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Après avoir retrouvé le convoi, panser nos blessures et fait le constat de nos pertes humaines et matériels nous avons repris la route. Une fois de plus nous nous en tirions bien et je me félicite à nouveau de cette halte qui a servi à créer une cohésion de groupe. Au final nous avions surtout perdu du temps, nécessaire pour réparer les chariots menaçant de se briser avant d’arriver à destination.
Nous avions retrouver la route après quelques jours à suivre le flanc des Monts Sanglants et pouvions désormais poursuivre notre avancée sur un terrain plus propice aux chariots et ce sans essuyer une nouvelle attaque. J’étais même parvenu à échanger mon loup contre le cheval de Laggrat Gar. A dire vrai c’est elle qui l’a proposé, avouant qu’elle était plus à l’aise sur ces montures carnivores.
Nous ne sommes qu’à quelques jours de Darhàm quand j’aperçois des nuages menaçants venant du nord tandis qu’un vent froid et violent nous fouette le visage depuis le petit matin. Je sais déjà que la couleur sombre de l’horizon est de mauvaise augure. En mer nous aurions fait le nécessaire pour l’éviter, voir pour trouver une crique où s’abriter le temps que la tempête passe. Mais nous sommes au beau milieu d’une plaine et mon seul espoir est d’avancer le plus possible dans l’espoir de trouver un hameau ou une ferme où nous abriter. Je donne donc l’ordre d’augmenter la cadence, usant d’avantage les montures déjà épuisées et qui montrent leurs mécontentements par des hennissements et des grognements.
Hélas aucun abri ne se distingue à l’horizon et les éclaireurs reviennent au convoi avant d’être perdus dans la pluie torrentielle qui s’abat désormais sur la plaine. Elle transforme le chemin de terre en une boue poisseuse dans laquelle les roues s’embourbent. Le tonnerre gronde et les éclairs strient le ciel, effrayant les montures et inquiétant les voyageurs. L’orage se retrouve rapidement au dessus de nos têtes et nous avons tous le pied à terre pour alléger les charrettes et les pousser au besoin mais surtout éviter d’être les points les plus élevés de la plaine car la foudre tombe à plusieurs reprises heureusement assez loin pour ne pas faire de dégâts. Le bruit de la pluie, du vent et du tonnerre est assourdissant et même les chevaux en panique deviennent inaudibles. Je marche péniblement, de la boue jusqu’aux chevilles, le vent me repoussant en arrière. Une autre épreuve de Phaïtos et je ne me laisserai pas abattre. C’est quand un autre éclair illumine le ciel noir que je distingue notre salut. La silhouette d’un château qui se dessine au nord. Assez proche pour l’atteindre en moins d’une heure. Je hurle à Uthurg de s’approcher et lui désigne le bâtiment quand la foudre s’abat à nouveau. Par signes nous parvenons à nous comprendre et rapidement le convoi change de direction, quittant la route boueuse pour retourner dans les herbes sauvages en direction de ce château perdu au milieu de nulle part.
L’espoir de pouvoir s’abriter donne de l’espoir aux Garzoks qui redoublent d’efforts pour atteindre le lieu plus rapidement et nous arrivons bien vite au pied d’un vieux castel à l’allure abandonnée. Nous en poussons les portes pour pénétrer dans une cour dallée. Laggrat repère rapidement une écurie sur notre gauche et nous nous hâtons d’y mettre les montures et les chariots en sûreté tandis que mon regard s’élève vers les hautes tours qui me surplombent. Face à moi un bâtiment imposant dans lequel on peut pénétrer soit par une grande porte de bois mal entretenue face à moi ou par une plus petite à ma droite. J’observe le château et ses vieilles pierres grises avec un sentiment étrange que je ne saurais expliqué mais j’ai la certitude que je dois y entrer.
Je rentre d’abord dans l’écurie et m’assure qu’il ne manque aucun chariot avant d’informer que je compte visiter le bâtiment principal. Seul Laggrat et ses orcs désirent rester avec les chevaux, arguant qu’ils sont suffisamment à l’abri du vent et de la pluie pour les calmer et les reposer. J’incline la tête et retourne à l’extérieur pour traverser la cour en compagnie de ceux qui veulent me suivre. Je pousse à l’aide d’Uthurg la porte principale et pénètre dans un hall immense que je peux détailler quand un éclair éclate dans le ciel. Je me saisis de ma lanterne pour l’allumer et y voir plus clair, rapidement imité par d’autres Garzok et ma surprise est immense. Un sourire ravi se dessine sur mes joues car je comprends désormais que je ne suis pas arrivé ici par hasard.
Face à la porte se trouve deux immenses escaliers de marbre et de rambardes d’acier forgé permettant de gagner les étages supérieurs mais surtout, entre les deux escaliers qui se rejoignent plus haut, se trouve un tableau immense. Certes usé par le temps et l’humidité mais qui permet quand même d’y voir celui qui était sans doute le propriétaire des lieux. Mais ce n’est pas l’homme peint sur le tableau qui me fait sourire de satisfaction, un homme qui parait assez jeune et qui se tient fièrement debout, tenant dans sa main une rapière à la lame rouge sang ainsi qu’une garde sublime, d’un noir profond. Exactement la même que celle que j’aperçois dans mes visions. La lame est ici, Phaïtos m’a mené ici et je retournerai tout ce castel jusqu’à ce qu’elle trouve sa place, entre mes mains.