Le Massif des Jumeaux

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Yuimen
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Le Massif des Jumeaux

Message par Yuimen » jeu. 16 août 2018 10:19

Massif des Jumeaux


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Au sud-ouest du bourg de Luminion, dominant l'Ynorie, l'empire d'Oaxaca et une bonne partie du royaume de Kendra-Kâr de toute sa hauteur, se trouve l'imposant massif des Jumeaux, ainsi nommé à cause de ses deux puissants sommets presque identiques culminant à plus de huit mille mètres d'altitude.

Inextricable univers de roc, de neiges éternelles et de glaciers aussi anciens que le monde, le massif des Jumeaux est inhabité ou presque. Seuls quelques chasseurs et de téméraires mineurs en quête de filons de métaux ou de pierres précieuses y résident dans de modestes cabanes, toutes situées dans les parties basses des montagnes hostiles.

De chacun des Jumeaux jaillit un fleuve: le Kenaris à l'est, qui alimente le lac d'Hynim et les plaines de Kendra-Kâr, le fleuve Kokyo à l'ouest, qui abreuve la ville de Gamerian avant d'aller irriguer les environs de Bouhen. Entre eux se trouve un gigantesque et chaotique plateau rocheux perpétuellement recouvert de neige et de glaciers, accessible uniquement au terme d'une escalade des plus risquées.

Ou trouve dans ces montagnes toute la faune habituelle de ce milieu: Flérustres, Gakhaïs, Sektegs cornus, Wogers, tribus de cyclopes voire, plus redoutables encore, Wyvernes et terrifiants Béhémoths des rocs. Autant dire que les dangers qui guettent les audacieux sont nombreux, issus aussi bien du milieu en lui-même que des créatures qui y rôdent. De nombreuses cavernes s'enfoncent dans les entrailles de la terre, inexplorées pour la plupart, formant parfois de complexes et gigantesques labyrinthes où il est aisé de se perdre. Elles sont elles aussi fréquemment occupées par une faune cavernicole presque toujours hostile.

Enfin, certains récits évoquent la présence de lieux oubliés au sein de ce massif, dont un étrange sanctuaire perché qui, selon la légende serait toujours verdoyant malgré l'altitude extrême à laquelle il se trouve. Moins connu encore, il existerait un antique temple de Moura du côté de la source du fleuve Blanc, mais peut-être n'est-ce qu'un conte, qui sait?

Enfin, et même si elle a l'habitude de voler à travers tout Nirtim, c'est dans ces Montagnes que vous aurez le plus de chance de croiser la Maître Magicienne Camellys.

Lieux particuliers au sein du massif des Jumeaux :

Byrnisson
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Byrnisson » lun. 15 avr. 2019 21:16

Partie 1 : L’éveil


Chapitre I : d’adieu à odieux


Libre ; quittant la pénombre projetée par la ferme, je redécouvrais subitement ce sentiment qui m’avait quitté depuis longtemps. Le corps encore tiède, les vêtements imprégnés des odeurs de mon foyer, j’avançais d’un pas résigné, fendant l’air frais du matin, en route vers un glorieux destin.

Libre ; dans la clarté naissante du matin, j’adressais par la pensée quelques mots bienveillants à la famille que je quittais. Frémissant au souvenir récent de leur étreinte, je revivais l’adieu récent de ma mère, tout en tendresse, de mon père, mesuré, de mon frère, interdit.

Libre ; rejoignant le chemin de terre au sortir de nos prés, je faisais à présent route vers Lumignon. Je débarrassais Tobias l’inutile, le maladroit, de la ferme. Une bouche à nourrir tout au plus. En partant, je laissais derrière moi cet être négligeable et cessais d’être un poids pour le reste de ma famille.

M’enrôler dans l'armée était la meilleure décision. Le héraut avait été clair : l’académie nous entraînerait, nous examinerait et saurait trouver un rôle à chacun. Tobias l’utile ! Sitôt entrainé au maniement des armes, mon corps renforcé par l’entrainement militaire, j’irai défendre mon royaume et m’illustrer de hauts faits ! En prêtant serment, je me libérerais de mes anciennes tares... Personne ne m’avait retenu d’ailleurs, preuve que mon choix était la meilleure issue.

Mon esprit baguenaudant au sujet de mes futurs exploits, j’avançais à bon pas. Mon regard balaya les terres alentours, flanquées de hautes montagnes et retomba soudainement sur un petit buisson au sol, en bordure du chemin.

(Ho! De l’herbe royale !)

Cette herbe donne aux plats un goût de bonne humeur, un peu comme un rayon de soleil. Elle saurait égayer l’un de mes futurs repas. Sortant mon couteau à herbes, j’en prélevais quelques feuilles et les fourraient dans la besace fixée à mon ceinturon. Depuis toujours, les arts de la cuisine éveillaient chez moi un vif intérêt. J’avais observé et compilé dans ma tête chaque recette de ma mère et proposé de nombreuses adaptations. “Affaire de femme”, disaient les gens en mon village. Qu’importe, cette partie de Tobias était habile en son domaine, je l’emportais donc avec moi.

Le soleil s’éleva progressivement sur un ciel presque vide de nuages et la cadence de mes pas ralentit à mesure que l’air s’échauffait. En continuant ainsi, j’atteindrai aisément Luminion en milieu d’après-midi et pourrai me présenter au centre des recrutements. Aussi, à la mi-journée je m’accordais une pause pour engloutir quelques victuailles. Assis sur le bord de la route, appuyé contre un arbre, j’avais une vue imprenable sur les allées et venues. Une miche de pain fraiche et un morceau de fromage vinrent aisément à bout de ma petite fringale. Puis, confortablement installé, je regardai passer un marchand et son âne, puis un éleveur et ses bêtes de somme à la lente démarche, tractant inlassablement une carriole remplie de légumes.

(Ces légumes, ils s’accorderaient très bien à mes herbes. Quelques panais découpés en rondelles, des oignons revenus au fond d’une poêle, des tranches généreuses de pâtisson...)

Je m’imaginais aux fourneaux de la ferme préparant consciencieusement ce savant mélange, y adjoignant mes royales herbes et, pourquoi pas, en rêve, une infime pincée de sel. A ce repas j’accorderais un verre de vin, bien que celui de notre ferme n’ait pas d’autres vertus que d’étancher la soif.

Je me réveillais justement avec la bouche pâteuse, et portait instinctivement ma main à mon outre d'eau... qui manquait à ma taille ! Je réalisais avec effrois les conséquences, doubles de mon étourderie : je m’étais endormi et j’avais oublié mon outre à la ferme. Jetant un œil au soleil, je compris que même en forçant l'allure, je n'arriverais pas à Luminion avant le soir : le bureau des recrutements serait fermé et il me faudrait dormir en ville jusqu’au lendemain. Hargh !!! Je maudis Tobias, le rêveur, l'imbécile qui venait de mettre à mal tous mes plans.

Pour espérer séjourner en ville à moindre frais, il me faudrait arriver en ville au plus tôt et quémander le gite, voire le couvert en échange de mes services, en espérant qu’un aubergiste n’ait pas encore accepté telle requête d'un autre bougre.

Bondissant sur mes deux pieds, je rassemblais mes affaires en hâte et repris la direction de Luminion, honteux d’être si stupide, la colère au ventre... et la bouche sèche par Kubi!



[La suite dans les ruelles de Luminion.]

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Hatsu Ôkami
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Hatsu Ôkami » sam. 12 oct. 2019 01:02

Il fallut une journée complète de repos à la jeune femme pour que sa jambe, après avoir profité d’onguents et de bandages, ne cesse de la lancer horriblement et elle repartit, veillant à ne pas trop forcer. Cela ralentit un peu plus son voyage, mais elle était pragmatique, mieux valait affronter le danger en bonne condition plutôt qu’en clopinant bêtement. Avec cette optique, elle continua sa route jusqu’à atteindre un sentier qui grimpait de nouveau vers les hauteurs boisées d’un immense massif aux deux pics identiques. Elle s’y dirigea avec un enthousiasme nouveau, persuadée qu’elle était dans la bonne direction. L’air y était toujours aussi frais, mais la vue de l’immense forêt la réjouit sans qu’elle comprenne vraiment pourquoi. Faisant régulièrement des pauses pour ménager sa jambe encore fragile, elle s’installa et alluma un feu après avoir récupérer des branche mortes, se préparant un repas chaud au beau milieu de nulle part. Alors qu’elle ajoutait de la viande séchée dans sa mixture, elle entendit distinctement un grondement sourd, qui approchait. Elle tendit l’oreille et plissa les yeux, apercevant un petit nuage de poussière suivant ce qui semblait être un groupe de cavalier. Jurant, elle alla pour ficher le camp, avant de reconnaître le blason de Luminion sur le tabard du cavalier de tête et décida donc de se rasseoir, gardant néanmoins son arc à portée de main. Les cavaliers s’arrêtèrent devant elle, formant un demi-cercle. Aucun n’avait tiré sa lame, mais Hatsu pouvait sentir la tension dans chaque geste, chaque regard. L’un des leurs, visiblement un gradé, mit pied à terre et toisa la jeune ynorienne.

- Que faites-vous ici ?!

- Je voyage, et là j’allais manger.

Elle désigna, à l’aide de sa cuillère, son repas toujours sur le feu, faisant hausser un sourcil au soldat., qui s’abstint néanmoins de tout commentaire.

- Nous sommes à la recherche d’un pillard Garzok. Il a volé un bien précieux et a tué un de nos hommes.

- Et je serai ravi de vous servir sa tête, mais je suis désolée, je n’ai rien vu de tel.

- Je vois… Si vous suivez cette route, partez au sud, vous rejoindrez le duché. Pour votre sécurité, je vous conseille de ne pas trop vous rendre au nord.

Elle hocha la tête et les soldats repartirent sans rien ajouter. Hatsu se contenta de les regarder s’éloigner avant de commencer à manger ce qu’elle avait préparé. Elle soupira, se disant qu’un peu de viande et quelques baies seraient bienvenues…

(Chasse ! Traque !)

Elle jeta un œil à l’immense forêt qui s’étendait à perte de vue et sourit lorsque Loup grogna de contentement. Elle termina son repas, rangea ses affaires et fit disparaître toute trace du feu avant de se diriger vers la forêt dans laquelle elle s’engouffra sans hésiter. Elle était dans son élément et se mit aussitôt en chasse. Il lui fallut une vingtaine de minute pour repérer une trace intéressante. Elle se pencha, examinant les allures. Une biche, probablement. Un peu gros pour elle seule, mais elle pourrait toujours récupérer la peau pour la revendre. Et la viande ne serait jamais vraiment perdue une fois fumée. Elle traqua l’animal dans son environnement, se déplaçant silencieusement, veillant à toujours faire face au vent afin de ne pas avertir la proie de sa présence, évitant les zones de feuillage trop importante pour ne pas faire de bruit. Et, enfin, elle l’aperçut tandis que l’animal se désaltérait à un fin ruisseau serpentant entre les arbres. La jeune femme encocha une flèche et choisit minutieusement l’endroit où elle allait tirer. Le trait fila aussitôt et transperça l’animal qui sursauta et voulut s’enfuir, mais ne fit que quelques pas titubant avant de s’effondrer. Sortant de sa cachette, Hatsu avança d’un pas déterminé vers le gibier, avant de se figer et d’encocher une nouvelle flèche. L’animal avait reçu deux flèches, alors qu’elle n’en avait tiré qu’une. Un bruit sur sa droite la fit instinctivement rouler au sol et bien lui en prit, car une flèche passa peu après là où elle se trouvait. Elle se cacha derrière un arbre et tenta de calmer les battements de son cœur. Elle prit une grande inspiration et décida de faire le tour de l’endroit, par l’autre côté et de se cacher. Prudemment, elle avança, se retrouvant néanmoins nez à nez avec celui qui lui avait tiré dessus. Un Garzok.

Les deux chasseurs se mirent aussitôt en joue tout en s’observant mutuellement. Le Garzok, plus grand d’au moins une tête que l’Ynorienne, n’était pas aussi puissamment bâti que ceux qu’elle avait rencontré. Il avait une longue chevelure emmêlée et une barbe du même acabit et ses vêtements étaient de simples peaux cousues. Son arc en revanche, semblait de bonne facture et un carquois d’une qualité indiscutable pendait à son flanc. Ses yeux sombres la fixaient avec un mélange d’appréhension et de haine qui semblaient être le miroir des pensées d’Hatsu. Ils restèrent ainsi pendant un temps qui parut infini, le bras d’Hatsu commençant à devenir douloureux à force de tenir la corde de son arc. Puis une branche tomba et les deux adversaires lâchèrent leur trait, comme si c’était un signal. Celui du Garzok entailla profondément le flanc droit de l’archère tandis que sa flèche entaillait la gorge du garzok. Elle roula à terre et décocha à nouveau un trait qui se planta dans le pied de la peau-verte, lui arrachant un grognement de douleur avant qu’il ne riposte, la flèche se plantant à moins d’un centimètre de la tête d’Hatsu. Les deux adversaires se regardèrent puis, suprenamment, le garzok leva une main et Hatsu retarda sa main qui allait encocher une nouvelle flèche.

- Calme toi, l’humaine. Il n’est pas nécessaire que tu meurs.

Elle haussa un sourcil.

- Pourtant tu as tenté de me tuer, et c’est toi qui es blessé.

Le ventre du garzok grogna en même temps que lui et il posa son arc sur le sol, à la grande surprise d’Hatsu.

- Tu es blessée aussi. Et j’ai faim. Partageons ?

- Je pourrais te tuer et garder la viande pour moi.

Il éclata d’un rire guttural qui fit froncer les sourcils de la jeune femme.

- Trop de viande pour toi. Et puis tu es fragile, une telle blessure pourrait t’être fatale.

- Je ne suis pas fragile !

- Tous les humains sont fragiles à mes yeux.

- Et pourquoi je t’écouterais, tu pourrais très bien dire cela pour m’amadouer et me tuer lorsque j’aurai baissé ma garde.

Le Garzok grogna et une flèche fut aussitôt pointé vers lui, mais il sembla s’en ficher.

- Attention à tes paroles ! Si je dis que je ne te tuerais pas, je ne le ferai pas.

- Pourquoi je te croirais ? Nos peuples sont ennemis ! Vous tuez les nôtres pour le plaisir !

- Tu te trompes, l’humaine, tu n’es pas mon ennemi. Mon seul ennemi, c’est la faim qui me vide de mes forces.

Il se leva alors et, sans accorder un regard de plus à la chasseuse, se rendit auprès du cadavre de la biche, s’asseyant à côté. Hatsu était abasourdie et resta immobile quelques instants avant que Loup ne l’enjoigne à se soigner au plus vite.

(Sang. Dangereux.)

Elle hocha la tête et ramassa l’arc du Garzok avant de s’installer à bonne distance. Lui n’avait toujours rien fait concernant la biche et avait les bras croisés sur la poitrine. Hatsu examina sa blessure et tressaillit en voyant les dégâts. Elle se tourna vers le garzok.

- Tourne-toi, je dois me soigner.

- Fais le toi-même.

- Pas question que je te tourne le dos !

Il grogna mais obtempéra, laissant le temps à Hatsu d’ôter son haut et de panser la plaie après l’avoir recouverte d’un onguent cicatrisant.

- Les formes des femelles humaines ne m’intéressent pas.

- Tout comme ton avis ne m’intéresse pas. Tu peux te retourner. Je voudrais savoir ce que tu fais ici.

- Si je mange, je te répondrais.

Elle soupira mais hocha la tête. Malgré elle, elle était curieuse concernant ce Garzok. Que faisait-il ici, seul et surtout, pourquoi n’était-il pas plus agressif envers elle ? Ils avaient tous les deux tenté de se tuer, mais lui ne pensait qu’à manger.

- Soit… mange donc, je ne vois pas pourquoi tu as attendu.

- Qu’aurais tu fais en me voyant, un couteau à la main ?

L’archère grogna mais acquiesça. Elle aurait probablement tiré aussitôt, effectivement. Le Garzok tira donc une lame et entreprit de découper la carcasse avant de mordre dans la viande sanguinolente à pleine dent, sous le regard dégoûté de la jeune femme. Il aurait pu au moins la cuire…
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Gamemaster9
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Gamemaster9 » sam. 12 oct. 2019 13:53

Intervention pour Hatsu

Leur paisible repas en tête à tête fut cependant rapidement interrompu par des bruits importants, à l’est de leur position. Des bruits qui faisaient presque trembler la terre : on eut dit que des arbres se faisaient arracher par quelque géant aux pieds d’acier. Ça devait être à plus d’un kilomètre vers l’est, dans la forêt montagneuse. Libre à Hatsu et son nouveau compagnon de s’y rendre ou… de poursuivre sur leur voie.
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Hatsu Ôkami
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Hatsu Ôkami » sam. 12 oct. 2019 16:41

La grande majorité de la carcasse de l’animal fut engloutie par le garzok affamé sous le regard vigilant et quelque peu dégouté de l’ynorienne. Elle attendait des réponses et comptait bien en obtenir de sa part. Lorsqu’il eut terminé, il creusa un trou et enfouit la carcasse pour ne pas attirer les charognards, ce qu’Hatsu trouva étonnement judicieux de sa part. Lorsqu’il eut enfin terminé, il se rassit sans faire le moindre geste pour récupérer son arme. La jeune archère trouvait son comportement étrange et se méfia un peu plus, sans pour autant trouver de raison, autre le fait qu'il soit un garzok, de lui planter une flèche entre les deux yeux. Comme s’il avait perçu l’agacement de la jeune femme, le garzok sourit, dévoilant une dentition redoutable, prenant une pose nonchalante, le dos appuyé contre une souche d’arbre.

- Tu peux poser tes questions, l’humaine.

- Qui es-tu, que fais-tu ici et, par Rana, que manigances-tu ?

- Kraska est mon nom, je suis ici parce que je n’ai nulle part où aller et je ne manigances rien. Je voulais simplement manger. Je ne suis pas un très bon chasseur et il est difficile de se repérer dans cette forêt. Tu n’as pas de raison de te méfier de moi.

- Pas de raisons ? Vous massacrez mon peuple depuis je ne sais combien de temps, vous violez, pillez, tuez et réduisez en esclavage pour le plaisir et pour servir l’espèce d’immonde déesse qui vous sert d’impératrice. Je n’ai PAS besoin d’autres raisons.

- Peut-être que si ton peuple n’avait pas décidé d’exterminer le mien et de lui vouer une haine et un mépris en toute occasion, peut-être le mien ne serait pas aussi violent et ne serait pas sous le joug d’Oaxaca. Elle lui offre une place à ses côtés lorsqu’elle sera l’unique reine de ce monde, pourquoi refuserait-il alors que vous, vous n’avez que haine et mépris à lui offrir ?

- N’inverse pas les choses ! Combien d’innocents périssent chaque jour parce que votre soif de sang vous rend sanguinaires ?

Elle banda son arc, visant le Garzok, une haine palpable dans les yeux. Le Garzok resta immobile face à la pointe de la jeune femme qui, soudainement, hésita.

- Pourquoi ? Pourquoi sembles-tu si différents des autres peaux-vertes que j’ai croisé ?

- Penses-tu que nous sommes tous des monstres assoiffés de sang ?

Elle resta silencieuse. Le « oui » l’emportait, mais l’assurance du Garzok l’ébranlait quelque peu.

- Sache, jeune humaine, que tous ne sont pas volontairement sous le joug d’Oaxaca. Elle en fait des machines à tuer, mais nous ne sommes pas tous des barbares sans états d’âmes. Jadis, nous étions un peuple fier et puissant, aujourd’hui, nous ne sommes que du bétail, de la chair bonne à être sacrifiée pour les sombres desseins d’une déesse emplie de haine. Si ton peuple avait subi la même chose, serait-il différent du mien ?

L’archère garda les lèvres closes, n’ayant pas la réponse à cette question qui ébranlait les fondations même de ses convictions les plus profondes. Elle secoua la tête pour chasser ses réflexions et soupira avant de ranger son arme. Elle se pencha et ramassa celle du Garzok qu’elle lui lança. Il l’attrapa au vol, haussa un épais sourcil surprit.

- Tu me laisses en vie et tu me rends mon arc ? Tu es bien étrange…

- Tu l’as dit toi-même non ? Je ne suis pas ton ennemie. Ou bien étaient-ce là de vaines paroles ?

Le Garzok ne répondit pas, se contentant se replacer son arc dans son dos tandis que la jeune femme rassemblait ses affaires avant de quitter les lieux.

- Où vas-tu ?

- Là où bon me semble.

Elle l’entendit soupirer alors qu’elle s’en allait, puis elle se retourna en entendant un bruit de pas derrière elle. Elle dévisagea le Garzok qui la toisait, un mince sourire aux lèvres qui fit froncer les sourcils de la jeune femme. Froncement qui s’accentua lorsqu’il prit la parole.

- Je vais t’accompagner.

- Il n’en est pas question !

- Que sais-tu de cette région, des sentiers, des lieux et créatures qui y vivent ? Rien, alors que cela fait des années que je vis ainsi, voyageant entre ce massif et les monts sanglants.

- Pourquoi voudrais-tu m’accompagner ?

- Pourquoi ne le voudrais-je pas ?

- Je suis humaine, une ynorienne, une enn…

- Une ennemi d’Oaxaca. Je ne suis pas un de ses fidèles… et cela fait longtemps que je n’ai pas eu de compagnie.

- Tu veux quoi ? Que je te fasse la conversation ?

- Ce serait un bon début.

Hatsu allait répliquer, mais elle se tut et tendit l’oreille, tout comme le garzok. Un bruit, lointain, avait attiré son attention. Un bruit étrange, sourd et continue, semblant faire trembler le sol sous leurs pieds. Cela ne lui plaisait guère et elle se hâta dans la direction du bruit, se fondant avec adresse et discrétion parmi la végétation, la garzok sur ses talons. Elle remarqua qu’il était bien plus à l’aise qu’elle ne l’aurait cru, dans cette environnement, et qu’il ne faisait guère plus de bruit qu’elle. Le bruit continuait de s’intensifier, venait de l’est et Hatsu se demandait ce que cela pouvait être. Le Garzok, lorsqu’elle se tourna vers lui, haussa les épaules, n’en sachant visiblement pas plus que la jeune femme. Ils progressèrent plus lentement lorsqu’Hatsu entendit des bruits typiquement métalliques. C’était comme si une immense masse frappait le sol à intervalle régulier et rapide, tandis qu’un grondement sourd enflait.

- Par Rana c’est quoi ?

- Prudence Jeune humaine, nous allons droit dessus, mieux vaudrait contourner.

Silencieuse, elle hocha la tête et le Garzok passa devant elle, s’arrêtant brièvement pour poser une question.

- Je ne vais pas continuer comme ça, quel est ton nom ?

- Hatsu.

Il la regarda comme s’il pensait qu’elle se moquait de lui, mais finit par hocher la tête.

- Hatsu donc… Puis-je avoir la certitude que tu ne me jetteras pas en pâture à tes frères humains ? Certains me traquent et si ce bruit est de leur fait, je préférerais ne pas avoir à fuir de nouveau.

- Hum… très bien, tu as ma parole. Ai-je la tienne si l’opposé se produit ?

Il eut un sourire.

- Je suis un paria parmi les miens et je doute de pouvoir leur faire entendre raison s’ils te voient. Une femme les intéressera forcément pour... bien des raisons.

Hatsu réprima un frisson de dégoût et hocha la tête. Ce n’était pas ainsi qu’elle mettrait la main sur le carquois qu’elle recherchait, mais peut-être ce bruit annonçait des choses plus terribles encore, aussi avait-elle décidé d’allait voir de quoi il en retournait. Le Garzok en tête, se fondant dans la végétation, le duo s’approcha du bruit, pas à pas.
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Gamemaster9 » jeu. 17 oct. 2019 21:29

Intervention pour Hastu

Hastu et son nouvel allié surprenant allèrent donc au-devant du bruit qu’ils avaient entendu. Des bruits, du remugle, du vacarme qui augmentait à chaque pas dans leur direction. Car, et son copain vert s’en rendit assez vite compte, plus vite qu’elle en tout cas, il s’agissait là d’une troupe orque. Plus qu’une troupe, en vérité. Une légion. Une véritable armée. Et ils n’étaient pas seuls. Du couvert d’un arbre, ils purent apercevoir le spectacle terrifiant de ce qui était en marche vers le sud. Vers le pays des Hommes. Vers Luminion. En sus des milliers de peaux-vertes armées pour la guerre, il y avait des troupes de guerriers caparaçonnés, humains d’apparence, ou pouvait-on leur deviner cette ascendance initiale, du moins. Plus d’une centaine, terrifiants.

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Mais ce n’était pas tout : à l’avant de cette masse d’êtres aussi noirs que la nuit, des créatures tout droit sorties d’un cauchemar semblaient faire place nette de la forêt montagnarde, abattant les arbres comme s’il s’agissait dé fétus de paille. Des créatures d’acier, aux pattes nombreuses, géantes et menaçantes.

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Et le plus terrifiant, peut-être, était cette elfe, ou du moins semblait-elle elfe, de si loin, arrimée sur le dos de l’une d’elles à l’aide de tenailles métalliques. Vivante, à n’en pas douter, quoique souffrante également. Une elfe à la peau grise, aux cheveux pâles et à l’armure de cuir. Une éclaireuse ? Que venait-elle faire au cœur de cette tourmente ?

Par chance, ils étaient arrivés en bordure de ce spectacle, et non sur leur chemin. Une armée que rien ne semblait arrêter. Leur cible était-elle seulement au courant ?
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Hatsu Ôkami
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Hatsu Ôkami » sam. 19 oct. 2019 15:53

L'Urgence

A chaque pas, le bruit avait l’air d’augmenter en intensité. Hatsu semblait percevoir des bruits métalliques, le pas rythmé d’une troupe en marche, les bruits d’animaux et des cris… étranges. Plus elle et le Garzok approchaient, plus elle sentait une peur froide lui nouait l’estomac. Tout cela était anormal, elle en avait confiance et, lorsque, abritée par le couvert des arbres, elle vit ce qui créait tout ce vacarme, elle crut qu’elle était en plein cauchemar. Des Garzok, par milliers. Une véritable marée de peaux vertes en armes progressait et, si Hatsu ne se trompait pas, elle connaissait très bien leur destination. Elle déglutit, les bras et les jambes tremblantes, observant comme hypnotisée cette légion sortit des pires cauchemars de son peuple. Oaxaca partait en guerre, et elle était aux premières loges. Ses yeux se posèrent ensuite sur une troupe toute particulière. Difficile pour elle de dire ce qu’ils étaient, ou ce que c’était, mais ils semblaient grand, caparaçonnés de la tête aux pieds dans d’incroyables armures d’un métal sombre. Cornes, pointes et piques ornaient leurs terrifiants attirail et leurs montures, de puissants destriers bardés de fer, semblaient tout aussi maléfiques que ceux qui les montaient. Puis un craquement de fin du monde fit tourner la tête de la jeune femme et elle les vit. De gigantesques créatures de métal arrachant les arbres sur leurs passages, ouvrant la voie à la horde sombre qui progressait à leur suite. Son regard, pourtant terrifié, intercepta une forme, enchaînée sur le dos de l’une d’elle. Elle plissa les yeux, reconnut … une Sindel, ou du moins elle le pensait, attachée au sommet. Cela la fit réagir et elle se leva, rebroussant aussitôt chemin en courant avant de s’arrêter, tournant son regard vers la destination qu’elle venait de choisir, avant de croiser le regard mortifié du Garzok.

- C’est…

- La guerre, oui. Je dois prévenir Luminion, ils doivent savoir où ils se feront balayer…

- Je comprends, et ne vais pas tenter de t’en empêcher, ni de t’y suivre, je tiens tout de même à ma vie.

- Je comprends. Puisse les vents t’être favorables.

- Puisses-tu survivre…

Hatsu hocha la tête, la gorge nouée par cette dernière déclaration. Si elle n’agissait pas, des milliers mourraient, elle le savait. Elle devait faire vite. Se séparant du Garzok qui partit vers le sud, elle s’élança vers la seule destination possible de l’armée : Luminion, le verrou Kendran. Si la ville tombait, ce serait la catastrophe, un coup dur pour les hommes et une victoire importante pour Oaxaca et ses légions. Ça ne devait pas arriver. Une dernière fois, elle jeta un œil à la horde, prenant autant d’informations qu’elle pouvait en retenir et en voir sans prendre le risque de se faire repérer, avant de courir aussi vite qu’elle le pouvait. Elle ignorait les rares animaux encore présents dans les parages, la plupart ayant fui en sentant l’odeur du métal et de la mort dégagées par la horde vorace qui avançait, inexorable. Évitant chaque obstacle avec agilité, sautant par-dessus les troncs et les souches, slalomant entre les arbres les plus imposants, Hatsu filait aussi vite qu’elle le pouvait avec une seule idée en tête. il fallait prévenir le royaume de Kendra Kar, il fallait protéger Luminion, l’empêcher de tomber.

Elle courrait depuis un temps qui lui paraissait infini, ses poumons lui brûlaient et mouvement de ses jambes menaçaient de la faire s’écrouler sur le sol, ce qu’elles firent, lorsqu’elle se prit le pied dans une racine. Elle tomba lourdement, ses poumons demandant de l’air et ses jambes grâce. La respiration sifflante, Hatsu se mit sur le dos, observant la nuit qui commençait à tomber, teintant le ciel de sombres nuances bleutées. Elle entendait, au loin, la clameur sourde de l’immonde et se mit à trembler et à désespérer. Si une telle armée tombait sur son pays, qu’adviendrait-il de sa patrie, de sa famille… Lâchement, elle hésita à laisser Luminion se débrouiller, voulut rentrer chez elle, protéger sa famille en la mettant en sûreté, loin des sombres mains d’Oaxaca et de ses fidèles. S’adossant à un arbre, elle tenta de juguler les tremblements qui s’emparaient de son corps. Jamais elle n’aurait cru tomber un jour là-dessus, sur une telle vision. Pourtant, elle remercia Rana de l’avoir amené jusque-là, parce qu’elle pouvait prévenir et c’était ce qu’elle allait faire. Mais la longue course l’avait épuisée et elle s’endormit comme une pierre après s’être recouverte de feuilles mortes et envelopper dans sa couverture. Ainsi cachée, elle espérait ne pas être vue si un éclaireur s’aventurait dans les environs. Elle ne lutta pas contre le sommeil qui la happa sans qu’elle ne s’en rende compte.

Au réveil, aux aurores, elle mit quelques instants à se remettre les idées en place. Mais la clameur de la horde se fit de nouveau entendre et elle se releva aussitôt, grimaçant à cause de ses jambes courbaturées. Elle marcha d’un pas vif en grignotant et buvant de quoi tenir tandis que ses muscles chauffaient, avant de se remettre à courir comme la veille. Elle fit des pauses plus régulières, se rendant bien compte qu’elle ne tiendrait jamais le coup si elle faisait la même erreur que la veille. Elle devait arriver vite, oui, mais elle devait arriver en ayant suffisamment d’énergie pour parler et ne pas faire comme ce messager qui, après avoir appris une importante nouvelle, avait couru pour l’annoncer, avant de mourir d’épuisement, sans donner les détails les plus cruciaux. Mais ce qu’elle craignait arriva. Au détour d’un arbre, un garzok apparut, visiblement un éclaireur au vu de sa tenue légère et faite pour se camoufler. Elle le dépassa, ne le voyant qu’au dernier moment et jura en l’entendant pousser une exclamation de surprise. Elle l’entendit pousser un cri et se mettre à la poursuivre. Elle imaginait très bien que d’autres allaient rappliquer en entendant son cri, mais il était trop tard, elle devait le semer. Ou le tuer pour ensuite disparaître.

La seconde option lui apparut comme une évidence lorsqu’une flèche la frôla de si près qu’elle put sentir le déplacement d’air près de son visage. Elle glissa sur le sol, sortant son arc avant de se redresser et d’encocher une flèche. Le Garzok courrait toujours vers elle et, elle étudia rapidement les alentours avant de se cacher derrière un arbre. Avant de reculer en gardant ce couvert entre elle et son adversaire. Lorsque le Garok apparut, visiblement sans avoir pensé qu’elle aurait ainsi reculé, la flèche fila dans les airs et se planta dans l’arbre, juste là où la tête de son ennemi se trouvait une seconde auparavant. Celui-ci roula en catastrophe, faisant tomber la majeure partie des flèches de son carquois. Il lâcha l’arc de bois sombre renforcé d'ivoire qu’il portait et dégaina une hache à la lame dentelée avant de foncer sur Hatsu en hurlant. Jurant entre ses dents, la jeune femme encocha de nouveau et, accroupit, banda son arc aussi fort qu’elle le put avant de lâcher le trait qui, sifflant, s’enfonça dans la le bras du garzok qui tituba sous l’impact avant de la fixer, le regard fou. Il porta son regard sur son bras et il arracha la flèche d’un coup sec avant de la briser en deux. Lorsque son regard remonta pour retrouver son adversaire, l’archère avait disparu, le rendant fou de rage.

- Viens te battre, humaine ! Toi et les tiens êtes faibles, notre armée vous écrasera et vous serez nos esclaves !

Allongée, dissimulée par la végétation, Hatsu attendait. Elle savait qu’elle n’avait aucune chance dans un assaut frontal. Ses atouts étaient la discrétion et la distance, raison pour laquelle elle s’était rapidement dérobée de la vue du Garzok lorsqu’il avait tourné la tête. Elle retint un soupir exaspéré. Comme si elle allait réagir à ce genre de provocation ! Elle n’était pas stupide. Elle rampa en s’éloignant du garzok et tira une flèche de son carquois. Elle inspira longuement, expira lentement avant de doucement se mettre à genoux, veillant à ne pas faire le moindre bruit. Elle encocha sa flèche, caressant l’empennage avant de tirer sur la corde. Concentrée, elle amena la hampe jusqu’à sa joue en inspirant, visant précisément la zone la plus vulnérable qu’elle avait en visuel sur son ennemi, se remémorant les paroles de l’instructeur. Gorge, aine, aisselle, poumon, foie… Elle bloqua sa respiration, sentit le souffle du vent et décala légèrement son tir avant de lâcher. Sans bruit, la flèche fila vers le Garzok et, comme si le temps évoluait au ralenti, Hatsu la suivit du regard, la vit atteindre son but, perforant le Garzok juste sous l’aisselle. Il hoqueta de douleur, chancela et voulu hurler, mais déjà un deuxième trait se fichait dans sa gorge. Il regarda autour de lui, comme hébété, et s’effondra, secoué de soubresauts avant de finalement cesser de bouger. Reprenant une respiration normale, Hatsu resta quelques instants sans bouger avant de finalement sortir de sa cachette. Elle donna un coup de pied au corps étendu, s’assurant qu’il était bien mort et entrepris de récupérer ses flèches ainsi que l’équipement de son adversaire. Puis elle regarda le corps, hésita et, combattant son dégoût, sortit son couteau de chasse, sentant l’esprit de Loup approuver ce qu’elle avait en tête.

- Je sens que je vais le regretter…

***

(((HRP : tentative d'apprentissage de la CC "Tir critique")))
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Hatsu Ôkami » sam. 29 févr. 2020 20:44

Pister les souvenirs

Le son d'un cor résonna à travers la vallée tandis qu'Hatsu prenait ses distances. Éberluée, elle vit, surgit de nulle part, une armée de Thorkin se ruer sur Luminion et sa porte. Cela devait probablement être les fameux renforts dont parlait le Duc. D'où sortait une telle armée, elle n'en avait aucune idée, mais elle se permit d'assister, de loin, au furieux combat qui reprenait de plus belle, sans pour autant intervenir. Dans un tel déferlement de force, elle ne ferait que servir de cible, ses compétences étant loin d'être utiles pour une bataille rangée telle que celle-ci. La bataille dura plusieurs heures au moins et s'acheva finalement par l'étonnante victoire des nains qui repoussèrent l'armée sombre par-delà la porte. La retraite de l'armée d'Oaxaca, bien qu'inespérée, rassura un peu la jeune femme. Elle se sentit un peu mal d'avoir ainsi pensé que la défaite était inéluctable, mais rien n'aurait pu lui indiquer qu'une telle force était en route. Elle avait littéralement surgit de nulle part, comme par magie. Elle s'en réjouissait, au moins Luminion était sauf, c'était tout ce qui comptait.

S'installant à l'écart de la ville, peu désireuse de croiser qui que ce soit pour le moment, elle fit l'état de ses réserves. Elle avait bien géré son stock de flèches et n'avait pas eu à utiliser trop d'objets pendant cette bataille. Elle regrettait les deux runes utilisées, mais elles avaient été plus qu'utiles pour lui sauver la vie, aussi ne se pencha-t-elle pas très longtemps dessus. Ses affaires en ordre, elle patienta jusqu'à la nuit tombée avant de se diriger tranquillement vers la porte. Le sol jonché de cadavre et de carcasse de métal lui sauta aux yeux dès qu'elle fut capable de l'apercevoir et un haut-le-cœur la prit avant qu'elle ne parvienne à se calmer. Bien évidemment, la porte était de nouveau gardée et elle se doutait bien qu'ils n'allaient par l'ouvrir de sitôt, mais elle n'avait pas vraiment envie de perdre son temps et se faufila silencieusement jusqu'au mur, sur lequel elle grimpa. Accroupit dans les escaliers, elle attendit que le nain en faction lui tourne le dos puis, déroulant sa corde accrochée à son grappin, elle descendit le mur en rappel, décrocha son grappin en toute hâte et se faufila derrière la carcasse de l'arachne de métal.

Prenant une profonde inspiration, elle s'élança vers la forêt qui s'étendait au delà du mur. Elle entendit un cri sur le mur et jura en accélérant. Elle bifurqua pour ne pas être une cible trop facile et s'enfonça dans la forêt alors que des traits étaient lâchés dans sa direction. Elle se sentit un peu stupide de se faire ainsi tirer dessus par des alliés, mais elle n'avait aucune envie de justifier ce qu'ils qualifieraient de désertion, bien qu'elle ne soit pas soldat. Elle avait aidé à défendre la porte et avait survécu, et c'était tout ce qui lui importait. S'enfonçant prudemment dans les bois qui bordait la zone de la récente bataille, elle tendit l'oreille, ses sens aux aguets. L'armée avait peut-être plié bagage et battu en retraite, mais elle préférait ne pas prendre leur départ pour acquis. Qui pouvait savoir ce qui restait encore derrière ces ombres ? Pourtant, elle ne perçut rien, nul déserteur après la défaite, nul blessé cherchant à se nourrir ou se faire soigner. Quelque peu surprise, elle continua son chemin jusqu'à ce que le croissant de la lune soit haut dans le ciel. A ce moment-là, coincée entre deux arbres ayant poussé de manière chaotique, elle se prépara à passer le reste de la nuit. Elle se doutait que les animaux avaient fuit au passage de l'armée, aussi fut-elle moins vigilante et s'endormit-elle rapidement, bercée par le bruit du vent dans les branches au-dessus d'elle.

Aux premières lueurs de l'aube, elle ouvrit les yeux, apercevant la lumière encore douce et rosée du soleil matinal. Elle se pinça l'arrête du nez, encore embrumée par le sommeil, et décida de se laisser le temps de manger quelque chose avant de repartir. Tout en mâchant, elle ouvrit sa carte et prit le temps de réfléchir. Ce détour par Luminion n'avait finalement pas vraiment changé ses plans et il lui suffisait de reprendre le chemin initial en direction du nord pour atteindre les monts sanglants, là où elle pensait pouvoir trouver un indice sur la mort de Malter et sur ce qu'il était advenu des objets qu'il avait alors en sa possession. Apprendre qu'une de ses ancêtres, Chasseresse avant elle, avait connu cet homme et chassé avec lui l'animal qui avait servi à la confection de ce carquois lui donnait une raison supplémentaire de chercher à en savoir plus. Loup était désespérément muet concernant les précédentes Chasseresse, et elle espérait en apprendre un peu plus grâce à cela. Et peut-être cet objet lui donnerait également la force qui lui avait cruellement fait défaut à Luminion.

Elle se leva finalement, rangea ses affaires et se remit en route, ses sens à nouveau aux aguets. Elle se savait vulnérable, seule, mais la forêt était son terrain de jeu, elle s'y sentait plus à l'aise que nulle part ailleurs. Cela n'avait pas toujours été le cas, loin de là, elle qui avait vécu dans un cocon doré depuis sa plus tendre enfance, mais le contraste était aujourd'hui saisissant et elle se demandait souvent si la présence de Loup dans son esprit modifiait peu à peu sa propre personnalité. Devenait-elle la Chasseresse ou est-ce que Loup la faisait devenir ainsi ? Jamais il n'avait daigné répondre à cette interrogation, soupirant d'un air las qu'elle était qui elle était, ce qui ne satisfaisait jamais vraiment Hatsu, persuadée qu'elle était qu'il évitait la question pour ne pas avoir à répondre et risquer qu'elle se rebiffe et laisse tout tomber. En réalité, la jeune femme s'en fichait maintenant, elle se sentait plus épanouie que jamais et libre de ses pensées et mouvements. Une liberté que la vie cloisonnée de noble n'aurait jamais pu lui apporter.

Soudainement, elle se figea avant de s'accroupir, observant le sol avec attention. Elle releva la tête, observant les branchages alentours, repérant çà et là des morceau brisés. Rien à voir avec l'armée en retraite, qui aurait laissé davantage de traces et elle avait de toute façon veillé à ne pas emprunter le même chemin, préférant traverser les bois plutôt que risquer de se faire repérer en profitant du tracé laissé par l'ost sombre. Non, ces traces là étaient moins nombreuses, un petit groupe, probablement quelques individus en maraude, ou bien une arrière garde laissée pour veiller à ne pas être suivi par des espions ou éclaireurs. Prudemment, elle suivit les traces qui suivaient de toute manière la direction qu'elle comptait emprunter. Pas loin d'un quart d'heure plus tard, elle entendit des voix et se fondit dans la végétation, silencieuse. Lorsqu'elle arriva à l'orée de la piste laissé par l'armée, elle jura et sortit son arc. Elle n'aurait pas cru retomber sur lui, et certainement pas dans cette situation.

A une quinzaine de mètres, moins d'une demi-douzaine de Garzoks en armes, et au milieu d'eux, Kraska. Difficile pour elle de ne pas le reconnaître, il lui avait malgré tout laissé une forte impression. Il ne semblait guère enchanté de sa situation et les armes tirées qui le menaçaient y étaient probablement pour beaucoup. Il semblait blessé, mais Hatsu hésitait sur la marche à suivre. D'un côté le sauver pouvait l'aider, elle, de l'autre, elle ne lui faisait pas vraiment confiance, encore moins depuis l'épisode de Luminion. Il lui avait pourtant dit ne rien avoir en commun avec les forces de la sombre impératrice. Le voyant se faire frapper, elle laissa son hésitation de côté et tira une flèche de son carquois, qu'elle planta dans le sol, puis une deuxième qu'elle encocha. Elle espérait sincèrement ne pas regretter son geste plus tard.
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Hatsu Ôkami » sam. 29 févr. 2020 20:46

Cachée par les feuillages et la végétation, faisant face au vent pour être certaine de ne pas être détectée, Hatsu attendait. Flèche encochée, elle attendait le moment où elle pourrait la décocher sans risquer de compromettre sa position dans l'instant. Lorsqu'ils se préparèrent à partir en emmenant le garzok, elle vit enfin l'ouverture espérée. Bandant son arc, elle bloqua sa respiration et lâcha aussitôt son trait. Il alla se ficher dans le dos de l'un des soldats qui s'effondra en hurlant, attirant l'attention des autres qui se mirent à observer les alentours. Elle tira rapidement une deuxième flèche qui effleura Kraska. Elle ne voulait pas donner l'impression de vouloir le sauver, mais plutôt leur faire croire qu'ils étaient tous visés. La petite troupe se mit en formation défensive, mais un seul d'entre eux avait un bouclier qu'il dirigea vers la direction approximative d'où venait le tir. Hatsu, consciente qu'elle restait seule, se replia de quelques mètres et changea de position, avançant parallèlement à la position du groupe pour les attaquer d'un autre endroit. Elle ne pouvait leur faire croire que plusieurs archers les visait, mais elle pouvait les rendre fous en restant insaisissable.

Elle recommença son manège, plantant une flèche dans le sol avant d'en encocher une autre qu'elle tira rapidement, touchant l'un des Garzok à la cuisse. Le deuxième trait se brisa contre le bouclier, et la troupe se mit à vociférer, à traiter de lâche cet ennemi invisible qui leur tirait dessus depuis les ombres de la forêt. Cela la fit sourire d'un air mauvais et elle changea à nouveau de position. Les Garzok eurent alors une idée et, dans un bel ensemble, chargèrent vers la forêt, laissant leurs deux camarades au sol à la merci de Kraska. Ayant plus ou moins réussi son plan, la jeune femme battit en retraite et s'enfonça dans la végétation, veillant à masquer ses traces. Ce petit jeu de cache-cache dura un moment, mais, bredouilles, les garzoks rebroussèrent chemin pour trouver les corps sans vie de leurs camarades et leur prisonnier envolé. Elle observa leurs réactions de rage avant de les laisser s'éloigner en laissant là les corps de ceux qui étaient tombés.

Elle patienta jusqu'à être sûre et certaine qu'ils soient loin, puis se décida à sortir du couvert des arbres. Prudemment, épiant chaque son, elle s'approcha des corps sans vie des deux Garzok et les fouilla, récupérant ses flèches et quelques bricoles. Ce n'était que des soldats de base, elle ne s'attendait pas à grand chose. Un son venant des fourrés lui fit relever la tête et encocher une flèche rougie par le sang. Elle n'eut pas besoin de s'en servir en voyant Kraska, blessé mais vivant, sortir à découvert, les mains levées en signe d’apaisement. Il s'approcha et la détailla, ses lèvres découvrant ses dents en un simulacre de sourire qui tira un rictus amusé à Hatsu.

- Je ne m'attendais pas à recroiser ta route de sitôt. Que voulaient-ils ?

- La surprise est partagée. Ils m'ont pris pour un lâche et un déserteur et comptait m'emmener dans l'Antre des Exclus. L'équivalent des Enfers sur Yuimen. La bataille est-elle finie ?

- Oui, nous avons gagné, les forces d'Oaxaca ont battu en retraite.

- Et tu repars aussitôt ?

- J'ai toujours quelque chose à faire dans ces montagnes.

Il garda le silence tout en bandant la plaie qui lui barrait l'épaule. La jeune femme profita de ce moment pour se redresser et ranger ses flèches et son arc, enroulant la corde de son arc pour ne pas la détendre et la protéger d'éventuelles intempéries. Elle se doutait bien qu'elle allait tomber sur des petites troupes de ce genre, mais pas aussi vite. Enfin elle s'en était bien sortie, et sans se faire repérer. Elle continuerait à agir ainsi quoiqu'il arrive, c'était bien plus sûr et efficace que de tirer à la vue de tous. Loup approuva son choix d'un grognement appréciateur et elle se prépara à reprendre la route. Kraska se leva également après avoir récupéré les armes des défunts. Il se planta devant elle, ses épais bras croisés et son regard le fixant avec intensité.

- J'ai une dette envers toi. Je t'accompagne.

La jeune femme haussa un sourcil et s’apprêta à refuser, mais se ravisa au dernier moment. Si ce qu'elle pensait était exact, elle allait devoir se rendre sur les terres sauvages d'Omyre, et la présence d'un Garzok connaissant la région lui serait sans aucun doute plus qu'utile. Elle le jaugea d'un œil inquisiteur et légèrement suspicieux malgré tout, lui tirant un grognement désabusé. Elle haussa les épaules. Elle avait bien des raisons de douter, après tout, mais il fut formel. Elle lui avait sauvé la vie, il avait une dette envers elle jusqu'à ce qu'il lui rende la pareille ou meurt en essayant. Elle accepta cet argument et ils scellèrent leur accord d'une poigne ferme. Une étrange alliance de circonstance pour deux représentants de peuples pourtant voués à se haïr. Elle se doutait bien que nombreux seraient ceux la traitant de traîtresse en acceptant ainsi la présence d'un Garzok. Mais elle savait aussi qu'il n'y pas que des bons dans un camp et des mauvais dans l'autre, le monde n'est pas aussi manichéen et simple qu'on aimerait le croire. Qu'elle le croyait elle-même avant de finir empoisonnée.

- Où dois tu te rendre ?

- Une passe que je pense située dans les monts sanglants. Un homme seul y aurait affronté une centaine de Garzok pour protéger les terres humaines.

- Un brave... ou un fou. Pourquoi veux-tu t'y rendre ?

- Cet homme était lié à une de mes ancêtres, j'ai besoin d'en apprendre plus. Et j'aimerais retrouver un des objets qu'il possédait.

- Et tu penses qu'il s'y trouve encore ?

- Probablement pas, mais il y a peut-être un indice sur son emplacement. Je cherche à comprendre certaines choses et je pense que cet objet pourrait m'y aider.

L'orc sembla dubitatif mais il n'ajouta rien, laissant la jeune ynorienne prendre la tête de leur étonnant duo tandis qu'ils se dirigeaient à nouveau sous le couvert des arbres, laissant les deux corps sans vie et dépouillés derrière eux. Ils avançaient en silence, progressant le plus discrètement possible. Si cela n'avait rien de bien difficile pour Hatsu, habituée à cet exercice, le garzok lui semblait tellement bruyant et repérable qu'elle se demandait chaque minute si cela valait la peine qu'elle prenne elle-même autant de précautions. Lorsqu'elle lui fit la remarque, il se contenta d'un ricanement et se fit soudainement silencieux, s'attirant un regard outré de la jeune femme. S'il pouvait le faire depuis le début, pourquoi ne pas l'avoir fait ? Visiblement il trouvait que c'était une perte de temps. Ne souhaitant pas argumenter plus longtemps là-dessus, elle reprit sa route, voyageant ainsi toute la journée.
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Hatsu Ôkami » mer. 11 mars 2020 16:03

Au cœur du massif, Hatsu reprenait peu à peu ses marques en parcourant les étendues vierges de toute activité. Se déplaçant aisément et rapidement entre les arbres, elle ne se lassait pas de voyager ainsi, libre de toute contraintes. Kraska semblait dubitatif face à la relative joyeuse humeur de sa compagne de voyage, mais Hatsu ne cherchait nullement à cacher ses émotions. Elle était libre de ses actes et de ses pensées, le reste lui était indifférent. Chaque journée ressemblait à la précédente. Ils se parlaient peu, se focalisaient sur leur avancée au cœur des montagnes. La seule chose que Hatsu regrettait, c'était la chaleur bienfaisante d'un feu de cheminée. Le froid la crispait en permanence, particulièrement la nuit où son corps immobile n'avait aucun autre moyen pour se réchauffer que sa propre chaleur corporelle. Ce fut au troisième matin, grelottant de froid après avoir dormi quelques heures sous la surveillance de Kraska, qu'elle remarqua que le Garzok, lui, ne semblait aucunement souffrir de ce fait. Ou alors il ne le montrait pas, mais son équipement rudimentaire ne semblait guère être protecteur face au climat de la région.

- J'ai connu pire.

Le haussement d'épaule qui accompagna sa réponse ne tira qu'une moue désabusé à l'ynorienne qui n'insista pas, préférant s'étirer avant de se remettre en route. Elle fut surprise de ne pas rencontrer qui que ce soit d'autre sur le chemin. L'armée sombre avait probablement battue en retraite jusqu'aux terres d'Omyre, mais elle était surprise par sa vitesse. Elle connaissait les récits sur l'endurance Garzok, mais elle n'imaginait pas à quel point ces êtres étaient aussi résistants. Cela tira un sourire amusé au Garzok à ses côtés, qui se moqua d'elle. Elle l'ignora, exaspérée, et se concentra à nouveau sur leur chemin. Lorsque les arbres devinrent trop éparses pour servir de couverture suffisante, elle accepta de mauvaise grâce d'allumer un feu. Elle n'aimait pas cela et craignait de se faire repérer, mais l'idée de pouvoir profiter d'un peu de chaleur et d'un repas chaud prit largement le dessus sur l'éventualité d'un quelconque danger dans les environs. Seule, elle ne l'aurait pas fait, mais elle ne l'était pas et, après avoir vu Kraska trancher en deux la tête du pauvre gibier qui avait eu le malheur de croiser sa route, elle se dit qu'ils pouvaient clairement s'en sortir si une créature leur tombait dessus.

Tandis que Kraska s'occupait d'installer un foyer, entourant le bois d'un cercle de pierre, elle dépeça consciencieusement l'animal et fit disparaître viscères et tout ce qui pouvait attirer les charognards, enfouissant le tout sans y réfléchir à deux fois, laissant la peau à Kraska qui saurait en faire bon usage. Elle se nettoya les mains avant de faire cuire sa viande avec un bois taillé, savourant son repas, bien meilleur que n'importe quelle ration de voyage. Elle regretta rapidement de ne pas avoir assez d'épices, amusant le Garzok qui se fichait visiblement pas mal du goût. Il se chargea de transporter la carcasse lorsque l'ynorienne assura qu'elle pourrait préparer un repas avec les restes. Rassasiés, les deux comparses reprirent leur route, s'enfonçant quelques kilomètres plus loin dans un nouveau bosquet. Menant la marche, Hatsu fronça rapidement les sourcils en observant comme à son habitude les alentours. Elle ralentit le pas et son regard passa du sol aux arbres, ses sourcils se haussant d'un air perplexe.

- Un problème ?

- Je n'en suis pas sûre...

Elle s'approcha d'un tronc et passa son doigt sur une étrange marque, comme si on avait tailladé l'arbre. Sous ses doigts, la sève encore collante lui indiqua que cela était récent, et les étranges marques au sol ne lui disaient rien qui vaille. Sans un mot de plus, elle sortit son arc et remit sa corde avant de sortir une flèche qu'elle encocha. Prudente, elle fit signe à Kraska de ne pas faire de bruit. Il comprit et, sortant une hache, la suivit sans un mot de plus, se tenant plus proche d'elle que d'ordinaire. Elle scrutait les alentours à chaque pas, épiant le moindre mouvement, le moindre son. Tout au plus un bruissement dans les branches au dessus d'elle, suivit d'un cliquettement qui la figea. Elle leva les yeux et bondit aussitôt en arrière en jurant. La lame chitineuse lui frôla l’œil, déchirant le haut de son manteau et entaillant son épaule. Elle roula sur le sol en sifflant, se tenant son épaule écorchée, respirant rapidement. Devant elle, la fixant des ses yeux globuleux encastrés sur chaque côté de sa tête triangulaire, un mante religieuse de près d'un mètre lui faisant face, ses mandibules provoquant ce cliquetis qui lui avait mis la puce à l'oreille. Kraska se jeta aussitôt sur la créature qui, d'un impressionnant bond, grimpa à nouveau dans l'arbre pour s'éloigner après son attaque surprise avortée.

- Ton épaule ?

- C'est bon... ça fait mal mais je peux bouger mon bras.

Elle se releva et visa rapidement la créature d'une flèche. La main qui tenait l'arc tremblait à cause de la douleur de sa blessure et elle manqua sa cible qui disparut dans les branches. Elle grogna et examina son épaule. Au moins la blessure n'était guère profonde et elle savait que cette créature, une mantis, ne secrétait aucun poison. Elle avait lu quelques textes les mentionnant de manière sporadique. Elle savait qu'ils étaient redoutablement intelligents et que c'était un des suivants d'Oaxaca qui les avait créées. Une information capitale lui revint en tête et elle en fit part à Kraska.

- Si jamais tu arrives à l'atteindre, lui couper la tête ne sert à rien, elle pourra quand même agir, il faut viser la cage thoracique, ici.

Elle pointa sa propre poitrine et il hocha la tête, se tenant sur ses gardes. Hatsu était pourtant perplexe. Elle savait que ces créatures se nourrissaient de plantes et d'insectes, alors pourquoi les attaquer ? Elle n'avait pas beaucoup d'explications. Soit son nid n'était pas loin et elle le pensait en danger, soit elle avait faim au point de les attaquer de manière suicidaire, en désespoir de cause. Elle fouilla dans son sac et en tira un bandage qu'elle enroula autour de son épaule pour calmer le saignement. Elle en badigeonna d'onguent l'intérieur avant de l'appliquer et grimaça en laissant échapper un léger râle de douleur. Elle serra fermement le tout avant de se relever.

- Restons sur nos gardes... Une chance que ces saletés soient solitaires. Une seule est déjà suffisamment dangereuse comme ça.

Elle espérait seulement que ce qu'elle avait lu sur eux était véridique, elle n'avait nullement envie de se frotter à un essaim de ces créatures. Kraska se contenta de hocher la tête et prit la tête de leur duo, marchant avec précaution, chacun fouillant les environs à chaque pas en espérant déceler la furtive créature qui, Hatsu en était persuadée, rôdait toujours.
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Hatsu Ôkami » lun. 23 mars 2020 01:55

Progressant à pas de loup, les deux comparses surveillaient les alentours à chaque instant. Une flèche encochée sur la corde de son arc, Hatsu scrutait autant les environs immédiats que les branches qui pouvaient aisément cacher une menace. Le bruit du vent et le léger chant d'oiseaux invisibles à leurs yeux ne parvenaient pas à calmer la tension présente dans chaque muscles de la jeune femme. La pulsation douloureuse de son épaule la détournait constamment de sa recherche pourtant capitale. Se redressant après avoir courbé le dos pour éviter un branche basse que Kraska avait nonchalamment écarté, elle cria sur le Garzok qui s'écarta de justesse alors que la mantis revenait à la charge. Sa patte se coinça dans un arbre et la lame se détacha brusquement. Probablement consciente d'avoir une nouvelle fois échoué à prendre le duo par surprise, elle battit en retraite à nouveau, mais cette fois les deux comparses la prirent en chasse à travers les arbres. Dépassant rapidement le Garzok moins agile, Hatsu ne pouvait espérer courir et décocher une flèche suffisamment précise. Ne voulant pas gaspiller ses précieuses ressources, elle se contenta de réduire autant que possible la distance.

Peut-être parce qu'elle sentit que fuir ne servait à rien, ou parce qu'elle avait finalement réussit son plan, la créature se retourna et effectua un bond prodigieux vers la jeune femme qui pila net en se jetant, jambe en avant, vers le sol. Elle glissa sur la tapis de terre et de végétaux alors que la créature lui passait au-dessus. Elle roula et décocha une flèche d'un mouvement vif en se relevant. Manquant de précision, la flèche ne fit que ricochet sur la chitine de la Mantis. Le hurlement de guerre de Kraska attira son attention alors qu'un violent coup de taille de son épaisse hache fendait l'air et le tronc du jeune arbre se situant derrière la créature. Hatsu profita de l'occasion. En plein saut, la créature n'avait aucune possibilité d'échapper à son tir. La flèche fila et se planta dans le dos de la Mantis. A peine eut-elle atterrit qu'elle se rua sur le Garozk. Elle asséna un violent coup de son bras, perçant la défense du Garzok en lui ouvrant le torse. Il s'écroula lourdement devant une Hatsu stupéfaite par la vitesse et la violence du coup.

- KRASKA !

Son cri attira l'attention de la créature qui se tourna vers elle, les mandibules cliquetantes. Ses ailes vrombirent, la soulevant d'une dizaine de centimètres du sol avant de la propulser à une vitesse effarante vers l'Ynorienne qui avait déjà encoché une nouvelle flèche. Accroupie, elle banda son arc de toutes ses forces et lâcha son trait. La flèche se planta profondément dans le thorax de l'insectoïde, le repoussant violemment en arrière en le jetant au sol. Sans perdre de temps, Hatsu encocha une nouvelle flèche et, pour être sûre, cloua la Mantis au sol avec une deuxième flèche. Elle attendit quelques secondes avant que le râle de souffrance de Kraska ne la fasse se relever et courir vers le blessé. En passant près de la créature, elle remarqua que le bras qu'elle avait abandonné avait déjà commencé à repousser. Bien contente que cette saleté soit morte, elle se rua vers le Garzok.

- Arrête de bouger, Tiens, bois ça.

Sortant une fiole de son sac, elle enfourna une potion de soin dans la bouche du Garzok qui engloutit le contenu en une fraction de seconde. Elle posa ensuite les yeux sur la vilaine plaie qui barrait son torse. Elle sortit aussitôt des bandages de son sac, espérant en avoir suffisamment. Profitant de la relative nudité du Garzok qui se baladait toujours le torse à l'air libre, elle commença à bander sa plaie avant qu'un bruit derrière elle ne la fasse se retourner vivement. Péniblement, la créature se relevait, un sang verdâtre et poisseux maculant son thorax. Jurant, la jeune femme ramassa son arc, mais se retrouva surprise en voyant qu'elle n'attaquait pas. Au lieu de ça, ses ailes se mirent à vrombir de plus en plus vite. Son instinct se mit en alerte et la jeune femme encocha aussitôt une flèche qui fusa une nouvelle fois vers la Mantis qui s'écroula une fois de plus, avant d'exploser, projetant éclats de chair, de chitine et de viscères en tout sens, combinés à un sang poisseux et malodorant. La jeune femme se protégea de son manteau mais n'en reçut qu'une très faible quantité. Elle put cependant remarquer les dégâts sur la flore alentour, les arbres ravagés et les fleurs détruites, comme fondues.

(Leur sang doit être corrosif... quelle plaie, il n'y avait rien de mentionné à ce sujet dans les écrits.)

Elle reporta son attention sur la Garzok et reprit les soins avant de penser à autre chose. Lorsqu'il tenta de se lever, elle força à rester allonger. Le saignement avait été endigué, mais la blessure était toujours affreuse et elle n'était pas sûre qu'il s'en sorte sans des soins adéquats. Elle le laissa se reposer et fouilla les alentours à la recherche de ses quatre flèches. Elle n'en retrouva qu'une seule en bonne état, les autres étant toutes détruites par l'explosion ou à moitié rongées par le sang de la Mantis.

- Je commence à vraiment haïr les insectes...

Loup ricana dans son esprit et la jeune femme s'écarta du carnage qu'était le lieu de mort de la Mantis, retournant auprès du Garzok qui s'était finalement appuyé contre un arbre.

- C'est moche ?

- Plutôt oui... j'ai fait ce que j'ai pu. Tu dois te reposer.

- Je te dois encore la vie...

- Fais en sorte que ça n'en devienne pas une habitude.

Le Garzok rit de bon cœur avant de tousser et cracher un peu de sang.

- Ce que tu cherches... qu'est-ce ?

Elle hésita un instant, pensant le moment peu opportun, puis finit par lui avouer.

- Un carquois, un artefact ancien lié à une de mes ancêtres, qui a aidé à sa confection en traquant l'animal qui a servi à sa fabrication. On dit qu'il ne désemplit jamais. Je veux le trouver, autant pour son pouvoir que pour nouer avec le passé de ma famille et comprendre un peu mieux le devoir qui m'incombe.

Le Garzok resta silencieux un instant, avant de hocher la tête.

- Je vais t'aider. Je connais un ancien qui pourrait t'aiguiller. Il est étrange, mais il peut te donner de précieuses informations.

- Comment sais-tu qu'il me sera utile ?

- Parce qu'il est toujours utile lorsqu'on a besoin d'une réponse.

- Je vois... Et où se trouve cet... ancien ?

- Il se trouve à Astérök, la vieille cité détruite.

- C'est loin j'imagine... Tu vas tenir le coup ?

- Je te dois la vie, par deux fois. Je t'aiderai à atteindre ton but, peu importe si je meurs.

- Cela ne répond pas à ma question.

- Elle devrait pourtant te suffire. Si l'heure de ma mort est venue, alors ainsi soit-il, tant que je paie ma dette avec honneur.

Le fatalisme tranquille de Kraska la surprit et elle resta silencieuse après cette phrase. Elle se rendit compte qu'elle en savait très peu sur lui, sur son passé, son peuple, ses objectifs. Alors qu'elle surveillait les alentours tandis que le Garzok prenait un repos nécessaire, elle se promit de rectifier le tir. Ils allaient voyager ensemble, elle allait en apprendre davantage, peu à peu. Elle voulait savoir comment il en était arrivé là, à faire ce chemin avec elle, une humaine, née pour être son ennemie.
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Hatsu Ôkami » lun. 23 mars 2020 02:09

Il fallut trois jours complets à Kraska pour se remettre en partie de sa blessure. Fort heureusement la potion administrée par Hatsu avait fait son office et largement aidé à stabiliser l'état du Garzok. Il se leva de lui-même le matin du quatrième jour après l'attaque de la Mantis, alors que Hatsu préparait un ragoût avec les quelques restes de viande qu'ils avaient encore. Elle leva les yeux vers lui alors qu'il se levait, claquant sa langue d'un air réprobateur. Elle vit clairement le Garzok lever les yeux au ciel et soupira. Après tout il était adulte, elle n'avait pas à le materner. Elle retourna à son repas, touillant son ragoût en y ajoutant quelques herbes dénichées non loin alors qu'elle allait chercher de l'eau à un ruisseau tout proche. Si Kraska n'avait cure du goût de ce qu'il mangeait, Hatsu appréciait néanmoins de profiter d'un repas pour expérimenter, essayer de pimenter ses plats avec ce qu'elle pouvait trouver.

- Bien une humaine ça...

La remarque la fit lever les yeux au ciel tout en mangeant, mais elle se garda bien de répondre. Une fois le repas terminé, elle rangea leurs affaires et se mit à suivre Kraska vers leur destination, la cité détruite d'Astérök. Elle avait montré une carte au Garzok mais ce dernier n'avait fait que reniflé dédaigneusement, assurant qu'il n'en avait pas besoin pour retrouver son chemin jusqu'à l'ancienne cité. Dubitative, elle le suivit néanmoins tandis qu'il prenait la direction du Nord, s'enfonçant toujours plus dans le massif montagneux. Rapidement, ils s'éloignèrent de la route qu'ils croisèrent, trop dangereuse selon le Garzok, et avancèrent à flanc de montagne, gravissant lentement les pentes des monts enserrant le duché qu'ils quittaient. Kraska semblait véritablement savoir où il allait, évitant les zones les moins praticables. Seule sa condition l'obligeait à régulièrement faire des pauses et Hatsu veillait à ce qu'il se repose. Cela amusait le Garzok qui obéissait sans trop faire d'histoires, probablement conscient qu'il risquait sa vie en prenant à la légère la blessure qu'il portait au torse.

Jour après jour, ils grimpaient peu à peu les versants de la montagne, avançant lentement. Hatsu peinait parfois à mettre un pied devant l'autre tant elle se sentait frigorifiée et ce malgré le manteau qui ne la quittait plus, désormais. Un soir, juchée sur un petit rebord à flanc de montagne, elle fit un feu avec le bois ramassé avant l’ascension, dans l'espoir de se réchauffer quelque peu durant les froides nuits. Grignotant un peu de viande séchée avec un reste de boulette de riz, elle contemplait en frissonnant les vallons et vallées alentours, ne percevant rien d'autre que l'obscurité et le murmure parfois sifflant du vent. Emmitouflée dans son manteau, elle s'enroula davantage dans sa couverture, repliée sur elle-même dans l'espoir de conserver sa chaleur interne et se réchauffer ainsi. Kraska, lui, se contentait d'une peau de bête, certes très grande, mais unique.

- Comment fais-tu pour survivre dans le froid avec juste... ça ?

- Des années à vivre ainsi, cela renforce le corps.

Hatsu devait bien admettre que la chaleur réconfortante de sa maison était bien plus douce et agréable que de vadrouiller dans le froid en terrain inconnu. Elle regrettait pas son départ, loin de là, mais le confort rassurant de sa vie monotone d'avant avait parfois du bon, surtout en ce qui concernait les choses les plus basiques. Elle frissonna à nouveau et se frictionna la poitrine et les côtes pour se réchauffer sous l’œil moqueur du Garzok. Lui se contenta de remettre un peu de bois dans le foyer, envoyant ça et là quelques étincelles rougeoyantes qui se perdirent dans l'obscurité. S'il y avait bien une chose qu'Hatsu appréciait dans ces nuits froides, c'était lever les yeux vers la sublime voûte céleste. Des milliers de lumignons enveloppés ça et là de nuage colorés. Les constellations, les étoiles plus connues qui dirigeaient les voyageurs. Ici, au beau milieu de nulle part, rien ne venait gêner un tel spectacle.

- Pourquoi chercher l'aventure ?

La question, posée sans préambule, surprit la jeune femme qui fixa d'un air étonné le garzok qui se curait les dents nonchalamment avec un couteau. Ses yeux ne trahissaient aucune malice, simplement une légère curiosité quand à sa compagne de route. Cette dernière se redressa, adossant son dos à la paroi rocheuse, son regard se perdant vers l'ouest, là où devait se trouver Oranan. Elle se demanda brièvement ce que sa famille faisait en ce moment.

- J'avais besoin de liberté, tout simplement. J'ai en partie fui, en partie combattu, mais la place que j'avais ne me convenait pas, j'aspirais à autre chose. Je voulais être libre de mes choix, sans que cela n'ait de conséquences pour ceux autour de moi et sans qu'ils puissent empêcher mes décisions. Je suis une satanée égoïste, mais personne n'est parfait.

Le Garzok resta de marbre alors que Loup ricanait dans son esprit. Lui savait mieux que quiconque à ce qu'elle aspirait, peut-être même le savait-il mieux qu'elle-même. Lui seul pouvait partager davantage que des paroles, lui pouvait directement lire son esprit, ressentir ses émotions et connaître ses desseins et secrets les moins avouables ou les plus sombres. Lui seul avait la clé pour son futur tout en refusant de la partager sans contrepartie ou efforts de sa part.

- Et toi, Kraska. Pourquoi as-tu...

- Tout le monde n'a pas le même choix, Hatsu. Vagabonder, servir ou mourir, voilà mon choix. Mais entre vivre libre ou en esclavage, le choix est vite pris.

La jeune femme hocha simplement la tête. Elle n'avait jamais eu à vivre ce genre de chose, protégée et choyée qu'elle avait été, mais elle pouvait au moins comprendre le choix de Kraska. Elle aurait probablement fait le même, dans sa situation. Elle ne demanda rien de plus, consciente qu'elle en avait appris beaucoup ce soir. Elle s'allongea, la tête dirigée vers la voûte céleste, s'endormant avec le firmament comme toile de fond.
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Sibelle
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Sibelle » dim. 18 oct. 2020 02:09

Ce fut avec soulagement qu’elle vit le continent de Nirtim se profiler au loin. Bien qu’affamée, après plusieurs heures de vol, elle n’atterrit point à Kendra Kâr. Elle survola plutôt la ville blanche à haute altitude espérant ne pas être aperçue par des archers, puis fit de même pour le Duché de Luminion et fila droit vers les montagnes nommées les massifs des jumeaux, pour les survoler comme dans le rêve qu'elle avait fait la veille. Elle espérait y trouver du gibier afin d’assouvir sa faim. Bien qu’elle n’avait jamais chassé sous sa forme ailée, elle estima qu’il lui serait plus aisé de repérer les bêtes sauvages dans les airs que sur la terre.

***

Son épais plumage d’aigle et sa robe chevaline lui procuraient un confort suffisant pour affronter une certaine fraîcheur, mais elle préféra tout de même éviter les hauts sommets glacés et elle se posa sur le plateau situé entre les deux monts jumeaux.

De sa forme d’hippogriffe, elle appréciait beaucoup cette capacité à voler qui lui procurait un immense sentiment de liberté, mais elle affectionnait également sa vision acérée. Cette dernière lui avait notamment permis de discerner du haut des airs quelques chèvres des montagnes. Exaltée par cette nouvelle expérience qui l’attendait, elle galopa et s’envola dans le but bien arrêté de cueillir une proie afin de remplir par la suite son estomac.

Il ne lui fallut que quelques secondes pour apercevoir un mouflon. Arborant une robe brun chocolat, ce dernier, isolé de sa harde qui broutait dans la plaine en contrebas, s’était réfugié sur un terrain plutôt pentu et rocailleux. Redoublant le battement de ses ailes, Sibelle fonça sur lui, rabattant ses serres contre son poitrail afin de réduire au maximum la résistance à l’air. Mais elle avait à peine entamé son approche que le mâle aux magnifiques cornes recourbées en volutes l’avait repérée. Sautant d’un rocher à l’autre, il eut tôt fait de s’éloigner de l’hippogriffe. Sibelle n’abandonna pas pour autant sa poursuite et augmenta sa vitesse. Quittant les pics rocheux, le mouflon atteignit les plaines puis se retourna contre l’hippogriffe. Tête baissée, cornes bien en vues, il était prêt à la charger sans ménagement afin de préserver sa vie. N’ayant pas davantage froid aux yeux sous sa forme ailée que sous celle elfique, Sibelle poursuivit son attaque. Lorsqu’elle se trouva à proximité de sa proie, elle décolla ses serres de son abdomen et tenta d’agripper le dos de l’animal. Elle rata sa cible qui se déplaça au dernier moment. Pourvue d’une résilience hors du commun, elle fit demi-tour et se dirigea de nouveau vers le bovidé et tenta une seconde fois de l’attraper. Ses serres empoignèrent fermement le dos de l’animal. L’hippogriffe réussit à reprendre un peu d’altitude. Le mouflon, pour sa part, ne cessa de se débattre, tentant avec acharnement de se déprendre des griffes du rapace chevalin. Le poids de sa proie ajouté à ses mouvements agités déséquilibra Sibelle et lui fit perdre sa prise. Le mouflon retomba sur des pattes doublées d’une fourrure blanche et courut le plus rapidement possible vers un pic escarpé. Tout en effectuant un demi-tour pour retourner vers sa cible, elle aperçut d’inoffensives gélinottes huppées qui picoraient sur l’herbe fraîche. La guerrière passa en rase-motte au-dessus et en happa une de son bec crochu. Elle apporta sa capture à l’écart et atterrit sur un terrain plat.

Trop affamée, elle laissa son instinct animal prendre le dessus. Une serre sur le poitrail de l’oiseau, elle déchira sa chair grâce au crochet de son bec et l’engloutit morceau par morceau. Il s’agissait là d’une maigre pitance pour un animal de son gabarit, mais elle devrait s’en contenter pour le moment et attendre d’avoir pris du repos avant de tenter de capturer des proies plus importantes.
Modifié en dernier par Sibelle le dim. 18 oct. 2020 20:11, modifié 1 fois.

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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Sibelle » dim. 18 oct. 2020 16:05

Elle en était aux dernières bouchées de son repas frugal, lorsqu’elle le vit. Arpentant le ciel avec aisance, fluidité et grâce, cette magnifique créature présentait des caractéristiques qui plurent à la guerrière, du moins à la Fierté de l’Azur. Elle eut en fait la chance de voir un séduisant spécimen d’hippogriffe. Si elle en revêtait l’apparence, elle n’avait jamais pu en voir un de l’extérieur. Bec ouvert, tout en admirant la puissante musculature chevaline, la fière tête d’aigle et la somptueuse robe blanche parsemée de rémiges bleues, elle comprit le regard des autres lorsqu'elle revêtait cette forme. Elle n’avait jamais réalisé à quel point, elle pouvait impressionner les gens sous la sublime forme d’un hippogriffe.

Ne connaissant rien des mœurs de l’hippogriffe et craignant un fort instinct de territorialité chez ce mammifère volant, elle songea reprendre sa forme elfique. Elle n’eut guère le temps de se transformer, puisque l’hippogriffe blanc aux ravissantes ailes blanches et noires, ornées d’orangé à la base, battit des ailes dans sa direction.

Craignant le pire, elle lança les restes de son repas au loin, souhaitant qu’il s’y dirige sans plus s’occuper d’elle. Or il ignora le leurre et s’approcha davantage. Une fois à proximité de la guerrière, il fit quelques rotations sur lui-même, puis se mit à virevolter autour d’elle. Croyant à des comportements d’intimidation, et se sachant incapable d’affronter un tel adversaire, elle décida de s’envoler et quitter les lieux, comme il semblait le souhaiter.

L’effet fut immédiat. Elle venait à peine de prendre de l’altitude qu’il la suivit, tournoyant autour, l'effleurant par moment, exécutant par le fait même des figures aériennes avec une maîtrise que Sibelle enviait. Elle s’attendait à tout moment à recevoir des coups de bec, ou se faire happer par des serres, mais il n’en fut rien. Elle choisit donc de retourner sur la terre ferme, ce qu’il fit également.

Sur ses gardes, Sibelle regarda droit dans les yeux cet hippogriffe aux iris d’un brun éblouissant, guettant le moindre geste agressif de sa part. Ce dernier fit un pas en avant, tout en émettant un cri bref. Sibelle recula d’un pas et baissa légèrement la tête. Légèrement seulement, car il était difficile pour la guerrière d’adopter un comportement de soumission, encore moins sous la forme de cette puissante créature. Cependant, elle était assez intelligente pour reconnaître que sa maigre expérience de combat sous cette apparence ne pouvait rivaliser avec une créature née ainsi. L’hippogriffe fit deux autres pas et Sibelle en recula autant. Tout en demeurant au sol, il ouvrit ses grandes ailes, conserva un port de tête fier et s’approcha de quelques pas encore de la Fierté d’Azur. Sibelle crut à une tactique d’intimidation. Ne voulant surtout pas provoquer ce fier animal, elle évita de reculer cette fois. Bien qu’elle craignait l’issue de cet affrontement, elle sentait ses plumes se redresser légèrement sur sa peau et le rythme de son cœur s’accélérer légèrement à mesure qu’il s’approchait. Troublée, elle ressentait à la fois de la peur et du désir. Que quelques pas les séparaient désormais lorsqu’elle les franchit imprudemment, ouvrant également ses ailes montrant toute sa splendeur rouge parsemée de rémiges bleues. Avec plus de douceur qu’aucun de ses amants ne l’avait fait, il colla sa joue blanche contre celle rousse de la guerrière. Ils restèrent ainsi immobiles, et elle en ressentit un indéfinissable bien-être. Elle comprit enfin que pendant tout ce temps, il ne cherchait qu’à lui faire la cour.
Modifié en dernier par Sibelle le ven. 20 nov. 2020 03:55, modifié 1 fois.

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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Sibelle » mer. 21 oct. 2020 03:43

Ils étaient restés ainsi de longues minutes. Puis l’hippogriffe blanc avait mis fin à la duveteuse caresse en reculant de quelques pas avant de s’envoler et de laisser en plan une hippogriffe rousse troublée. Il revint quelques minutes plus tard avec le cadavre encore tout chaud d'un jeune bouc . Il le déposa aux pieds de la Fierté de l’azur qu’il considérait probablement comme sa promise.

Quelques jours s’écoulèrent et les deux hippogriffes ne se séparaient guère, si bien que Sibelle ne reprenait que rarement sa forme elfique. Son compagnon du moment ne lui offrait plus de repas comme cadeau. En fait, dès la deuxième offrande, Sibelle l’avait mise de côté et avait plutôt préféré le suivre à la chasse. Observant ses tactiques et imitant ses techniques, elle apprit au bout de quelques tentatives à traquer et tuer le petit gibier. Elle ne réussissait pas à tous les coups, mais elle était devenue suffisamment habile pour se nourrir.

Elle appréciait voler en sa compagnie et faire de folles cabrioles. Chasser à deux, partager leur pitance et puis se coller l’un contre l’autre tout simplement.

Elle savait pourtant que ces doux moments seraient de courtes durées. Une fois sa cour terminée, il chercherait à s’accoupler…ce qui n’était vraiment pas une option pour Sibelle. Elle n’avait jamais voulu de rejeton, et n'en voulait pas davantage sous la forme d’hippogriffe. Elle préférait ne pas y penser, pour plutôt savourer l’instant présent et partir le moment venu.
Modifié en dernier par Sibelle le ven. 20 nov. 2020 03:49, modifié 1 fois.

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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Sibelle » ven. 23 oct. 2020 03:22

Ce matin-là, Sibelle avait ressenti le besoin de solitude et avait quitté son compagnon avant les aurores pour se livrer à un entrainement physique plus intense qu’à son habitude. Elle s’était dirigée vers le ruisseau le plus proche pour faire sa toilette quotidienne.

Tout en prenant lentement de la hauteur et effleurant à peine les montagnes, le soleil diffusait dans le ciel de magnifiques teintes orangées, avoisinant les bas nuages rosés. Ce fut sous sa forme d’elfe que Sibelle admirait ce spectacle matinal tout en faisant ses ablutions, lorsqu’un cri perçant derrière son dos attira son attention.

Elle se tourna vivement pour se rendre compte qu’il s’agissait de son compagnon hippogriffe, qui ne semblait pas vouloir d’intrus, notamment une elfe blanche sur son territoire. Sibelle hésita, ne sachant plus trop quel comportement adopter. Bien qu’elle se savait suffisamment habile pour le combattre sous sa forme d’elfes, elle en avait nullement envie. Elle s’était attachée à cette puissante créature. Elle décida d’obtempérer à l’ordre d’éviction. Elle baissa la tête, courba l’échine et s’éloigna de l’animal. Ce dernier resta là guettant le départ de Sibelle, le bec ouvert, les ailes ouvertes en signe d’intimidation, prêt à attaquer.

Une fois qu’elle fut assez éloignée, elle se dirigea vers un arbre et s’y adossa. Elle avait bien apprécié ces jours passés en compagnie de cet animal, mais elle devait à présent y mettre un terme. Elle était venue dans ces montagnes, guidée par un rêve dans lequel sous sa forme d’hippogriffe, elle cherchait Sirat. Après quelques jours à survoler cette région, elle n’avait vu aucune trace de l’humoran. Elle devait se rendre à l’évidence, elle avait mis trop d’espoir dans ce rêve.
Après ces quelques jours d’errances sous forme d’hippogriffe, elle ne ressentait plus le besoin de rechercher son ancien compagnon. Bien qu’elle ait apprécié la compagnie de l’hippogriffe blanc, elle jugea qu’il était désormais le temps de quitter cette région.

Elle reprit donc sa forme d’hippogriffe et s’envola. Elle venait à peine de quitter le sol qu’elle entendit un cri, celui de son compagnon. Inquiète, elle bifurqua dans sa direction. Il était étendu dans les hautes herbes, une flèche plantée en plein cœur. Elle atterrit rapidement sur le sol herbeux et sentit deux mâchoires de métal se refermer sur sa patte arrière gauche. Elle poussa alors un cri strident de douleur et de désespoir. L’hippogriffe était là à quelques mètres d’elle et elle ne pouvait aller le secourir. La douleur à sa jambe était lancinante, mais celle qu’elle ressentait au fond du cœur lui était beaucoup plus douloureuse.
Modifié en dernier par Sibelle le jeu. 29 oct. 2020 01:29, modifié 2 fois.

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Sirat
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Sirat » mer. 28 oct. 2020 15:56

Le jour perçait à travers la canopée, en des traits dorés qui frappait le sol. À mesure qu’il descendait dans la forêt de pins, il voyait la lumière portée à son regard les plais de l’armure qu’il portait. La première vision qu’il en avait eu, au soleil levant, était faussé. La réalité était tout autre, elle avait été abandonnée depuis probablement des millénaires et méritait un bon travail de réfection.

Il se sentait bien dedans, il prit la décision d’aller chez un armurier des la prochaine ville. Il avait fière allure avec ses balafres et son armure vétuste. On aurait dit un soldat des temps anciens ramener à la vie.

Il slalomait entre les troncs, la pente rendait la marche plus aisée qu’a l’aller. La vie foisonnait, dans les fougères, sur les troncs gorgés de sève et sur chaque pierre.

Le temps semblait couvert, l’air était frais, mais cela n’empêchait pas la nature de chanter autour de lui.

Il voyageait le cœur léger, observant l’âme de la montagne s’exposer en toute quiétude. Il se sentait honorer de voir cela et baigné dans cette clarté matinale, il marchait paisiblement, laissant son esprit divaguer à de douces rêveries.

Sur la droite, un rocher attira son œil et le tira de ses contemplations. Le récif semblait être éclaboussé de sang. Il s’en approcha avec prudence. Il ne sentait aucun danger. Mais il contourna le roc pour plus de sûreté et voir ce qui se trouvait derrière.



C’est le cœur perturbé qu’il arriva en fin de soirée sur la naissance d’une route en terre. Ce qu’il avait vu, l’avait malgré lui troublé. Au bout de cette route, se dessinait une maison de pierre. Comme pour répondre à sa conscience, le ciel s’était embrouillé de nuage ténébreux et à mesure qu’il avançait vers la cabane une pluie fine tomba sur lui.



Le chalet était petit, mais possédait un grand prolongement de toiture qui permettait aux voyageurs de s’abriter. Deux aventuriers y étaient déjà, avec trois chevaux. Ils jaugèrent Sirat et son armure usé, passé sous le porche.

Il s’approcha de la seule porte en fer du bâtiment et y frappa. Elle était solide et engoncée dans ce mur de pierre de taille. Une trappe pas bien grande s’ouvrit à la portière et un regard touffu et embrumé s’y présenta.

Le souper c’est dix yus et la boisson cinq.

Dit il d’un ton autoritaire bien connue des habitants des montagnes et sans aucune forme de politesse.

Deux soupes et un pichet

Répondit l’humoran calmement, une deuxième ouverture claqua plus bas.

Trente, dépose !

Sirat tira la monnaie de sa bourse et la déposa dans un bac qui s’offrait à lui, sous le regard des deux autres hommes en train de manger, mais qui ne perdait pas une once de la transaction.

La bouche en métal engouffra les pièces et se referma aussitôt pour se manifester quelques secondes ensuite avec un bol de ragoût débordant et fumant et une grande bouteille de cervoise.


Sirat prit son repas et alla se mettre à l’opposé des deux mercenaires. Il retira alors son casque, le déposa sur le sol et s’installa pour manger.

C’est alors que l’un des hommes s’avança. Il devait avoir la trentaine, c’était un grand sec, la peau tannée par le soleil. Il avait des cheveux bruns qui lui retombait sur les épaules et un sourire qui découvrait une dent en or.

Salut mon gars

Sirat restait silencieux et commença à entamer son repas. Le second une brute de deux mètres n’avait pas de cheveux, un regard qui frôlait avec le mutisme décérébré et deux boucles à la seule oreille, la droite, qui lui restait. Le second, donc, ne perdait pas une goutte de ce qui se passait. Son ami continua sans se formaliser du silence.

On voit bien que tu es un baroudeur toi. Un silencieux qui préfère l’action. Cela tombe bien, mon frangin et moi-même sommes des commerçants et nous avons un cheval de trop.

Le zélote enchainait,toujours pragmatique, les cuillères sans répondre.

On se disait que contre ta protection, on pouvait te le proposer, c’est que les routes ne sont pas sûres même pour deux gars comme nous.

La tambouille était trop salée, mais sa chaleur, avec ce crachin qui frappait la montagne, enflammait le cœur de l’humoran qui appréciait chaque bouchée.

C’est que tu es à pied, alors un canasson pourrait t’aider, c’est un échange de bon procédé, comme tu vois.

Sirat racla l’assiette en bois et la déposa sur le sol avant d’attraper la bouteille.

Alors tu en dis quoi ?

Il avala trois quatre gorgées et leva enfin son regard sur le géant qui le toisait. Il essuya sa barbe naissante et hirsute avec l’avant-bras.

Si fait, je voyagerai avec vous.

La réponse apporta un sourire perfide sur le visage de l’édentés. Sirat n’y prêta pas attention.

On part demain matin alors, a l’aube.

Sirat termina sa bouteille alors que l’homme rejoignait son ami pour lui raconter les conclusions de ses négociations.

Le lendemain, il partait à l’aube, la pluie avait céder à un soleil timide et blafard qui peinait à compenser le froid des montagnes.
Plusieurs jours s’écoulèrent sans que l’humoran n’entretienne la moindre conversation. Les deux bougres semblaient vivre ensemble depuis longtemps et se contentait du calme du zélote. Il voyait bien les regards avides des deux sbires, mais il ne les craignait pas. Ce sang-froid chez le zélote semblait les rendre vigilants.


Il ne se passait pas grand-chose, il ne quittait pas l’environnement montagnard, mais se dirigeait vers le sud. Il devait avoir quitté Les Terres Sauvages de l’Omyrhie depuis deux jours. Ils étaient entrés sûrement dans le comté de Luminion. À voir l'immense massif, il devait s'approcher des mont des Jumeaux ainsi nommée à cause de ses deux puissants sommets presque identiques culminant à plus de huit mille mètres d'altitude. Il les voyait tout en suivant ses compagnons de route. Le froid était le même et Sirat s'enfonça dans sa cape.

Ils se trouvaient sur un plateau, ils faisaient une pause, c'était, une journée, ensoleillé. Le gros appela d’un sifflement son compère. Cela faisait une heure qu'il s'était écarté du groupe et avait laissé Sirat et le grand brun. Ils avaient bivouaqué dans une plaine herbeuse, bordé d’arbre, un coin idyllique ou les chevaux avaient trouvé de quoi paître.


Le grand mince approcha du demeuré, son visage indiquait qu'il savait ce que fabriquait son frère. Sirat, attisé par la curiosité, le suivit.


Près d’un bois, un splendide rapace au corps de cheval se tenait, fièrement et semblait renifler le sol. Avec beaucoup de prestance l’hippogriffe, au plumage opale, semblait faire preuve de prudence. Sous l’éclairage, le port de tête de cet animal impressionna l’humoran qui n’en avait jamais vue. Il en avait entendu parlé, mais le voir en vrais se déplacer fièrement, les plumes vibrantes sous la brise des montagnes, le rendait béat d’admiration.

Il a flairé le piège marmonna alors le plus gros.

Attends.

Le second arma alors son arc et avant que l’humoran ne puisse faire quoique ce soit le trait fila en direction de l’animal et le foudroya sur place. Un cri s’éleva dans le massif, venant du rapace qui tombait à terre. Le gémissement fit fuir la faune aux alentours, mais appela un autre hippogriffe de couleur fauve.

Les deux chasseurs qui avaient déjà une face sournoise et joyeuse, ne purent réprimer leur enthousiasme quand le second rapace apparut et se prit dans le piège initialement destiné au premier.

L’animal hurlait, jetait ses griffes avant dans le vide. Il était magnifique, son pelage doré et roux, rappelait les couchers de soleil a l’instant ou la terre semble s’embraser.

Ils jubilaient alors que le zélote restait interdit. Ils parlaient déjà de dépecer le premier et de revendre le second qui se débattait le pied pris dans un piège à ours alors que les deux prédateurs avançaient une lueur lubrique au fond de leurs yeux.

Sirat tout en armure ne partageait pas leur joie, bien au contraire. Il ne pouvait réprimer une nausée qui l’étreignait devant se spectacle immonde. Ces êtres crées par les fluides de la création ne méritaient pas de mourir de la main d’homme aussi vil et insignifiant.

Arrêter ! leur cria t'il.

Alors que le gros s’avançait vers l’hippogriffe roux qui se défendait en frappant le vide.

Qu’es que tu racontes, sot, tu sais combien cela se revend au marché noir de Kendra Kâr. C’est Zewen qui nous gratifie de la bonne fortune !! Lui répondit le grand sec.

Ne blasphème pas !

Sirat était déjà sur lui, il avait dégainé une dague et l’avait frappé à la cuisse puis au flanc avec une rapidité sidérante. Le grand tomba sur-le-champ en hurlant et son frère se retourna alors le regard empourpré et en rage. Il dégaina un glaive déjà ensanglanté de quelques méfaits antérieurs.

Toi, tu as signé ton arrêt de mort.

Même en armure, le zélote était bien supérieur au gros, chaque coup que lui portait le molosse en rut, Sirat l’esquivait avec un pas calme sur le côté ou en retrait.

Quand il en eut assez, Sirat enfonça sa dague dans la gorge puis remonta jusqu’au goitre du cochon qui s’effondra, mort, salissant le gazon de son sang impur.

Le zélote jaugea la bête qui se débattait dans son piège, celle-ci observait maintenant, avec beaucoup de prudence, cet étrange chevalier en armure séculaire et défraîchi recouvert du sang des deux hommes qui lui en voulaient.

L’autre hippogriffe bramait toujours, une flèche dans son thorax. Il se démenait vainement contre la mort, les membres lourd et déjà épuisé. Sirat le jaugea et retourna son regard vers celui pris au piège.

Je ne peux rien pour lui, mais je vais te libérer.

Il s’approcha doucement, alors que l’hippogriffe balayait l’air de ses griffes.

Je ne te veux aucun mal, regarde.

Il déposa sa dague sur le sol.

Il s’approcha de la patte prise au piège, posa ses mains délicatement sur la herse qui s’était refermé et l’ouvrit afin que la bête puisse se dégager.

Celle-ci s’en alla alors de quelques pas pour s’éloigner du zélote.

Tu vois, je ne te veux aucun mal. Je te laisse dire au revoir à ton ami.

Puis l’humorans se retourna et attrapa sa dague. Il alla fouiller le cadavre du gros qui gisait dans une mare carmin, il trouva une bourse pleine et s’en empara. Il se redressa pour revenir vers le grand sec qui rampait sur le sol en pleurant. Son sang avait laissé un sillon dans le pré frais.

Laisse-moi !! Cria-t-il.

Te laisser ? Comme toi et ton ami avaient laissé ces gens dans la montagne avant de leur volé leur monture et leurs affaires.

L’homme eut du mal à déglutir et resta silencieux.

Tu es fou de quoi tu parles ?

Tu nies ? C'est cela ta seule défense, nier toute accusation ? Regarde cette dague. Il se baissa et l’enfonça dans la deuxième cuisse. Tu la reconnais ? Tu ne l’as même pas remarqué. Il extirpa le couteau de la chair de l’homme qui beugla. La dague était simple, mais son pommeau était gravé.

Je l’ai trouvé sur l'un des cadavres de trois pauvre gens dans la forêt, laissé comme des chiens derrière un rocher. Tu n’as même pas pris le temps d’enlever la flèche du dos de ce môme. Quel âge il avait d’après toi quinze ans, dix ?

Sirat s’approcha d’une des montures attrapa une corde et revint vers l'accusé.

L’archer essaya de se tirer de là, il rampa frénétiquement pour s’enfuir mais n’avança guère alors que le regard de l’humoran luisait derrière son casque.

J’ai vu des choses affreuses, des charniers, des monstres, mais ils étaient tous mué par les forces de l’univers, par le temps. Ces meurtres étaient inutiles, seulement porté par votre cupidité et tu oses prononcer le nom de mon maître et l’associé à tes méfaits. Tu es moins qu’une larve.

Il attacha violemment les mains de l’archer pleurant avec la corde et le tira comme un vulgaire sac jusqu’à un arbre. Il lança la corde par-dessus une branche solide et tirant dessus, il pendit le corps de l’homme par les bras.

Celui-ci hurlait de douleur tandis que Sirat attachait l’autre bout à une racine afin qu’il reste suspendu dans les airs.

Il revint en face de lui.

Je n’ai rien dit pendant ces journées passé ensemble, mais dès que je vous ai vus au relais je savais que c’était vous les meurtriers. Je devais surement être le prochain si vous n’aviez pas jeter votre dévolu sur les hippogriffes. J’ai joué avec cette dague, tout les soirs, mais stupide que vous êtes-vous n’avez jamais remarqués qu’elle appartenait à vos victimes.

Qui es tu ? tu es fou ?

Sirat eut un sourire démoniaque derrière son casque que l’homme ne pouvait voir mais qu’il devinait et qui le plongea dans un puit de terreur.

Je suis la vengeance, l’ami.

Il jouait avec la dague devant sa victime.

Le bras armé de tes victimes, plus jamais tu ne jureras du nom de Zewen.

D’un coup vif il fracassa le sternum de l’humain avec le couteau. Il cessât alors de pleurer et de crier à l’aide sur le champ. Sirat laissa l’arme dans le corps. Il observa la dépouille se balancer au bout de la corde encore quelques secondes comme un artiste devant son œuvre. Il fouilla le cadavre et lui ôta sa bourse.

Il retourna vers les chevaux qui n’avaient pas bougé.

Il entendit un bruissement derrière lui. Les hippogriffes se murmura-t-il, il les avait oublié obnubilé par son travail. Il attrapa une trousse contenant de l’eau et des bandages et se retourna vers les deux rapaces pour s’avancer vers eux. Celui de couleur fauve se tenait droit et épiait chaque geste du Zélote, il s’était rapproché de son compagnon. Il semblait être proche, Sirat supposa qu’il s’agissait d’un couple.

Respectueusement, l’humoran baissa la tête.

Tu me laisse te soigner ? comme l’animal ne daignait bouger, Sirat s’approcha de la plaie avec la trousse. Il extirpa la fiole d’eau pour nettoyer la plaie. L’hippogriffe gardait une posture altière et surveillait les gestes du chevalier.

Sirat avait chaud, il décida alors d’enlever son casque et de se découvrir avant de terminer son bandage. Il inspira l’air frais une fois son visage à découvert.
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Sibelle
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Sibelle » jeu. 29 oct. 2020 03:56

Ne pouvant se relever, elle rampa sur le sol, ses griffes avant grattant avec frénésie l’herbe, l’arrachant par touffes. Elle réussit de peine et de misère à s’approcher de l’hippogriffe souffrant. Mais elle fut vite arrêtée dans son mouvement, le piège étant relié à une chaîne, fixée à son tour à un piquet planté assez profondément dans le sol. Elle tirait de toutes ses forces, mais en vain, le piquet, la chaîne et le piège tenaient bon. Elle devait se faire une raison, elle ne pouvait rejoindre son compagnon. Elle songea ensuite à reprendre sa forme d’elfe et tenter d’ouvrir elle-même le piège, ce qui était improbable. Et même si elle y arrivait, elle condamnerait ainsi sa cheville d’elfe, beaucoup plus fragile que la patte arrière d’un cheval. Les yeux humides, elle regardait son compagnon à l’agonie lorsqu’elle vit ses meurtriers s’approcher.

Elle se releva aussitôt, sa colère prenant le dessus sur la douleur, elle se tenait sur ses trois pattes valides, les plumes de sa tête redressées, les ailes grandes ouvertes menaçantes, tout en claquant du bec.

Lorsqu’elle vit l’homme grand et maigre s’approcher d’elle, elle continua à claquer du bec. Désormais assise sur son séant, ses deux pattes avant n’avaient plus à la soutenir et elle pourrait s’en servir pour se défendre, mais surtout pour se venger. Elle attendait avec impatience qu’il s’approche suffisamment d’elle et alors elle l’aurait éventré d’une serre laissant ses tripes se répandre sur l’herbe fraîche. De l’autre patte griffée, elle aurait écrasé son crâne chevelu contre le sol et avec son bec, elle l’aurait d’abord scalpé, puis lui aurait crevé ses yeux, arrachée son nez, déchiré ses oreilles, et seulement à la toute fin, elle aurait ouvert la carotide de son cou, le laissant se vider de son sang. Or, elle ne put rien faire de tout cela. Alors que l’humain sans vergogne s’approchait d’elle, un colosse en armure lui cria d’arrêter. L’assassin lui répondit qu’il pourrait la vendre sur le marché noir. Sibelle lança aussitôt un cri de rage et frémissait d’impatience.

(Avance… allez, avance encore de quelques mètres, espèce de meurtrier…)

L’abruti aux cheveux bruns et à la dent en or espérait en obtenir un bon prix, prétendant que Zewen lui avait offert ce présent. Remarque que le colosse en armure ne sembla pas apprécier.

Le bandit n’eut pas le temps d’avancer davantage que le soldat l’attaquait. Sa dague frappa sans hésitation et avec force dans le haut de sa jambe, puis dans son ventre avec une rapidité digne d’un combattant aguerri. Le maigrelet, une échalote sans tonus musculaire, chuta violemment au sol, criant de douleur.

L’autre abruti, un grand obèse au crâne dégarni, dégaina son glaive taché de sang vers le vengeur d’hippogriffe. Le soldat en armure avait le dessus parant facilement chaque coup porté. Après plusieurs coups à son avantage, tel qu'un chat fatigué de s’amuser avec sa proie, il enfonça sa dague dans la gorge de son adversaire et la remonta verticalement de façon à ouvrir son artère et laisser le flot de liquide carmin s’échapper. Le malfrat connut la mort qu’il méritait.

Le vainqueur en armure se tourna vers Sibelle. Cette dernière resta sur la défensive, méfiante. Elle ne savait pas s’il lui venait en aide ou bien s’il s’était seulement débarrassé de ses acolytes afin de garder les futurs gains de la vente juste pour lui.

À ce moment, l’hippogriffe blanc lança un râle émouvant, un râle d’agonie qui resserra le cœur de Sibelle, impuissante. Le guerrier l’observa un court instant. Ce qui sembla pourtant une éternité pour la guerrière qui craignait qu’il songe à achever son ami. Elle émit donc un petit cri pour attirer l’attention vers elle. Se tournant vers elle, il lui parla d’une voix douce, mais assourdie par le masque qui le protégeait.

Je ne peux rien pour lui, mais je vais te libérer.

Ces paroles furent rassurantes pour la guerrière, puisqu'il allait la libérer. S’il pensait qu’il ne pouvait rien pour l’animal blessé, peut-être que Sibelle pourrait le sauver.

Toujours méfiante, elle finit tout de même par le laisser s’approcher. Prudent, lui aussi, il lui affirma qu’il ne lui voulait aucun mal. Cela dit, il déposa son arme par terre, non loin de lui. S’approchant davantage de Sibelle, il posa une main sur chaque mâchoire du piège et faisant preuve d’une force remarquable, il l’ouvrit et le maintint le temps qu’elle retire sa patte meurtrie. Sa plaie était béante, le sang coulait et la douleur persistait, mais c’était le dernier souci de la belle. Ce fut en boitillant, tout en évitant de porter son poids sur son membre blessé, qu’elle s’approcha de l’être qui l’avait si patiemment courtisé. Le soldat lui avait dit qu’il était condamné, mais elle voulait en juger par elle-même. Penchée tout contre lui, elle déposa lentement sa tête sur la poitrine de l’hippogriffe blanc. Ce dernier émit un petit son de contentement, puis rendit son dernier souffle. Sibelle resta là profitant une dernière fois de la chaleur de son compagnon. Certes, elle avait décidé de le quitter ne pouvant faire un trait sur sa vie d’elfe. Mais elle aurait préféré qu’il demeure en vie et qu’il fonde une famille avec une autre hippogriffe.

Sibelle entendit l’autre truand pleurer et supplier… puis plus rien. Les yeux fermés, elle demeura tout contre l’hippogriffe blanc désormais décédé. Quelques minutes plus tard, elle entendit des bruits de pas dans sa direction. Elle ouvrit aussitôt les yeux et vit le soldat qui s’approchait d’elle une trousse de soins à la main. Derrière lui, elle pouvait voir le maigrelet, mort, pendu à un arbre, les mains liées.

Elle reporta son attention vers son sauveur. Avec respect et humilité, il lui offrit de la soigner. Elle se laissa faire sans bouger, refermant les yeux. Elle sentit un liquide frais sur sa peau. Puis, elle devina le bandage qui se serrait sur sa jambe. Ce fut à ce moment qu’elle ouvrit les yeux et qu’elle constata qu’il avait retiré son lourd casque.

Elle le regarda fixement, puis pencha sa tête d’un côté et de l’autre.

(C’est pas possible… je rêve… Sirat !)

Sa tignasse n’avait plus la couleur flamboyante d’autrefois, son visage était recouvert de cicatrice, mais c’était bien lui : Sirat, le champion d’Aliaénon.

Avec des gestes aussi doux qu’il l’avait fait à son endroit, elle s’approcha du creux de l’épaule de l’humoran et y logea sa tête d'aigle. Plus que jamais, elle avait besoin d'être réconfortée.

Quelques secondes plus tard, sous les yeux de l’humoran, la transformation s’opéra. Tout d’abord la queue et les ailes s’atténuèrent puis disparurent. Le puissant et musculeux corps du cheval laissa la place à celui plus frêle de l’elfe. Les pattes griffées devinrent des délicates mains féminines. Et enfin, la tête de l’aigle devint celle de la rouquine elfe blanche. Dès qu’elle se sentit sous sa forme elfique, elle murmura d’une voix déchirée par la peine.

« J’ai mal… J’ai besoin de réconfort. »

Elle rabattit ses jambes contre son ventre et se lova contre l’humoran, ses bras entourant les épaules de ce dernier. Les yeux toujours fermés, elle profitait de la chaleur de son ancien compagnon d'armes. Jamais Sibelle n’avait exposé ainsi son ressenti ni exprimé sa vulnérabilité.

Plus tard, elle lui parlerait. Elle était venue à cet endroit pour le rechercher après tout. Mais pour le moment présent, elle ne voulait qu’un peu de chaleur, un peu de réconfort.
Modifié en dernier par Sibelle le ven. 20 nov. 2020 03:44, modifié 1 fois.

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Sirat
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Sirat » ven. 30 oct. 2020 07:18

Le premier hippogriffe avait rendu son dernier souffle et gisait à côté. Alors qu’il pensait l’animal et que celui-ci le regardait avec des yeux ronds d’incrédulités, il posa sa tête contre le creux son épaule.

Sirat compris que le majestueux rapace cherchait du réconfort et lui en offrit. Le bandage était fini, il passa sa main dans l’encolure de la bête. Il comprenait sa tristesse de perdre un être cher.

C’est alors qu’une mutation démarra, Sirat recula surpris et prudent. L’hippogriffe semblait se mue en corps humain, les ailes rentrait dans le dos, les plumes tombait une à une, les griffes devenait des mains gracieuses, la crinière une chevelure rousse et flamboyante qu’il ne tarda pas à reconnaître.

Son cœur frappait sa cage thoracique et sa gorge était sèche devant lui, le grand condor de feu aux corps équin venait de se transformer en une femme. Une femme qu’il connaissait bien puisque Sibelle se tenait devant lui. Son visage si ferme d’habitude était accablé par la douleur. Elle ramena ses jambes contre son corps et se lova contre l’humoran tout en demandant secours. Sirat était pétrifié, il ne pensait pas revoir l’elfe, encore moins comme cela.

Mais elle était là, devant lui démuni et c’était son amie. Il ouvrit ses bras et enlaça la guerrière. Il restait muet, que pouvait, il dire pour atténuer la peine de Sibelle : rien.

Il n’y avait rien à dire, le temps ne guérissait rien. La douleur pesante du manque, ce précipice et se vide de ne plus entendre l’autre de ne plus pouvoir se confier à lui. Cette mort brutale qui rappelle ceux qu’on aime, qui arrache notre cœur et le laisse en lambeau, il la détestait aussi, mais avait appris à vivre avec cette pesanteur. Vous voulez crier, hurler, mais rien ne sort, vous etouffez, vous manquez d'air, il n'y a qu'une asphyxie lente et douloureuse causé par ce deuil cruel. Tenir de ses mains un cadavre, froid, le visage à peine éteint alors que le monde continue de vivre et d’avancer autour, il n’y avait rien de pire. L’âme dépouillée, écraser sous la tristesse, il ne resterait bientôt plus que colère et rage pour cette vie qui continuera de s’écouler sans prêter attention à cette disparition.

Il huma le parfum boisé de la rouquine. Tout cela, il le savait, il le connaissait, ses blessures ne se fermerait jamais. Il jaugea la jeune femme qui restait renfermer contre son torse.

Il attendrait qu’elle se sente prête et décide d’elle-même de rompre le silence en attendant, il serait là pour elle, si elle en avait besoin et dans la mesure qu’elle déciderait.
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Sibelle » dim. 1 nov. 2020 14:08

L’humoran avait accueilli volontiers la tête de l’hippogriffe contre son épaule et lui avait caressé tendrement le plumage de son encolure. Bien qu’il ait eu un bref mouvement de recul lorsque la guerrière reprit sa forme elfique, il ne la repoussa point. Au contraire, il lui ouvrit ses bras, la laissa s’appuyer contre son large torse musclé et l’enlaça chaleureusement. Petit à petit la respiration de l’elfe blanche s’accorda avec celle plus régulière de l’humoran et elle tomba dans un état de méditation profonde. Ils restèrent ainsi sur le sol herbeux près de trente minutes. Puis l’elfe bougea légèrement, refaisant surface. Sans ouvrir les yeux, tout en restant blottie dans les bras de l’humoran, elle murmura :

« Merci. »

Toujours dans la même position, profitant de la chaleur réconfortante de Sirat, les yeux encore fermés, elle s’adressa à lui d’une voix douce, sur le ton de la confidence :

« C’était la première fois que je baissais ainsi ma garde et que je me laissais envahir par les sentiments. Sous la forme d’hippogriffe, je n’avais pas les mêmes barrières…même si la douleur est grande, je ne regrette pas. J’ai beaucoup appris. »

Sirat ne fit aucun commentaire, se contentant d’écouter ce que Sibelle avait besoin de raconter. Puis, il se redressa, posa ses mains sur les épaules de la guerrière et lui conseilla de pleurer sa souffrance pour se soulager, ne serait-ce qu’un peu. Sibelle qui venait tout juste d’ouvrir les yeux le regarda bien en face, exposant ainsi ses joues encore humides de larmes et ses yeux rougis. Reconnaissante, elle tenta d’esquisser un sourire avant de reporter son attention sur le cadavre de l’immense hippogriffe. Tout comme Sirat venait de lui faire remarquer, il fallait décider du sort de ce corps sans vie. Il laissa le choix à Sibelle, mais elle ne savait qu’en faire.

Elle se leva. S’approcha du corps de l’animal aussi silencieusement qu’une mère qui veut éviter de réveiller son poupon endormi. Elle lui caressa une dernière fois les plumes de la calotte. Après une brève hésitation, elle lui arracha, aussi délicatement que possible, une plume de son poitrail.

Ce ne fut qu’à ce moment qu’elle répondit à Sirat. Sa voix était devenue plus assurée… la guerrière reprenait le dessus sur la femme endeuillé.

« Je ne sais pas quoi faire de son corps. En aucun cas, je ne voudrais que l’un de ces salopards de braconnier le démembre ou le décapite pour se faire un trophée. Il faudrait donc peut-être l’enterrer. Mais d’un autre côté, son corps pourrait nourrir les autres bestioles de la forêt qui peinent à survivre en ces lieux enneigés, ce qui serait correspondrait au cycle de la nature. »

Elle se tut, s’en remettait au bon sens de l’humoran, prête à l’aider si nécessaire.
Modifié en dernier par Sibelle le ven. 20 nov. 2020 03:34, modifié 1 fois.

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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Sirat » lun. 2 nov. 2020 10:13

Ils restaient sur le sol, le temps s’était arrêté et ils s’étaient isolés au milieu de cet océan vert. Seul le gazouillement des oiseaux rompait ce calme. Sibelle, les yeux fermés gardait son visage sur la poitrine de l’humoran. Il n’avait pas pensée leur retrouvaille ainsi, il savait que son amie était triste.

Cela l’embêtait, intérieurement, de ne pouvoir rien faire d’autre que de lui offrir une épaule réconfortante.

Finalement, toujours en boule, elle coupa les pensées de Sirat. Elle avouait qu’avec l’hippogriffe, elle s’était laissée allée, elle avait baissé sa garde et avait éprouvé des sentiments. Elle ne regrettait rien. Même si cela lui coûtait, aujourd’hui elle se sentait plus sage qu’autrefois.

Sirat resta interdit un instant. Il ne savait pas quoi répondre. Il se redressa et posa ses mains sur les épaules de la jeune femme. T'en qu'on souffre, on devrait pouvoir pleurer... Ça soulage un peu... Veux-tu un rite particulier ou faire quelque chose pour l'inhumer ?

Elle l’observa ses yeux bruns engloutis par les larmes et esquissa un léger sourire. Puis elle reporta son attention sur le rapace mort.

Solennelement, elle se leva et s’extirpa de l’étreinte, Sirat la laissa partir, vers l’hippogriffe vers cet amour étrange et perdu. Il se leva tout en jaugeant les gestes de l’elfe.

Elle lui caressa une dernière fois les plumes de la calotte. Et après une brève hésitation, elle lui arracha, aussi délicatement qui lui était possible de le faire, une plume de son poitrail.

Elle reprit la parole, elle ne voulait pas laisser la dépouille au regard avide d’autre braconnier, mais ne savait pas vraiment quoi en faire.

Sirat se rapprocha.

On peut le brûler.

L'elfe renvoya cette proposition aussi rapidement qu’elle était apparue dans l’esprit de l’humoran. Elle craignait d'attirer l'attention

Je peux l’ensevelir avec mes pouvoirs et recouvrir la sépulture d’une pierre. Ainsi, il retrouvera la terre nourricière.

Cette seconde solution semblait être plus plaisante au deuil de la jeune femme et Sirat se mit en quête de réussir. Il se rapprocha du corps et le jaugea.

Il déposa une main fugace sur le cadavre et murmura.

Désolé l'ami, je n’ai pas été suffisamment rapide

Un sentiment de culpabilité pesait sur lui et ses épaules lui paraissaient plus lourde. Sibelle qui vait entendu balaya cette idée, si il avait rencontré son accolyte celui-ci l'aurais attaqué. Il n'aurait eut aucune pitié pour le zélote.

Sirat eut un sourire convaincu.

Il déposa ses mains sur le sol et pénétra l’humus. Il se focalisa sur le compost et ses entrailles, les minéraux et la vie qui secrètement fourmillait sous leur pied. Il sentait cette forme abondée en lui par ses membres et son cœur se mit à battre au diapason de ce terreau. Ils parlaient le même langage, de vibration et d’essence. Il sentait plus que la chaleur du soleil étreindre son visage, il n’entendait plus rien hormis le chant de la glèbe qu’il comprenait maintenant. Il lui suffisait changer la partition, ce qu’il fit aisément.

Le sol sous la dépouille changea de forme et de composition, doucement, il se transforma en silice fluide et incapable de retenir le poids de ce corps mort. Celui-ci s’enfonça paisiblement dans les entrailles de la terre jusqu’à disparaître sous le sable.

Sirat se releva, essuya la sueur qui coulait sur son front. Puis toujours en transe se mit à chercher une pierre de bonne facture. En montagne, cela ne manquait pas et ce jardin d’Eden, fourmillait de roc de différente taille. Il s’approcha d’une, le regard vide et avec ses gestes précis la pierre se découpa pour former une plaque, un bloc rectangulaire.

Il souffla en revenant à lui, il avait chaud et ressentait maintenant une certaine fatigue. Il s’étira les muscles qui semblait encore endormi de leur état d’hypnose. Il devait fournir un dernier effort. Utilisant toute sa force, il souleva le bloc et le tira, labourant le champ, jusqu’à la tombe qu’il venait de créer et il l'y déposa avec le plus de délicatesse possible que lui permettait le poids de la pierre tombale.

Il s’écarta alors laissant Sibelle seule, dire une dernière fois au revoir à son ami ou amant il ne comprenait pas forcément la situation qui les unissait. Comment pouvait-elle se transformer en oiseau-cheval ? Tout cela était étrange pour lui et si soudain qu'il commençait a y reflechir tout en repartant en arrière. Il récupéra son casque.

Il arriva près des chevaux, attrapa une gourde et bu plusieurs gorgées pour satisfaire une gorge déshydratée par l’effort.

Il observait l’elfe qui était parti chercher quelques affaires dans son sac, tout en cogitant sur la curieuse situation.

Tu veux à boire ? lui demanda-t-il
Modifié en dernier par Sirat le ven. 6 nov. 2020 12:30, modifié 1 fois.
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Sibelle
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Sibelle » mar. 3 nov. 2020 04:21

Sibelle rangea la plume retirée non pas dans son sac, mais sous sa tunique contre son cœur.
À son questionnement, Sirat lui suggéra le feu.

« Non, pas le feu. Je crains qu’un feu de cette dimension attire des indésirables. »

Il proposa alors d’utiliser ses pouvoirs pour ensevelir l’hippogriffe et ensuite le recouvrir d’une pierre. Ce fut cette fois d’un hochement de tête que Sibelle donna son accord.

Sirat s’approcha vers le corps de l’animal décédé et lui murmura des excuses. Il n’avait pas été assez rapide pour lui sauver la vie. La guerrière rejoignit son compagnon et tenta de le déculpabiliser.

« Tu n’as pas à être désolé, s’il avait été devant toi sans blessure, il t’aurait affronté sans pitié. »

À la réponse de la belle, Sirat sourit puis s’accroupit au sol et y apposa sa main. Attentive, Sibelle le regarda faire en silence afin de ne pas le déranger. Puis, après quelques secondes, le corps de l’hippogriffe s’enfouit graduellement et doucement dans le sol jusqu’à disparaitre totalement. Sibelle qui avait gardé son souffle pendant toute l’opération, lâcha un soupir de soulagement.

« Merci. » Dit-elle simplement.

Or Sirat, le front en sueur, se releva. Il regarda ici et là, et s’approcha d’une roche de dimension assez importante et sous le regard ahuri de Sibelle, il le découpa par magie jusqu’à obtenir une forme rectangulaire. Malgré une fatigue apparente, il souleva le bloc de pierre et alla le déposer sur le sol, à l’endroit même où se trouvait l’hippogriffe avant d’y être enseveli.

Sibelle jeta un dernier regard à la pierre, puis s’en détourna. Elle fouilla dans son sac et y trouva une espèce de petite pierre à l’odeur enivrante et sucrée. Sans y réfléchir, elle le porta à sa bouche et le suça. Elle sentit aussitôt un bien-être surprenant. Elle le retira de sa bouche, l’enveloppa d’un petit bout de tissu et le remit dans son sac.

Elle rejoint Sirat et les chevaux. Ce dernier venait de s’abreuver après le rude effort qu’il venait de fournir. Tendant sa gourde à Sibelle, il lui offrit à boire.

« Oui, j’ai besoin d’un peu d’eau. » Dit-elle tout en prenant la gourde qui lui était tendue.

Elle reprit une grosse gorgée puis la remit à Sirat.

« Je ne sais pas quels sont tes projets, mais j’aimerais bien t’accompagner. Faire un petit bout de chemin. Comme tu le disais souvent…c’est le destin qui est intervenu, notre rencontre n’est pas le fruit du hasard…nous avons beaucoup de choses à nous expliquer, je crois. »

Après avoir jeté un dernier coup d’œil à la plaque rectangulaire, elle planta son regard dans les yeux de l’humoran et poursuivit sur le même ton calme et assuré.

« Tout d’abord l’hippogriffe. Je venais de le quitter ce matin. Cela faisait quelques jours qu’il me faisait la cour : paradant devant moi, m’offrant du gibier en cadeau, faisant des cabrioles de haute voltige. Je savais bien que tôt ou tard, il chercherait à s’accoupler…ce que je voulais éviter à tout prix, bien entendu. Je me transforme en hippogriffe, mais je n’en suis pas vraiment une…je suis une elfe avant tout.»

Elle baissa le regard, comme si elle scrutait le sol, même si ce n’était pas le cas, puis reprit.

« Ma première transformation en hippogriffe est survenue le matin après ton départ… Nous nous étions réfugiés dans la grotte pour la nuit moi et Xël. Il y avait là un énorme orbe magique… je pense que c’est cet orbe qui m’a donné ce pouvoir de transformation. Cette nuit-là, j’avais rêvé que je volais au-dessus de la grotte à ta recherche. Après Aliaénon, je suis allée en Naora pour une autre mission. Puis sur le chemin du retour, j’ai rêvé encore… ce qui est plutôt rare chez mon espèce… J’ai rêvé que je volais au-dessus du massif des jumeaux et que je te cherchais. J’ai donc décidé de venir ici… ma venue n’est donc pas le fruit du hasard. »

Elle jaugea l’humoran qui avait gardé tout son charme malgré sa chevelure grisonnante.

« Et qu’en est-il pour toi ?»
Modifié en dernier par Sibelle le ven. 20 nov. 2020 03:24, modifié 1 fois.

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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Sirat » ven. 6 nov. 2020 12:33

Sibelle s’approcha et accepta la gourde tendue par l’humoran. Elle se désaltéra. Son cheveu feu ondulait sous l’effet de la brise leur donnant encore plus l’aspect de flamme.

Elle exprima le souhait de l’accompagner, elle avança l’argument du destin qui les avait réunis. Sirat haussa les sourcils. Elle se retourna et jeta un regard sur la pierre tombale, puis elle revint calmement au Zélote. Cela faisait quelques jours qu’elle côtoyait l’hippogriffe, elle l’avait quitté ce matin. Elle avait bien remarqué qu’il lui faisait la cour et que tôt ou tard, il allait chercher à s’accoupler. Mais elle s’y refusait, c’est pour cela qu’elle était sur le point de le quitter, elle était une elfe. L’humoran écoutait attentif.

Sa première transformation s’était passée en Aliaénon, le matin qui suivait sa disparition. Sirat baissa les yeux. Mais il les releva quand il entendit le nom de Xel. Ce nom semblait surgir des tréfonds de ses souvenirs. Le magicien et elle avait séjourné dans une grotte ou gisait un orbe magique, elle rendait responsable cet orbe de sa transformation. Comme beaucoup de chose en Aliaénon, la magie restait inexplicable pensa-t-il. Puis elle avait rêve à plusieurs reprises qu’elle volait à sa recherche. Elle avait vue en rêve les monts jumeaux, c’est pour cela qu’elle était venue jusqu’ici.

Elle était donc persuadée que s’était écris. L’entendre de la bouche de son ancienne partenaire, qui réfutait tant les prédications du zélote, le laissait perplexe. Mais de tel arguments était irréfutable pour le fanatique. Il fronça les sourcils quand elle lui demanda ce qu’il était arrivé. Elle avait répondu à beaucoup de question, même si d'autres venait déjà s'emparer de son esprit.

Il se retourna vers les chevaux.

Je vais à Cuilnen.

Il avait dit cela presque par hasard, car c’était le premier nom qui lui était venu.

Il lui tendit les rênes d’une des montures.

Ta compagnie sera la bienvenue.

Lui fit il avec un sourire qui égailla son visage scarifié.

Il monta sur un son canasson. Sibelle lui demanda si il voulait user de la voie des airs, l'idée semblait étrange pour l'humoran. Il ne se voyait pas grimper sur sa camarade. Il répondit par la négative puis enchaîna sur la réponse qui intéressait l'elfe. Sans rien dire, la jeune femme monta un cheval à son tour et s'engagea à la suite du zélote.

Je suis tombé dans un piège, commença-t-il gravement.

J’ai quitté Aliaénon par le fluide d’Escalroth mué par une idée une impression que je n’étais plus à ma place sur ces terres.

Il attrapa la bride du dernier cheval laissé sans maître et l’attacha à sa selle.

Une fois sorti du fluide, je fus attaqué, séquestré et torturé pendant longtemps…

Il laissa un silence lourd s’installer.

Je ne sais pas combien de temps cela à durer. J’avais abandonné la vie, j’étais près à mourir, dés l’instant que tout cela s’arrêtait.

Sa voix semblait se briser à mesure qu’il repensait a ses sévices. Un tremblement presque imperceptible lui parcouru l’échine.

Mais je me trompais, mon heure n’était point encore là. Des Garzok des Plaines Damnées sont venues et m’ont récupéré à mes ravisseurs. Je suis resté en convalescence chez eux pendant plusieurs jours, semaines, avant de pouvoir reprendre le cours de ma vie.

Il affichait un léger sourire de parade. Il ne s'était pas attardé sur tous les détails, il n'en avait pas forcément envie.

Voilà, tu sais tout. C'est une bien courte et bien triste histoire que la mienne. Avez vous retrouvé le sans-visage?
Modifié en dernier par Sirat le mer. 11 nov. 2020 13:02, modifié 2 fois.
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Sibelle » sam. 7 nov. 2020 22:21

Sirat ne répondit pas immédiatement à Sibelle se tournant plutôt vers les chevaux. Puis sans la regarder, il affirma se rendre à Cuilnen... Sans un mot de plus. Sibelle, demeura silencieuse, attendant la suite. S’il voulait y aller seul, elle n’insisterait pas. Trop orgueilleuse, elle prendrait sa forme de volatile et s’en irait pour ne jamais plus le revoir. Puis, il se tourna vers elle, lui tendant les rênes d’une des trois montures, il lui offrit un sourire qui le rajeunit quelque peu tout en affirmant qu’il apprécierait sa compagnie.

Soulagée, elle lui sourit à son tour et prit les rênes. Son compagnon était déjà en selle, alors qu’elle était toujours là, à côté de cette splendide monture à la robe d’un brun doré.

« Et si on laissait ces chevaux et qu’on prenait la voie des airs ? Sous la forme de l’hippogriffe, je peux te supporter facilement sur mon dos. »

L’humoran déclina l’offre. Il ne voulait pas laisser les chevaux ainsi dans les bois. Et puis, il préférait pouvoir discuter avec elle en chemin. Ce qui s’avérait impossible si elle adoptait sa forme d’hippogriffe.

Sibelle prit donc place sur la monture et ils se mirent en route, les deux chevaux trottant l’un à côté de l’autre. Le troisième, un étalon noir de plus petite taille, suivait derrière, sa bride attachée à la selle de l’humoran.
Modifié en dernier par Sibelle le ven. 20 nov. 2020 03:18, modifié 2 fois.

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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Sirat » mer. 11 nov. 2020 16:38

Sibelle tarda à répondre, comme si elle cherchait en elle la meilleure façon de le faire. Les chevaux avançaient au trot, et balançaient leur cavalier sur un rythme saccadé.

Ils avaient retrouvé le sans visage, pacifiste dans un premier temps s’était au réveil de Simaya que tout s’était gâté. Les yeux de l’humoran se plissèrent quand il entendit le nom de la magicienne. Sa mémoire avait enfoui jusqu’à son visage. Elle avait attaqué le sans-visage et Xel était intervenu pour éviter le pire. Cependant quand ils finirent par tomber sur Naral Sham, Sirat ne put réprimer un rictus de colère qui déforma son visage quand il entendit le nom du dragon, le sans visage créa un chaos terrible, détruisant la tour d’or. C’était le dragon mauve qui avait permis à beaucoup de s’en sortir en fuyant à travers les fluides.

Sirat haussa les épaules, finalement ce monde retrouvait son ordre initial. Sibelle en profita pour le remercier de l’avoir sauvé. Il l’observa un peu étonner. Elle reprit en lui demandant des précisions sur son rapt.

Le visage de Sirat s’assombrit. Il n’avait pas spécialement envie de s’épandre sur cet épisode de sa vie.

Je ne t’ai pas sauvé, tu t’en serais sorti sans moi. Il regarda derrière eux, ils ne voyaient déjà plus le cadavre pendu a sa branche.

Ces deux-là étaient des faibles. Fit-il avec une grimace de dédains. Tu ne me dois aucun remerciement. Tu aurais fait la même chose de ton côté.

Il évita de reprendre sur le sujet de sa mésaventure.

J’avais évoqué Cuilnen par hasard, mais te souviens tu de notre rencontre là-bas ? il esquissa sourire en se remémorant ce combat Tu cherchais ce gobelin, ce voleur de Fenouille et tu m’as défié, par chance j’ai été vainqueur.

Il jaugea son amie.

Pas sûr que le résultat serait le même aujourd’hui avec tes nouveaux dons.

Il prit un instant. Le ciel était ce même ciel de montagnes dégagée et clair, il faisait chaud au soleil, mais si on s’attardait sous l’ombre des arbres la brise fraîche vous saisissait.

C’est comment le Naora ? Je n’y suis jamais allé…
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