée, une archère montée sur un griffon, une hinïonne capable de se transformer en hippogriffe et un fulguromancien strabique. Sirius était toujours nerveux lorsqu'il se plaçait à la tête d'un groupe qu'il connaissait à peine, et celui-ci ne faisait pas exception.

"Perdons pas de temps, d'accord ? L'armée a été décimée, l'ennemi attaque de front ! Ils vont tenter de passer ce qu'il reste des portes et c'est pas ce qu'y reste de la milice qui va les en empêcher."

Il pointa la muraille effondrée du doigt.

"Notre avantage, c'est qu'ils vont devoir passer sur du mauvais terrain entre deux murs. C'est notre chance de les éclater. On reste planqués et on les arrose avec tout ce qu'on a. Je pense flèches ! Je pense magie ! Qui est bon pour faire tout péter ?"

Le mage de foudre, qui ne tenait encore debout que grâce à l'intervention de Kiyoheiki, s'était avancé immiscé dans le groupe avec peine.

"Toi euh... Cherock, c'est ça ? Pas la peine de te proposer, t'es déjà inclus de base."
"Je ne comptais pas me défiler. L'éclair de tout à l'heure était... un accident. Je prendrai le temps de m'en excuser plus tard. On a pas vraiment le choix, pour la défense. Laissez moi m'occuper de rallier les survivants. J'ai beau ne pas faire partie de l'armée, je saurai les motiver. Quant à ce qui est de tout faire péter, j'ai de la ressource."
"Flèches, c'est évident. Même si cette saloperie des enfers a fait un sacré carnage de ce côté. Quant à la magie... Si on attend qu'ils soient à portée de sorts, ils auront sans doute déjà gagné trop de terrain. Et cela ne laisserait aucune chance aux survivants de battre en retraite avant qu'il soit trop tard. Sans oublier que Nahöriel sera inconsolable si je laisse sa prêtresse sans surveillance."
"La force d'une cité tient dans ses murailles..."


Chacun y alla de ses suggestions. Leyna nota que ses pouvoirs magiques étaient limités en l'absence d'eau. Ils se mirent tous d'accord sur la nécessite de renforcer les murailles en préparation de l'ennemi, mais pour cela, il allait leur falloir du temps.

"... Je crois que malheureusement, notre barrière en sera une vivante." nota Sibelle.

Le temps leur manquait. Les détails de la stratégie pouvaient être discutés par les utilisateurs de fluides, car après tout, ils étaient les mieux disposés pour la tâche. La priorité, pour Sirius, était de former un plan de bataille, décider qui irait en première ligne et qui resterait en retrait, assurer la cohésion du groupe.

"Les mages, vous tiendrez le fort. Restez en retrait, vous aurez du mal à revenir dans la ville par vos propres moyens. Trouvez-vous un coin avec une bonne vue sur la baston, soutenez les combattants, préparez un comité d'accueil, z'avez le champ libre. Mais si j'en vois un seul qui tente d'en lancer une grosse alors qu'y a les potes en face, je lui mets mon pied dans la gueule, entendu ?"

Cherock se crispa légèrement. Sirius comptait lui faire payer la monnaie de sa pièce à l'occasion, mais pas maintenant. Il était vital que tout le monde agisse de concert.

"Sibelle, viens avec moi. J'ai besoin d'une guerrière fiable pour tenir les rangs. Dès que ça chauffe trop, on recule et on laisse faire les mages. Faudra qu'on gagne du temps, alors fais rien de trop risqué, surtout contre Karsinar ! Après ça, on improvisera."

Il pointa la dame au griffon du doigt :

"Toi c'est Hatsu, j'imagine. T'aideras d'en haut. Garde un œil sur les murs encore debout et la baie, préviens-nous si y'a du mouvement. Pour le reste, feu à volonté !"

Il leur adressa à tous un dernier regard, à moitié parvenu au sommet du mur effondré. Il chargea un trait dans son arbalète. La peur l'enserrait. Pas la peur de mourir, mais celle d'entraîner les autres dans son échec.

"On est tous dans le même bateau, pour ce coup. Faites ce que vous savez faire de mieux. On s'bat pas pour la gloire, mais pour la survie !"

Il allait rejoindre à nouveau le champ de bataille, cerné de soldats ynoriens peu confiants, mais déterminés à faire rempart de leur corps pour protéger leur cité. Sibelle le rejoignit sans dire mot. Sa présence spartiate et silencieuse le rassurait. Cherock était monté sur les murailles, et il alpaga les deux guerriers en chemin :

"EH ! Euh... Capitaine ! Sibelle ! Dites aux dernières lignes de votre côté de commencer à déblayer aussi, il faut qu'on sécurise un corridor au plus vite !"

"Capitaine", hein ? Il avait dû impressionner ce garçon plus qu'il ne le croyait. Sirius lui renvoya simplement un sourire et un pouce levé.

Galvanisé, l'ynorien aux cheveux d'or avait commencé à hurler un discours pour remonter le moral de ses compatriotes. Un discours pompeux et désespéré, qui rappela à Sirius ses débuts. Tant que les autres se laissaient convaincre... Dans le même temps, il avait invoqué un nuage de tempête pour déstabiliser l'adversaire avec le grondement du tonnerre. Le borgne cria à l'adresse des dernières lignes devant le mur :

"On prépare une place forte ! Ceux qui s'battent pas encore, aidez les autres à dégager le passage !"

Au moins comme ça, il s'était acquitté de la demande du blondinet. Alors qu'il avançait vers la première ligne de défense, il se tourna vers Sibelle.

"J'protège tes arrières, et toi les miennes. Marché conclu ?" fit-il avec un léger sourire.

Plus loin, on pouvait voir la horde de Karsinar soulever un nuage de poussière dans leur terrible charge d'infanterie. Plus loin encore, le dragon d'or s'écrasait parmi les rangs à l'arrière, déterminé à alléger le fardeau imposé à ses alliés. Sa puissance était telle qu'il pouvait tenir tête à tout un régiment sous cette forme. Les lances qui ne s'étaient pas coincées dans ses écailles ne parvenaient pas à le plaquer au sol.

Tandis que Sirius se préparait mentalement au terrible affrontement qui allait suivre, Leyna fit appel à sa magie d'eau pour ramollir le sol et ralentir l'avancée des attaquants et les rendre plus vulnérables à la volée de flèches venue des remparts. Un second élan de magie fit apparaître un grand raz-de-marée qui glissa sur le sol meurtri pour renverser les premiers garzorks. Au signal de la fille des deux océans, le porteur de la Kizoku-Rana déchaîna les éclairs qui frappèrent les ennemis imbibés avec une puissance redoublée. Sirius ricana, ils avaient au moins porté le premier coup en beauté, mais c'était désormais au tour des combattants de jouer leur rôle.

Il se mit en position de tir, il avait le temps d'abattre un importun avant de devoir passer au corps-à-corps. Il se souvint du moment fatidique lors duquel il s'était apprêté à tuer Karsinar avec un tir surprenant. Devoir lancer le premier trait dans des conditions aussi prévisibles l'enchantait moins, mais il n'était pas en position de faire la fine bouche. Il leva son arme bien haut, sa seule présence suffisait à emplir ses alliés d'un courage qu'il n'était pas sûr de posséder au fond de lui. Mais tant que l'adrénaline et le besoin de se faire reconnaître coulaient dans ses veines, il serait possédé par la confiance irraisonnée d'un baron des mers.

"Premières lignes, c'est à nous de jouer ! Prenez-en de la graine !!"

Ajustant la mire vers la tête du plus gros orque qu'il pouvait voir, il prit une grande inspiration et bloqua le culot sur son épaule. Déployant le mécanisme complexe qu'il avait élaboré à l'aide d'Elias et d'Iguru et qui faisait sa fierté, il expira enfin... Et le trait fila à toute allure en plein dans sa cible ! Le borgne commença à se réjouir, le poing serré, mais il constata bien vite que sa cible, bien que touchée entre les deux yeux et saignant abondamment, continuait d'avancer. Il fallait croire qu'à cette distance, le carreau avait peiné à percer son casque...

Il sentit quelques regards déçus se poser sur lui. Embarrassé, il se tourna vers Sibelle, puis les autres soldats.

"C'est, euh... du matériel kendran, en fait..."

Pourquoi fallait-il toujours qu'il gaffe dans ce genre de moments ? Tant pis. Le marin engloutit une potion énergisante et s'essuya avec son poignet. Il laissa son arbalète rechargée à sa ceinture et se munit du Harpon des Profondeurs. Le pavillon noir flottant fièrement par-dessus son épaule, il se plaça au-devant de tous. Malgré ses inquiétudes, il maintenant une posture fière et combative. Pour inspirer les autres, il fallait les tromper. Pour tromper les autres, il fallait d'abord se tromper soi-même. Il endossa le rôle d'un larron sans peur, dans l'espoir d'en devenir un, malgré le doute, malgré l'angoisse. Pour son bien et celui de ses camarades, il fallait que ce jour devienne celui où le capitaine Hartingard inspira ses pairs à vaincre malgré une opposition écrasante.

(((Jet de la bourse de Karsinar : -1560 Yus
Lancement de la CC "Contre imparable" au Rang 5 : -10 PE
Consommation de trois doses de grande potion de soin (9 restantes)
Deuxième partie de la tentative d'apprentissage de la CC "Tir du destin" : -1 carreau d'arbalète
Consommation d'une dose de grand élixir d'énergie: +20 PE, retour au max (14 restantes)
Trois blessures légères au torse
Inspiration : +7 aux jets de touche des alliés à moins de 20m, +1 aux jets de blessure s'ils ont une blessure grave au moins
Mains dans les poches : gain de 2D50*niv yus à la montée de niveau)))


[XP : 1 (branlée contre Karsinar (de la faute de Cherock)) + 0,5 (discussion avec Mytha) + 0,5 (préparatifs) + 2 (apprentissage validé)]

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Re: Les Portes et Remparts

Message par Sibelle » mar. 24 août 2021 15:36

Une fois de retour sur les murailles, Sibelle ne prit que le temps de déposer Cherock pour repartir aussitôt. Elle avait aperçu des alliées blessées et était repartie les secourir pour les confier ensuite aux soigneurs au sein d’Oranan. Nul doute que Sibelle préférait combattre plutôt que de jouer les secouristes, mais elle préférait secourir autrui que tuer les ennemis.

Ce fut lors de l’un ses retours, le dos chargé de deux soldats et un troisième entre ses griffes, qu’elle aperçut Cherock en difficulté au pied de la muraille. Elle confia ses premiers rescapés entre de bonnes mains guérisseuses puis repartie chercher Cherock. Elle le trouve effondré et à bout de force en compagnie d’une elfe bleu. Cette dernière possédant à peine un peu plus de forces que l’humain réussit à prendre place sur le dos de Sibelle qui l’aide de son mieux en pliant ses genoux et puis l’aidant à se hisser avec son bec crochu. Délicatement, elle prit Cherock entre ses serres puis s’envola. Sitôt en sécurité derrière une portion de la muraille intacte, elle laissa le dragon d’Or le soigner.

Alors qu’elle reprenait sa forme elfique, elle aperçut Sirius. Un sourire mi-aigle, mi-elfique apparut sur son visage, elle était contente de retrouver le pirate parmi eux. Certes, il avait un langage coloré et des idées parfois téméraires, mais ils avaient besoin d’un aventurier comme lui en ce moment précis. Un énorme dragon avait réussi à détruire une partie des remparts qui protégeait Oranan, il était important de préparer un plan d’action.

Bavard et apte à prendre les commandes, Heartless partagea son plan à Sibelle, Hatsu, Cherock et une nouvelle venue faite essentiellement de bois.

L’armée qui protégeait les portes avait été décimée au même moment de la destruction de celles-ci, Sirius considérait que c’était à eux de la protéger désormais avant que l’armée ennemie ne les attaque de front. Il était clair qu’ils allaient profiter de la brèche qui avait été créée. Le plan de Sirius consistait à se tapir dans les débris de la muraille. Escalader les gravats ralentirait l’ennemi et constituerait le moment idéal pour les aventuriers de les attaquer usant de leur pouvoir respectif, flèches, carreaux et magie. Ne possédant aucun talent à distance, Sibelle écouta attentivement la suite du plan.

Se portant volontaire, Cherock se proposa pour rallier les survivants. La femme-arbre fit remarquer que la magie ne pourrait opérer que lorsque l’ennemi serait à proximité, qu’ils devraient se concentrer sur les flèches et les carreaux. L’elfe bleue que Sibelle avait ramené suggéra d’impliquer la population afin de reconstruire le mur afin de créer une barrière, précisant qu’elle ne possédait plus suffisamment de ressource pour utiliser ses pouvoirs d’eau. L’hinionne fronça les sourcils à la dernière remarque. Les habitants d’Oranan avaient été évacués avant que la guerre éclate, et puis un mur ne se construisait pas en un jour. Sibelle fit remarquer alors :

"... Je crois que malheureusement, notre barrière en sera une vivante."

Le pirate coupa court la conversation en répartissant les aventuriers selon leurs aptitudes respectives. Les mages resteraient en retrait, positionné de façon à ne pas perdre de vue la bataille et à être prêt à attaquer lorsque l’ennemi se présentera à la porte.

Il demande à Sibelle de l’accompagner, il avait besoin d’une guerrière à ses côtés en première ligne, ne reculant que lorsque leur vie serait en danger, la prévenant de ne pas provoquer Karsinar. Juste l’énonciation de ce nom la rendait colérique. Elle le tenait en partie responsable du retournement de veste de Sirat. Il considéra ensuite qu’Hatsu et son griffon pourraient servir d’éclaireur.
Non portée au bavardage, Sirius l’étant pour deux, Sibelle se contenta de hocher la tête et de le suivre sur le champ de bataille.
Une fois avancé en ligne de défense, il proposa à Sibelle de faire équipe afin de se protéger mutuellement. Demande que Sibelle accompagna d’un hochement de tête et d’un sourire approbateur. Elle sentait le sang bouillir dans ses veines, il était plus que temps qu’elle déverse son surplus d’énergie et qu’elle combatte.

Au loin, Sibelle pouvait distinguer l’horrible Karsinar suivi de sa troupe de créatures aussi horribles. Ils se dirigeaient à toute allure vers la brèche créée.


[XP : 0,5 (sauvetage de Cherock) + 0,5 (discussion pour défendre Oranan)]

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Akihito
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Re: Les Portes et Remparts

Message par Akihito » ven. 27 août 2021 11:46

Dans le chapitre précédent...

Evénement : La fin d'une ère.

38 : Baignée de lumière.

Le son de dizaines, de centaines, peut-être des milliers de voix résonnèrent à l'unisson. Répondant à son appel à résister, à ne pas céder. A se battre pour leur ville. La clameur fit vibrer les remparts, l'air, la cage thoracique de l'enchanteur, alors que l'acier Ynorien accueillit avec une rare férocité la charge omyrienne. Au centre de la charge, là où leur petit groupe d'aventuriers avait concentré leur feu, la charge avait même été stoppée par ce marécage électrifié. La défense s'annonçait sanglante, dure et impitoyable : et pourtant, l'espoir renaissait chez Akihito.

Le centre de la formation le plus proche d’Akihito était tellement remonté à bloc contre l'envahisseur ayant perdu toute l'inertie de sa charge qu'il cru, un instant, qu'une contre charge allait être lancée. Percée vengeresse et déstabilisante ? Suicide téméraire ? Il ne le saurait jamais.

Une forme humanoïde ailée s'approcha depuis le front kendran, tenant dans ses bras une autre silhouette. Plus menue. Et qui atterrit dans un fracas de flammes avant de se jeter vaillamment contre les peaux vertes, dans une danse enflammée menée à la pointe de son arme. Peu de temps après, un colossal mur de feu s''embrasa et s'éleva entre les deux armées en son centre, interdisant toute mêlée. L'Ynorien ne connaissait qu'un seul homme capable d'un tel niveau de pyromancie, pour l'avoir vu à l'oeuvre deux fois. Et un seul pouvait également produire l'exploit de changer son corps à sa guise.

(Cromax... Mais alors l'autre personne, qui..?)

Le brasier infernal éclaira la scène, baignant d'une lumière orangée l'armure rougeoyante de Xiuhl, la rapière chitineuse et la chevelure d'un blanc nacré d'une jeune fille au tempérament de feu, à l'intrépidité insouciante et au coeur pur malgré les terribles épreuves qu'elle avait pu affronter.

Yliria venait d'arriver sur le champ de bataille, traçant une voie flamboyante dans les rangs omyriens.
Un profond sentiment de joie étreignit l'enchanteur : elle était vivante, et plus énergique que jamais, de ce qu'il pouvait voir. Un sourire ne put s'empêcher de se dessiner sur son visage alors qu'il rangeait la Kizoku pour se munir une fois encore de son marteau runique. Canalysant la foudre dans les runes brillantes de son artefact, il souhaita la bienvenue à sa façon à la jeune fille. Elle se battait pour sa ville, il ne pouvait pas que se montrer reconnaissant. Un arc électrique parti de l'extrémité du marteau, frappant un garzok se dirigeant l'arme levée vers la nouvelle venue. Petite silhouette au loin, il la vit s'effondrer sur le coup, de même que le suivant quand le serpent de foudre s'extirpa du premier corps fumant pour fondre sur le second. Les deux derniers eurent plus de chance et survécurent au courant brûlant, mais Akihito savait qu'avec la semi-shaakte dans le coin, ce n'était pas la chaleur de sa foudre qu'il fallait craindre le plus.

(T'es étrangement content de la revoir.)

(Et pourquoi je ne le serais pas ? Elle est vivante et plus hargneuse que jamais. Je ne peux qu'être heureux de le savoir.)

La faëra ne rajouta rien, et il commença à bombarder les rangs omyriens d'un barrage de munitions de foudre, à une cadence proche de celle des archers à proximité de lui, qui pâlirent presque. L'espoir était le nerf de la guerre : la combativité de son peuple et le retour de l'une des personnes qui l'inquiétaient le plus lui avait fait retrouver.

Si Akihito n'avait pas prévu de ménager ses efforts, il se priva pourtant d'user de toute sa puissance magique. Car du coin de l'oeil, il surveillait un autre point du champ de bataille qui l'inquiétait. Le capitaine pirate avait commencé à se pavaner devant le mur de feu. La distance ne lui avait pas permis de tout comprendre, mais le peu qu'il entendit lui avait fait comprendre qu'il essayait d'enrager Karsinar. Et celui-ci avait répondu à sa provocation, franchissant le mur de feu pour percuter le pirate. Le combat allait commencer alors qu'il continuait de supporter Yliria en frappant de sa foudre les garzoks et autres bestioles tout autour d'elle. Une volée de projectiles le força à arrêter son soutien, et il sauta du créneau sur lequel il se tenait pour atterrir sur le rempart avant de dresser son bouclier au dessus de lui et d'un archer. Un, deux, trois projectiles grêlèrent son bouclier, le faisant grogner à chaque impact sous le regard reconnaissant du soldat vétéran qui supporta d'une main le bois solide pour aider le jeune homme à endurer le coup. De son bras valide, l'enchanteur repoussa trois autres javelots fonçant sur les autres hommes à l'aide de sa magie, qui commençait à se vider dangereusement.

(Tch, pas suffisant,) pesta intérieurement le jeune homme en voyant certains hommes fauchés sous les lourds projectiles, l'un d'eux se vidant rapidement de son sang, littéralement cloué au rempart. Vouloir protéger toute la muraille était utopique, mais il ne pouvait s'empêcher d'enrager quelque part. Akihito reprit sa position juste après, fermement décidé à repérer les vélites garzoks. Mais il n'eut pas le temps, car le combat contre Karsinar avait rapidement tourné court. D'un seul bras musculeux, il avait lancé le pirate dans le mur de flammes dans son dos, faisant disparaître le flibustier dans le brasier. Le Prédateur Ultime chuta dans le processus, mais n'allait pas mettre longtemps à se relever. Il fallait intervenir vite.

"IL FAUT L'AIDER !" cria l'enchanteur à l'aquamancienne à ses côtés, tout en pointant son marteau vers le colossal garzok. Il ne voulait pas entrer dans le combat avant, de peur de blesser une nouvelle fois le capitaine. A une cinquantaine de mètres de distance, avec lui entre sa foudre et Karsinar, il n'avait pas voulu prendre le risque. Mais là sa voie était dégagée et s'il ne faisait rien, le lieutenant d'Oaxaca allait semer la mort et la désolation dans les rangs ynoriens. Il fallait le clouer au sol, l'empêcher de bouger. Et il avait le sort parfait pour ça.

L'Electrocution parti et traversa sans encombre le champ de bataille, frappant de plein fouet le dos de Karsinar. Il senti avec satisfaction la vigne de foudre se répandre dans le corps de son ennemi, qui avait été interrompu par quelque chose alors qu'il se relevait. Peu importe ce que ça pouvait être, car le résultat était là. Ce qui suivit le fit en revanche grincer des dents, car un raz de marée aqueux l'emporta juste après, éteignant au passage les flammes sur deux bons mètres. Une brèche dans le mur enflammé, à travers laquelle des garzoks allait pouvoir passer. La foudre s'accumulait encore à l'extrémité de son marteau quand Cromax refit une interruption remarqué, un bras levé en l'air.

"Stop ! Quiconque attaquera encore Karsinar aura à faire à moi."

A quel jeu jouait-il ? Défendre ses idéaux, ses convictions comme il le prétendait, cela justifiait-il de passer son temps à aider les deux camps, changeant d'allégeance comme de chemise ? Tout puissant qu'il était, Cromax ne pouvait pas arrêter les conflits comme ça lui chantait, parce qu'il le voulait. Les doigts d’Akihito se resserrèrent autour du manche de son arme, et décida d'accéder à l'ultimatum du SIndel, mais à ses conditions. Une nouvelle fois, sa voix tonna pour atteindre le Prédateur ultime à travers le champ de bataille.

"KARSINAR ! MA PROPOSITION TIENS TOUJOURS ALORS REND TOI SANS PLUS TARDER ! OU JE T'ASSURES QUE JE NE RATERAI PAS UN GROS LARD IMMOBILE COMME TOI !"

(Subtil.)

(Je dois faire concis.)

Karsinar finit par se relever, après que Sibelle soit passé à ses côtés pour ramener le pirate qui semblait encore en vie bien que gravement brûlé. Trop loin pour entendre quoi que ce soit alors qu'il continuait de faire pleuvoir la foudre sur les rangs omyriens, il vit le Prédateur se relever péniblement, planter sa hache dans la terre meuble et lever un bras, comme un signe de repli. Progressivement, les troupes Garzoks désengagèrent le combat et commencèrent à reculer, abandonnant le combat sous l'ordre de leur chef. Une nouvelle réjouissante qui faisait plaisir à l'enchanteur, cela allait leur permettre de mieux se préparer et retrouver leurs forces. Mais quelque part, l'intervention de Cromax l'enrageait : ils tenaient Karsinar ! Ils auraient pu l'abattre ! Et lui venait mettre son grain de sel dans un conflit qui ne le concernait même pas ! Combien de temps l'Ynorie allait-elle subir les événements et les choix de puissants comme les Treize ou Cromax ?

Amy tempéra ses ardeurs, lui faisant remarquer qu'un chef abattu se remplaçait et suscitait la vengeance, quand un général défait perdait la confiance de ses hommes. Faire se replier Karsinar la queue entre les jambes en abandonnant son arme allait avoir un impact significatif sur le moral de ses troupes. Akihito soupira et admit qu'elle avait raison avant de reporter son attention sur l'ensemble du champ de bataille. Les troupes se repliaient, au grand soulagement des Ynoriens. Si aussi bien lui que ses compatriotes étaient galvanisés et prêts à en découdre, le bon sens était de profiter de l'occasion pour consolider leurs défenses bien mal en point. Sibelle et le capitaine revenaient en claudiquant, laissant les troupes et Karsinar se replier piteusement. L'éclat de la monstrueuse hache abandonnée par le Prédateur attira son regard : la preuve de la défaite du général Omyrien ne pouvait pas être abandonnée. Dirigeant une main vers l'arme, il concentra son attention sur la lune d'acier et sous sa volonté, l'arme s'extirpa du sol et commença à voler vers lui, sous le regard médusé des Ynoriens. La distance étant importante, il dut s'y reprendre à deux fois pour enfin mettre la main sur le trophée de guerre. L'arme était massive et encore plus lourde qu'il l'avait prévu. Bien plus lourde même, puisqu'il ne pouvait la porter par sa seule force. Mais il banda ses muscles fatigués pour la brandir de sa main libre au dessus de sa tête, à la vue de tous sous les murailles. Il ne réussit cet exploit qu'en supportant le poids avec son pouvoir magnétique.

"SOLDATS DE L'YNORIE ! VOTRE BRAVOURE A FAIT DOUTER KARSINAR QUI A ÉTÉ DEFAIT ET REPART AVEC SES SBIRES DANS LES JUPES D'OAXACA ! CECI EST LA PREUVE DE NOTRE VICTOIRE ! VOTRE VICTOIRE !"

Un rugissement guerrier lui répondit de centaines de gorges sous ses pieds, mais il ne se laissa pas griser par ce sentiment et poursuivit.

"MAIS ILS PEUVENT REVENIR ! NE NOUS RELACHONS PAS APRÈS CETTE VICTOIRE : LA PROCHAINE ATTAQUE, NOUS LA RECEVRONS SUR NOS REMPARTS !"

D'autres cris lui répondirent, et L'armée se mit lentement en marche sous les aboiements des officiers. Et au milieu de cette foule de soldats Ynoriens, une silhouette se démarquait, et c'était évidemment Yliria. Elle s'approchait des remparts à son niveau, et il lui fit signe après avoir déposé la hache contre le créneau. Plus elle approchait, et plus il voyait a quel point les combats avaient été rudes pour elle aussi. Couverte de sang, son armure endommagée en de nombreux endroits, et ses cheveux complètement en désordre derrière son masque. Elle semblait à peine en meilleur état que lui.

"Yli ! Approche toi et fais moi confiance !"

Faire voler la hache de Karsinar lui avait donné une idée farfelue, mais mieux valait qu'il s'occupe de la faire entrer lui même dans la ville que par les gravas, où son ethnie en pleine bataille poserait sans aucun doute problème. Il prévint les archers à ses côtés de ne rien faire et que tout était normal, puis focalisa son attention sur Yliria, et plus précisément son armure métallique. Broigne, jambières, épaulières : se focalisant sur ce trio d'objets, il souleva la semi shaakte qui poussa un cri de surprise et sans doute un juron. La jeune fille était à la limite de ce qu'il pouvait soulever, et il tremblait presque sous l'effort magique après tout ceux qu'il avait fournit. Mais une poignée de secondes plus tard et elle était là, devant lui, flottante dans les airs. La jeune fille semblait rayonnante, comme baignée de lumière au sens propre du terme. Une lueur orangée l'entourait, une lueur qui n'était pas là quand il l'avait quitté. Quelque chose s'était indubitablement passé, mais ce genre de question pouvait attendre. Elle se jeta alors dans ses bras, sans doute pressée de retrouver la terre ferme. Le jeune homme senti son corps lâché sous l'impact alors que toute la tension quittait son corps et que sa tête lui lançait finalement après avoir déchaîné aussi longtemps ses fluides. Il tomba tout naturellement sur le dos, serrant Yliria contre lui.

"Hum… Akihito… j’aurai aussi pu prendre les escaliers tu sais ?

- Ouch... les portes de la ville effondrées après le passage de ce lézard de malheur, et avec nos soldats sur les dents, ton passage... Bref."

Il serra un peu plus fort la jeune fille contre lui. L'entendre répondre aussi naturellement lui fit énormément de bien : au milieu de ce tourbillon effréné de luttes acharnées et de malheurs, il retrouvait quelque chose qui lui rappelait une époque... Une époque qui semblait si lointaine et où tout était plus simple. Machinalement, il tenta de remettre un peu d'ordre dans les cheveux de la jeune fille.

"Content de te savoir en vie."

L'ynorien se perdit un peu dans le moment qui suivit, se laissant aller à un agréable moment où il cessa de se faire du souci. Il aurait presque envie de dormir... Si la voix de la jeune fille ne l'avait pas ramené à lui.

"Tu.. Tu veux bien me laisser me relever ?

- Oh oui, oui. Bien sûr."

Desserrant son emprise, il la laissa se relever et tenta de faire de même, mais la tête lui tourna et ses muscles n'y mirent pas vraiment du leur. Relevé, sur un coude, il tendit la main avec un sourire penaud.

"Tu... Peux m'aider, au passage ? Je suis rincé, une foutu rune m'a vidée de mon énergie..."


Elle l'aida à se relever, non sans lui faire part de son inquiétude quant à son état. Il tenta donc de la rassurer.

"Je cracherai pas sur un peu de repos... Mais aujourd'hui plus que n'importe quel autre jour, c'est pas le moment de me ménager. Le sergent Kiyoheïki m'a déjà mis sous un charme dopant pour que je reste debout, il me faut juste un petit remontant."

Il s'étira en grimaçant avant de ranger ses armes et d'attraper la hache de Karsinar : il ne savait pas quoi en faire pour l'instant, la mettre en haut des remparts comme provocation, la rapporter à l'état major, mais la laisser là n'allait pas la rendre utile. Il la posa sur son épaule et pour éviter de la disloquer en descendant les marches, la soutint avec ses fluides. Il n'avait jamais employé aussi intensément sa magie de cette façon, et pouvait presque sentir la migraine poindre. Tant pis pour son épaule, elle allait supporter un peu plus de poids qu'il ne l'aurait voulu.

"Merci de t'inquiéter pour moi Yli. Et si c'est pas trop te demander... Tu pourrais appeler Ssussun ? On a un paquet de blessés et trop peu de guérisseurs...

- Je ne peux pas... Tal'Raban l'a détruit et je n'arrive pas à l'appeler depuis... j'ai passé beaucoup de temps à anéantir l'armée des morts et Ssussun n'y a pas survécu. Gadory non plus cela dit...

- Gadory ? Gadory est mort ?"

Si l'absence de Ssussun était problématique, la mort d'un des Treize était on ne peut plus réjouissante.

"C'est regrettable que Ssussun ne soit pas là... Mais je suis sûr qu'il a juste besoin d'un peu de repos avant de revenir."

Il commença à descendre les marches, d'abord en grimaçant, puis d'un pas plus lestes à mesure que ses jambes se réchauffaient.

"Suis moi, Yli'. J'ignore ce qu'il reste de notre état major, mais je suis certain qu'il sera ravi d'entendre des nouvelles du front kendran, comme la mort de Gadory. C'est le genre de nouvelle dont on a besoin ici."

Lui tendant la main pour l'inviter et l'aider à descendre, il ajouta :

"Reste près de moi, surtout. On a subit de lourds dégâts... Et certains pourraient vouloir faire du zèle en s'en prenant à toi, animés par la revanche. Tant que je suis là, il ne t'arrivera rien.

- Akihito, je suis capable de me protéger, je pense l'avoir prouvé. J'apprécie ton geste, mais si après avoir combattu devant les rempart d'Oranan pour la protéger, je ne peux même pas marcher parmi les tiens sans craindre pour ma vie, c'est que je n'ai rien à faire ici et qu'il vaut mieux que j'aille me servir de mes compétences ailleurs. Je suis lasse d'être le bouc émissaire de service.

- Ce n'est pas le problème Yli, commença-t-il alors qu'il observait un fin sourire se dessiner sur le visage de la semi-shaakte, ayant fait glisser sur le côté son masque. Le front est vaste et tous ne t'ont pas vu te battre pour nous. C'est juste temporaire, le temps que la nouvelle se répande et que ton statut soit connu partout.

- D'accord, d'accord. Sens-toi libre de le hurler à tout le monde, t'avais l'air très efficace pour ça tout à l'heure.

- Eh, c'est mesquin ça."

Un éclat de rire lui échappa, qu'il étouffa rapidement en se rappelant que si la situation s'était amélioré, elle n'en restait pas moins critique. Profitant du bref moment répit, il en profita pour boire deux potions remplissant de nouveau ses réserves magiques. Son stock de potion descendait lui à vue d'oeil. Peu avant la bataille, la Conseillère Shimi leur avait dit qu'ils pouvaient se fournir si besoin dans les réserves de potions de l'armée, moyennant finance. Payer ne le dérangeait pas, mais il se demandait si au vu de la situation actuelle, se faire de l'argent sur le dos de ceux qui défendaient la cité était vraiment correct, surtout dans une situation actuelle.

(Bon, la Conseillère ou qui que ce soit ne pouvait pas se douter que le Dragon noir allait ravager nos défenses...)

Du coin de l'oeil, il vit la jeune fille grimacer de douleur à quelques reprises en descendant les marches, aussi eut-il un doute qu'il ne put s'empêcher de formaliser.

"Dis voir, Yliria... Je ne t'ai pas posé la question parce que ça me semblait évident, mais tu as bien pris la peine de soigner tes blessures j'espère ?"

Elle lui assura rapidement que oui, que Ssussun s'était chargé de la soigner pendant qu'elle combattait et qu'elle n'était pas assez stupide pour se battre en laissant des plaies ouvertes. Elle était simplement fatiguée, pas habituée à de si longs combats.

"Ca me rassure. Têtue comme tu es, tu pourrais très bien garder une ou deux blessures pour économiser tes fluides au cas où quelqu'un d'autre en aurait besoin.

- Pas au beau milieu d'une bataille. J'ai pas vraiment fait dans la demi-mesure et je commence à le ressentir, c'est tout.

- On est deux dans ce cas," conclut-il d'un mince sourire.

Arrivant finalement au pied des remparts, il se mit en quête de trouver un des deux conseillers : rapport, potions, et cinq minutes de temps mort pour souffler... Voilà ce qui allait être son programme avant de retourner au front... Si le destin ne lui réservait pas plus de mauvaises surprises.


HRP :
  • Utilisation d'une Magnétisation balistique Rang 3 : 3 PM, 2 rendus avec les gantelets.
  • Utilisation d'une Conductivité Rang 3 : 3 PM, 2 rendus avec les gantelets.
  • Utilisation d'une Electrocution Rang 3 : 3 PM, 2 rendus avec les gantelets.
  • Consommation d'une grande potion de mana.
  • Récupération de la Hache de Karsinar.
  • Capacité RP de la Phalange "Organisation Militaire" pour inciter à un repli.
  • Statut :


[XP : 3 (combat) + 0,5 (discussion avec Yliria) + 0,5 (galvanisation des troupes)]

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Yliria
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Re: Les Portes et Remparts

Message par Yliria » ven. 27 août 2021 14:56

Voler ainsi avait quelque chose de terriblement grisant malgré la situation désespérée qui me poussait à faire cela. Accroché à Cromax, je fixai les débris de la porte d’Oranan. La charge des forces d’Omyre avait commencé et il était difficile de percevoir quelque chose avec le vent s’engouffrant dans les fentes de mon masque, mais j’aurai juré voir une vague d’eau et des éclairs. Difficile d’être certaine, mais en approchant je pus constater que la charge semblait être au point mort et que les défenseurs s’en donnaient à cœur joie sur les troupes qui avançaient sous un déluge de flèches. Quelques irréductibles étaient encore au sol, devant la formation défensive ynorienne Et je pointai le sol entre les forces d’Omyre et celles d’Oranan. Si on voulait faire une différence, il fallait agir avant que la mêlée ne commence réellement.

- Cromax ! Peux-tu me déposer là ?

Il acquiesça et piqua vers le sol pour me lâcher. Je me réceptionnai face aux forces d’Omyre avant qu’un mur de flammes semblable à celui élevé face aux nécromants ne se dresse pour empêcher la progression des Garzoks. Cromax avait atterrit à côté de moi et je hochai la tête pour le remercier son mur de flammes. Cela allait suffire à ralentir les troupes ennemies. Elles pouvaient tenter de déborder sur le côté, mais pas si j’avais mon mot à dire là-dessus.

- Merci. Si jamais une solution te vient, je suis prête à t’aider, sache-le.

Et après un dernier regard, je me ruai vers le côté gauche en dégainant et embrasant ma rapière. Les garzok tentaient de passer outre le mur et devaient compter avec les gravats sur le sol. Je bondis sur l’un des énormes morceaux de pierre et sautai de l’un à l’autre pour me déplacer plus vite avant de fondre sur un garzok. Il releva la tête pile pour se manger Solarhyss dans la mâchoire et chuta au sol. Les troupes avançaient difficilement, mais les peaux-verts les plus proches m’avaient repéré. Je pris un instant pour me concentrer, laissant 3 boules de feu se matérialiser autour de moi et se mettre à tourner avant de sauter sur un autre gravât pour m’approcher. Une première boule de feu solaire cueillit un ennemi dans le visage, l’envoyant au sol dans un grésillement tandis que les autres approchaient. J’inspirai et me mis en garde.

(Essaie de ne pas trop t’enfoncer dans leurs lignes cette fois.)

(Je vais juste les empêcher de passer, rien de plus.)

Une flèche fila vers moi, ricochant sur mon bouclier et ce fut le signal. Je sautai au sol pour fondre sur les premiers arrivés. Les deux boules de feu restantes fusèrent, perturbant les ennemis trop occupés à essayer de les esquiver. Le premier eut le genou percé et il chuta au sol. Le deuxième abattit sa hache, me manquant de peu, recevant en échange une épaule inutilisable dans un grognement de douleur. Mais les garzoks n’avaient nullement l’intention de rebrousser chemin, même blessé. Cromax avait beau avoir de belles ambitions, je ne voyais pas comment les gérer sans les tuer, surtout vu leur nombre. J’abattis celui à l’épaule blessée d’un coup qui lui perça le crâne de haut en bas et assommait le second d’un coup de bouclier. Je feintai, esquivai, perçai les garzoks au fut et à mesure qu’ils se présentaient, essayant de ne leur céder aucun pouce de terrain, cueillant les plus téméraires avec une boule de feu quand les archers ne l’achevaient tout simplement pas.

Cela semblait sans fin, mais je pus enfin avoir une vraie raison de sourire. Tandis que je déviai une masse d’un coup de bouclier. Un éclair passa près de moi et frappa le garzok, le carbonisant sur place, avant de se propager à d’autres. Ils s’écroulèrent bien vite, les plus téméraires se jetant sur ma lame. D’autres éclairs suivirent, plus simples, plus rapides aussi et je compris bien vite. Je tournai la tête vers les remparts, d’où provenaient les tirs et l’aperçus, entourée par les archers protégeant sa cité. Il était vivant.

(Tu veux aller le rejoindre ? Pour un joli baiser de…)

(Alyah…)

Malgré l’urgence de la situation, elle ricana. Je fis un pas en arrière, reprenant un peu mon souffle avant les prochains. Je me sentais soulagée de le savoir en vie malgré le cataclysme qui s’était abattu sur Oranan. Je me secouai. Je devrais rester concentrée ! Les tirs de barrage de Cherock avaient l’avantage de faire hésiter certains des garzoks et c’était plus simple de les gérer par petit nombre. Je m'élançai, déviai brutalement une hache d'un coup de targe avant de repousser l'assaut d'un coup de pied de l'abdomen du garzok qui recula, puis se figea ettegarda ailleurs. Je haussai un sourcil et lui posai ma rapière sur la gorge. Il me fixai et lâcha son arme. Je hochai la tête et il recula. Pourquoi réagisssait-il ainsi ?

Tout autour, les troupes cessèrent d’avancer. Je me figeai, méfiante, avant de les voir reculer et battre en retraite. Je restai sur mes gardes, mais les cris des ynoriens semblaient emplis de victoire. Je jetai un œil aux alentours. Le général ennemi, Karsinar, retournait vers ses troupes, visiblement mal en point. Cromax s’était posé et semblait s’interposer entre les ynoriens, et les garzoks. J’entendis un râle non loin et avisai un soldat blessé, fauché par un carreau. Rengainant mes armes, je me dirigeai vers lui et lui tendis mon bras. Il me fixa avec méfiance et je levai les yeux au ciel. Comme si je n’avais pas passé les dernières minutes à protéger les fesses de ses compagnons et de sa ville. Il finit par attraper ma main et se hissa douloureusement, se laissant guider pendant quelques pas avant qu’un autre soldat ne prenne le relais, ma taille n’aidant pas vraiment à assister le blessé.

Chaque troupe reculait et je suivis le mouvement des ynoriens. Je roulai des épaules pour en chasser la tension qui ne cessait de s’accumuler depuis que la bataille avait commencé. Je commençai à vraiment à fatiguer après je ne savais combien de temps. Dans le presque silence qui suivit la fin du combat sur les gravats, une voix me fit lever la tête, puis froncer les sourcils. Comment ça lui faire confiance ? j’eus la réponse en faisant quelques pas pour pouvoir lui poser la question.je sentit une pression le long de mon corps… qui quitta le sol subitement, m’arrachant un cri de surprise, et un juron bien senti quand je compris que c’était de ça dont parlait Cherock !

Je me retrouvai suspendu dans le vide, pas du tout à l’aise, à la merci de la première flèche venue et c’était en plus sacrément inconfortable en de nombreux endroits. Je ne pouvais même pas essayer de trouver un équilibre en me rapprochant, parce que mon armure semblait être ce qui me tirait. J’avais juste les yeux fixés sur le rempart que Cherock voulait visiblement que j’atteigne. Ce que je fis, pas du tout à l’aise et, probablement trop empressée de sentir le sol sous mes pieds, je battis des jambes et au lieu d’atterrir fermement sur mes deux jambes, basculais en heurtant Cherock qui s’affala de tout son long sur le dos. Le choc réveilla quelques douleurs qui me firent grogner, mais sentir Cherock me tenir dans ses bras me fit aussitôt me réjouir que mon masque couvre mon visage.

- Hum… Cherock… j’aurai aussi pu prendre les escaliers tu sais ?

(Dis surtout que t’es heureuse de le voir)

(Alyah...)

(Allez un petit bis…)

(Mais fluuuute ! )

Il m'enlaça un peu plus fort, empirant la chaleur qui remontait sur mes joues, les embrasant en commençant à s'occuper de mes cheveux tout en affirmant être content de me voir en vie. Je déglutis, et hochai la tête.

- Moi aussi... Avec ce qu'il s'est passé, j'ai eu peur que... mais tout va bien.

J'inspirai lentement sans bouger. Il fallait que je me lève, sinon j'allais rester là trop longtemps. je me fis violence pour ouvrir la bouche.

- Tu.. Tu veux bien me laisser me relever ?

Il relâcha son emprise et je pus me redresser, remerciant le ciel gris et le temps peu engageant de rafraîchir aussitôt ma tête. Je baissai les yeux vers Cherock et pris sa main tendue pour l'aider à se relever, quitte à devoir l'aider à conserver son équilibre. J'observai son visage, l'état de son armure. il semblait vraiment mal en point.

- Tu as vraiment sale mine... tu devrais te reposer un moment...

Cherock tenta bien d'être rassurant, affirmant même que Kiyoheiki l'avait remis sur pied, ce qui me fit un peu grimacer. Je n'osais pas imaginer l'état dans lequel il devait être si là il était remis sur pied... Je l'observai ranger ses mes et empoigner une hache beaucoup trop large avant sentir un nœud dans mon ventre à sa question. Ssussun n'avait pas répondu à mes appels depuis que Tal Raban l'avait détruit et son absence et l'incertitude le concernant me laissait un vide que je ne savais pas combler.

- Je ne peux pas... Tal'Raban l'a détruit et je n'arrive pas à l'appeler depuis... j'ai passé beaucoup de temps à anéantir l'armée des morts et Ssussun n'y a pas survécu. Gadory non plus cela dit...

-- Gadory ? Gadory est mort ?

- Oui, Xël, Faêlis, Jorus et moi l'avons combattu et abattu dans les rizières, après avoir capturé Xenair.

Je retins un soupir à l'idée que Ssussun ne puisse tout simplement pas revenir. J'en savais encore trop peu sur lui et me contentai de hocher la tête, pas convaincue qu'il puisse revenir. je le suivis lorsqu'il commença à descendre les marches pour rejoindre les morts-vivants, mais lorsqu'il tendit la main, je levai la main. J'aimais beaucoup Cherock, mais il fallait mettre les choses au clair.

- Cherock, je suis capable de me protéger, je pense l'avoir prouvé. J'apprécie ton geste, mais si après avoir combattu devant les remparts d'Oranan pour la protéger, je ne peux même pas marcher parmi les tiens sans craindre pour ma vie, c'est que je n'ai rien à faire ici et qu'il vaut mieux que j'aille me servir de mes compétences ailleurs. Je suis lasse d'être le bouc émissaire de service.

Vraiment lasse, même. Je poussai mon masque sur le côté et entamai moi aussi la descente des marches pour me poster à ses côtés, un faible sourire réussissant tout de même à m'échapper. J'avais mérité de marcher à ses côtés sans crainte.

- Ce n'est pas le problème Yli, répondit-il. Le front est vaste et tous ne t'ont pas vu te battre pour nous. C'est juste temporaire, le temps que la nouvelle se répande et que ton statut soit connu partout.

- D'accord, d'accord, capitulai-je Sens-toi libre de le hurler à tout le monde, t'avais l'air très efficace pour ça tout à l'heure.

- Eh, c'est mesquin ça.

Il lâcha un éclat de rire qu’il retint bien vite. La situation s’y prêtait assez mal, je pouvais le comprendre. Descendant les escaliers à ses côtés, je sentais certains endroits tirer douloureusement et grimaçai, attirant l’attention de Cherock qui me fit tourner la tête vers lui, demandant si j’avais pris le temps de me soigner.

- Hein ? Si, bien sûr ! Il doit rester quelques écorchures ou bleus çà et là, mais Ssussun m'a soigné des blessures au fur et à mesure et j'ai pris le relais après sa disparition. C'est long c'est tout, j'ai pas l'habitude de me battre pendant des heures. même au Naora ça n'a pas été aussi long. Je vais dormir une semaine quand ce sera fini...

- Cela me rassure. Têtue comme tu es, tu pourrais très bien garder une ou deux blessures pour économiser tes fluides au cas où quelqu'un d'autre en aurait besoin.

- Pas au beau milieu d'une bataille – rétorquai-je sans relever qu’il me trouvait têtue - J'ai pas vraiment fait dans la demi-mesure et je commence à le ressentir, c'est tout.

Cela sembla le rassurer véritablement tandis que je le suivais vers là où se trouvaient l’état-major ynorien. J’avais quelques informations à leur transmettre et je devais leur demander s’il y avait possibilité de s’équiper en potion. Mes réserves commençaient à durement s’amenuir et la bataille semblait ne pas être sur le point de finir.

[XP : 2 (combat) + 0,5 (discussion avec Cherock)

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Leyna
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Re: Les Portes et Remparts

Message par Leyna » ven. 27 août 2021 15:41

Alors que le choc allait se faire sentir, un mur de feu se dressa subitement pour protéger les ynoriens ! D'où venait-il ? Impossible à dire, mais cela acheva de stopper complètement la charge des troupes d'Omyre.

Se remettant sur pied, Leyna vit alors Heartless. Ce fou était encore en train de provoquer le chef ennemi ! Avec succès, cela va sans dire... au point que le colosse se rua à l'assaut, traversant le mur de feu pour engager le combat ! Un combat trop inégal, entre le pirate unijambiste et la montagne de muscle barbare. Cette dernière empoigna le capitaine pour le jeter à travers les flammes. Il fallait intervenir ! Leyna commença immédiatement à incanter un nouveau raz-de-marée.

Elle n'était pas la seule : dans un geste osé, plutôt que de se défendre, Heartless tira un carreau à travers le mur de feu et parvint à blesser le monstre tandis que Cherock le frappait d'un sort de foudre. Paralysé, le barbare ne put que voir la vague géante qui fondait sur lui et le renversa à terre, lourdement blessé, avant d'éteindre partiellement le mur de feu, ouvrant un passage au pirate blessé et à une elfe qui était aller le chercher.

C'est alors qu'une forme tomba du ciel. Un sindel se posa dans la faille, réclamant que cesse tout combat. Il souhaitait que nulle ne porte atteinte à Karsinar, mais aussi que ce dernier reconnaisse sa défaite et se retire.

Un silence de mort tomba sur le champ de bataille, alors que les deux armées restaient plantée là, indécises. Nulle n'osait bouger, sachant que le moindre faux mouvement pourrait relancer la boucherie. Le général Omyrien se remettait tant bien que mal sur pied. Leyna le fixait intensément : sa force était grande, et il pourrait choisir de poursuivre le combat. Il en avait les moyens... mais il n'était pas pour autant en bonne posture. La prêtresse était disposée pour sa part à le laisser partir : elle avait déjà fait le témoignage de sa force et ne souhaitait pas plus d'effusion de sang...

Alors, soudain, le barbare leva sa hache... et la planta en terre. Et, alors qu'une sinistre liykor noire, probablement une de ses lieutenants, s'approchait pour l'aider, il donna l'ordre à son armée de se retirer.

Sous les yeux éberlués des ynoriens, l'armée qui menaçait il y a une minute d'engloutir la ville, refluait en ordre, jusqu'à ce que seul resta la hache du chef ennemi, que Cherock ramassa, la brandissant pour proclamer la victoire d'Oranan contre cette première vague ennemie. Leyna hocha la tête. Ainsi avait parlé Moura.

Elle descendit alors vers la ville et trouva le capitaine, encore lourdement blessé. Avec un imperceptible soupir, elle murmura :

« Point ne devrait négliger le secours de quelques potions de soin, surtout ceux qui se mettent autant en danger. »

Elle même se procura de quoi se préparer à la suite de la bataille. Elle n'avait pas beaucoup d'argent, mais elle n'avait aussi guère le choix, car nulle doute que la bataille ne faisait que commencer...

(((Remplace sa ceinture de mauvaise qualité par bonne qualité, achète une grande potion de mana et une énorme potion de soin : total 680 yus)))


[XP : 0,5 (témoins du combat de Karsinar) + 0,5 (achats)]
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Heartless
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Re: Les Portes et Remparts

Message par Heartless » sam. 28 août 2021 04:36

Au moment où Sirius et Sibelle se préparaient à recevoir ce qu'il restait de la charge de Karsinar, grandement mise à mal par les efforts conjugués des mages à l'arrière, un imposant mur de flammes se dressa entre les deux armées. Le borgne vit se poser deux personnes qu'il n'avait pas mis bien longtemps à reconnaître. La première était une jeune shaakt en armure d'écailles qu'il avait déjà croisée dans la tente de l'état-major kendran et le second était un grand sindel au regard sombre qu'il reconnaissait d'une certaine île des Treize, Cromax. Son allégeance était incertaine, mais il était venu accompagné d'une alliée, et le feu qu'il avait invoqué donnait un avantage de taille aux défenseurs. Les troupes de Karsinar et Sarl étaient contraintes de contourner le mur afin de ne pas finir brûlées, et les alliés saisirent cette opportunité pour cueillir au tournant une armée divisée à grand renfort de flèches et de sorts. Chacun choisit un côté du mur à défendre, mais le marin resta au milieu des premières lignes, pensif. Du regard, il fit comprendre à Sibelle qu'elle pouvait le laisser, puis il avança vers les flammes d'un pas lent et mesuré. Il scrutait la fournaise à la recherche d'une grande ombre parmi la danse des étincelles.

"NANAAAAR ! Tu m'entends, bonhomme ?!"

Il commença à se pavaner, certain qu'il était parvenu à capter l'attention du prédateur. Il réfléchit un instant aux mots qu'il allait emprunter, puis quand l'idée lui vint, son visage se tordit d'un rictus.

"Là, tu dois te d'mander comment ça s'fait que toi et tes gars, z'êtes pas déjà en train de massacrer du bridé dans la cité !"

Il ricana.

"Tu dois être en train d'te dire qu'on est vachement chanceux d'avoir ce mur de flammes, hein ? Tu t'en est ptèt pas rendu compte vu que t'as la moitié d'une cervelle garzork, mais tout ça n'a rien d'un hasard ! Tout était prévu !"

Se désignant d'un pouce posé contre la tempe, il rapprocha dangereusement son visage du mur enflammé.

"Par moi ! Le capitaine Sirius Hartingard ! Depuis Vandrak, oui, depuis c'jour là, j'ai élaboré une stratégie rien que pour te mettre la misère ! J'aurais pu te tuer à n'importe quel moment, Nanar, mais je voulais jouer ! C'est pas tous les jours qu'on trouve un toutou à sa taille ! Je voulais qu'on s'amuse, qu'on prenne du bon temps !"

Il riait à gorge déployée. Si Karsinar avait vu à travers son bluff, sa vantardise avait toujours de quoi l'enrager.

"Et putain, qu'est-ce que je me suis marré ! Si t'avais vu ta tronche quand j't'ai rendu ton fric, hahaha ! Ahhh, si je pouvais immortaliser cet instant, faudrait deux éternités pour que j'm'en lasse !"

Il tapa sur ses genoux, riant de plus belle, insistant pour que son rire devienne la seule chose que le guerrier ressuscité puisse entendre de l'autre côté du mur.

"Sauf que toi, tu vas ptèt devoir vivre dans la honte jusqu'à la fin des temps ! LA HONTE ! MOUHAHAHAHAHA !!"

L'épaule gigantesque de Karsinar surgit du brasier dans une terrible explosion et percuta Sirius en plein visage, tout comme lors de leur dernière échauffourée. Mais cette fois, il se rattrapa à la dernière minute en sautillant sur ses appuis, le dos voûté au-dessus du sol. Lorsqu'il se redressa, c'était en montrant toutes ses dents. Le géant semi-orque fumait de rage, au propre comme au figuré. Les flammes crépitant sur ses épaules furent vite balayées par la brise, laissant paraître sa peau brûlée. L'imbécile avait mordu à l'hameçon. Il était désormais seul face à toute une armée, séparée de la sienne par un mur de douleur.

"Bien, bien, BIEN !! Voyons voir ce qu'y s'passe quand t'as pas de mage bigleux pour te couvrir !"

La provocation réussie, Sirius avait devant lui l'opportunité de vaincre Karsinar en duel devant les yeux ébahis des ynoriens et des membres de sa confrérie. L'égo surpassant la raison, il fit tournoyer son trident d'ondyria, dansant presque devant ce qui était à ses yeux la Proie Ultime. Seulement, les mouvements de son arme étaient loin d'être maîtrisés, et sa danse ressemblait davantage à celle d'un ivrogne que d'un combattant expérimenté. Le borgne fronça un sourcil : depuis quand y avait-il deux Karsinar ? Ce ne fut que lorsqu'il lâcha par mégarde le Harpon des Profondeurs qu'il comprit que la charge initiale du barbare l'avait laissé bien plus sonné qu'il ne le pensait. Une faible lueur se reflétant sur l'imposante hache de son adversaire lui rappela le danger de sa condition.

"Quand tu te carapates pas comme un lapin devant un loup, tu veux dire ?"

Son sang ne fit qu'un tour, et Sirius se décala de quelques centimètres à peine pour éviter de se faire trancher les deux jambes d'un seul geste. L'arme de Karsinar souleva gravats et poussière dans un grand arc et s'abattit sur le pirate dans un terrible grondement. Le trident s'était interposé entre la cuisse d'Hartingard et la lame du bourreau, mais il n'était tout simplement pas possible de bloquer complètement un assaut du Prédateur. Il sentit que quelque chose s'était fêlé dans sa jambe droite, et la force de l'impact avait bien dû le faire glisser d'un mètre ou deux sur le sol humide. Il échangea un regard avec Karsinar, ce n'était sans doute pas tous les jours que quelqu'un restait debout après un coup aussi furieux. Mais le Treize n'avait cure de la valeur de l'homme en face de lui. Il n'était qu'un insecte à écraser, une peste destinée à périr de sa main pour avoir eu l'audace de se moquer de lui. Quant à Heartless, son regard se teintait lentement de peur, de la réalisation que son égo le menait à nouveau vers une cuisante déception. Il lutta contre cet instinct. Dans sa position actuelle, l'échec n'était pas une option.

"J'ai pas b'soin d'aide, occupez-vous des orques !"

D'un geste acéré, les deux armes se séparèrent. Tiraillé par une nouvelle douleur à la jambe, Sirius ne démordit pas de l'objectif qu'il s'était fixé et engagea Karsinar de plus belle. Cette fois, ses mouvements avaient retrouvé un semblant de leur vivacité habituelle, et il feinta pour faire croire à un coup porté de loin avec ses trois pointes. Le colosse se prépara à le dévier de sa hache, et il fut pris par surprise lorsque le borgne déplaça son cache-œil pour déclencher une volée d'aiguilles venues se planter sur son torse. La douleur aigüe que Karsinar ressentit à cet instant était l'occasion que Sirius recherchait : il profita de sa confusion pour faire revenir le Harpon dans son dos et lancer un coup de pied rapide dans son estomac. Du moins, il essaya...

Sa jambe était, encore, bien plus amochée qu'il ne l'avait cru. Au moment de la lever, il trébucha, saisi par la douleur, se voyant forcé de planter son arme au sol devant Karsinar. Ce moment fatidique était plus qu'il n'en fallait pour le barbare, qui posa son pied contre le genou du marin et appuya d'un coup sec, détruisant complètement son genou comme sa rotule.

La bouche du pirate s'entrouvrit, mais nul son n'en sortit. C'était une de ces douleurs qui ôtait la voix à celui qui la subissait. Sans plus aucun appui, Sirius Hartingard tomba lourdement à terre, son visage se mêlant à la crasse piétinée par le Prédateur Ultime. Ce dernier se contentait de le regarder gigoter au sol comme un têtard, ou un ver que l'on découpait au couteau, bout par bout. Puis enfin, vint la musique. Les gémissements, les cris, l'absence de mots, remplacés par les pleurs du corps et de l'âme. Sirius se tordait de partout, comme si ses membres cherchaient d'eux-même une position capable de réduire ne serait-ce qu'un peu les affres qui accablaient ses nerfs. Un spectacle pathétique que l'âme damnée avait vu bien trop de fois. Mais il n'abattit pas sa hache tout de suite, il entendit une nouvelle note s'immiscer dans la symphonie. Des souffles, des grognements, teintés non pas de la plainte d'un vaincu, mais de la rage d'un obstiné.

Sirius n'était pas capable de penser. Comme son corps, il s'était abandonné tout entier à la douleur et son monde s'arrêtait aux brins d'herbe grisonnants à la chaude lueur du brasier. C'était comme s'il avait fixé ce sol pendant une dizaine de minutes, mais déjà il se mettait à changer, à prendre une teinte plus terne, plus morte. L'herbe perdait toute trace de sa verdure, et se colorait d'un violacé inhabituel en cette partie du Nirtim. Il vit une botte piétiner le sol tout près de son visage, mais ce n'était pas le pied gargantuesque de l'homme qu'il était en train d'affronter. C'était celui d'une créature bien plus légère, presque frêle, sa chausse plus distinguée, revêtue d'un noir profond. Il leva son œil pour mieux regarder la silhouette confuse qui le surplombait. Vêtue d'une longue robe noire et chevelue d'argent, c'était une femme de petite taille qui le toisait avec des yeux d'émeraude. Ce regard cruel et amusé qu'il avait déjà croisé en Omyre, trois ans auparavant, devant un mur de feu si semblable à celui-ci...

"Ton commencement..."

Les flammes se levèrent en ligne droite derrière le dos d'Erzébeth, puis elle filèrent à nouveau, décrivant d'autres murs de feu, filant tout droit, s'arrêtant, encerclant Sirius. Alors que les flammes semblaient l'envelopper, elle continua :

"... ou ta fin."

Son souffle lui revint, haletant. La douleur qui lui avait dérobé son corps venait de le lui rendre. Il serra les dents. Dans un cri étouffé, il força ses bras à le hisser jusqu'à son trident. Il le chercha un instant de sa main, mais lorsque celle-ci reconnut le toucher si particulier de l'ondyria, il resserra son emprise sur l'arme mythique avec une vigueur renouvelée. L’œil fixé sur la femme de ses cauchemars, il commanda à ce qu'il restait de ses jambes de le hisser à la hauteur de sa némésis, mais il dût s'arrêter au milieu du chemin, conscient du tremblement qui s'emparait de tout son corps après une certaine hauteur atteinte. Alors qu'il se tenait à moitié accroupi, la silhouette de l'elfe se dissipa pour laisser place à celle de Karsinar devant un mur de flammes. Sirius était revenu au moment présent, bien qu'il sentait encore dans son dos cette chaleur épuisante qu'il avait ressenti ce jour-là... et il émit un petit rire, entaché de sa peine.

"T'as raison, je peux pas m'enfuir..."

Il se traîna péniblement vers son adversaire, se rapprochant de plus en plus malgré son incapacité à marcher.

"... Juste avancer."

Il lâcha le Harpon des Profondeurs. Ce geste pouvait passer pour une reddition, mais un poing serré et un sourire insoumis laissaient transparaître un autre message. La figure impassible de Karsinar l'avait laissé s'approcher jusqu'à ce qu'un seul pas ne les sépare, puis il se saisit de sa gorge, le soulevant au-dessus du sol. Sirius couina sous la pression, son corps se laissant faire comme celui d'un pantin désarticulé. Les yeux du combattant brillaient à l'éclat du feu.

"T'as prononcé tes derniers mots."

Dans un ultime geste de défiance, le marin se saisit de son poignet d'une main et tenta de bloquer son coude de l'autre. Son corps, guidé par son rude séjour parmi les Phalanges de Fenris, se battrait jusqu'à la fin pour refuser sa victoire à Karsinar. Il lui adressa un sourire, bravant l'étouffement.

"Non."

D'un geste sec, il appuya sur le coude du Prédateur, provoquant un craquement encourageant, mais rien qui ne puisse faire dévier son regard perçant. Le barbare poussa un grognement et se courba en arrière, faisant voir à Sirius un défilé du monde entier avant de le balancer d'une seule main à la renverse, à travers le mur de flammes. Il eut à peine le temps de pousser un cri d'effroi que mille brûlures assaillirent son corps, et tous ses alliés purent voir le corps ballant du capitaine disparaître dans la fournaise.

Contre toute attente, c'était un Sirius encore capable de geindre qui s'était écroulé de l'autre côté du mur, en face de la louve Sarl et de ses acolytes. Se roulant dans l'herbe pour étouffer le feu qui l'assaillait de toutes parts, il ne s'en tira qu'avec de sales brûlures sur sa peau et ses vêtements.

(Putain, heureusement que j'ai fait ignifuger mon matos avant de venir !)

Incroyable, pour une fois, il avait été préventif, et ça avait payé. Mais il n'était pas d'humeur à se réjouir, au contraire, il était pleinement conscient de sa situation désespérée. Il regarda Sarl avec un air résigné, essayant tant bien que mal de s'asseoir pour lever les mains en l'air.

"Oulà, pas de folies, je me rends."

La louve s'avança, prête à fondre sur lui. Elle devait sans doute réfléchir à l'intérêt de capturer le pitre qu'elle avait devant elle. Pour Sirius, c'était la fin. Il avait essayé de faire le beau, d'impressionner la galerie, et il s'était littéralement pris un mur. Un autre échec à ajouter à sa longue liste, il en était presque blasé. Seulement, avec sa déception, il ressentit une légère inconvenance dans le bas de son dos...

Sarl s'arrêta lorsqu'il leva un doigt. Son hésitation lui laissa le temps de déboucler l'arbalète à sa ceinture et de la regarder de près. Il observa rapidement, de long en large, les bords impolis de cet engin assemblé à l'arrache à bord du Masamune, avec pour seules bases les deux armes standards qu'il avait récupérées des kendrans. Il lui suffisait de laisser son œil vagabonder le long de son creux pour lui rappeler la journée de travail hasardeux qu'il avait passée avec Elias et Iguru à modifier ce machin pour en faire une arme capable de percer du mithril. Au final, en était-elle capable ? Ils n'avaient pas eu l'occasion de la tester assez pour en être sûrs. Vu comme le dernier trait qu'elle avait tiré avait rebondi sur le casque de ce garzork, c'était peut-être mal barré.

Mais il y avait autre chose. Ce n'était pas l'arme en elle-même qui l'avait absorbé. C'était le bois. Entre les bases empruntées à une arbalète et à une baliste des kendrans, il y avait eu des ajouts, des petits bouts supplémentaires visant à renforcer la structure. C'était le bois du navire.

"Ce navire est le Masamune, et j'en suis le capitaine !"

Sirius souriait comme un enfant alors qu'il achevait de baptiser l'esquif bleu d'un coup de sabre sur la coque. Sous l’œil de Gallion, il avait capturé son premier navire, et fait le premier pas dans sa vie de marin. Jeune et insouciant, il ne se souciait que des histoires qu'on raconterait à son sujet. Bien des années plus tard, il était au milieu d'une bataille qui pouvait bien décider de l'avenir de Yuimen. Malgré tout ce qu'il avait raté, tous ceux qu'il avait déçus, et tous ses échecs, il était là. Et le drapeau du Masamune flottait encore négligemment par-dessus son épaule, rongé ça et là par la voracité des flammes. Un pavillon noir, symbole de vie et de mort, de vie face à la mort, de vie malgré la mort. Le symbole de ses rêves vivait toujours, il reposait entre ses mains, et dans son dos, lui donnait des ailes.

C'était un sourire emprunt de tendresse qu'il arborait à présent. Battu et malmené, il était toujours là. Brûlé et coulé, le Masamune était toujours avec lui. Il chargea d'un coup sec son arbalète avec le trait scié d'une baliste, fit rouler la manivelle, tira le levier, desserra les joints puis les resserra autour du projectile en fer noir.

"Sarl, tu veux voir un pari ?" fit-il alors qu'il ajustait son arme.

Son regard paisible fut soudain rempli de défiance, et il se tourna d'un coup sec pour brandir sa mire en direction du mur de feu. Il ne parvenait pas à distinguer clairement la forme de Karsinar, mais il savait pertinemment qu'il n'aurait pas d'autre chance de tirer. Lorsque la cheffesse des Blakalangs comprit ce qu'il comptait faire, elle protesta et se jeta sur lui pour dévier le tir.

De l'autre côté des flammes, Karsinar se relevait lentement. Toutes les blessures qu'il avait accumulées depuis le début de la bataille ne signifiaient rien. Il était le Prédateur Ultime, et il avait prouvé qu'il était sans crainte, qu'il écraserait quiconque se dressait sur son passage. Il regarda au loin la silhouette de Cherock qui préparait un sort du haut des murs. Alors qu'il reprenait sa hache, le plus imposant des Treize devait bien rire du désespoir des aventuriers envoyés à sa rencontre. Ils ne le savaient pas encore, mais il finiraient tous comme ce maudit pira-

Il ne comprit pas au début. Il avait senti quelque chose, comme un picotement au niveau de son mollet. Puis il vit le projectile enflammé et noirci qui avait pénétré son mollet. Lorsqu'il réalisa, il poussa un hurlement apte à secouer les cieux, puis s'écroula. C'était un spectacle ahurissant. Le grand Karsinar était cloué au sol, les mains posées sur sa jambe endolori, ayant abandonné tout projet de se relever. Alors qu'il se roulait dans la fange comme Sirius avant lui, Cherock et Leyna ne perdirent pas de temps. Une volée d'éclairs s'empara du corps de Karsinar, le figeant dans un enchaînement de spasmes incontrôlable, puis il fut balayé par un tsunami qui partit s'écraser contre les flammes, faisant disparaître une partie du mur et mettant bien en évidence la silhouette du borgne surmontée par celle de Sarl qui se maudissait d'avoir ainsi dévié un tir pourtant voué à l'échec. Comment avait-elle pu douter une seule seconde que ce borgne fut incapable de toucher son guide ? Pourquoi avait-elle décidé de bouger, alors que les dieux avaient déjà décidé de l'échec de cet homme ? Elle devait tant s'en maudire qu'elle n'eut pas la présence d'esprit d'attaquer Sirius, tout comme ce dernier, choqué d'avoir enfin réussi à toucher Karsinar, ne savait plus quoi faire de ses dix doigts.

Sibelle avait bravé le mur de feu pour venir en aide au borgne, ne laissant pas à la louve l'occasion de corriger son erreur en égorgeant une bonne fois pour toutes le pirate. Avant que les hommes de Karsinar n'eurent le temps de les piétiner tous les deux pour arriver jusqu'à leur chef, Cromax tomba du ciel et s'interposa.

"Stop ! Quiconque attaquera encore Karsinar aura à faire à moi. Laissez-les rejoindre leurs alliés." dit-il à l'adresse de Sarl.

Il se tourna vers Karsinar, qui lui adressait un regard plein de colère. En vérité, il regardait tout le monde comme ça. Pendant ce temps, Sibelle prêta son épaule à Sirius pour le sortir du guêpier dans cette accalmie soudaine.

"Toi, Prédateur, tu es vaincu aujourd'hui. Reconnais-le et rends-toi sans plus tarder. Renvoie tes guerriers, et laisse cette cité tranquille."

Il s'était placé en barrage devant le Prédateur, maintenant l'ambiguïté dans ses actions. Pour beaucoup, c'était un développement frustrant, car la tête d'un des Treize était à leur portée. Pour Sirius, qui s'estimait heureux d'en être sorti, c'était un dénouement comme un autre. Il en profita néanmoins pour rire ouvertement de Karsinar, qui ne lui renvoya qu'un reniflement frustré. Une fois qu'il retrouva l'usage de ses membres, le lieutenant d'Oaxaca se releva péniblement, et planta sa hache dans le sol. C'était son signal d'abandon. Il signala le repli à ses troupes, et se retira d'un pas las, alors que les flammes finissaient de mourir sous les assauts du vent. Cromax, quant à lui, restait là à les regarder partir en silence.

Alors que Sibelle le portait sur son dos comme un sac à patates, Sirius eut tout le temps de contempler la stupidité de ce qu'il avait entrepris. Il chuchota à son oreille.

"Hé, t'en aurais pas encore, de ton soin miracle ? Si possible, j'aimerais me dépêcher d'arriver au port. J'suis pas serein avec Perailhon qui rôde dans la baie."

La spartiate ne lui fit guère de remontrances, et se contenta de lui tendre le sucre d'orge magique qu'il attrapa avec ses lèvres.

"C'est mon dernier. Ne fais plus de bêtises... et n'oublies pas que tu dois rester en forme pour me porter secours si je deviens en danger."
"Merchi. Et décholé, che chais que ch'ai déconné."
fit-il en réajustant la friandise entre ses dents. "La prochaine fois, plus de paroles en l'air. Promis."

Il récupéra le Harpon des Profondeurs, symbole d'une lutte qui n'était pas vraiment la sienne.

((( Tentative d'apprentissage de la posture "Abstraction de la douleur"
21/56 PE post-combat
-1 carreau parfait
-2 utilisations de l’œil du malandrin
Consommation du sucre d'orge de Sibelle )))

[XP : 4 (combat contre Karsinar) + 2 (apprentissage validé)]
Modifié en dernier par Heartless le dim. 29 août 2021 19:07, modifié 10 fois.

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Re: Les Portes et Remparts

Message par Heartless » sam. 28 août 2021 04:37

Lorsqu'ils arrivèrent en ville, ils furent accueillis par Leyna. Cependant, à la grande surprise du pirate, la prêtresse semblait quelque peu... satisfaite ?

"Point ne devrait négliger le secours de quelques potions de soin, surtout ceux qui se mettent autant en danger."

Elle les laissa pour vaquer à ses propres emplettes. Le borgne haussa les épaules. En effet, s'il pouvait arrêter de dépendre d'un sucre d'orges pour se remettre sur pieds... Péniblement, il tenta de marcher du mieux qu'il put, le sucre d'orge n'ayant que commencé à faire effet, puis il s'empara de sa bourse.

((( Achat de trois énormes potions de soin, ou le max permis )))


[XP : 0,5 (achats)]

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Sibelle
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Re: Les Portes et Remparts

Message par Sibelle » sam. 28 août 2021 06:08

Sibelle fronça les sourcils. Le pirate venait à peine de prévenir Sibelle de ne pas provoquer Karsinar, qu’il oublia son propre conseil et qu’il provoqua l’énorme Karsinar. Ce dernier, impulsif réagit vivement aux paroles de Sirius et traversa le mur de feu. Le poil noircit par les flammes, il ne s’arrêta pas et fonça sur Heartless comme un taureau sur sa cible.. qu’il ne rata pas. Il frappa Sirius qui étourdit ne put riposter immédiatement.

Ses armes dégainées, Sibelle ne se mêla pas au combat. Étant tout de même à proximité des combattants, elle ne perd aucune action de la bataille et se rend bien compte que Karsinar a l’avantage sur Sirius. Quelques orques avaient suivis leur maître en traversant le mur de feu. Et ces derniers ne comptaient pas respecter la neutralité de Sibelle. L’un d’entre eux fait quelques pas envers les combattants, comme s’il voulait aider son patron, même si ce dernier avait le dessus. Sibelle lui barre le passage immédiatement. Se croyant sans doute aussi fort que son patron, l’orque imita ce dernier en chargeant l’hinionne. Celle-ci fit un pas de côté et esquiva l’attaque de la créature verte. Il chargea une seconde fois, et Sibelle esquiva une fois de plus. Cependant, cette fois, elle usa de son sabre, et trancha d’un coup violent le cou de l’orque lorsque celui-ci le dépassa.

Lorsqu’elle reporta son attention sur le combat, elle vit Sirius s’envoler dans les airs et traverser le mur de feu. Étant consciente qu’il n’était pas en état d’affronter les ennemis qui se tenaient de l’autre côté, elle prit une grande respiration et courut jusqu’au mur de flammes pour faire un saut périlleux au dernier moment, se fiant à sa cape pour se protéger du feu. Sa cape lui évita de sérieuses blessures. Elle sortit du mur de feu avec quelques légères blessures sur tout le corps.

Aux côtés de Sirius, ce dernier, même à bout de force, il tente d’atteindre Karsinar à travers le feu. Sa compagne tente de dévier le tir du pirate en frappant son bras. Elle réussit à atteindre le pirate, mais la déviation du tir n’eut pas la conséquence espérée. Plutôt que de le protéger, son action permit au pirate de faire mouche.

A ce moment, une immense vague éteint le mur de feu suivit de l'intervention d'un semi-elfe venu du ciel. Ce dernier ordonna une trève permettant aux aventuriers de retourner dans la ville et sommant Karsinar de ce replier. Bien qu'à contrecœur, il obéit.

Épuisé, Sirius tendit son bras vers Sibelle. Cette dernière se pencha vers le pirates et le pris dans ses bras, usant de sa force hors norme. Sans un mot, elle rebroussa chemin afin de rejoindre leurs alliés.

Sibelle prend le bras tendu et le soulève. Ce fut sans difficulté que Sibelle porta Heartless dans ses bras afin de rejoindre leur alliées.
(Sibelle possède aptitude rp: force surhumaine.)

Sirius qui avait déjà gouté au sucre d'orge de Sibelle, en demanda une deuxième dose. Sibelle hésita quelques secondes avant d'obtempérer. Puis sans s'arrêter de marcher, elle déplaça le pirate contre son épaule puis retira le sucre d'orge de sa poche.

Avant de le donner au pirate, elle le prévint:
"C'est mon dernier... ne fais plus de bêtises,.... et n'oublies pas que tu dois rester en forme pour me porter secours si je deviens en danger." Lui rappelant les paroles de Sirius de se couvrir mutuellement.

Le pirate s'excusa, promettant de ne plus agir de la sorte. Sibelle ne fit aucune remarque. Elle savait bien qu'il récidiverait à la première occasion.


[XP : 0,5 (secours de Heartless)]

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Akihito
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Re: Les Portes et Remparts

Message par Akihito » mer. 1 sept. 2021 12:16

Dans le chapitre précédent...

Evénement : La fin d'une ère.

39 : La rose au milieu du charnier.

Malgré le désordre et les hurlements des Ynoriens déblayant comme ils pouvaient les décombres de la porte Est et courant en tout sens, trouver les conseillers ne fut pas difficile : un solide cordon de Samouraïs les encadraient, aux aguets et prêts à protéger les dirigeants de l'Ynorie contre toutes les menaces extérieures. Akihito est désormais un personnage connu, et les Samouraïs l'identifièrent rapidement au sabre battant son flanc et s'écartèrent en conséquences pour le laisser passer. Mais l'un d'eux aperçu également Yliria et sa peau foncée, aussi commença-t-il à dénuder sa lame en dardant un regard meurtrier vers la jeune fille. L'enchanteur ne le laissa pas faire et posa sa main libre sur la garde du sabre, l'empêchant de le sortir plus que nécessaire. Il le fixa droit dans les yeux avant de reprendre sa route.

"Elle est avec moi."

Ces quelques mots eurent leur effet, et le duo accéda à la tente grise et verte accueillant les Conseillers. Montée à la va-vite, les toiles étaient rabattues vers l'extérieure pour laisser voir ses occupants. Le coeur d’Akihito se serra autant qu'il se sentit soulagé : Shen Muri était assit sur un tabouret, le visage bas. Son armure était brisée, les plaques d'acier tordues en de nombreux endroits. Son sabre formait un angle presque droit, quand sa tête était recouverte de bandages cachant ses cheveux et son front, son légendaire casque absent. Les décombres l'avaient sans aucun doute ensevelis et il n'était uniquement en vie grâce à son armure et la rapidité à laquelle il avait été secouru. Son visage pâle laissait entendre qu'il avait bien cru voir son heure arriver. La Faucheuse était elle en meilleure état : ses habits déchirés en de nombreux endroits ne révélaient qu'ecchymoses et coupures superficielles. Une miraculée qui avait eu plus de chance que son collègue, même s'il ne voyait son arc nul part.

(Mieux vaut perdre l'arme que l'archère.)

Un troisième homme était présent : le capitaine de la Milice, Hoga TIrama. L'homme à la stature imposante et au regard sévère devait à l'origine s'occuper de la défense portuaire, mais sans doute avait-il dû venir en catastrophe avec l'apparition du Dragon noir. Lui était encore dans un état impeccable et semblait plus profondément préoccupé qu'autre chose. Néanmoins, tous levèrent les yeux à son arrivée et il porta sa main libre au niveau du coeur, saluant de sa seule main disponible.

"Je suis soulagé de vous savoir en vie, Conseillers. Nous avons pu repousser et défaire Karsinar, qui à fuit la queue entre les jambes et dont voici la hache."

Une économie de mots, pour aller à l'essentiel et ne pas perdre du temps si précieux qu'ils avaient gagnés contre Karsinar. Il déposa la hache devant les trois dirigeants, non sans pousser un soupir de soulagement, puis tendit une main vers Yliria un peu derrière lui.

"Je tiens également à vous présenter Yliria Varnaan'tha, vice commandante au sein des Danseurs d'Opale et qui a toute ma confiance. Elle a fait partie des aventuriers qui ont aidé l'état major de Kendra Kâr comme le sergent Kiyoheiki et moi-même l'avons fait, et apporte des nouvelles du front Kendran."

Une présentation elle aussi concise, pour dissiper les doutes éventuels. Hoga Tirama, lui, ne semblait pas surpris. Amy lui rappela qu'à leur retour à Oranan il s'était porté garant de la semi-shaakte auprès d'un officier de la milice. L'information avait donc sans doute été remonté jusqu'à lui à l'époque. La voix d'Yliria résonna et commença à faire un résumé pour le moins surprenant et qui firent écarquiller les yeux d’Akihito. Ce n'était pas seulement Gadory qui était mort : elle avait aussi mis hors d'état de nuire Xenair, le maître espion d'Oaxaca et avait convaincu le nécromant Herle Krishok de trahir Oaxaca en ne se joignant pas à elle pour la btaille. Et comble du comble, Sisstar était elle aussi morte ! Quatre généraux d'Oaxaca défaits !

"Si cela pour aider à remonter le moral de vos forces, 4 des généraux d'Oaxaca sont hors d'état de nuire."

(Bien sûr que ça va remonter notre morale !) cria intérieurement Akihito, essayant de maintenir un visage neutre sans pour autant parvenir à empêcher les coins de ses lèvres de se relever. Un sourire aussi bien de joie que penaud de fierté. Lui, jusque là, n'avait fait que capturer un roi couard et repousser temporairement Karsinar, ce qui faisait pâle figure en comparaison. Il ne cherchait ni la gloire, ni une quelconque compétition, mais se sentait bien inutile avec son maigre rapport comparé aux faits d'armes d'Yliria.

"Vous vous êtes montrés braves et forts, vous et vos amis. Vous serez plus que remerciés pour votre vaillance. Même moi je ne pensais pas cela possible...

- Quatre Sbires d'Oaxaca en moins, cela ne peut que nous servir. Mais il reste ce dragon... Il ne nous laissera pas tranquille."

Les deux Conseillers en charge de la défense reprirent visiblement des couleurs à leurs annonces. Les bonnes nouvelles étaient trop rares en cette journée fatidique, et après avoir vécu l'enfer, c'était le regain d'espoir qu'il leur fallait malgré la note pessimiste du Conseiller Muri. les troupes allaient pouvoir se replier, Akihito se ravitailler et se requinquer, l'Ynorie reprendre le Momentum. En plus de ça, Yliria venait de faire bonne impression auprès des conseillers, lui garantissant presque sans souci sa présence dans la ville au même titre que le sergent Kiyoheïki. Tout commençait enfin à revenir dans l'ordre. L'Ynorien se mit à espérer.

(On peut le faire. On a vécu l'enfer, mais le pire est derrière n-)




Le pire était encore à venir.





Tout commença par un tremblement. L'air se mis à vibrer alors qu'une note grave, profonde, montait dans l'air. Le son semblait venir de n'importe où et nul part, faisant paniquer les Ynoriens qui tournaient la tête en tout sens. Le grondement s'intensifia, s'amplifia. La poitrine d’Akihito résonnait alors qu'un profond sentiment d'urgence montait en lui : la sensation, familière, était trop récente pour qu'il ne l'oubli. Les vibrations se transformèrent en un chant aux tonalités les plus graves qu'il n'ai jamais entendu, un chant aux mots inconnus mais porteurs d'un message terrifiant. L'enchanteur lui aussi trembla mais pas à cause du son; la peur s'infiltrait de nouveau en lui, frigorifiant sa peau, crispant ses doigts qu'il ne sentait plus. Sa respiration déjà saccadée devint erratique, un malaise comme il n'en avait jamais ressenti l'étreignit et ses jambes manquèrent de le lâcher alors qu'il se tenait debout en se tenant à un poteau de la tente.

(C-Ch-Akihito...)

La voix terrifiée d'Amy résonna dans son crâne, pendant qu'il contemplait les Conseillers, Yliria, les Samouraïs, et tous les membres de son peuple chercher tout autour d'eux d'où pouvait venir cette sinistre incantation. Puis il vit un jeune adolescent terrifié qui tremblait, agenouillé au sol. Le pauvre ne devait pas avoir plus de quinze ans, et avait voulu servir la défense de sa ville sans doute, comme simple aide de camp, transporteur, messager. La guerre lui avait été jeté en plein visage, implacable, et les exactions du Dragon noir ne l'avait pas aidé. La caisse brisée devant lui fit rouler quantité de fioles, brisées ou non, contenant remèdes et élixirs. Ses yeux hagards embués de larmes terrifiées face à cette nouvelle épreuve sinistre cherchèrent avec désespoir quelque chose, ou quelqu'un, avant de se fixer dans ceux d’Akihito. Un sourire déforma son visage tordu par la terreur et il tendit une main fébrile vers le porteur de la Kizoku Rana. Il put presque entendre ses pendées, sa supplication, à travers son regard.

A l'aide, Monsieur... J'ai si peur.. Aide moi...

Le grondement s'arrêta subitement, interrompant par la même occasion les centaines de cris qui emplissaient jusqu'alors l'air. Les yeux de l'adolescent devinrent vitreux... Et il s'écroula comme une poupée de chiffon. Inerte. Un Samouraî assurant la protection des Conseillers et qui se tenait jusqu'alors la tête s'effondra à son tour. Puis ce fut le tour d'un archer de choir, glissant des remparts au bord duquel il se tenait et se fracassant au sol, plusieurs mètres plus bas, dans un craquement sanguinolant. Puis un autre... Et un autre...
Abasourdi, l'Ynorien vit des dizaines, des centaines des siens s'écrouler d'un seul coup,, dans une morbide synchronisation. Comme si la vie les avait quitté. Comme si on avait arraché leurs âmes. Le silence régna sur la ville. Un silence de mort. La Mort avait frappée Oranan et l'enchanteur dû admettre ce qu'il cherchait désespérément à nier, à l'affût du moindre indice qui pouvait contredire l'appartenance de la voix. Le responsable de ce charnier. L'abomination personnifiée.

Le Dragon Noir venait d'éradiquer l'écrin de l'Ynorie.

Un profond malaise s'empara du corps de l'enchanteur, suivis par de violents vertiges qui le firent s'accrocher plus fermement au poteau. Le sang battait ses tempes, bourdonnant ses oreilles des battements affolés de son coeur. Allait-il mourir, lui aussi ? Avait-il été assez résistant pour ne survivre qu'une poignée de secondes de plus avant de rejoindre ses compatriotes ? Le coeur au bord des lèvres, il manqua de vomir avant que la sensation ne reflue peu à peu, du même que le reste. Un grognement perça le silence, et Akihito vit les visages livides mais bien vivants des Conseillers qui peu à peu se relevaient. Yliria aussi était toujours debout, une expression de choc imprimée sur son visage. Cela lui fit comprendre que lui aussi, avait survécu. S'il aurait dû être heureux de leur survie, un effroyable sentiment de culpabilité, celle du survivant, l'étreignit.

Comment.

Pourquoi.

Pourquoi lui.

Pourquoi lui, et pas le jeune porteur de potions.

D'un pas trébuchant, l'Ynorien avança vers le garçon qu'il n'avait su sauvé. S'effondrant sur les genoux, il souleva le corps, le secoua faiblement, espéra le moindre signe de vie. Tristes et nombreuses furent les larmes qui s'écrasèrent sur la peau juvénile du cadavre alors qu’Akihito refermait ses yeux d'une main tremblante.


Une crainte. Une crainte plus terrifiante que les autres le saisit alors.


Marchant d'abord, puis courant d'un pas effréné au dessus des dizaines de cadavres jonchant le sol, Akihito monta sur les murailles de la ville. Le silence régnait toujours, à peine troublé par sa propre course et un son diffus, peu clair, lointain. Les milliers de fantassins ynoriens ne pouvaient pas être si silencieux. Pourquoi le tumulte s'était-il arrêté ?! Le Chant. Oui, le Chant du Dragon. Ils avaient été tétanisés par le Chant du Dragon Noir et attendaient immobiles, muets comme la mort, devant l'ampleur du spectacle.

Cruel destin, que la Mort qui s'abat sur l'Ynorie et son peuple.



Un charnier à ciel ouvert fut la seule vision du champ de bataille.




Des centaines, des milliers d'Ynoriens gisaient au sol. Les uns sur les autres. Inertes. Sans vie. Des milliers de pères, de fils, des femmes, des amants, des amis. Fauchés d'un seul et cataclysmique grondement. Tous portaient les marques de la terreur absolue sur leur visage transformés en masques grotesques de traits déformés. Nulle blessure ne les affligeait. Nul coup n'avait emporté leur vie. Ils avaient tous été simplement... Emportés. Tous. Sauf lui.

"Aaah... AAaHhh... AAaAAaaAhH !!"

(Akihito !)

La pluie qui éclata et commença à tomber sur l'Ynorie se mêla aux larmes d'un Akihito Yoichi qui poussa un cri déchirant, désarticulé, devant la mort de tous les siens. Le sang qui s'était figé dans ses veines sous le choc de la découverte recommença à circuler douloureusement sous les battements désordonnés de son coeur. Il sombra peu à peu dans le désespoir, abattu par l'ampleur du massacre que ses yeux incrédules ne cessaient de lui transmettre. Les Liykors : morts. Les hommes de Darhàm : morts. Les Ynoriens : morts. Les Garzoks de Karsinar : vivants.

Bien que l'armée ennemie avait apparemment subis de lourdes pertes dans leurs rangs eux aussi, des milliers de Garzoks étaient encore debout. Prêts à fondre sur la cité décimée. Le Dragon Noir n'avait apparemment pas supprimé les troupes de la déesse Noire. Le sort n'avait-il que touché les alentours d'Oranan ? La suite de son observation lui appris que non. Décimés, les fiers Thorkins de Mertar. Eradiquée, la noble cavalerie du Commandant Perussac. Exterminée, l'immense armée de campagne de Kendra-Kâr venu aider l'Ynorie. Seuls restaient debout les Garzoks et la division des Hinïons, miraculeusement indemne pour une raison qui échappait à Akihito ne pouvait que le plonger dans une jalousie monstrueuse, déraisonnable. Pourquoi eux, et pas les siens.

Le charnier était apocalyptique. Des dizaines, des centaines de milliers de vies avaient été fauchées.

Oaxaca avait gagné. Grâce à l'appui du Dragon Noir, tout était perdu. D'un simple sortilège, il avait annihiler tout espoir de victoire chez Akihito et les siens. Jusqu'où s'étendait même la portée de la créature cauchemardesque, faisant face à une armée Kendrane couchée comme les blés ? Avait-il tué toute l'Ynorie, tout le continent ? Tout Yuimen ? D'aussi loin que ses yeux lui permettaient de voir, la vie avait été détruite.

(Theli...)

Alors qu'il pensait avoir touché le fond, l'éclat de la crinière blonde de la tatoueuse qu'il aimait passa dans son esprit. Elle avait voulu se battre aux côtés de l'armée de son pays d'adoption. Les forces Kendranes. Quelque part parmi les dizaines de milliers de corps, se trouvait celui de son amante. Il avait perdu celle qui comptait plus que tout au monde. L'art qu'elle lui avait transmis était le seul héritage qu'il lui restait, de même que les souvenirs des derniers mois passés à ses côtés. Son premier baiser. Ses rires. Ses crises de colère. Cette nuit où elle s'était donnée à lui, où il s'était donné à elle. Et tant d'autres choses. Disparus. Uniquement présents dans sa mémoire. Et il allait vivre avec la douleur de ne plus jamais ressentir tout cela. Ses sens furent un à un hantés par la jeune femme, son odeur, le timbre de sa voix, la douceur de sa peau, le goût de ses lèvres.

(Akihito.. S'il te pl-)

(NON ! NON TAIS-TOI TAIS-TOI TAIS-TOI !)

(Je -)

"LA FERME !" hurla Akihito.

Se tenant à un créneau, il en serra si fort la pierre qu'un de ses ongles se fendit en deux, mais le jeune homme ne s'en soucia pas. Il luttait désespérément contre les souvenirs d'Anthelia Marine harcelant son esprit, lui vrillant le crâne d'une douleur atroce causée par le chagrin. Ses forces le quittaient peu à peu et pour la première fois de sa vie, l'idée de se donner la mort effleura son esprit. A quoi bon vivre dans un monde sans elle. Sans les siens. Sa mère peut être morte, elle aussi. Face à une adversaire divine contre laquelle il n'avait aucune chance. Et qui se gaussait.

"...?"

Un rire. Un rire pur, maléfique. Qui traversa un champ de bataille silencieux. Oaxaca riait à gorge déployée, devant l'hécatombe qu'elle avait provoquée. Elle riait de la mort des Ynoriens. S'esclaffait de celles de ses alliées. Se moquait de la perte d'Anthelia.

Des abysses sombres dans lesquelles il était plongé, une lueur rouge transperça les ténèbres. Amy, auréolée d'un rouge sombre carmin. Ecarlate. Elle se fit la porte étendard de la rage qui montait dans le Porteur de la Kizoku Rana. Des sentiments en parfaite symbiose entre maître et faëra.

(Akihito. On va lui faire la peau. Cette crevure doit payer.)

Lui qui avait repoussé l'aide de sa Faëra, l'accepta de tout son être. Du chagrin et du désespoir dans lequel il était tombé, il en réémergea empli d'une haine et d'une colère pure. Lui qui pensait connaître l'étendue de cette émotion après avoir perdu son père, il en expérimentait un tout autre niveau. Il voulait tuer Oaxaca. L'écraser. La foudroyer jusqu'à ce qu'il ne reste que des cendres de son corps. L'éradiquer du plan physique. En faire de même avec tout ses suivants. Que dans vingt ans, son existence tienne plus du mythe que de la réalité.

"Je vais la buter."

Seul moteur de son corps, la rage d’Akihito le fit fixer avec regard haineux la déesse hilare, dont le rire s'éteignit d'un seul coup. Au delà du charnier Kendran, une brume grise recouvrit le paysage sous la pluie. Une brume qui n'était pas là, quelques secondes plus tôt. Et dont émergèrent des troupes nombreuses, aussi grises que l'amas vaporeux dont ils étaient issus. Une armée sortie de nulle part : cavaliers, chevaliers, différents bataillons disparates qui s'alignèrent en un ordre parfait, silencieux. Et au dessus d'eux, une silhouette plus grande que les autres. Ailée de blanc et de noir.

(Brytha... Qu'est ce qu'elle fiche ici elle.)

Brytha. Une déesse qu'on disait être apparue en Imiftil. Akihito n'en avait entendu que des brides, comme quoi elle serait obsédée par l'équilibre, la neutralité. Ce genre de concept. Et ce serait la raison pour laquelle ses suivants se draperaient de gris : ni blanc, ni noir. La couleur de l'équilibre, de la neutralité. Mais ça s'arrêtait là, et Amy n'était pas plus avancée que lui. Son arrivée était on ne peut plus providentielle car si Akihito souhaitait la destruction d'Oaxaca, il n'était pas assez stupide pour imaginer qu'il aurait la moindre chance contre une déesse, surtout juchée sur son Dragon cauchemardesque. Aidé de Brytha, il pourrait avoir sa revanche.

« A moi les Treize ! »

Et la Catin Noire n'était visiblement pas ravie de sa présence non plus. Son cri de rage résonna à travers la plaine du Koîchii, appelant ses lieutenants à la rejoindre. Akihito se tourna en direction des Conseillers, qui étaient montés sur le rempart et avait été témoin du même spectacle de désolation que lui.

"Conseillers... Quelles sont nos relations avec le culte de Brytha. Cette... Cette ignominie... je veux la rendre à la Déesse noire au centuple."

Il se fit violence pour ne pas invectiver de tous les noms Oaxaca devant eux, bien qu'elle le méritait cent fois. Mais il voulait rester maître de son comportement, car c'était la première étape pour garder son sang froid et ne pas succomber à la rage qui brûlait dans chacune de ses cellules.

"Nous n'avons aucune relation d'aucune sorte avec cette... Brytha. C'est à peine si nous en connaissons l'existence. Nombre d'Ynoriens ne voyaient en elle qu'une légende de contrées lointaines."

Seul Shen Muri lui répondit. Nora Shimi et Hoga Tirama étaient aussi bouleversés que lui quelques secondes plus tôt. Et il ne pouvait pas leur en vouloir. Son regard se reporta sur la plaine. Yliria courait dans cette dernière, traversant un océan de cadavres pour se porter au secours de Cromax. Un Cromax qui, depuis le cri de rage d'Oaxaca, semblait en proie aux plus grandes douleurs. Lui aussi avait survécu... A cause de son lien avec Oaxaca ? Sans doute. Ou peut être au même titre que lui ou les Conseillers étaient encore en vie : la chance, le destin, ou n'importe quelle autre raison qui échappait à son cerveau de mortel.

"Alors on ne sait pas si c'est une alliée ou non..."

Brytha ne lui inspirait pas confiance. Mais s'il devait choisir entre elle et la cinglée qui riait de la mort de milliers de personnes, alors son choix était vite fait.

"J'ai un devoir en tant que Porteur de la Noble Rana, Conseillers. Comme mes illustres prédécesseurs, je serai là où l'Ynorie a besoin de moi, même si c'est pour accomplir l'impensable ou mourir en l'essayant. Puisse Rana vous bénir de sa sagesse... Et guider mon bras de son vent."

Les trois hommes et femme le saluèrent en retour, sans rien dire. Sa déclaration n'appelait pas réellement de réponse, aussi s'inclina t'il une dernière fois avant de descendre les escaliers de pierre. La pluie fine battait le pavé, trempant peu à peu le tissu de ceux tombés sans avoir même pu combattre. Injustement. Force, Sagesse, Courage. Dévoilant le dos de sa main gauche, il contempla un instant la marque de la Kizoku Hana qui représentait les trois valeurs que sa Voie et la possession de la Kizoku impliquait. Le Courage de faire face à l'adversité. La Sagesse de discerner coupables, et de pardonner si nécessaire. La Force de punir lorsque c'était nécessaire. Allez affronter la Reine noire et son lézard maudit allait être comme un renouvellement de ces voeux.

(Avec toi, Porteur.) ajouta simplement et d'une voix froide la Faëra. Arrivant au pied des escaliers, Akihito ne put empêcher son regard d'aller une nouvelle fois au jeune ynorien sans vie. Les fioles qu'il transportait devait aider les soldats à tenir, à les guérir. Mais aucun d'eux n'aurait plus jamais besoin des services de l'adolescent. S'approchant de la caisse brisée, il constata une nouvelle fois que la plupart étaient intactes. Potions de soins, élixir d'énergies, potions de mana et autre...

"Désolé, petit... Je n'ai pas pu te sauver. Mais Rana et Valyus m'en soient témoins, je te vengerai. Tes potions m'aideront à porter un coup de plus. A lancer un éclair de plus. Ta mort n'auras pas été vaine."

Chaque récipient de verre était étiqueté, permettant une identification rapide. Farfouillant les fioles, il en trouva deux qui l'intéressait dans l'immédiat : une légère de soin pour guérir son doigt douloureux par son ongle brisé, qui se ressouda en un instant. L'autre était un élixir d'énergie, un liquide ambré qu'il n'avait presque jamais bu, et plus depuis des lustres. Il déversa son liquide dans sa gorge, sentant instantanément ses forces remonter. La rune Tez lui avait ponctionner toute son endurance et plus encore, aussi malgré les sorts et les dopages magiques la fatigue était toujours là, tapie dans son corps. Pas gênante dans l'immédiat... Mais attendant son heure pour lui faire subir les milles souffrances d'un corps endoloris et poussé bien trop loin de ses limites.
Ses réserves de potions de mana étant encore au beau fixe, c'est avant tout de potions de soin qu'il s'équipa, vidant fioles après fioles dans ses gourdes. Il se senti un instant comme un vulgaire pilleur de cadavres, mais repoussa bien vite cette idée. La situation n'était pas aux états d'âmes. Il se fit la silencieuse promesse d'enterrer lui-même le jeune homme dans le Bôchi, ou de participer à son enterrement si les volontés de sa famille le lui imposait.

(S'il a encore une famille...)

Cette simple évocation fit ressurgir les souvenirs d'Anthelia, qu'il étouffa à grandes peines. avant de se remettre à marcher d'un pas vif, son corps ayant finalement repris la pleine possession de ses moyens. En chemin, il croisa le capitaine pirate, Sibelle et les autres aventuriers qui avaient défendus vaillamment mais en vain l'armée à ses côtés. Trop occupé à contenir sa colère qui jugulait elle-même son chagrin et à ne pas marcher sur les cadavres de ses frères et soeurs, il leur accorda à peine un regard et un faible hochement de tête. Ils pouvaient bien faire ce qu'ils voulaient, désormais. Akihito se battait désormais pour la mémoire de sa patrie et allait aux devants de dangers sans commune mesure avec une banale guerre. De simples mercenaires n'étaient pas aussi concernés. Leur fuite ne pouvait pas leur être reprochés.

L'enchanteur arriva enfin devant l'amoncellement de gravas. Des dizaines de citoyens, même pas des soldats, gisaient là, les doigts encore serrés autour des débris de roche pour tenter de déblayer un passage. Sauver ceux qui pouvaient l'être, piégés sous les décombres. Un spectacle d'une tristesse absolue, qui serra une nouvelle fois son coeur. Il ne retint pas ses larmes cette fois, et commença son ascension pour s'extraire de la ville. Le monceau de roche avait bien réduit, aussi arriva-t-il sans trop de mal à son sommet, pour découvrir l'autre facette de la pile. Des fantassins, par dizaines, avaient essayés de rejoindre la ville, et gisaient comme des poupées désarticulées sur les débris. La même scène des déblayeurs fauchés dans leur action se révélait à lui, comme l'autre face d'un même yu. Seul changeait la tenue : la détermination, la volonté de secourir les blessés étaient la même dans cette scène figée à jamais et gravée dans sa mémoire.

Descendre fut bien plus éprouvant que monter. Les prises avaient beau être plus nombreuses, les roches moins instables, la difficulté vint qu'il ne pouvait plus espérer ne pas marcher sur les corps de ses compatriotes. Il descendit, la mâchoire crispée, s'excusant entre ses dents auprès des dépouilles dont il piétinait le torse, ce bras à l'angle peu naturel, cette main marqué encore de la fraîcheur de l'âge. Jeunes, vieux, vétérans, officiers ou simple hommes de rang. Tous abattus sans distinctions. Il marcha sur un sol de cadavres, ne voyant même plus la couleur de la terre sous ses pas. Et il fit de son mieux pour ne pas voir ces visages tordus par l'horreur, le désespoir, la douleur. La traversée ne dura qu'une vingtaine de secondes ; elle en dura des centaines pour le jeune homme franchissant le charnier des siens.

Yliria se trouvait toujours au chevet de Cromax, qui semblait encore en proie à une extrême souffrance, gémissant de douleur la tête entre les mains. Sous sa forme humanoïde, le sergent Kiyoheïki était présent, tentant lui aussi de soigner le Sindel. Akihito s'approcha d'Yliria, voyant la même rage qui l'habitait la consummer. Mais elle s'y était abandonné, quand lui la contrôlait avec toute la peine du monde.

"Yli. Fais rien de stupide. C'est une déesse, juchée sur une calamité volante... On a aucune chance. Quelles que soit ses intentions..." commença-t-il avant de s'interrompre, se collectant pour faire abstraction d'une nouvelle vague de souvenirs d'Anthelia, le poing serré. "Quelles que soit ses intentions, il n'y a que cette Brytha qui peut s'opposer à eux.

- Je ne vais pas regarder de loin comme une spectatrice impuissante. Oaxaca, son dragon, tous ceux assez fous et stupides pour la suivre volontairement, ils vont tous payer. Ce n'est pas terminé...

- On peut faire autre chose, on ne gagnera rien à se jeter dans un combat perdu d'avance. On peut aider Brytha à accéder à Oaxaca. Et crois moi que j'ai plus de raisons que toi de vouloir leur peau."

Elle le dardait d'un regard glacial. Froid, malgré la colère brûlante qui couvait derrière. Et sa réponse fut aussi cinglante que ses yeux : il faisait ce qu'il voulait, et elle de même. Elle persistait dans son entreprise insensée. Sentant la colère remonter en lui et la foudre affluer au bout de ses doigts, Akihito fit quelque chose qu'il ne pensait jamais faire : menacer Yliria.

"J'ai presque tout perdu. Et je ne peux pas te perdre aussi en te laissant aller te faire pulvériser. Ne m'oblige pas à te retenir de force...

- Me retenir de force ?"

Grossière erreur de sa part. La lame chitineuse d'Yliria s'enveloppa de flammes dorées, qu'il n'avait jamais vu auparavant. Elle n'hésiterait pas à l'étriper s'il se mettait sur sa route.

"Plus personne ne me retiendra de force, Akihito... Pas les shaakts, pas une déesse, et certainement pas toi. Essaie donc, Akihito..."

"Plus personne". Akihito savait bien qu'elle tenait à sa liberté plus que tout, et qu'elle percevait son interposition comme une entrave à cette dernière. Il caressa de longues secondes l'idée de réellement l'attaquer. Sa foudre était plus rapide que son arme : elle serait immobilisée en un rien de temps, et il pourrait alors lui faire comprendre plus longuement à quel point elle se montrait stupide. Mais il finit par abandonner.

"Putain de tête de mule. Si tu fais ce que tu veux, alors moi aussi. Je viens avec toi : t'es la dernière chose qu'il me reste à protéger."


Il baissa sa main à moitié levée et interrompit sa magie. Il pensait réellement ce qu'il disait : jusqu'à preuve du contraire, la semi-shaakte était la dernière personne importante à ses yeux qui respirait encore le même air que le sien. La seule de ceux qu'il s'était juré de protéger. Il ne voulait pas lui faire de mal. Il ne voulait pas la blesser, voir la haine dans son regard dirigé vers lui. Sa résolution ne tiendrait pas le coup. Malgré tout énervé par l'attitude suicidaire de la jeune fille, il tapa de son index tendu le front d'Yliria, joignant son geste à la parole.

"Et compte sur moi pour te faire rentrer un peu de bon sens dans le crâne une fois que j'aurais fais bouffer les pissenlits par la racine à cette garce."

Puis il se tourna vers le sergent qui traitait Cromax.

"Comment va-t-il ?"

Yliria grommela quelque chose qu'il ignora, avant que Cromax ne les enjoigne d'une voix faible à ne pas se déchirer entre eux, avant de gémir de douleur de plus belle, mentionnant un Appel.

(L'appel d'Oaxaca.)

(Sans doute. Alors il est vraiment lié à la déesse Noire.)

(Il va falloir réagir vite, sinon il risque de se retourner contre nous.)

Un conversation froide, méthodique, entre le duo faërique. Alors qu'habituellement, l'espiègle être d'air ne se privait pas pour aller d'une petite remarque piquante.

"Cromax a un lien avec Oaxaca, j'ignore lequel, mais il lutte pour ne pas répondre à son appel. Et la magie curative ne semble pas avoir d'effet... A moins que tu ai une meilleure idée pour contrer un sortilège, pacte ou je ne sais quelle contrainte divine, je peux te paralyser tu le souhaites Cromax. Pour voir si l'appel fini par s'estomper. Et même si j'aimerais ne pas en arriver là... On peut aussi t'assommer.

- Pas besoin d'en arriver là," rétorqua Yliria avant de partir dans une diatribe évoquant une discussion passé sur leurs objectifs à chacun. Elle termina par lui demander de répondre à l'appel et à l'emmener avec elle. Kiyoheïki, lui, semblait troublé par la révélation du lien de Cromax avec Oaxaca, mais fini par s'aligner sur les propos d’Akihito.

"Si ces troupes d'argent ont les moyens de faire tomber une Enfant des Dieux, je les appuierai. Ou vous, si vous avez quelque plan en tête."

De plan, ils n'en avaient pas. A part une charge éperdue contre une entité surpuissante. Et Cromax n'abonda pas dans son sens, une nouvelle fois, en se transformant de nouveau sous sa forme draconique d'argent et de pourpre. Il allait mener Yliria à Oaxaca.

"Si je sombre... N'ayez aucune pitié envers moi."

Et déjà Yliria se dirigeait vers lui. Allant vers Oaxaca sur le dos d'un appelé d'Oaxaca, qui demandait à ses Treize de la rejoindre. Les Treize. La rejoindre.

(Sombre crétin que je suis.)

La garce n'allait pas être seule, évidemment. En plus du Dragon, les Treize survivants seraient là. L'affronter relevait déjà de l'impossible, mais si on rajoutait en plus ses généraux... Cela n'allait qu'accélérer leur mise à mort, en plus de balayer les infinitésimales chances de réussite. Et ça, Akihito ne pouvait pas l'accepter. Il ne pouvait pas laisser Yliria courir à sa mort et la suivre sans rien tenter une dernière fois. Tendant un bras, il l'arrêta en la saisissant doucement et en la faisant tourner vers lui. Son visage humide de pluie, ses yeux de saphirs profonds plongèrent dans ses yeux bicolores. Noyant autant qu'il pouvait sa colère sous toute l'affection qu'il avait pour la jeune fille, il prit une voix calme et commença tout simplement... Par s'excuser.

"Désolé Yli, je me suis emporté. Mais s'il te plait, écoute moi. Je vois bien que tu enrages et que tu veux lui faire la peau, tout comme moi. Mais si Oaxaca appelle ses généraux comme elle appelle Cromax, alors elle ne sera pas seule. Les Treize encore en vie seront là aussi et tu as beau être forte... A trois, avons nous ne serait-ce qu'une chance contre une déesse, plusieurs des Treize et une créature que même les dieux craignent ? Tous en même temps ? Sans compter Cromax qui peut succomber à tout moment et se retourner contre nous malgré lui, y compris pendant le vol..."

Il secoua la tête, sa voix prenant des accents suppliants. Yliria était tout ce qui lui restait.

"On doit faire quelque chose. Mais nous ne vengerons personne à aller à la mort dans un combat perdu d'avance... Alors je t'en prie, abandonne cette idée pour l'instant, et faisons comme le sergent le propose : allons voir ces troupes inconnues et cette Brytha. Et si elles ne nous sont d'aucune utilité... Alors nous irons régler nos comptes avec Oaxaca en personne."

Le sergent Kiyoheïki fut, une nouvelle fois, d'une grande clairvoyance, et appuya son discours de quelques mots avant de lancer un charme de lumière visant à éclaircir, apaiser les pensées de sa semblable semi-shaakte. L'assaut ne lui plaisait guère non plus, mais il était prêt à faire le nécessaire. Demandant même au Sindel s'il avait un quelconque point faible, si tout venait à déraper. Sa sollicitude sembla toucher le concerné, qui répondit.

"Si d'aventure je tombe, ne vous fiez pas à mes apparences. Elles ne me confèrent aucune puissance supplémentaire."

Ses transformations ne le rendaient donc pas plus puissant : une information capitale, car Akihito était plus enclin à affronter un Sindel qu'un dragon de plusieurs mètres de haut. Mais ses pensées furent vites tournées vers Yliria, qui commençait à lui répondre, visiblement plus calme alors qu'elle se dégageait lentement de son emprise.

"Tu ne comprends pas, Akihito. Je refuse d'attendre, pas avec ce qu'il y a en jeu."

Yliria ne changerait pas d'avis. Ne sachant que faire, comment réagir, il soupira et se résigna à la suivre dans sa folle entreprise. Elle se rapprocha plus proche de lui, la bouche ouverte comme pour dire quelque chose. Mais son regard fuit, sa bouche se referma. Akihito n'aimait pas ça. Et il eut un mauvais pressentiment...

"C'est un sort pire que la mort qui nous attend si on ne fait rien... je suis désolée... vraiment désolée."

Qui se révéla justifié. Glissant sa jambe derrière la sienne, la semi-shaakte mit un violent coup de la tranche de la main derrière sa nuque tout en le poussant brusqueement. La chute inévitable, des flashs flous obscurcissant sa vision, il ne put qu'assister impuissant à la fuite en avant d'Yliria. Elle l'abandonnait. Elle voulait le tenir hors du danger. Elle voulait le tenir hors du danger, lui, un protecteur ? Lui qui était prêt à mettre sa vie en jeu pour protéger ceux qu'il aimait ?! Lui qui avait des dizaines de raisons de plus qu'elle de tuer Oaxaca ?! Et elle osait le mettre à l'écart, elle qui ne voulait pas qu'on lui impose quoi que ce soit !

(Elle se FOUT de moi !)

La colère l'embrasa de nouveau. Il se sentait trahit. Privé de ce qu'il voulait faire.

"KIYOHEÏKI !"

Le dragon d'or sembla comprendre son appel et le temps qu’Akihito ne se relève, Kiyoheïki avait déjà revêtu son apparence serpentine pour le saisir entre ses serres et s'élèver d'une impulsion dans les airs. Il ne fallut qu'une dizaine de secondes pour rattraper Cromax, pas aussi rapide qu'à son habitude sans doute dû à son état. Les deux dragons se superposèrent, et d'une secousse, l'enchanteur fit comprendre au sergent d'Oranan qu'il souhaitait être lâché. Une tentative téméraire qu'il ne faisait que sous le coup de la colère, et le sergent lui même sembla hésiter, avant d'accéder à sa requête. Après une courte chute de deux mètres, l'Ynorien se réceptionna tant bien que mal sur le dos du Sindel polymorphe, garnis d'épaisses écailles offrant de nombreuses prises qui permirentau nouveau passager de rester en selle malgré son atterrisssage des plus brutal. Sa cheville le lançait, mais il n'en avait que faire alors qu'il se redressait et se rapprochait d'une Yliria médusée. Elle commença à ouvrir la bouche mais il ne lui laissa pas le temps de prononcer un mot. Armant son bras, il lui décocha une gifle cinglante, imprimant d'un rouge vif la joue d'Yliria avant de se mettre à la tancer.

"IMBÉCILE ! OÙ T'AS VU JOUER QUE TU POUVAIS CHOISIR DE ME LAISSER SEUL DERRIÈRE ? JE VAIS -"

Akihito fut complètement pris au dépourvu et ne termina jamais sa remontrance. Yliria venait de l'embrasser. Le contact fugace le désarçonna et ce fut à son tour de dévisager l'autre avec de grands yeux médusés lorsqu'elle se sépara de lui, les yeux embués, le repoussant plus qu'elle ne s'éloignait.

"Pourquoi t'es venu ?! Pourquoi rends-tu tout si difficile ?! Repars Akihito ! Repars et occupes-toi de protéger ceux qui en ont besoin !"

Son cerveau embrouillé avait un mal fou à traiter toutes les informations, les émotions, les souvenirs que ce simple geste avait provoqué chez lui. Cette tempête de pensées contradictoires s'entrechoquaient, ne lui laissant que peu de place pour aligner une pensée cohérente. La synthèse de tout ce qui avait complètement étouffé sa rage et son ressentiment envers la jeune fille.

"Abrutie, c'est toi que je veux protéger, bredouilla le jeune homme d'une voix confuse, complètement dépassé par les événements.

- Mais je ne veux pas de ta protection ! Je veux que tu vives ! C'est trop demandé ça aussi ?! hurla-t-elle avant de terminer d'une voix brisée. Je ne veux pas te voir mourir... va t'en..."

Akihito regarda la semi-shaakte essuyer rageusement ses larmes. Tout faisait peu à peu sens. Son comportement, ses gestes, son attitude, sa façon de réagir toujours de manière extrême quand il était impliqué. Lui n'avait fait que se cacher, se voiler la face, pour ne pas avoir à gérer une pareille situation, alors qu'il aimait Anthelia.
Mais voilà. Anthelia n'était plus là. Il espérait au fond de lui qu'elle soit encore en vie, qu'elle fasse partie des rares élus comme lui à avoir survécu. Il se berçait d'illusions et savait que se raccrocher à un espoir aussi ténu n'allait que lui faire du mal. Il voulait porter le poids de sa vengeance, celle de son peuple. Les venger, et tuer Oaxaca, le Dragon noir. Et tout ceux qui les suivaient. Il réalisait désormais à quel point il se trompait. Grâce à la jeune fille épleurée devant lui.

Lorsque, consumé par sa haine envers Kisp, il s'était mis en tête de le tuer pour récupérer sa mère, c'était Yliria qui lui avait ouvert les yeux. Il n'était pas un vengeur. Il était un protecteur. Avant de venger Marcus, il souhaitait plus que tout sauver Hitomi.
Là encore, il avait été aveuglé par la tristesse, la perte de son peuple, et par son sang Ynorien qui le poussait à la vengeance. Et ce n'était en rien le sentiment qui devait le forcer à avancer, à continuer à se battre. C'était protéger ce qui pouvait encore l'être. Les conseillers. Les survivants potentiels. Le reste de Yuimen si Oaxaca devenait inarrêtable. L'espoir infime qu'Anthelia soit encore en vie. Sa mère à l'autre bout du continent. Et Yliria.

Son regard se posa sur le sol défilant en dessous de lui, et son coeur se serra. Les morts s'étendaient à perde de vue, sans discontinuer. Kendrans, Garzoks, Sektegs, Ynoriens. Oaxaca n'avait même pas de considération pour ses alliés et les avait sacrifiés sans le moindre remord. Elle était d'une folie dangereuse pour le monde de Yuimen tout entier qu'elle voulait réduire en cendres. Pour des centaines de centaines de centaines de milliers d'innocents qui allaient tombés pour le seul crime d'avvoir voulu vivre leur vie simplement. Eux pouvaient encore être sauvés.

Une nouvelle fois, Akihito fit le choix de suivre Valyus le protecteur que son alter ego Shaakt, Nizzre'. Comble de l'ironie, c'était sous l'impulsion d'une semi-shaakte. Il l'avait qualifié de "rose au milieu d'un champ de neige" lorsqu'il l'avait vu coiffée à l'Ynorienne. Un mélange surprenant, qui ne s'était pas révélé dénué de charme. Cette même rose se tenait désormais au milieu d'un charnier comme le monde n'en avait jamais connu, et elle continuait de lui ouvrir les yeux malgré elle. La colère qui le motorisait puisait son énergie dans le chagrin. Mais une nouvelle strate occulta cette même colère tout en s'en alimentant. La détermination.

(J'affronterai cette garce de front s'il le faut. Mais avant de venger mon sang Ynorien, ce sera pour suivre ma conviction de protecteur de Valyus.)

Et la première personne qu'il devait protéger se trouvait devant lui. Akihito attira doucement Yliria dans ses bras pour la calmer, la rassurer.

"Espèce d'égoïste, fini par répondre l'enchanteur. Moi j'ai pas le droit de vouloir la même chose ?

- Je voulais pas que tu viennes... Et c'est toi l'abruti, répliqua Yliria d'une voix étouffée, tendue contre lui.

- On est deux abrutis, dans ce cas. On aura une sérieuse discussion, toi et moi, quand tout sera fini. Mais pour l'heure, on a l'apocalypse à arrêter."

Derrière elle, il voyait la silhouette terrifiante du Dragon Noir. Ses écailles d'obsidienne qui absorbaient la lumière, l'espoir. Ses griffes monstrueuses qui déchiraient la vie et le destin. Ses ailes membraneuses qui ne portaient que le chaos et la mort. Il allait au devant d'un adversaire titanesque qui le terrifiait, en plus des silhouettes d'Oaxaca et de ses généraux assemblées devant lui dont certains avaient faillit le tuer par deux fois. C'était pourtant là qu'il devait se trouver.


HRP :
  • Consommation d'une petite potion de soin sur place.
  • Consommation d'un énorme élixir d'énergie sur place.
  • Remplissage de la ceinture de consommable comme suit :
    Ceinture de consommables (Qualité Artisan)
    • Gourde magique moyenne (Contient [10/10 doses] de potions. Le liquide bu est choisi mentalement par le personnage lors de l'absorption dans la gourde.
      Liquide contenu :
      • 2 Énormes potion de mana (rend 16PM)
      • 3 Grandes potion de mana (rend 8 PM)
      • 1 Potion de mana moyenne (rend 4PM)
      • 2 énormes élixir d'énergie (rend 20 PE)
      • 2 Potion de coagulation (arrête un saignement)
    • Gourde magique moyenne (Contient [10/10 doses] de potions. Le liquide bu est choisi mentalement par le personnage lors de l'absorption dans la gourde.
      Liquide contenu :
      • 2 Potion moyenne de soin (Soigne une blessure légère)
      • 3 Grandes potions de soin (Réduit d'un rang une blessure jusqu'à grave)
      • 4 énormes potions de soin (Réduit d'un rang une blessure jusqu'à incapacitantes)
      • 1 Élixir de lien organique (permet de recoller un membre arraché/tranché)
    • Fiole d’Esprit de l’Hiver (Consommable infini)
      Effet : Une fois son contenu absorbé, la peau du porteur se couvre d’une fine couche de glace magique. Son corps devient alors plus difficile à cibler par les sorts ennemis (-15 à la touche pour les sorts adverses. Dure tout le combat. Une journée complète pour se recharger).
    • Potion de stabilité (permet de contrer les effets visant à faire choir pendant un combat)
    • Potion de robustesse (permet de contrer les effets d’étourdissement pendant un combat)
  • Statut :



[XP : 2 (discussions avec les conseillers, deux fois Yliria et le groupe) + 4 (hécatombe du Dragon Noir) + 1 (événement traumatisant) + 0,5 (vol à dos de dragon et pillage de potions) + 1 rune Ahu et une rune Nou]

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Yliria
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Re: Les Portes et Remparts

Message par Yliria » ven. 3 sept. 2021 16:00

Lorsque seule reste l'horreur


Rejoindre les conseillers ne fut pas long. Trois Ynoriens se démarquaient du lot des soldats qui allaient et venaient, transportant matériel, débris et blessés. Je fixai un instant un jeune homme dont la jambe était écrasée et qu’on tirait. Une bile acide flottait dans ma gorge. C’était une chose d’être dans le feu du combat, on ne pensait qu’à survivre, tuer pour ne pas être tuer. Mais voir ensuite le résultat me rendait presque malade. Toutes ces morts inutiles, toute cette souffrance provoquée par la folie d’un seul être qui en entraîner des milliers d’autres. Je suivis Cherock, les poings serrés. Ssussun eût été là, il aurait aidé chaque personne qui se trouvait ici et j’aurai fait de même. Et c’était ce que j’allais faire. J’étais épuisée, couverte de sang et malade de toute cette mort qui flottait. Les garzoks se repliaient face à Oranan et il était temps d’aider les ynoriens à panser leurs plaies. Avant cela, Cherock et mois devions brièvement discuter avec les conseillers. Je restai près de lui, regardant avec un mélange d’interrogation et d’étonnement l’énorme hache qu’il se trainait.

Nous approchâmes d’une tente aux côtés relevés, le tout ceinturé d’un cordon de soldat, les fameux samouraïs dont m’a parlé cet ynorien que j’avais croisé il y a ce qu’il me semblait être une éternité. Cherock approcha d’un pas assuré et les soldats s’écartèrent. Le geste de l’un d’eux, pourtant, me fit grincer des dents. Sa lame se dénuda lorsqu’il posa son regard sur moi. Cherock l’arrêta, mais je le fixai d’un regard sombre. Je venais de passer les dernières heures à me battre pour sauver leur peuple, et voilà le résultat. Les conseillers avaient intérêt à être autrement plus accueillant... Les conseillers étaient justement là, tous les trois. Un homme en armure cabossé et ayant visiblement vu la mort de trop près se faisaient bander le crâne par un guérisseur. Une femme se tenait à côté, sa tenue d’archère déchirée et son corps contusionné, mais elle semblait en meilleure état, mais moins encore que le troisième qui semblait, lui, fraîchement débarqué dans la zone. Cherock les salua poliment, résumant rapidement la retraite de Karsinar avant de me présenter en des termes un peu trop élogieux, mais je me gardai bien de dire quoi que ce soit. Autant faire bonne impression. J’avançai d’un pas et m’inclinai poliment, comme ils avaient coutume de le faire

- Conseillers, j'espère apporter de bonnes nouvelles malgré les circonstances. Nous sommes parvenus à réduire le nombre des généraux d'Oaxaca. Xël Almaran, Faëlis Nyris'Kassiliane, Jorus Kayne et moi-même avons combattu et capturé Xenair, puis tué Gadory dans les rizières au Sud. Sisstar est également morte, bien que les circonstances m'échappent en partie. Je dois également dire qu'avec le sergent Kiyoheiki, Jorus et un soldat kendran nommé Tobias Arthès, nous avons négocié avec Herle Krishok avant la bataille et qu'il n'interviendra pas lors de celle-ci et n'enverra pas de troupes soutenir Oaxaca. Si cela pour aider à remonter le moral de vos forces, 4 des généraux d'Oaxaca sont hors d'état de nuire.

La nouvelle sembla redonner un peu de confiance et de couleurs aux trois conseillers. Je remarquai le regard surpris de Cherock et haussai les épaules. Je pourrais lui donner les détails plus tard, ce n’était pas vraiment le moment de m’étendre au vu de la situation. Malgré les difficultés surmontées et celles à venir, tout n’était pas perdu. Ou du moins je le pensais.

Apercevant un intendant, je fis un bref signe à Cherock et m’approchai de l’ynorien. Il haussa un sourcil mais s’abstint de tout commentaire. Un bon point pour lui. Si je voulais être efficace, il allait me falloir de quoi tenir encore Meno savait combien de temps. Je remplis mes gourdes de potion, d’élixir et de magie pour repartir défendre la cause qui me semblait juste. L’intendant nota scrupuleusement chaque potion que j’ajoutai à mes gourdes et je hochai la tête une fois fini. Et alors qu’il ouvrait la bouche, un son nous fit tous deux tourner la tête dans une autre direction. Un grondement sourd emplissait l’air d’une note funèbre. Chaque soldat autour de nous s’était arrêté, cherchant l’origine du bruit. Puis le grondement devint chant. Un chant morbide qui me souleva l’estomac. Je titubai, prise d’un vertige étrange. Quelque chose semblait essayer d’arracher ma force. L’intendant me soutint par le bras, m’interrogeant du regard. Puis le chant cessa et le silence frappa.

Son regard fut la chose la plus terrifiante que j’eus vu jusqu’ici. Je le vis s’écarquiller brusquement, comme s’il réalisait quelque chose, puis le vis se voiler alors que con corps chutait au sol. Je clignai des yeux, hébétée. J’avais toujours les yeux fixés sur ceux de l’intendant. Un regard terne, où la vie n’était qu’un souvenir. Une bile acide me remonta dans la gorge et je redressai la tête, cherchant à quérir de l’aide. Ce que je vis allait me hanter à jamais. La Mort. Partout. Hommes ou femmes, jeunes ou vieux, soldat ou non, tous étaient inertes, à jamais silencieux, frappé par une magie plus terrible que tout ce que j’avais pu voir jusque-là. Une magie de Mort. Implacable. Je ne retins pas un haut-le-cœur et vomis la bile qui remontait dans ma gorge, posant un genou à terre, incapable de supporter le malaise qui m’étreignait. Je fermai les yeux, essayant de reprendre mon souffle, puis redressais la tête en expirant.

Ouvrir les yeux fut comme entrer dans un cauchemar. Un cauchemar silencieux, terrible. Les corps jonchaient le sol. La Mort avait fauché, sans distinction aucune, au mépris de toute règle, de toute vie. Je restai immobile, les bras ballants, à observer le cruel résultat de ce chant de magie. Comme pour appuyer la détresse qui m’envahissait, une pluie fine et glacée commença à tomber. J’observai d’un air absent les alentours, repérant quelques survivants. Cherock étaient parmi eux et mon cœur aurait dû se réjouir à cette vue. Mais rien. Je me sentais vide. Pourquoi avais-je survécu ? Moi plutôt que cet homme qui secourait cette femme. Pourquoi moi et pas un autre à ma place ? Pourquoi moi et pas n’importe qui de ces gens qui voulaient défendre leur pays, leur foyer, leurs familles. Je ne comprenais pas. Pourquoi ma vie aurait-elle plus de valeur que les leurs ?

(Yliria…)

(Pourquoi ? Pourquoi tout ça ? Pourquoi moi, Alyah ? Ma vie n’a pas plus de valeur…)

(Ce n’est pas ta vie… c’est ton âme. Seules les âmes fortes semblent avoir résisté.)

(Qui… qui d’autre ?)

(Yliria…)

(Alyah… s’il te plaît… Qui a survécu ?)

(Quelques aventuriers, quelques nains, bien peu d’humains. Les Garzok s’en sortent mieux et les hinions sont indemnes. Aucun mort-vivant. Bien peu…)

Si peu… des milliers… des dizaines de milliers de vies venaient d’être fauchées, comme ça, comme si rien n’avait de valeur. La mort n’avait épargné personne et tout ça par la faute d’une déesse qui voulait voir le monde brûler ou lui obéir. Alors je réalisai quelque chose.

(Les âmes… Que sont devenus les âmes ? Il en a forcément fait quelque chose ! Les morts vont se relever, c’est ça ?)

(Aucun mort vivant n’y a échappé. Aucun d’autre ne se relève. Yliria…)

(Non… Non ce n’est pas possible… On ne peut pas faire une telle chose. Alyah, dis-moi que c’est impossible…)

(C’est le Dragon Noir… le messager de la Mort. Je ne sais pas ce qui est possible ou non. Mais si Aucun mort vivant aux âmes damnées n’a survécu…)

(Il n’y a plus rien… Plus rien du tout… C’est un cauchemar…)

Pouvait-on vraiment faire ça ? Détruire une âme ? Effacer si totalement son existence que les Enfers même lui était inaccessible… Le lourd et morbide grondement repris. Le Dragon recommençait. Le son était plus fort que jamais et une peur indicible m’étreignit. Tout. Tout mais pas ça. Je préférais mourir, je préférais souffrir pendant des années plutôt que d’imaginer mon âme détruite, incapable de prendre le chemin de mes ancêtres, de mon père. Je refusai qu’une telle chose se produire. Puis un rire emplit l’air, se superposant à la litanie funeste du dragon. Un rire qui me glaça le sang. Un rire vide de toute pitié. Le rire d’une folle qui appréciait de voir le monde mourir autour d’elle. Oaxaca.

Son rire me secoua et ce ne fut plus l’abattement, mais la colère qui s’emparait de moi. Une colère sourde, violente, dirigée entièrement contre la responsable de toute cette dévastation. Des dizaines de milliers de vies, d’âmes, fauchées et elle riait, satisfaite du résultat, satisfaite d voir le monde se détruire sous ses yeux. Il fallait l’arrêter, elle et son dragon de malheur, peu importait le prix. Il avait déjà été si grand, trop lourd. Il fallait agir, vite, avant que le saurien de mort ne termine son chant et ne rase Yuimen. Je m’élançai vers la brèche des murs, focalisant mon regard partout sauf sur les visages figés dans la terreur. Le regard de l’intendant restait graver dans mon esprit et le resterait sans doute pour toujours, même si je doutais que ce toujours dure encore bien longtemps si on ne faisait rien.
Pourtant, le rire cessa et je me figeai, le cœur battant la chamade. L’atmosphère avait à nouveau changé. Au loin, face au dragon et sa folle maîtresse, une brume était apparue. Une brume qui s’épaissit, et d’où des silhouettes émergèrent. De nombreuses silhouettes en armure apparurent face à Oaxaca. Une armée quittait la brume, portant des bannières et drapeaux gris dans un silence total, à peine dérangé par la litanie du dragon. Et au-dessus de cette masse grise anonyme, un être s’éleva. Déployant des ailes noires et blanches, surplombant les troupes sans nom, une autre déesse, car il ne pouvait s’agir que de cela, faisait face à l’impératrice Noire.

(Brytha…)

(La Purificatrice ? Celle dont on parle à Tulorim ?)

(Oui, déesse de la neutralité et de l’équilibre.)

La voix d’Alyah semblait plus froide, comme si elle n’appréciait pas la nouvelle venue. De nombreuses rumeurs circulaient à son sujet, mais si elle était venue faire face à Oaxaca, peu importait dans l’immédiat. Et la déesse noire, hurla alors, appelant à elle ses laquais pour la protéger de cette nouvelle menace. S’il me fallait une seule raison de joindre la Purificatrice en cet instant, elle l’avait donné : elle la craignait. Mais un autre cri lui répondit et attira mon attention. Cromax se tenait la tête, prostré au sol, comme si une douleur terrible lui vrillait le crâne. Je me hâtai vers lui, manquant de vomir en glissant sur le bras d’un malheureux, avant de m’agenouiller près de lui et de poser mes mains sur sa tête, espérant faire quelque chose. Sort de soin, de soulagement, rien en semblait y faire et rien dans mes runes ne pouvait guérir un mal que je ne pouvais identifier. Oaxaca était responsable, le doute n’était pas permis, mais que faire ? Alors je fixai d’un air mauvais la direction de la « divinité ».

- Je vais buter cette calamité...

Peu m’importait de survivre ou non cette fois. Nous allions tous mourir si on ne faisait rien et je préférais endurer milles morts que d’imaginer sentir mon âme être détruite. Avisant Kiyoheiki sous forme de dragon, je l’appelai, espérant qu’il puisse aider Cromax et, le cas échéant, nous mener à Oaxaca. Lui aussi devait vouloir la détruire. Après tout, son peuple avait été en première ligne depuis le début de cette guerre et à présent, il ne restait presque plus rien. Mais il ne fut pas le seul à venir à nous. Cherock aussi. Le regard hanté, il semblait encore plus secoué que nous. Mais je m’attendais à tout, sauf à la suite.

- Yli. Ne fais rien de stupide. C'est une déesse, juchée sur une calamité volante... on a aucune chance. Quelle que soit ses intentions, il n'y a que cette Brytha qui peut s'opposer à eux.

Il serrait les poings, le visage durcit par la colère, mais son regard terne était profondément hanté par ce qu’il venait de voir et de vivre. J’aurai dû m’inquiéter pour lui, essayer de l’aider, mais je le fixai d’un regard glacial. Je n’en croyais pas mes oreilles. Il me disait quoi ? De ne rien faire ? De rester plantée là comme une idiote à attendre que mon existence soit effacée ?

- Je ne vais pas regarder de loin comme une spectatrice impuissante. Oaxaca, son dragon, tous ceux assez fous et stupides pour la suivre volontairement, ils vont tous payer. Ce n'est pas terminé...

- On peut faire autre chose, on ne gagnera rien à se jeter dans un combat perdu d'avance. On peut aider Brytha à accéder à Oaxaca. Et crois-moi que j'ai plus de raisons que toi de vouloir leur peau...

- Mais tu fais ce que tu veux, Cherock. Et je vais faire de même.

Et j’étais sérieuse. Peu m’importait qu’il accepte ma décision ou non, je me ficahi complètement de sa permission, je faisais ce que je voulais et il n’avait pas son mot à dire. Pourtant, il ne sembla pas le comprendre. Les yeux emplis de colère, je le vis charger sa foudre dans son bras, comme s’il s’apprêtait à m’attaquer. Il comptait réellement m’empêcher de faire selon ma volonté. Il comptait vraiment me retenir de force. En cet instant, je le haïssais, lui et son putain de complexe du héros. De quel droit osait-il me retenir de force ? J’étais la seule à décider de ma vie. Personne n’en avait le droit ! Personne !

- Me retenir de force ?

Ma voix glaciale et chargée de colère était entièrement dirigée vers Cherock à cet instant précis. Je me relevai pour lui faire face et dégainai ma rapière qui s’enflamma dans une violente gerbe de flammes dorée. Il voulait jouer à ça ? Il était tombé sur la mauvaise potiche. Je n’étais pas une demoiselle en détresse, j’étais libre de mes choix, de mes actes et personne n’avait le droit d’en décider à ma place. J’avais gagné ma liberté, je me battais pour la conserver et je continuerai à le faire, que cela lui plaise, ou non.

- Plus personne ne me retiendra de force, Cherock... Pas les shaakts, pas une déesse, et certainement pas toi. Essaie donc, Cherock...

La tension monta encore d’un cran et je soutenais son regard, mâchoire crispée. J’étais sérieusement prête à en venir aux mains s’il le fallait. De toutes les personnes possibles, il fallait que ce soit lui qui prononce ces mots… Lui, plus que n’importe qui, devrait savoir à quel point ses paroles sonnaient comme une trahison à mes oreilles. Alyah essaya de nuancer, de dire qu’il ne savait pas tout, mais je l’ignorai. Il en savait assez, il n’avait pas le droit de prétendre en avoir quelque chose à foutre de moi et pourtant tenter de me mettre en cage par pur égoïsme. Je n’étais pas à lui, je n’appartenait à personne, peu importe les sentiments que je pouvais avoir. Il Leva le bras et je crispai un peu plus ma main sur mon arme. Alyah tentait de me calmer, mais c’était peine perdue. Il voulait jouer à ça ? J’allais jouer et il n’allait pas aimer ça. Le soupir de frustration qui s’échappa finalement, plutôt que l’éclair attendu, ne parvins même pas à me détendre.

- Putain de tête de mule. Si tu fais ce que tu veux, alors moi aussi. Je viens avec toi : t'es la dernière chose qu'il me reste à protéger.

Son index frappa mon front, comme essayer de me rentrer ses paroles dans le crâne. Je soufflai d’exaspération en retour. Quand allait-il comprendre que je n’étais pas une gamine à qui on donnait des pichenettes pour les éduquer ?

- Et compte sur moi pour te faire rentrer un peu de bon sens dans le crâne une fois que j'aurais fait bouffer les pissenlits par la racine à cette salope.

- Encore une fois, tu fais ce que tu veux, mais j'ai pas besoin de ta putain de protection.

Ce fut la supplique de Cromax qui m’arrêta finalement. Il avait raison, ce n’était pas le moment de se prendre le bec dans une telle situation. C’était tellement rageant. Je n’avais pas assez fait mes preuves à ses yeux ? Je n’étais donc qu’une gamine qu’on devait protéger et sauver de tout comme si la moindre chose risquait de me briser ? Bordel, j’avais deux fois son âge et il pensait me donner des leçons et me protéger du mal présent en ce monde alors que j’avais vécu l’enfer pendant quarante ans ? Je croisai les bras, la mâchoire toujours crispée, retenant une réplique cinglante de plus. J’observai le sergent tenter d’aider Cromax et me décrispai un peu. Rien ne sembla fonctionner. Cherock proposa qu’on assomme le Sindel, lui qui était appelé par Oaxaca à laquelle il était, au moins en partie, lié. Cela ne me surpris étrangement pas, ses actions pendant la bataille avaient été… chaotique. S’il y était lié, ce n’était pas de sa volonté, son état suffissait à le démontrer. Alors l’assommer ?

- Pas besoin d'en arriver là. Cromax, tu m'as dit que tu voulais protéger des vies et j'ai dit que je t'aiderai et je le pense toujours. Là, il faut qu'on agisse pour sauver le peu qu'il reste et le seul moyen, c'est d'arrêter Oaxaca et le Dragon. Il n'y a aucune autre alternative possible. Nous avons tous vu de quoi elle est capable et les fous qui la suivent ne souhaitent que détruire ce qu'il peut rester. Mais en la frappant elle, ils ne pourront continuer leur massacre aussi impunément.

Je me penchai vers lui, essayant de capter son regard.

- Va vers elle et emmène-moi. S'il nous reste une chance de la vaincre et de préserver ce qu'il reste, je veux la saisir.

Si le sergent ne sembla pas d’accord avec l’idée, Cromax, après nous avoir prévenu qu’il risquait de répondre à l’appel, nous demanda de ne pas avoir de pitié pour lui en acceptant de prendre le risque malgré tout. Je hochai la tête, espérant intérieurement ne pas devoir en arriver là. J’avais vu ce que sa magie pouvait faire, je n’avais aucunement envie de l’affronter. Je m’écartai pour lui laisser la place d’utiliser cette étonnante capacité de transformation et, alors que je m’apprêtai à grimper sur son dos. Une main me retint. Je tournai la tête, prête à m’énerver, mais la façon calme qu’avait Cherock de me retenir et un apaisement offert par Kiyoheiki me détendirent. Je clignai des yeux, semblant sortir d’un sommeil brumeux et fixai le jeune homme qui me faisait face, la mine peinée. Il s’excusa e s’être emporté, tenta de raisonner, de dire qu’il fallait rejoindre Brytha, ne pas foncer comme ça face à Oaxaca. Il avait raison, mais il ne comprenait pas pourquoi j’agissais ainsi. Certes, j’étais en colère contre elle et ses laquais et son dragon. Mais j’avais peur. Peur de tout perdre et de survivre à ce qui allait advenir. Peur de mourir comme les autres, mon âme détruite et à jamais incapable de trouver le repos auquel tout le monde devrait avoir droit.

- Tu ne comprends pas, Cherock. Je refuse d'attendre, pas avec ce qu'il y a en jeu.

Et pour ça, j’étais prête à sacrifier la petite chose qui embrasait doucement ma poitrine quand j’étais à ses côtés. Peu importait qu’il me haïsse, tant qu’il survivait. Je retirai sa main et ouvris la bouche avant de me raviser. J’allais trop en dire. Ce n’était ni le lieu, ni le moment. Ce que je décidai e faire, lors, Alyah ne le commenta pas, mais je sentis autant sa tristesse que sa frustration. Elle savait ce qui était en jeu, elle n’intervenait pas, mais nous savions toutes les deux qu’il n’y avait pas de bonne solution. Alors je pris celle qui me semblait la moins pire. Je fis un pas vers lui, sa main toujours dans les miennes.

- C'est un sort pire que la mort qui nous attend si on ne fait rien... je suis désolée... vraiment désolée.

Et je l’étais. Je l’étais vraiment. Je fixai son regard un instant, mémorisant les reflets dans ses yeux vairons malgré la lumière qui semblait ne plus pouvoir y briller, préparée à ne plus jamais les observer. Puis j’agis. Vite. Comme on m’avait appris. Crochetage de jambe, coup sur la nuque, il tomba au sol et je me ruai vers Cromax et grimpai sur son dos, jetant un dernier regard en arrière avant qu’il ne décolle, le cœur serré.

(Tout va bien, Yli ?)

(Qu’il me haïsse, pourvu qu’il survive… Je ne pensais juste pas que ça ferait si mal…)

(Tu peux encore faire demi-tour…)

(Non, ma décision est prise. La survie de n’importe qui passe avant mes sentiments personnels. J’aurais juste aimé ne pas en arriver là avec lui...)

(Tu t’excuseras le moment venu.)

(Si on survit et qu’il accepte de me voir un jour après cela.)

(Oh je pense que tu vas le revoir bientôt… bien plus vite que prévu même. Te,ace le Cherock. Il te traite de tête de mule mais dans son genre il est pas mal aussi.)

(Quoi ?)

(Derrière toi.)


Je me retournai, les yeux écarquillés, pour voir Cherock tomber sur le dos de Cromax depuis les serres de Kiyoheiki changé en dragon. Il avança vers moi et je me trouvai incapable de réagir. Pourquoi ? Pourquoi ne pouvait-il pas comprendre ? Pourquoi voulait-il à ce point me protéger alors que je n’étais personne, même pas une des siens, juste… La brulure de la joue qu’il me donna détruisit mes questions d’un coup. Je portai, incrédule, ma main sur ma joue douloureuse alors qu’il commençait à me hurler dessus, incapable de comprendre ce qu’il se passait.

(Il tient juste à toi, idiote.)

Je m’oubliai, pendant un instant. Je ne me souvins même pas m’être lancée vers lui, mais j’avais mes lèvres collées aux siennes. C’était doux, mais ça avait le goût du sang, le goût du désespoir et de l’amertume en sachant que ce serait probablement la seule et unique voit que je pourrais me permettre quelque chose comme ça. Pendant juste quelques secondes, j’oubliais tout. La guerre, la mort, le Dragon, Oaxaca, Brytha, le fait qu’on volait au-dessus d’un charnier sans fin. Tout ça disparu juste le temps de faire quelque chose d’aussi stupide qu’imprévu. Quand je compris ce que je faisais, je repoussai Cherock, les yeux embués, me sentant idiote de m’être dévoilée comme ça. Alors je me sens obligée de le repousser, qu’il part. Qu’il parte avant que le pire n’arrive.

- Pourquoi t'es venu ?! Pourquoi rends-tu tout si difficile ?! Repars Cherock ! Repars et occupes-toi de protéger ceux qui en ont besoin !

- Abrutie, c'est toi que je veux protéger.

Encore… encore et toujours il me pense incapable de me défendre seule alors qu’il y a tant d’autres personnes qui auraient besoin de son aide.

- Mais je ne veux pas de ta protection ! Je veux que tu vives ! C'est trop demandé ça aussi ?!

Je faisais de mon mieux pour retenir la larme de frustration et d’angoisse qui menaçait de rouler sur ma joue. Il rendait tout si difficile…

- Je ne veux pas te voir mourir... va-t’en...

- Espèce d'égoïste. Moi j'ai pas le droit de vouloir la même chose ?

Je ne sus que répondre à ça. Est-ce que j’étais égoïste à lui dire de me laisser tranquille ? À vouloir qu’il vive ? J’en savais rien, je pensais juste agir pour le mieux, pour la Vie, plus que pour le Bien ou le Mal. Je me fichais de tout ça. Je voulais juste qu’il vive. Alors quand il me prit dans ses bras, je ne sus quoi faire et mon corps se raidit, trop mal à l’aise pour lui rendre son embrassade. J’étais pétrifiée à l’idée que tout ce que j’avais fait, tout ce que je détestai, je le lui avais infligé en pensant bien faire. J’essayai une dernière fois. Une toute dernière fois. Mais même moi j’entendis que je manquai de conviction maintenant.

- Je voulais pas que tu viennes... Et c'est toi l'abruti

- On est deux abrutis, dans ce cas. On aura une sérieuse discussion, toi et moi, quand tout sera fini. Mais pour l'heure, on a l'apocalypse à arrêter.

Qu’étais-je supposée répondre après cela ? Rien. Rien du tout. Je me tus, me contentant de hocher la tête avant de me détourner, lui offrant mon dos plutôt que de le laisser voir mon visage. J’essuyai rageusement la larme qui avait finie par couler, avant de fixer mon regard sur l’attroupement qui se constituait en bas. Cromax approchai, survolant l’immense dragon noir, encore plus impressionnant et terrible vu de près. Et là, devant lui, Oaxaca se tenait, droite et fière. D’autres approchaient, ses généraux, ses alliés, ses ennemis. Ce serait le dernier affrontement, mais avant de tirer les armes, il restait encore une carte à jouer. Et il fallait la tenter.


***


état des consommables après "pillage"

Ceinture de consommables : (Haute qualité)
  • Grande gourde magique : (Contient [16/16 doses] de potions. Le liquide bu est choisi mentalement par le personnage
    • 8 potions de soin moyennes (Soigne une blessure légère)
    • 6 Énormes potions de soin (réduit d'un rang une blessure jusqu'à incapacitante)
    • 2 Grandes potions de soin (réduit d'un rang une blessure jusqu'à grave)
  • Grande gourde magique (Contient [14/16 doses] de potions. Le liquide bu est choisi mentalement par le personnage lors de l'absorption dans la gourde. Liquide contenu :
    • 6 Grands élixirs d’énergie (rend 20PE)
    • 6 Élixirs d’énergie moyens (rend 10PE)
  • 2 Potions de robustesse (permet de contrer les effets d’étourdissement pendant un combat)
  • Grande gourde magique (Contient [16/16 doses] de potions. Le liquide bu est choisi mentalement par le personnage lors de l'absorption dans la gourde. Liquide contenu :
    • 4Énorme potion de mana (rend 16PM)
    • 6 Grandes potions de mana (rend 8 PM)
    • 3 Potions de coagulation (arrête un saignement)
    • 3 Potions de clairvoyance (permet de contrer les effets magiques diminuant la visibilité pendant un combat)
  • Shurikens en Olath (Arme à distance à une main, haute qualité) (10)
  • 1 Enorme potion de soin
  • 1 Élixir de lien organique (permet de recoller un membre arraché/tranché)


[XP : 1,5 (discussions) + 4 (hécatombe du Dragon Noir) + 1 (événement traumatisant). Et je rajoute une rune Hi.]

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Kiyoheiki
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Re: Les Portes et Remparts

Message par Kiyoheiki » sam. 4 sept. 2021 10:24

~Auparavant~

~*~

Suite à ma lutte pour ralentir les troupes à pied, ma forme longiligne se dirige vers les portes où je peux voir divers déferlements de magie. Un mur de feu est dressé, contourné ou franchi par des combattants. Une clameur monte des environs sans que j'en comprenne exactement l'origine. Lorsque je me trouve finalement sur les lieux, volant au-dessus des remparts et regardant en-dessous, c'est pour constater que le Ser Cromax est parvenu à exhorter un Karsinar blessé et les défenseurs d'Ynorie à temporairement cesser la lutte. Les troupes sous le commandement du général et de la liykore battent en retraite. À proximité, quelques voix font part de leur étonnement. Les protecteurs de la Capitale semblent indécis quant à manifester ou non leur satisfaction d'avoir repoussé l'assaut. Mon regard violet demeure posé sur les forces de siège s'éloignant de nos murs, laissant derrière eux nombre de corps brisés par magie ou projectiles. Combien avaient été perdus et combien allaient encore tenter leur chance contre les parois de la cité ?

Depuis les airs, je ne peux manquer le terrible mouvement de la gigantesque masse sombre surplombant le champ de bataille. Le Dragon Noir se pose avec brutalité entre les deux armées ennemies au sud-est. Son corps, tel le mien un peu plus tôt, heurte les présents. Mais contrairement à moi, la force employée se mêle à une indifférence certaine. Pour cet être au statut inqualifiable, les troupes ne doivent ressembler qu'à de petites colonies d'insectes. Une sensation de catastrophe imminente m'envahit. Pour quelle raison le Dragon Noir aurait-il besoin de se poser ? De ma position aérienne, je décèle comme un moment de flottement autour de la zone. Les soldats de Karsinar partis, je peux me permettre d'aller prêter main-forte à d'autres fronts. Je commence à me diriger vers les lieux lorsque qu'une brutale sensation de vertige m'envahit. Un son sourd et grave résonne dans ma forme, comme des milliers de mains cherchant à s'infiltrer sous mes écailles pour me frapper au cœur. Mon long corps frôle les remparts, m'offrant un vague soutien pendant un instant semblant durer une éternité.

Lorsque l'impression se dissipe, mon regard violet se tourne immédiatement vers le Fléau qui semble être le responsable tout désigné de cette situation. Ma vision est d'abord celle d'un champ de couleurs sombres. Le sol est comme tapissé, recouvert. De seconde en seconde, je discerne ce que je vois. Des corps. Des individus étendus au sol, pour certains recroquevillés sur eux-mêmes, pour d'autres tombés sur les corps déjà présents. Ils semblent avoir été balayés, soufflés par quelque chose. Peu à peu, à mesure que mes yeux glissent d'une forme à une autre, le malaise que je ressens s'explique par le soudain silence. La clameur des combats a laissé place à une absence de bruit. Seul le lent claquement d'une fine pluie sur mes écailles perturbe cette atmosphère. L'eau s'amasse dans ma crinière et entre mes bois. Un mince filet aqueux glisse le long de ma paupière à l'écaille ébréchée, longeant mon visage alors que je découvre les miens.

Mon Peuple... Mes protégés... Les soldats gardant les portes... Les civils encore présents près des décombres... Ceux qui pansaient les plaies des victimes... Tous silencieux. Je me tourne vers les remparts, apposant mes pattes avant contre le rebord et tendant mon museau vers un archer encore debout. Je n'ai pas même pu l'effleurer que son corps commence à glisser. Je le soutiens un bref instant, mais il finit par choir lentement. Un jeune homme, aux yeux écarquillés mais vides. Aucune marque visible sur son corps. Aucune plaie qu'il me soit possible de soigner. Sa vie a été prise, fauchée aussi aisément que si cela avait été un brin d'herbe. Lorsque je me tourne légèrement vers la plaine de Kôchii, l'ampleur de ce que vient de faire le Fléau s'impose à ma conscience. Pour la seconde fois... J'ai échoué à protéger les miens. Mais la menace est bien plus importante encore. Sans distinction, alliés comme ennemis, vivants comme défunts relevés, nul n'a été épargné par la Mort dispensée par la créature. Et puis, surgissant d'une brume, des troupes brillant d'un éclat argenté apparaissent. Des alliés supplémentaires de la Demie-Déesse ? Des opposants ? D'où viennent-ils et pourquoi à présent que les armées ont été décimées ?

Avec une violence inouïe attirant mon attention, ma perle dorée pulse et est parcourue de petits flashs lumineux. Grandement perturbée, elle se trouble et s'éclaircit par intermittence, telle une fenêtre donnant sur une tempête. Je m'en détourne quand la jeune Yliria me crie de venir à elle, le ser Cromax prostré à ses côtés. Vivante. Vivant aussi. Tous n'ont pas été fauchés par la Mort. Espoir, quand bien même l'elfe semble frappé par une douleur intense. Je me pose à côté d'eux et plonge mon regard dans ma perle dorée secouée de troubles brutaux.

Croissante, intense, une peine brutale m'envahit petit à petit. Ce n'est pas une dizaine de concitoyens... Ce sont des milliers de vies... D'innombrables consciences perdues. Inconnus ou visages croisés au détour d'une promenade dans la cité voire même collègues de travail... Tous... Tous perdus... Par ma faute... J'ai échoué. J'ai échoué ! Je n'ai pas su protéger les miens... Inutile... Faible... J'ai été incapable d'en sauver ne serait-ce qu'un seul ! À quoi bon être affublé du titre de Protecteur de l'Ynorie quand je... Quand je suis... Le seul ynorien encore en vie dans cette partie de nos terres... Pourquoi ? Pourquoi ai-je survécu, moi ? Moi ?! Le bâtard shaakt qui a mis tant de temps à prouver à la République qu'elle pouvait se fier à moi ? Est-ce ma punition ? Ai-je laissé mon égo prendre le pas sur le reste ? Ai-je été arrogant de penser pouvoir défendre mon Peuple contre des forces plus que jamais déterminées à nous exterminer ?

J'agrippe ma poitrine d'une main, crispant les doigts sur mon armure de Treeof. Elle crisse. C'est un cauchemar... Une illusion... Une salve de magie m'ayant enfermé dans une vision infernale, comme sur Aliaénon ! Ils... Ils ne peuvent pas être tous morts ainsi, sans même savoir ce qui leur est arrivé ! Fauchés... Vidés... Il n'y a plus ici que des enveloppes, des chrysalides de forme humanoïde... Et... Je ne n'ai pas su empêcher cela. Ils... Ils vont tant m'en vouloir... Moi-même... Je ne suis plus en mesure de regarder le vague reflet renvoyé par mon arme. Que puis-je faire ? Je... Je ne peux pas les laisser... Seuls, face au néant. Je les ai déjà abandonné... Par deux fois... Il me faut... Peut-être... Peut-être devrais-je... Par respect...

Gaïa... Cette pression dans ma poitrine... La douleur est si forte...

(... Gé... Prot.. ! Kiyoheiki !)

Mes yeux clignent brièvement, la chair de mon pouce piquée au sang contre le fil de mon arme. Ma pensée s'accroche à cette voix connue perçant le sifflement sourd prenant ma tête en étau. Cet appel... Cette lueur dans la pénombre...

(O... Okina... Okina !)

(Acte désespéré ne soulage que son auteur.)

(Je...)

(Égoïste n'est point Kiyoheiki, mon Protégé.)

(Ce n'est... Ils... Je n'ai pas su les sauver...)

(Du Fléau nul ne connait les desseins. Dragon d'Or face à Terreur des Divins. Nulle équité. Point de justice.)

La peine demeure trop forte, malgré les paroles de ma faera. Mon pouce s'enfonce un peu plus contre ma lame. Une goutte de sang se mêlant à celle de pluie et dévalant le métal attire mon attention pendant un court instant.

(Les murs n'offrent nulle protection contre des engeances de légende. Nos soldats ne sont plus. Mes concitoyens non plus... Mes proches... Ma tendre Talia... Que... Que me reste-t-il, à présent ?)

(Louable le respect aux trépassés, mais inférieur au serment du guérisseur. Recentrez vos pensées. Secourir les vivants en difficulté, telle devrait être votre priorité.)

Vivants... Quels vivants ? Ah, ceux qui se tiennent juste à côté de moi. C'est sans réfléchir davantage que je dirige mes fluides vers Cromax, tentant de calmer la migraine qui le saisit. Mes yeux se plissent un peu quand je comprends que son origine est liée à un appel de la Reine d'Omyre. Même lui, qui s'était interposé pour faire cesser la lutte, est lié à celle qui vient de tout ruiner. Je sais depuis un moment déjà que faire confiance à des aventuriers peut finir en trahison et déception, mais cela n’empêche pas mon chagrin de se muer lentement en amertume envers l'elfe. Ma main glisse le long de mon arme et se serre. Peut-être devrais-je agir avant qu'il contribue à mon malheur. Offrir à nos disparus une offrande à la mesure de ma culpabilité. Et si cela me tue ? Soit.

Après tout, je n'ai plus rien ni personne à perdre.

(Hâtif jugement n'est qu'aveuglement et source de regrets.)

(... Pardon ?)

(Voilé par vos tourments, votre esprit s'est clos à mes mots. Regardez. Comprenez.)

Je jette un bref coup d’œil vers les portes, voyant des ynoriens arriver depuis l'intérieur de la cité. Vive inspiration. Des survivants. Et suffisamment nombreux pour que ce ne soit pas un coup de chance. Quoi qu'ait fait le Dragon Noir, il n'est pas parvenu à tout me dérober. Immédiatement, je plaque la main contre mon torse, diffusant un sort destiné à calmer mes sentiments négatifs. L'horreur m'étreint encore, mais elle ne me contraint plus. La spirale dans laquelle mon esprit s'enfonçait cesse. Mentalement, je remercie ma faëra et laisse mes pensées s'éclaircir un peu. Mon cœur cogne encore lourdement. Je sais qu'il me sera impossible de faire abstraction de ce chagrin, mais pour le moment, la priorité va à ceux qui restent.

Après avoir dégluti et repris contenance, je remarque que le jeune Cherock est aussi là, avec Yliria et un Cromax toujours affecté. À voix haute, je songe que si Oaxaca donne les ordres, ce sont ses généraux et le Fléau qui ont le plus œuvré dans cette guerre. Je me dis aussi que si ces troupes argentées ont les moyens de faire tomber une enfant des dieux, je leur offrirai la possibilité de s'y adonner. Sinon, je compte appuyer mes compagnons actuels dans leurs plans. L'elfe change d'apparence, prenant celle d'un dragon d'argent et de pourpre, visiblement prêt à partir. Est-ce à cause du massacre ou des tensions accumulées ? Toujours est-il que les deux jeunes gens se lancent des paroles désagréables, le ser Cherock allant attraper le bras de Yliria. Le geste me fait légèrement froncer les sourcils, les émotions turbulentes de la demoiselle me laissant penser que cela va mal tourner.

"Violentes émotions donnent force mais obscurcissent le jugement. Permettez-moi de les atténuer."

J'emploie le même sort d'apaisement vers eux et l'être métamorphe, décidé à les aider à regagner un minimum de sang-froid. La demie-elfe semble plus que déterminée à faire rendre gorge à la sombre Dame. J'avise le dragon elfique, une question en tête afin d'anticiper une situation désastreuse.

"Ser Cromax, l'idée ne me sied guère, mais avez-vous quelque ancienne blessure ou point faible à exploiter si... Le pire devait survenir. "

J'apprends que son apparence n'améliore pas ses capacités et que malgré son aspect, il ne me faut pas redouter plus que ce que lui-même est apte à faire. J'ai à peine le temps d'acquiescer que Cherock se retrouve au sol, temporairement neutralisé par une Yliria décidée à le laisser là pour lutter seule contre la demie-divinité. La voix puissante du porteur de la Kizoku-Rana énonce mon nom avec violence, et je comprends immédiatement ses intentions. Comme moi, il ne veut pas rester sans rien faire à attendre de mauvaises nouvelles. Il me reste des ynoriens à protéger. Mon Devoir peut encore être accompli. Je ne me défilerai pas. Je ne laisserai pas ceux que j'estime risquer et possiblement perdre leur vie sans moi. Quoi qu'il m'en coûte, une fois pour toute... Pour l'Ynorie.

Aidé par la voix de Okina, je refoule mes sentiments et laisse mon Devoir prendre le pas. J'ouvre les yeux quand mon voisin parvient à se remettre debout. Décollant immédiatement, je le saisis de mes pattes et me hâte en direction du dragon Cromax. Je parviens à le rattraper et tente de le prévenir de ma présence en interceptant la fine pluie tombant sur lui. Dans mes pattes, Cherock se débat et j'ai juste le temps de réduire quelque peu la différence de hauteur qu'il choit auprès d'Yliria. Ma longue forme accompagne le petit groupe en direction des responsables de cette tragédie. Plusieurs silhouettes font de même, me laissant brièvement perplexe quant à leur nature. Peu nombreux sont ceux à avoir échappé à la Mort. Devrons-nous pourtant lutter encore jusqu'à la totale extinction ?

La pluie accumulée sur mes écailles forme de nouveau quelques gouttes plus lourdes. Elles dévalent mon profil, traçant un sillon luisant le long de ma joue et allant se perdre dans le courant d'air balayant le silencieux charnier.



~Suite~


[XP : 4 (hécatombe du dragon noir) + 1 (événement traumatisant) + la rune Nou]
Modifié en dernier par Kiyoheiki le sam. 11 sept. 2021 11:47, modifié 1 fois.

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Leyna
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Re: Les Portes et Remparts

Message par Leyna » sam. 4 sept. 2021 15:24

Ils avaient remporté une grande victoire, et il semblait que l'espoir put revenir dans la ville... mais à cet instant, une ombre sinistre tomba sur le champ de bataille. Le dragon, après avoir dévasté les rangs de la ville martyre, s'était posé au milieu des troupes.

Alors, une sourde mélopée monta de sa masse, musique étrange, comme venue d'un autre monde, elle résonnait d'accord emplis de mystères et de promesses sinistres. La jeune femme sentit une horreur froide monter en elle tandis qu'elle devinait un sortilège inconnu, même de la profonde mémoire des earions. Aussitôt, elle se mit à couvert, craignant ce qui allait frapper, mais rien n'aurait pu la préparer à cela.

Autour, les soldats se mirent à hurler d'effroi, tandis que leur âme était arrachée dans un nuage de mort. Leyna elle-même sentit comme si son âme menaçait d'être arrachée, aspirée dans un abîme sans fond, un vide éternel et incommensurablement terrifiant.

Alors, elle porta les mains à ses oreilles et pria.

(Moura, notre dame des flots, qui m'avez guidé jusqu'ici, ayez pitié de votre servante. Si je dois mourir, donnez-moi une mort digne ! Donnez-moi une chance de me battre ! Donnez-moi la force... de continuer à vivre !)

La pression s'accentuait, encore et encore... mais sa main trouva sa petite amulette de dauphin et elle y trouva un peu de réconfort. Elle n'avait rien fait pour déplaire à la déesse. Il n'y avait aucune raison que celle-ci la punisse...

Puis, tout s'arrêta. Elle était vivante. Elle tituba légèrement pour se remettre debout... Autour, il n'y avait que des cadavres. De braves soldats ynoriens qui étaient tombés, fauché par la fureur du dragon. Son sang se glaça. Qu'en était-il de Mythanorië ? Et de Heartless ?

Son regard se porta vers le champ de bataille... et elle ressentit un nouveau choc en voyant ce qui avait interrompu Oaxaca et le dragon. Une forme grise. Une armée étincelante de miroirs... et même à cette distance, elle ne pouvait ignorer ces reflets qu'elle avait combattu par le passé.

Les fanatiques de Brytha.

En cet instant, elle se sentit perdue. Être sauvée par la déesse qui rejetait les éléments n'était pas ce qu'elle souhaitait, mais c'était ainsi. Et maintenant, il allait falloir choisir son camp. Elle n'était pas sûre de vouloir le faire... Il fallait... elle détourna le regard. Il fallait partir à la recherche des autres.

Lorsqu'elle trouva le pirate, celui-ci semblait effondré, se demandant ce qu'ils pouvaient faire face à cela. La situation, effectivement, était hors de leur portée. La jeune femme secoua la tête :

« Oaxaca a battu le rappel de ses troupes. Non seulement Perailhon ne nous laissera pas partir, mais il pourrait bien débarquer très bientôt... J'ai bien peur que nous n'ayons plus d'autre choix que de combattre jusqu'au bout, que ce soit pour partir ou pour vaincre. »

Mythanorië appuya ses paroles. Aussi, ils décidèrent d'aller voir les conseillers survivants pour les prévenir. Plusieurs aventuriers étaient déjà là, alors que le désespoir était palpable. Heartless fit alors remarquer la menace qu'ils avaient deviné, proposant que la confrérie s'en occupe. La prêtresse appuya :

« Nous ne pourrons faire face à la flotte seuls. Mais nous essaierons. »

Mais ils n'en eurent guère le temps : un choc violent signala l'accostage du navire de Perailhon en dehors de la ville ! Répondant à l'appel de sa maîtresse, le titan des mers avait carrément échoué sa montagne d'acier pour venir à pied...

Aussitôt, ils se mirent en marche pour aller à sa rencontre. La jeune femme sentit son cœur s'accélérer. Ils allaient à la rencontre de son père... probablement pour le tuer. Elle ne se sentait pas de taille, mais pourtant, même si c'était un monstre, elle espérait pouvoir le rendre fier en témoignant de sa force !

En chemin, Heartless, plus observateur qu'il n'y paraissait, nota qu'elle semblait avoir déjà rencontré les guerriers gris. Elle hocha sobrement la tête :

« Les prédicateurs de Brytha ont perturbé le culte et attaqué le temple, lorsque j'étais prêtresse à Darhàm. Ces gens sont intolérants et violents. Et ils méprisent tous les dieux élémentaires, y compris Moura. »

Restait la question de ce qu'ils voulaient... hélas, Leyna n'avait que peu d'informations à ce sujet.

« À part tuer des fidèles des autres dieux ? Et remplacer tous les cultes par le leur ? Je l'ignore... je gage que l'opportunité de tuer Oaxaca leur convient, comme preuve de leur puissance. »

Ils continuèrent leur chemin dans la plaine, au milieu des cadavres et de la terre trempée de sang au point d'être boueuse par endroits. Marchant devant, deux petites silhouettes avançaient, et l'une d'entre elles était son père...


[XP : 4 (hécatombe du dragon noir) + 1 (événement traumatisant) + 0,5 (prière)

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Heartless
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Re: Les Portes et Remparts

Message par Heartless » mar. 7 sept. 2021 20:18

Alors qu'il finissait ses affaires, Sirius risqua un coup d’œil sur Leyna, profitant du fait qu'elle ne faisait pas attention à lui. La frêle semi-elfe faisait tout avec la plus froide des déterminations, complètement absorbée par l'image de la déesse Moura. Mythanorië, elle, semblait avoir adopté la vie de marin alors qu'elle était prédestinée à rester sur la terre ferme, et était devenue l'image d'un capitaine intrépide prêt à tout pour son équipage. Mais qu'en était-il du borgne ? Quelle image leur avait-il renvoyé, au fil de ces dernières heures ? Il avait entraîné l'équipage de la Rascasse au beau milieu d'une guerre qui ne les concernait pas vraiment, à la recherche d'un tremplin pour le beau nom de la Confrérie d'Outremer, et pour le sien aussi, sans doute. Capable de bafouer ses propres ordres au gré de ses humeurs, mais croulant tout de même face à l'adversité, combien de temps pouvait-il encore prétendre être le meneur de cette clique singulière avant qu'il ne passe pour un simple imposteur ? Il vit de loin Cherock et la jeune femme amenée par Cromax descendre les escaliers, probablement sortis d'un rapport aux conseillers militaires d'Oranan.

Alors qu'il était perdu dans de sombres pensées, un rugissement secoua le monde. Le Dragon Noir avait commencé son œuvre apocalyptique.

Sirius, ainsi que tous ceux qui l'entouraient, se prirent la tête dans les mains et sentirent leur corps, non, leur essence même s'échapper. Tout le temps que persistait le cri, tous furent tiraillés d'une sensation trop étrangère pour être de la douleur, mais qui affolait leurs sens jusqu'à la panique. Le pirate s'écroula, incapable de résister, un bruit sourd répondant à toute tentative de hurlement. Partout, les gens tombaient. Le regard du gamin vendeur de potions perdit toute étincelle et il tomba raide mort en face de lui. Les soldats ynoriens qui avaient survécu aux pires dangers percutèrent violemment le sol, et les archers pleuvaient des murailles, brisant leurs cous en contrebas.

Enfin, le Dragon se tut. Il n'avait fallu que quelques secondes pour que toute vie soit aspirée du champ de la dernière bataille. Quand Sirius, surpris d'être encore en vie, parvint à se relever, il constata la cruauté sans limites d'Oaxaca. Les ruelles étaient jonchées de cadavres. Indemnes, c'était comme si leur âme avait été arrachée à leur corps. Un sort impitoyable qui lui rappela une histoire. On disait parfois que le Dragon Noir refusait tout repos infernal à ses victimes. Bien sûr, on racontait aussi, à l'inverse, que les âmes fauchées atteignaient directement la paix de l'au-delà, mais ce qu'il venait de se passer donnait bien plus de crédibilité aux premières rumeurs.

"Mais... mais qu'est-ce qu'y vient d'arriver, bordel ?!" geignit-il, désespéré.

Pris d'inquiétude, le marin chercha Leyna du regard, pour constater qu'elle aussi se remettait péniblement de ce qu'il venait de se passer. Il semblait que quelques âmes, plus résistantes que d'autres, avaient résisté à l'appel vorace du Dragon. Elle secoua la tête.

"Je... je vais tâcher de rester forte... mais jamais je n'avais vécu une telle chose."

Un outrage. Tout ceux qui avaient enduré cette cruelle épreuve le pensaient, à un niveau ou à un autre. Le Dragon Noir était un outrage à tout ce qui vivait, et Oaxaca était sa complice, prête à sacrifier d'innombrables vies pour ses projets, même celles de ceux qui lui étaient loyaux. En effet, nombre de liykors et d'orques gisaient sans vie sur le champ de bataille, non loin des cavaliers balayés. Sarl était sans doute là, quelque part, à rugir de trahison et d'impuissance. Elle avait parié sur le mauvais cheval.

"Comment vont la capitaine ? Et le reste de l'équipage ?"

Sirius prit sa tête dans ses mains.

"Merde, oh merde..."

Il se releva, titubant entre les cadavres. Il détourna son regard des yeux vides du vendeur de potions.

"On doit rejoindre la Rascasse. Où est Mytha ?!"
"Pas loin."


L'oudio était sortie de derrière eux, redressant son tricorne pour ne pas laisser paraître ses émotions. Mais à la manière dont elle regardait le sol, il était évident qu'elle était affectée par l'horreur qui l'entourait. Elle posa ses yeux verts sur Sirius. Pendant un instant, il ressentit le poids de la culpabilité. En même temps qu'elle, il se souvint des hommes et femmes de la Rascasse qui demeuraient au centre de la cité.

"Moura ! Les autres !"

Craignant pour leurs camarades, les trois compagnons enjambèrent les morts pour aller les chercher au canal. Lorsqu'ils aperçurent le navire denté, le cœur de Sirius était lourd de doutes, mais bien vite, il vit des ombres se hisser par-dessus le bastingage pour les accueillir. Nahöriel fut le premier à accourir, il enserra Leyna, heureux de la voir sauve. Son geste fut précédé des clameurs de l'équipage pour le retour des trois. Un grand nombre se précipita pour les accueillir, visiblement éreinté par les derniers événements. Sirius eut même droit à une remarque cinglante de Lydia :

"Ha, on voit qui s'est pris le plus de claques, entre les trois ! Y'a une muraille qui vous est tombée dessus, cap'taine ?"
"Ha. Ha. Ha."
répondit sarcastiquement Sirius.

Le fait qu'il puisse encore faire preuve de répondant le surprit presque. Une minute plus tôt, il sentait le monde s'écrouler autour de lui. Mais même dans ces conditions, au bord du désespoir, ce navire toujours voguant sur ce petit canal avec son équipage plein de verve était comme une oasis au milieu du désert. Gallion l'accueillit avec la même expression moqueuse.

"Tu nous as ramenés dans un bien beau bordel. Comme quoi, y'a des choses qui changent jamais."
"Ouais... J'imagine."


Ils regardèrent tous deux la baie, noircie par un implacable blocus.

"On est pris au piège."
"Ouais... On pourrait... tenter de repasser."


Après tout, ils auraient bien raison de fuir. Ils étaient des intrus dans les pages de l'Histoire, et leur sacrifice ne valait pas une toute petite mention dans ces dernières. Que pouvaient-ils bien faire, un simple équipage pirate, au milieu des héros du camp kendran et des fléaux omyriens ? Mais une simple pensée le retenait.

"Mais... Si cette fois, je m'enfuis... J'pense que je m'en voudrai."

Il écuma du regard l'équipage au complet de la Rascasse. Des gens venus de rien qui avaient choisi de suivre l'appel de l'aventure, chacun pour ses propres raisons. Pour certains, ils n'avaient peut-être pas vraiment eu d'autre choix. Il y avait ceux comme Leyna, poussés par un destin cruel, et ceux comme Mythanorië, possédés d'une volonté qui n'était que la leur.

"Eux aussi." fit Sirius en quittant le colosse.
"Y sont plus costauds qu'ils n'en ont l'air. Et prêts à s'battre, en prime."

Le borgne hocha la tête, puis regarda les murailles. Il devina la présence des conseillers d'Oranan, épargnés par le cataclysme. La voix claire et impérieuse de la Reine Noire avait appelé les Treize à elle. La bataille finale approchait, et avec elle, une conclusion inéluctable. Allaient-ils se retrouver du bon côté de l'Histoire, où allaient-ils tout perdre sur le pas du renom ? Il rejoignit les deux championnes de la Rascasse, affichant un air perplexe.

"Tout est parti en couille. Tout ça... ça nous dépasse complètement. Qu'est-ce qu'on peut faire ?"
"Oaxaca a battu le rappel de ses troupes. Non seulement Perailhon ne nous laissera pas partir, mais il pourrait bien débarquer très bientôt... J'ai bien peur que nous n'ayons plus d'autre choix que de combattre jusqu'au bout, que ce soit pour partir ou pour vaincre."
"En effet, cela nous dépasse. Nous ne pouvons lutter que contre ce qui est à notre mesure. Et comme l'a dit Leyna, il faut s'attendre à voir débarquer le responsable du blocus voire ses sbires sous peu."
"Dans ce cas, il nous faut un plan."


Sirius tourna les talons, suivi de près par la prêtresse bleue et la capitaine de bois. Ils montèrent les murailles jusqu'aux conseillers, ignorant la hache imposante de Karsinar, plantée au sol en contrebas. Les conseillers Hoga Tirama, Shen Muri et Nora Shimi ne firent pas d'effort pour les accueillir, encore sous le choc.

"Conseillers..." soupira l'oudio compatissante. "Je ne prétendrai pas savoir ce que vous ressentez quand bien même je m'en doute. Jugez-moi insensible ou cruelle mais... Cette horrible bataille n'est pas finie. Une partie des vôtres a été épargnée plus loin, vers le port. Mais avec l'appel de la garce noire faisant venir ses généraux à elle..."

Le capitaine Hartingard s'était avancé jusqu'au bord des murailles, arborant un air grave inhabituel. Une armée inconnue avait fait irruption sur le champ de bataille, ses soldats de gris vêtus n'arborant aucune couleur. Leyna les dardait avec haine. Il se souvenait des paroles de Sirat. Pouvaient-ils être les comploteurs qui l'avaient amené à rallier le camp d'Oaxaca ? Les choses allaient sans doute devenir de plus en plus compliquées...

"Perailhon va sans doute attaquer le port pour la rejoindre. Ses troupes à lui sont fraîches, il pourrait en profiter pour conquérir la cité. Si ça se trouve, il a déjà commencé. On est coincés ici avec vous. Si personne ne s'déplace pour régler ça, la Confrérie d'Outremer s'en charger-"

Il fut interrompu par un crissement sourd venu du Sud. Tous se retournèrent pour assister au spectacle du cuirassé fendant littéralement la côte sur une dizaine de mètres pour s'échouer sur le champ de bataille, calé contre la roche.

"Je crois que notre port n'est pas leur cible..." intervint Hoga.

Cela devait être l'appel d'Oaxaca. Sa voix devait être irrésistible pour les Treize, qui étaient liés à elle par plus que de la magie. Sirius vit au loin, au centre du champ de bataille, au-delà de la barrière végétale dressée par Leona pour que les alliés ne puissent faire fondre leurs armées directement sur les assiégeants d'Oranan, la forme du gigantesque Dragon, et un attroupement se créer petit à petit autour de lui. C'était ici que tout allait se décider, sous un ciel noir de fin des temps, sur ces rizières boueuses recouvertes par la neige en un seul endroit. Dans le ciel, deux dragons, un gris et un doré, bien plus petits que celui-ci, partaient rejoindre le centre, chevauchés par les aventuriers protecteurs d'Oranan.

"Oaxaca et ce maléfique Dragon sont la menace principale ici. Nos hommes tiendront le port."

Sirius se tourna vers Hoga.

"On est venus avec deux navires. Le premier est ici, son équipage vous aidera si vous demandez gentiment. Le second a été lancé sur le blocus en brûlot. Il a été coulé, mais il transportait un bon paquet d'huiles. En ce moment, ces huiles doivent s'être bien répandues à la surface de l'eau. Si les envahisseurs avancent, dites à vos archers de les arroser de flèches enflammées. En c'qui nous concerne..."

Il posa le Harpon des Profondeurs contre son épaule, adressant un regard déterminé à ses alliés, puis leur emboîta le pas.

"On a des culs à botter."

En descendant les escaliers, ils croisèrent Sibelle, à laquelle il adressa un salut presque triste. Elle avait choisi de récupérer l'arme de Karsinar, et cherchait elle aussi à contacter les conseillers. Il espérait juste que, peu importe son choix, elle s'en sortirait.

Après avoir quitté les murs, Sirius s'arrêta un instant devant les dépouilles jonchant le sol à la sortie de la ville. Un feu brûlait au fond de lui, ravivé par la présence rassurante de marins ayant choisi sa voie. Il voulait gagner. Il s'arrêta devant l'étal de potions, qui avait jusque là rationné les soldats partant au combat. Ces soldats n'en avaient plus besoin, à présent. Il décida d'accrocher une de ses bouteilles d'absinthe à sa ceinture. Conscient que le combat qui s'annonçait pouvait très bien être son dernier, il sortit de son paquetage la plume de Phénix qu'il avait obtenue en Imiftil, après son voyage aux Enfers. Muni d'un bout de ficelle arraché à sa chemise, il la noua autour de son cou. Il espérait qu'elle était emprunte des pouvoirs de ces oiseaux mythiques. Il ne voulait pas mourir, et encore moins voir ses alliés subir ce genre de sort.

En chemin, Sirius aborda Leyna alors qu'il sirotait une gourde magique pour se remettre en condition :

"J'ai l'impression que c'est pas la première fois que tu croises ces soldats gris. Je m'trompe ?"

Elle répondit en hochant la tête, son visage éternellement impassible.

"Les prédicateurs de Brytha ont perturbé le culte et attaqué le temple, lorsque j'étais prêtresse à Darhàm. Ces gens sont intolérants et violents. Et ils méprisent tous les dieux élémentaires, y compris Moura."
"Charmante compagnie. Et y veulent quoi, au juste ?"
"À part tuer des fidèles des autres dieux ? Et remplacer tous les cultes par le leur ? Je l'ignore... je gage que l'opportunité de tuer Oaxaca leur convient, comme preuve de leur puissance."


Des opportunistes, donc. Le vécu de la rousse semblait justifier la méfiance de l'humoran. Ces fidèles de Brytha ne préparaient sans doute rien de bon, mais en l'état des choses, Oaxaca restait la menace principale. Non, plus qu'Oaxaca, c'était le Dragon Noir. La déesse conquérante représentait un danger dérisoire en comparaison de cette force bafouant la nature. S'il y avait moyen d'occire ce dragon pour de bon, ou de le sceller d'une manière ou d'une autre, la vie sur Yuimen serait bien plus simple, et Oaxaca serait désarmée. Il se demanda si Sirat en était arrivé à la même conclusion.

Les discussions prirent fin lorsque Sirius et sa cohorte aperçurent des silhouettes convergeant vers leur destination. Deux ombres. Avaient-ils rattrapé Perailhon sans son escorte ?


((( Consommation de deux doses d'élixir d'énergie pour revenir au maximum de PE (passage à 12 doses)
S'attache la Plume de Phénix autour du cou, possibilité de l'ajouter aux consommables ? )))

État actuel de la ceinture de consommables :


Ceinture de consommables : Qualité Héroïque
  • Grande gourde magique (Contient [12/16 doses] de potions. Le liquide bu est choisi mentalement par le personnage lors de l'absorption dans la gourde. Liquide contenu :
    • 12 Grands élixirs d’énergie (rend 20PE)
  • Grande gourde magique (Contient [9/16 doses] de potions. Le liquide bu est choisi mentalement par le personnage lors de l'absorption dans la gourde. Liquide contenu : )
    • 9 Grandes potions de soin
  • Carquois pour 50 munitions : 47 Carreaux parfaits (jet de blessure +2)
  • 1 Bouteille d'absinthe fort
  • 1 Énorme potion de soin
  • 1 Énorme potion de soin
  • 1 Énorme potion de soin

[XP : 4 (hécatombe du dragon noir) + 1 (événement traumatisant) + 1 (discussions) + 0,5 (pillage et voyages)]
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Mythanorië
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Re: Les Portes et Remparts

Message par Mythanorië » mer. 8 sept. 2021 20:56

*<---*

*5*

Les instants qui suivent la vue des troupes de siège passent à la fois au ralenti et à toute vitesse. Je me vois avec d'autres préparer la défense des murs et monter aux remparts tenant encore debout. Quelques ynoriens armés d'arcs ou visiblement dotés de magie ont des visages fermés. Tandis qu'éclairs et salves marines entravent l'avancée des troupes, j'ai du mal à me concentrer efficacement. La faute à un duo d'ynoriens non loin se prenant le bec à grand renfort de diminutifs. Les dénommés Jun' et Aya' se mettent au défi quant auquel fera choir le plus d'adversaires. Je trouve le jeu des plus malsain et vil, d'autant que l'enjeu est la mort d'individus, pas la destruction de simples mannequins de paille. Je trouve leur attitude des plus inappropriée, jusqu'à ce que je tourne mon attention vers eux. Deux jeunes gens à peine adultes, masquant la peur qui les étreint par des paroles pesant peu. Ils ont beau discuter avec légèreté, leurs expressions sont aussi graves que celles des vétérans présents non loin. Entre deux répliques, ils échangent des regards que je connais bien pour les contempler malgré moi entre Leyna' et Nahöriel. Mon corps de bois tressaille lorsque je vois la jeune femme conjurer une boule de feu et la lancer vers les troupes ennemies. Elle fait mouche, et ceux qui n'ont qu'été effleurés par les flammes reçoivent les flèches de son compagnon. Ils se défendent bien et s'encouragent mutuellement en prenant un certain Kiyo' en exemple, ce dernier tenant apparemment un front seul. Un héros local, sans doute. Aucun guerrier ne peut faire face sans soutien à des troupes aussi nombreuses.

Bientôt, les hostilités sont au pied des murailles. Je comprends à peine ce qui se passe, si ce n'est que le borgne que j'ai eu toutes les peines du monde à soigner rend tout mon travail caduc. Je déroule mes serpentins et les colle contre mes yeux, refusant de regarder Sirius passer de figure inspirante à éclopé. Encore. La seule chose que je comprends est qu'une sorte de terrain d'entente a été trouvé et que les assiégeants décident de se replier. À côté de moi, les ynoriens semblent dubitatifs, comme s'ils s'attendaient à ce que ce ne soit qu'une ruse pour préparer une contre-attaque fulgurante. Et alors que les premières clameurs de soulagement se font entendre, un mouvement au loin dans la plaine attire quelques regards et font pointer des doigts. Une forme sombre, dépassant des armées. Je cligne des yeux et les plisse, cherchant à mieux voir.

Et puis, un vrombissement... Une sensation de vertige s'empare de moi. Ma main se rive à mon tricorne, l'autre s'appuie lourdement contre les remparts. Ma sève ralentit et je redoute d'instant en instant qu'elle se cristallise et tourne ambre dans mes canaux. Désorientée, perdue, je ne suis pas même en mesure de m'inquiéter de ce qui se produit, luttant pour ne pas choir. Je perçois des sons vagues, des percussions ou des choses chutant à proximité. Peu à peu, les tremblements s'atténuent. Ma tête se secoue lentement tandis que mon équilibre refait petit à petit surface. Je me redresse, dardant immédiatement le regard sur le côté et m'apprêtant à demander si tout le monde va bien à la ronde. Mais... Ma voix demeure bloquée dans ma gorge. À ma gauche, à ma droite... Je suis le seul être encore debout. Sonnés ? Ont-ils perdu connaissance à cause de cet étrange son ? Je me jette auprès des ynoriens les plus proches, s'avérant être le jeune couple. Allongés l'un contre l'autre, leur chevelure brune masque leurs traits. Mes doigts d'écorce souple se rivent à l'épaule de l'archer et la secoue. Pas de réaction. Mes yeux clairs poursuivent leur route sur la jeune femme, et... Sa poitrine ne bouge pas. Vivement, ma main déroulée se plaque contre sa gorge. Regard fixe sur sa peau blême. Mes doigts ne tressaillent même pas.

J'hésite un court instant et finis par écarter sa chevelure mi-longue de son visage. Je découvre une expression vide, figée. Des yeux éteints. Immédiatement, je dévoile le visage de son compagnon. Et... Lui aussi. Ils ne donnent... Aucun signe de... Vie. Moura... Ils sont morts. Tous les deux...

(... Non.)

Mes iris pâles se dirigent en hauteur, m'amenant le spectacle de dizaines de corps dans la même position. Pas juste... Tous les deux... Ce n'est qu'à cet instant que je me rends compte qu'un bruit régulier, à la fois étrange et familier, me parvient. Quelqu'un en vie ? J'ai espoir un instant. Et le suivant, je comprends. De fines gouttes de pluie tombent sur mon feuillage, et le mince filet d'air fait lentement crisser mes lianes, parodiant une démarche hésitante ou maladroite. Désolation. Mort. Carnage dont on fait les plus terribles légendes, et dont j'ai été le témoin.

Avec déférence, je ferme les yeux des deux jeunes gens et appose leur mains opposées l'une sur l'autre. Ils se tenaient côte à côte, ils ont péri de même. L'un des bras du jeune homme coincé sous le dos de sa compagne, comme s'il avait voulu l'étreindre une dernière fois. La pensée me fait clore les yeux et ôter ma coiffe. De fines gouttes de pluie parcourent les sillons de mon front. Les êtres à sang rouge ont tous été frappés. J'ai survécu... Mais suis-je... Non, impossible. Je bondis sur mes pieds, apercevant que l'hécatombe se poursuit par-delà les murs. Le sol est jonché de corps. Je ne les connaissais pas mais... Mais je ne peux pas rester insensible à ce carnage. Pourtant, il le faut. Il faut faire preuve de courage. Je ne peux pas me permettre de me briser sous ce cataclysme... J'en détourne les yeux et tends l'oreille, à la recherche de la moindre voix alors que je descends en tremblant les marches du mur. Une frustration certaine m'étreint devant la faiblesse qui secoue encore mes membres. Courage... Courage... D'interminables secondes s'écoulent, dans un silence aussi angoissant qu'inconcevable.

Enfin, j'aperçois Sirius près d'une échoppe, Leyna' se trouvant non loin de lui. Mes fibres végétales se serrent et je les regarde de loin un court moment, incrédule. Mes doigts s'emparent d'une liane de ma canopée et tirent dessus. Légère douleur. Ce n'est pas un simple cauchemar. Mais... Mais mes compagnons sont en vie. Je me recoiffe, maintenant mon chapeau d'une main. Lorsque j'entends le borgne demander où je suis, je m'avance vers eux, yeux et tricorne abaissés.

"Pas loin."

Sirius et moi nous regardons sans mot dire pendant un court moment. Et puis, mes pensées se tournent vers le reste de mon équipage. Si ce qui a tué les ynoriens s'est propagé dans toute la cité...

"Moura ! Les autres !"

Négligeant et contournant les corps aussi bien d'adultes que d'une fillette qui n'aurait à mon avis jamais du être encore dans la cité, je me hâte en direction de mon vaisseau. La Prêtresse et le Fondateur aussi. Plus vite... Plus vite ! Pourvu que... Quand le bastingage denté de ma Rascasse adorée est enfin en vue, je prends peur. Je crains de voir les corps de mes hommes et femmes étendus comme ceux des remparts. Que le malheur les ait frappé une fois de plus, fauchés sans pouvoir lutter. Mes paupières s'abaissent lentement. Quand elles se relèvent, des ombres se hissent par-dessus le bois et s'accompagnent de clameurs. Un bruit qui me ferait généralement rouler des yeux avec un air blasé, mais en cet instant qui me fait l'effet du plus doux et réconfortant roulement des vagues. Mon semi-elfe d'ami bondit du navire et, lisant certainement la détresse de sa belle, se précipite vers elle. Il est suivi par d'autres membres de la Confrérie plus ou moins fatigués par les récents événements. Lydia apostrophe Sirius, demandant ironiquement si une muraille ne lui est pas tombée dessus vu son état. Gallion s'entretient avec le borgne tandis que je parcours les visages des yeux, ravalant difficilement l'émotion de les savoir en vie. L'une des silhouette en particulier accapare mon attention. Mon semi-garzok de maître d'armes. Samrik a un air sombre, comme vexé. Probablement parce que nous l'avons laissé en arrière et sommes revenus avec l'apparence de qui vient de livrer une lutte acharnée. Pour lui qui a le combat dans le sang, il doit m'en vouloir.

D'ordinaire, je me contenterai de faire acte de présence mais à distance d'eux. Leur pilier. Leur capitaine. Figure d'autorité abordable mais pas trop familière pour autant. Mais ce jour n'est pas ordinaire. Alors je fais quelques pas dans sa direction mais m'arrête avant de me tenir face à lui. Je soutiens son regard marron le temps de deux pulsations de sève, puis j'attrape mon tricorne et l'abaisse sur mon visage. J'ignore pourquoi j'ai agi ainsi et ne parviens ni à trouver de mots ni à prendre une décision particulière. Deux puissantes jambes sous plaques renforcées entrent dans mon champ de vision. L'image précède un contact contre mon épaule, me faisant tourner vivement la tête vers la main couverte de cicatrices et de cales posée là. Ma tête se relève vivement et ma réaction pousse le demi-garzok à froncer les sourcils. Le contact contre mon épaule s'allège, et je comprends instinctivement qu'il ôte sa main. Immédiatement, mes serpentins s'enroulent autour de son poignet, l'immobilisant là. J'hésite.

Puis, sans le regarder en face, je tire sa main et la remets là où elle était. Quand je perçois la pression s'accroître, j'acquiesce sobrement mais conserve mes longs doigts d'écorce autour de son poignet un moment. Lorsque mon trouble commence à s'estomper et que je lui rends sa liberté, Samrik fait glisser sa main pratiquement au milieu de mon dos. Il tapote l'endroit avec une certaine hésitation, comme imitant maladroitement un geste de réconfort pratiqué par les autres membres de l'équipage. Je m'apprête à sourire légèrement à son attitude inhabituelle quand il émet soudain un léger grondement frustré. L'instant d'après, il m'a collé contre son flanc et son large bras passe derrière mes deux épaules, les enserrant par à-coups. Je lève le nez vers lui quand il tourne son visage à crocs vers moi. Finalement, le léger sourire que je retenais m'échappe. Je me laisse aller à tapoter sa main rivée à moi puis enroule mon écorce souple autour de ses impressionnantes phalanges. À voix basse comme pendant ce moment étrange passé dans la cale, je le remercie pour son soutien. Ses doigts tapotent mon épaule, serrent brièvement les miens, puis il me relâche. Il va même jusqu'à me donner un léger élan en direction de la prêtresse, et quand je lui adresse un regard, il me répond d'un silencieux mouvement du menton m'invitant à continuer. Un réconfort de demi-garzok, mais qui vaut en cet instant plus que toutes les soutes d'épave de Yuimen.

Sirius nous rejoint, faisant le point de façon particulièrement imagée. Leyna' ajoute que la Sombre a battu le rappel de ses troupes et que Perailhon pourrait débarquer sous peu. Il va nous falloir combattre jusqu'au bout.

"En effet, cela nous dépasse. Nous ne pouvons lutter que contre ce qui est à notre mesure. Et comme l'a dit Leyna, il faut s'attendre à voir débarquer le responsable du blocus voire ses sbires sous peu."

Nous revenons sur nos pas, partant à la recherche des Conseillers d'Oranan. Nous les trouvons, en vie, sur les remparts. Ils sont hagards, visiblement dévastés par ce qui vient de se produire. Pourtant, il faut... Il faut réagir.

"Conseillers..."

J'appose mon tricorne contre mon torse en signe de respect pour leur douleur.

"Je ne prétendrai pas savoir ce que vous ressentez quand bien même je m'en doute. Jugez-moi insensible ou cruelle mais... Cette horrible bataille n'est pas finie. Une partie des vôtres a été épargnée plus loin, vers le port. Mais avec l'appel de la garce noire faisant venir ses généraux à elle..."

Le borgne explique nos appréhensions quant aux prochaines actions du général marin et a à peine proposé que la Confrérie prenne le danger en charge qu'un bruit sourd, comme un crissement métallique, résonne depuis le sud. J'écarquille les yeux en apercevant le vaisseau amiral de la flotte d'Omyre pourfendre la terre et s'échouer sur la rive rocheuse. Les conseillers nous confirment que la menace est Oaxaca et son maudit dragon noir, qu'ils tiendront le port de leur côté. J'acquiesce et remets mon chapeau en place, suivant Sirius et manquant trébucher quand il s'arrête subitement. Je comprends mieux pourquoi en découvrant un étal de potions et élixirs en tous genres. Sans doute réserve pour les défenseurs de la cité. Mais des combattants, nous ne sommes plus qu'une poignée. Il faut mettre toutes les chances de notre côté, alors je m'empare de deux grandes puis deux énormes potions de mana, les plaçant avec précaution dans ma petite gourde. Je mets aussi la main sur l'équivalent en potions de soin et comble ma grande gourde avec.

Mes pensées se tournent vers mes gens de la Rascasse et vers Gallion à qui la charge en a été confiée. Mais bientôt, la situation actuelle me force à me concentrer. Notre petit groupe fait sa sortie hors des murs et se hâte vers le sud. Nous ne sommes pas de taille contre une déesse et son foutu cauchemar incarné, mais peut-être pouvons-nous jouer un rôle au moins pour réduire le nombre de ses sbires répondant à son appel ? Non, pas peut-être. Il le faut. Motivée, déterminée, je rajuste ma coiffe à deux mains et rive mon regard clair vers notre ou nos futures cibles.


*--->*
  • Petite gourde (4/4) :
    • 2 grandes potions de mana (8PM)
    • 2 énormes potions de mana (16PM)
  • Grande gourde (15/16) :
    • 2 Petites potions de soin (Soigne une estafilade bénigne)
    • 2 Potions de soin moyenne (Soigne une blessure légère)
    • 5 Petites potions de mana (rend 2PM)
    • 1 Potion de mana moyenne (rend 4PM)
    • Fiole Ouragan : ce secret des mers n'aurait effet que pour les maîtres de l'eau (+1 aux jets de dégâts pour les sorts d'eau jusqu'à la fin du combat - 3 doses)
    • 2 grandes potions de soin (réduit d'un rang une blessure jusqu'à grave)
    • 2 énormes potions de soin (réduit d'un rang une blessure jusqu'à incapacitante)

[XP : 4 (hécatombe du dragon noir) + 1 (événement traumatisant) + 0,5 (pillage)]
Mythanorië, Oudio

Sœur de la Confrérie d'Outremer - Capitaine de la Rascasse Volante / Shaman hippocampe.

Thème musical

"Y'a pas à dire : la Mer, ça vous change quelqu'un !
"

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Xël
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Re: Les Portes et Remparts

Message par Xël » jeu. 31 mars 2022 12:45

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« Nous ne pouvons pas y atterrir, la zone n’est pas assez grande. »

« C’est pas grave ça. Vous vous arrêtez au dessus et je saute. »


Le regard que l’Elfe doré me jette n’est même pas soumis au moindre doute quant à sa signification. Il me prend à la fois pour un fou et un idiot. Après une remarque cynique il accepte finalement de faire un détour par Oranan pour que je puisse y commencer mon projet de reconstruction.

J’ai pris quelques jours pour me reposer, affrontant les regards soupçonneux d’une gouvernante qui n’avait de cesse de surveiller l’état de mon miroir pour une raison que j’ignore. J’ai récupéré mon armure, toute neuve, incrustée de runes et j’ai refusé l’idée de rencontrer Zewen, voulant laisser toute cette histoire de destin guerrier derrière moi. La guerre est terminée et je suis chaque jour en conditions pour le croire véritablement. Me voilà donc prêt à quitter l’Île des Dieux sur laquelle je ne reviendrai sans doute jamais, incapable de la situer grâce à mes portails étant donné qu’elle bouge constamment.

Je monte donc à bord de l’Aynore qui ne tarde pas à décoller pour faire sa ronde autour de l’île avant de perdre de l’altitude et mettre le cap vers Nirtim. Je ressens la paroi magique qui nous protège de la haute altitude se désagréger au fur et à mesure que nous nous rapprochons de la surface de l’océan et c’est avec beaucoup de plaisir que je peux ressentir le souffle du vent sur mon visage. Je me poste à l’avant de l’engin volant pour mieux ressentir cette sensation. Je me concentre, me permettant de visualiser les effluves magiques contenu dans l’élément d’air qui siffle contre moi et la coque. Je tends les bras et saisis grâce à ma magie ses volutes qui commencent à me tourner autour, chargeant mes réserves de magies récemment augmentées. Je répète l’exercice que m’a appris Bogast avec rigueur, voulant profiter de ce répit pour travailler mon nouveau potentiel. Il se passe plusieurs minutes avant que le tourbillon aux couleurs azur qui se forme autour de moi ne prenne une véritable apparence tangible et que je parvienne à l’absorber du bout de mes doigts.

Je prends une longue inspiration avant de reprendre une place assise à bord de l’Aynore et patienter que ma destination soit en vue. Je profite d’une sieste avant q’un membre de l’équipage vienne me réveiller en me disant de me préparer.

Je remonte sur le pont pour apercevoir ce qu’il reste de la bataille navale qui a secoué la baie de la cité. Les souvenirs de Kôchii effacent le sourire sur mon visage et c’est avec une certaine crainte grandissante que je m’approche de la capitale Ynorienne. Que vais-je y découvrir si ce n’est des corps, des ruines et de la détresse ? Mais mon but est justement d’y palier car si il y a bien une région qui a souffert de cette bataille c’est l’Ynorie.

« Vous allez vraiment sauter ? »

J’acquiesce sans un mot.

« Nous ne voulons pas inquiéter les citoyens d’avantage alors nous ne descendrons ni trop bas ni ne resterons stationnaires bien longtemps. »

« Quelques secondes me suffiront. »

Et l’engin volant poursuit sa route et fait le tour d’Oranan pour s’arrêter au dessus de la plaine devant les portes de la ville. Je ne peux pas éviter de revoir le charnier qui est encore entrain d’être nettoyé.

« Allez ! »

Rugit un membre d’équipage. Je lui fait signe et plonge dans le vide sous le regard des quelques passagers et des Ynoriens au sol. Je m’approche du sol puis entends les cris horrifiés et d’alerte qui craignent de prendre un homme sur le coin du nez. Mais tout se passe bien, un coussin d’air se forme avant que j’atteigne le sol et c’est délicatement que je pose les pieds sur le sol. Je rassure d’un signe les gardes et les habitants dont certains semblent me reconnaître et gardent pour eux leur mécontentement tout en inclinant la tête. Je m’incline à mon tour et m’avance vers les portes et les remparts en cours de reconstruction.

A peine je passe les portes après un rapide mais efficace contrôle des gardes que j’entends un autre cri venant d’au dessus de ma tête.

« Attention ! »

Un vacarme de fracas de bois secoue les bruits réguliers des coups de masse du chantier. Des poutres massives se cognent et brisent une plateforme qui fait s’écrouler dans le vide ouvriers et matériel du haut des remparts. Je réagis instinctivement malgré les cris qui viennent du sol et des remparts. Ma magie s’extirpe de mes doigts, formant un coussin d’air qui évite aux ouvriers de s’écraser sur le sol tandis que les poutres, les seaux, marteaux et autres débris lévitent au dessus d’eux et de leurs airs effrayés. Je me concentre, conscient que ce que je tiens du bout de ma magie est l’équivalent du poids du Troll pendant mon Ordalie. Je lève les bras, soulevant du même geste tous ces objets en flottaison tandis qu’au sol les ouvriers et passants qui se seraient fait écrasés sont tirés pour être mis à l’abri. Je canalise mes fluides magiques et agis comme si je tenais des jouets du bout des doigts. Je pose avec délicatesse sur le haut du rempart les poutres sous les acclamations avant de poser les outils et les débris avec la même attention. Je relâche ensuite ma magie pour m’assurer que tout le monde va bien alors que j’entends mon nom être murmuré dans la foule des badauds qui se sont attroupés avant qu’ils ne se mettent à applaudir.


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((Tentative d'absorption de fluides naturellement.))
Modifié en dernier par Xël le jeu. 14 avr. 2022 15:47, modifié 1 fois.

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Re: Les Portes et Remparts

Message par Xël » jeu. 14 avr. 2022 15:42

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« Un peu plus haut. »

Déclare le maçon au sommet du rempart en faisant des grands gestes. Le bloc de pierre s’élève tandis que je concentre mes fluides d’air qui soutiennent son poids sous les regards admiratifs qui viennent observer la reconstruction des remparts depuis des jours.

Je n’avais pas eu besoin de beaucoup de temps pour me rendre utile. Après l’accident à mon arrivée ça a été comme une révélation. Le temps de prendre une chambre à l’auberge des Hommes Libres et j’étais revenu discuter avec le chef du chantier qui accepta volontiers mon aide.

Je passe donc ma journée à soulever des pierres, des poutres, des outils, des seaux de sables, de chaux et d’eau pour constituer le mortier et même parfois des ouvriers pour atteindre avec plus de sécurité les parties les plus hautes des remparts. Une aide largement appréciée qui me fait à la fois maîtriser mes pouvoirs grandissant et me permet également de participer à la reconstruction d’une cité qui a frôlé la destruction.
Une nouvelle pierre est posée sous les acclamations des enfants qui viennent chaque jour regarder l’avancement des travaux et je recommence avec la suivante, la soulevant du sol après quelques secondes le temps que ma magie s’extirpe de mes doigts pour se glisser sous la pierre. Je continue ainsi le reste de la journée jusqu’au soir.

Mais ce soir est particulier car alors que je m’apprête à suivre les autres ouvriers pour boire un verre à l’auberge je tombe sur un visage que j’ai du mal à reconnaître au premier regard. C’est quand elle s’approche encore en me dévisageant que je remets peu à peu ses traits. Ce visage fin au teint et aux traits Ynoriens, la différence notable sont ses cheveux noirs qui ne sont plus noués en chignon mais couper à hauteur d’épaules avec toujours cette mèche unique cerclée d’un fil d’or. Les années ne l’ont rendu que plus belle et quand elle remarque que je la reconnais un sourire radieux illumine son air grave marqué sans doute par les évènements récents.

« Alors c’est bien vous. Je n’osais pas y croire. Vous êtes bien différent du jeune homme que nous avons rencontré aux portes de Kendra Kâr. »

« Ba-ba-be… »

Bégayais-je comme une quiche sous son regard curieux et amusé avant de me reprendre.

« Bonsoir Ayae. »

« Bonsoir Xël. Je suis ravie de vous revoir. »

Elle m’invite à l’accompagner à sa demeure pour le dîner, arguant que cela fera plaisir à ses parents. J’accepte volontiers, abandonnant mes collègues pour suivre cette magnifique jeune femme, je sais qu’ils ne m’en voudront pas. Je traverse donc la ville avec elle en échangeant quelques mots. J’apprends que son père est malade, que son frère est tombé pendant la bataille de Kochii alors qu’il se tenait sur les remparts que j’aide à reconstruire. Je lui adresse mes sincères condoléances alors qu’elle reste humble, de marbre, se refusant à ne serait-ce qu’un oeil humide. Quant à elle, elle m’interroge sur Aliaénon, avouant qu’en me voyant il y a tant d’années, elle ne se doutait pas que je me serais jeté dans une mission si périlleuse.

« Vous nous aviez en plus dit venir à Oranan pour trouver un éventail. »

Je me surprends à rire avec sincérité à cette remarque avant de lui répondre:

« J’étais bien venu pour ça, disons que cette piste n’a rien donné. »

« Etes vous toujours à sa recherche ? »

« Non c’est de l’histoire ancienne. »

« Et toujours pas une dame qui vous attends quelque part ? »

Demande elle, espiègle, se souvenant bien que lors du voyage son père m’avait demandé si je cherchais l’éventail dans le but de l’offrir à une dame. J’avais alors répondu que je n’avais pas de femme dans ma vie qui réclamait ce genre de cadeau. J’ai une pensée pour Sheeala et mon cœur accélère en me souvenant de la reine harpie.

« Non. Aucune. »

Déclarais-je avec un demi-sourire qui s’efface quand nous passons en vue du port de la cité et que je distingue encore ce qui reste de la bataille navale qui a eu lieu dans la baie, les corps repêchés et couverts d’une toile qui sont alignés sur les docks. Nous gardons le silence le temps de passer devant avant de reprendre des nouvelles l’un de l’autre, s’interrogeant sur ce que nous avons fait ces dernières années pour la suite de la promenade.


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Re: Les Portes et Remparts

Message par Xël » dim. 24 avr. 2022 09:50

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« C’était une charmante fille qui est venu te trouver hier soir. »

Pause déjeuner. Je déguste mon repas concocté par les cuisines de l’auberge à l’ombre des remparts en chantier, le soleil d’été du midi Ynorien étant assez dur pour vite être assommant. Je suis accompagné de quelques ouvriers avec qui je me suis vite entendu et ceux-ci s’enquiert de savoir ce qui s’est passé hier soir. Mais pas comme on peut le voir à Kendra Kâr avec des clins d’oeil, des remarques tendancieuses ou des gestes obscènes. Non c’est tout l’inverse, on m’observe avec un regard presque accusateur, parfois outré à l’idée que j’ai passé la nuit avec une jeune femme.

« Je la connais c’est la fille Kazami. Comment se fait-il qu’elle te fréquente ? »

« Détendez vous. »

Je me retiens de leur dire de sortir le balai qu’ils ont dans le cul sachant qu’ils pourraient mal le prendre.

« Ses parents tenaient à m’inviter à dîner, ce sont de vieilles connaissances. »

« Tu devrais faire attention. Les gens pourraient colporter de mauvaises rumeurs. Surtout après ce qu’il s’est passé à l’auberge à ton retour d’Aliaénon… »

Je lève les yeux au ciel en poussant un râle exaspéré alors que ma bouche est encore pleine.

« Encore cette histoire ?! »

« Ça ne se fait pas de se jeter l’un sur l’autre en public. »

Rétorque le charpentier.

« Nous venions de traverser une épreuve difficile. Surtout elle ! »

« D’ailleurs on a plus de nouvelle de cette autre monde depuis. »

Commente un manoeuvre plus âgé en préparant une boule de riz entre ses baguettes pour changer de sujet, visiblement las du premier. Cela a le mérite de fonctionner puisque les conversations s’orientent vers Aliaénon et les rumeurs autour de la fermeture du portail. Je réponds à certaines qui sont fausses et insultantes vis à vis des dirigeants qui ont dû fuir mais je profite surtout d’être tranquille pour manger mon repas avant de reprendre le travail.

La journée est particulièrement chaude et le vent venant de l’est apporte les puanteurs du charnier qui n’est pas encore nettoyé. Combien de mois encore faudra-t-il pour ramasser tous les cadavres ? Certains m’ont déjà dit avoir perdu espoir de trouver leurs proches avant que les charognards et la décomposition les fassent disparaître.
Mais il y a pire car si la recherche de survivants sous les débris des remparts a été abandonné au bout d’une semaine, il reste toujours des gravats à déblayer et c’est à chaque fois avec la crainte de retrouver un corps que nous déplaçons les pierres brisés. On me demande d’ailleurs sur un site d’éboulis, sous le mécontentent des ouvriers plus haut qui vont devoir reprendre les vieilles méthodes. Je me rends vers un amas de pierre qui fût tour il y a encore deux semaines.

« Il faut bien s’y mettre un jour. »

Admet le chef de chantier en tentant de rester stoïque malgré l’émotion qui déforme sa voix. J’incline la tête et me mets au travail en soulevant à l’aide de ma magie un amas de roches et de bois révélant une première découverte macabre. Je fais comme les fois précédentes et dépose mon chargement dans un long chariot et attends que les trois corps brisés soient retirés. J’observe faire sans rien dire, à nouveau troublé par des souvenirs de la bataille aux quelles s’ajoutent ceux de la Tour d’Or. Je me demande alors combien de cadavres écrasés gisent sous les débris de ce bâtiment bien trop immense pour être ainsi ramassé. Avant mon Ordalie j’aurais ressenti de la colère mais depuis que j’ai croisé la route de Rana je me sens plus apaisé. Je ressens de la peine, une profonde tristesse qui me fait serrer les mâchoires pour retenir mes larmes. Je devrais passer voir le capitaine pour savoir où en sont les recherches pour ouvrir le portail, je m’étonne de ne pas y avoir pensé plus tôt. Je reprends le travail quand on me fait signe et au courant de la journée c’est huit corps que nous tirons des décombres. C’est plus que les autres fois mais nous nous en doutions et j’essais de me détacher de mes émotions pour poursuivre ma tâche.

Soudain un bruit me tire de mon état d’esprit. Un son ressemblant à un cri étouffé. Tous ceux autour de moi semblent l’avoir entendu car plus aucun ne bouge, de peur de faire un bruit. Nous tendons l’oreille mais rien. Une hallucination collective dans l’espoir de trouver autres choses que des corps ? Nous patientons encore une poignée de secondes et alors que nous allions reprendre nous entendons un autre bruit. Le tintement d’un sabre contre la pierre, des coups irréguliers mais que nous percevons tous.

« Ecartez vous ! »

Criais-je en faisant de grands signes pendant que d’autres partent chercher de l’aide.

« Prends garde ! Tu pourrais tout faire s’effondrer si tu bouges les mauvaises pierres ! »

« C’est ici ! »

Hurle un ouvrier qui semble avoir repéré l’origine du bruit avec plus de précisions. Il s’écarte tandis que je me concentre sur cette zone. Je laisse ma magie se répandre entre chaque poutre, chaque pierre, dans la moindre interstice pour soulever le plus de gravats possible. Une fois que j’ai la sensation d’atteindre la limite je lève doucement les bras en grognant d’effort. Et l’effort est considérable, me donnant réellement l’impression de soulever des kilos et des kilos de pierres à bout de bras, ma mâchoire se crispe, ma respiration se coupe, une migraine commence alors que je sens mon visage devenir rouge et brûlant. J’ignore le bruit des armures qui se tordent, des bouts de cadavres maintenus entre les gravats que je déplace. Je provoque un vacarme qui effraie les gens aux alentours du chantier quand je relâche tout à côté de la tour en ruines. Je m’accroupis, en sueur, le souffle court, haletant pour reprendre de l’air alors qu’à travers le bourdonnement dans mes oreilles j’entends les ouvriers se précipiter en criant pour retirer ce qu’il reste des débris qui bloquent la petite poche qui se tient dans les décombres et d’où un homme affaibli et blessé tends une main pâle et amaigri. Je le perçois de mon regard trouble, ainsi que ceux qui le sortent de la tombe où il était enterré vivant, je vois le tissu qu’on mets sur ses yeux trop sensibles à la lumière, ceux qui lui apportent de l’eau, ceux qui reviennent en courant avec des infirmiers et des guérisseurs.

Je m’affale sur le sol avec un sourire fatigué, satisfait d’avoir pu aider à sauver une vie. On vient se préoccuper de mon état quelques minutes plus tard en m’apportant de l’eau et un bout de pain.

« Je dois juste me reposer quelques minutes et je pourrais reprendre le travail. »

Annonçais-je au responsable qui répond:

« Prenez le reste de votre journée Xël et revenez demain en pleine forme. »


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Re: Les Portes et Remparts

Message par Xël » sam. 28 mai 2022 13:59

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Un bon mois s’écoule le temps de déblayer chaque débris et reconstruire une partie de la muraille. C’est loin d’être terminé mais ma magie a permis aux ouvriers de travailler plus facilement. Voilà quelques jours que j’ai prévenu le chef du chantier que je m’apprêtais à repartir avant que l’armée de Kendra Kâr ne s’inquiète de mon absence. Il avait insisté pour me rémunérer pour mon travail mais j’ai catégoriquement refuser, préférant qu’il utilise cette somme pour augmenter le salaire des autres ouvriers. Au cours de ce mois à leur côté j’ai appris qu’il y a un forgeron dans une ville dans les montagnes qui travaille le Faerunne comme personne. Un virtuose qui a gagné un concours prestigieux de forge.

Le forgeron se nomme Hïo Himatori et depuis que j’ai appris son existence je n’ai qu’une envie, le rencontrer. Chaque soir en rentrant j’observe les teintes de mon plastron forgé dans ce métal qu’il affectionne avant de poser mon regard sur les autres pièces de mon armure en me remémorant cette allure que j’avais durant mon Ordalie. Je n’oublierais jamais l’apparence de cette armure et je ne peux dissimuler ce désir de posséder la même. Je passais aussi un long moment à observer le bouclier du sergent Aldchet, parfois en pleurant, parfois en ravalant des râles de rage. Je n’oubliais pas ma promesse de continuer à protéger le royaume avec ce bouclier. Un écu d’acier aux couleurs de Kendra Kâr, estampillé du symbole royal, usé par les coups de haches, les salves de projectiles et les attaques des créatures des Treize. Anne avait vraiment tout affronté avant de périr à cause du chant du dragon. Il était temps de lui offrir une nouvelle apparence pour honorer son ancienne propriétaire. Ma décision était donc prise de trouver ce forgeron pour lié à la fois ma promesse au Sergent ainsi que de rendre hommage à Rana qui m’a fait abandonner mes désirs de vengeance.

J’avais ainsi préparé ce projet durant des jours, me procurant une carte de la région pour tracer la meilleur route jusqu’à Gasansary, ne m’y étant jamais rendu j’allais pour la première fois devoir voyager seul et à pied. J’avais aussi consommé mes deux fioles de fluides d’air avec quelques jours d’écarts, retrouvant la sensation de sentir un concentré de magie envahir son corps. J’ignorais jusqu’où je pouvais pousser mes réserves et j’avais décidé de ne pas me procurer de nouvelles fioles de fluides pour l’instant.

C’est donc le jour des adieux que je passe à tous les hommes avec qui j’ai travaillé sur les remparts ainsi qu’aux aubergistes des Hommes Libres qui m’ont hébergé avec sympathie avant de m’ouvrir un portail pour Bouhen. Car avant de partir pour la ville Ynorienne je devais d’abord demander une permission au Général Bogast avant d’être considéré comme un déserteur.

(( Consommation de mes deux fioles de fluide d’air.))


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Re: Les Portes et Remparts

Message par Yliria » mer. 14 sept. 2022 12:34

<< Précédemment


La politesse du Sindel aux traits tirés en charge de la distribution des billets fut toute relative. Il se contenta de me donner le prix du trajet et me voilà avec le billet en main une fois la somme déboursée. Je me contentai de prendre mon billet et de monter à bord de l’engin volant, ignorant les regards des autres passagers. Que ce fusse de cet humain à l’air jovial, du blond avec un immense chat sur les genoux ou de la femme à l’air peu engageant. J’avais mieux à faire. Comme la majorité du trajet, celui-ci se passa dans le silence pour ma part, les yeux rivés sur les pages du livre offert par Sorinion. Alyah, encyclopédie millénaire qu’elle était, ne manqua pas d’ajouter des précisions parfois, certaines des légendes retranscrites dans l’ouvrage lui étant familière et les quelques heures de trajet passèrent suffisamment vite pour que je n’eusse pas le temps de trouver le temps long.

Une fois l’appareil posé, je descendis pour apercevoir au bout de la route les grandes murailles d’Oranan et un étrange sentiment m’envahit. On percevait d’ici la clameur des travaux de réparations encore en cours après l’assaut du Dragon Noir. Je regardai autour de moi, posant les yeux sur les immenses étendues qui avaient fait l’objet d’un carnage sans précédent. Nulle trace ne semblait subsister en dehors des séquelles laissées aux plantations qui se trouvaient là à l’origine. Je me mis en marche, suivant le flot des passagers qui se rendaient vers la ville. L’activité près des portes semblait importante et je ne retiens pas une grimace en voyant que les contrôles étaient systématiques à l’entrée de la ville. Nul doute que l’explosion du bâtiment de la milice avait renforcé d’autant plus la vigilance des autorités et que les contrôles devaient être encore plus strictes. C’était supposé être une affaire secrète, sans doute que la population ne savait pas l’origine réelle de l’explosion. Je me mis à la suite de la file et attendis mon tour, observant les hommes au travail qui réparaient les portes.

(Cela fait bizarre de revenir après tout ça…)

(Les choses ont l’air de s’arranger. Au moins en surface.)

(Peut-être aurais-je dû rester ici, après la guerre.)

(Tu n’étais pas en état, Yliria. Tu as fait ce qu’il fallait pour guérir, laisse les Ynoriens faire de même à leur manière. C’est un peuple fier, endurant et obstiné, ils se relèveront.)

Je soupirai, chassant les images de la guerre qui commençaient à revenir me hanter et me présentai aux gardes qui levèrent un sourcil dans un ensemble presque parfait. Méfiants, évidemment, mais pas agressives, voilà qui était un changement bienvenu. Ou peut-être étaient-ils fatigués au vu de l’heure avancé de l’après-midi. Difficile à dire. L’un des gardes prit la parole d’une voix autoritaire.

- Nom et raison de votre venue.

- Yliria Varnaan’tha, je me rends à la milice.

Les trois gardes me fixèrent avec de grands yeux et la file derrière moi fut soudainement bien plus silencieuse. J’eus le sentiment de me faire dévisager pendant bien trop longtemps avant que le plus grand des trois ne toussote et incline la tête. Un signe de respect inattendu.

- Bienvenu à Oranan. Vous pouvez entre, madame.

je le remerciai d’un salut bref et continuai mon chemin, passant les portes en sentant encore les regards sur moi. Voilà qi était dérangeant.

( Ils doivent regarder tes fesses, ton armure te fait un joli.)

(Alyah…)

Elle ricana et je levai les yeux au ciel avant de me diriger vers le bâtiment de la milice. Ce dernier était en piteux état, entouré d’une palissade et le type à l’entrée me signifia simplement qu’ils attendaient plus de monde et m’indiqua de revenir plutôt le lendemain en début de journée. Je soupirai mais obtempérai, cherchant une auberge où passer la nuit. Le soleil était encore dans le ciel, mais au moins j’aurai un lit dans lequel m’étendre.

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