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par Walter Heck » sam. 4 avr. 2020 10:00
Nous prenons la route sous un soleil matinal aussi clément qu'à l'accoutumée. Inquis est un compagnon de voyage plutôt agréable et jusque là, il ne m'a pas ralentit. Je dois dire que j'ai rarement eu l'occasion de marcher avec quelqu'un à mes côtés, qu'il s'agisse d'un homme, d'une femme ou même d'un animal. Ma foi, j'y penserais lorsque je retournerais vagabonder, mais un jour viendra où il faudra que je me trouve quelque chose à faire. Aplanir le pavé de chaque route du continent libère l'esprit et la bourse bien plus rapidement qu'on ne le pense. Quoi qu'il en soit, je profite d'avoir quelqu'un à qui parler et surtout avec qui me souvenir, car les anecdotes sont légions et ma vieille cervelle peine à se rappeler des plus croustillantes qu'Inquis se charge de narrer de sa voix chantante. Il faut dire qu'il a gardé une bonne mémoire, le bougre. Pas mieux taillé qu'un de ces épouvantails qu'on aperçoit dans les champs depuis tout à l'heure, mais il a les parois du crâne plus épaisses que les miennes.
C'est au détour d'un virage que le renard s'intéresse à ma passion de la Dame de Lumière. Je ricane lorsqu'il me demande quelle incarnation de la Déesse je préfère, comme à ces gamins à qui l'ont demandent qui préfèrent-ils parmi leurs frères et sœurs. Je secoue la tête et tente alors de l'instruire sur un des rares sujets qu'il ne semble pas maîtriser.
"Y'a pas... Comment dire ? On ne préfère pas telle ou telle forme que peut prendre la Déesse sur ce monde. En fait, je pense même que c'est un principe qui s'applique à toutes les religions. Lorsqu'on croit en l'une des divinités du Panthéon, on ne "fabrique" pas sa pensée, sa doctrine religieuse jusqu'à rejoindre le culte qui s'y apparente le plus. Un vrai fidèle - et il te le dira comme moi s'il en est un - garde une idée assez générale de la divinité qu'il vénère afin de l'accepter dans son entièreté, je ne sais pas si tu comprends ce que je veux dire. Alors oui, j'ai effectivement été initié au culte de Gaïa selon les principes de la Triple Déesse..."
Comme par réflexe, je ferme les yeux un très court instant et coupe mon explication pour répéter une rapide prière dans un murmure. Je n'ai conscience de l'étrangeté de la chose qu'après avoir terminé de me recueillir.
"Louée soit-elle, Mère des cieux et de tout ce qui est bon." ... Mais cela ne m'empêche pas de la respecter pour ce qu'elle est, la Mère de tout et de tous... Et je dirais la Bienfaisante."
Je termine cette dernière phrase en me marrant, comme pour souligner la bonne blague faite à mon compagnon de voyage. Il faut dire que ma vision des choses au sein de l'église a pas mal changée depuis que j'ai choisi de quitter le temple. Je ressens une bonne part de vérité dans ce que j'ai raconté, comme quoi on vénère la Déesse comme on le désire. Mais va raconter ça aux culs-serrés qui ne laissent pas le choix. Le soleil pointe plus haut à mesure que nous progressons jusqu'à la destination, sans se perdre dans le labyrinthe de faux chemins qu'est la plaine Mélifère. Je pointe du doigt une bâtisse en me cachant les yeux des rayons d'une main.
"Tiens, ce serait pas cette baraque, là ?"