Plaines à l'Ouest du Royaume de Darhàm

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Yuimen
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Plaines à l'Ouest du Royaume de Darhàm

Message par Yuimen » lun. 16 juil. 2018 20:16

Plaines à l'Ouest du Royaume de Dahràm

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Remarquées dès la première fondation de la ville, les grandes plaines recouvrant tout l'Ouest du Royaume Conquis sont un lieu sauvage et pour le moins dangereux, sur lesquelles sont éparpillés quelques petits bois abritant une faune variée. Les troupes de brigands y sont présentes et n'hésiteront pas à le rappeler aux voyageurs les plus imprudents ; et dès que l'on s'écarte de la route, le risque de tomber par mégarde sur une bête agressive et potentiellement mortelle devient important – sans compter la végétation étouffante qui gêne la progression.
Mais s'il est souvent impossible de s'y déplacer facilement pour les caravanes de marchands, n'importe quel voyageur (ou brigand en reconnaissance) pourra utiliser la multitude de chemins parcourant ces plaines, sentiers invisibles sous les herbes hautes pour qui n'a pas l'œil... et potentiel labyrinthe si l'on s'y aventure sans prendre garde.

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Eteslë
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Re: Plaines à l'Ouest du Royaume de Darhàm

Message par Eteslë » dim. 2 févr. 2020 18:47

Une envie irrésistible

Quitter Dahràm donne finalement à Eteslë l'occasion de réfléchir à la suite. Et elle se rend à l'évidence après une rapide réflexion. Elle ne sait même pas vraiment quoi faire. Elle a bien la lettre écrite par Yvan, mais, n'en connaissant pas le contenu et étant incapable de le déchiffrer, elle hésite à réellement compter dessus, surtout après sa mise en garde. D'un soupir et d'un mouvement de tête agacé, elle chasse ses pensées de son esprit. Elle n'est pas encore à Omyre et elle sait que le voyage sera long, la cité sombre n'étant pas précisément la porte à côté. Qu'importe, elle ne changera pas d'avis et il est désormais trop tard pour reculer. Retourner à Dahràm ne lui apportera de toute façon rien de bon, et elle a bien trop longtemps vécu dans cette sordide ville pour le restant de sa vie. Sans regret, elle s'éloigne de la ville, sortant la carte donnée par Yvan. Après un rapide examen, elle la range sans avoir aucun doute. Elle n'y comprend rien à ces trucs, aussi se fiera-t-elle à son instinct et à la route qui s'ouvre devant elle.

D'un pas sûr, sans être trop rapide pour ne pas s'épuiser inutilement, la jeune femme progresse sur la mince route s'en allant vers l'Ouest, croisant bien peu d'âmes si ce ne sont les rares patrouilles de Garzoks qui arpentent cette zone avec un regard torve et souvent suspicieux. Une femme seule voyageant sans armes visibles est en effet quelque chose d'extrêmement étrange dans la région, même les plus aguerris des marchand louant les services de mercenaires habitués de ces sentiers afin de survivre au périlleux voyage. Mais Eteslë n'a pas de moyens, pas de contacts et pas le temps de se procurer une telle sécurité, comptant davantage sur elle-même plutôt que sur n'importe qui. Alors qu'elle passe non loin du campement des forces oaxiennes, elle tourne la tête vers celui-ci. La rumeur de l'activité du camp se répand jusqu'à la route qu'elle emprunte et il ne faut pas longtemps avant qu'une nouvelle patrouille ne se présente sur la route. Contrairement aux autres, celle-ci lui barre la route, les Garzoks croisant leurs hallebardes de métal pour lui interdire le passage tandis que leur chef, un Garzok couturé de cicatrice, à l'une des dents cassés et au regard sombre mais vif, se penche vers elle en plissant les yeux.

- Une Peau-glabre seule ? Où vas-tu ?

La jeune femme le détaille un peu en fronçant le nez, remarque la lourde épée et la hache qu'il porte à la ceinture et hausse les épaules en désignant un point à l'Ouest, en suivant la route. Le garzok, haussant les sourcils broussailleux qui surplombe d'imposantes arcades, suis son geste d'un air dubitatif avant de la fouiller du regard. Vêtue de ses habits habituels et de son simple manteau volé, son sac pendant sur une de ses épaules, la jeune femme a tout sauf l'air dangereuse pour une patrouille d'une demi-douzaine de peaux-vertes armées jusqu'aux dents. Peut-être que l'expérience du Garzok le rend méfiant, mais Eteslê peut le voir plisser les yeux à nouveau lors de son examen avant qu'il ne se redresse et, d'un signe de la main, ordonne à ses soldats de la laisser passer, non sans ajouter quelques mots.

- Sers-tu notre Impératrice ?

La question surprend la jeune femme qui ne s'y attendait certainement pas et regarde le Garzok avec une certaine méfiance. Elle connaît le fanatisme de certain de ces êtres voués à offrir leurs vies à Oaxaca, et n'en fait certainement pas partie. Seule sa survie importe, pas la victoire d'une entité bien au-delà de sa compréhension. Elle se fiche complètement de tout ça et se contente de hausser les épaules face à la question du Garzok. Cela ne semble guère lui plaire, mais elle s'en fiche, elle n'est pas là pour lui faire plaisir. Ils l'ont arrêté sans raison, elle veut juste reprendre sa route. Le chef semble peu enclin à la laisser tranquille à présent et la jeune femme soupire, quelque peu exaspérée. Ne peut-on pas simplement lui foutre la paix et la laisser faire ce qu'elle veut ? Pourtant, à sa grande surprise, il s'écarte et la laisse passer. D'un hochement de tête, elle le salut, lui et ceux sous ses ordres et se hâte de s'éloigner, non sans entendre la mise en garde du Garzok.

- Tu devrais être prudente... le danger rôde, humaine.

Elle ne retient pas un rictus narquois, mais ne se retourne pas et continue son chemin. Elle a bien compris le message, la menace à peine voilée de ne pas croiser à nouveau sa route. Elle se dit que si toutes les rencontres sont du même acabit, elle va détester ce putain de voyage qui commence déjà à lui taper sur le système alors qu'elle n'est partie que depuis quelques heures. Reprenant son pas de voyage, elle s'éloigne, non sans tendre l'oreille. Mais rien, pas d'autres bruits, rien qui se rapproche d'elle, seul le bruit de ses pas sur la route, le vent et le caquètement d'un piaf qu'elle aimerait tordre en deux tellement il lui est insupportable. A peine une journée de voyage et la voilà déjà en train de se dire qu'elle va casser les dents du premier emmerdeur venu.

Le soir venu, trouvant un arbre contre lequel s'adosser, elle mange sans grand enthousiasme une des rations offertes par Yvan. Rien de fabuleux, c'est même plutôt immonde, mais elle a déjà ingurgité plus de la moitié avant que le goût ne prenne place dans sa bouche. Ça lui coupe presque l'appétit, mais elle se force, sachant pertinemment que faire la difficile dans cette situation ne servirait qu'à la faire tuer au premier danger rencontré. On se bat et survit mieux le ventre plein, c'est bien connu. Sans faire le moindre feu, elle s'installe pour la nuit, enveloppée dans son manteau et sa couverture. Les nuits sont relativement fraîches et humides, aussi rabat-elle sa capuche sur sa tête et se recroqueville entre deux racines. Cela n'est guère plus inconfortable que son ancienne couche, et elle ne tarde pas à s'endormir.

Elle se réveille soudainement, en pleine nuit, alors que la lune entame tout juste sa longue descente vers l'horizon. Elle n'est pas certaine de la raison qui a ainsi poussé son esprit à s'éveiller et se redresse, alerte. L'obscurité l'ennuie, la handicape dans sa recherche de ce qui la gêne. Plutôt que la vue, c'est son ouïe qui l'alerte finalement. Le son d'un métal frotté, d'une lame qui quitte son fourreau. Lentement, elle écarte sa couverture et se prépare à agir. Une ombre se dresse finalement, menaçante et la jeune femme n'a que le temps de rouler sur le coté avant qu'une hache lancée avec force ne s'enfonce dans l'arbre, là où elle se trouvait juste avant. Elle se redresse, fait face à ce qu'elle identifie rapidement comme le garzok rencontré plus tôt dans la journée. Cet enfoiré aurait fait tout ce chemin pour la tuer ? Cela lui semble étrange, et n'a pas vraiment de sens, il aurait pu le faire, aidé des garzoks sous ses ordres. Comme s'il avait lu dans ses pensées, il se met à parler.

- Tuer une glabre demande toujours une justification s'il n'y a pas crimes... Et ma seule raison, c'est que tu ne sers pas notre Déesse... et que j'en ai envie, cela fait bien longtemps... amuse-moi petite, que je n'ai pas fait tout ce chemin pour te voir mourir trop vite.

Elle soupire. Il fallait qu'elle tombe sur un sanguinaire, ces Garzoks qui, encore plus que leurs semblables, ne pouvait résister au meurtre et au sang trop longtemps. Elle fait face, poings serrés. Elle aurait préféré qu'il s'en prenne à quelqu'un d'autre, cet enfoiré, mais ce qui est fait est fait, et elle ne compte pas se laisser faire sans réagir. Armé de son épée, le soldat approche, un sourire malsain sur les lèvres. Eteslë, elle, hésite sur la marche à suivre. Fuir n'est pas dans ses habitudes, mais ici, seule au milieu de nulle part, elle ne donne pas cher de sa peau s'il parvient à la toucher, ne serait-ce qu'une fois. Pourtant, un mince sourire apparaît sur son visage.

(Très bien mon gros... viens, on va jouer un peu!)

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Eteslë
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Re: Plaines à l'Ouest du Royaume de Darhàm

Message par Eteslë » dim. 2 févr. 2020 23:29

Ivoire, olive, carmin

L'obscurité n'empêche pas la lame tirée de luire sous la lueur blafarde de l'astre lunaire. Concentrée, Eteslë se focalise sur son adversaire. Son souffle se fait plus profond, ses muscles se tendent alors que ses jambes fléchissent légèrement. Elle se met en garde, une paume tournée vers son opposant, moyen efficace de jauger la distance les séparant sans avoir à observer en détail les alentours. Son autre main se ferme, se positionne près de son flanc, son buste légèrement tourné pour que ses jambes puissent lui servir à se déplacer aisément dans n'importe quelle direction au moindre signe d'agression. Le Garzok, lui, se contente de pointer son épaisse lame vers elle. Elle semble lourde et bien peu tranchante, mais Eteslë n'est pas dupe, coupante ou non, un coup de cette arme et elle se brise un os sur-le-champ.

Les deux combattants s'observent. Pas le moindre mouvement si ce n'est le léger soulèvement de leur torse à chaque inspiration. Soudainement, poussant un cri guttural, le Garzok se rue d'un bon en avant, sa lame soulevée au dessus de sa tête. Il l'abat violemment sur Eteslë qui bondit sur la droite, l'évitant avant de dépasser son adversaire qui doit se retourner en dérapant, laissant le temps à la jeune femme de reprendre ses distances. Elle a sous estimé la vitesse de son ennemi et, si ses réflexes lui ont permis d'éviter son attaque, elle se doit d'être plus vigilante. Il revient à la charge, en hurlant toujours comme un forcené. Souplement, elle s'efface, se baissant en prenant appui sur ses mains lorsqu'il assène un large coup de tranche de sa lame. Porté par son élan, il ne peut que subir la riposte de la jeune femme. Son genou percute avec force et fracas les côtes du Garzok qui grogne de douleur. Il donne un coup dans la direction de la jeune femme qui a déjà repris ses distances.

Eteslë ne peut retenir une grimace après ce coup. Le bougre à les os solides et, malgré la violence du coup, elle n'est pas certaine de lui avoir ne serait-ce que fêlé une côte. Comprenant qu'elle n'a aucune chance en y allant à demi, elle prend l'initiative cette fois, et fonce sur le garzok passablement surpris par cette jeune femme qui lui fonce dessus alors qu'il est bien plus fort et grand qu'elle. Prenant son arme à deux mains, il bondit, quittant littéralement le sol pour sauter sur Eteslë qui ne ralentit pas. La lame tranche une nouvelle fois dans le vide et Eteslë en profite pour frapper le bras du Garzok de son talon. L'impact est rude, mais la poigne du garzok sur sa cheville lui fait comprendre qu'il l'a volontairement laissé faire. Violemment, le garzok tire sur la jambe de la jeune femme et, imprimant une rotation, l'envoie valdinguer quelques mètres plus loin où elle s'écrase et roule. Le souffle court, le corps douloureux, elle peine à remettre ses idées en place alors qu'une douleur sourde lui comprime la poitrine et qu'une autre lui vrille la tête. Elle ne sent rien de cassé et se relève rapidement, mais l'impact l'a sonné et sa tête lui semble plus lourde que jamais auparavant.

- Faible... fragile... comme toutes les peaux-glabres.

Crachant un glaviot de sang, la jeune femme fixe le Garzok qui s'approche. Elle essuie le coin de sa bouche d'un revers de manche et se remet en position, sous le regard moqueur du peau-verte. Mais c'est son sourire à elle qui semble davantage affecter son adversaire. Elle sait, Eteslë, qu'elle risque sa peau pour rien, mais le sang qui bout dans ses veines, à ce moment précis, lui donne simplement envie de continuer, de lui taper sur la gueule jusqu'à ce qu'il, ou elle, ne le puisse plus. Elle avait oublié, ces derniers temps à Dahràm, à quel point elle aimait ça. Le frisson, l'excitation de se savoir en danger, la sueur qui coule le long de ses tempe, son palpitant qui semble battre le rythme des tambours qui accompagnent le grand spectacle d'un combat à mort. Tout ça, elle l'avait laissé de côté, mais il revient à la charge, la galvanise, élargit son sourire alors qu'une goutte de sang perle au coin de ses lèvres. Elle se sent vivante, elle se sent elle-même et, seule certitude de son passé, elle sait que son ancienne elle était pareille. Une combattante, une qui cogne et brise, qui gagne et survit, qui vainc et tue. Ce qu'elle va faire ce soir. Elle va tuer ce Garzok qui lui fonce dessus, sans le moindre doute, sans le moindre remord, sans la moindre pitié et avec une certaine délectation.

Il est presque sur elle lorsqu'elle agit. Elle bondit en avant puis, d'un coup de pied au sol, se jette sur la gauche, passe sous le bras armé du Garzok. Elle bande ses muscles, inspire et, violemment frappe son avant bras, deux fois. Le craquement qu'elle entend au deuxième coup la fait sourire plus largement, dévoilant ses dents au Garzok médusé par cette jeune femme qui vient de soudainement lui donner une sueur froide. Un violent coup de poing dans l'estomac la repousse en arrière et lui fait cracher de nouveau du sang, mais elle se redresse, le souffle court, les yeux brillant d'une excitation sauvage et malsaine. Le Garzok, lui, semble hésiter, bien plus méfiant qu'auparavant. Elle se jette à nouveau sur lui et il recule, abandonnant son arme trop lourde pour son bras blessé. La jeune femme se précipite vers lui et le heurte en lui envoyant ses deux talons dans le ventre. Les deux adversaires s'écroulent au sol, mais se relèvent bien vite avant de finalement se ruer l'un sur l'autre. Fou de rage, le Garzok semble soudainement déchaîné, mais cela le rend imprécis et un coup de poing qui aurait dû sonner le glas de la jeune femme ne fait qu'à peine l'effleurer alors qu'elle passe sa garde et, d'un habile coup du talon de sa main, frappe violemment la mâchoire de son opposant. Sous l'impact, une des dents proéminente se brise et le Garzok ouvre la bouche en un cri de douleur alors que la jeune femme, bandant ses muscles, l’entraîne au sol.

Le nuage de poussière soulevé par la chute du colosse s'étale autour d'eux alors que les premiers coups de poings frappent le Garzok désormais au sol. Il réplique, mais son bras cassé l’empêche d'être efficace et la jeune femme a tôt fait de suffisamment le frapper pour que ses gestes soient lents et hasardeux. Finalement, les mains endolories et rougies du sang de son adversaire dont le visage méconnaissable n'est qu'une bouillie sanguinolente qui respire avec difficulté, Eteslë s'arrête, reprend son souffle un instant. Instant que le Garzok choisit pour la saisir à la gorge. Le feu de la colère qui s'allume dans les yeux de la jeune femme lui font, pendant une seconde, perdre tout contrôle et, avec rage, elle attrape la dent brisée et l'enfonce dans l’œil de son ennemi qui la lâche aussitôt en hurlant. D'un bond, elle est debout et, faisant fi des hurlements de l'être gisant au sol, lève sa jambe avant de l'abattre sur l’œil déjà crevé. La dent s'enfonce profondément dans le crâne du vaincu qui, après un dernier tressautement, cesse définitivement de bouger. Reprenant ses esprits après une longue inspiration, Eteslë le fouille avant de l'abandonner là, à la merci des charognards.

Claudiquant jusqu'à ses affaires, elle reprend la route en vitesse, sans s'attarder davantage sur le combat qui vient d'avoir lieu. Elle marche et, alors que l'adrénaline redescend, que l'excitation laisse place aux sensations, elle crache à nouveau du sang. Elle s'évertue à marcher, mais la douleur se fait de plus en plus vive jusqu'à ce que, n'en pouvant plus, elle s'affaisse sur le bord de la route, respirant avec peine. Elle se tâte, s'assure que rien n'est cassé, mais se sent bien trop faible pour continuer à marcher ainsi. Elle rampe plus qu'elle n'avance en bordure de la route, s'enroule dans son manteau et sa couverture et, transie de fatigue et de froid, tiraillée par la douleur lancinante qu'elle ressent dans son corps et dans ses muscles trop sollicités, elle se recroqueville, calme son cœur, vide son esprit et finit, à quelques heure à peine de l'aube, par s'endormir à nouveau.

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Eteslë
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Re: Plaines à l'Ouest du Royaume de Darhàm

Message par Eteslë » dim. 9 févr. 2020 13:14

Pupilles sentientes

Le réveil, douloureux, laborieux, la fait se retourner sur le côté. Elle grimace mais se redresse néanmoins, boit avec empressement une longue gorgée d'eau avant de se rafraîchir le visage. Elle tâte son ventre endolorie, remonte son haut pour constater une large zone violacée. Elle ne doute pas que cela provient du coup reçu la veille. Cet enfoiré tapait durement et, aveuglée par l'extase du combat, elle a manqué de prudence, une fois de plus. Elle fait quelques pas après avoir rangé ses affaires, mais abandonne l'idée de marcher comme la veille. Elle fait des pauses plus longues et régulières, échauffe ses muscles pour tenter d'en chasser la douleur, sans résultats probants. Finalement, après deux heures d'une marche difficile, elle laisse tomber et s'affale sur le côté de la route en pestant intérieurement. Elle a beau se tâter, elle n'a rien de cassé, mais l'idée d'une blessure interne lui fait froid dans le dos. Elle en doute, puisqu'elle arrive à marcher en forçant un peu, mais elle préfère ne pas empirer son état et décide, bon gré mal gré, de passer une journée complète à se remettre. Elle doute de plus en plus de la gravité de la tâche qui commence à brunir de plus en plus à mesure que le jour passe. S'est-elle surestimée ?

Lorsqu'elle se réveille de la longue somnolence entrecoupée de sursaut qu'a été sa nuit, elle pense que non, car, même si la douleur est toujours présente lorsque le mauvais muscle bouge, elle peut marcher plus fermement malgré les pauses toujours relativement fréquentes qu'elle prend pour se ménager. A ce rythme, elle craint de passer un mois sur les routes au lieu de la vingtaine de jours qu'elle a prévu. Il n'en faut pas plus à la jeune femme pour s'ébrouer et se remettre en route avec la ferme intention de passer le moins de temps possible sur ces satanés chemins bordées de hautes herbes qui lui semblent bien plus dangereuses qu'elles ne le laissent penser. Parfois il lui semble percevoir un bruit en provenant du bord de la route, caché à sa vue, mais à peine tourne-t-elle la tête que le bruit disparaît, sans qu'aucun mouvement ne vienne s'ancrer sur sa rétine. Même si cela n'a rien de rassurant, elle ignore peu à peu ces bruits. Si c'était un prédateur, il aurait déjà tenté de l'attaquer, non ?

Au cours de sa quatrième journée, alors qu'elle mastique sans enthousiasme un morceau de viande séchée aux allures de semelle de cuir bouilli, un frottement dans les herbes face à elle lui fait dresser l'oreille alors que sa mâchoire cesse d'agir. Elle relève la tête, les yeux braqués sur le côté opposé de la route. Le bruit cesse, comme à chaque fois, mais Eteslë perçoit enfin quelque chose. Elle plisse les yeux et claque des doigts avant de faire un signe de la main, un signe incitant à approcher. Elle pense avoir aperçu des yeux. Pas des yeux d'animaux ou de créatures, non, des yeux d'un autre genre, angoissés et apeurés, des yeux d'une espèce intelligente. Elle reste prudente, mais si une femme seule ne se fait pas attaquer par quelque chose qui semble la suivre, c'est que la chose, ou la personne, en question n'est guère dangereuse. Mais rien ne bouge plus face à elle et, après avoir terminé son repas, elle se remet à marcher, non sans se tenir alerte, gardant malgré tout à l’œil cet présence qui ne semble pas la lâcher d'une semelle.

La journée file au rythme des pas de la jeune femme qui se tient désormais davantage sur ses gardes. Elle n'a pas survécu à Dahràm uniquement en jouant les gros bras, mais aussi parce qu'elle sait se montrer prudente au moment opportun, et force est de constater que la présence qui la suit ne l'incite guère à baisser sa garde. Pas une fois Eteslë n'a pu apercevoir de nouveau ses étranges yeux et, alors que la nuit tombe et qu'elle se hâte de se trouver un endroit relativement sécurisé pour passer la nuit, elle sent la présence l'observer. Attend-t-elle un signe ? Ou une faiblesse ? La jeune femme est perplexe, mais décide de ne pas trop attendre et de découvrir ce qui la suit. Feignant d'aller dormir, elle s'allonge, gardant ses sens en éveil. Les minutes passent, longues et péniblement silencieuses, deviennent probablement une heure. Soudainement, le bruissement des hautes herbes et le bruit de petit pas s'approchant font se tendre légèrement Eteslë. Lorsque les pas ne sont plus qu'à un mètre, elle se redresse subitement et attrape ce qui la suit, la plaquant au sol. Le cri de surprise et de douleur qui suit la fait s'arrêter net et, le poing brandi, elle écarquille les yeux face aux pupilles dorées et terrifiées qui la fixent.

Elle se redresse et relâche la pression de sa poigne sur la gorge de ce qu'elle a cru être une enfant. Il y a quelque chose d'étrange avec l'être qui se tient devant elle. De grands yeux dorées, une chevelure d'un rouge sombre encadrant un visage d'une pâleur lunaire strié de creux et crevasses. Des haillons qui lui servent d'habits, il ne reste plus grand chose et Eteslë remarque sans mal le bras manquant en voyant une des manches en lambeaux pendre misérablement. Elle s'écarte doucement, laissant l'étrange être se redresser en se frottant la gorge. Les deux s'observent un moment avant qu'Eteslë ne finisse par s'asseoir dans une position plus détendue. La petite ne semble pas avoir d'arme et au vu de sa constitution, elle doute qu'elle soit une menace pour elle, ni pour qui que ce soit d'autre. Plus elle l'observe, moins elle comprend ce qu'elle est, avant qu'une petite voix enfantine, étrangement éraillée et entrecoupée de sons semblables à des grésillements, ne sorte de la bouche de « l'enfant ».

- Plus beaucoup de temps... Tu es seule ? Tu n'as pas... d'amis ?

Quelque peu étonnée, Eteslë observe avec surprise cet être qui ne semble pas se faire de souci pour son état pourtant déplorable et inquiétant. Les pupilles dorées qui l'observent ne montrent plus aucune angoisse, mais plutôt un certain soulagement et une petite étincelle de joie qui l'étonne davantage que ses questions. Elle finit par répondre d'un hochement de tête négatif et le visage incroyablement expressif passe du soulagement à la tristesse avant de revenir vers une certaine forme de joie alors qu'elle s'approche à petit pas. Mal équilibrée, elle vacille mais s'assoit finalement aux côtés d'Eteslë. Elle lui offre alors un large sourire chaleureux qui fait hausser les sourcils de la jeune femme qui, sans vraiment comprendre pourquoi, lui en rend un autre, moins expressif, mais sincère. Serait-elle faible face aux jeunes ? Ori, puis Kolin, maintenant cet être ressemblant à une fillette... Elle repense à ces étranges voix qui ne dérangent plus ces nuits mais qui restent malgré tout dans sa mémoire. Elle parlaient d'une fille... sa fille ? La voix de celle à sa droite la fait revenir au présent alors qu'elle tourne la tête vers elle.

- Je m'appelle … Taloril... enchantée … ?

- Eteslë.

De nouveau ce sourire enfantin qui semble illuminer la vie toute entière de cet être inconnu. Eteslë se dit qu'elle devrait se méfier davantage, mais elle préfère écouter ce qu'elle lui raconte. Elle ne retient pas tout tant elle parle de chose compliquée, de nations par delà les mers, de poupées et de créateurs, d'âme, de vie, de mort, de révolte, de cœur pour elle et les siens. Eteslë n'est pas certaine de saisir le sens de tout ceci, mais, patiente, elle écoute cette petite voix qui semble fébrile et heureuse tout à la fois, d'avoir quelqu'un à qui parler. Un long moment plus tard et, si elle n'a pas tout retenu, le schéma global est ancré dans sa tête. Une création d'un peuple elfe, séparée de son créateur, obligé de vivre en fuyant les dangers d'un monde qu'elle n'appréhendait même pas. Elle semble trembler, cette Aniathys, poupée créée pour amuser. L'idée déplaît fortement à la jeune femme. Elle n'a jamais beaucoup apprécié l'esclavage, trop friande de sa liberté, même illusoire. Alors ce que lui enseigne la fillette la révolte, encore plus lorsque cette dernière se sait condamnée à mourir ici, seule...

- Enfin je ne suis plus... toute seule. Je peux... venir avec toi ?

Elle accepte d'un simple hochement de tête. Comme elle s'y attendait, un large sourire orne le visage de l'Aniathys. Pourquoi ce simple sourire lui semble si important ? Elle a oublié les noms, les lieux, les dates, mais les sensations demeurent malgré tout. Elle a déjà vécu un sentiment similaire, elle en est certaine, mais est bien incapable de s'en souvenir à présent. Alors que la nuit apporte avec elle une fraîcheur presque glaçante, Eteslë se prépare à dormir et, sans qu'elle s'y attendre, la petite se love contre elle. Être fragile et blessé qui s'accroche désespérément à ce qui lui donnait une raison d'exister. Eteslë se laisse faire, ne dit rien, ne bouge pas et s'endort, le petit corps meurtri collé contre le sien.

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Eteslë
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Re: Plaines à l'Ouest du Royaume de Darhàm

Message par Eteslë » dim. 9 févr. 2020 13:21

Une âme, un cœur, une volonté

Après un réveil aux premières lueurs de l'aube, Eteslë se prépare à partir. Ses affaires sur son dos, elle regarde Taloril se mettre en route elle aussi et, étonnamment, la suivre sans grande difficulté malgré son état. Elle ne comprend pas trop comment une telle technologie, qui donne la vie, peut exister sur ce monde pour ne servir que de jouet. Quelque chose lui échappe dans cette étrange façon de penser, mais elle n'a jamais vraiment compris les elfes et leurs traditions. Serait-elle si cynique si elle se savait capable de vivre des milliers d'années ? Probablement. Elle les envie un peu, quelque part et ne serait pas aussi handicapée par sa mémoire si elle avait encore des centaines d'années à vivre. Elle s'ébroue lorsque la petite se poste à ses côtés en souriant. Et, contrairement aux quelques jours précédents, un babillage ponctue les longues heures jusqu'alors monotones, égaie un morne voyage vers un lieu dangereux.

L'Aniathys semble s'être donnée comme mission de faire découvrir à la jeune femme les lieux qu'elle a visités au long de sa vie, parlant de cités lointaines aux bâtiments semblant davantage sortis de l'imagination débordante d'un enfant que d'une réelle architecture pensée par des adultes. Qui s'embêterait à rendre une ville belle et agréable à regarder ? Certes elle n'a que Dahràm comme point de comparaison, dont cette dernière souffre à chaque récit de l'Aniathys, mais elle privilégie le fonctionnel à l'esthétique pour ce genre de chose. Lorsqu'elle évoque des machines volantes transportant les gens par delà les mers, Eteslë la regarde avec des yeux ronds comme des soucoupes, faisant rire la fillette qui les décrit alors plus en détail, ravie de capter encore davantage l'attention de sa compagne de voyage muette.

- Tu ne parles pas beaucoup... Tu ne sais pas... parler ? Tu ne veux... pas me parler ?

La dernière possibilité semble l'attrister profondément et Eteslë lui sourit en indiquant du doigt l'épaisse cicatrice barrant sa gorge. Si la petite ne pose pas davantage de questions à ce propos, elle profite de la pause suivante pour s'approcher doucement, demandant l'accord de la jeune femme pour l'examiner. Quelque peu surprise, elle accepte d'un haussement d'épaule. Elle grimace néanmoins lorsqu'elle sent les petites mains se poser sur la cicatrice. L'Aniathys semble triste pour la jeune femme, mais cette dernière a depuis longtemps appris à vivre avec et ne s'inquiète guère de l'aspect ou des séquelles qui découle de sa blessure. Elle fait partie d'elle autant que ses yeux étranges ou son tatouage bicolore, même si elle n'en connaît pas la signification ou la provenance. La petite s'écarte, une étrange lueur dans les yeux, mais n'ajoute rien de plus tandis que le firmament se pare de ses nuances les plus sombres.

A mesure que le temps passent et que les cols des monts sanglants se font de plus en plus nets, Eteslê remarque que l'Aniathys semble avoir de plus en plus de mal à se mouvoir. Elle trébuche parfois, se lève difficilement et elle doit parfois ralentir le pas pour ne pas la distancer. La petite ne dit rien à ce sujet, mais la jeune femme n'est pas dupe et se rappelle ses premiers mots. « Plus beaucoup de temps ». Elle s'interroge sur ce que cela peut bien signifier. Va-t-elle mourir ? Un être créé de toute pièce peut-il mourir pour commencer ? Attendant une pause, elle l'interroge en répétant les mêmes mots. Le triste sourire et l'éclat de résignation dans le regard de Taloril la renseignent bien avant qu'elle ne lui réponde de sa voix éraillée et grésillante.

- Tu as compris... Je vais cesser de fonctionner. Ce corps... est trop endommagé. Je voulais... au moins... terminer avec quelqu'un...

Elle dit cela avec une voix détachée bien qu'elle semble heureuse des derniers mots, comme si le fait de ne pas finir seule est en soi une réussite pour ce petit être. Elle lui explique alors qu'elle ne meurt pas vraiment, mais que, perdue au milieu des landes sombres de ce continent, elle ne pourra pas être transférée dans une autre. Seul un Sindel aux connaissances particulières pourraient l'aider à obtenir un nouveau corps, et elle s'est résignée à ne pas pouvoir en bénéficier, à finir ainsi. Eteslë écoute sans mots dire, consciente que Taloril a déjà fait son choix et qu'elle ne peut de toute façon guère lui donner le petit espoir de pouvoir l'emmener là où elle pourrait obtenir une seconde vie. Un spasme secoue l'Aniathys avant qu'elle ne la regarde en souriant.

- Je suis contente... quand même... Je ne serai plus... esclave. Tiens.

Tirant de sous ses haillons une fine cordelette, elle desserre le nœud qui enserre un caillou qu'elle tend à Eteslë qui, surprise, reconnaît une de ces petites pierres qui parsèment son chemin depuis quelques jours. Là encore le motif est différent et elle interroge la petite du regard. Visiblement ravie d'intriguer ainsi la jeune femme, Taloril lui explique ce que sont les runes, ces pierres magiques qui peuvent avoir de puissants effets dès lors que l'on connaît leurs noms. Lorsqu'Eteslë lui montre les deux autres qu'elle a récupéré, l'Aniathys ouvre la bouche de surprise et semble ravie de pouvoir ajouter la sienne à celles qu'Eteslë possèdent déjà et précise qu'elle la lui offre pour la remercier de l'avoir accueillie et lui demande simplement d'en faire bon usage, elle qui la destinait à son maître mais n'a pu le lui offrir. Cela sonne comme une dernière volonté aux oreilles d'Eteslë, mais elle se doute que cela n'est pas le fruit du hasard. Elle se relève pour prendre la route, en voyant la jeune se mettre difficilement debout, elle décide de la prendre sur son dos. Visiblement ravie, la petite ne se fait pas prier et saute avec joie sur la jeune femme qui continue ainsi sa route en la transportant.

Elles parcourent ainsi les landes pendant le reste de la journée. La légèreté du corps qu'elle transporte étonne Eteslë qui n'a guère de mal à s'en charger malgré les demandes incessantes de Taloril pour qu'elle se repose lors des premières heures. Mais peu à peu, elle cesse et le voyage se passe dans un calme relatif qui dénote avec les babillages incessants dont la petite l'abreuvait encore la veille. Finalement, la jeune femme dépose son léger fardeau lorsque la nuit approche. Le corps immobile de l'Aniathys fait soupirer la jeune femme alors que les yeux parviennent encore à cligner et que le bras se lève avant de retomber. Un spasme secoue le corps de Taloril alors que sa bouche s'ouvre.

- Je... Veux pas...

Le cœur d'Eteslë se serre dans sa poitrine alors que la vie qui anime la fillette face à elle s'échappe de son corps. Elle savait que cela allait arriver. Elles le savaient toutes les deux, mais la résignation qui avait pris place dans le cœur d'Eteslë et le regard de Taloril laisse place à une autre volonté. La douce candeur dont la petite a fait preuve pendant ces quelques jours a été une bouffée d'air frais et une agréable compagnie pendant un voyage qui aurait dû être plus qu'angoissant et dangereux, et l'idée de laisser mourir ainsi ce petit être lui semble, alors qu'elle est face à la vision de son corps presque inerte, quelque chose qu'elle ne peut accepter ainsi. Elle ne sait hélas que faire, ne connaît aucun moyen de sauver la fillette qui meurt devant ses yeux. Celle-ci, dans un dernier sursaut, tend enfin son bras et touche la gorge d'Eteslë. Une vive lumière irradie alors et la gorge de la jeune femme semble s'enflammer soudainement, la laissant prostrée au sol sous la douleur avant qu'elle ne faiblisse pour totalement disparaître.

- Mer...ci...

Elle relève les yeux en se frottant la gorge pour découvrir le corps finalement immobile de l'Aniathys. Elle s'agenouille face à elle et lui ferme doucement ses yeux. Elle reste un moment ainsi, à observer le corps sans vie, avant de finalement se lever, résignée. Elle soupire en fermant les yeux, les rouvre aussitôt avant de plonger son regard incrédule sur le corps de Taloril. Un mince sourire ourle alors les coins de ses lèvres et elle tire la couverture de son sac et serre le corps contre le sien avant de dormir. Aux premières heures de l'aube, elle enroule le corps dans la couverture et, utilisant son sac, l'attache sur son dos. Elle inspire et se met en route, le poids du corps contre son dos la faisant malgré tout sourire. Sa voix semble soudainement plus douce et si parler la gêne toujours, ce n'est plus aussi douloureux qu'avant.

- C'est moi qui te remercie, Taloril

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Lars Hennic
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Re: Plaines à l'Ouest du Royaume de Darhàm

Message par Lars Hennic » mer. 29 déc. 2021 14:43

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Cela fait un peu plus d'un jour que le voyage à commencer. J'ai passé le plus clair de mon temps à subir les diverses conversations sans intérêt des deux imbéciles me servant de compagnons de voyage, j'ai notamment appris qu'ils se connaissent depuis deux ans, période à laquelle ils ont rejoint la confrérie et que malgré les quelques missions à leur actif ils sont toujours de simples hommes de main, est-ce par ce que l'on progresse lentement au sein de la guilde ou parce qu'ils sont de parfaits idiots je ne saurais le dire. Le reste du temps, je l'ai passé à dormir, malgré l'inconfort de la voiture et à regarder le paysage monotone des plaines de Darhàm. Les deux repas auquel j'ai eu le droit étaient identique, il consistait en un bon morceau de pain, un morceau de viande sécher et d'une pomme, les prochains repas seront probablement identiques. Nous n'avons fait qu'un neuvième du trajet et je m'ennuie déjà à mourir.

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