Everyone Bites the Dust
(
Libre !!!)
L’air frais de cette fin de septembre s’engouffra par l’entrebâillement de la grande porte avec curiosité comme pour accueillir l’inconnue qui se présentait au monde extérieur. Haple, les joues rosies par l’émotion autant que par le froid matinal, souriait à la vue du paysage qui s’ouvrait devant elle. Pour la première fois depuis son arrivée au Couvent, son regard pouvait se porter au loin : un chemin de terre un peu boueux partait du couvent et traversait une prairie parsemée d’herbes sombres et de trous de taupes pour finalement rejoindre une forêt dense de résineux, droits et austères, qui bloquaient net le regard. Mais pas l’imagination : Haple, déjà, se voyait s’y engouffrer et prendre le large !
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Loin de ces intrigantes…)
Mais avant cela, il lui faudrait s’en tenir à son plan. Et l’adolescente reporta son attention sur les deux Sœurs qui l’encadraient. Les deux femmes n’étaient d’aucune conséquence : deux humaines, l’une jeune et l’autre âgée, dont Haple n’avait jamais retenu les noms. Haple tourna la tête vers l’une puis l’autre et leur signala simplement son accord.
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Je suis prête. Allons-y.
Et elle passa entre les deux, franchit le seuil tant fantasmé du bâtiment où elle avait vécu cloitrée toute l’année et laissa les religieuses lui emboiter le pas. Dans son dos, elle les entendait bavarder du temps qu’il faisait et de leurs corvées pour la journée. Ne comprenaient-elles donc pas l’importance du moment ? Après tant d’attente, elle allait enfin pouvoir faire ses preuves et gagner le droit de partir sur les routes.
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… plumer les dindes, trancher les courges puis ensuite… Sœur Haple, à gauche. Les autres vous attendent devant les écuries. Il faut contourner le corps principal. Oui par-là, acquiesça la jeune femme lorsque l’elfe quitta le chemin de terre pour suivre ses directions.
Haple eut malgré elle une petite grimace en sentant la rosée matinale déposée sur l’herbe mouiller ses chaussures. Elle avait clairement perdu l’habitude des petits inconforts de la vie en extérieur et n’avait pas eu la présence d’esprit de s’habiller chaudement pour l’épreuve qui l’attendait. Qu’à cela ne tienne : la température allait monter assez vite ! Et avec entrain, elle allongea le pas pour avaler la distance qui la séparait des autres.
Quelques instants et monticules boueux plus tard, elle les aperçût au détour du mur d’enceinte. Une cinquantaine de ses coreligionnaires étaient réunies en petits groupes à une centaine de mètres d’un modeste bâtiment construit de plein pied et à la toiture basse. Aucune porte n’en fermait l’entrée, plus large et haute que Haple ne le pensait nécessaire et d’où s’échappaient nonchalamment de minces filets de vapeurs… (
les écuries). Elle était arrivée et, lorsqu’elle embrassa du regard le lieu qui avait été retenu pour son épreuve, elle comprit pourquoi. La prairie était ici beaucoup plus étendue qu’à l’entrée du Couvent, laissant la place non seulement d’installer une écurie et plus loin le rucher dont Rosemonde lui avait parlé mais aussi un espace aplani au centre où la congrégation pouvait se réunir en entier sans se serrer.
Haple ralentit le pas le temps d’identifier les Sœurs présentes. Toutes des Initiées. Pas une seule novice. (
Là !) La Révérende-Mère s’entretenait avec sa sœur géomancienne. Elles semblaient être en désaccord… Peut-être Ninïoton cherchait-elle encore une raison de différer l’épreuve ? De retarder le moment, inévitable où la jeune novice échapperait à son influence protectrice… C’était touchant. Et agaçant aussi. Plusieurs semaines s’étaient écoulées depuis que Haple avait terminé son entrainement martial et magique. Jours après jours, elle avait rappelé à la Révérende-Mère sa promesse qu’elle lui donnerait l’opportunité de la convaincre qu’elle était prête à se prendre en charge, à assurer sa propre protection sur les grands chemins. Sans effet… La Sœur Nétone avait plaidé en sa faveur aussi, bien sûr, elle qui n’attendait que de la voir sortir du giron gênant de sa bienveillante de sœur. Même Rosemonde les avait rejointes après que Haple l’ai pétitionnée. C’était sûrement ce qui avait fini par faire pencher la balance. Et maintenant, l’heure fatidique était arrivée.
Au moins, le temps qui avait passé lui avait permis de laisser guérir complètement les os de sa main et de retirer son plâtre. Quelle que soit la situation qu’on lui demanderait d’affronter aujourd’hui, c’était assurément préférable qu’elle soit en pleine possession de tous ses moyens. Malheureusement, ces semaines d’attente avaient aussi fait monter la tension… et c’est avec une boule au ventre qu’elle finit de rejoindre ses consœurs, son cap fixé résolument sur la Révérende-Mère.
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Sœur Haple, bonjour. J’espère que vous êtes en forme.
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Bonjour Révérende-Mère. Je suis prête.
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Bien, bien… commenta sa supérieure, résignée.
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Sœur Nétone, salua Haple sobrement.
L’autre lui retourna la politesse d’un simple hochement de tête et se détourna pour les laisser seules. Haple remarqua d’ailleurs que les conversations s’étaient tues et que toutes les femmes qui les entouraient avaient imité Nétone, s’installant tranquillement en trois longues files sur des gradins en pierre. Haple n’avait pas remarqué en arrivant sur les lieux cet édifice rocheux car celui-ci semblait faire partie intégrante de la prairie. Il n’y avait cependant pas de doute au vu du caractère fonctionnel de la structure qu’elle était le produit de la main de l’Homme. Elle soupçonnait que la géomancienne avait quelque chose à y voir…
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Nous allons pouvoir commencer, annonça la Révérende-Mère dans un aparté à la jeune novice.
Montre-moi, devant les Initiées ici réunies, que tu es en mesure de composer avec les dangers d’une vie d’aventures. L’épreuve sera toute bête : un combat. J’aurais aimé te proposer quelque chose de plus sophistiqué mais la réalité du terrain est souvent bassement guerrière. A toi de jouer.
Haple hocha du chef puis se tourna vers les gradins en même temps que la Révérende-Mère projeta sa voix à l’attention de l’assemblée des Initiées.
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Mes Sœurs, nous mettons aujourd’hui à l’épreuve ce jeune femme qui souhaite mettre un terme à son noviciat. Qui parmi vous souhaite la recevoir ?
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me recevoir… ?)
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Moi, Hermance, je me porte volontaire, répondit la sombre femme d’une voix forte.
Haple l’observa se lever et les rejoindre en s’échauffant les épaules et se frottant les phalanges.
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Bien sûr… me « recevoir ». Me mettre une dérouillée, oui. Soit).
Et Haple imita son adversaire qui approchait pour elle aussi se mettre en condition.
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Vous avez le champ libre. Pas d’excès, toutefois, ajouta Ninïoton d’une voix tendue.
***
Un sourire en coin se dessina sur les lèvres de la brune dès que la Révérende-Mère tourna le dos pour rejoindre sa congrégation. Haple, elle-même, ne se réjouissait pas de se retrouver face à Hermance. Mais, songea-t-elle, au moins savait-elle à quoi s’attendre. Toute tentative de vaincre par la force serait vouée à l’échec.
L’humaine la dominait à la fois physiquement et en compétences martiales. (
Ruse et fluides, alors). Le reste, il le lui faudrait improviser car déjà Hermance s’avançait d’une démarche souple et assurée.
Haple recula. D’abord, par instinct de survie, puis avec comme idée en tête de rejouer la carte de la séduction. Juste le temps de formuler un plan d’attaque…
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On peut peut-être s’arranger ? tenta-t-elle d’une voix désarmante accompagnée d’un tressaillement de peur.
On sait comment ça va finir : tu es la plus forte.
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Des mots, tout ça... Ça ne prend pas cette fois.
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Echec ?) Et Hermance leva ses poings en garde juste sous la ligne de ses yeux, verrouillés sur leur cible. Impossible de savoir si sa posture de soumission faisait effet car, contrairement aux sortilèges qu’elle avait appris, cette nouvelle technique ne produisait pas d’effet spectaculaire… Néanmoins, force était de constater que l’humaine ne saisissait pas l’occasion d’avoir son adversaire à portée et à sa merci (
…) pour bondir l’attaquer. Non… elle restait plantée sur place, en garde, à observer la sotte petite elfe qui s’était mise en tête de rejoindre le rang des Initiées. (
Bien, regarde-moi). Alors, Haple invita en son for intérieur cette identité : une moins que rien qui allait se prendre une déculottée. Déjà, elle reculait d’un pas hésitant. Ses jambes, tremblantes, reculaient d’elles même comme pour la ramener gentiment dans sa cellule, si on voulait encore bien d’elle au Couvent. Elle faillit trébucher sur le sol inégal… ce qui extirpa de ses lèvres déconfites un couinement de surprise. Et qui, par contraste, décrocha à Hermance un rire moqueur et satisfait.
C’est alors que l’humaine desserra ses poings et plaçant une main sur sa hanche, se tourna dans une posture ostentatoire de nonchalance vers l’assemblée confortablement installée sur les gradins avec l’air de demander si c’était vraiment la peine de poursuivre. D’un pas hésitant, feignant toujours une faiblesse de caractère, Haple profita de la distraction de son adversaire pour tâter avec ses pieds le terrain derrière elle. Elle n’en trouvait pas ; elle tenta de se connecter à ses fluides telluriques pour y lire ce qu’elle ne pouvait pas voir derrière elle. En vain. Et elle dû arrêter là son examen car l’autre, déjà, en revenait à leur combat…soit parce qu’elle en avait reçu l’instruction d’une des Sœurs, soit parce qu’elle appréciait que trop cette sensation de domination...
Haple continuait de reculer à tâtons tandis que l’autre réduisait la distance qui les séparait. (
Là ! ...) Son pied avait enfin rencontré ce qu’elle cherchait : la meuble protubérance d’un trou de taupe. (
Viens ici… regarde-moi…) Elle l’enjamba d’un pas aussi fluide que discret. (
…là-haut, regarde dans mes yeux effrayés…). Elle recula encore d’un pas, un dernier pas, et retint son souffle lorsqu’Hermance approcha un pied ignorant de l’obstacle…et le posa juste devant sans trébucher.
Alors, avec l’énergie du désespoir, espérant contre toute attente que son plan puéril pouvait encore être sauvé, Haple bondit en avant sans crier gare. Et, naturellement, le poing droit de son adversaire l’imita… Toutes deux se rejoignirent alors à mi-chemin avec un bruit sourd dans le crâne de la novice dont disparu tout espoir de coup du sort. Lorsque, l’instant suivant, elle reprit ses esprits, Haple était aux pieds de l’humaine. Celle-ci riait à gorge déployée, (
la garce), savourant l’humiliation de l’adolescente. Et un écho en provenance des gradins l’informa que ce premier échange n’avait pas commandé le respect de ses consœurs…
Mais à cet instant, la fortune lui sourit. Dans une démonstration ostentatoire de son assurance, Hermance fit mine de tourner le dos à son adversaire à terre. Ce faisant – Haple réalisa avec jubilation – la trajectoire de son pied était telle qu’il buterait inévitablement sur le trou de taupe… et mettant aussitôt de côté sa douleur crânienne et les moqueuses sur les gradins, elle décida d’aider la chance. Au moment où Hermance émit un petit hoquet de surprise au contact de l’obstacle terreux, Haple lui mit un coup de pied dans le tibia pour accentuer sa perte d’équilibre. Et l’autre de s’étaler pitoyablement dans l’herbe mouillée et l’hilarité générale !
Le combat tournait au ridicule. Qu’importe. L’adrénaline aidant, Haple se remit sur pied sans attendre et s’éloigna à toute vitesse de l’humaine qui pestait en essuyant des mains grasses de terre sur une motte d’herbe. (
Vite). Il lui fallait un autre plan. Ou plutôt, un meilleur plan : que l’autre prenne plus de dégât qu’elle. Déjà, Hermance se relevait et la dardait d’un regard qui annonçait une punition. (
… « darder » … dards…) Et alors, aidée peut-être par Zewen lui-même, Haple fut frappée d’inspiration. (
Les ruches !)
Comme portée par des ailes, Haple couru en direction du rucher. Les Initiées les plus jeunes, acolytes de Hermance, s’en donnèrent à cœur joie et la moquèrent, pensant que la novice inexpérimentée fuyait le combat. Son adversaire elle-même semblait perplexe et ralentissait le pas. (
Non… ça ne va pas).
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Eh, Hermance, tu fatigues déjà. Attrape-moi si tu peux ! lança Haple par-dessus l’épaule.
Pouvait faire mieux… mais l’humaine n’avait pas besoin de beaucoup pour s’échauder et là voilà qui repartait aux trousses de l’insolente. Le cœur de Haple battait la chamade ; l’émotion et l’effort l’abrutissaient. Mais elle ne perdait pour autant de vue son objectif. Enfin, quelques trous de taupes sautés et quelques invectives lancées à sa poursuivante, elle y parvint : le rucher.
C’était un petit rucher ; cinq ruches seulement, alignées côte à côte, face à elle. Comme Rosemonde lui avait expliqué, il servait à fabriquer de la cire pour leur artisanat. Et du miel … Haple songea avec regret à la douceur des petits-déjeuners sucrés dont elle avait maintenant pris l’habitude. D’un mouvement de tête, elle chassa cette pensée futile et s’endurcit le cœur avant de se positionner finalement derrière la ruche en bout de ligne. Il n’y aurait plus de miel et plus de cire pendant un moment…
Sans attendre que l’autre ait fini de la rejoindre, Haple plaça ses mains sur le haut du coffre en bois de la ruche. Il était plus lourd qu’elle ne s’y était attendue et elle du y mettre toute ses forces. Puis, dans un grincement sinistre, la ruche bascula petit à petit, la gravité prenant le relai sur la poussée de la jeune inconsciente. Sans attendre, celle-ci délaissa la ruche à sa chute inévitable et fit un pas sur sa droite pour s’attaquer à la suivante, s’écrasant dessus de tous son poids. Cette fois, un craquement de mauvais augure et un vrombissement menaçant sur sa gauche se joignirent au craquement de la seconde ruche. Puis, éclairs noirs contre ciel bleu, les premières abeilles firent leur apparition.
Il n’y avait plus le temps de faire tomber une troisième ruche. Deux colonies enragées suffiraient certainement. Elles devraient suffire, espéra la vandale en sautant par-dessus les ruches sur le bord de l’explosion !
(
Allez, venez mes petites… par ici. Venez vous défendre… Venez me défendre).
Haple courrait désormais vers Hermance aussi vite qu’elle s’en était éloignée. Et lorsqu’elle se fut rapprochée à une dizaine de mètre, elle lut l’incompréhension la plus totale dans les yeux de l’humaine. Mais Haple ne s’attarda pas à observer son adversaire car déjà (
Aïe ! Ouille !!!) les premières abeilles l’avaient rattrapée. Parvenue enfin à hauteur de l’humaine, figée de stupeur, Haple réalisa que son regard portait non pas vers la novice mais derrière celle-ci. Haple y devina alors dans la terreur panique qui y naissait la nuée noire et bourdonnante qui devait s’élever des ruches et s’élancer sur elles. (
Maintenant !)
Alors que l’humaine se ressaisissait et rebroussait chemin en direction des gradins (
Peine perdue…), Haple, elle, ferma les yeux, son tambour de mendiant en main pivotant et sonnant au rythme de son cœur. (
Cœur de Pierre) . Exit les Sœurs sur les gradins et leur agitation qui faisait miroir à l’essaim sur ses trousses. Exit Hermance s’enfuyant. Exit les écuries, le couvent, l’herbe et le ciel, la forêt et même la terre sous ses pieds. Il n’y avait qu’une chose au monde : son Moi Minéral. Bloc de pierre, pareille à une montagne sur laquelle les gouttes de pluie s’abattent sans effet, comme autant d’insectes volant animés d’une furie vengeresse, et poursuivent leur route selon le chemin de moindre résistance. Une montagne, inébranlable et intemporelle, sur laquelle les humains et fourmis s’agitent incompréhensiblement, insignifiant. Cependant, une pensée retint son attention : les pas du spécimen le plus proche ralentissaient. Dans ses fondations de pierre, les vibrations se faisaient plus rares et plus faibles. Il était temps. Le déluge était passé ; les vivants dont elle se souvenait faire partie pouvaient refaire surface.
Hermance n’avait pas eu le temps d’aller bien loin avant d’être rattrapée par l’essaim. A une dizaine de mètre tout au plus, l’humaine roulait encore à même le sol avec frénésie. Des abeilles, inertes, jonchaient le sol autour d’elle en si grand nombre qu’elles formaient dans l’herbe comme une ombre mortifère autour de leur victime. Ça avait dû faire mal, songea avec satisfaction Haple en marchant dans sa direction d’un pas conquérant. L’essaim avait poursuivit son chemin, peut-être depuis plus d’une minute, mais Hermance ne semblait que tout juste en avoir pris conscience. Finalement, l’humaine s’arrêta et avec des gestes saccadés porta les mains sur ses bras, ses cuisses et son visage. Haple en suivit le mouvement et prit le temps de savourer la vue de ce front violacé, de ces paupières gonflées et de ces lèvres tremblant de douleur et de rage…
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Tu… Tu vas… me le payer !!!
Les mains lâchant son visage tuméfié, prenant appui sur le sol boueux, Hermance se releva avec maladresse. Elle lui avait fait ravaler sa superbe de lionne. Toute boueuse et amochée qu’elle était, son adversaire représentait cependant toujours une menace et mieux valait ne pas lui laisser le temps de se reprendre. Alors tirant profit de l’omniprésence de son élément sur l’humaine, Haple commanda aux particules de terre boueuses d’entrer en communion avec elle et entre elles. Sous son influence, elles se lièrent, se soudèrent et se rapprochèrent, formant un étau toujours plus serré toujours plus rigide dans lequel l’humaine se tordait, semblant s’étouffer sous la constriction. Haple sentait néanmoins que le fluide qui enjoignait la boue de lui obéir commençait à se raréfier. Elle ne viendrait pas à bout de l’humaine de cette manière… (
Là-haut !).
Alors, rompant le sort, elle s’élança aussitôt vers son nouvel objectif. La ruche lui avait offert un premier avantage tactique ; elle en avait identifié un second. Encore un petit effort ! Il fallait seulement qu’elle y parvienne la première. Et avec suffisamment d’avance sur Hermance qui la rattrapait dans une course claudicante mais enragée. (
Bingo !) Elle était arrivée devant l’écurie. Le toit était suffisamment bas ; elle avait vu juste. Pliant les genoux, elle concentra toute ses forces dans les cuisses et comme un ressort se projeta en hauteur, bras tendus, et referma ses mains avides sur le rondeau de bois qui bordait le toit. Ses pieds en appui contre le mur, elle s’efforça tant bien que mal d’élever son bassin, de passer un pied par-dessus (
Allez !... encore un peu… Là !).
Avec l’euphorie de se savoir presque en sécurité sur le toit de l’écurie d’où elle pourrait dominer le champ de bataille, Haple sentit ses forces décupler et tira un grand coup vers le haut !
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Haaargh !!
Trop tard ! Son deuxième pied avait été brutalement tiré en arrière, son genou manquant de se disloquer sous la tension et sa prise sur le rondin de bois de lâcher. Sans même avoir besoin de voir la scène, Haple savait que l’humaine déjà se préparait à récidiver. Son emprise cruelle sur sa cheville s’était temporairement relâchée, comme le calme avant la tempête, pour mieux reprendre prise et l’enserrer comme dans un étau dont elle ne pourrait s’extirper.
Alors, en une fraction de seconde, Haple analysa ses options et avec la froide certitude que, malgré les dégâts qu’elle risquait de s’infliger à elle-même aussi, il n’y avait pas de meilleure option…
Alors, elle appela les dernières traces de fluide tellurique qu’elle possédait encore en elle, les concentra en une seule et unique goutte et, avec ferveur, la projeta vers le sol à la rencontre du fluide de Yuimen.
Alors, avant que l’humaine n’aie le temps de la tirer de son perchoir, la terre résonna avec son fluide comme si la ménestrelle avait frappé un gong minéral. Et elle trembla, et trembla et trembla… entrainant dans ses secousses le mur de l’écurie puis montant jusqu’au toit, d’où elles délogèrent finalement de son perchoir précaire la magicienne imprudente dans un tumulte fracassant où s’entrechoquaient rondins massifs, hennissement de chevaux affolés et cris désarticulés de l’humaine soudainement ensevelie sous les décombres de chair et de bois.
S’en était fini. Elle n’en pouvait plus.
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