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Les Plaines Damnées

Posté : mar. 2 janv. 2018 15:00
par Yuimen
Les Plaines Damnées

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Il est des lieux qui semblent avoir été oubliés des Dieux, des lieux où jamais la paix ne trouve à s'enraciner durablement, des lieux où la guerre et la haine paraissent sourdre de la terre elle-même pour corrompre ceux qui les arpentent. Les Plaines Damnées en font partie, elles qui ont vu mille batailles ensanglanter leur sol, elles qui sont disputées depuis la nuit des temps par tous ceux qui ont eu la folie de s'y établir. Le doux nom qui les désigne aujourd'hui leur fut attribué aux alentours de -7'900 avant notre ère par les Earions, après qu'ils aient été massacrés par les Garzoks ramenés du monde de Nargrum par Oaxaca et que leur ancienne capitale, Omyre, soit tombée sous le joug de la ténébreuse déesse.

Vastes étendues du nord de Nirtim, elles possèdent des reliefs variés, parfois plates à perte de vue, parfois tortueuses et encombrées de rochers, couvertes d'herbes coriaces aux teintes sinistres ou aussi arides que le coeur d'un mort-vivant. Terres de guerre, elles sont souvent jonchées d'ossements blanchis par le temps et de vieilles pièces de ferraille piquées par la rouille, parsemées aussi de zones noircies par les incendies ou rendues stériles par l'usage des plus sombres magies. Nombreuses sont les ruines qui y dressent leurs restes lugubres, témoignant de la fureur d'un passé de violence qui jamais ne se laisse engloutir par le temps.

Aujourd'hui elles sont massivement occupées et parcourues par les légions d'Oaxaca et les terrifiantes créations des Treize, principalement dans les zones frontalières et autour d'Omyre, certes, mais n'allez pas croire que vous y trouverez le moindre endroit sûr, ce serait sans doute votre dernière erreur. Innombrables sont les tribus Garzoks ou Sektegs qui les parsèment et qui, bien souvent, se livrent entre eux des guerres claniques sans merci ou se lancent dans des raids meurtriers sur les contrées voisines. Il n'existe que deux lois ici, celle du plus fort et une soumission absolue envers la sombre Déesse qui a étendu son règne de terreur sur tout le nord du continent.

Lieux particuliers au sein des Plaines Damnées :

Re: Les Plaines Damnées

Posté : lun. 8 avr. 2019 14:21
par TGM
-----E-----



Ce voyage me rappelle celui que j'ai fait avec Kurgoth il y a quelques années, c'est la même route et, une fois encore, je dois il y a quelqu'un à surveiller. L'elfe esclavagiste que j'accompagne, Deldrach, mène le cortège tandis que je ferme la marche. Il y a un peu de tout dans ses marchandises, mais principalement des prisonniers de guerre, pas mal d'humain, kendrans ou ynoriens, mais aussi des thorkins. J'y trouve aussi un garzok et quelques segteks, probablement ici suite à des guerres de clans. L'humain que j'ai mis à terre pour me faire accepter par son maître, un grand brun dont je ne fais même pas l'effort de retenir le nom, me lance un regard mauvais dès le début du voyage, quel idiot. Au premier arrêt nocturne, après que Deldrach ait attaché les chaînes au tronc de l'arbre à côté duquel nous campons, je suggère quelques changements de place au sein de la chaîne. Je place ainsi la jeune blonde, seule autre personne que le brun regardait à part moi, à l'arrière de la file. Tous deux, que je soupçonne de former un couple, ont protesté à grands cris, mais le shaakt, cruel comme toute personne mettant les pieds à Omyre, n'a été que plus encouragé par cette réaction à suivre mon conseil.

Cette nuit, comme toutes les autres, Deldrach a monté la garde. Je me méfie de lui, n'ayant aucune envie de finir à mon tour esclave, mais le zèle, dont je fais preuve pour faire avancer les traînards, semble suffisamment lui plaire pour que je n'aie pas de mauvaise surprise au matin. Au premier matin de leur séparation, le grand brun refuse d'avancer tant que sa compagne ne lui est pas rendue. J'ai beau être, tout comme lui un kendran, j'ai appris la vie à Omyre et reste donc insensible à ses accusations de "traîtrise". Il croit que, parce que nous somme de la même race, nous devrions nous entraider. Sottises, je n'ai toujours pu compter que sur moi-même, et parfois quelques alliés temporaires, mais aucun d'entre eux n'a été humain jusqu'ici. Je n'ai donc aucun scrupule à le rouer de coups pour le mettre au pas. Deldrach m'arrête cependant, prétextant que si je le tue, il perdrait toute sa valeur. Finalement, le garzok, qui semble étrangement bien accepter sa condition, le prend sur ses épaules et nous pouvons repartir.

Son regard braqué sur moi, je le provoque me montrant mielleux avec son amante, qui, bien que plus âgée que moi de quelques années, suscite en moi un désir toujours plus intense à mesure que je constate ses formes harmonieuses. Alors qu'une autre journée de marche se termine à un autre feu de camp, au pied d'un autre arbre isolé dans ces plaines, je fais part au shaakt de mon intérêt pour l'humaine à la chevelure d'or, bien qu'elle n'ai même pas daigné me donner son nom ni m'adresser le moindre mot. Celui-ci me défend catégoriquement d'y toucher, il la pense encore vierge et espère donc se faire une petite fortune en la vendant à un bordel de la ville pirate. Je ne parviens cependant pas à détacher mes yeux d'elle, mû par mes hormones, sous le regard débordant de jalousie du brun. Ce soir-là, frustré, je veille tard et me vois contraint de me soulager seul de mon désir avant de réussir à fermer l’œil.

À partir du lendemain, la belle inconnue marche en tête, juste derrière le shaakt et c'est le grand brun qui marche devant moi, en queue de peloton. Le voyage devient d'un coup plus long et morose, heureusement, les jours passent et Darhàm se rapproche. Deux semaines se passent ainsi, les longues journées défilent au rythme des pas, ponctués de plaintes que je m'efforce de faire taire. Après tout, je ne suis pas responsable de leurs malheurs, qu'ils se libèrent s'ils le peuvent, telle est la loi omyrhienne. Les soirs sont assez silencieux aussi, la fatigue de la marche ne m'encourage pas à beaucoup discuter avec Deldrach qui commence à méditer dès le camp établi afin de prendre au plus vite son tour de garde. J'ai néanmoins appris qu'il est un paria de Caïx Imoros, ville shaakte à l'autre bout du continent, qui s'est mis à voyager dans l'empire oaxien pour faire du commerce d'esclaves, ne pouvant demeurer parmi les siens sans risques pour sa survie.

Les paysages défilent. Après avoir quitté Omyre, nous pénétrons rapidement dans les monts sanglants, ces montagnes désertées par la vie que j'avais traversé avec le garzok priant Thimoros pour atteindre le royaume humain. Mais nous empruntons un chemin différent, plutôt que nous enfoncer dans ce massif rocailleux et hostile, nous suivons la route elfique en ruine pour redescendre dans les plaines. Cette "route" est principalement un large sentier de terre battue par les pas des voyageurs clairsemé de grands pavés de pierre émergents encore plus ou moins du sol. Si les esclaves semblent inquiets par les crêtes découpées sur le ciel et les rochers saillants qui nous entourent, j'ai appris, par le voyage effectué avec Kurgoth, que ces montagnes étaient surtout traversées par des armées que l'on n'intéresse pas ou des pillards qui préfèrent agir au-delà de la frontière.

Dans les plaines damnées, Deldrach a jugé trop risqué de faire des feux de camp et préfère sortir de la route lorsque la lumière décline pour s'arrêter dans des endroits isolés ou personne ne nous trouverais. À chaque fois, ni moi, ni les esclaves ne sommes rassurés, nous vivons uniquement des provisions faites par le shaakt et, dans ces plaines que nous savons tous hostiles, personne ne veut tomber à court de nourriture tout en ayant perdu son chemin. Heureusement, le shaakt, qui semble expérimenté de la chose et posséder une bonne connaissance des abords de la route qu'il emprunte, retombe à chaque fois sur elle, ce qui n'est pas un luxe, car il est bien plus simple d'avancer sur un sentier de terre que dans les hautes herbes où l'on risque toujours de marcher par inadvertance sur un serpent ou une créature tapie dans la brousse. Plus d'une fois, nous apercevons au loin des silhouettes qui semblent nous remarquer également. J'ai cru, au début, que les esclaves ralentiraient pour essayer de s'échapper en cas d'attaque, mais non, tout le monde accélère. Au fond, je les comprends, être esclave de sauvages aux ressources limitées, qui pourraient nous considérer comme des réserves en cas de disette, est moins engageant que d'être esclave dans une ville bondée, où l'on pourra trouver nombre de cachettes dans l'illégalité si l'on parvient à fuir, et où il n'y a guère de différence de traitement entre un esclave et un employé sous-payé. Enfin, les murs de Darhàm se distinguent à l'horizon. Après dix-sept jours de voyage, cette interminable marche - et ma fuite d'Omyre - prend fin.

1206mots

Re: Les Plaines Damnées

Posté : dim. 9 févr. 2020 21:52
par Eteslë
Le son du carnage

La monotonie du voyage fait son retour tandis qu'Eteslë s'approche de plus en plus des monts sanglants. Depuis son départ, le paysage a drastiquement changé, passant des grande plaines à peine vallonnée à un espèce de paysage inhospitalier où une herbe sèche et cassante côtoie des arbres à peine vivants. Parfois le cri d'une créature se fait entendre dans le lointain, mais, la majorité du temps, un silence de tombeau est la seule compagnie que la jeune femme peut avoir durant son voyage. La route n'est plus qu'un relatif sentiers à peine tracé au beau milieu de ce paysage désolé et elle commence à se demander si Omyre est aussi peu engageante que les régions qui l'entourent. Cela ne la freine nullement dans ses pérégrinations, mais elle s'étonne que la soit-disant capitale de l'Empire Oaxien, connue pour être la « terre des libertés », soit aussi désolée que cela.

Alors qu'elle traverse une zone étrangement parsemée par endroit d'os blanchis par le soleil, une clameur la fait se stopper aussitôt. Elle tend l'oreille, perçoit des cris gutturaux, le son d'armes qui s'entrechoquent. Elle craint qu'un combat ne se déroule non loin et reste prudemment sur le sentier. A mesure qu'elle avance, le son devient plus fort, elle peut entendre les hurlement de combat de Garzok, les cris des blessés. Dévorée par une curiosité morbide, elle continue d'avancer malgré elle et finit par bifurquer pour suivre le son. Elle sait que c'est probablement une très mauvaise idée, mais la curiosité est bien trop forte. Elle s'approche, cachée derrière un rocher et se met à observer.

Contrairement à ce qu'elle a originellement cru, ce n'est pas une bataille qui se déroule devant ses yeux, mais un massacre sanglant. Une troupe Garzok est aux prises avec... elle ne sait quoi. Cela ressemble à un cavalier dont on aurait arrachée la peau, de même qu'au cheval qu'il monte. Les hurlements stridents poussés par cette créature tandis qu'elle trace de sanglants sillons dans les rangs Garzok, démembrant tête et membres sans distinction, a de quoi rendre fou n'importe qui. Une vision de cauchemar, un bain de sang sans pitié ni espoir où les Garzok, malgré leur écrasante supériorité numérique, se font faucher comme les blés par la lance de ce cavalier écorché et, Eteslë ne le remarque qu'après, brûlé et comme soudé à sa monture. Quelque chose qui n'aurait pas sa place sur Yuimen, elle en est convaincue.

Cachée derrière son rocher, elle assiste au carnage, la peur au ventre. Une peur qu'elle ne pense avoir jamais ressentie auparavant. Elle se détourne finalement, le souffle court, le dos collé au rocher derrière lequel elle se réfugie malgré l'incertitude de pouvoir échapper à cette horreur. Les yeux flamboyant de la créature ne se sont pas tournés vers elle, elle en est persuadée, mais elle n'est pas certaine qu'elle ne peut pas la trouver. Elle essaie de bouger, de se forcer à se secouer tandis que les bruits du combat commencent à se faire plus sporadiques, moins bruyants. Lorsque le silence règne à nouveau, elle se passe ses mains sur le visage, dépose son fardeau au sol et prend le risque de jeter un œil.

Elle se fige devant le macabre spectacle du charnier laissé là par la créature qui semble observer les alentours. Après un hennissement cauchemardesque, elle rue et se remet en route, droit vers le Nord, loin de la jeune femme qui ne peux que la regarder partir en laissant dans son sillage les traces sanglantes des sabots du cheval. Elle se rassoit, inspire longuement, calme peu à peu les battements de son cœur. Elle reprend peu à peu le contrôle, respire plus calmement et finit par se lever. Une idée lui vient et, laissant là ses affaires, elle s'approche doucement du carnage.

Le spectacle est sanglant, mais encore frais et aucun charognard n'a encore daigné se poser sur le moindre corps. Elle ne sait combien il y en a, allongés là, n'en a cure, finalement. Elle fouille quelques corps, prend les capes qu'elle trouve, délaisse le reste, armes comme armures dont elle n'a aucune utilité si ce n'est un coutelas qu'elle pense utile, évite la nourriture qu'elle pense infâme en plus d'être complètement gorgée de sang Garzok. Son macabre butin ramassé, elle retourne derrière son rocher et entreprend, à l'aide du coutelas de fabriquer de quoi emmailloté le corps de Taloril et de confectionner de quoi l’attacher dans son son sans avoir à utiliser son sac. Elle range ainsi sa couverture et se met au travail, recouvrant avec soin le corps de l'Aniathys de bandes de tissus pour la protéger. Cela lui prend un temps qu'elle n'aurait pas cru si long, mais elle peut la transporter d'autant plus facilement à présent.

Elle ne s'attarde pas plus longtemps et, son dessein achevé, elle reprend rapidement le chemin du sentier menant vers les monts sanglants. Elle n'a aucune envie de croiser les charognards du coin, ou d’éventuels pillards qui se serviraient à cœur joie dans le charnier qu'est devenue la zone. Rapidement elle prend ses distances, appréciant l'équilibre moins précaire du poids collé contre son dos. Elle a veillé à prendre uniquement les tissus propres, sans signes distinctifs, pour ne pas avoir le moindre problème concernant l'éventuelle provenance de tout cela. Elle porte déjà un corps sans vie de ce qui ressemble à une fillette, elle n'a guère besoin que l'on vienne la questionner sur quelque chose qu'elle souhaite simplement sortir de son esprit.

C'est lorsque le jour commence lentement à décliner qu'elle sent à nouveau un regard sur elle et qu'elle se tient davantage sur ses gardes. Elle s'estime relativement chanceuse pour ne pas avoir croiser de menaces jusque là, mais la vue de ce cavalier écorché l'a profondément perturbée et lorsque son instinct lui crie que quelque chose la traque, elle lui fait aussitôt confiance. Elle presse le pas quelques minutes avant que la fameuse présence ne se révèle enfin. Un groupe de bandit, humains pour la plupart, excepté le Segtek qui sort des fourrés derrière elle. La jeune femme se fige alors qu'ils lui barrent la route, la plupart arborant un sourire malsain. Leur équipement laisse à désirer, pas d'armures, mais l'un d'eux possède néanmoins une arbalète et un autre une masse, ce qui la met dans une situation plus que délicate. Le plus grand des humains, un type barbu à la carrure à peine plus épaisse qu'une brindille, s'avance, un sourire aux lèvres, jouant avec une dague qu'il porte en main.

- Belle journée pas vrai ? Sois sage, dépose tes affaires et... On ne te tueras pas.

La jeune femme n'est pas dupe, ce n'est absolument pas une promesse de pitié ou de relative sécurité. Elle préfère garder une expression fermée et calme, se préparant néanmoins à se battre si elle le doit. Ils sont nombreux, bien trop, mais elle n'a aucunement l'intention de leur faciliter la tâche. L'homme semble l'avoir compris et ricane, se moquant d'une jeune femme voyageant seule et sans armes, persuadé d'avoir à faire à une ignorante chanceuse d'être arrivée jusque là. Même si elle a effectivement eu de la chance jusque là, se faire sous estimer est chose courante pour la jeune femme qui compte finalement profiter de ce fait à son avantage. Elle ne bouge pas, se contente d'observer les hommes devant elle. Le Segtek qui s'est décalé sur le côté est visible et elle le surveille du coin de l’œil, mais il semble étrangement ne pas porter d'armes et semble bien moins alerte et en forme que les autres.

- Bon, on va pas y passer la journée. Georj, Dereck !

Deux hommes s'approchent d'elle, d'un pas nonchalant et un sourire moqueur sur les lèvres. Elles les laissent approcher, fait mine de reculer tout en faisant en sorte d'avoir l'un des deux hommes entre elle et l'arbalétrier. La tactique ne semble pas les alarmer et ils s'approchent toujours, sans même dégainer les armes qui pendent à leurs ceintures. Eteslë se sait dans une position délicate et elle sait que frapper vite, fort et sans faiblir est la seule façon qu'elle a de s'en sortir. Elle doit se tirer de là au plus vite, mais la chose, elle ne sait, ne sera pas aisée.

Re: Les Plaines Damnées

Posté : jeu. 13 févr. 2020 23:32
par Eteslë
Ruisseau pourpre

Ils s'approchent un peu plus à chaque pas, l'observant avec des yeux à la fois moqueurs et envieux. Elle sait parfaitement ce qui passe dans leurs cervelles à ce moment précis. Une jeune femme seule et sans arme, quel cadeau ! Elle inspire, écarte légèrement les jambes en tournant le buste. Elle attend qu'ils soient trop près pour pouvoir réagir correctement. La surprise sera son seul avantage. Elle se campe sur ses jambes, puis bande ses muscles et, d'un bond, fonce sur le premier, le prenant totalement au dépourvu. Elle lui explose le nez d'un coup de poing avant de lui enfoncer son coude dans l'abdomen pour enfin percuter son visage avec son genou lorsqu'il se plie en deux pour respirer, par réflexe. Médusé, son comparse n'a que le temps d'observer son compagnon s'écrouler avant que la jeune femme ne lui fonce dessus. Il tire sa lame courbe qui fend l'air en sifflant, traçant une estafilade sur la clavicule d'Eteslë qui, sans attendre malgré son sifflement de douleur, lui enfonce son poing dans la gorge, écrasant sa trachée sous l'impact. Il tente de reculer pour reprendre son souffle, mais la jeune femme le retient par le poignet qu'elle serre à lui en brisant les os et, de son poing libre, enchaîne les coups sur le visage du bandit. Il parvient à le bloquer et les deux adversaires se tiennent ainsi l'un l'autre, se regardant dans le blanc des yeux. La surprise et une certaine colère prédominent dans les yeux du bandit, mais ceux d'Eteslë ne renvoient rien de tel, simplement une détermination froide. Un sourire vicieux se dessine alors sur ses lèvres avant qu'un coup de genou ne vienne frapper violemment la zone sensible de l'anatomie masculine. Le bandit laisse échapper un petit cri aigu avant la lâcher et de se plier, le visage rougit.

- Espèce de sale p...

Le choc de son crâne contre le sol lorsqu'Eteslë lui empoigne les cheveux pour le fracasser contre la terre met fin à sa phrase. Elle aurait aimé l'achever ainsi, mais le bougre est coriace et elle manque de temps. En effet les deux autres ne sont pas restés inactifs et leur chef se rue vers elle, dagues en main, tandis que l'autre la met en joue de son arbalète. Ne pouvant espérer éviter un trait à cette distance, elle relève de force le brigand et s'en sert comme bouclier le temps que le troisième ne l'atteigne. Bandant ses muscles, elle l'empoigne par le col et la ceinture et le projette sur son camarade médusé qui s'écroule sous le choc tandis qu'elle se rue vers le côté de la route. Elle n'espérait pas les vaincre, simplement se donner assez de temps pour leur fausser compagnie en leur mettant suffisamment de mandales pour ensuite s'enfuir. Alors qu'elle pense avoir réussi, une vive douleur à la cuisse la fait chuter et elle s'écroule sur le ventre en grognant. Grimaçant, elle voit le responsable en se retournant, lorsque l’arbalétrier se met à recharger. Le trait a presque transpercé entièrement sa cuisse et la douleur est si vive qu'elle oublie un instant de respirer.

(Merde, merde, merde!)

Serrant les dents, elle casse la pointe du trait mais n'enlève pas le reste, ne souhaitant pas vraiment se vider de son sang dans l'instant. Elle garde la pointe dans son poing et se retourne pour voir le barbu aux dagues la toiser d'un air supérieur. Lentement, elle retire son sac et le corps de Taloril de son dos, qu'elle pose derrière elle avant de se relever sans s'appuyer sur sa jambe blessée. Autant dire qu'elle n'est pas stable, que la douleur la distrait bien trop et qu'une sueur de douleur couvre son front et ses tempes. Son souffle, irrégulier, la gêne, rend sa conscience moins alerte, mais elle n'arrive pas à le réguler, pas avec la douleur constante de sa cuisse et l'assurance de passer le pire moment de sa vie si elle abandonne simplement. La pointe toujours dans son poing, elle ne bouge pas davantage, mobilise toute ses forces et sa concentration pour réagir au moindre mouvement de l'homme qui semble la scruter avec une attention nouvelle, quoique différente d'auparavant. Un rictus déforme alors son visage, mais, à l'étonnante consternation d'Eteslë, ce n'est pas un rictus de haine ou de colère, non, un rictus d'un certain amusement mêlé d'un étonnant respect.

- Tu te défends bien, t'es pas la première venue toi, hein ? Yorik, baisse ton arme.

Étonnamment, le type obéit et le chef offre un sourire qui doit se vouloir rassurant. Eteslë n'est pas dupe et, serrant les dents, cherche à reculer, pas après pas, se vautrant lamentablement lorsque sa jambe lui fait défaut. Elle halète, se redresse péniblement sans tenter de se relever, n'en ayant de toute façon pas la force. Le chef des bandits s'accroupit alors face à elle, ses yeux passant de sa jambe à son visage avant de descendre le long de son corps, comme s'il l'examinait. Le sourire s'élargit, puis il se relève et va réveiller ses compagnons assommés. Péniblement, Eteslë tente d'arracher le reste du carreau de sa jambe, siffle de douleur mais expire un grognement mêlée d'un soupir de soulagement lorsque c'est chose faite. La blessure pisse le sang, mais elle a déjà vu bien pire sur d'autres, ce n'est pas mortel, mais elle a intérêt à ne pas laisser ça dans cet état, sous peine de perdre bien plus qu'un peu de sang.

Fouillant son sac, elle en retire deux lanières de tissu qu'elle gardait au cas où celles qu'elle avait arrachées aux corps encore chauds ne seraient pas suffisantes, et entreprends de bander sa cuisse, attachant le tout d'un nœud solide et bien serré qui la fait gémir de douleur. Le front perlant de grosses gouttes de sueur, elle fait de son mieux pour se relever, mais les bandits se rapprochent d'elle à présent, et le chef la pousse négligemment, la faisant sans effort tomber sur le sol. L'un d'eux est toujours dans les vapes et l'autre a le visage marqué par le récent combat, mais elle n'a apparemment pas réussi à en tuer un seul, ni à leur fausser compagnie. La faute à ce satané arbalétrier. Si elle voulait une chance de fuir, elle devait d'abord s'occuper de lui et de son arme de pleutre avant d'envisager quoi que ce soit d'autre. Une bien belle utopie pour la jeune femme qui peinait déjà à se dire qu'elle allait s'en sortir. La pointe toujours cachée dans sa main, elle se savait prête à s'en servir. Tout plutôt que de finir entre leurs mains. Main qui est d'ailleurs tendue vers Eteslë, à sa grande surprise. Elle pense délirer à cause de la douleur, mais la voix du chef ne semble pas être une illusion.

- Je te propose un truc. T'es plutôt douée, bien guindée et t'as pas l'air trop conne pour ce que j'en ai vu. On aime ceux qui savent se battre dans ce coin pourri, ou se rendre utile d'une manière ou d'une autre. Tu rejoins notre petite bande, et t'as plus de soucis à te faire pour ta gambette abîmée là. Marché conclu ?

Elle est presque certaine qu'elle délire. Il croit quoi ce type, qu'elle va les rejoindre gentiment après qu'ils aient tenté de la détrousser et probablement violer voire tuer ? Elle inspire profondément, tente par tous les maigres moyens à sa disposition d’éclaircir un peu son esprit, avec un résultat tout relatif. Elle se sait dans une situation critique, mais l'idée de bosser avec eux ne l'enchante guère, elle a mieux à faire et passablement des doutes sur leurs intentions réelles. Refuser reviendrait à mourir, elle le sait, probablement abandonnée là sur le bas-côté comme une vulgaire chienne dont le propriétaire s'est lassé, mais accepter ne lui donne pas de meilleurs garanties. Elle veut se rendre à Omyre, pas faire mumuse avec une bande de bandits des collines. Alors même qu'elle allait gentiment leur dire d'aller se faire foutre, le gobelin piaille et gesticule en courant vers eux d'une manière alarmée. La petite bande se retrouve rapidement à plier bagage, l'un d'eux emportant leur camarade inconscient sur son dos.

- Navré ma belle, mais finalement tu vas nous gêner.

Sans plus attendre, il se fait la malle avec ses hommes et Eteslë se retrouver rapidement seule, ahurie et blessée. Se sachant trop faible pour ne serait-ce qu'espérer marcher, elle rampe, récupère ses affaires et le corps de Taloril qu'elle rassemble et serre contre elle en s'adossant à un tronc décrépit qui traîne au bord de la route. S'en tire-t-elle à bon compte ? Elle a comme un doute, mais au moins elle sait les brigands partis, et c'est pour le moment la seule chose qui lui importe. Elle jette un œil au tissu enserrant sa cuisse et constate qu'il s'imbibe peu à peu de sang. Sa jambe la lance douloureusement, mais elle devient de plus en plus lointaine, comme si elle se distançait. Elle s'ébroue, ressens de nouveau la douleur de la plus vive des façons. Elle sait qu'elle ne doit pas sombrer dans l'inconscience, mais son corps le réclame et elle a bien du mal à l'en empêcher.

Le bruit caractéristique des sabots d'un cheval et celui des roues qui le suivent lui font relever la tête. Elle aperçoit quelques formes à travers sa vision brouillée. Des commerçants ? Elle croit voir des armes et en doute, mais après tout, la région est si peu sûre que se balader avec un arsenal n'est pas impossible. Elle serre un peu plus sa prise sur ses affaires et le corps de l'Anyathis, se demandant finalement si ce ne sont pas eux aussi des bandits. Une voix, lointaine, semble lui demander quelque chose, mais elle est bien incapable de cerner le moindre mot ou l'idée même de la phrase. Elle s'enfonce ses ongles dans la paume pour tenter d'y voir plus clair et comprendre de quoi il retourne, mais une vive douleur à la tête réduit ses efforts à néant, et elle se sent finalement sombrer, incapable de maintenir sa conscience en éveil.

Re: Les Plaines Damnées

Posté : sam. 7 mars 2020 20:46
par Sirat
Il avait déplacé ce rocher une bonne trentaine de fois. Il posa la main dessus, une goutte de sueur tomba sur la pierre l'assombrissant. Il devait bien faire une cinquantaine de kilos, il y a quelques semaines cet effort lui aurait été impossible. Mais aujourd'hui malgré les douleurs insoutenables qui tiraillaient ses muscles, il était venu à bout de son exercice.
Fourbu et transpirant, il se retourna et utilisa le roc comme siège. Il contempla la caverne qui servait de salle d'entrainement. Des armes rudimentaires et usées jonchaient le sol de poussière. Des chaines, des pierres de différentes tailles et une table en bois brinquebalante avec un pichet d'eau étaient éclairées par une torche. Les Garzoks ne s'embarrassaient pas du superflu et l'endroit baignait dans l'obscurité.

Il n'avait plus vu le jour depuis longtemps. Il observa ses mains, calleuses et pleines de cloques. Il jaugea son pelage, là ou auparavant il arborait de belles couleurs malt, il n'y avait plus qu'une couverture terne et grise, au pâle reflet orangé par endroit. Sa crinière avait perdu de son éclat, ses cheveux étaient cendrés, sa couronne de feu s'était éteinte, sous les coups d'obscure magie. Seul son regard gardait la même intensité. Les cicatrices s'étaient multipliées, hypertrophiques, de manière anarchique, sur ses bras son torse, jusqu'à son visage. Il caressa les bordures de celle-ci du bout de ses doigts. À mesure qu'il décrivait les rives de sa balafre, les souvenirs lui revenaient par vague.

Il s'était empressé de quitter Aliaénon poussé par une envie, un instinct. Il avait quitté le dragon et marché, longtemps jusqu'à la porte du fluide d'Escarloth. Peut-être aurait-il dû se douter de quelque chose ? Mais comment aurait-il pu voir quoique ce soit tant il était impatient ?
À peine posa-t-il le pied sur le sol de Yuimen, qu'un violent coup s'écrasa sur l'occiput. Il mit un genou à terre brisé par la douleur. De chaque côté du fluide, deux soldats shaakts et trois autres arrivaient devant lui. Ils étaient facilement reconnaissables à leur visage fin, leur teint cuivré et leurs cheveux d'albâtre. Ils allaient se ruer sur lui, avec leur armure ébène, leur sourire sadique. Il devait oublier le déchirement qui battait dans son crâne. Par chance plus que par agilité, il évita l'épée de celui de gauche, mais son compère enfonça sa lance dans le mollet de l'humoran le clouant au sol et lui arrachant un hurlement. Il ne savait pas ce qu’ils lui voulaient. Un deuxième coup frappa son crâne et il s'écroula face contre terre, inconscient.

Il inspira pleinement l'air humide de la grotte et ce sont d'autres souvenirs qui remontèrent à lui. Il passa sa main sur son mollet, là où la lance s'était fichée. Il n'avait rien pu faire.

Il se réveilla suspendu par les bras et enchaîné. Ses pieds touchaient à peine le sol. La tension dans ses épaules se faisait sentir. Il était seul au milieu d'une pièce en pierre apparente brune. L’ambiance moite et l'absence de fenêtres lui firent comprendre qu'il était dans une cave ou un sous-sol. Il n'y avait pas vraiment de mobilier hormis deux chaises en bois et une table vide.

La porte s'ouvrit sur deux shaakts, deux jumeaux semblables traits pour traits. Ils n'avaient rien à voir avec les soldats qui l'avaient attaqué. Leur stature imposait leur filiation, leurs cheveux soignés montraient qu'ils étaient d'un rang plus élevé. Leur corps était recouvert d'une armure légère de cuir noir. Leurs muscles saillaient une silhouette élancée. Leur sourire carnassier dévisageait leur proie qui pendait au centre de la salle.
Qui étaient-ils ? Il ne le saurait pas tout de suite. Sans rien dire et pendant plusieurs jours, il fut frappé. Ses deux tortionnaires ne prenaient une pause que pour changer d'arme. Le fouet lui avait déjà tellement lacéré le dos, la masse avait fracturé ses jambes. Plusieurs fois, il s'était évanoui. Il avait hurlé, il voulait savoir, pourquoi? Pour quelle raison? Mais ils ne dirent rien les premiers jours.

La flaque de sang à ses pieds se tarissait le matin et le soir reprenait vie, vibrant sous les clapotis de son hémoglobine qui perlait de son corps ouvert.
Il aurait tout avoué, même les crimes qu'il n'avait pas commis, si on lui avait demandé. Brisé, le soir il pleurait. Son sang ruisselait sur son corps. Il avait faim, soif. Il ne voyait plus tant son visage était tuméfié. On ne l'avait juste nourri pour que cela dure. Le jour, la nuit, il ne voyait que ces lampes qui éclairaient l'endroit à chaque instant, irradiant derrière ses blessures ses globes oculaires.

En réfléchissant à ses souvenirs, il se mordit les lèvres, une gerbe de colère l'enlaça.

Ils se présentèrent enfin. Ils étaient les frères de l'esclavagiste qui l'avait enlevé avec N'kpa. À ces mots, Sirat comprit que son cauchemar allait s'éterniser.
Il protesta, il était un lieutenant de Khynt. Mais ils éclatèrent de rire, son échec en Aliaénon et sa position ambivalente avait fait de lui un soldat obsolète. Il avait été vendu. Personne ne savait qu'il était là, personne ne viendrait. La tête de l'humoran se relâcha, les larmes coulèrent le long de ses plaies.
Une lame brûlante vint s'éteindre sur son visage alors il beugla comme un porcelet qu'on amenait à la mort. Il la souhaitait de tout son cœur, que les souffrances s’arrêtent, mais ses bourreaux s'amusaient trop pour le laisser filer.

Finalement il se mit à se taire. Il ne leur donnerait plus aucun plaisir. Au début ce fut dur, mais petit à petit il n'était plus qu'un réceptacle de violence, son âme s'était détachée de sa carcasse. Une certaine routine se créait, et rythmait ses journées.
Pour le faire crier, ils utilisèrent des sorts de foudres. Électrisé, il serra les dents, se mordit plusieurs fois la langue. Mais il n'était plus vraiment là, ses pertes de connaissances étaient de plus en plus longues.

Un bruit de porte qui éclata le sortit de sa torpeur. Combien de temps il avait été absent, il ne savait pas. Seule certitude, l'étonnement et la stupeur de ses deux tortionnaires.

- Libérez-le sur le champ !!

La voix était gutturale, forte, il ne la reconnaissait pas.

- tu rigoles peau verte, tu débarques avec tes copains et tu penses que nous allons obtempérer. Il nous appartient !

- Mon nom est Bra-Grom fils de Kra-Grom, chef des clans de Nákhnar et de Gu-sel des plaines de l'est et nous revendiquons cet homme !

Ils s’esclaffèrent en guise de réponse.

- Cet homme est "celui qui chante". Il a chanté pour nous, lors de l'attaque de Fan-Ming. Il a soutenu chacun d'entre nous comme si il était un des nôtres. Nous nous sommes battus à ses côtés lors de la grande bataille d'Aliaenon et mon peuple réclame sa vie.

Sirat se souvenait, la chaleur de la horde, la fureur des combats au pied des remparts.

- Sa vie?! Il est presque mort, nous l'avons échangé à khynt. Je ne pense pas qu'il serait content qu'un enfant, même fils de chef de clan, outrepasse ses ordres. Lâchez donc cette hache, elle sera plus utile en cuisine que dans vos mains.

Il grogna visiblement irrité.

- Écoute, je ne pense pas que vous êtes prêts à encaisser ce que je vais te mettre dans la tronche si tu n’obtempères pas. Et si tu parles des lieutenants d'Oaxaca, qui d'après toi nous a indiqué où vous vous trouviez.

Le silence que créa cette dernière information faillit lui soutirer un rictus. Mais les chaines se relâchèrent et son corps désarticulé s'écrasa sur le sol ensanglanté.

- Sage décision

Il fut soulevé par deux personnes et on le tira en dehors de sa cellule.

Il fut ballotté avec toute la grâce qu'était capable un guerrier garzok. Pendant un instant il se demanda s'il n'était pas tombé aux mains de nouveaux tortionnaires.

Ses pieds traînaient sur le sol, ils tapaient sur chaque marche de l'escalier qui le sortait de son cachot. Des murmures sur son passage, des pirates shaakts qui observaient leur proie s'éloigner de leur griffe.

La porte s'ouvrit sur une ruelle. Il ne voyait pas grand chose, mais il ressentit l'humidité et la fraîcheur de l'air extérieur. Il inspira grandement, autant qu'il pouvait avec son nez boursouflé. Une larme s'écoula sur son visage.
On le déposa sur un support en bois, une charrette peut être, il ne se rappelait plus.

- Emmenez le au plus vite au grotte, ces scélérats de peaux noires ne vont pas se laisser faire, nous allons vous faire gagner du temps.

Alors que le cortège se mettait en route, sous les ordres de son cocher, il sombra dans un sommeil profond.

Ce qui se passa ensuite restait trouble, même si assis sur son rocher il se forçait à se rappeler. Il voyait des visages, on s'occupait de lui, des soigneurs, tous des peaux vertes qui se relayaient pour le remettre sur pied.

- tu te morfonds encore, ce qui est passé est mort.

La voix grave de contralto venait de l'entrée de la salle d'entrainement. Elle l'avait tiré de ses pensées. Dans le trou creusé en guise de porte, se dessinait la silhouette féminine et musclée de la garzok. Ses cheveux bruns étaient faits d'une multitude de tresses, serties de perle faite d'os. Sa peau terreuse luisait à la lueur de la flamme de la torche. A demie nue, revêtue de peau de bête, fruit mûr à la chair ferme et musclée. Athlétique , lionne sauvage, elle portait sur ses hanches deux coutelas recourbés. Des taches de rousseur ébène relevaient son regard crépusculaire. Elle toisait l'humoran.

- Mon frère ne t'a pas sauvé pour que tu te lamentes.

Re: Les Plaines Damnées

Posté : lun. 16 mars 2020 18:47
par Sirat
Elle s'avança en se déhanchant, ses épaules se mouvaient lentement, gazelle sensuelle aux attaches célestes. Elle ramassa une lame usée qui traînait sur le sol.

- On juge des choses présentes par le passé

Elle leva les sourcils, laissant échapper un bruit de succion avec ses lèvres en signe de désaccord. Elle jouait avec le sabre, le faisant tournoyer.

- Tu es un guerrier, tu réfléchis trop.

Elle redressa son regard, déterminée, plongeant dans le siens. Elle jeta alors l'épée vers Sirat qui par réflexe se releva et l'attrapa. Féline, elle en avait profité pour bondir sur lui, décochant un coup de pied sauté en plein thorax et le fit voltiger sur le sol.

Il se hissa sur ses deux jambes, une douleur à la poitrine. Par chance il n'avait pas lâché l'arme, car elle avait déjà dégainé ses deux glaives.
Il para le premier coup, mais elle le frappa avec le pommeau du second. Sa lèvre éclata et du sang en gicla. Elle grogna de plaisir, elle s'amusait. Vexé, l'humoran se jeta sur elle, la percutant vulgairement, mais avec une rude efficacité.

Elle roula dans la terre. elle se tenait sur ses jambes, l'une était tendue et l'autre pliée le bassin bas. elle souriait alors qu'elle balançait sa crinière sombre en arrière.
Panthère, elle se rua sur lui une seconde fois. les lames se heurtèrent violemment. Le bruit du métal résonnait dans la caverne. Sirat se défendait tant bien que mal, mais son adversaire était plus véloce.
Toutes sa vie avait été faite de combat, c'était ainsi dans son monde de Garzok et peut être en était il ainsi pour toutes les femmes, si on considérait le combat au sens large.

Il se déroba à plusieurs coups, il prenait peu à peu la mesure de ce corps à corps.
Il la fit tomber, mais habilement elle rattrapa sa chute et le balaya d'un coup de pied circulaire qui frappa sa jambe porteuse. Il s'écroula dans un bruit sourd, il laissa s'extirper un râle de douleur. Il avait perdu sa vieille rapière.

Mais il ne pouvait s'appesantir sur son état, qu'elle tentait de lui grimper dessus pour le molester. Il décocha un direct qui la projeta dans le décor. Il voulut l'alpaguer en s'empressant de l'écraser avec sa masse.

Mais d'une roulade arrière elle avait repositionner ses jambes vers l'humoran qui retombait dans le piège de l'amazone. Elle referma sur lui un triangle infernal, autour de son cou. Elle avait pris un bras, et ses jambes enlaçaient cette nuque et ce bras. La force de ses cuisses étouffait petit à petit Sirat. Plus il se débattait, plus le piège se refermait.

Il la souleva, alors qu'elle restait accrochée et elle appuyait sur sa tête pour accélérer l'asphyxie. A bout de souffle il retomba sur ses genoux et se laissa choir sur le dos, la garzok toujours enlacée sur lui.

Elle relâcha sa prise et porta une dague sur sa gorge. Ils se regardaient, lui en dessous d'elle, dans son entrejambes écrasé par son poids sur son torse. Ses lèvres charnues blessées lui souriaient. Belle dans l'obscurité, ses yeux brillaient, de la lumière des vainqueurs.

- Tu es mort

- Et c'est tout?

il laissa sa question en suspens, exalté par le combat. Elle souffla bruyamment

- On ne peut rien faire avec un mort.

Elle enleva la dague et se leva. Il la contempla s'en aller vers la sortie, elle épousseta son corps vigoureux.
Elle le scruta une dernière fois.

- Mon frère t'attend

et elle s'en alla.

Après un instant à fixer l'entrée Sirat hissa sa carcasse fourbue, essuya le sang qui coulait de sa lèvre. Il s'étira et prit direction des souterrains.
Cela faisait quelques mois qu'il était là. On l'avait soigné, remis sur pied. Depuis qu'il pouvait se relever, il allait et venait de sa paillasse qui lui servait de lit à la salle d'entrainement. Mais une sorte de léthargie le tenaillait, jusqu'à aujourd'hui. Le combat avait réveillé chez lui des sensations somnolentes. K'nee avait ranimé une sensation enfouie et tenaillée par la peur.
Il descendit dans les artères du sous-sol, les Garzok pouvaient voir dans le noir, l'éclairage public était donc une notion sporadique, voire inexistante. Avec le temps il s'y était fait. Des veines plus petites s'extirpaient de la voie centrale, elles s’enfuyaient dans l'obscurité des tréfonds du sous-sol. Il croisa un groupe de Garzok, qui hurlait et faisait du bruit, il leur céda le passage. Il n'était qu'un invité ici et certains ne le toléraient que par ordre. Plus le temps passait plus son statut devenait un sujet de discorde. Le temps de l'introspection était fini.

Finalement il arriva au cœur du complexe, sous les plaines Damnées, le camp de ce clan était une véritable fourmilière.
Des colonnes de pierre partaient du sol pour pénétrer le plafond, elles formaient des piliers immenses qui soutenaient l'édifice. Une horde grouillante et anarchique s'agitait, certains se battaient, d'autres s'accouplaient. Des marchands gobelins vendaient leurs trouvailles au milieu d'une masse frétillante. Sirat se faufila ignorant les regards interrogateurs qui le toisaient. Il avait l'habitude, cela ne le changeait pas des bas quartiers de Kendra-kar où il avait grandi.
Des alcôves brillaient sur les parois, comme une ruche elles perlaient le mur d'enceinte. C'était les habitations pour les gradés, les autres dormiraient sur le sol où dans des recoins sombres.

Il arriva vers l'une d'elles, un obèse et massif fantassin garzok en barrait le passage. Il maugréa à travers ses deux grosses dents, mais laissa entrer l'humoran.
La pièce était une grande voute, une table centrale, où trônaient nourriture et boisson dans des crânes en guise de verre. Elle pouvait tenir trois voire quatre convives. Sur sa droite une couche, sommaire, drapée d'une couverture carmin, plutôt sale. Sur la gauche un coffre plein de bric-à-brac où il pouvait apercevoir ses affaires et ses armes.

En face, étendu sur un siège en bois massif, Bra l'observait. Bra avait une couleur brune. Sa peau était un cuir épais et rutilant à la lumière oscillante des torches. De longues tresses partaient du haut de son crâne rasé et se perdaient sur son dos. Il ressemblait à un taureau, sa tête se vissait dans son cou musclé qui en faisait un titan. Hercule d'airain, aux oreilles percées de breloques en os. Son visage était scarifié et tatoué de spirales énigmatiques. Son regard noir luisait d'un air indomptable. Ici il ne craignait rien, il était le maître de ce domaine fragile.

Sirat s'avança et comme le Garzok l'invita d'un geste à s’asseoir il prit un siège en face de lui. Bra attrapa sans rien dire la carafe de terre cuite et versa le nectar ambré dans un crâne transformé en verre. L'humoran s'empara du verre tendu et y plongea ses lèvres puis il redéposa le godet.

- Je t'ai fait venir, car cela s'agite à la surface. La reine noire a commencé son offensive et mon clan est appelé à servir.

Sirat savait ce que cela signifiait, dans quelques jours la majeure partie des effectifs quitteraient les grottes.

- Je pars demain.

Bra qui buvait, s'arrêta à peine, pour parler laissant dégouliner son breuvage le long de ses lèvres.

- K'nee t'a convaincu?

- Elle a des arguments percutants.

Sirat esquissa un sourire en touchant sa lèvre encore boursouflée. Bra éclata d'un rire fort et bon enfant et l'humoran fit de même.
Le silence retomba alors qu'ils se servaient à manger.

- En même temps, un lion ne peut rester enfermé, tu as besoin de lumière et d'air frais. Tu n'es pas aussi robuste qu'un garzok.

Il se frappa sur la poitrine en même temps qu'il mastiquait une épaule d'agneau.
Sirat opina du chef.

- Pourquoi m'as-tu sauvé?

Bra prit trois bonnes gorgées de bière et reposa son verre. Il essuya sa bouche avec son avant-bras et jaugea le zélote.

-J'ai combattu avec toi, tu es un vrai guerrier et un guerrier ne mérite pas de mourir ainsi. Notre mort est sur un champ de bataille, dans le sang et la sueur du combat. Ainsi est notre destin.

- Tu sais que ce même destin peut nous amener à nous battre l'un contre l'autre.

Il posa un regard sévère sur l'humoran.

- Pour un Zélote tu te poses de drôles de questions. Si tu penses que tu me dois quelque chose pour ta vie tu te trompes. Et il en va de même pour mon peuple. Une partie de mes hommes rêve de te transpercer de leur hachoir et une autre partie veut t'éviscérer pour avoir les faveurs de ma sœur. Quant à me combattre, il faudrait que tu sois en meilleure forme, pour tenir plus de dix secondes contre moi.

Il affichait un franc sourire

- Merci

- Buvons "celui-qui -chante", tu auras l'occasion de te montrer digne.

Ils levèrent leur verre et ingurgitèrent plusieurs pintes par la suite. Bra était simple, il voyait le monde par le prisme de la guerre et avait un sens de l'honneur exacerbé. Le reste du temps, il ripaillait et gérait son clan de manière paresseuse, attendant avec impatience de pouvoir partir au combat. L'humoran ne l'avait jamais vu se battre, il ne se souvenait pas de lui lors de la grande bataille d'Aliaénon. Mais, il avait entendu ses hommes en parler avec vénération et cela lui suffisait.
La nuit où le jour, qui peut savoir, passa. Les deux compères finirent par s'endormir, ivres et repus. Quand il se réveilla, il était sur une chaise de la salle, Bra ronflait sur sa couche. Il se passa la main sur son visage, il observa ses affaires poussiéreuses dans le coin et s'étira. Il viendrait les prendre plus tard, maintenant il voulait juste se rafraîchir.

Re: Les Plaines Damnées

Posté : mar. 17 mars 2020 22:31
par Sirat
Après quelques galeries, en remontant pas très loin de l'entrée, il y avait une fissure dans la roche. Le long de cette entaille coulait un filet d'eau continue qui tombait dans une baignoire naturelle qui s'était creusée au fil des années.
L'endroit était bien souvent désert. Les garzoks ne privilégiaient pas ce genre de lieu. Sirat le savait et il avait pris l'habitude de s'y rendre régulièrement afin de s'isoler.
Il enleva ses vêtements, les déposa sur une pierre et entra dans le lac. L'eau était glaciale, mais on s'y habituait. Il avança jusqu'aux hanches afin de s'approcher de cette petite cascade.

L'endroit devait se nicher juste sous un cours d'eau.
Il passa son visage sous la fontaine rafraichissante. Il laissa ruisseler les gouttelettes sur son corps, écoutant, les yeux fermés, le murmure des clapotis.
Un bruit de vague le tira de sa méditation. Il se retourna et la vit.
K'nee était nue, peau de velours, elle était entrée dans la lagune. Divinement mince, Princesse des savanes, elle avançait vers lui, ondulant son corps musculeux, élégant et robuste. Sa poitrine ferme se dessinait dans les caresses des reflets d'une lumière céruléenne.
Elle s'approcha de lui jusqu'à le coller. Elle ne le quittait pas des yeux et il restait interdit dans les siens. Il restait comme paralysé par la vision de cette ondine sensuelle.
Leur corps dur se frôlait dans les ténèbres glacées de ce bassin.
Elle attira son visage vers le sien et prit sa bouche avec passion. Elle mordit sa lèvre de ses crocs et le fit saigner. Ses lèvres pulpeuses glissèrent sur les siennes. Exalté par tant d'ardeur, il colla ses bras contre les hanches de K'nee et l'amena vers lui. Il l'étreignit fiévreusement. Elle avait été la plus rude avec lui, la plus intransigeante, mais grâce à elle aujourd'hui il pouvait marcher, se battre. Les soins et la magie l'avaient soigné, elle l'avait réanimé.
Quand il ouvrit les yeux, il était seul, sur la roche. Il passa sa main sur sa bouche, pensif.

Il finit par se redresser. Il descendit jusqu'à la couche de Bra. L'endroit était désert, les garzok avaient quasiment fui les lieux, seuls restaient quelques groupes épars. Plus de vigiles, il entra sans frapper.
Ses affaires étaient là, il les ramassa. Son plastron, héritage des harpies, était plein de poussière. Il attrapa son marteau, le bourreau des ombres, il le soupesa et le fit tournoyer un sourire au coin des lèvres.
Harnacher, il prit la direction de la sortie.
Bra était là, appuyé à l'entrée de la grotte. Son regard grave portait sur les plaines désolées qui s'étendaient à perte de vue.
Il s'approcha de lui.

- Je m'en vais...

Le chef de clan ne daigna pas quitter ses contemplations.

- tu as de la conversation aujourd'hui

- je crois que le paysage m'inspire

Ils esquissèrent un sourire complice.
Il descendit de son perchoir et tendit son avant-bras, que l'humoran prit en signe de salut.

- Évite Omyre, je vais être occupé, je ne pourrais pas venir te sauver.

-Merci pour tout

Un bref silence solennel et ils lâchèrent la poignée de main.
Le Zélote s'avança vers l'extérieur. Une brise glaciale, venant des steppes stériles, l'enveloppa.

- Tu as vu K'nee?

- Elle est partie avec une horde tôt ce matin. Oublie-la l'artiste tu ne fais pas le poids.

- je sais...

Murmura-t-il en quittant la caverne.

Il posa le pied sur l'herbe trépassée. La lumière, même blafarde, lui irradiait les yeux. Il se protégea le visage, le temps de s'habituer. L'avenir lui tendait des bras mornes.

Re: Les Plaines Damnées

Posté : ven. 27 mars 2020 22:13
par Sirat
Morne était l'avenir, quand il contemplait cette vaste étendue sombre et désolée. Incertain, il était, car il ne savait pas où se diriger. Bra lui avait dit d'éviter Omyre, sage conseil sûrement, mais un océan sombre et vallonné s'offrait à lui.
Il avait quitté la grotte depuis quelques heures, il s'arrêta pour faire le point. Le ciel fuligineux était pesant et s'écrasait sur le sol. Un lumière pâle irradiait l'espace derrière ce linceul de nuage.
Au sud, sur sa gauche, des montagnes déchiraient ce suaire céleste, c'était les monts sanglants. Ce qui voulait dire, qu'en face de lui se trouvait la place-forte de la magicienne noire et sur sa droite les bois sombres.
À l'est, Dahram était sa meilleure solution, mais une brève inspection de ses provisions lui permit de jauger la marche. Elle était trop longue, il n'avait pas suffisamment de vivres. Cette steppe maudite n'était qu'un champ de bataille oublié, un vaste cimetière à ciel ouvert, ou ne poussait que rocaille et mauvaise herbe. Il ne pourrait chasser ou se sustenter correctement.
L'ouest lui offrait le même lendemain. Il lui fallait un chemin plus court, il devait soit traverser la forêt interdite soit passer par ces montagnes souillées de nombreux morts.
Dans son dos, soufflait l'haleine putride des anciens chantiers navals de Mourakat.
Ce souvenir lui glaça l'échine et il caressa son collier incrusté dans son cou. Cette relique gravée dans sa chaire lui ramena un arrière-goût teinté d'amertume.
Il soupira et resta interdit. Ses cheveux cendrés étaient balayés par ce vent mortifère. Il remonta la capuche de sa cape, pour s'emmitoufler dedans. Il devait rester à l'écoute.

Maitre,
Sur ce sol nauséabond
Éclaire mon chemin.
ordonne-moi"


L'horizon restait noir, mystérieux. L'humoran attendait suspendu à un abysse. Le doute l'étreignait, l'espérance d'une réponse s'étiolait à mesure que le sable du temps s'égrenait. Avait-il trop tardé, se demanda-t-il. Pourquoi le garder en vie, si ce n'était pas pour servir.
L'espace d'un instant, il crut voir une étincelle briller au loin dans les ténèbres sur le flanc de ces montagnes. Un clignement d'œil, une escarbille fugace qui attira son esprit et son cœur. C'était sa destination, le signe qui l'attendait.
Une chaleur toute nouvelle s'alluma en lui. Il esquissa un sourire.
Il ne lui en fallut pas moins, que ce simple signe du destin, pour se décider. Cette lueur eut un écho ardent dans sa carcasse et dissipa ses hésitations.
Les monts sanglants.
Ses pieds foulèrent le sol, aride et stérile en direction des pics. Le sol était jonché d'ossement qu'il écrasait parfois de son pas décidé. Des arbustes squelettiques s'extirpaient de la terre dans des contorsions atroces. La vie avait fui cet endroit. Rien de bon émanait, de ce funeste humus.
Le panorama se parait au loin d'averse beaucoup trop éloigné pour l'inquiété.

Le soleil à mesure dont il continuait sa course, drapé, tordait les ombres et les couleurs. Ce tapis glauque et sombre, glissait sous une voûte brune et blafarde. Toujours, il se levait, mais jamais il ne perçait cet épais brouillard. Pourtant son trajet en arc d'Est en Ouest, au-dessus du Zélote, lui permettait de garder le cap et sa direction.
Plus jeune son oncle lui avait enseigné à s'orienter la nuit et la journée en suivant les astres.

Il ne pouvait faire de feu, il ne pouvait s'étendre la nuit. Le code, ici-bas, était simple : marcher ou mourir. Étrangement, l'air, lui faisait du bien, deux jours s'étaient déjà écoulés et malgré la fatigue il se sentait mieux. Son esprit retrouvait sa liberté, le chaos de l'endroit stimulait ses sensations. L'air froid venant des montagnes lui cinglait le visage.
Tout cela était vivifiant, il ouvrait les yeux sur un monde qui l'attendait. Ses jambes, encore engourdis au début du voyage, se faisait plus sûr. Il avait bien sur des courbatures et des douleurs, mais il se sentait bien.
Il progressait sûrement, mais prudemment. Le passé, lui avait appris à ne plus se laisser griser inutilement.
La montagne était plus proche, le sol se parait de rocher ocre plus massif, la route se granulait et devenait plus escarpée. Celle-ci s'habillait de conifère plus rustre, adapté au climat plus rude.

Alors qu'il allait quitter la plaine définitivement après plusieurs jours de marche, un cri attira son attention.
Derrière lui, dans la plaine, s'élevait un hurlement suivit de halètements bestiaux. Sirat put comprendre toute la détresse de cette complainte. La peur de la mort étranglait la gorge de cette personne.

Il hésita, il ne voyait rien de là où il était.
Cela devait se passer en contrebas, cacher par un petit muret de pierre mangé par un duvet de mousse et de ronce.
Il voulut l'ignorer, mais il n'y arrivait pas. Cette voix, qui hurlait qui demandait de l'aide lui tordait les boyaux.
La raison aurait voulu qu'il ne s'en mêle pas.
Il grogna et se hissa rapidement jusqu'à la butte qui cachait ces bruits si obsédant.
Un homme fuyait, il devait avoir la quarantaine, il semblait épuisé. Habillé de guenille, il courait les pieds nus en sang, serrant frénétiquement contre lui un paquet.

À sa suite, furieux quatre carnassiers. Des horreurs de Vallel, c'était des hommes jadis. L''inventeur fou les avait transformé en monstre dénué de raison propre. Des bêtes qui avaient été sculptés par la torture, et la haine de leur créateur. Ils avaient des lames à la place des mains et se déplaçaient beaucoup plus vite que ce misérable. Leur muscles strillaient leurs corps cadavérique. Que devenait Vallel, se demanda Sirat. Était-il toujours considéré comme mort? Il chassa ses idées pour revenir à la mise à mort.

Pourquoi intervenir, si le destin de cet humain était de mourir. Il était déjà mort, les chasseurs gloussaient sauvagement et ne faisaient que s'amuser avec leur proie. A la manière de chat s'amusant avec une souris, ils se divertissaient des gesticulations vaines de leur pauvre adversaire.

Bien qu'intimement persuader que cet esclave en fuite, ce qu'il devait être surement, était condamné. L'humoran ne pouvait se séparer de cette impression malaisante et impérieuse qu'il ne devait pas rester simple spectateur.

Le rideau tombait sur la pièce, l'homme venait de trébucher et de s'écrouler en boule. Il était recroquevillé sur lui même. Ces monstres semblaient presque rire dévisageant leur proie de leurs yeux globuleux et sans vie. Ils riaient jusqu'à ce que la tête du premier éclate et éclabousse leurs visages des débris de cervelles de leur frère.

Les trois autres perplexes regardèrent leur compagnon décapité, titubé avant de s'écrouler sur le sol maculant l'herbe de son sang noirâtre. Sirat se tenait devant eux. Il avait son marteau dégoulinant de plasma et de cruor à la main. Une lueur de défi brillait dans son regard.

Ils ne leur fallut qu'un dixième de seconde pour réagir. Ils étaient rapides et sans pitié, leur héritage de guerrier coulait encore dans leurs veines. Ils laissèrent leur prise pour se jeter sur le zélote.

Voilà, pourquoi il ne voulait pas intervenir, il était encore fatigué.
Il para les premiers coups et recula se protégeant avec son bouclier. Une lame, tailla un sillon dans sa cuisse juste en l'effleurant. Il pesta avant de repartir à l'assaut. Il fit tournoyer son marteau, mais les monstres s'écartèrent rapidement. Il l'avait fait juste pour gagner un peu de marge et tenter de brouiller leur sens avec sa magie.

Il n'avait plus utilisé ses pouvoirs depuis des lustres, mais très vite les sensations furent là. Le sort ne fut pas suffisamment efficace pour tordre l'esprit des trois carnassiers. Mais l'un d'entre eux frappa son congénères lui entaillant le bras. Le troisième sauta sur Sirat qui s'en protégea avec son bouclier. Il tomba en arrière sous le choc, mais si K'nee lui avait appris une chose : c'est qu'une chute pouvait toujours se transformer en avantage. Il roula sur le dos et projeta derrière, avec son écu, le benêt qui s'était laissé emporté par son attaque. Celui-ci tomba suffisamment loin pour que Sirat se redressent et fit face aux deux autres déjà prêts à en découdre.

Braillant d'un beuglement strident mi-animal mi-humain, ils s'élancèrent sur lui. Le temps se déforma. Il faisait appel au pouvoir, que Zewen lui prêtait, presque instinctivement et leur attaques si rapide se mirent à ralentir. Il esquiva les coups et se déroba de leur angle d'estoc. Quand l'espace-temps repris une continuité plus commune pour ces monstres. Sirat était déjà sur le flanc du plus faible et il laissa son fléau s'abattre sur l'horrible crâne. Le cadavre s'étendit de tout son long, son visage enfoncé à l'intérieur de sa boite crânienne. Ses deux frères aboyèrent de rage.

Une nouvelle attaque lui taillada le biceps, il reculait. Il avait déjà beaucoup donné pour parer leurs coups et la fatigue se faisait sentir. Les deux carnassiers prenaient le dessus petit à petit même si dans les échanges, il arrivait encore à les tenir en respect.
Essoufflé, il les observait derrière son bouclier. Les créatures de Vallel ne semblaient pas souffrir de la fatigue. Ils n'avaient pas été créés dans ce sens.

Il esquissa un sourire qui laissa ses deux adversaires dubitatif. Une idée venait de germer dans son esprit et il savait qu'il avait gagné. Il leva le bourreau des ombres en l'air et celui-ci dégagea une vague de lumière étincelante qui aveugla les deux monstres.

Ivre et non-voyant, ils se contentaient plus que de lancer leur bras-armes dans le vide espérant toucher le zélote. Il s'approcha de chacun d'eux et les fracassa, les martelant de son marteau les faisant choir et les frappant jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'une marre immonde de tripes et de sang.

Sirat rassasié par tout cette hémoglobine, se redressa et s'étira. Il jaugea les alentours avec inquiétude, sa dernière astuce pouvait en attirer d'autres et il ne se voyait pas recommencer un combat.

Il se retourna vers l'homme toujours à terre en boule. Il s'approcha de lui, le frappa du bout du pied sans que celui-ci ne réagisse. Il était mort. De ses guenilles de prisonnier, s'écoulait du sang. Il avait probablement du être blessé dés le début de sa fuite et c'était agonisant qu'il avait atterri jusque là. Il retomba sur le dos découvrant un enfant humain de moins d'un an envelopper dans un lange sale. Il l'avait protégé au péril de sa vie, il avait été jusqu'à se sacrifier. Mais il avait échoué. Cet enfant allait sûrement mourir dans la plaine.

Sirat essuya son visage plein de sang de ses victimes. Il rengaina son marteau de guerre et se prépara à s'en aller. Cela ne le concernait pas.
Un gazouillis de l'enfant le stoppa. Ce n'était pas sa conscience, mais cet instinct qui l'avait poussé à intervenir et qui maintenant l'empêchait de s'enfuir. Il soupira, qu'allait, il faire d'un mioche en bas âge. Il jaugea la montagne. Il allait devoir finalement la contourné.
Il attrapa le couffin de fortune. L'enfant l'observait avec deux grands yeux jade. Son visage pâle surmonté d'une frêle houppette brune, était recouvert de poussière. Le bébé esquissa un sourire voyant l'air renfrogné de l'humoran. Sirat marmonna en faisant la moue. Il prit cependant soin de le recouvrir de sa cape.
Il se hâta de reprendre son chemin, car le vent lui amenait déjà les acclamations de nouveaux dangers alerté par le combat et exalté par l'odeur du sang.

Re: Les Plaines Damnées

Posté : jeu. 9 juil. 2020 17:26
par Eteslë
Aux cœurs des plaines sauvages

La désolation est le mot d'ordre ici. Des plaines vides à perte de vue, une terre à peine vivante parsemée d'arbres plus morts que vivants qui accueillent charognards volants et envoyés de Phaïstos. Leurs yeux injectés de sang ou noirs comme la nuit suivent du regard la silhouette solitaire évoluant sur la route à peine entretenue qui serpente paresseusement dans ce paysage désolé et que l'on pourrait croire inhabité et inhabitable. Qui voudrait vivre ici ? Certainement pas Eteslë qui marche aussi vite que ses jambes le lui permettent, engloutissant les kilomètres aussi rapidement qu'elle le peut.

Parfois, le cri d'un animal ou d'un oiseau lui fait tourner la tête, mais, sinon, elle reste fixée sur son objectif. L'immense tour noire se dresse hors du paysage, dressée fièrement comme pour rappeler à tous où habite celle qui souhaite un jour contrôler ce monde. Une façon simple, mais très efficace, de prouver sa puissance aux yeux des arrivants, des prisonniers, des esclaves et de ceux qui essaient encore de percevoir un quelconque espoir de salut au cœur de ces terres maudites. La jeune femme n'est pas dupe, mais son regard ne se détache pourtant que très peu de l'immense tour. Elle lui évoque un étrange sentiment qui n'a rien à voir avec la peur et qu'elle ne parvient pas à comprendre.

Cela fait plusieurs heures qu'elle marche, seule, faisant des pauses régulières pour tenter de calmer ses membres encore fébriles de l'assaut du shaakt. A chaque pause, elle a davantage de mal à repartir, mais se force, consciente que rester trop longtemps dans cet endroit ne lui sera nullement bénéfique. Déjà, la clameur lointaine d'un cri de horde a momentanément attiré son attention et, même si rien ne s'est élevé depuis, elle reste méfiante, persuadée que le danger peut surgir à chaque instant malgré la visibilité offerte par le peu de végétation. Une prudence qu'elle ne manifesterait pas vraiment dans d'autres situations, mais elle n'est pas folle. Le calme de ces plaines n'est qu'illusion, et elle n'a guère envie que le mirage de tranquillité ne s'évanouisse pour le moment.

C'est lorsque le soleil commence sa lente descente vers l'horizon qu'elle s'accorde finalement le droit de s'étendre en retrait de la route, accolée à un arbre aux feuilles encore vertes et au bois étonnamment vivace. Elle en profite, s'installe confortablement entre les racines, le corps inerte de Taloril posé à ses côtés. Elle s'occupe de resserrer les bandages autour de l'aniathy, caressant doucement la joue brièvement exposée par son travail. Elle ne sait toujours pas pourquoi elle s'est aussi vite prise d'affection pour ce petit être, mais elle n'abandonnera pas la mission qu'elle s'est confiée et fera tout ce qu'il faut pour lui donner une seconde vie.

Ne dormant que d'un œil, la jeune femme parvient malgré tout à passer une nuit calme et paisible, bien loin de l'agitation de la première de son voyage après son départ de Dahràm. Lorsque les premiers rayons de lumière percent l'obscurité de la nuit, elle s'autorise même le luxe de rabattre la couverture sur son visage et de profiter d'encore quelques instants d'un repos qu'elle estime largement mérité. Elle a survécu à l'Antre et s'en est échappée, elle peut bien s'accorder un peu de bon temps. C'est finalement le bruit d'une branche se cassant sous quelque chose qui la fait se redresser soudainement, à l'affût. Elle jette un regard aux alentours en se mettant lentement sur ses jambes avant de percevoir la raison de ce bruit.

A quelques mètres, sur sa droite, deux silhouettes à la peau verte se figent et la fixent. Plus petits que des Garzok, ils sont pourtant puissamment bâtis et dotés des mêmes dents proéminentes. Elle aperçoit une arme dans leur main, mais est surprise par leur réaction hésitante. Une hésitation qui disparaît bientôt lorsqu'ils comprennent qu'elle n'est pas armée et, surtout, seule. Un cri de guerre sort de la gorge de l'un des deux et ils lui foncent dessus en une chorégraphie désordonnée de moulinets supposément martiaux, probablement pour l'effrayer. Elle reste immobile, partagée entre la surprise et l'incompréhension face à l'assaut chaotiques de ce qu'elle pense être deux guerriers en maraude. Alors qu'il ne reste que quelques mètres à franchir aux deux irréductibles, elle se met en position de défense, inspire et...

- GRISHKA ! VEREK !

Une puissante voix les fait s'arrêter net et tourner le regard vers une nouvelle silhouette, bien plus massive, qui se tient en retrait avec d'autres. Avant qu'Eteslë ne comprenne ce qu'il se passe, toute une troupe de Garzok s'approche et elle finit par avoir un déclic. Les deux étaient des jeunes, voulant probablement prouver leur force, et celle qui s'avance est probablement leur matriarche vu la réaction de peur qui s'est brièvement peinte sur le visage des deux troubles-fêtes. La mère les rejoint d'une démarche énervée avant d'apercevoir Eteslë, toujours en garde. Elle porte la main à la masse qu'elle porte au flanc et les deux se fixent un instant avant qu'Eteslë ne se détende et ne baisse les poings, paumes ouvertes en signe de paix, attirant le hochement de tête de la Garzok avant qu'elle ne se mette à s'occuper de ses progénitures.

- Je vous ai dit de rester avec le clan !

- On voulait capturer une esclave !

A ces mots, Eteslë tressaille en plissant le nez, arborant une moue contrariée. Elle jette un œil à la petite troupe rassemblée là. Ils sont près d'une trentaine, tous Garzok à première vue. Une vaste majorité de femelles et d'enfants la compose. Les rares mâles adultes semblent blessés. Elle se redresse et fixe d'un regard froid les deux jeunes qui avaient des vues sur sa liberté. Leur mère, elle, semble faire face à un dilemme en observant la jeune femme. Eteslë qui, justement, observait elle aussi les nouveaux venus, doute finalement qu'il s'agisse de Garzoks purs. Tous semblent bien bâtis, mais quelque chose chez eux les rend différents et moins imposants que ceux qu'elle a déjà rencontrés. Ses soupçons se confirment lorsqu'un cri d'alarme fait rapidement paniquer la petite troupe.

- Garzoks !

Fonçant sur eux à toute vitesse, deux cavaliers chevauchant de grands loups s'approchent en hurlant, effrayant les plus jeunes et forçant les rares hommes valides à dégainer des armes de facture plus que douteuse. Intriguée, la jeune femme est cependant suffisamment lucide pour s'écarter du combat. Malgré la différence numérique, il est joué d'avance, le petit clan n'ayant rien de mieux que des épées ébréchés ou de vulgaire gourdins contre des chevaucheurs de loup caparaçonnés de la tête aux pieds. Alors qu'elle allait les laisser se débrouiller, l'un des plus jeunes s'échappe et court pour s'enfuir malgré les cris de sa mère, aussitôt prit en chasse par l'un des chevaucheurs qui le suit, fonçant droit sur Eteslë qui, jurant, attrape le mouflet et le tire vers elle juste avant qu'il ne se fasse piétiner.

(Putain, mais qu'est-ce que je fous, moi ?)

Et alors que le chevaucheur prend un virage serré pour repasser à l'assaut, elle planque le gosse derrière l'arbre sous lequel elle avait dormi en lui faisant signe de ne pas bouger. Elle regrette déjà son action inconsidérée.

Re: Les Plaines Damnées

Posté : jeu. 9 juil. 2020 17:31
par Eteslë
Chevaucheurs

Pour la première fois de sa vie, Eteslë regrette de ne pas avoir une arme entre les mains. La vision d'un Garzok en armure lourde chevauchant un monstre de crocs et de griffes lui fonçant dessus en faisant tournoyer une impressionnante hallebarde lui fait presque regretter de ne pas s'être un jour formée au maniement d'une arme quelconque. Presque. Elle jette son sac sur le côté, juste à côté du corps inerte de Taloril qu'elle n'a pas encore mis sur son dos et tire la petite dague dérobée au gobelin de l'Antre. Bien maigre moyen de défense, mais la jeune femme sait qu'une dague peut tuer n'importe qui aussi efficacement que la plus affûtée des épées, il suffit juste de l'utiliser à bon escient. Le chevaucheur se rapprochant rapidement, la jeune femme n'a guère le temps de réfléchir à un plan et se contente d'éviter le premier assaut en se jetant au sol, sentant la lame monstrueuse lui passer si près de la tête que quelques cheveux fous sont sectionnés.

Elle se relève tandis que le chevaucheur fait un autre demi-tour, visiblement décidé à s'acharner sur elle plutôt que sur le groupe qui s'est formé en un rond compacte en pointant tout ce qu'il a de piquant ou tranchant vers l'extérieur, rendant l'approche finalement plus ardue que prévu pour leurs agresseurs. Cherchant autour d'elle, la jeune femme ne voit hélas rien qui pourrait la sortir de sa situation critique. Elle n'a qu'une seule solution risquée en tête : désarçonner le chevaucheur et s'en occuper alors qu'il est à pied et bien plus lent. Pourtant, même avec cette idée, elle ne sait pas vraiment comment parvenir à un tel résultat. Sauter sur son adversaire est tout bonnement suicidaire et elle doute que lui lancer la dague ait le moindre effet.

Le chevaucheur lui fonçant dessus, elle se focalise pleinement sur lui, ses yeux fouillant pourtant les alentours avec espoir avant qu'un bruit derrière elle ne la fasse se retourner. Le gosse, caché près de l'arbre, s'approche un peu trop près de Taloril, semblant complètement déconnecté du danger qui se dirige vers lui. Jurant entre ses dents, la jeune femme se précipite vers lui et le pousse tout en tirant Taloril vers elle. De manière surprenante, le chevaucheur s'écarte, sa longue arme ne frôlant qu'à peine la jeune femme avant qu'il ne s'éloigne. Étonnée, la cogneuse regarde autour d'elle avant qu'un sourire mauvais n'apparaisse sur son visage lorsqu'elle comprend ce qui a retenu le chevaucheur. La voilà, sa solution. Se penchant vers le sol, elle ramasse quelques cailloux, fait signe au gamin de ne pas bouger et de ne toucher à rien, puis se met à canarder le loup de petits projectiles, certes inoffensifs, mais qui ont tôt fait d'énerver l'animal qui n'apprécie guère d'être pris pour cible comme un vulgaire pigeon.

Lorsque l'animal lui fonce finalement dessus, visiblement excédé, elle s'écarte juste assez de l'arbre pour pouvoir manœuvrer. Le loup lui bondit dessus et les griffes ont le temps de lui entailler le côté gauche du front alors qu'elle roule sur le côté. L'arme du Garzok décrit un arc de cercle pour la faucher, mais se plante profondément dans le bois encore vert et y reste coincée. Le chevaucheur, emporté par l'élan de sa bête, est forcé de lâcher son arme sous peine d'être désarçonné sous le choc et Eteslë se redresse, une moue victorieuse sur le visage. Elle rengaine sa dague, empoigne la hampe de l'hallebarde, s'arc-boute dessus et l'extirpe d'un coup sec, manquant de tomber en la retirant. Elle s'équilibre avant de pointer l'arme vers le guerrier qui tire une large épée de son dos avant de foncer vers elle en poussant un cri guttural.

La jeune femme bande ses muscles, agrippe fermement son arme qu'elle lève finalement au dessus de sa tête et, sans aucune forme de finesse, l'abat telle une énorme masse sur le crâne du loup lorsque celui-ci arrive suffisamment près d'elle. L'acier fend le crâne du loup, écrasant sa tête contre le sol. La hampe se brise nette sous l'impact tandis que le contrecoup fait trembler les bras d'Eteslë qui lâche ce qui reste de l'arme encore dans ses mains. Le Garzok,lui, est éjecté à bas de sa monture et s'écrase face contre terre, son arme se perdant sur le sol un peu plus loin. La jeune femme ne perd pas de temps et tire la dague qu'elle avait rengainée avant de lui foncer dessus alors qu'il se redresse difficilement.

Lui sautant dessus avec toute la force et la rage qu'elle possède, la jeune femme l'empêche de se relever et sa dague s'arrête à quelques centimètres à peine du crâne du Garzok. Visant l'ouverture de son casque de métal, elle cherchait à terminer l’affrontement au plus vite mais le guerrier ne lui en laisse pas le temps et bloque son attaque. Appuyant de tout son corps, la jeune femme cherche à faire descendre la lame droit vers l’œil du Garzok qui use toute sa force pour l'en empêcher. Même si sa position lui donne un certain avantage, la jeune femme ne peut rivaliser avec la force d'un Orque entraîné dans la force de l'âge et elle ne parvient pas à l'achever ainsi, la peau-verte regagnant peu à du terrain avant lui donner un coup de genoux. La douleur la distrait une fraction de seconde, suffisante pour que le guerrier la fasse rouler et ne prenne sa place, retournant son arme contre elle.

La lame à quelques centimètre de sa gorge, la jeune femme utilise toutes ses forces pour l'empêcher de descendre, ne faisant que ralentir l'inéluctable. Le Garzok, soufflant comme un bœuf, possède l'éclat de victoire dans ses pupilles. Elle peut presque deviner son sourire sous son casque avant qu'un tressautement ne brise complètement le rapport de force. Forces qui semblent abandonner le chevaucheur alors qu'il se redresse en poussant un hurlement. Stupéfaite, la jeune femme peut apercevoir la hampe de la hallebarde dépasser du dos du guerrier et le gamin juste à côté, un air enragé sur le visage. Sans attendre, elle récupère la dague que le Garzok a lâché sous la douleur, l'empoigne à deux mains et l'enfonce dans l'interstice entre sa cuirasse et son casque, mettant fin à son cri dan un gargouillis sanglant avant qu'il se s'effondre, son corps encore secoué de spasmes. Elle s'assoit en inspirant avant de jeter un œil au gosse qui la regarde d'un air étrange.

L'autre chevaucheur, lui, tente de s'enfuir en voyant son camarade vaincu, mais les défenseurs, galvanisés, lui jette tout ce qu'ils ont et tuent le loup avant de réduire son cavalier en charpie, littéralement. Eteslë, elle, se relève en titubant légèrement et essuie le sang qui coule de son front avant de se diriger vers ses affaires, marmonnant un remerciement au jeune qui est déjà retourné vers les siens. Elle éponge du mieux qu'elle peut sa blessure qui, bien que peu profonde, saigne abondamment, comme toutes les blessures à la tête. Alors qu'elle charge Taloril sur son dos, elle perçoit des pas vers elle et se retourne, croisant le regard de la matriarche qui avait hurler sur les deux blancs-becs un peu plus tôt.

- Toi. Tu as sauvé un de nos jeunes. Ton nom ?

- Eteslë.

- Mmh... t'es forte, l'humaine. On n'a pas grand chose, mais partage un repas avec nous. Notre shaman va s'occuper de ton égratignure.

La jeune femme hausse un sourcil surpris, mais sa proposition sonne davantage comme une injonction que comme une demande courtoise, aussi suit-elle la Garzok vers les siens. Elle n'a aucune envie de se mettre à dos toute une troupe, aussi affaiblie soit-elle, de peaux-vertes. Les regards appuyés qui se fixent sur elle alors qu'elle s'approche la laisse parfaitement indifférente, mais lorsqu'elle comprend que le menu sera composé des Garzoks tués à l'instant, elle ne peut s'empêcher d'émettre une moue dubitative et se rabat plutôt sur les loups qui sont dépecés d'une main experte. A croire que c'est dans leurs habitudes. Lorsque la troupe s'assoit pour dévorer les restes des chevaucheurs, Eteslë est invitée à faire de même par la même Garzok qui lui montre une place à sa droite. N'ayant visiblement pas le choix, elle obéit, s'assoit et commence ainsi le repas le plus étrange de sa vie.

Re: Les Plaines Damnées

Posté : jeu. 9 juil. 2020 17:34
par Eteslë
Une étonnante saveur

Tandis que les Garzok entame leur repas, la jeune femme se laisse triturer le front par un vieux Garzok à la peau si desséchée qu'on la croirait faite de bois. Il applique un genre de baume sentant très fort sur sa plaie et pose une feuille d'un arbre dessus avant de la tapoter pour qu'elle colle. Après un grognement satisfait, il s'éloigne en claudiquant, s'aidant d'un long bâton de marche pour aller s'installer à sa place. La préparation gratte atrocement et l'odeur est plus forte encore que celle des Garzok qui l'entourent, mais Eteslë ne fait pas la fine bouche et reste parfaitement stoïque jusqu'à ce qu'on lui tendent un morceau de viande piqué sur une broche en bois. Méfiante, elle se demande de quelle viande il s'agit avant de saisir malgré tout la nourriture gratuite et bienvenue. Un long silence suit son geste et elle observe à la volée les visages tournés vers elle. Ce n'est que lorsque qu'elle mord dedans que les conversations reprennent. La viande, un peu dure et élastique, n'est pas pour autant désagréable, bien que le goût soit très fort, là aussi.

- Pourquoi es-tu ici, humaine ?

Sa voisine de gauche, celle qui l'a invité, parle suffisamment fort pour attirer l'attention de tous sur la conversation. Même si les autres ne s'arrêtent pas, elles se font moins bruyantes et les regards se portent davantage sur la jeune femme qui termine tranquillement sa bouchée avant de répondre.

- Voyage. Omyre.

Un murmure qui semble inquiet parcourt la petite troupe tandis que la Garzok se tend à ses côtés. Visiblement tous ne sont pas de fervents partisans d'Omyre, ou peut-être craignent-ils les forces armées de l'Impératrice dont faisaient sans doute partie les deux chevaucheurs qu'ils dégustent tranquillement.

- Travailles-tu pour notre Déesse ?

- Non. J'ai juste à faire. Vous avez peur ?

A ses mots, un grognement général lui répond, mais la Garzok obtient le silence d'un geste agacé de la main. Elle observe Eteslë qui continue son repas comme si de rien n'était.

- Nous sommes tous des Semi-Garzok ici. Mal vu par les purs Garzok. Jusque-là nous avions réussi à nous en tirer, mais notre imbécile de chef a offensé un chef de clan et voilà tout ce qui reste du nôtre. Nous n'avons pas peur, mais nous voulons faire perdurer notre clan. Il n'est pas dit que Ork'Gar Znar disparaîtra sans se battre ! Nous avons besoin de forces ! Et d'armes, ainsi que de puissants combattants !

Ne voyant pas bien où la Garzok veut en venir, la jeune femme se contente de hocher la tête en l'écoutant. Cela ne la surprend pas vraiment, à vrai dire. Elle se doute bien que seule la force a une quelconque importance pour les peuplades vivant dans les contrées les plus proches d'Omyre. Dans l'ombre de la Tour Noire, difficile de vivre autrement qu'en se battant, visiblement. Elle qui n'a connu que ça, la violence, elle imagine assez simplement le quotidien qui pourrait être le sien dans les temps à venir. D'un combat à un autre, du sang sur les mains comme si elle mettait des gants et une certaine satisfaction qui émerge lorsqu'elle verrait un adversaire mordre la poussière. Combattre était passionnant, encore fallait-il choisir ses combats, ce que visiblement ces semi-garzoks n'avaient pas eu le loisir de faire.

- Nos guerriers sont encore jeunes et manque d'expérience, certains auraient intérêt à trouver un mentor. Même si c'est une humaine.

La jeune femme redresse la tête et croise le regard couleur feuille de son interlocutrice. Elle comprend finalement où elle veut en venir, mais n'a aucune envie de jouer les gardes-chiards. Elle y a échappé de peu à Dahràm avec Kolin, ce n'est pas pour remettre le couvert ici, au beau milieu des plaines damnées avec une guerre de clans sur les bras et des brutes épaisses. Elle n'a rien d'une pédagogue, elle a déjà du mal à s'occuper de son propre cas sans en plus faire rentrer quelque chose dans le crâne de mioches dont elle n'a cure.

- Pas fait pour ça. J'ai à faire.

Clair et concis, au moins le doute n'est pas permis. La surprise se peint un instant sur le visage de la Garzok, mais elle n'insiste pas, pour le plus grand bonheur d'Eteslë. Lorsqu'enfin le repas se termine, la jeune femme ne perd pas de temps et récupère ses affaires après un bref salut de la tête à la matriarche qui la regarde s'éloigner avant d'ordonner le départ à son tour. Eteslë tourne la tête et observe le groupe se mettre en branle dans une coordination approximative et une certaine lassitude. Rapidement, une silhouette se détache du groupe et s'approche à toute vitesse de la jeune femme avant de se planter devant elle. Elle reconnaît le jeune qu'elle a tiré des griffes du chevaucheurs. Une longue chevelure sale, un visage étonnamment rond et des yeux brillants, il semble vif et espiègle, donnant visiblement du fil à retordre à celle qui lui court après.

- M'dame, c'quoi ton nom ? Moi c'est Freyk.

- Eteslë.

- C'compliqué, mais t'es forte. J'pensais que les humains étaient faibles. Salut !

La jeune femme hausse un sourcil, mais ne répond pas tandis que le jeune garzok rejoint les rangs de son clan sous le regard réprobateur de celle qui est probablement sa mère. Cela l'amuse presque, mais elle ne s'attarde pas sur ce sentiment et reprend sa route, direction Omyre. Au loin, la Tour Noire semble la toiser de toute sa hauteur, donnant une direction facile à la jeune femme. Elle est proche du but.

Re: Les Plaines Damnées

Posté : jeu. 9 juil. 2020 17:50
par Eteslë
Curiosité de bonne foi

Eteslë reprend la route, progressant à un rythme régulier. Par moment, sa tête lui bourdonne et elle se force à s'arrêter pour vérifier que le rafistolage du vieux garzok défraîchi tient toujours sur son front. Par chance, il semblait savoir ce qu'il faisait et la jeune femme constate à chaque fois que son bandage improvisé tient et que le saignement s'est heureusement tarit. Elle déteste les blessure à la tête, étant souvent bien plus dangereuses que les autres, aussi se ménage-t-elle davantage durant la suite de son voyage. Elle veut arriver au plus vite, mais a bien conscience que débarquer à moitié morte ou sans la pleine possession de ses moyens ne serait pas intelligent. Autant se planter elle-même une dague dans le dos en arrivant à Omyre.

Le reste de la journée se fait monotone et, rapidement, une routine de pauses et d'avancées s'installe pour la jeune femme et son fardeau. Le paysage n'offre rien pour se divertir et son esprit a tôt fait de vagabonder sur des sujets plus lointains. Elle pense à Yvan et Ori. Depuis son départ, ils doivent être perdus en mer en direction de cette fameuse Tulorim. Elle espère que leur voyage est moins mouvementé que le sien, mais elle doute. Akram ne semblait guère être le genre à vivre paisiblement. Après tout, les pirates ne se contentent pas de voyager. Piller et s'approprier les biens des autres fait aussi partie de leurs attributions. Un léger soupir franchit ses lèvres en imaginant les déboires de celui qui a tout de même gardé une place dans son cœur, malgré leur séparation chaotique.

Son regard dérive et accroche finalement quelque chose. À une cinquantaine de mètres de la route, elle aperçoit une forme. Rien ne bouge, aussi se demande-t-elle comment elle a pu l'apercevoir. Cela ressemble à une toile montée sur un piquet fait de bois. Elle observe les alentours, mais n'aperçoit rien. Maudissant sa curiosité piquée au vif, elle s'approche et constate qu'il s'agit bel et bien d'une petite tente, perdue au milieu des plaines. Elle examine l'extérieur, sans pour autant trouver la moindre trace d'une activité d'être vivant. Pas de feu, pas de sac ou d'empreinte. A croire que la tente s'est montée toute seule et sans l'aide de personne. Intriguée, elle écarte les pans de la toile, jetant simplement un coup d’œil. Elle ne voit qu'un simple sac de paille et une couverture, ce qui ne la renseigne guère.

Une moue dubitative sur le visage, elle referme les pans de la tente. Étonnamment, l'abri est petit, bien trop pour elle par exemple, comme s'il appartenait à un enfant. Même les objets à l'intérieur semblent être une version réduite de ce qu'elle pourrait utiliser. Intriguée, elle observe un instant l'endroit avant de finalement tourner les talons, ne trouvant pas de réponse véritablement appropriée. Peut-être qu'un voyageur de petite taille est passé par ici et a dû filer en catimini en abandonnant son abri derrière lui. Pourtant la réponse apparaît littéralement sous son nez lorsqu'elle se détourne et croise le regard sombre d'une petite créature qui la dévisage d'une œillade sévère.

- Hey, toi ! Pourquoi tu fouilles mes affaires ? Hmm.

Face à elle, un segtek. Petit, comme tous ses congénères, il est pourtant bien bâti, en comparaison de ceux de l'Antre. Une dague est installée près de son cœur tandis qu'un carquois empli de flèches dépasse de son dos. C'est d'ailleurs avec une de ces flèches qu'il tient la jeune femme en joue, son regard sombre transparaissant sous le capuchon sombre de son manteau. La jeune femme reste immobile, étudiant avec attention le gobelin dont les bras exposent à sa vue des cicatrices anciennes zébrant ses muscles étonnamment développés. Elle finit par hausser les épaules, sachant pertinemment qu'elle n'a rien fait de ce qu'il peut imaginer.

- Curiosité.

- Ouais bah t'es gentille, tu vas te curiositer ailleurs. Hmm.

Elle hausse un sourcil face au vocabulaire étrange du gobelin et sa façon de parler, mais n'ajoute rien et obtempère. Elle le sent la suivre des yeux tandis qu'elle s'écarte et reprend la direction de la route sans plus de cérémonie. Peut-être aurait-elle provoqué un combat en d'autres circonstances, mais elle n'en a présentement pas l'envie et ne souhaite en aucun cas que la blessure de sa tête se rouvre. Elle se contente donc de continuer son chemin comme si de rien n'était, oubliant bien vite sa rencontre fortuite avec cet étrange segtek qui semblait voyager lui aussi dans les plaines. Le reste de la journée se déroule comme un fil de soie. Malgré l'ambiance pesante des plaines, rien de plus n'arrive et la jeune femme s'étend, épuisée, sur le bord de la route, dissimulée dans des herbes hautes.

La nuit, source d'angoisse pour tout voyageur solitaire, offre un repos bienvenue à la jeune femme qui s'endort après avoir grignoté un repas frugal. Ses provisions commencent à manquer et son estomac est loin d'être satisfait. Pourtant elle s'endort sans trop de difficulté, fatiguée de son voyage qui devrait bientôt arriver à son terme. Elle ouvre un œil aux première lueurs de l'aube et, rapidement, fronce les sourcils en sentant une présence non loin. Patiente, elle attend et bondit soudainement sur la silhouette qui s'est approchée d'un peu trop près. Elle roule dans l'herbe avec son adversaire, le surplombe et arme son poing avant de se figer en voyant le segtek de la veille qui lève les mains, un sourire sur le visage.

- Tout doux l'humaine. Suis pas là pour te tuer, d'accord ? Hmm.

Méfiante, elle ne bouge pas immédiatement, puis se relève finalement sans le quitter des yeux avant de s'éloigner à reculons. Une fois à distance qu'elle juge satisfaisante, elle se détourne et ramasse ses affaires avant que son estomac ne gronde sourdement. Elle entend le segtek s'esclaffer et elle grogne, mécontente de sa réaction. Pourtant, lorsqu'il ouvre à nouveau la bouche, elle se tourne vers lui, surprise.

- Allez, je te propose de partager ma pitance, t'as l'air d'avoir faim, et tu me semble sympathique. Hmm.

Elle hésite un instant, mais, en voyant le segtek sortir tout un attirail de cuisine de l'imposant équipement qu'il porte sur le dos, elle hoche la tête et s'approche, pas mécontente de pouvoir se nourrir d'autre chose que viande séchée et de ration de pain plus dur que le bois. Un bon repas comme celui avec les semi-garzok la tente et elle s'installe tandis que le segtek, visiblement habile, allume un feu au dessus duquel il pose une petite marmite.

- Ragoût maison. Tu m'en diras des nouvelles l'humaine. C'est quoi ton nom ? Hmm.

- Eteslë. Toi ?

- Virek. Je pensais pas te revoir de sitôt. Que fais-tu ici ? Hmm.


- Partie curiositer ailleurs.

- Ah ! Je sens qu'on va s'entendre. Mais avant tout, mangeons. Hmm.

Re: Les Plaines Damnées

Posté : dim. 19 juil. 2020 19:05
par Eteslë
Sous les trombes

Si elle doit être honnête, Eteslë reconnaît le talent culinaire du Segtek qui l'a invitée à déjeuner. Elle n'a fait qu'observer ses allées et venues entre ses affaires et sa marmite, mais force est de constater que, une fois le ragoût entre les mains et la cuillère en bouche, Virek est un vrai chef. Elle n'a pas mangé de choses aussi délicieuses depuis aussi loin que sa mémoire remonte, et le fait qu'ils soient sur les routes rend la chose encore plus remarquable à ses yeux. Ils mangent ainsi sans parler, la jeune femme étant bien trop occupée à dévorer le repas gracieusement offert. Tout cela sous le regard amusé du Segtek qui semble avoir l'habitude de l'effet que sa nourriture suscite chez les autres. Une fois le ventre plein, à l'inverse de la marmite, la jeune femme pousse un soupir d'aise avant de remercier le Segtek qui se contenta de hocher la tête, embrayant aussitôt.

- Dis-moi, que fais-tu seule sur les routes ? Hmm.

- Voyage. A Omyre.

- Vraiment ? Tu as de la famille ou des connaissances sur place ? Hmm.

La jeune femme hausse les épaules. Elle ne peut dire qu'elle en a ou n'en a pas puisqu'elle n'en a tout simplement pas le moindre souvenir. Peut-être qu'une famille nombreuse l'attend sur place, peut-être qu'elle n'est qu'une inconnue de plus, débarquant du monde connu pour tenter sa chance et se tailler la part du lion dans la jungle infestée de bêtes sauvages qu'est Omyre. Le regard du segtek se plisse un instant avant de dériver sur le corps emmailloté du Taloril, que la jeune femme a gardé près d'elle. Instinctivement, la cogneuse se tend, prête à agir, mais le Segtek ne fait que lui poser une question.

- Qui est-ce ? Hmm.

- Une... amie.

- Elle semble morte. Tu devrais la laisser ici. Hmm.

- Pas morte. Aniathy.

Le Segtek lève les sourcils broussailleux qui surplombent ses yeux et fixe un instant le corps de l'Aniathy avant de demander des informations. Méfiante, la jeune femme hésite, ne dévoilant que bien peu de choses, à savoir qu'elle cherche simplement à procurer un nouveau corps à la poupée animée, pour la remercier. Un geste qui semble surprendre le Segtek qui observe la jeune femme alors qu'elle pose un regard reconnaissant sur le petit corps immobile.

- Je n'avais jamais vu ces poupées esclaves des elfes gris... Je doute que tu trouves de l'aide à Omyre. Hmm.

La jeune femme hausse les épaules. Elle doit bien commencer quelque part et elle a toujours ce désir de trouver une piste concernant son passé si brumeux. Dans le pire des cas elle se contentera de peu et repartira aussi vite qu'elle est venue, ce n'est pas ce qui la dérange le plus. Non le problème vient surtout du fait de garder Taloril en état et la protéger jusque là. Elle se sait capable de se débrouiller seule, mais avec la petite poupée sur son dos, elle craint d'attirer les charognards qui pourraient vouloir désosser la petite entité pour revendre tout ce qu'il est possible de vendre. Si elle ne trouve pas rapidement ce qu'elle cherche, elle quittera la ville après avoir mené sa petite enquête, rien de plus.

Après ce repas plus que satisfaisant, Eteslë se lève et aide sommairement le segtek à ranger ses affaires avant de le saluer afin de reprendre la route. Virek, lui, lui adresse un regard perplexe et annonce qu'il se rend également à Omyre et propose de terminer le trajet en sa compagnie, prétextant qu'un duo est plus à même de se défendre que deux individus séparés. Après une courte réflexion, la jeune femme accepte et attache à nouveau Taloril sur son dos avant de prendre la route, calquant sa vitesse sur son nouveau compagnon de route improvisé. Le soleil a largement eut le temps de s'élever depuis le début de leur repas et répand une chaleur bienfaisante, mais le vent annonciateur d'orage fait plisser le nez du Segtek après une seule heure de marche. Fronçant à son tour le nez, la jeune femme ne sent rien de particulier, mais Virek semble si sûr de lui qu'elle hoche la tête et observe le ciel pourtant vierge de toute manifestation orageuse.

Elle observe un peu plus le Segtek, mais rien ne semble indiquer qu'il ait utilisé une quelconque forme de magie pour déterminer l'arrivée prochaine de ce fameux orage. Eteslë écoute pourtant ce qu'il dit et le duo avance d'un pas rapide, essayant d'engloutir le plus de distance possible avant de se noyer sous les trombes d'eau qui, selon Virek, ne vont pas tarder. Lorsque le premier grondement du tonnerre se fait enfin entendre, un vent furieux force Eteslë à tourner la tête. Au loin, se rapprochant rapidement, un ciel noir et orageux recouvre peu à peu celui qui était bleu et calme. Virek lui lance un regard entendu et les deux se hâtent à nouveau. Il ne faut que quelques minutes pour que les nuages ne voilent complètement le ciel tandis que les bourrasques violentes ne ralentissent les voyageurs. Puis le déluge s'abat sur eux.

Simplement protégée par le manteau dérobé à Dahràm, Eteslë sent peu à peu l'eau infiltrer ses vêtements et elle se trouve rapidement trempée jusqu'aux os et se met à claquer des dents sous la pluie glacée. Un coup d’œil à Taloril lui fait comprendre que son fardeau risque lui aussi d'être victime de la pluie et elle la détache avant de l'attacher de nouveau, contre sa poitrine, protégeant ainsi le petit corps de la violence des éléments qui commencent à se déchaîner. Le vent hurle autour d'elle, la pluie glacée fouette son corps qui s'engourdit sous le froid et l'humidité, le sol devient un terrain boueux où chaque pas est un effort et une fine brume s'échappe de ses lèvres à chaque expiration. À ses côtés, Virek semble bien plus à l'aise, marchant avec une certaine aisance sans sembler souffrir du brusque changement de température ou de la pluie.

Pas après pas, Eteslë s'épuise sur la route, alourdit par ses vêtements trempés et ralentit par la boue qui colle à ses bottes. La pluie ne semble pas vouloir cesser ni baisser en intensité. Lorsqu'un éclair foudroie un arbre à une centaine de mètres, les deux voyageurs sursautent, regardant le pauvre végétal s'enflammer, le feu s'éteignant rapidement face aux trombes d'eau et au bois humide. Les oreilles d'Eteslë ne perçoivent que le sifflement rageur du vent et le grondement sourd du tonnerre qui ne cesse pas. C'est pour cela qu'elle ne perçoit que tard le cliquètement qui l'interpelle aussitôt. Sur ses gardes, elle tourne la tête, tentant de discerner quelque chose à travers ses cheveux humides et le mur d'eau qui l'entoure. Une silhouette se détache pourtant du rideau de pluie, claudiquant maladroitement vers elle. D'instinct, elle serre les poings, prête à se battre. Quoiqu'il puisse y avoir ici, ça ne sera jamais quelque chose de bienveillant, elle en est convaincue.

Re: Les Plaines Damnées

Posté : ven. 14 août 2020 14:51
par Eteslë
L 'ombre traqueuse

Sous le rideau de pluie qui ne veut cesser, Eteslë plisse les yeux, ses cils couverts de gouttes d'eau lui brouillant la vue alors qu'elle cherche à déceler avec netteté la silhouette qui s'approche lentement, d'un pas claudiquant. À ses côtés, Virek s'est également figé, observant la forme qui s'avance difficilement vers eux. A nouveau, elle perçoit ce cliquetis étrange, presque un claquement répété, mais faible, qui semble provenir de l'étrange ombre qui s'approche. Sur ses gardes, elle cherche des yeux un endroit moins boueux pour pouvoir se déplacer. Partout de la terre transformée en bourbier sous les trombes d'eau qui se déversent encore et toujours depuis le ciel qui gronde et parfois éclate, faisant bourdonner ses tympans. Elle se tient prête, mais le bras du Segtek sur le sien lui fait brusquement tourner la tête alors que sa voix lui parvient difficilement.

- Un traqueur... il faut qu'on foute le camp, ces trucs sont déjà morts. Hmm.

Haussant un sourcil étonné, la jeune femme observe à nouveau la silhouette qui continue son avancée inexorable. Elle a entendu parler de ça, de la nécromancie, mais n'en a pour ainsi dire jamais vu à l’œuvre et n'a guère envie de commencer aujourd'hui, dans des conditions qui rendraient difficile n'importe quel affrontement, surtout en sa défaveur face à une créature ne sentant ni froid, ni douleur ou gêne. Elle acquiesce, extirpe ses pieds embourbés et se hâte de suivre Virek qui n'a pas attendu pour s'éloigner au plus vite de la menace qui se profile. Quelques questions se bousculent dans sa tête, mais elle reste muette, se concentre sur le mouvement de ses jambes dans la boue gluante.

Elle marche, encore, inlassablement, sentant peu à peu la pluie se calmer, l'orage s'éteindre alors qu'un fin rayon de soleil parvient enfin, après ce qui lui a semblé être des heures, à percer le voile sombre qui a recouvert le ciel. Elle lèvre le nez, retire finalement sa capuche pour laisser ses cheveux trempés sécher. Elle n'est qu'une masse de vêtements humides et de muscles éreintés par la marche laborieuse sous une pluie diluvienne. Lorsqu'enfin ils s'arrêtent près d'un arbre, elle s’affaisse légèrement contre lui, soupire avec un certain soulagement alors qu'elle extirpe ses bottes de la boue pour les décrasser en les frottant contre l'écorce humide. A ses côtés, Virek se contente de sortir de quoi manger. Elle l'imite, constatant avec aigreur que ses rations sont tout aussi trempés que le reste. Elle mâche sans enthousiasme la viande séchée pleine d'eau avant de se redresser.

Un mouvement attire son regard et elle fronce les sourcils. La silhouette claudicante du traqueur se dessine peu à peu alors que l'horizon s'illumine et que les nuages noirs s'éloignent. Sur ses gardes, elle jette un œil au Segtek qui a également repéré la menace. Lui ne dit rien, se contente de remettre la corde sur son arc sans perdre de vue la créature qui s'approche. Eteslë, elle, détache Taloril de son torse pour vérifier rapidement son état, un soulagement lui libérant le cœur lorsqu'elle constate que l'Aniathy n'est pas plus mal en point qu'avant. Elle se hâte de la remettre sur son dos tandis que Virek bande son arc, hésitant.

- Ce truc va nous suivre indéfiniment, et il n'a pas besoin de dormir. Hmm.

- M'en occupe.

Il lui lance un regard perplexe tandis qu'elle retire finalement son fardeau ainsi que son manteau pour s'alléger, accrochant le tout à l'arbre pour éviter que cela ne trempe dans la boue qu'est devenu le sol. Le Segtek la fixe, un air de désapprobation sur le visage, mais le jeune femme n'en tient pas compte et s'avance sans détour vers son adversaire qui pousse un cri à mi-chemin entre un grognement et un gémissement plaintif. Lorsqu'il est suffisamment proche, la jeune femme l'observe, un dégoût profond marqué sur son visage. Une maigreur excessive faisant ressortir ses os, un corps décharné et titubant, de longs ongles semblables à des griffes, des yeux vitreux, presque entièrement blancs, cette chose n'est qu'un cadavre qui n'aurait jamais dû quitter la terre où elle a été enterrée.

Bien que ralentie par le sol détrempée, la jeune femme se dirige rapidement vers l'être qui tend ses bras vers elle. Elle remarque que ses mouvements sont lents, mais loin d'être indécis. Elle évite souplement un coup de griffe et se place sur son flanc en inspirant avant de frapper rapidement ses côtes de ses poings. Elle envoie l'abomination au sol alors qu'un craquement lui indique qu'elle lui a brisé quelques côtes. N'importe qui hurlerait de douleur, mais cette chose se contente de grogner de la même manière qu'auparavant avant de se relever avec lenteur. Prudente, la jeune femme recule un peu, fronçant les sourcils face à cet adversaire peu ordinaire. Elle le laisse doucement approcher et se baisse lorsqu'il tente de la frapper. Un uppercut vient percuter la mâchoire du traqueur qui, contre toute attente, ne bouge pas, ou si peu, avant d'attraper les bras de la jeune femme. Surprise, celle-ci veut se dégager avant de grimacer. Elle a beau être lente, cette saleté a une force surprenante et la jeune femme est prise au piège.

Elle voit la bouche de l'entité s'ouvrir et foncer vers sa gorge. Elle se penche en arrière, suffisamment pour les faire tous deux basculer sur le sol, la boue amortissant leur chute. Profitant du léger choc pour reprendre un peu le contrôle de ses bras, la jeune femme les place sous la mâchoire du traqueur, l'empêchant de la mordre alors qu'il claque sa mâchoire en espérant l'atteindre. Elle se sait en mauvaise posture, et ce n'est pas la flèche qui vient se planter dans l'épaule du traqueur qui va la sauver. Elle inspire et, violemment, s'arc-boute, prenant son adversaire par surprise, si tant est qu'il puisse se sentir surpris et en profite pour caler ses jambes sous le torse de la créature avant de pousser violemment, le faisant finalement lâcher prise et pour l'envoyer bouler un peu plus loin.

Elle se redresse sans attendre, observant avec une grimace ses bras où les marques hantent sa peau, mais déjà la créature se redresse. Tentant le tout pour le tout, la jeune femme se rue vers elle et attrape son poignet lorsque tente de l'attaquer. Elle le tire violemment tandis que son poing libre frappe la mâchoire du traqueur, lui faisant émettre un craquement sinistre. Ladite mâchoire se met à pendre lamentablement et la jeune femme, profitant de son avantage, arrache la flèche et l'enfonce directement sous le bouche de la créature, l'enfonçant dans son crâne jusqu'à ce qu'elle tape sur l'os. D'un coup de pied, la jeune femme repousse alors le traqueur qui titube avant de s'effondrer lorsque le pied de la jeune femme le percute au niveau du plexus solaire, brisant de nouveau quelques os. Lorsqu'il tente de se relever, la jeune femme comprend qu'il en faudra plus et, fouillant les alentours, elle ramasse une pierre suffisamment grosse avant de fracasser le crâne du traqueur jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un amas de chair d'os et de cervelle sous la pierre qu'elle abandonne.

Sans perdre un seul instant à examiner la dépouille, elle soupire, frotte ses bras endoloris et retourne vers le Segtek qui n'a pas bougé et qui l'observe d'un air étrange, comme s'il venait d'apprendre quelque chose de crucial. Elle retire autant que possible la boue qui recouvre son corps, puis remet son manteau, Taloril et son sac et se prépare à partir lorsque le Segtek lui fait une proposition qui lui fait hausser un sourcil.

- Quand nous serons à Omyre, je connais un endroit pour te faire de l'argent facile en tapant sur des trucs. Qu'en dis-tu ? Je te laisse y réfléchir. Hmm.

Elle ne répond pas et le fixe tandis qu'il reprend la marche, lui emboîtant finalement le pas en réfléchissant à sa proposition. Elle ne refuse pas, mais se garde le droit de revenir sur cette proposition plus tard. Omyre n'est qu'à une journée de marche à peine, elle sait avoir le temps nécessaire pour y penser. Ce qu'elle fait, pendant un moment. Après tout, elle aime se battre, mais elle ne connaît rien des conditions d'Omyre, des enjeux, des règles et des possibles dangers qui pourraient orbiter autour de ces fameux combats. Et rien ne dit que ce seront des combats organisé. Meurtre, intimidation, vengeance, la liste est longue, les possibilités bien trop vastes pour qu'elle accepte avec si peu d'informations.

Re: Les Plaines Damnées

Posté : mer. 29 déc. 2021 15:15
par Lars Hennic
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Nous en sommes au sixième jour de voyage, il ne s'est absolument rien passer d'intéressant, je n'en peu plus de ces deux imbéciles et de ces paysages plats à perte de vue. La seule bonne chose, c'est que j'ai eu largement le temps de finaliser mon plan, il ne me reste plus qu'à voir si les Murènes seront les personnes me permettant de le mettre en place.

(Pourvue qu'il arrive quelque chose, quoi que ce soit.)

Soudain la voiture s'arrête et des cris se font entendre à l'avant du convoi. Je sors de la voiture intriguer de ce qu'il ce passe. Un groupe de bandit a eu la mauvaise idée d'attaquer le convoie, les imbéciles devaient certainement être désespéré pour attaquer un convoi qui ne ressemble clairement pas à un groupe de marchand. La petite douzaine de bandits est rapidement décimé par l'homme en armure et quelques autres membres de la guilde, je reconnais notamment les trois personnes à qui je me suis adressé lors de ma première journée à Darhàm. Je n'ai pas participé au combat, mais il m'a permis de me changer les idées, je remonte dans la voiture tranquillement après quelques étirements. Après quelques instant le convoie reprend sa route comme si rien n'était arrivé.

Re: Les Plaines Damnées

Posté : lun. 4 avr. 2022 19:45
par Eldros Rougine
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Je m’éloigne de la cité chaotique aux côtés de ma petite troupe alors que des individus se font jeter du haut des remparts. Je ne suis pas pressé d’y revenir même si je sais que c’est inévitable. Je prends la tête du convoi avec à mes côtés Uthurg qui darde son regard las vers l’horizon. Je m’interroge toujours au sujet de ce Garzok et le seul moyen de mieux le comprendre est de lui poser la question directement. Je ne tourne pas autour du pot et lui demande, à peine parti, pourquoi m’a t-il choisi moi plutôt qu’un autre, voir plutôt que lui même. Il pousse un mince soupire en rétorquant:

« Je ne me doutais pas que vous étiez du genre à passer le temps en discutant. »

De l’insolence. Ne comprend-il pas que sa position est curieuse ? Je pousse à mon tour un soupir agacé qui le décide à poursuivre:

« Je vous l’ai déjà dit, vous avez gagné mon respect lors de la bataille, par votre foi. »

Je lui adresse un regard surpris, l’invitant à poursuivre alors qu’il continue d’observer l’horizon.

« Avec les autres nous étions dans un Clan dont le chef était un Porte-Mort lui même aux ordres de sa hiérarchie du culte de Phaïtos. Que savez vous sur son culte au sein de notre espèce ? »

« Pas grand chose. Je sers le Dieu, pas ses cultes. »

Il racle sa gorge, chassant un glaire qui n’a pas l’habitude d’être dérangé par tant de mots en si peu de temps, avant de continuer:

« Le clergé de Phaïtos est dirigé par ceux que l’on nomme la Triade, trois puissants Nécromanciens: Tal’Raban, Herle Krishok et Gadory. »

Il poursuit en rappelant comment ces trois anciens lieutenants d’Oaxaca ont finit lors de la dernière bataille. Gadory est mort, Herle l’a trahi, quant à Tal’Raban il est parti de son côté. Je commence à comprendre où il veut en venir quand il explique que son Clan n’a pas survécu à la bataille. Décimé par les troupes ennemis et par le sort du dragon.

« Notre foi était mise à l’épreuve. Certains s’en sont détournés. Mais vous vous êtes tenu avec une foi sans failles. Vous l’avez rappeler face à une autre Déesse. Vous avez plongé votre main dans ce qui restait de celle qui a fait disparaître le dragon puis enfin il vous a fait don de votre bras: mort mais mobile. Pour toutes ces raisons, nous estimons que vous êtes capable de devenir notre Chef, voir de devenir un membre de la nouvelle Triade. Dans tous les cas, de servir Phaïtos. Tant que nous verrons dans vos choix et vos actions cette foi alors nous vous suivrons. »

« Et donc vous avez compris mes intentions en voulant rejoindre Darhàm ? »

Il acquiesce.

« Même si nous ignorons encore de quelle manière, nous savons que c'est dans un but précis et que ce but ne peut être atteint à Omyre. J’imagine que ça a un lien avec la rumeur au sujet de la place vacante de roi.»

« En effet. Comment se fait-il que tous vos semblables ne soient pas si intelligents ? »

« Affirmeriez-vous que tous les humains le sont ? »

Je plisse les yeux alors qu’un sourire étire sa bouche déjà déformée. Il marque un point. Je suis agréablement surpris et c’est suffisamment rare pour qu’il grimpe dans mon estime.

« Je ne pense pas pouvoir devenir un roi. En revanche je pense que je peux d’une manière ou d’une autre former un conseil de capitaines pirates pour gérer la cité grâce aux contacts que j’ai sur place. Dès lors je pourrais y faire porter ma voix. »

Il pousse un grommellement de réflexion propre à son espèce avant de répondre.

« Un projet ambitieux… D’autres que vous en auront sûrement des semblables. »

« Mais nous nous avons la Foi monsieur Bal-Grel. »

Rétorquais-je avec assurance.


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Re: Les Plaines Damnées

Posté : mer. 6 avr. 2022 20:38
par Eldros Rougine
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Le voyage se poursuit après ma conversation avec Uthurg, satisfait de savoir que je peux m’appuyer sur lui pour accomplir mon but. Rien de bien spécial n’est à signaler à part des groupes plus petits qui se sont fait massacrer sur le chemin, déjà maintes fois pillés de leurs biens jusqu’à être laissés aux charognards. Ils ne manqueront à personne et je suis satisfait d’avoir pu former un convoi assez nombreux pour impressionner les pillards que nous apercevons parfois au loin. Il nous arrive de devoir faire quelques haltes pour réparer des roues cassées mais dans l’ensemble la route se passe bien. Cela me laisse le temps de discuter avec certains Garzoks qu’Uthurg me désigne comme digne d’intérêt.

La première est une femelle Orc, celle venant du clan de dresseurs de loups, parée de tout ce qu’on peut tirer de cet animal, monture de prédilection des combattants d’Omyre. Elle en est même la chef et se nomme Laggrat Gar du Clan de la Meute ou plutôt de ce qu’il en reste. Les quelques membres qui ont survécus sont au sein du convoi et je doute que ce soit une coïncidence, Phaïtos a encore désigné des élus pour m’accompagner. La discussion est assez courte et j’apprends simplement qu’elle désire pouvoir reconstruire son Clan assez loin des plaines d’Omyrhie pour ne pas que des rivaux ne viennent les achever. Je lui assure que les plaines de Darhàm sont plus accueillantes que celle dans laquelle nous progressons. Avoir de bon rapports avec un Clan capable de me fournir des bêtes de guerre est plus qu’intéressant.

Le second Garzok digne d’intérêt est un imposant mâle aux bras et au buste qui me paraissent disproportionnés par rapport à sa tête. Le teint vert, la mâchoire carrée, le crâne rasé, il veille avec attention sur ses affaires roulées dans un large tablier de cuir usé par la chaleur. Quand je lui demande ce qu’il protège avec tant de vigilance il me répond qu’il s’agit de ses outils: des marteaux, des pinces, des masses, des ciseaux, des poinçons, des tranches, des brosses, des griffes, des pierres à aiguiser… Des outils dont pour la plupart j’ignore l’utilité mais je comprends tout de même que j’ai parmi le convoi un Garzok capable de travailler le fer, le bronze, l’acier… Une compétence qu’on apprécie tous les jours. Il se présente sous le nom d’Amnok Dulbo et me raconte pourquoi il a choisi de quitter Omyre. Forgeron comme tant d’autres dans la cité noire il a préféré quitter la ville pour tenter sa chance ailleurs alors que la situation est devenue chaotique après la défaite d’Oaxaca. Il espère que Darhàm aura besoin d’un forgeron. Je lui assure que quand la ville portuaire se développera il y aura grand besoin d’artisan comme lui.

Ecouter, rassurer, flatter, voilà le rôle que j’endosse pour m’attirer la sympathie de ces individus. J’avoue que la présence de monsieur Bal-Grel m’a fait poser un tout autre regard sur ses semblables. Ils sont au final bien différents de ce chien enragé qu’est Kurgoth. Je peux bien sentir que certains dans ce convoi sont de la même engeance mais avec une observation plus attentive j’ai également découvert des regards plus réfléchis parmi les visages durs et cassés, façonnés par des années au service de la Déesse de la Terreur. Ils verront que servir la Mort est bien plus glorifiant.

Il y a un dernier Garzok qu’Uthurg me conseille de rencontrer. Egalement différent des autres, maigre, presque famélique, seul sa peau pâle, sa barbe blanche et son front dégarni tatoué d’un œil s’extirpent de sa bure sombre bien que ses mains dépassent également de ses manches usées. Ses doigts sont fins, ses ongles longs et crasseux. Enfin, sa peau est couverte de scarifications aux formes diverses. Il ne m’a pas dit son nom, simplement qualifié sous le terme d’Oracle. La désignation m’avait fait froncer les sourcils et fait remarquer que le regard de ce Garzok semblant proche du décès ne cessait de me scruter. D’une façon que je n’appréciais guère qui plus est. Je vais à sa rencontre, ralentissant l’allure de ma monture pour que la charrette où il est installé me rattrape.

« Vous êtes celui qui se fait appeler l’Oracle ? On m’a fortement recommander de venir vous voir. »

« Vous daignez enfin m’adresser la parole. »

Dit-il avec arrogance, faisant immédiatement durcir mon regard et mon ton.

« J’ai en effet beaucoup de choses à faire. Mon temps ne se limite pas à dévisager les inconnus. »

A son tour de prendre un air plus sévère. Mais pour qui se prend-il ?

« Vous devriez surveiller vos paroles. Je suis ici en gage de bonne foi de la part du temple d’Omyre. Veillez à ne pas me manquer de respect ! Vous devriez vous mettre à genoux quand vous vous adressez à moi !»

« Je ne m’agenouille que devant Phaïtos. Peu importe de la part de quel temple vous venez vous êtes ici dans mon convoi et j’accomplis une quête pour mon vénéré maître. »

Nos voix prennent de l’ampleur, attirant les regards des Orcs à proximité. Je remarque que les autres personnes dans le chariot se tiennent à l’écart du famélique, visiblement par crainte ou méfiance si j’en juge aux postures qu’ils arborent.

« Intéressant. » Rétorque-il avec un sourire mauvais. « Car je suis moi même son prêtre et son Oracle et à aucun moment je n’ai eu vent d’un humain devant nous mener vers Darhàm pour lui apporter la gloire… »

Vient-il tout juste de me traiter de charlatan ? Ce sac d’os pourri ne manque pas de toupet et c’est avec une rage contenue dans la gorge que je lui réponds:

« Peut-être n’êtes vous pas assez attentif ou assez fidèle à ses yeux. Etiez-vous à la bataille de Kôchii ? »

Les yeux attentifs se font de plus en plus curieux et le silence gêné de mon interlocuteur me suffit en guise de réponse pour poursuivre.

« Votre absence n’a sans doute pas dû lui plaire. J’imagine que vous n’avez pas manqué la bataille par couardise vous étiez sûrement préoccupé par d’autres tâches, loin du tumulte de la bataille… »

J’entends son grognement sourd que j’ignore superbement pour poursuivre alors que les regards lourds se mettent à peser sur ses épaules.

« Vous n’avez donc pas affronter, comme je l’ai fait, les hordes de nains en supériorité numérique aux côtés de deux des Treize. Vous ne vous êtes pas tenu à côté du Dragon Noir alors qu’il incantait son sort pour faucher les âmes non méritantes... »

Je poursuis les exemples, sachant bien que chacun le rabaissait pour avoir échapper au conflit. En discutant avec Uthurg j’avais appris que le culte de Phaïtos à Omyre consistait à semer la mort pour l’honorer. Un culte proche du mien je l’admets mais je ne m’y trompe pas. Le clergé d’Omyre ne servait pas Phaïtos, il servait Oaxaca et je ne vais pas me faire insulter par un de ses représentant. Il marchera au pas ou je le ferais rejoindre mon vénéré Dieu. Phaïtos a œuvré pour qu’Oaxaca quitte Yuimen afin d'éloigner les Dieux de la planète et préparer son retour, je m’occuperai de la déposséder des cultistes dégénérés qui se sont servis de lui pour s’enrichir et avoir du pouvoir.

« J’étais là quand la magie de Mort a choisi les survivants et voyez je me tiens encore debout. Ne vous avisez plus de douter de ma Foi ou je vous ferais écorcher vif. »

Crachais-je finalement à son visage déformé par la colère et la hargne.

« Vous regretterez votre impudence. »

Grogne-t-il alors que je reprends de l’allure pour rejoindre l’avant du convoi sous les yeux des autres Garzoks. Parmi eux je remarque quelques fronts tatoués d’un œil qui me regardent avec différents airs allant du respect à la crainte ou encore de mépris. Je comprends que la suite du voyage ne sera pas de tout repos et que c’est une nouvelle épreuve que Phaïtos dresse sur ma route.

( Je serai digne de ce que vous m’avez confié Ô Phaïtos. )


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Re: Les Plaines Damnées

Posté : ven. 8 avr. 2022 09:44
par Eldros Rougine
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Ce n’est plus qu’un jeu d’influence désormais. Un jeu auquel je suis talentueux. J’entends au fil des heures qui suivent mon altercation avec l’orc les rumeurs sur mes exploits lors de la bataille. Ceux que j’ai craché à son visage et d’autres auxquels certains ont étés témoins. La manière dont j’ai obtenu l’apparence de mes bras, ma lutte face aux cavaliers du Duché de Luminion ou dans la baie d’Oranan… Je vois les Garzoks se scinder en plusieurs groupes et pour le moment la majorité semble plutôt de mon côté.

En parlant d’influence, je n’oublie pas le moyen d’en acquérir le plus. L’argent. Ce pour quoi tout mon pèlerinage à commencé; la volonté de toucher l’héritage de mon père, désigner ses navires au capitaine Laeten pour le piller après mon échec et mon exil. L’objectif d’être richissime pour lever des armées capables de semer la mort n’a pas quitté mon esprit. C’est dans ce but que Darhàm doit m’appartenir. C’est dans ce but que je vais trouver le Sekteg qui s’est joint au convoi, au soir du troisième jour alors que nous nous arrêtons pour la nuit. Je m’approche de lui une fois que le camp dressé, entouré des chariots servant de barricades à une éventuelle attaque. J’ai laissé le soin à Uthurg de désigner les tours de garde et pour l’instant c’est plutôt respecté.

Le Sekteg est entrain de préparer son repas devant un feu. Pour cela il a presque installé une cuisine mobile avec casseroles, ustensiles ainsi qu’épices et je dois bien admettre que l’odeur que dégage sa marmite est alléchante. Je n’oublie pas son associée, adossée à un rocher et surveillant ma venue comme une chienne de garde prête à bondir.

« Monsieur Virek. Puis-je vous demander quel profession vous exerciez à Omyre ? »

Il relève la tête à ma question et la trouve à priori amusante vu sa façon de sourire. Sa chienne de garde, elle, lâche un souffle amusé et hausse un sourcil à l'intention de son associé. Des échanges déplacés en ma présence car seul eux peuvent comprendre ce que cela signifie. Je fronce les sourcils, laissant passer l’affront, mais la volonté de faire volte face pour repartir est grande. Il répond finalement :

"Virek suffira. Difficile de parler de profession... disons qu'il y avait certaines activités souterraines et illégales à Omyre et que j'avais un certain regard et contrôle sur ces dernières. Hmm."

Il émiette une épice dans sa marmite et touille son contenu avant de poser un couvercle dessus tandis que je hausse un sourcil, peu étonné qu’il ai trempé dans ce genre de combine. Un cancrelat de plus qui s’enrichit grâce aux miettes qui tombent dans les souterrains. Mais c’est parfait, c’est absolument ce dont j’ai besoin.

"Etrangement je m'en étais douté. La réputation des Sektegs est ce qu'elle est. Votre expérience pourrait m'être utile une fois à Darhàm."

Répondis-je après qu’il m’ait demandé pourquoi je posais la question. Virek hausse les sourcils à son tour avant de m’informer qu’il a quelques contacts sur place mais en demande plus sur la nature de notre possible collaboration.

« Vous n’ignorez sans doute pas que Darhàm est une cité de pirates et qu’ils ont besoin de revendre ce qu’ils pillent en mer. Peut être seriez vous intéressé ? Voyez-vous je suis moi même un pirate. »

"Un pirate ? Je vous prenais pour un mercenaire. Enfin, on parle de recel, donc ? J'imagine qu'ils en ont plusieurs déjà sur place, mais c'est un marché qui a fait ses preuves... ma foi pourquoi pas, mais il faudra se tailler une part une fois sur place. Hmm"

"Nous réglerons les détails plus tard. Mais attendez vous à ce que la concurrence soit rude en effet."

« Je n'en doutais pas, mais vous semblez être un humain plein de ressources, je suis certain qu'on trouvera un moyen. Hmm. »

« Oui. Et j’ai le sentiment que votre … associée … saura trouver les mots juste pour les plus hostiles. »

Car je ne doute pas que certaines négociations devront se faire dans le sang, c’est là tout le but d’emporter avec moi des bras aussi gros que ceux des Garzoks. Bien que les petits bras de la jeune femme qui l’accompagne est capable de mettre au tapis plus gros qu’elle, elle l’a démontré avant notre départ. Elle me fixe un instant d’un air impassible avant de me déclarer qu’elle ne compte pas rester dans la cité portuaire.

« Oh. Vous avez pourtant l’allure de ceux qui grouillent à Darhàm. Vous abandonnez votre associé ? C’est intéressant. Un manque de confiance ? »

Demandais-je en interrogeant les deux du regard. Le Sekteg interroge également son associée d’un coup d’œil. Était-il au courant qu’il allait se séparer de sa fidèle compère ? L’intéressée en tout cas me fixe en poussant un reniflement dédaigneux tout en prétendant qu’elle connait ce trou à rat et qu’elle a mieux à faire ailleurs.

« Soit. Peut être qu’à votre retour elle sera méconnaissable. »

Dis-je en dardant mon regard assuré dans celui de la chienne de garde. Regard qu’elle soutient en demandant ironiquement si ce sera grâce à moi.

« Oh non… pas seulement. »

Face à son silence je pousse un profond soupir, à la fois d’agacement et de mépris, avant d’ajouter:

« Je ne fais que suivre ma Foi. Elle me guide vers Darhàm et j’ai vu ce qu’elle doit devenir et dans quel but. Soyez assuré que ni moi, ni Phaïtos nous ne laisserons quelqu’un ou quelque chose se mettre en travers de notre route et que ceux qui m’aident à accomplir sa volonté seront récompensés. »

Voilà deux fois en deux jours que je dois me justifier et j’en ai plus qu’assez. Je n’hésite pas à hausser la voix pour me faire entendre encore auprès des Garzok qui ont étés témoins de mon échange avec l’Oracle. Je continue après qu’elle ose prétendre avec un air dubitatif qu’elle se fiche de la volonté des Dieux comme eux se fichent de la volonté des mortels et qu’elle n’a aucun intérêt à suivre un aveugle au bord d’un précipice.

« Je conçois que tous n’ont pas l’intelligence pour voir et comprendre le message que nous adressent les Dieux. J’en ai encore eu la preuve à l’avènement de Kôchii où beaucoup s’en sont mordu les doigts et ont terminés broyés ou dépossédés de leurs âmes par leur manque de Foi. »

"Et vous êtes revenus la queue entre les jambes. Une autre volonté divine ?"

Rétorque-t-elle en levant les yeux au ciel, ignorante qu’elle est:

« Vous avez tort. Pour Oaxaca c’est une défaite mais pour moi c’est une grande victoire. L’issue de la bataille a généré le chaos et le chaos est l’échelle des hommes ambitieux. »

"Et ça vous amène au bas de l'échelle, à Darhàm..."

Répond-elle en haussant les épaules.

"Votre vie. Je ne risque pas d'interférer. D'autres s'en chargeront volontiers. Darhàm... enfin, vous connaissez..."

« Même moi j’ai pu reconnaitre qu’il se trouve des hommes de valeur dans cette cité. Peut être que vous auriez dû mieux ouvrir les yeux. Et… il n’est pas impossible que j’amène avec moi d’autres gens de valeurs. »

Mes yeux glissent vers Uthurg qui m’a prouvé être digne d’intérêt avant de tomber sur Virek, lui demandant d’un regard si c’est également son cas. Le Sekteg, les yeux sur sa marmite, m’offre un hochement de tête silencieux face à mon regard tandis que sa futur ex-associée rétorque:

"J'en ai connu. Ils sont partis de ce trou. Je vais faire de même, tout simplement."

« Je ne tiens pas à vous retenir. Reposez vous. Nous repartirons avant le lever du soleil. »

Je m’éloigne, satisfait d’avoir convaincu un receleur de travailler avec moi. L’idée de devoir à nouveau traiter avec cette tête de fouine de Finaud me donnait envie de vomir.

Je pénètre dans ma tente, loin du confort de celle que Karsinar avait dans les plaines d’Ynorie. Une simple toile tendu par des piquets mais cela suffit pour me protéger du vent et du froid qui tombe sur la plaine alors que le soleil disparait derrière les montagnes. Je ne m’attarde pas et m’allonge pour dormir quelques heures, je sais que la nuit sera courte.

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Re: Les Plaines Damnées

Posté : jeu. 26 mai 2022 21:04
par Eldros Rougine
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Mes yeux s’ouvrent. Le sommeil perturbé à la fois par le bruit constant que produit le ronflement des Garzoks et par ce rêve, ou plutôt cette vision, que je fais chaque nuit depuis mon départ d’Omyre. Une vision qui me conforte sur la voie que j’ai prise. Je m’y vois comme les fois précédentes, équipé d’une armure sombre et d’une arme à la lame cramoisi, toujours affublé de cette bague ornée d’un rubis noir et de ce pendentif à tête de corbeau. J’y arpente le pont d’un navire à trois mâts aux voiles et à la coque obscure dont la proue porte la sculpture d’une créature à l’apparence démoniaque semblant s’extirper d’un portail menant aux enfers, d’une couleur grise, luisante par endroit d’un vert dérangeant tandis que ses deux bras qui se terminent par des ailes de dragons s’étirent pour saisir la coque et se hisser dans notre monde.
Au dessus se trouve un éperon d’Olath capable de perforer n’importe quelle coque, prolongement d’une gueule de dragon sculptée dans le minerai, abritant un feu terrifiant. Un navire de guerre, fendant des flots déchainés sous un ciel d’orage. Une illustration parfaite de la mort et la désolation dont je m’éveille toujours au même moment, quand je me tourne vers la barre et que j’y vois la silhouette de Phaïtos qui se dessine à l’horizon, immense titan encapuchonné d’où viennent par milliers des corbeaux qui recouvrent le ciel, plongeant le monde dans les ténèbres.

Je m’empresse de me redresser pour saisir un fusain et un papier confié par un Garzok. Du mieux que je peux je redessine les contours de ma vision, précisant par annotations ce que je ne parviens pas à représenter par mes traits inexpérimentés. Je comprends le message que m’adresse Phaïtos, ce navire sera le mien et je sillonnerai les mers pour prêcher sa foi. Il reviendra sur ce monde et emportera en enfers les infidèles. Comme je m’en suis douté depuis la conclusion de la bataille de Kôchii, je suis la création de Phaïtos, son nouveau Dragon noir et à ce titre je répandrai le chaos pour faucher les âmes.

Je quitte ma tente et remarque que la ronde des veilleurs est la même qu’au moment où je me suis couché, m’indiquant que la nuit est à peine entamée. Ils m’observent brièvement d’un air surpris avant de reprendre leurs patrouilles. Je fais aussi quelques pas dans le campement après m’être procuré une torche.
Mon regard se dirige vers le sommet des monts Sanglants alors que le ciel est nuageux, laissant passer par intermittences les rayons pâles de la lune qui balaient les plaines et les falaises abruptes. Au cours des deux derniers jours de voyage nous nous sommes rapprochés des montagnes et nous sommes maintenant à ses pieds, prêts à les contourner par la face nord pour rejoindre la route qui mène vers Darhàm. Nous restons prudents malgré l’éloignement de toutes routes et la probabilité faible d’être attaqué par surprise. Il me suffit de le penser pour que cela se produise. Un grognement de douleur suivi d’un cri d’alerte réveille le campement endormi. Je dégaine ma lame alors que des pluies de carreaux percent les toiles des tentes vomissant leurs occupants qui ont déjà reprit leurs esprits.

Des Gobelins surgissent des alentours du campement, bondissant par dessus les charrettes ou passant entre les roues comme des rats. Ces vermines ont dû profiter de l’obscurité pour ramper dans les hautes herbes et attendre le moment propice pour attaquer. J’ai fort heureusement pris la bonne habitude de m’équiper de mon bouclier avant de quitter ma tente malgré les remarques d’Uthurg à ce sujet mais au moins ce soir cela me permets d’intercepter un projectile qui m’aurait crever un œil. Malgré leur nombre et l’effet de surprise le convoi parvient à se défendre efficacement mais c’est tout de même une farouche escarmouche qui se déroule à la lueur vacillante des feux de camp. Des têtes Sektegs roulent sur le sol alors qu’un Garzok s’effondre, poignardé de toutes parts par de nombreux assaillants. Je suis également prit pour cible par un de ces cancrelat immonde que je cueille d’un coup de rondache qui lui éclate son nez disgracieux et lui fait perdre connaissance. Nouvel adversaire, aussi peu habile que le précédent, je pare deux coups d’épée avant de lui traverser la poitrine de ma lame que je retire en poussant le corps mou avec un coup de pied. Des carreaux volent encore de toutes part, les arbalétriers de mon convoi étant maintenant parés à répondre. Un projectile passe d’ailleurs à côté de ma joue pour percuter un assaillant qui tombe à la renverse. J’aperçois un Orc qui décide de faire rôtir un Gobelin en lui plongeant le crâne dans un feu avant de s’en servir comme masse enflammé en riant de bon cœur. La bataille s’annonce victorieuse mais l’entrée d’un autre assaillant fait taire le rire du Garzok bien heureux.

Ecartant les charrettes qui forment une barricade d’un geste nonchalant et monté d’un Gobelin qui fait tournoyer une fronde, un Troll entre dans le campement en rugissant. Il expulse de sa gueule aux crocs pourris de longs filets de baves et une odeur putride. Avoisinant les trois mètres, la créature semble furieuse et cherche de son regard rouge sa première proie. Elle n’a pas longtemps à attendre car le Garzok auparavant jovial, jette son jouet pour brandir sa hache et charger la créature au cuir solide et balafré. Le duel est court et expéditif car le troll lève son énorme bras et l’abat sur son adversaire qui s’enfonce dans le sol comme un clou dans du bois mou.

Nouveau rugissement de la monstruosité qui s’élance vers moi après avoir démontré sa force, encouragé par les ordres du Sekteg sur ses épaules. Uthurg jaillit à côté de moi pour l’intercepter mais il se fait balayer d’un revers de main. Je sais que mon bouclier ne suffira pas à bloquer le choc qui se prépare. Je plie mes jambes, prêt à bondir pour éviter la charge mais quelque chose arrête le troll. L’associée de Varek qui s’aide d’un rocher pour bondir et asséner un terrible coup de pied dans la mâchoire du colosse. Cela à le mérite, à ma grande surprise, de lui faire dévier sa trajectoire en plus de lui arracher quelques crocs. Jamais je n’aurais pensé qu’un coup sans arme pourrait déstabiliser un monstre aussi grand, d’autant plus venant d’une humaine pesant la moitié des gros bras qui m’accompagnent. Je saisis l’occasion et assène à mon tour un coup de mon arme à la jambe de la créature tandis que l’escarmouche contre la piétaille se poursuit derrière l’Associée, Uthurg qui se relève et moi.

Un peu sonné, la bagarreuse à le temps de lui mettre un enchaînement de quatre coups en plein torse. Si le même déluge de poings avait mis hors combat un Garzok avant le départ il n’a maintenant pas le même effet. Le Troll se reprend et riposte, repoussant Eteslë qui brandit ses bras pour se protéger. La combattante recule d’un bon mètre mais ses bras ne sont pas encore en miettes. Sur le Troll, le Sekteg m’envoie une pierre qui rebondit contre mon bouclier dressé tandis qu’Uthurg attaque le dos de sa monture. Encerclé, il devient frénétique mais les coups conjugués de mon bras droit et de la jeune femme le tienne en respect. Quant à moi, je fais amèrement regretter au Sekteg paré comme un chef de nous avoir attaqué, propulsant une volute de fumée sombre qui le fait se tordre de douleur.
Eteslë parvient à mettre le Troll à genoux en frappant sa rotule, permettant à Uthurg de frapper le membre affaiblit. Il parvient à ouvrir une nouvelle plaie qui fait hurler notre adversaire de douleur. Il se redresse et envoie à nouveau valser monsieur Bal-Grel qui encaisse déjà sa seconde chute brutale, esquivé habilement par l’associée de mon futur receleur qui se baisse pour éviter le corps massif avant de frapper à nouveau la jambe du monstre, lui arrachant un autre rugissement. Il hurle, se redresse, balance ses bras et ses pieds dans tous les sens pour toucher quelque chose, ballottant son cavalier encore affaibli par mon sort. Mais la pugiliste tient bon, parvient par son agilité à éviter chaque assaut aveugle. J’admets que je suis impressionné mais je doute que cela suffise à vaincre, pour battre ce colosse il faut l’aide de Phaïtos. Je pointe alors ma lame vers les Enfers en adressant une prière à mon vénéré seigneur des défunts tandis que mon ennemi arrache le Sekteg de son perchoir pour s’en servir comme masse. Uthurg se relève encore, en hurlant sa rage d’être ainsi repoussé. Nous unissons alors nos forces, guidés par une impulsion qui ne peut qu’être Divine. Alors que je sens ma lame se charger de la puissance de ma prière, l’humaine bondit à nouveau et balance son genou dans la mâchoire du Troll, envoyant son crâne en arrière et lui faisant prendre une posture qui dévoile son ventre tout en lâchant ce qu’il tient en main. Je frappe, de concert avec Uthurg, et à deux nous éviscérons la créature dont les tripes tombent sur le sol.

Gravement blessé mais pas encore vaincu, le troll se saisit de la jambe d’Eteslë et l’envoi vers moi. Impossible d’esquiver un tel projectile et je me retrouve au sol, le souffle coupé, bloqué sous le corps de cette hérétique. Je me débats pour m’en débarrasser alors que j’entends un autre hurlement de rage. La pugiliste se redresse et s’ébroue comme une chienne mouillée avant de cracher un mollard sanglant au sol. Je me redresse à mon tour en canalisant ma hargne dans ma magie, nourrissant la bête sombre tapie au fond de moi. Le troll s’effondre, victime d’un nouveau coup de pied dévastateur. Je brandis ma main, expulsant du bout de mes doigts des volutes de fumées noires qui s’enroulent autour de ma cible pour absorber sa vie, faisant flétrir sa peau jusqu’à ce qu’il rende l’âme.

La pugiliste s’assure qu’il soit mort avant de se tourner vers moi, le visage en sang, et me demande si je suis blessé. Uniquement dans mon amour propre d’avoir servi d’amortisseur. J’ignore si c’est de la provocation ou si elle est sincère mais je ne peux m’empêcher de lui adresser un regard à la fois courroucé et vexé en marmonnant quelques jurons dans ma barbe. Je me tourne vers le centre du campement où je peux voir déguerpir les Sektegs en déroute. J’ordonne de massacrer ceux qui ne parviennent pas à s’enfuir, ne voulant pas m’embarrasser de prisonniers puis je me tourne à nouveau vers Eteslë avec un air plus serein. Je me mentirais si je prétendais ne pas avoir été impressionné par ses talents martiaux. Ses compétences seraient bien mieux utilisées à mes côtés que n’importe où ailleurs.

« Il est dommage que vous choisissiez de partir une fois à destination. Vos talents auraient place à mes côtés. Réfléchissez-y. »

Elle s'essuie le front, observant sa main couverte de sang avant de me répondre.

« J'ai à faire. »

Elle retourne vers la caravane, passant près de moi, s'arrêtant juste à ma hauteur.

« Votre vie ou un boulot. Que choisiriez-vous ? »

Quelle réflexion arriéré. Elle n’a toujours pas compris.

« Je sais que la Foi n’est pas une chose innée et que certains ne la découvrent jamais. Avant la fin de ce voyage vous serez forcé d’admettre, ou du moins d’y songer plus sérieusement, que ce que nous avons entreprit en quittant Omyre est plus qu’un simple voyage et que c’est plus qu’un emploi que j’ai à offrir. J’ai choisi de servir Phaïtos, ma vie lui appartient et je le servirai même dans la mort. »

Nos yeux se croisent, jaugeant chacun l’autre avant qu’elle réponde finalement que je me berce d’illusions et que ce ne sera pas son cas avant de poursuivre son chemin. Je n’insiste pas, c’est inutile. Convaincre plutôt que contraindre. Mon regard balaie le campement pour me faire rapidement un bilan de l’embuscade. Les Sektegs morts ou agonisants sont nombreux. De mon côté je compte deux morts ainsi que quelques blessés dont l’Oracle, entouré et protégé de ses fidèles pour éviter un nouveau carreau. Un rictus satisfait se dessine sur mon visage, un nouveau signe divin. Je m’approche d’Uthurg, m’informant de son état.

« Rien qui ne doit vous inquiéter. »

Rétorque-t-il d’un ton las. Je me contente d’acquiescer avant de poursuivre:

« Nous reprendrons la route comme prévu demain matin. Fais le savoir à tout le monde. Qu’ils pansent leurs blessures et se reposent. J’ignore ce qu’ils peuvent faire du cadavre d’un troll et de Sektegs mais ils sont libre de s’en servir comme ils le désirent. »

Il acquiesce à son tour et je continue ma ronde tandis que des exclamations de satisfaction se font entendre dans le campement. Les feux redoublent d’intensité et j’entends les couteaux qui taillent dans la chair dur du Troll. Une charrette, déplacée par la créature, a une roue cassée mais rien d’irréparable selon le charpentier du convoi. Je retrouve le cadavre du chef Sekteg, aplatit contre le sol avec une grimace de terreur, je m’accroupis pour le fouiller, curieux de savoir ce que peux bien posséder le chef d’un clan Gobelin capable de domestiquer un Troll avant de retourner vers ma tente sous les acclamations des Garzoks qui félicitent également Uthurg de bourrades dans l’épaule et Eteslë de manière moins brutale par des cris et des gestes d’encouragements.


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Re: Les Plaines Damnées

Posté : dim. 5 juin 2022 11:05
par Eldros Rougine
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Laggrat Gar vient nous rejoindre en tête du convoi nous faire part du rapport sur ses éclaireurs. Malgré son accoutrement bestial elle se montre tout aussi futée qu’Uthurg. Tenant ses Garzoks par la bride, ils lui obéissent au doigt et à l’œil et au cours des derniers jours elle les a mit à bonne contribution, prenant de l’avance sur la route pour nous éviter d’autres attaques.

« Nous avons encore repéré un groupe au nord. »

J’incline la tête et plisse les yeux dans un air de réflexion. Les groupes armés de Garzoks qui sillonnent la région se font de plus en nombreux et belliqueux.

« La fin de l’Empire d’Oaxaca doit se propager à présent. Les clans veulent en profiter pour étendre leurs territoires et le défendre. »

Commente Uthurg d’un ton las tandis que Laggrat explique à raison que nous aurons du mal à poursuivre le voyage sans devoir à nouveau nous battre. Elle a raison et si repousser une bande de Sektegs est à portée de combattants désordonnés, il en est autrement pour des clans Orcs déterminés à tirer profit de la défaite d’Oaxaca.

« Monsieur Bal-grel. »

Le Garzok se tourne vers moi, attendant la suite, habitué maintenant à ce que je l’appelle de cette façon.

« Faites passer le mot que nous allons faire une halte de un ou deux jours pour se reposer convenablement et se préparer à nous défendre contre des attaques de plus grandes envergures. »

Il incline la tête et détourne sa monture pour s’exécuter tandis que je confie à Laggrat le soin de nous trouver un lieu confortable pour s’y installer. A son tour elle incline la tête avant de faire passer la tâche à ses cavaliers qui se mettent à galoper dans des directions différentes.

C’est avant que la nuit tombe que l’un d’eux revient pour nous indiquer une voie à suivre vers un endroit convenable à plusieurs heure d’ici. Je décide donc de poursuivre le voyage malgré l’obscurité qui s’étale sur les plaines. Quelques lanternes sont allumés et tous redoublent d’attention pour signaler le moindre mouvement dans les hautes herbes jusqu’à arriver proche d’un étang que survolent des nuées de lucioles parfois désordonnés par le bond d’un poisson que l’on entend perturber la surface de l’eau. Je donne l’ordre d’établir le campement, insistant sur le fait que nous nous installons pour au moins deux jours. Les chariots sont alors disposés correctement, formant une barricade autour du campement, ne laissant qu’un mince espace pour en entrer et en sortir avec des montures ainsi qu’un accès libre au bord de l’eau où les chevaux sont menés pour se désaltérer. Les feux de camps s’allument en nombre, permettant à chacun de se réchauffer et de cuisiner, les plus adroits ne tardent d’ailleurs pas à tresser les hautes herbes ensemble pour commencer la création d’un filet. J’augmente le nombre de veilleurs et de tours de gardes tandis que les tentes sont dressés donnant au final à ce campement de fortune une véritable allure qui je l’espère dissuadera les moins téméraires.

La nuit se passe sans encombres bien qu’on m’ait réveillé peu avant l’aube pour me signaler du mouvement qui n’a au final donné lieu à aucune agression. Il est de toute manière certain que nous ne passons pas inaperçu, j’imagine que des clans proches se sont approchés pour évaluer nos forces. Je profite de l’étang pour me nettoyer un peu tandis que les premiers filets rudimentaires sont jetés à l’eau. Pour le petit déjeuner je me contente d’un bout de viande séché et d’eau chaude mélangée à de la farine. Un repas qui manque de goût mais qui a le mérite de me remplir l’estomac. J’autorise quelques groupes à partir chasser, conscient que plus les Orcs pourront manger moins l’inaction leur sera agaçante. Je rassemble les autres dans l’intention de les former à une forme de combat qu’ils ne doivent pas utiliser souvent mais qui m’a pourtant démontrer son efficacité bien que ce soit en mer. En effet, Laeten m’avait montré à plusieurs reprises l’effet dévastateur que pouvait avoir le tir en salves, couchant les équipages adverses et provoquant la panique. Je m’étais fourni en arbalètes avant de partir avec la même idée en tête. Je suis certain que si ça fonctionne en mer alors ça peut fonctionner sur terre.

Je commence par leur demander de disposer des cibles de fortunes contre des chariots inoccupés. Planches de bois, paniers d’osier ou une simple gravure creusée dans le bois de la charrette. Je distingue clairement quels Garzoks sont acquis à ma cause: ceux qui agissent sans poser de questions, ceux qui obéissent en m’adressant une grimace ou un regard méfiant et ceux qui quittent le rang où ne s’y sont même pas présentés. Les sbires de l’Oracle font partie de ceux là et un nouveau duel de regard a lieu entre lui et moi. Cependant, si le ratio était de moitié moitié au début du voyage il est désormais clairement en ma faveur et cela me tire un sourire satisfait alors que son visage arbore une grimace de rage. Il ne se laissera pas faire et j’attends le moment, d’un jour à l’autre, où il passera à l’action.

Brièvement, j’explique les raisons de notre arrêt. Si je suis sincère quant à la nécessité de nous reposer avant d’entamer une partie du voyage qui promet d’être plus difficile maintenant que nous sommes au nord des montagnes, je précise également que je souhaite leur montrer les manières de se défendre convenablement avec une arme à distance. Je passe le fait d’être un piètre tireur mais n’oublie pas de dire qu’utiliser une arbalète est à la portée de tous.

« Vous allez dans un premier temps vous exercerez sans projectiles, apprenez à tirer et à recharger. Inutile d’être précis pour ce que nous allons voir les prochains jours et je ne tiens pas à gaspiller de précieuses munitions. »

Les Garzoks se lancent des regards curieux mais Uthurg fait le premier pas, saisit l’arme de jet, vise les cibles improvisées et lâche la corde, tirant un trait inexistant avant de recharger maladroitement tandis que ses semblables l’imitent. Je remarque une chose à laquelle je n’avais pas pensé mais ces créatures sont si fortes qu’elles parviennent à remonter la corde sans se servir d’un bras de levier. Ils pratiquent pendant quelques heures, s’échangeant les arbalètes trop peu nombreuses ainsi que des techniques pour s’en tirer finalement pas trop mal. Les Garzoks sans arbalètes s’adonnent à d’autres activités, tel que le combat à mains nues auquel l’associée de Virek prend part. Une sorte de lien se tisse entre ces Orcs qui ne se connaissaient pas il y a plusieurs jours, sous le regard haineux de l’Oracle. C’est parfait.

Les claquements des cordes résonnent toute la matinée dans le camp jusqu’à ce que les chasseurs reviennent peu avant que le soleil n’atteigne le zénith sous les acclamations des arbalétriers néophytes. Ils amènent avec eux le cadavre de ce qui ressemble à un sanglier mais en bien plus massif. Devant avoisiné les 1 mètre 50 de long et les 150 kg, la bête dispose de plusieurs défenses mortelles sur son crâne fendue de nombreux coups de lames. Une bestiole tout en muscle qui assure un festin. Laggrat m’explique qu’il s’agit d’un jeune brok’nud et qu’ils sont assez rares dans cette partie de la région étant donné que ces animaux se trouvent plutôt dans les bois. Elle semble méfiante mais n’en dit pas plus, aidant les chasseurs à porter le butin et entreprendre sa préparation. Elle est dépecée, vidée et découpée tandis qu’un immense brasier est ravivé pour commencer la cuisson qui promet d’être longue.

Je remets donc les Orcs à l’entraînement et sélectionne les dix Garzoks qui savent tirer et recharger avec une vitesse acceptable puis ordonne de faire deux rangs. Deux lignes de cinq tireurs, chacun disposant d’une arme de trait. Ils m’interrogent du regard tandis que je me positionne entre eux et les cibles.

« Nous allons maintenant exécuter ce qui se nomme le tir en salve. »

« C’est avec vos lames que vous devez honorer Phaïtos ! »

Rugit l’Oracle vers qui je darde un regard accablant.

« Phaïtos apprécie les âmes qu’on lui envoie. Qu’importe la manière. Pensez vous qu’il ait refusé les âmes de Kôchii parce qu’elles sont issue d’un sort et non d’une épée ? Contentez vous de ruminer votre rage et votre sottise en silence plutôt que de nous interrompre. Imbécile. »

Il se dresse d’un bond sous mon sourire moqueur. Qu’il ose seulement tendre une main vers moi et j’en ferai une cible accrochée à un chariot. Il se contente de s’éloigner avec ses sbires d’un pas furieux, non sans darder un autre regard haineux vers moi.

« Reprenons. »

Je deviens à nouveau le centre de l’attention, me permettant d’expliquer l’avantage de se servir de ce genre d’armes à notre avantage face à des guerriers qui ont l’habitude de combattre ensemble.

« Nous n’avons ni l’initiative, ni la connaissance du terrain. L’arbalète nous permets de réagir rapidement et avec violence. Ce que nous allons voir maintenant permet de décimer plusieurs cibles sans le moindre effort. »

Ils s’entraînent alors, sous mes directives, tirant lignes après lignes, toujours à vide, transformant les claquements de cordes désordonnées du matin en claquements plus régulier au fil de la journée. Le campement résonne alors en fin d’après midi de deux claquements mat régulier tandis qu’une odeur de viande grillé embaume le lieu.

« Deux jours ne seront pas de trop. »

Confiais-je à Uthurg avant d’autoriser les tireurs à s’arrêter pour manger et se reposer. Ils soulagent d’abord leurs doigts usés par les cordes avant de s’approcher du sanglier grillé pour profiter d’un bon repas. Je lui demande ensuite discrètement de garder un œil sur l’Oracle, certain que celui-ci serait prêt à empoisonner tout le monde pour prouver son point de vue.

« Pourquoi ne pas le tuer ? »

Je dissimule ma surprise, lui qui me disait il y a quelques jours que je devais absolument le rencontrer, voilà qu'il était prêt à le tuer simplement parce que je m'en méfie. Uthurg est définitivement acquis à ma cause et j'en tire une agréable sensation.

« Parce qu’il pourrait encore revenir sur le droit chemin et retrouver la Foi. »

Il incline la tête et nous nous mêlons aux autres Garzoks qui me servent volontiers un morceau de viande. Malgré leur allure bestial ils se comportent ce soir plus ou moins comme des humains. Ils mangent, rient, chantent et cela me va bien, il me sera plus facile de les manipuler.

La nuit se passe sans alerte et mon sommeil est à nouveau l’occasion pour mon rêve de se faire plus précis, me permettant de mettre plus d’annotations sur mon schéma à mon réveil. Je prends mon tour de garde, participant ainsi comme les autres membres du campement à la surveillance, reprenant le même système que sur La Baliste, me mêler aux pions pour me faire apprécier. Puis le lendemain nous reprenons l’entraînement mais cette fois les arbalètes sont armées. A nouveau j’ordonne de former deux lignes de cinq tireurs, la première à genoux et la seconde debout. Curieux, ceux qui ne participent pas observent tout de même la scène soit avec attention, soit en ricanant, soit en maugréant. Je tire mon arme de ma main bénite par Phaïtos, et la dresse vers le ciel.

« Pour commencer je vais vous démontrer que la puissance de l’arbalète n’a rien à voir avec celle d’un arc… Quand je baisserai mon épée vous tirerez. »

Les Orcs hochent la tête et mettent en joue les cibles disposés contre la charrette en attendant mon signal. Je laisse une poignée de secondes s’écouler avant d’abaisser ma lame, provoquant le son simultané du tir de dix armes de traits fouettant l’air comme un fouet suivi du bruit des projectiles qui se plantent dans les cibles qui provoquent un craquement de bois sinistre. Le choc est assez violent pour secouer le chariot, provoquant le rire satisfait de mes moucheurs. J’en déduis qu’ils sont convaincus.

« Rechargez ! »

Les Garzoks s’exécutent, tirant sur leurs cordes avec leurs mains épaisses avant de remettre un carreau dans l’arme.

« L’inconvénient d’une arbalète comparé à un arc est son délai de rechargement. Un arc pourrait tirer trois ou quatre flèches le temps que vous remontiez votre corde… »

Jiat Laeten avait adopté une tactique simple pour palier à ce problème. L’utilisation de deux arbalètes pour un même tireur avec la mise en place d’un binôme qui recharge une arbalète tandis que l’autre tir avec la seconde. Une technique efficace quand on possède les armes et les bras pour le faire. Ce n’est pour l’instant pas mon cas je vais donc quelque peu adapter sa stratégie.

« Cette fois quand j’abaisserai mon arme seul la première ligne tirera. J’abaisserai ensuite mon bras une seconde fois pendant que la première rechargera se sera la seconde ligne qui lâchera les projectiles. Compris ? »

Deux temps de tirs, permettant aux premiers de recharger pendant qu’ils sont couverts par les seconds. Déclinable encore en trois temps, quatre temps dès lors qu’on a les moyens de le faire. Ils acquiescent et je lève à nouveau mon épée pour l’abaisser. La première salve de carreaux traversent le campement, brisant la pauvre planche de bois et usant drastiquement ceux qui avaient utilisés leurs boucliers comme cible. Mon bras se relève alors que la première ligne s’empresse déjà de tirer les cordes de leurs armes. Deuxième salve, sifflant dans les airs pour percuter les cibles improvisées. Sans prévenir, j’abaisse à nouveau mon bras provoquant cette fois un tir désorganisé et moins destructeur, tous n’ayant pas eu le temps de recharger convenablement.

« Vous savez à quoi vous exercez à présent. Monsieur Bal-Grel va me remplacer. »

Uthurg s’approche pour prendre ma place, je sais qu’il trouvera le rythme pour que les tirs s’enchaînent au mieux. Je distingue encore les regards du campement qui changent en m’observant. Peu à peu, ma notoriété et mon autorité grandit. Plus aucun n’ose me faire une grimace ni me défier du regard excepté l’Oracle dont même les sbires baissent les yeux quand ils croisent les miens. Bientôt ses derniers alliés lui tourneront le dos et il sera forcé de s’incliner devant le pouvoir que Phaïtos me confie.

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Re: Les Plaines Damnées

Posté : sam. 6 août 2022 08:47
par Eldros Rougine
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Trois jours auront étés nécessaires mais le résultat est finalement satisfaisant. Les moucheurs désignés ont compris comment fonctionne le tir en salves cependant ils sont encore loin de le maîtriser. Cela fera l’affaire pour la suite du voyage d’autant plus que cette halte a permis à chacun de se reposer convenablement, de mieux soigner les blessures, de renflouer les réserves d’eaux et de nourritures ainsi que de renforcer les liens entre les voyageurs. Je suis donc convaincu que nous arrêter était une bonne décision. Néanmoins je ne suis pas dupe. Il y a aussi des points négatifs. Nous n’avons pas pu passer inaperçu, ainsi je sais que des yeux curieux nous ont épiés et qu’ils n’attendent sans doute que le moment propice pour attaquer. J’ai demandé à mes Garzoks de feinter l’ignorance, de pratiquer les mêmes patrouilles, d’éviter ne serait-ce qu’un regard suspect dans la direction des guetteurs. Je m’attendais à ce qu’ils profitent d’une nuit mais ils s’en étaient gardés, par prudence j’imagine.

Voici venu l’heure du départ et là encore je m’attends à ce que nos ennemis profitent de la désorganisation du campement mais les minutes passent et toujours rien. Ils ne tombent pas dans le piège d’une hypothétique attaque surprise. Le convoi se remet donc en marche, poursuivant son chemin vers le nord-est pour retrouver la route qui mène à Darhàm. La formation est la même que pour les jours précédents, les chariots sont les uns derrière les autres flanqués des quelques cavaliers que nous avons. Une seule chose semble véritablement métamorphosée, la cohésion. Un détail qui aura son importance en cas d’attaque.

« Du mouvement sur notre gauche ! »

Signale un cavalier de Laggrat qui galope vers nous pour nous prévenir. Je darde mon regard vers les herbes hautes qui couvrent l’horizon pour détecter en effet du mouvement, des herbes qui se couchent et une fine poussière qui s’élève au dessus des feuilles. Une attaque ? Une créature ? C’est alors un autre Garzok dans le chariot à côté de moi qui s’écrie qu’il voit quelque chose à droite. Ça ne peut pas être une coïncidence et tandis que le convoi s’agite je clame d’une voix ferme.

« Arbalètes ! »

Il n’en faut pas plus pour mettre en branle les moucheurs disposés dans les charrettes. Les chevaux du convoi accélèrent la cadence en hennissant, couchant la flore sur leurs passage. L’ennemi se dévoile alors que des hurlements de loups surgissent de derrière les murs de tiges brunes qui nous entourent. Des Garzoks montés sur des loups assez costauds pour les porter surgissent pour s’élancer vers le convoi, de la droite comme de la gauche, trop rapides pour qu’on puissent les distancer. Je dégaine mon épée et la pointe vers le ciel pendant que les cavaliers remontent la file des charrettes en se redressant, prêts à sauter pour nous aborder. Mais mes moucheurs sont obéissants, stoïques, on pourrait presque dire entraînés. Je soupçonne que si cette attaque avait eu lieu avant notre halte ce serait déjà le chaos. Pour l’instant ils lèvent leurs armes de traits, visant sans tirer dans la précipitation. Je me retiens de désigner un bord par un terme marin et hurle de se concentrer sur la droite où les loups sont bien plus proches et que leurs cavaliers s’apprêtent déjà à sauter. J’abaisse mon sabre, signal que Bal-Grel ponctue d’un cri.

« Tirez ! »

Le claquement des cordes retentit suivi du bruit sourd des corps qui tombent puis du craquement des os qui passent sous les sabots et roues de bois. Une seconde salve est lâchée, faisant à nouveau tomber des assaillants et réduisant considérablement l’abordage prévu. Mais ils sont assez nombreux pour ne pas abandonner et de premiers Garzoks parviennent à atteindre les chariots pour entamer le combat au corps à corps.

« Protégez les chevaux ! »

Ordonnais-je aux cavaliers autour de moi qui inclinèrent la tête avant de changer de trajectoire pour se jeter à l’assaut des assaillants. J’en fais de même et les suis au cœur de l’assaut qui se concentre du côté gauche du convoi, le droit étant épargné par les salves répétées des moucheurs et de leurs arbalètes. Les montures tirant les charrettes sont les premières cibles et elles sont farouchement défendues, à l’exemple de l’acolyte du marchand gobelin qui se saisit d’une lance pour l’envoyer contre un cavalier ennemi, lui perforant le torse et le faisant tomber de sa monture pour le clouer au sol tandis que je lance un sort qui percute une monture qui charge un cheval. Le loup s’effondre, envoyant le Garzok sur son dos valser sous les roues d’un chariot.

Le convoi poursuit sa route à vive allure, soulevant un nuage de poussière et laissant une trainée de corps agonisants. Un autre loup chute devant ma monture qui hennit sous l’effort et la crainte de se faire mordre, percé par un trait d’arbalète. Un ricanement satisfait s’échappe de ma gorge alors que mon arme frappe celle d’un autre, nos montures se tournent autour tandis que nos lames s’entrechoquent encore. Je resserre mes cuisses autour de la selle, enroulant d’avantage les rênes autour de mon bras d’argent pour m’assurer de ne pas chuter. Le combat en monture est un luxe que je n’ai pas eu le loisir d’apprendre et mon adversaire a sans conteste plus d’expérience que moi mais l’obscurité tapie au fond de moi réclame sa part de violence et se fait entendre à travers mes tripes, me rugissant de la laisser agir. J’obéis, la laissant faire à sa guise comme m’avait conseillé à l’époque la brebis égarée qu’est cette liche. La magie sombre recouvre mon visage tandis que celui de mon adversaire se tord de terreur. Même son loup semble hésitant et j’en profite pour frapper, tranchant de bas en haut le torse de mon assaillant qui chute en répandant ses boyaux.

( Une nouvelle âme pour le grand Phaïtos. )

Pensais-je en me dirigeant au galop vers un autre voltigeur qui s’apprête justement à sauter de sa monture. Je le surprends par l’arrière et tranche sa cheville. Il perd l’équilibre et termine aussi sous les sabots d’un cheval. Je balaie le convoi du regard, constatant que l’escarmouche tourne clairement à notre avantage, le flanc droit ayant réussi à repousser les tentatives de charge et pouvant à présent se tourner vers les assaillants venant de la gauche et les empêcher de s’attaquer aux montures et aux chariots. Mais ce moment d’inattention et de satisfaction me coûte cher car je n’ai pas le temps d’esquiver le loup immense qui me fonce dessus. Je dresse mon bouclier pour bloquer la hache qui se dirige vers mon crâne. Je sens la rudesse du coup, la lame qui frotte le bois de ma rondache et qui tranche les rênes de cuir qui me relient à ma monture mais aussi le choc violent entre nos montures, le sang chaud de mon cheval mêlé à la bave du loup qui fouette mon visage. Je tombe comme au ralenti, dardant un regard haineux vers le responsable qui ose défier l’élu divin que je suis.

Mon corps percute le sol avec violence, me causant une forte douleur à la cuisse et me coupant le souffle quelques instants alors que je peux sentir les griffes du loup labourer la chair de ma monture ainsi que la terre à côté de moi avant de poursuivre sa route. Je crache la poussière que je viens de mordre et me roule de côté pour éviter le passage d’autres griffes. Je remarque alors que celui qui m’a fait chuter fait demi-tour et fait tournoyer sa hache et dardant son regard noir vers moi tandis que le convoi poursuit sa route, abattant encore ses ennemis. Je me retrouve seul face à ce cavalier Garzok qui me fonce dessus.

« Une nouvelle épreuve Ô Phaïtos. Je n’échouerai pas. »

Crachais-je avec hargne en me redressant, ignorant la douleur de mon corps maltraité par la chute.

« J’ai confiance en ma Foi. Jamais elle ne faillira. »

Je baisse mon arme vers les bas fonds du monde tout en prêchant ma vénération pour le Dieu de la mort tandis que le cavalier approche.

« Par votre puissance je vaincrai. Pour votre gloire je vaincrai. »

J’entends à présent distinctement le grognement du loup, le sifflement de la hache qui tournoie.

« Et je briserai chaque hérétique qui cherchera à défaire votre nouveau Dragon Noir. »

Criais-je avec vigueur en frappant et dressant mon bouclier. Je sens une vive douleur à mon épaule droite ainsi que la chair qui s’ouvre sous le coup de mon attaque. J’entends le glapissement de douleur du loup, le cri de rage de l’orc, l’écho de mon cri et même le rire satisfait du grand Phaïtos. Mais l’épreuve n’est pas terminée, le Garzok se relève et titube quelques pas avant de se reprendre, crachant à son tour la terre de sa gueule immonde.
Je remarque qu’il a autant souffert de sa chute que moi mais aussi qu’il semble plus imposant que ses semblables agonisants à terre, mieux équipé et paré de nombreux crânes qui ornent sa ceinture. Même son loup bénéficie d’une certaine décoration mais à présent, avec une patte en moins et le flanc ainsi ouvert, je doute qu’il fasse encore le fier un jour.

Moi et le Garzok nous nous jaugeons plusieurs secondes avant qu’il s’élance vers moi en brandissant son arme. Maintenant que nous sommes tout deux au sol, il est moins avantagé et je peux tout de suite le ressentir. J’esquive son coup de hache d’un pas sur le côté et bloque un second coup horizontal avant d’en parer un troisième qu’il assène à la suite. Je le laisse frapper frénétiquement, gardant ma posture d’escrimeur apprise à Darhàm. Je riposte quand il commence à faiblir et qu’un coup vertical l’emporte un peu trop en avant. Je pivote et lui entaille profondément le dos, recule alors qu’il se redresse et tente un coup à l’aveugle suivi d’un nouvel assaut. Cette ténacité, ce désir d’écraser son ennemi, cette frénésie irréfléchie, il me rappelle Kurgoth et je comprends alors qu’il serait trop long de chercher à l’épuiser. Je l'interromps dans son attaque, m’élançant en avant, lui envoyant la tranche de ma rondache dans son groin de porc, l’étourdissant suffisamment pour lui porter un autre coup mais il parvient tout de même à saisir mon bras, me tirant une grimace surprise qui se mue vite en douleur quand son autre main vient me frapper avec violence, me projetant à terre. Je grogne de rage tandis qu’il se dresse au dessus de moi mais ma magie agit, entourant le Garzok de volutes noires en lui aspirant sa vigueur et me laissant le temps de me redresser. Mais cela ne suffit pas pour l’arrêter, seul la mort peut stopper ce genre d’animal.

Il revient à la charge, cherchant à me déséquilibrer d’un violent coup de pied qui s’écrase contre ma rondache. Je me laisse reculer puis me baisse pour éviter un nouveau coup tout en taillant de la lame une plaie sur son flanc, de sa hanche à son aisselle. Il se tourne et subit une nouvelle taille qui touche cette fois son visage, lui ouvrant sa gueule déjà béante. Il dirige son visage vers moi et hurle sa colère, agrandissant d’avantage sa blessure. Il saisit mon bouclier d’une main et me soulève du sol avec une force incroyable, je ne cesse d’être épaté par les prouesses que peuvent accomplir ces sacs de muscles. Mais le temps n’est pas à la contemplation et je riposte grâce à ma magie sombre qui percute son visage avant qu’il ne me tranche en deux comme un jambon. Je retombe lourdement sur mes jambes, réveillant la douleur de ma précédente chute. Mais je tiens debout et tandis que mon adversaire se tient le visage que je vois ce noircir je donne le coup décisif en rugissant d’effort, séparant sa tête du reste de son corps.

Celle-ci roule sur le sol et termine sa course au pied d’un autre cavalier. Figée dans une grimace de rage, les yeux rouges et révulsés, la gueule béante, bavant un sang sombre et épais. Je remarque que d’autres montures m’encerclent et que les Garzoks montés dessus m’observent avec un air étrange, entre la crainte, la colère et le respect. Je bombe le torse, lève le menton, les défiant du regard et prononçant distinctement les mots suivants:

« Apportez moi une monture. »

Mon convoi n’est plus qu’un point à l’horizon d’où s’élève un nuage de poussière. Les Garzoks hésitent, s’interrogent du regard, avant que tous se dirigent vers un Garzok en particulier, pas bien différent des autres si ce n’est qu’une certaine intelligence brille dans ses yeux. Il me scrute avant de finalement incliner la tête et parler à son tour.

« Tu t’es battu avec honneur Humain. Donne nous ton nom qu’il ne soit pas oublié et que l’on sache qui a vaincu Kortog l’Enragé, notre Chef. »

« Mon nom est Eldros Rougine. Élu du grand Phaïtos et son nouveau Dragon Noir. »

Et alors que je dis ces mots et que des chuchotement rugueux parcourt la ronde de cavaliers Garzoks autour de moi, j’entends des bruits de sabots qui se rapprochent et distingue quelqu’uns de mes cavaliers qui viennent me récupérer. Je poursuis alors:

« Je mène ces Garzoks vers Darhàm où je pourrais leur offrir une autre vie que celle qu’ils ont menés jusque maintenant. Accompagnez moi. Servez moi. Et comme les autres vous y trouverez votre compte plutôt que de mourir dans ces plaines. »

Le Garzok répond que ceux qui le désirent peuvent me suivre puis il fait signe à l’un d’eux de m’apporter une monture. Le désigné se rapproche en tirant un loup.

« Ils sont dociles tant qu’ils ont le ventre plein. »

Précise t-il. En effet il se laisse monter aussi facilement qu’un cheval alors que monsieur Bal-Grel et son escorte arrivent à notre hauteur. Ils m’observent et semblent comprendre ce qui se trame dès que leurs regards tombent sur la tête du Chef vaincu.

« Allons-y. Il nous reste de la route à faire. Qu’on accueille dignement ceux qui veulent nous suivre. »

Ils hochent la tête et sans plus de question nous retournons auprès du convoi avec peut être de nouveaux bras efficaces.

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