Le Massif des Jumeaux

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Sibelle
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Sibelle » sam. 14 nov. 2020 04:06

Sibelle avait accepté leur destination sans demander les raisons qui justifiaient ce long déplacement. Silencieuse et songeuse, elle écoutait Sirat raconter ce qui lui était arrivé depuis son départ d’Aliaénon. Il avait été attiré dans un piège en quittant Aliaénon par l’intermédiaire d’un fluide. Dès la sortie de celui-ci, il fut victime d’un attaque, suite à quoi il fut gardé en captivité puis torturé. Il ne pouvait définir le temps exact que tout cela dura, mais suffisamment longtemps pour qu’il perde tout espoir et espère la liberté par la mort. Sibelle nota une légère vibration dans la voix du colosse. Ce moment fut très pénible pour lui. Connaissant la témérité, le courage et la résistance de l’humoran, Sibelle savait qu’il avait survécu aux pires sévices alors que beaucoup en seraient morts. Il s’arrêta de parler un court moment et l’hinionne respecta ce silence. Il raconta ensuite comment il s’en était finalement sorti. Des garzoks l’avaient enlevé à ses ravisseurs et l’avaient soigné. Sa convalescence avait duré plusieurs semaines. Il conclut en affirmant que son histoire était triste et courte et s’informa aussitôt sur le sans-visage.

Sibelle ne répondit pas aussitôt. Elle avait quelques questions à lui poser et puis elle était consciente de leur point de vue différent au sujet du sans-visage.

Cependant, fidèle à elle-même, elle allait lui dire la vérité, même si ça risquait de contrarier l’humoran.

« Nous avons fini par le trouver. Celui-ci s’est d’abord montré aimable et semblait prêt à nous aider. Et puis lorsque Simaya s’est réveillée et qu’elle voulait entrer dans la tour noire, il l’a attaqué. Xel au risque de sa vie a changé l’orientation de la tour qui allait s’effondrer sur les aventuriers. Nous avons retrouvé le dragon mauve et il s’est rendu sans opposition. Lorsque fut arrivé le jour de son procès, le sans-visage a causé le chaos, en détruisant la tour d’Or. Tous les gens se sont enfuis comme ils pouvaient. Naral en a sauvé plusieurs en leur permettant de passer à travers le fluide. »

Elle s’arrêta un moment, les sourcils froncés, comme si elle venait prendre conscience d’un fait important.

« En parlant de sauver les gens. Tu m’as sauvé d’une mort certaine. Je t’en remercie et je t’en suis redevable. » Dit-elle de sa voix fière et sincère de guerrière. La femme vulnérable avait cédé la place à la combattante.

Au bout d’un moment elle reprit.

« Tu m’as parlé d’un piège… qui te l’avait tendu ? Et pour quels motifs ? »

Sirat refusa les remerciements de la guerrière. Il affirma qu’elle s’en serait sortie sans lui. Il jeta un regard vers l’arrière et Sibelle l’imita. Mais ils étaient déjà trop loin, il leur était désormais impossible de distinguer le cadavre pendu à un arbre. Il considérait ses bandits comme des faibles conclut-il avec une moue dédaigneuse. Il estimait qu’elle aurait fait la même chose pour lui. Sibelle acquiesça d’un signe de tête. Sirat avait raison. Motivée par sa colère, elle aurait déchiqueté ces brigands.

Sirat éluda habilement la question de Sibelle. Bien qu’elle s’en rendit compte, elle décida de ne pas réagir pour le moment.

Il lui parla ensuite de leur destination : Cuilnen. Contrairement à ce que Sibelle avait cru, il l’avait choisi au hasard. Il lui remémora ensuite leur rencontre dans l’auberge lui demanda si elle s’en souvenait. Elle se contenta d’un signe affirmatif de la tête. Leur rencontre, elle y avait songé lors de son vol entre le Naora et Nirtim, mais elle ne lui avoua pas. Il lui parla de Fenouil et du combat qui s’en était suivi et de la chance qu’il avait eu de la vaincre.

(De la chance…)

A ces mots de l’humoran, Sibelle leva un sourcil en signe d’incrédulité. Que cherchait-il à faire ? L'amadouer ? En bonne guerrière, Sibelle était consciente de ses forces, mais également de ses faiblesses. Il ne faisait aucun doute dans son esprit à ce sujet : Sirat était un meilleur combattant qu’elle… en fait, l’était… Elle le détailla un peu plus sans s’en cacher. Ses cheveux avaient perdus leur flamboyance, des rides avaient creusé son visage désormais cicatrisé. Mais la même lueur brillait dans ses yeux. Il poussa l’audace de son mensonge au point d’en rajouter une couche affirmant que si le combat avait lieu aujourd’hui, ses nouveaux dons la mèneraient à la victoire.

« Ha, ha, ha»
Cette fois, l’hinionne ne put réprimer un rire sincère avant de rétorquer.

« Le résultat serait probablement le même. J’ai un nouveau don et il est probable qu’il en est de même pour toi. »

Elle plissa les yeux à la dernière question de l’humoran :

« Le Naora est très joli. Il en est autrement de ses habitants… Je ne parle pas ici de leur physique, mais bien de leur état d’esprit. Les elfes gris y vivent, ainsi que les Earions et une espèce voisine des nains. Mais ce sont les premiers qui dominent, et une bonne majorité de ceux-ci sont prétentieux et condescendants, méprisant les autres races. »


Elle laissa quelques minutes s’écouler puis elle rompit le silence d’une voix assurée, sans agressivité, presque douce :

« J’ai répondu à tes questions. J’aimerais que tu répondes à la mienne. ... Tu m’as parlé d’un piège… Qui te l’avait tendu ? Et pour quels motifs ? »
Modifié en dernier par Sibelle le dim. 22 nov. 2020 17:05, modifié 2 fois.

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Sirat
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Sirat » jeu. 19 nov. 2020 11:12

Sibelle laissa échapper un rire cristallin. Pour elle le résultat d'un combat entre elle et l'humoran restait le même que lors de leur première rencontre. Son visage s'était éclairé et une lumière douce brillait sur elle. Sirat lui rendit un sourire. Il ne l'avais jamais réellement vu rire et l'exprimer aussi sincèrement.

Elle plissa les yeux et lui parla du Naora. Les chevaux avançaient aisément, il semblait qu'ils devaient être habitué à la montagne et leur sabot trouvait à chaque fois le meilleur chemin sans que les deux cavaliers ne soient obligés de jouer avec les rênes.

Elle avait trouvé l'île magnifique, mais avait une certaine amertume vis-à-vis des elfes gris qui dominaient les autres races avec condescendance et mépris.

Elle revint plus délicatement sur le sujet que Sirat avait éludé. Sa voix s'était apaisé et se voulu rassurante. Sirat la jaugea un instant. Il ne connaissait pas cet aspect d'elle. Il la savait belle et fatale mais il n'avait connue que la guerrière.

Il baissa légèrement sa garde.

Puisque tu insistes et que tu le fais avec tant de douceur, comment puis je resister lui répondit-il.

Il se gratta la joue et reporta son attention sur l'horizon.

Bien que sa remarque se voulait cocasse, son visage affichait une certaine amertume et sa mâchoire se crispait.

Deux elfes, deux jumeaux... Khynt avec mes échecs m'a vendu et ils m'ont tendu un piège à la sortie du fluide. Je ne savais pas pourquoi pendant longtemps. Ils m'ont mis à genoux, je n'était plus le fier guerrier que tu connaissais. Il murmura juste pour lui Le suis je encore ?


Il baissa la tête.


Les jours, les nuits, je ne savais plus, le temps s'écoulait et moi, j'en étais absent enfermé sans même savoir pourquoi, torturé sans en connaître la raison. j'ai supplié au plus profond de mon âme pour que cela s'arrête.


Sa voix se fit tremblotante.


Mais cela continuait. Un jour, ils m'ont avoué la raison, j'avais tué leur frère. Lui-même par le passé m'avait aussi kidnappé et pour m'enfuir, j'avais tué leur semblable. Les motifs ne sont que de vils excuses, il n'y a rien que le fait de vivre qui m'était reproché.


Il cracha par terre.

C'est des garzok qui sont venu me sauver. Son regard était noir de colère.

Tu entends ? Il la regarda impérieusement. Ces peaux vertes que tout le monde blâme, ce sont eux qui m'on extirper de là et qui m'ont rapiécer.

La jeune femme pris alors la parole, elle avait une vision bien à elle des races. Elle avait cent quatre-vingts ans et avec ces années elle s'était forgé une petite expérience, même pour une elfe. Elle ne considérait pas une race comme supérieur. Elle évoqua ensuite Fenouil et un autre gobelin qu'elle avait rencontré et avec qui elle avait vécu une aventure qui prouvait que la violence et la bêtise n'était pas l'apanage des races à la peau verte.

Sirat serra son poing.

Je jure que je vais retrouver ses deux bâtards et qu'ils subiront ma vengeance.


Un silence lourd s'installa puis ses muscles s'assouplir d'eux même et l'orage de haine qui traversait sa figure se dissipa. Deux heures passèrent sans qu'ils n'échangent entre eux. L'humoran rompit finalement le calme.

Pour aller à Cuilnen il nous faudra du temps, on peut bivouaquer mais il nous faudra trouver de points relais pour se ravitailler. Je comptais aller sur Mertar pour rafistoler mon armure tu connais un autre endroit ?
Modifié en dernier par Sirat le mer. 25 nov. 2020 08:22, modifié 1 fois.
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Sibelle
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Sibelle » dim. 22 nov. 2020 18:47

Cette fois-ci Sirat accepta de se confier à sa compagne de route.

Pendant qu’il rassemblait ses idées, son expression se modifia et affichait un certain ressentiment mêlé de tristesse. Sibelle comprenait comment il pouvait être difficile de ressasser ainsi le passé. Elle demeura muette. Patiente, elle attendit que Sirat fût prêt. Insatisfait des actions de Sirat, un dénommé Khynt l’avait vendu à deux elfes jumeaux. Ces derniers voulaient se venger de la mort de leur frère tué par la main de l’humoran. Mais ça, il ne le sut que bien plus tard.

Avec peine et entrecoupé de silence, Sirat raconta que ces deux elfes lui avaient tendu un piège dès la sortie du fluide magique. Ils l’avaient séquestré dans un endroit humide et sombre, puis l’avaient torturé pendant un temps indéfinissable, sûrement des semaines entières. Ils l’avaient brisé au point qu’il ne savait plus s’il était encore le fier guerrier d’autrefois. Sibelle qui l’avait vu se battre contre les brigands avait perçu cette énergie combattante en lui. Elle savait qu’il était le même qu’avant, et même peut-être davantage. Elle garda par contre ces réflexions pour elle et écouta attentivement la suite.

Torturé sans en connaître la cause, il devint si faible qu’il en était venu à souhaiter la mort. Puis contre toute espérance, des garzoks étaient venus le libérer. Ces êtres verts dépourvus de pitié, ces créatures réputées sanguinaires lui avaient sauvé la vie. Il termina en jurant qu’il allait retrouver ces jumeaux et assouvir sa vengeance.

Le silence s’installa et Sibelle ne fit rien pour le rompre. Elle savait que faire ressurgir ainsi ces éprouvants souvenirs avait miné son état d’esprit. Elle attendit donc de le voir en posture plus détendu avant de lui répondre.

« Merci d’avoir répondu à mes questions. »

Elle laissa passer quelques minutes, puis décida de parler un peu plus d’elle à son compagnon. Ils avaient partagé nombre d’aventures, mais n’avaient jamais eu l’occasion de se connaître davantage.

« Par mon éducation, et après avoir combattu de nombreuses années auprès de guerriers de tout acabit et d’ethnies différentes, je n’ai pas le même point du vue commun pour ce qui est des races. Les expériences passées nous forgent et changent notre perception des choses. Tu n’es pas sans savoir que la durée de vie des elfes est supérieure à celle des humains ou bien des humorans. Même si j’ai l’apparence et la physionomie d’une humaine dans la jeune trentaine, j’ai 180 ans. Ce qui n’est pas beaucoup pour un elfe. Nous pouvons vivre des milliers d’années. Je ne te raconterai pas l’enfance malheureuse que j’aie eu, car cela n’a pas été le cas. J’ai joui de la meilleure enfance qui soit. Mon père est guérisseur et ma mère guerrière. Tous les deux elfes blancs, ils ne se sont jamais considérés comme race supérieure. Toutes les races sont égales pour eux. Et c’est pareil pour moi. À l’exception des gobelins. »

Elle s’arrêta un bref moment, affichant un petit rictus à la pensée de Fenouil et le plaisir qu’elle éprouvait à lui faire peur. Puis elle pensa à Zniitch

« Mon animosité envers Fenouil, origine un peu de la jalousie. Mais pendant une mission dans les duchés d’Amarante, plus précisément près d’un petit village nommé Alkil, j’ai mené une enquête en équipe avec un gobelin nommé Zniitch, nous devions retrouver des gobelins qui avaient volé les réserves de nourriture des villageois humains, pour découvrir finalement que les gobelins étaient innocents, et pire encore, ils étaient amaigris et exploités en vue de ressortir du minerai d’une mine non loin de là…. Donc, même sous mes allures fières, car oui, je suis fière d’être ce que je suis, je n’ai pas de préjugés contre les garzok. »

Une fois de plus, elle se tut. Pendant de bonnes heures, ils ne dirent mot. Seul le bruit du vent dans les feuilles, les bruits des sabots sur la terre battue, le renâclement ponctuel des chevaux rompaient le silence.

Lorsque Sirat reprit la parole, l’heure n’était plus aux confidences, il estimait qu’ils devraient bientôt trouver un point de relais afin de renouveler leur réserve de nourriture. Il pensait faire un arrêt à Mertar. Cependant, le village nain était encore loin. Il demanda donc à la guerrière, si elle connaissait un endroit. Ce à quoi elle répondit par la négative.
Modifié en dernier par Sibelle le ven. 27 nov. 2020 01:39, modifié 1 fois.

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Sirat
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Sirat » mer. 25 nov. 2020 09:08

La guerrière ne connaissait pas d'endroit ou se ravitailler. Ils allaient devoir bivouaquer, le froid redoublait à mesure que les heures de la journée défilaient. Les chevaux portaient des sacoches contenant encore des vivres, le premier soir, c'est ce qu'ils mangèrent. Sirat savait chasser, mais il n'avait pas le talent d'un chasseur dont ce fut le métier. La montagne était loin d'être son élément et en altitude le gibier est plus rare et plus coriace, habitué aux ardeurs du temps et de la vie.
Les discussions avaient passé le temps des confidences et se résumaient à des faits de journées. Sibelle était plus accessible, plus délicate. Il s'étonnait parfois de la voir sourire.
Elle avait changé, elle n'en était pas moins fidèle à son souvenir, mais une beauté imperceptible était venue accroître la belle guerrière qu'elle était déjà.
La nuit tombée, ils se cachaient près d'une alcôve naturelle fait de rocher enlacer de racines de conifères centenaires. À l'abri du vent, ils mangeaient leur dernière ration, sans laisser sur eux s'abattre l'angoisse ou la peur de manquer.


Ils savaient bien que cela n'arriverait pas, Sibelle pouvait se transformer en hippogriffe et ramener une proie. Elle fit s'éloignant, mué par un besoin impressible d'être seul et libre. Il la laissa, il resta seul près du feu de camp. Ils trouvaient toujours de quoi se nourrir ou une solution, être ensemble sans aucune guerre ou conflit leur suffisait à profiter d'un bonheur simple de cette transhumance dans les montagnes des monts jumeaux.

Au troisième jour, alors qu'ils avançaient en remontant vers le nord et Mertar, ils furent surpris par un troupeau de huit chèvres sur leur route. Un vieil homme, à la barbe aux cheveux blancs les observait, prudent, accoudé sur une vieille canne en bois. Il était sec et saillant, suffisamment pour que l'on ne puisse déterminer son âge, il les jaugeait avec ses yeux bleu pétillant, recouvert de ses vêtements en fourrure animale.

Sibelle et Sirat ne firent pas de geste brusque et après un bref regard entendu entre eux, ils s'approchèrent amicalement. Le vieux les épiait sans bouger, ses chèvres autour de lui.

Sirat décida de prendre la parole pour couper à tout malentendu.

Monsieur, désolé de vous importuner. Mais mon amie et moi cherchons un endroit pour nous ravitailler, connaissez vous un endroit ou nos chevaux pourront recevoir des soins et nous racheter de quoi terminer notre périple vers Cuilnen.

Le ton était doux presque aimable.

Le vieil homme scruta l'humoran de la tête au pied, puis d'une voix pleine d'aplombe répondit calmement.

Vous dérivez trop vers l'est, vous ne trouverez rien si vous continuez ainsi et une tempête arrive. Mertar est à plusieurs jours. À l'ouest, Il indiqua une direction de son doigt tordu, avant Luminion vous avez un ermitage, ils ne sont pas très accueillant mais bon. Il se racla la gorge. Dix minutes de marche après vous avez, Luminion c'est moins discret, mais vous trouverez sûrement ce dont vous avez besoin. Quoique vous fassiez, hâter vous.

Avec la vélocité d'un homme plus jeune, il grimpa la bordure de route en sifflant ses chèvres qui tout en sautillant le suivirent.

Sirat jeta un regard interrogateur à Sibelle, mais tout deux savaient quoi faire. Ils tirèrent sur les rênes de leurs chevaux et prirent la direction indiquer. Les premiers flocons commençaient à tomber annonçant la prophétie du berger.
Modifié en dernier par Sirat le mer. 2 déc. 2020 10:13, modifié 1 fois.
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Sibelle
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Sibelle » sam. 28 nov. 2020 02:06

Ils poursuivirent leur marche alors que le soleil déclinait et que le vent se levait. Aucun nuage dans le ciel étoilé n’emprisonnait la chaleur qui s’échappait dans la voûte céleste. Ils s’arrêtèrent donc pour la nuit, se préservant du vent en s’isolant dans un renfoncement de rocher. Sibelle n’avait aucune réserve de nourriture dans ses sacs. Les jours précédents, c’était sous sa forme d’hippogriffe qu’elle avait chassé pour se nourrir. Ils fouillèrent donc les sacoches portées par les chevaux et trouvèrent de quoi les sustenter pour la première journée. Sibelle n’était pourtant pas inquiète, sachant qu’elle réussirait à chasser pour elle et pour son compagnon sous sa forme ailée si cela s’avérait nécessaire.

Les jours passèrent ainsi à avancer à un rythme régulier, entrecoupé de pauses afin de ne pas épuiser leur monture pendant le jour et se réfugier contre une crevasse à l’abri du vent la nuit.

Au bout de la deuxième journée, alors qu’ils venaient d’attacher les rênes de leurs chevaux, Sibelle songeuse s’éloigna de quelques pas. Depuis la fin de l’après-midi, son humeur s’était assombrie et elle en connaissait la cause…la liberté ressentie en vol lui manquait. Demeurant silencieuse, sans prévenir, elle se mit à courir. Au fur à mesure de sa transformation ses pas elfiques devinrent plus pesants certes, mais surtout plus puissants. Redevenue hippogriffe, elle ouvrit ses ailes et s’envola. Un immense sentiment de bien-être l’envahit et sa bonne humeur revint rapidement. Elle effectua quelques rotations sur elle-même, quelques montées à la verticale. Puis alors qu’elle s’apprêtait à revenir à leur campement, elle aperçut quelques lièvres broutant l’herbe. Elle replia légèrement ses ailes et amorça un vol plané descendant. Plus elle se rapprochait de sa cible, plus sa vitesse augmentait. Mais une nuée d’oiseaux la trahit en s’envolant. Les lièvres alors prévenus de la présence de l’hippogriffe prirent la fuite. Bien que la vitesse de pointe de ces mammifères herbivores s’avérait assez importante, elle était insuffisante pour échapper à l’hippogriffe qui fondit en piqué sur le retardataire du groupe. Sibelle en agrippa un fermement dans ses serres et reprit de l’altitude tout en l’étranglant. Elle redescendit à leur campement et le déposa non loin de leur feu, avant de reprendre sa forme elfique. Cette petite chasse improvisée leur fournit de quoi manger deux journées.

La troisième journée alors qu’ils remontaient vers le nord en direction de Mertar, ils virent au loin un vieil homme à la barbe blanche. Assis sur un rocher de bonne dimension, ses chèvres broutant calmement l’herbe autour de lui, il observait avec méfiance Sibelle et Sirat s’approcher. Sirat jeta un coup d’œil à Sibelle qui comprit ses intentions et acquiesça d’un signe de tête. Sans faire de geste brusque, ils dévièrent la trajectoire de leur monture vers l' éleveur de chèvre à l’épaisse chevelure blanche, maigre sous son épais vêtement de fourrure.

Sirat prit la parole d’une voix polie et non forte afin de ne pas apeurer l’homme seul. Peur qui aurait été légitime face à un humoran. Tout en s’excusant de le déranger, il l’informa de sa recherche d’un endroit qui offrirait gîtes et couverts, ainsi qu’un espace pour les chevaux.

Avec tout l’aplomb d’un vieil homme qui en a vu d’autres, il scruta Sirat de la tête au pied avant de répondre :

« Vous dérivez trop vers l'est, vous ne trouverez rien si vous continuez ainsi et une tempête arrive. Mertar est à plusieurs jours. À l'ouest,… » dit-il tout en indiquant l’endroit de son index déformé par l’arthrite. « … avant Luminion vous avez un ermitage, ils ne sont pas très accueillants, mais bon... Dix minutes de marche après, vous avez Luminion. C'est moins discret, mais vous trouverez sûrement ce dont vous avez besoin. Quoi que vous fassiez, hâtez-vous. »

Cela dit, avec une souplesse surprenante pour un homme de son âge, il sauta la bordure de la route tout en appelant ses chèvres qui le suivirent à travers champ. Sibelle regarda le vieil homme s’éloigner , sa canne et ses huit chèvres avant de reporter son regard sur Sirat.

Le vent se levait annonçant la tempête. Ils devaient chercher un endroit où se réfugier pour la nuit. Sans hésiter, ils se dirigèrent vers l’ermitage indiqué par le vieil homme aux vifs yeux bleus.
Modifié en dernier par Sibelle le mar. 19 janv. 2021 23:02, modifié 1 fois.

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Hatsu Ôkami
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Hatsu Ôkami » mer. 23 déc. 2020 11:29

Chasseurs sauvages


SI Hatsu voulait être honnête, elle devait avouer qu'elle détestait les montagnes. Un paysage vide, empli de roche. Un terrain loin d'être stable, un froid mordant couplé à un vent glacial qui parfois lui faisait rêver de posséder une fourrure plutôt qu'une peau blanche que son peuple considérait comme un canon de beauté pour toute femme respectable. Deux jours qu'elle marchait et elle n'avait absolument rien vu d'autres que des pierres, de la neige et parfois quelques arbres rachitiques et éparses qu'on ne pouvait même pas qualifier de petit bosquet. A la réflexion, le côté kendran des montagnes semblait bien plus vivant. Elle se reprit. Elle détestait juste les montagnes du côté d'Omyre, pas toutes les montagnes. Tous ces éléments et le fait qu'elle n'avait rien d'autre à se mettre sous la dent que des rations au goût de cuir et dures comme le bois commençaient sérieusement à jouer avec ses nerfs.

- Si au moins j'avais un truc à me mettre dans l'estomac...

Mais les animaux étaient rares, très rares et le seul être digne d'intérêt fut un gakai qu'elle croisa alors qu'il fonçait à vive allure, comme s'il avait Thimoros aux trousses. La jeune femme avait passé un moment à scruter son environnement tout en avançant prudemment, mais elle ne vit rien et reprit une marche plus rapide et assurée, jetant tout de même des coups d’œils autour d'elle à intervalles réguliers. Ce n'était pas le moment de prendre des risques et de se laisser aller. Elle était toujours en territoire hostile et la moindre erreur pouvait être dramatique voire fatale. Cela jouait avec ses nerfs et les nuits étaient courte et anxiogènes. Du moins jusqu'à ce que les monts sanglants laissent place à la magnificence du massif des jumeaux. Difficile de dire comment Hatsu se rendit compte qu'elle avait quitté les terres d'Omyre. Était-ce la présence d'une vie moins éparse, d'un sentiment de calme, du son des oiseaux ou de la présence presque soudaine d'arbres plus vaillants que leurs équivalent des Monts Sanglants ? Toujours était-il qu'elle en était plus qu'heureuse et qu'elle se sentit plus légère, bifurquant aussitôt vers l'ouest, là où elle savait qu'elle trouverait le défilé Aisunidoru.

Son pas se fit moins vif, plus tranquille, peut-être à tort, mais la jeune femme se sentait moins en danger immédiat qu'elle ne l'était jusque là. Elle s'arrêta près d'un ruisseau et décida de reposer ses jambes en mangeant, pour une fois. Certes les rations n'étaient toujours pas de premier choix, mais sans le contexte difficile du climat et du paysage Omyrien, elle ne s'en plaignit pas tant qu'à l'accoutumée. Elle remplit sa gourde de la froide eau claire et reprit finalement sa marche pendant quelques heures, ses yeux captant ici un couple d'oiseaux, là de petits animaux gambadant parmi les quelques touffes de plantes résistantes au froid. L'idée de chasser la démangeait, surtout avec Loup qui semblait attendre que la chasseuse se décide enfin, mais aucune proie de taille convenable n'était présente dans les parages, aussi la jeune fille décida de descendre un peu les pentes pour arriver sur la plaine rocheuse au pied du massif qui la surplombait, ses neiges éternelles semblant briller sous le soleil de l'après midi.

Ce fut en se remettant à marcher qu'elle aperçut des empreintes sur le sol plus malléable près de l'un des énièmes cours d'eau qui dévalaient des montagnes. Elle s'accroupit et les examina plus attentivement. A première vue il s'agissait des empreintes d'un jeune bouquetin qui se dirigeait vers un probable lieu pour se nourrir. La jeune femme hésita et resta quelques instants à fixer les traces laissées sur le sol, puis se releva, s'étira et encorda son arc sous le grognement approbateur de Loup. Elle en avait assez de manger des rations fades, et un peu de viande ne se refusait pas. De plus, elle pourrait affiner encore davantage ses techniques dans un tel environnement. Suivant à la trace les empreintes, elle se mit à pister l'animal, ses yeux balayant sans cesse les environs pour finalement arriver au pied des pentes amenant au massif. Ici plus de traces aussi évidentes, mais jeune femme chercha autre chose. Ici une touffe de poil, là un caillou enfoncé dans le sol, ici la forme d'un sabot.

La piste la conduisit droit vers un promontoire rocheux où elle aperçut finalement sa proie, fièrement dressée sur ses quatre pattes et semblant défier les alentours du regard. Hatsu aurait presque trouvé ça risible tandis qu'elle encochait une flèche, accroupit face au vent pour être certaine que son odeur, même masquée par sa tenue, ne parvienne pas aux museau du jeune et fougueux bouquetin. Silencieusement, elle tendis la corde, prenant le temps de viser pour être certaine de toucher sa cible à un endroit qui lui sera rapidement fatal. Pourtant, malgré toutes ses précautions, la proie sembla soudainement alertée et bondit en bêlant furieusement, se mettant à bondir rapidement vers le bas de la pente. À la fois frustrée et surprise, mais sans intention d'abandonner, Hatsu se redressa et, alors qu'elle allait lâcher la corde, un cri strident la fit sursauter alors qu'une ombre lui passait au-dessus avant qu'une masse de plumes et de griffes ne s'abatte sur le bouquetin qui s'effondra brutalement sou l'impact.

- Qu'est-ce que...

A quelques dizaines de mètres face à elle, sous ses yeux ébahis, tuant la proie qu'elle traquait depuis déjà un moment, se trouvait un imposant griffon qui s'échinait à tuer le bouquetin qui bientôt ne fit plus aucun mouvement. Claquant son bec rougit par le sang de sa proie, il tourna son regard vers la jeune femme et émit un cri d'avertissement tout en déployant ses grandes ailes pour paraître encore plus menaçant qu'il ne l'était déjà avec ses énormes serres, ses pattes puissantes et ses deux mètres de haut. Prudente, la jeune femme recula doucement tout en rangeant sa flèche pour mettre ses mains devant, en signe de calme. Quelques secondes passèrent ainsi, la créature fixant la jeune femme immobile de ses yeux perçants, avant de finalement la juger inoffensive. Se détournant, il prend son envol, emportant avec lui la carcasse sanglante du jeune bouquetin, passant au-dessus de la jeune femme pour se diriger vers le haut du massif, probablement où se trouve son nid.

Relâchant enfin le souffle qu'elle avait sans le réaliser retenu, Hatsu se posa quelques instants sur le sol rocheux, calmant les battements frénétiques de son cœur. Elle ne s'attendait pas à croiser pareille créature dans les parages et ne pas l'avoir entendu venir fut une erreur monumentale. Elle avait eu de la chance que le griffon ne se soit pas rabattue sur elle plutôt que sur le bouquetin, car elle n'aurait rien pu faire. Inspirant longuement pour remettre de l'ordre dans ses idées, la jeune femme leva le nez vers le ciel où elle pouvait encore apercevoir l'imposante silhouette du griffon. Soupirant de soulagement, la jeune femme se releva pour se hâter de redescendre les pentes pour rejoindre un terrain plus stable et moins exposé. Elle n'avait aucune envie de rester près de ce monstre volant et choisit plutôt de mettre autant de distance que possible entre eux. Elle repartirai à la chasse une fois cela fait et sa sécurité assurée.
Hatsu Ôkami, Chasseuse Ynorienne
Première Née des Ôkami
Réceptacle de l'esprit de Loup
Image
Armoiries des Ôkami:
l'Or pour la fortune, le Loup pour la noblesse d'âme et la flèche pour le passé guerrier.

Byrnisson
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Byrnisson » mer. 6 janv. 2021 20:26

Chapitre II – Déploiement – Suite - [Précédent post ici ]


Nous cavalons pendant des heures, guidés par Dan, qui débusque régulièrement des traces de l’escouade d’orcs. De temps en temps, ce dernier déloge une griffe apposée par nos éclaireurs sur un tronc, ou bien à même le sol. En décodant ces messages, nous déduisons que Bernas et Fred talonnent les orcs de près.

L’arrière de ma tête n’a pas cessé d’enfler. A chaque pas, l’ecchymose me lance, comme un nouveau coup de souche sur mon crâne. Après plusieurs heures de marche forcée, nous estimons que nos cibles sont encore loin devant. Il faut dire qu’avec leurs cottes de mailles, Debby et Braso ne sont pas équipés pour la chasse. Pressé par ce rythme de forçat, je n’ai pas le loisir de consulter nos cartes. En fin de journée, nous rejoignons cependant une route que je reconnais. A deux cents mètres, la langue pavée se sépare, pointant deux directions aux antipodes. Au nord, en contrebas, les terres sauvages de l’Omyrhie; au sud, longeant le massif des jumeaux, le chemin vers la république d’Ynorie. Derrière nous, le duché de Luminion.

Les traces laissées par nos proies pointent indéniablement vers l’Omyrhie. Toutefois, à l’approche du crépuscule, Sabar nous ordonne d’établir le campement. Nous ne pénètrerons pas les terres sauvages et attendront ici le retour de Bernas et Fred.

« Pas de feu ce soir, Tobias, on est trop proches de la frontière. Va voir Jaret pour ta tête ».

Le guérisseur distribue de l’onguent à Lio et Braso, qui ont récolté quelques bleus mineurs. Puis il examine mon crâne. Il prononce son diagnostic dans un murmure inaudible puis baisse la tête, le regard concentré sur sa main. Une lueur semblable à celle que j’ai produite il y a quelques heures éclot dans sa paume, mais sans produire de flash. Il contient le halo et l’appose à l’arrière de mon crâne. Une douce tiédeur diffuse dans mon ecchymose et chasse progressivement l’inflammation. En une poignée de secondes, la douleur s’évanouit.
Jaret relève la tête, le visage pâle, l'air épuisé.

« Voilà. Tâche de te tenir éloigné des souches pendant quelques jours, ou il m’en coutera plus d’énergie encore pour te rafistoler. Quoique, tu aurais pu le faire toi-même ».

Pour unique réponse, je lui adresse un regard interrogatif.

« Eh bien, tu maîtrises les fluides lumineux d’après ce que j’ai vu ! Tu sais lancer d’autres charmes ?».

« Euh, un sortilège tu veux dire ? Euh non, loin de là. Je maîtrise à peine le flash que j’ai provoqué tout à l’heure ».

« Exerce-toi dessus alors. Essaye plutôt de le diffuser lentement, un peu comme une aura. Petit à petit, par toi-même ou en prenant conseil auprès d’autres charmeurs, tu apprendras à créer d’autres effets, comme un flash puissant ou une salve régénératrice. Bon, et on mange quoi ce soir ?».

Au cours de ce bref échange, le visage de Jaret a repris des couleurs. Il affiche, un air gourmand.

Je soupire. « Aucune idée, j’ai pas le droit de faire de feu ».

« Misère ! T'as intérêt à te remuer les graines et nous cuisiner quelque chose, sinon Braso et Debby ne te pardonneront jamais ! ».

Une idée surgit dans ma tête.

« Les graines ? Oui, c'est ça on mange des graines ».

Je fait le tour des paquetages pour préparer le repas du soir. Je prélève mes ingrédients et prépare les portions. Avec les restes de pain de la veille, je découpe deux tartines pour chacun. Je mélange ensuite quelques graines de sésame, et de courge, habituellement consommées en encas, avec des morceaux de figues découpées. A force de le malaxer, le mélange forme une pâte molle et épaisse. Je la taille en bâtons de la même longueur qu’une tartine. Je découpe de belles tranches de viande séchée que j’enroule de pâte et que je pose sur chaque tartine. Je forme des sandwichs en recouvrant le tout des tartines restantes et les distribue ensuite à mes camarades. Une fois de plus, ces derniers n’en laissent pas une miette. Je me couche l’esprit un peu plus léger.

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Byrnisson
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Byrnisson » jeu. 7 janv. 2021 21:12

Chapitre II – Déploiement – Suite - [Précédent post ici ]

Nous passons une nuit désagréable. Privés de feu, l’air froid et humide s'immisce à travers nos vêtements et couvertures. J’arrive à maintenir une chaleur toute relative sous mes couvertures en me recroquevillant. Notre proximité avec les terres maudites de l’Omyrhie se fait également sentir. Depuis que j’ai fait mes classes, je suis plutôt familier des divers commérages nocturnes de la faune. Aux piailleries habituelles des rapaces et mammifères usuels, s’ajoutent d’inquiétantes plaintes dont l’origine m’est inconnue. Par-dessus cela, je perçois comme une présence malsaine qui s’immisce sournoisement dans mes brefs moments de sommeil. Lorsqu’enfin, l’aube darde sur nous ses frêles rayons d’hivers, je me réjouis de sentir enfin les ténèbres refluer, et mon corps se réchauffer.

Nous passons la matinée à guetter le retour de nos éclaireurs. L’humeur n’est pas à la causerie ; tout inquiets que nous sommes. Nous communiquons par salves de quelques mots et de coups d’œil entendus. A la mi-journée, Bernas et Dan émergent subitement d’une touffe de végétation ; il ont l’air épuisés. L’anxiété collective retombe immédiatement, et nous écoutons avidement le récit de leur chasse en territoire ennemi. C’est Bernas qui s’y attelle.

« On a crapahuté toute la nuit. J’ai les pieds en compote ! On a pisté l’escouade pendant des heures ; une quinzaine d’orcs qui filaient à toute berzingue. Ils ont à peine attendu leurs pisteurs ; trop pressés ramener leurs prisonniers : cinq hommes bien bâtis qu’ils portaient à tour de rôle ».

Je leur déballe deux sandwichs de la veille que j’avais gardés de côté.

« M‘rci Tob’, on n’a rien becqueté depuis hier… humm pas mauvais ton machin… bref on leur a collé le train jusque tard dans la nuit. Ils ont rejoint une espèce de ruine sur les contreforts des monts sanglants. On n’a pas pu s’approcher ; trop de monde. Au moins trente unités d’après la taille des bâtiments. On a fait toute la route retour de nuit car on se sentait pas de pieuter sur place ».

Pendant que Bernas nous conte le trajet retour, Sabar s’entretient avec Lio, à l’écart du groupe. Lorsqu’ils reviennent, Bernas est enferré dans une description des multiples cris, ombres et sensations vécues pendant le périple. Dan se tient à ses côté, muet, visiblement exténué par sa nuit blanche.

« Bernas, Dan – Intervient Sabar - vous pouvez disposer. Prenez un court repos ; on manœuvre dans une heure. De toute évidence, la troupe que nous avons pistée rentrait d’un rapt au cœur du massif des jumeaux ; probablement pas le premier. L’endroit où ils se sont arrêtés pourrait être un camp de travail, mais il s’agit certainement plus d’un relais qui leur sert de poste avancé pour leurs rapts. Nous sommes trop peu nombreux et manquons d’informations pour tenter une approche dès maintenant. Dans une heure, nous ferons route vers le massif des jumeaux. Il y a un avant-poste à une journée de marche. Nous y ferons halte pour demander l’envoi d’une escouade en renfort. Pendant ce temps, nous sillonnerons le massif, à la recherche d’autres indices sur cette menace. Préparez-vous à lever le campement ».

Une heure plus tard, notre escouade marche vers Luminion. La route pavée doit nous mener à un l’embranchement qui nous conduira dans les hauteurs, en direction de l’avant-poste. La reconnaissance est assurée par Fred qui se contente de surveiller alternativement nos flancs. Le temps est clair et sec ; un vent puissant et mordant fait frémir branchages et capes. Une demi-heure à peine après notre départ, nous apercevons devant nous une colonne de soldats qui se rapproche.

« Ça, c’est mauvais signe - lâche Lio ».

La cohorte se rapproche ; des centaines de soldats, arborant le blason de Luminion. Un cavalier remonte la file et vient à notre rencontre. C’est un haut gradé du corps logistique, l’escouade se met au garde-à-vous.

« Sergent Ord, escouade IV de Luminion. Le duché partirait-il en guerre, intendant ? ».

« Vous ne me le faite pas dire, Sergent. Un messager de l’Ynorie s’est présenté il y a un peu moins de deux jours au duc. Oranan est assiégée par les viles troupes d’Oaxaca et demande assistance. Un appel a été lancé. Le duc et les Thorkins y répondent, bien évidemment. Escouade IV vous dites ? – L’intendant sort une liasse de parchemins – Ah, votre troupe a quitté la ville quelques heures à peine avant le ralliement. Elle a manqué l’appel. Sergent, les recrues Bernas Wizerm, Tobias Arthès et Tessy Yliovyn sont mobilisées pour cette opération de grande envergure, ces dernières sont-elles encore valides ? ».

(Hein ? Mais non, pas ça ! Pas maintenant !)

« Évidemment, je n’ai pas l’habitude d’envoyer mes recrues au casse-pipe. – il marque un temps - Ecoutez, intendant, je dirige une mission de reconnaissance qui a révélé des faits inquiétants. Une, voire plusieurs troupes d’orcs sévissent actuellement dans le massif. Elles ramènent des civils de leurs rapts, probablement des citoyens du duché. J’ai besoins de mes recrues pour être en mesure de conduire cette mission à bien et … »

« Pardonnez-moi sergent - l’intendant insiste sur ce dernier mot - je n’ai pas de temps à perdre à écouter vos desiderata. J’agis selon les ordres et ces derniers sont basés sur des faits réels et sérieux : une guerre se prépare en Ynorie. Veuillez démobiliser vos recrues sur le champ. Vous ferez part de vos informations au commandement qui statuera sur le caractère urgent de cette menace et vous allouera des troupes le cas échéant. »

Sabar nous tourne le dos, son visage n’est pas visible. Néanmoins, son ton glacé et pénétrant fait écho au vent qui continue de nous harasser. Il crépite de colère.

« A vos ordres intendant. Mon rapport consignera également cette conversation. Tobias, Tessy, Bernas, par ici ».

Nous nous approchons tous trois du sergent.

« Vous partez pour l’Ynorie, on se voit à votre retour ».

J’adresse un regard à Sabar, tentant de lui communiquer tout le respect qu’il m’inspire, après seulement deux jours sous ses ordres. Nous échangeons quelques saluts avec l’escouade. J’écope de quelques tapes dans le dos, malgré ma récente bavure. Nous prenons place en queue de colonne tandis que notre escouade reprend sa route en direction du massif.

J’entame la marche vers l’Ynorie. Je sens poindre quelques épiques échauffourées. J’en devrais être ravi. Mais quitter notre escouade en pleine mission est extrêmement frustrant. Et puis je commençais à m’attacher à mes compagnons. J’éprouve un brin de peur (si je ne revenais pas de cette guerre ?) et de nostalgie (retrouverai je l’escouade à mon retour ?). Je jette œil à Tessy, imperméable, et à Bernas, qui dort littéralement debout. J’emporte au moins ces deux-là avec moi.

Je repense à mes autres camarades ; ils me manquent déjà.

(Sabar, Jaret, Lio, Debby, Braso, prenez soin de vous. Tobias, s’en va occire les Orcs puis s’en retournera bientôt !)


Fin du chapitre II - Fin de la partie II.

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Hatsu Ôkami
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Hatsu Ôkami » mer. 20 janv. 2021 00:25

Soucieuse d'être aussi loin que possible du nid d'une créature de la taille d'un griffon, Hatsu s’évertuait à s'éloigner le plus possible de l'endroit où elle avait croisé la magnifique mais dangereuse créature. Elle mit une heure entre elle et la zone avant d'enfin souffler pour s'arrêter boire un peu et tenter d'à nouveau trouver de quoi se sustenter. Au bord d'un petit ruisseau à l'eau aussi fraîche que claire, elle remit ses idées en ordre en s'aspergeant le visage, frissonnant sous la température presque glaciale. Elle s'assit à même le sol et fixa un instant le massif où le griffon devait probablement nicher. Elle avait lu bien des choses à propos de ces créatures, dangereuses mais rarement agressives, mais en croiser une, surtout de cette façon, était une expérience plus qu'inattendue et elle n'était pas certaine de vouloir la retenter. Une partie d'elle, pourtant, souhaitait en apprendre plus sur les griffons. Elle les savait très territoriaux et protecteurs envers leur nid, mais si elle pouvait simplement observer...

- Tu dérailles ma pauvre... Direction la maison.

Elle se releva, bondit par dessus le ruisseau et se remit en route, direction l'est. Elle observait toujours ses alentours ans l'espoir de percevoir une piste pouvant mener à un repas plus consistant et agréable que les rations qui commençaient à manquer, mais les empreintes qu'elle pu distinguer, loin de l'informer sur un potentiel gibier, l'informèrent plutôt sur un danger bien plus préoccupant qu'un griffon finalement peu agressif. Les empreintes étaient larges, griffues et ressemblaient à celles d'un loup, mais bien plus massif que le lupin ordinaire qui pouvait rôder dans ces montagnes. La piste semblait fraîche et une touffe de poil noir comme la nuit accrochée à un buisson augmenta la méfiance de la jeune femme. Un loup massif et noir, cela ne lui plaisait pas du tout et elle se tint sur ses gardes en sortant son arc qu'elle encorda aussitôt, par mesure de prudence. Il n'y avait que peu de chance de pleuvoir, aussi ne risquait-elle pas de voir sa corde se détendre trop vite.

Les yeux balayant sans cesse les alentours, la jeune femme descendit une petite pente menant à un plateau en contrebas. Elle l'atteignit sans encombre, mais le bruit de pierre roulant au dessus d'elle lui fit lever les yeux. Quelques dizaines de mètres plus haut, le propriétaires des pattes griffus était apparu. Un pelage noir comme la nuit et une allure de loup massif, la jeune femme ne s'était pas trompée. En revanche, les cornes semblables à celles d'un bélier sur son crâne et la queue se terminant par une étrange pointe ressemblant à celle d'une flèche achevèrent de convaincre Hatsu que cette créature n'était en rien un loup. Le hurlement qu'elle poussa avant de charger, grave et puissant, fit grimacer la jeune femme qui encocha aussitôt une flèche et visa la tête de la créature. Le trait fila et frappa la bête sur l'une de ses cornes, rendant le tir parfaitement inutile, la flèche ricochant sur les protubérances pour aller se perdre sur le côté.

Jurant intérieurement, Hatsu se jeta au sol lorsque l'animal bondit, ratant la chasseuse d'un cheveu pour aller glisser sur le sol un peu plus loin. Sans perdre de temps, la jeune femme se mit à remonter la pente qu'elle venait de descendre, tentant de profiter de l'avantage de la hauteur pour se débarrasser de l'étrange canidé au poil couleur nuit. Tandis qu'elle visait l'animal qui se tourna vers elle, la jeune archère se figea en voyant des étincelles crépiter sur le bout de ses cornes. Sous les yeux ébahis de l'ynorienne, un éclair fusa vers elle et la jeune femme n'eut que le temps de lâcher son trait. Par chance, le métal de la flèche attira la foudre qui détruisit la flèche dans un grondement ressemblant aux orages les plus violents, le bruit se réverbérant contre les parois des monts et massifs présents aux alentours.

- Un Woger... tu parles d'une malchance...

Bénis par Valyus, insensible à la foudre qu'ils peuvent eux-mêmes créer, ces animaux ressemblant à des loups sont décrits comme les meilleurs chasseurs des montagnes. Et Hatsu vient de devenir la proie de l'un d'entre eux. Tout en espérant que l'animal ne puisse pas tirer sa foudre à répétition, Hatsu se mit à courir le long de la pente, privilégiant une retraite tactique plutôt qu'un affrontement frontal dans lequel elle n'aurait de toute façon guère ses chances. Elle pouvait entendre l'animal reprendre sa course derrière elle et se força à ne pas regarder derrière elle, ce qui lui ferait perdre un temps précieux dont elle avait désespérément besoin.

Une douleur fulgurante lui transperça alors le dos, parcourant ensuite tout son corps en une fraction de seconde, crispant ses muscles et bloquant sa respiration. Elle s'effondra en criant de douleur, heurtant le sol avec violence, lâchant son arc dans sa chute. Elle savait pertinemment ce qui l'avait frappé, son corps se souvenant encore des éclairs reçus par le shaakt du Tonnerre d'Omyre. Elle se recroquevilla par réflexe avant de brusquement remplir ses poumons d'air lorsque la douleur reflue et que ses oreilles captaient à nouveau la course effrénée de l'animal. Jurant face à la douleur et la situation critique, la jeune femme tendis sa main vers son arme, rampant juste assez pour s'écorcher la paume avant d'enfin saisir l'arc. Sans se redresser, elle sortit une flèche, banda son arc et tenta le tout pour le tout en se redressant soudainement. Grimaçant de douleur en faisant cela, elle vit l'imposant canidé sombre à moins de trois mètres d'elle. Sans attendre, la flèche partit, fila droit vers le monstre dans lequel elle se planta sans le ralentir.

Alors qu'il allait se jeter sur elle, un cri strident perça les oreilles d'Hatsu qui vit un imposante ombre fuser depuis le ciel. Dans un entremêlas de poil, de sang et de roche, le Woger fut violemment jeté au sol par une imposante bête qui le réduisit en charpie sans aucune difficulté, tailladant ses flancs et perçant son crâne avec une brutalité que la jeune femme craignit aussitôt. Laissant les deux créatures se battre, elle chercha à s'éloigner en se redressant. Une violente douleur à la jambe lui ôta tout espoir de s'éloigner en vitesse. Sa cheville était manifestement tordue et ne supportait pas qu'elle se mette debout. Elle se mit alors à ramper, faute de mieux, avant que le soudain silence ne la fasse se figer. Elle jeta un coup d’œil derrière elle pour voir l'imposante créature ailée au bec et au plumage couvert de sang, la fixer.

Elle reconnut sans mal le griffon qu'elle avait croisé plus tôt et jura en le voyant ainsi la fixer. Elle était à la fois soulagée de le voir et particulièrement terrifiée d'être dans une position aussi vulnérable face à un animal de cette taille et de cette force. Elle gardait la main fermement serrée autour de son arc, préférant ne pas lâcher le griffon des yeux. Celui-ci semblait plus intéressé par la carcasse fraîche du Woger que par la jeune femme et cette dernière commença à se mouvoir pour s'éloigner. Une tâche ardue avec une jambe blessée et une main occupée, mais elle tenta de ramper sur le flanc de la montagne, faisant fi de la roche lui labourant la paume de sa main gauche.

Le cliquetis caractéristique de griffes sur la roche fit aussitôt se figer l'archère, qui, tournant vivement la tête, vit le griffon s'ébrouer, ses serres labourant le sol sous lui. Il la fixa soudainement et claqua son bec d'un air qu'elle jugeait plus que menaçant. Avant qu'elle ne puisse réagir, l'animal étendit ses ailes et, d'un bond, fondit sur elle. Par réflexe, elle se cramponna à son arc avant de sentir les serres de la créature l'emprisonner tandis qu'il la soulevait du sol. Elle hurla, autant de frayeur que de douleur, l'une des serres lui perforant sa jambe déjà blessée. Ballottée en tout sens, la jeune femme tentait désespérément d'attraper une flèche depuis son carquois, préférant encore s'écraser au sol que de finir dévorée par un griffon. Mais avant qu'elle ne puisse réussir, son corps, et particulièrement sa tête, heurta violemment le sol et elle sombra dans l'inconscience.
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Hatsu Ôkami » ven. 22 janv. 2021 01:09

Ce fut la douleur cuisante englobant sa jambe qui réveilla Hatsu en sursaut. Elle arqua le dos sous la douleur, sifflant en se crispant. Son souffle était saccadé et elle inspecta avec angoisse la zone blessée. Sa cheville ne semblait pas être cassée mais était désormais enflée et douloureuse, tandis que les serres du griffon avaient laisser de profondes marques dans sa chair. La jeune femme ne perdit pas de temps et versa immédiatement sa plus puissante potion de soin sur la plaie. Elle serra les poings et la mâchoire sous la nouvelle douleur avant de se relâcher un instant pur reprendre son souffle tandis que la potion faisait effet et stabilisait son état. Fouillant son sac, elle en sortit les quelques bandages qu'il lui restait et les enroula autour de sa cheville et de sa blessure. Bouger la jambe était un calvaire, mais au moins elle n'allait pas se vider de son sang ou perdre sa jambe ainsi. Elle se laissa retomber en arrière, les yeux clos, reprenant peu à peu son souffle et essuyant la transpiration tapissant son visage.

Après ce petit temps de repos, elle se redressa pour finalement observer ses alentours et un frisson d'effroi lui parcourut l'échine. Le sol de pierre était tapissé de branches, brindilles et herbe en tout genre. Çà et là, des ossements reposaient au sol, marqués pas les coups de bec et de griffes de celui ayant dépecé leur propriétaire. Réalisant où elle se trouvait, la jeune femme rampa aussitôt vers ce qui semblait être sa seule issue, face à elle, tournant le dos à ce qui n'était qu'un mur de roche s'élevant vers le ciel. L’alcôve dans laquelle elle se trouvait donnait sur une large plateforme naturelle surplombant un vide qui donna le vertige à la jeune femme. Au bas mot une trentaine de mètres la séparait du plancher des bovins. Elle était coincée dans un garde-manger de griffon à flanc de falaise, avec une jambe blessée et la certitude de voire revenir le propriétaire des lieux.

Rampant de nouveau à l'intérieur de l'alcôve, elle fouilla ses affaires et en sortit son grappin ainsi que les deux cordes qu'elle avait conservé. Dix mètres chacune, pas un mètre de plus. Avec sa jambe blessée, la jeune femme ne se voyait pas descendre la falaise en rappel pour ensuite chuter pendant dix mètres, elle se briserait la jambe en touchant le sol et serait complètement vulnérable après cela. Elle n'avait pourtant aucune envie de laisser le griffon la dévorer et comptait bien se défendre s'il revenait. Fouillant le sol des yeux, elle ramassa un bâton plutôt grand et épais et y attacha le couteau de chasse qu'elle possédait, se créant un semblant de lance. Juste de quoi tenter de tenir la créature en respect, mais si le griffon se mettait en tête de l'attaquer elle doutait que cela fasse une quelconque différence. Une fois cela fait, elle se recroquevilla dans un coin et tenta de reprendre des forces comme elle put, cherchant à calmer les tremblements qui agitaient sa jambe blessée et ses mains toujours fermement serrées contre sa lance de fortune. Au moins avait-elle toujours son arc, mais elle doutait d'être capable de s'en servir dans une telle situation.

Elle entendit le griffon avant même qu'il ne se pose et son corps se tendit aussitôt. Elle raffermit sa prise sur son arme, blanchissant ses phalanges. L'ombre de l'animal passa l'entrée de l'alcôve sous le le soleil déclinant et la jeune femme ne s'était jamais sentie aussi terrorisée qu'à cet instant précis. Elle pointa aussitôt sa lance vers l'animal qui s'approchait. Il se figea avant de pousser un cri strident dans sa direction et de claquer du bec. Hatsu fit plusieurs mouvements secs avec sa lance, essayant de le forcer à reculer, mais ne récoltant qu'un mouvement de tête de la part du prédateur qui fixait la jeune femme de ses yeux perçants.

- Recule... RECULE !

L'animal se redressa en la toisant et plusieurs minutes passèrent ainsi, les deux se fixant tandis que la jeune femme sentait ses bras faiblir à force de tenir la lance à bout de bras. Puis le griffon sembla perdre patience et se détourna pour aller s'allonger plus loin, la tête néanmoins tournée vers la jeune femme qu'il ne cessait de fixer comme une curiosité... ou comme un repas particulièrement appétissant. Hatsu ramena légèrement sa lance vers elle, mais la gardait toujours pointée vers l'animal et sut aussitôt qu'elle parviendrait jamais à s'endormir. Ce qui ne fut pas le cas du griffon qui, la nuit venue, ferma les yeux et sembla sombrer.

Hatsu patienta un moment, comptant jusqu'à mille dans sa tête avant de bouger à nouveau. Fouillant le sol à tâtons, elle s'empara d'un autre morceau de bois qu'elle colla contre sa jambe avant d'enrouler un de ses derniers bandages pour maintenir sa cheville. Retenant un gémissement, elle se mit debout en s'appuyant sur sa jambe valide et se retenant à la paroi d'une main, sa lance de fortune dans l'autre. Un pas prudent après l'autre, elle se rapprocha du prédateur assoupi, le cœur battant contre ses tempes et la douleur de sa jambe semblant croître à chaque pas.

Elle se figea soudainement en percevant l'éclat doré des yeux du griffons fixés sur elle. Elle resta ainsi à se perdre dans ses pupilles pendant ce qui lui sembla une éternité, à tel point que sa jambe céda soudainement sous elle, la faisant chuter au sol. Un cri de douleur lui échappa avant qu'elle ne se force à se redresser, lance en main, prête à se défendre. Contre toute attente, le griffon n'avait pas bougé. Tout au plus ses yeux la fixaient et sa tête se releva légèrement, mais il ne fit aucun mouvement pour attaquer la jeune femme qui, le souffle court et le cœur tambourinant dans sa poitrine, battit en retraite vers là où elle était peu avant ; recroquevillée contre son sac, sa lance toujours en main.

Incapable de fermer l'oeil à côté du prédateur volant, Hatsu passa la nuit complète aux aguets, prête à se défendre au moindre signe d'agression qui ne vint finalement pas. Lorsque le jour pointa finalement le bout de son nez, la jeune femme était exténuée et avait de plus en plus de mal à garder les yeux ouverts et l'esprit clair. Elle vit le griffon finalement bouger et se tendit aussitôt. L'animal l'ignora après un rapide coup d’œil et entama une toilette minutieuse, faisant disparaître la moindre trace de sang séché sur ses plumes, ses battes et son bec. Une fois cela fait, il s'ébroua, faisant tomber quelques-unes de ses plumes et quitta l'alcôve. Hatsu le vit se jeter dans le vide avant de le voir s'envoler plus loin en battant furieusement des ailes.

- Rana soit louée...

Sa lance lui tomba finalement des mains alors qu'elle se laissait aller contre son sac. Elle tira son outre d'eau et en bu une longue gorgée, se rendant compte qu'elle était assoiffée. Mangeant un peu de ration, elle reprit juste assez de force pour tirer son sac à paille de ses effets et le caler pour tenter de se reposer un peu. Elle hésita un moment, malgré tout, se sachant vulnérable une fois les yeux fermés, mais le sommeil l'alourdit comme une masse et vint la cueillir alors qu'elle cherchait encore à savoir s'il ne valait pas mieux sauter du nid en fin de compte. Une question restant ainsi sans réponse alors qu'elle était transportée au pays des songes.
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Hatsu Ôkami » dim. 24 janv. 2021 16:56

Douloureux fut le réveil de la jeune femme. La position inconfortable dans laquelle elle avait dormi lui fit regretter aussitôt sa décision lorsqu'on son dos lui renvoya des pulsions de douleur depuis sa nuque jusqu'à ses hanches. Péniblement, elle se redressa, se frotta le visage et regarda autour d'elle. Aucune trace du griffon, mais la journée semblaient bien entamée. Sa jambe la lançait toujours, mais elle pu rapidement constater que la potion avait fait son office et, si elle n'était pas guérie, elle n'allait pas empirer et finirait par guérir. Le problème restait le temps que cela prendrait, temps qu'elle n'avait pas vraiment. Sans relâcher ses efforts, elle tenta de se mettre débout, y parvenant bien mieux que la veille, et se dirigea vers la seule sortir disponible.

Une fois sur la plateforme, elle avisa davantage ses environs immédiats, nota que la falaise auraient pu être un bon endroit pour de l'escalade, chose dans laquelle elle n'était qu'une profane et blessée de surcroît. Elle pouvait d'ors et déjà oublier cette option. Sauter dans le vide était une chute mortelle à coup sûr et, une fois de plus, elle se dit que même en attachant les cordes qu'elle possédait elle n'aurait jamais assez pour toucher le sol sans risquer une fracture. Il fallait qu'elle trouve une autre solution. Son estomac grogna et elle soupira. Restait aussi le problème des provisions qui allaient manquer rapidement et chasser allait s'avérer complexe dans sa situation. Elle pouvait toujours tenter de tuer le griffon pour se nourrir puis prendre le temps de guérir, mais elle n'aurait droit qu'à un seul essai. Un simple échec signifiait concrètement sa mort et même après cela elle n'était pas certaine de pouvoir quitter le repaire de l'animal.

- Il faudrait que je puisse voler surtout...

Une idée germa dans son esprit. Une idée à peu près aussi stupide que de sauter dans le vide, mais au point où elle en était, elle n'avait plus grand chose à perdre et cela valait le coup d'essayer. Elle soupira, consciente que cela n'avait que peu de chance de fonctionner, mais elle préférait tenter le coup plutôt que d'attendre indéfiniment sans savoir si l'humeur de l'animal n'allait pas lui être fatale sous peu. Aussi résolue qu'elle pouvait l'être, elle se mit à réfléchir au meilleur moyen de parvenir à ses fins. Elle pouvait toujours profiter de son envol pour lui sauter dessus, mais les chances de rater et de s'échouer trente mètres plus bas étaient bien trop grandes. Même s'il plongeait de la plateforme, elle doutait de réussir à lui sauter sur le dos. S'accrocher à ses serres était tout aussi risqué, mais cela valait le coup d'essayer. Une dernière option lui vint en tête, mais elle rejeta l'idée, trop improbable.

Un cri au-dessus d'elle lui fit redresser aussitôt la tête, mais ce n'était qu'un couple d'oiseaux tournant l'un autour de l'autre tandis qu'un troisième s'éloignait pour se nicher contre la falaise, fixant le couple, amusant Hatsu qui pouvait imaginer le regard dédaigneux du rejeté. Sans un bruit, elle retourna dans l'alcôve, tira son arc vers elle et ressortit, flèche en main. Elle se posta contre la paroi, encocha sa flèche et attendit, fixant l'oiseau des yeux. Lorsqu'il prit son envol, elle banda son arc, attendit deux secondes qu'il passe au-dessus et tira, fléchant l'oiseau en plein vol qui s'écrasa sans un cri à quelques pas d'elle, mort sans souffrance. Hatsu récupéra le corps sans vie et se mit à l'évider aussitôt, se retenant de justesse de jeter le surplus qu'elle ne pouvait manger dans le vide.

- Si ça peut lui éviter de me grignoter une jambe...

Elle découpa l'oiseau de belle taille en deux et récupéra un peu de bois pour allumer un feu . Cela lui prit plus de temps qu'elle n'imaginait et, lorsqu'elle le mit enfin à cuire sa viande, l'ombre du griffon la survola avant de se poser juste à côté d'elle. Elle battit aussitôt en retraite comme elle put, avant de hausser un sourcil face au comportement du griffon. Il fixait non pas la jeune femme, mais la viande à moitié cuite qui reposait dans ses mains en claquant du bec avec enthousiasme. Peu assurée, mais préférant se passer de repas pour ne pas en devenir un, elle jeta la moitié de carcasse pré-cuite vers le prédateur qui l'attrapa au vol et l'engloutit en un rien de temps. Il fixa ensuite la jeune femme et claqua à nouveau du bec en secourant la tête, sa tête dressée et ses yeux luisant d'intérêt.

- Dites-moi que je rêve...

Elle lança l'autre partie de l'oiseau ainsi que ses tripes et, chaque fois, le griffon dévora la chose en deux bouchées à peine. Une fois fini, il observa la jeune femme, bougeant la tête comme s'il cherchait d'autre morceaux à se mettre dans le bec. Elle leva ses mains vides face au griffon qui se léchait le bec. Il poussa un bref cri ressemblant fortement à un cri mécontent et s'approcha de Hatsu qui le mit aussitôt en joue. Elle pouvait le tuer ici et maintenant et elle pourrait ainsi prendre son temps pour guérir et quitter les lieux. Elle hésita, sa main tremblant à force de retenir la corde, mais le griffon se contenta de passer à côté d'elle et d'aller s'allonger dans son nid sans d'autre cérémonie. Perplexe, la jeune femme le fixa un instant et baissa son arme en le voyant bailler et se recouvrir de ses ailes comme d'une couverture.

Hatsu passa de nouveau éveillée cette nuit-là, préférant se faire violence et rester à l'affût au cas où. Au petit matin, le griffon quitta de nouveau son repaire e la jeune femme put se reposer jusqu'au lueur du soleil de mi-journée. Toujours aussi ankylosée que la veille à son réveil, elle s'étira et sortit à nouveau sur la plateforme. Au loin, deux créatures ailées se tournaient l'une autour de l'autre, sans que Hatsu sache s'il s'agissait de griffon ou d'un autre animal volant d'envergure. L'un lui paraissait tout de même trop roux pour être un griffon et elle pencha plutôt pour des hippogriffes. Aucune proie ne lui fit l'honneur de venir stupidement se jeter sous ses flèches ce jour-là, et la jeune femme se résigna à manger une ration, mastiquant sans enthousiasme la viande à la texture aussi agréable à mâcher que le cuir d'un brok'nud.

Le griffon revint peu avant le coucher du soleil et fixa la jeune femme avec insistance en rentrant dans l'alcôve. Hatsu resta sur ses gardes et bien lui en prit lorsqu'il écarta légèrement les ailles et poussa un cri strident vers elle. Elle pointa aussitôt sa lance de fortune vers lui et l'animal s'agita encore davantage, veillant toutefois à ne pas trop approcher et finissant par se lasser après une dizaine de minute de regards fixes et d'intimidations. Hatsu ne dormit pas plus cette nuit-là et espérait sincèrement pouvoir tenter de s'enfuir dans les prochains jours. Elle doutait que sa pauvre arme improvisée tienne le coup si le griffon décidait véritablement se s'attaquer à elle. Elle se recroquevilla une fois de plus dans un coin du repaire du griffon, tentant tant bien que mal de supporter le froid qui lui semblait de plus en plus vif chaque nuit. Ou bien était-ce la fatigue qui rongeait peu à peu ses forces? Peu importait la raison, elle devait simplement sortir de là au plus vite.
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Hatsu Ôkami » sam. 30 janv. 2021 19:56

Perchée sur la plateforme, sa jambe en convalescence pendant dans le vide pour économiser les muscles touchés, Hatsu observait la vie s'égayait autour de sa prison à ciel ouvert. Son arc à portée de main restait inutilisé depuis les trois derniers jours. Aucun oiseau n'avait eu l'idée de venir se percher si haut ni même approcher du repaire du griffon. Hatsu avait bel et bien eu une chance insolente ce jour-là, gâchée par le griffon à l'appétit démesuré. Ce dernier ne restait jamais en place, s'envolant toujours dès le lever du soleil pour faire Rana savait quoi. La jeune femme en était quelque peu soulagée, pas certaine de pouvoir survivre à une journée entière avec la bête à quelques mètres d'elle. Elle se reposai autant qu'elle pouvait dès qu'il partait et, malgré les cernes qui soulignaient son regard, elle ne se sentait pas encore épuisée. Sa jambe commençait doucement aller mieux et elle faisait de très courtes marches en long et en large dans l'alcôve et sur la plateforme pour voir si la guérison avançait. Elle n'allait pas courir un cent mètres de sitôt, mais au moins elle pouvait se tenir debout sans souffrir le martyr, ce qui était déjà une bonne chose.

Un cri strident sortit la jeune femme de ses réflexions et lui fit lever la tête. Elle écarquilla les yeux et battit en retraite en voyant le puissant animal approcher. Il y eut un bruit sourd, suivi du bruit caractéristique de atterrissage du griffon sur la pierre. Hatsu se retourna et vit le cadavre sanguinolent de ce qui ressemblait à un cervidé. Le griffon avait encore le bec couvert de sang et claqua ce dernier en direction de la jeune femme avant de faire un geste qui laissa la jeune femme pantoise. Il attrapa le cadavre , le souleva et l'apporta vers l'ynorienne avant de pousser un cri en tapotant le sol de ses pattes avant, comme s'il était impatient qu'elle agisse. Perplexe, la jeune femme examina l'animal mort sans déceler quoi que ce fusse d'anormal. Le griffon, lui, se léchait le bec pour se débarrasser du sang qui le recouvrait et se mit à attendre en fixant tout à tour la jeune femme, puis la carcasse. Le manège dura quelque minutes avant que Hatsu ne comprenne.

Lentement, elle récupéra le couteau attaché à son bâton et entreprit de dépecer l'animal, non sans surveiller le griffon qui semblait avoir décidé de se prélasser au soleil et de faire sa toilette. Elle enlevant la peau du cerf, retira les viscères et découpa ce qu'elle estima être la meilleure partie de l'animal. Lorsqu'elle eut fini, elle lança la viande vers le griffon qui l'attrapa au vol et l'avala en quelques bouchées. Il se releva juste après et poussa un cri impatientt, faisant battre en retraite la jeune femme qui ne comprenait toujours pas ce qu'il pouvait vouloir exactement. Un à un, elle lui lança les morceaux qu'elle avait débarrassé des os, des poils et autres éléments peu appréciables. Il avala chacun d'entre eux avec délectation, semblant plus satisfait à chaque morceau avalé. Voilà ce qu'il voulait, de la viande préparée...

- Un griffon gourmet...

La jeune femme ne put retenir un rire nerveux qui attira l'attention du griffon. Il l'observa avec curiosité alors qu'elle ne retenait plus son rire face à l'étrange situation. Profitant de l'inattention de la jeune femme, l'animal ailé s'approcha et fut bientôt tout près d'elle. Hatsu le repéra finalement et son rire mourut dans sa gorge alors qu'elle captait le regard doré de l'animal. Elle déglutit et resta immobile tandis qu'il la détaillait comme s'il la découvrait pour la première fois. Son examen dura ce qui sembla être des heures à la jeune femme. Puis, enfin, il s'écarta, ouvrit ses ailes et se jeta dans le vide avant de s'éloigner, laissant derrière lui une Hatsu qui reprenait difficilement le souffle qu'elle avait retenu pendant cet échange visuel intense. Elle allait se redresser lorsqu'elle capta les restes du cerf. Il ne restait plus grand chose, mais la jeune femme avait trop faim et utilisa chaque morceau de viande pour se faire un repas plus consistant que les simples rations qui s'amenuisaient rapidement. Elle lança finalement la carcasse dans le vide, mais garda la peau qu'elle avait délicatement retirée. Elle ne savait pas trop comment, mais elle gageait que cela pouvait lui servir.

- Peut-être pour en faire une couverture... me faudrait plus que mon couteau et le peu d'eau qu'il me reste...

Elle passa le reste de la journée à retirer la chair, le sang et la graisse encore collés à la peau, veillant à ne pas l’abîmer avant de la laisser au soleil en réfléchissant quoi faire après cela. Au moins le griffon semblait content de l'avoir en vie et, même si elle ne s'y attendait pas, cela allait lui être utile. Il lui restait à trouver un moyen de filer en profitant de son envol. Cela risquait d'être dangereux dans tous les cas, mais elle n'allait pas pouvoir rester ici éternellement.

Cette nuit-là, alors que le griffon s'était endormi, elle se laissa elle aussi aller à dormir de tout son saoul, étendue à même le sol finalement moins inconfortable que le mur. Certes ce ne valait pas un lit, mais elle put enfin profiter d'une nuit complète et se réveilla en entendant le griffon s'ébrouer. Une fois de plus, elle le regarda partir et les jours se suivirent ainsi avec plus ou moins la même routine. Il ramenait un gibier quelconque qu'elle préparait en se conservant un morceau et le griffon semblait apprécier la cuisine. Si la situation était étrange la première fois, le fait que l'animal continue le petit manège presque chaque jour la laissait perplexe. Malgré tout, elle ne se plaignit pas de ce changement lui assurant de ne pas finir en repas et même de manger à sa faim. Une violente averse lui permit même de récupérer un peu d'eau en utilisant la peau du cerf dans laquelle elle recueillit de quoi boire et remplir son outre presque vide.

Tandis que la pluie tombait à torrent à l'extérieur, le griffon se nettoyait après avoir « rangé » son repaire. En plus du gibier, il ramenait souvent des branches et autre morceaux servant à tapisser le sol de l'alcôve et la jeune femme l'observer piétiner son tapis naturel pour ensuite s'y poser tel un chat sur son coussin. Elle l'observa quelques instants puis s'appuya contre le mur en soupirant, s'ennuyant profondément. Elle ferma les yeux pour les rouvrir très vite lorsqu'elle entendis le craquement des branches sous les pattes e l'animal qui s'approchait d'elle. Elle fouilla ses environs immédiats pour récupérer sa lance de fortune et ne trouva que son couteau qu'elle avait détacher de la hampe improvisée. Elle n'eut que le temps de s'en emparer avant que le griffon ne soit près d'elle.

Elle se figea alors que la tête de l'animal était proche de la sienne. Elle pouvait observer sans mal les contour de son bec, le plumage blanc et soyeux qui s'étalait sur sa tête et la profondeur dorée de son regard. Elle tendit lentement la main, provoquant un recul de la tête de l'animal et de son propre geste. Elle perçut le regard vers l'arme qu'elle tenait et, dans un geste peut-être trop téméraire, le lâcha. Elle vit la tête de la créature se pencher sur le côté avant de s'approcher à nouveau. Elle aussi tendit la main. Elle retint son souffle alors que sa main reposait à quelques centimètres de la tête du griffon qui ne faisait pas mine de bouger ou d'attaquer. Lentement, presque trop, elle l'avança davantage pour finalement la poser sur le plumage de neige. La texture était douce et agréable et elle se prit à sourire alors que ses doigts se perdaient entre les plumes. Le contact dura quelques instants avant que l'animal ne bouge. Il ouvrit le bec et engloutit la main de la jeune femme. Elle allait hurler, mais se rendit compte qu'elle n'avait pas mal et ne ressentait rien d'autre qu'un léger pincement sur son bras. Sa main restait libre à l'intérieur du bec. Elle déglutit et effleura l'intérieur du bec. La sensation était étrange, à la fois douce et rugueuse, mais ce qui la surpris le plus, ce fut la réaction du griffon qui émit un étrange rondement en fermant les yeux.

L'étrange situation dura quelques minutes avant que le griffon ne libère l'avant-bras de l'archère qui récupéra son membre couvert de bave, mais intact. Elle le regarda retourner à son lit en secouant son bras dégoulinant, sans trop comprendre ce qui avait bien pu se passer. Ce dont elle était persuadée, en revanche, c'était que la dynamique entre elle et le griffon avait soudainement changé. Elle n'était plus un repas potentiel et ça, plus que tout le reste, lui donnait un fol espoir. Une idée suffisamment incongrue pour qu'elle l'ait écartée au début, mais qui refaisait désormais surface dans son esprit. Et si elle voulait sortir de là, c'était finalement la meilleure solution.
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Hatsu Ôkami » lun. 1 févr. 2021 10:58

Cela faisait une semaine depuis que Hatsu avait caressé le griffon et deux depuis qu'elle était coincée dans son repaire, mais les choses s'étaient nettement améliorée. L'animal avait visiblement( prit la jeune femme en sympathie, ou au moins la jugeait utile puisqu'elle lui permettait de manger ses proies sans avoir à recracher os, nerfs et poils en régurgitant. Hatsu avait d'ailleurs observé la chose avec intérêt et comparé le grand animal volant aux oiseaux qui faisaient de même, comme les chouettes ou les aigles. Bien peu d'écrits mentionnaient avec précision les griffons et leurs comportements et, coincée en haut de sa falaise, la jeune femme n'avait pas grand chose d'autre à faire que patienter, réfléchir et observer

Elle s'adressait également souvent à Rana. Les vents presque continus qui soufflaient à cet altitude ne cessaient de lui faire penser à la déesse et pas une journée ne passait sans qu'elle ne s'adresse à elle, d'une prière silencieuse, d'une conversation à sens unique ou juste d'une pensée. Pensées qui voguaient également souvent vers sa famille, dont l'absence commençait à lui peser. Elle se demandait si Ryo s'en sortait, si sa mère prenait toujours le thé aux mêmes heures et si son père avait enfin décidé de monter le cheval qu'elle lui avait offert. Même Onoda avec son ton sarcastique et ses remarques insidieuses lui manquait, quelque part. Elles avaient un sentiment de normalité lorsqu'elle était à Oranan.

Un cri perçant tira la jeune femme de ses rêveries éveillées et elle se redressa avant de plisser les yeux. Dans le ciel, elle pu reconnaître la silhouette du griffon, qu'elle commençait à bien connaître. En revanche, la seconde, légèrement plus massive, ne lui disait rien qui vaille et un sentiment d'alerte parcourut l'échine de la jeune femme qui se releva pour prendre son arc. Elle effleura du doigt la Poche, appréciant le contact rassurant de l'objet avant d'en tirer une flèche toujours aussi parfaite malgré les conditions. Elle reporta son attention vers le griffon et bondit en arrière en le voyant presque s'écraser devant l'alcôve. Une de ses pattes étaient blessés et son pelage était maculé de sang. Il poussa un cri plaintif et la jeune femme comprit aussitôt la situation en voyant un deuxième animal se poser juste derrière.

Un plumage plus sombre, des yeux orangés, une stature plus massive, les serres et le bec maculés de sang, l'autre griffon en imposait davantage et semblait vouloir terminer ce qu'il avait commencé. Sans vraiment réfléchir, la jeune femme tira aussitôt sur l'animal en se postant près du blessé. La flèche entailla la patte avant du griffon noir et la créature poussa un cri rauque en déployant les ailes, prêt à l'attaque. Le griffon blanc, lui, se redressa et fit de même, une patte repliée et ne touchant pas le sol, compromettant son équilibre, sans pour autant le faire chuter, mais l'obligeant à faire de petit bonds sur sa patte indemne. Hatsu encocha une seconde flèche et mit l'attaquant en joue. La tension qui régnait lui donnait des sueurs froides, mais aucun des griffons ne semblaient vraiment vouloir engager de nouveau les hostilités ; l'un probablement peu sûr de sa victoire, le second méfiant quant à la présence de la jeune femme qu'il fixait d'un regard perçant. Après ce qui parut des heures, le grand griffon sombre perça à nouveau le silence d'un cri et se détourna, plongeant depuis la falaise pour s'envoler.

Hatsu ne retint pas un soupir de soulagement et se tourna vers le griffon à ses côtés qui s'était affalé sur le sol, sa patte blessée sur celle indemne, sa langue léchant la plaie visiblement profonde qui l'entaillait. Hatsu supposa que le plus petit des deux, plus jeune, avait pénétré le territoire du grand sombre et ce dernier avait fait comprendre au jeune que ce n'était pas chose à faire. Rasurée quant à l'éventualité d'une autre attaque peu probable, Hatsu laissa le griffon à ses soins et rangea son arc, observant pourtant le griffon avec un sentiment étrange tandis qu'il essayait visiblement de trouver une position où ses blessures ne l'handicaperaient pas trop. Elle laissa l'animal se reposer et se résigna à manger une de ses dernières rations, les ayant jusque là économisées avec la nourriture que ramenait l'animal et dont elle prélevait une partie en « cuisinant » pour lui.

Trois jours passèrent et le griffon ne fit pas mine de bouger et Hatsu comprit le problème en le voyant se lever avec difficulté, incapable de se porter sur sa patte meurtrie. À ce rythme, chasser allait lui être impossible et la jeune femme n'avait nullement envie de partager un espace restreint avec un griffon affamé. Elle était parvenue, en utilisant la peau du cerf, à lui obtenir un peu d'eau lors d'une averse, mais la situation laissait la jeune femme préoccupée et elle devait agir au plus vite. Elle allait tenter le tout pour le tout. Aussi, le matin suivant, se leva-t-elle et s'approcha du griffon à peine réveillé. Le cri menaçant qu'il fit en la voyant approcher sa patte ne la découragea pas, bien qu'il lui créa quelques sueurs froides. Elle ouvrit son sac et sortit sa gourde avant de grimacer. Les potions qu'elles contenaient allaient être insuffisante au vu de la blessure, mais elle en versa tout de même une dose sur les blessures plus superficielles, calmant le griffon quelque peu.

- Il va falloir que tu nous fasses descendre mon grand...

Bien sûr il n'allait pas comprendre, mais la jeune femme avait une idée. Elle prit ses affaires et sortit de l'alcôve pour tirer un bout de viande séchée de son sac. Le griffon releva la tête à la vue de la nourriture et, péniblement, se leva pour approcheré en de petits bonds sur sa patte avant indemne. La jeune femme n'aimait pas vraiment user de tels artifices, mais il en valait de sa survie et elle n'allait pas risquer de finir dévorée. Elle déposa un morceau au sol et recula avec un autre, laissant la créature au moins obtenir une bouchée dont il se régala avant de l'approcher avec intérêt. Au bord du vide, la jeune femme inspira longuement alors qu'il s'approchait de plus en plus près. Elle lança la viande et le griffon déplia les ailes pour l'attraper au vol. Profitant de cela, la jeune femme s'agrippa à sa patte indemne dans un élan presque désespéré.

Entraîné par le poids supplémentaire imprévu, le griffon perdit rapidement de l'altitude, tombant bien trop vite vers le sol au goût de la jeune femme cramponnée à la patte de l'animal qui poussait des cris plaintifs qui lui pinçaient le cœur. Les yeux rivés sur le sol, elle lâcha la patte lorsqu'elle jugea être assez près, heurta le sol en biais, lui évitant de se briser le dos, et dévala la pente de roche et de cailloux sur une demi douzaine de mètres avant de finalement s'arrêter, égratignée et étourdie, mais relativement indemne. Elle soupira de soulagement avant de se retourner sur le dos pour voir le griffon lui passer au-dessus et s'écraser un peu plus loin. Elle se redressa pour l'observer et, le voyant bouger, se rassura intérieurement, sans vraiment être sûre de la raison.

Une fois debout, elle vérifia ses affaires, sa jambe qui avait reprit des forces et se prépara à partir lorsqu'un cri de détresse du griffon lui vit tourner la tête vers lui. Allongé, l'animal semblait ne pas réussir à se relever et poussait des cris plaintifs en la fixant. La jeune femme se détourna, serrant les dents.

(Il a voulu te manger, ce n'est qu'un animal, il a vou...)

Un nouveau cri et la jeune femme se prit la tête dans ses mains avant de soupirer au suivant, puis se retourner à celui qui suivit encore. Elle s'avança finalement vers lui après un dernier cri. Sa patte blessée allait lui être fatal s'il ne parvenait pas à se redresser, Hatsu en avait conscience. Elle plongea son regard sombre dans celui, doré, du griffon avant de s'agenouiller près de lui.

- Je dois être cinglée... Je vais m'occuper de toi mon grand.
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Hatsu Ôkami » mer. 10 févr. 2021 16:05

Apprivoisement réciproque


- Ne me regarde pas comme ça, je n'ai rien trouvé d'autre.

Hatsu soupira en se rendant compte qu'elle essayait de réprimander un animal de la taille d'un griffon parce qu'elle s'en voulait de n'avoir ramené qu'une marmotte pour le nourrir. Le griffon en question ne fit aucunement le difficile et engloutit la proie sans demander son reste. Cela faisait trois jours que Hatsu était là, à nourrir l'animal pour qu'il ne s'affaiblisse pas et puisse ensuite repartir. Elle se sentait quelque peu responsable de son état et si tuer un animal ne la gênait pas, laisser mourir de faim un qui était blessé ne lui convenait pas du tout, surtout en étant en partie la raison de sa blessure. Elle avait bien tenté de soigner la patte touchée, mais si ses connaissances sur la faune était une force, ses connaissances en botaniques étaient clairement en deçà et elle n'avait finalement pu que bander la plaie en profitant du sommeil du griffon. Le bandage n'avait pas tenu longtemps, l'animal s'évertuant à l'arracher dès son réveil, aussi la jeune femme comptait surtout sur la guérison naturelle de l'animal. Et sur un petit miracle, en quelque sorte.

En attendant, elle chassait, veillant ne pas trop s'éloigner du griffon désormais plus que vulnérable en cas d'attaque d'une autre créature. Jusque là tout s'était relativement bien passé, mais la jeune femme peinait à trouver de quoi sustenter un griffon, l'animal semblant ne jamais être totalement rassasié et ce n'était pas une maigre marmotte qui allait nourrir une bestiole de cette taille. Mais sans la possibilité de chasser pendant des heures entières, elle ne savait pas vraiment comment faire. Elle avait bien pensé à cacher en partie l'animal en usant de branches et autre éléments naturels pour le soustraire à la vue d'éventuels prédateurs, mais là encore elle n'avait pu que constater que le griffon n'avait pas la même vision qu'elle et semblait plus intéressé par se faire un tapis confortable qu'un camouflage efficace.

Retournant aux reste de la marmotte, elle enterra la peau et les viscères sous l’œil attentif du griffon qu'elle imaginait se pourlécher le bec intérieurement malgré le repas qu'il venait d'avoir. La proie étant trop petite pour s'en garder une part conséquente et elle grimaça en sentant son ventre gargouiller, réclamant lui aussi un repas. Elle avait finalement épuisé ses réserves et n'allait devoir compter que sur ses propres trouvailles pour se sustenter. Autant dire que trouver une marmotte n'allait clairement pas suffire. Elle s'installa en silence, faisant autant abstraction que possible de la faim qui commençait à lui tenailler l'estomac. Pour s'occuper l'esprit, elle s'approcha du griffon et examina sa patte blessée.

Ce fut un constat quelque peu étrange pour la jeune femme. Elle pouvait sans problème approcher et toucher l'animal à présent, celui-ci la laissant faire, comme s'il comprenait que c'était pour son propre bien. Une amélioration bienvenue que la jeune femme mettait doucement à profit. Elle ne voulait pas que l'animal soit dépendant d'elle, mais s'assurer qu'il ne la voit plus comme un repas restait dans sa tête. Ça et une autre idée plus farfelue.

- Si tu pouvais me ramener chez moi ce serait bien plus pratique... Tu me dois bien ça, pas vrai ?

L'animal dressa la tête et la pencha sur le côté, comme s'il comprenait qu'elle s'adressait à lui, tirant un sourire à l'ynorienne qui approcha doucement sa main de son bec. Elle la laissa en suspens, attendant que le griffon donne son accord. Il approcha sa tête de la paume tendue, sembla l'inspecter puis sembla gracieusement accepter en penchant la tête, amusant la jeune femme qui posa sa main dessus. Elle avait l'étrange sentiment qu'il jouait avec elle et elle trouvait la chose aussi inattendue que bienvenue. Elle caressa doucement la front de l'animal pendant quelques instants et il se laissa faire. Elle se perdit un peu dans son geste et sursauta lorsque l'animal dressa la tête, la faisant presque tomber à la renverse par la soudaineté de son action. Elle se retourna en voyant le griffon se tendre et fixer un point bien précis. Elle observa l'endroit quelques instants, mais, ne voyant rien, haussa un sourcil, perplexe.

Il claqua pourtant du bec, trois fois et la jeune femme finit par apercevoir quelque chose bouger rapidement et disparaître de son champ de vision aussi vite qu'il y était apparu. Elle ne put identifier la chose, mais elle semblait être repartie, le griffon étant retourné à sa toilette d'après repas. Hatsu resta plus de deux heures sur le qui-vive après cela et ne s'éloigna guère de son point de chute. Le fait de voir quelque chose ne l'inquiétait pas, elle avait l'habitude d'apercevoir fugacement des animaux. Le problème venait surtout du fait que le griffon avait semblé en alerte et que l'apparition était restée cachée avant de s'enfuir. N'y tenant plus, la jeune femme se leva, attirant un coup d’œil du griffon qui la regarda s'éloigner dans la direction supposée de la créature. Elle répondit à son cri d'un simple mouvement de main et commença à fouiller le sol à la recherche de traces sans rien relever de particulièrement probant.

Elle s'arrêta néanmoins sur des empreintes ayant légèrement creusé le sol. Elle fronça les sourcils en suivant leurs contours de l'index. Cela ne ressemblait à aucune empreinte d'animal qu'elle connaissait et, en examinant les alentours, elle perçut des traces semblables qui semblaient partir dans la direction opposée à la sienne, et plutôt rapidement. Elle finit par comprendre ce qu'étaient ces traces en fixant un instant celles laissées par ses propres bottes. Des empreintes de pas humanoïdes et chaussés. Elle redressa vivement la tête, scrutant les alentours avec attention, les yeux plissés face au soleil. Ne voyant rien de plus, elle observa les empreintes continuer puis disparaître sur le sol plus rocheux menant vers l'un des pics du massif.

- Mieux vaudrait ne pas traîner ici...

Mais avec le griffon blessé, les moyens de filer raidement étaient difficiles et la jeune femme ne se berça pas d'illusion. Le seul moyen efficace serait que le griffon prenne son envol, mais elle ne savait pas vraiment combien de temps sa patte mettrait à guérir pour lui permettre de prendre assez d'élan pour s'envoler. Elle retourna vers l'intéressé qui, inconscient de réflexions de l'archère, se curait l'aile droite avec son bec, laissant quelques plumes sur le sol rocailleux. Il dressa la tête à son approche et un curieux son sortit de sa gorge, presque comme une plainte. Perplexe, la jeune femme fixa l'animal réitéra son cri une seconde fois et Hatsu soupira en se grattant la tête. Difficile de deviner ce qu'il voulait, elle ne parlait pas griffon. Alors elle imagina qu'il s'agissait de nourriture. Quoi d'autre ?

- J'ai compris, je vais essayer de trouver plus gros.
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Hatsu Ôkami » lun. 15 févr. 2021 11:05

- Voilà, doucement. C'est bien mon grand.

Depuis deux heures, Hatsu aidait le griffon à se mouvoir avec sa patte blessée. Incertain et un peu pataud à cause des jours d'inaction, l'animal semblait écouter avec attention les paroles de l'archère, même sans en comprendre le sens. La jeune femme ne tarissait pas d'encouragement envers l'animal et donnait un soutien sur son flanc. Soutien plus symbolique qu'utile car si le griffon commençait à chuter sur elle, elle n'avait aucune chance de réussir à retenir la masse imposante de la créature. Se tenant non loin de sa patte blessée, une main posée sur son flanc, elle avançait avec lui alors qu'il boitait plus ou moins violemment suivant les aléas du terrain. Elle n'était pas sûre qu'il puisse encore se débrouiller seule pour chasser un animal terrestre, mais elle sentait que le griffon pouvait à nouveau s'envoler. Ce qu'il fit, soudainement.

Les grandes ailes s’ouvrirent brusquement, l'une d'elle manquant de justesse de frapper Hatsu qui s'écarta juste à temps pour voir l'animal prendre son élan pour décoller. Élan tout juste suffisant, mais qui lui permit de rapidement s'élever dans les air sous le regard et le sourire de la jeune femme qui l'observa faire de lents cercles dans les cieux avant de s'éloigner. Le voyant partir, Hatsu se sentit quelque peu idiote et observa les alentours avant de soupirer, se rendant à l'évidence : elle allait devoir rentrer seule, et à pied. Pendant un instant elle avait espéré chevaucher le griffon, mais elle revint à la réalité et prépara son départ, vérifiant ses affaires et emportant les quelques restes de viande qu'elle avait pu conserver du bouquetin tué l'avant-veille, alors qu'elle s'était éloignée plus loin que d'ordinaire. Le griffon avait mangé la majeure partie de la carcasse et Hatsu avait seulement pu se découper quelques morceaux çà et là alors que l'animal engloutissait le reste.

Observant le ciel bleu complètement vide à l'exception d'un couple de chocards à bec jaune qu'elle observa quelques secondes, elle mit son sac sur ses épaules et, s'orientant grâce au soleil, prit la direction du défilé qu'elle avait traversé pour venir dans les montagnes depuis Oranan. Descendant prudemment le terrain jonché de caillou, elle progressa en direction de la vallée, plus propice à un voyage puisque plus plat et parcourut çà et là de petits ruisseaux d'eau claire provenant des monts aux neiges éternels qui cernaient la région. Le terrain plus plane facilita la marche de l'archère qui ne cessait pourtant de jeter des coups d’œil derrière elle avec un étrange sentiment dans la poitrine. Elle finit par s'arrêter près d'un cours d'eau, s'y aspergea le visage dans un semblant de toilette. Le froid de l'eau la fit frissonner et elle perçut la saleté qui la recouvrait. Un peu dégoûtée, elle ne s'attarda pourtant pas, peu encline à prendre un bain dans un tel endroit dégagé. Trop dangereux. Pensant avec un certain enthousiasme au bain qui l'attendait chez elle, elle reprit sa route
.
Pourtant, après quelques pas, elle fronça les sourcils et ralentit le pas. Ses mains se dirigèrent vers ses armes, effleurant la Poche pour en tirer une flèche. Elle entendait quelque chose approcher et, consciente que bien peu de choses étaient amicales dans ces régions montagneuses, se prépara à tout. Elle se retourna vivement, flèche encochée et corde tendue, pour ne finalement rien apercevoir. Haussant un sourcil surpris, elle se tint sur ses gardes en observant les alentours avant que le bruissement du vent ne lui fasse lever la tête. Elle écarquilla les yeux avant de se jeter sur le côté avant qu'une masse informe ne s'écrase près d'elle, suivi de peu par l’atterrissage quelque peu incertain d'un griffon à la patte blessée. La jeune femme, médusée, observa l'animal replier ses ailes, la tête dressée dans une expression fière et victorieuse. Au sol, la carcasse d'un cervidé gisait, encore presque intact.

Deux cris brefs s'échappèrent du bec du griffon qui semblait impatient, fixant Hatsu avec intensité alors que la jeune femme, un peu sonnée par sa chute, s'asseyait le temps de reprendre ses esprits et d'être certaine de ne pas halluciner. Après quelques minutes, elle vit le griffon approcher et pencher sa tête vers elle. Par réflexe, elle tendit le bras et lui caressa la tête. L'animal se dégagea presque aussitôt, n'ayant visiblement pas envie d'être caressé et la jeune femme reprit ses esprits avant de se relever, titubant tout de même légèrement. Elle n'en croyait pas ses yeux. Le griffon l'avait retrouvé et apporté une proie qu'il aurait d'ordinaire mangé lui même. Elle comprit lorsque, patient, le griffon tenta de manger l'animal. Il dut poser sa patte valide sur la carcasse pour la maintenir, mais sa patte blessée, trop faible, ne supportait pas le poids à l'avant de son corps et il ne parvenait pas à se stabiliser suffisamment pour manger sa proie. Cela allait lui prendre un temps fou et les charognards ne manquerait pas de rappliquer bien avant qu'il n'ait pu se rassasier.

- Je vois... Je vais m'en occuper, j'imagine.

À l'entente de la voix de la jeune femme, ou à son approche, Hatsu n'aurait su dire, le griffon releva la tête et s'écarta de la carcasse. Hatsu s'empara de son couteau et entreprit de dépecer et découper le cervidé, lançant de gros morceaux de viande sanguinolente au griffon qui ne se faisait pas prier pour les attraper et les engloutir rapidement. Amusée et aussi attendrie par ce spectacle, la jeune femme voulut en profiter et commença à ralentir le rythme puis s'arrêter, attirant l'attention du griffon encore prêt à manger tout ce qu'elle pouvait lui lancer. Elle découpa un morceau de viande et le garda dans sa main, sans bouger. L'animal approcha et alla pour becter la part de viande, mais la jeune femme l'écarta et porta sa main vide devant le bec du griffon qui la fixa avec ce qu'elle jugea être de l'indignation.

- Donnant donnant mon grand.

Elle posa la viande au sol, derrière elle, puis se releva. Elle se décala pour le laisser récupérer son dû et, profitant qu'il soit occupé, bondit sur l'animal en s'aidant d'une pierre, grimpant alors sur son dos, juste devant ses ailes. Une fois juchée sur le dos de l'animal, elle devait bien admettre que cela allait s'avérer pratique. Seulement, le griffon ne l'entendait visiblement pas de cette oreille et ne mit guère de temps à exprimer son mécontentement en cherchant à désarçonner la jeune femme qui se cramponna au cou de l'animal pour finalement glisser et tomber au sol, récoltant un coup d'aile au passage et un cri particulièrement perçant d'un griffon qu'elle imaginait outré. Ledit griffon revint vers la carcasse à moitié dévorée et la jeune femme, après trois nouveaux essais, laissa tomber, le résultat restant strictement le même. Elle lui donna presque l'intégralité de la carcasse, ne se réservant qu'une part qu'elle jugea tout juste suffisante. Rassasié, le griffon s'allongea et entrepris de se toiletter le bec et les plumes rougies de sang tandis que la jeune femme se faisait cuire sa part de cervidé. Le repas avait pris un long moment et le soleil commençait déjà à décliner lorsque Hatsu put enfin manger. Elle fixa le griffon et se promit de retenter l'expérience dès qu'elle en aurait l'occasion.
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Hatsu Ôkami » mar. 16 févr. 2021 11:09

La nuit qui suivit fut un calvaire pour la jeune femme. Le vent descendant des montagnes souffla avec violence, frigorifiant l'archère malgré les habits et le manteau chaud qu'elle portait. Recroquevillée mais obligée de subir les rafales d'un vent glacé, la jeune femme grelottait en tentant vainement de se réchauffer en se frottant le torse de ses mains elles-mêmes froides. N'ayant pas la possibilité de faire et entretenir un feu dans un espace dégagé avec autant de vent, Hatsu ne put fermer l’œil et subit le vent des monts qui s'engouffrait dans la vallée. Parfois, de petits morceaux de roches volaient çà et là, preuves de la virulence du vent. Grelottant sous sa couverture, la jeune femme attendait l'aube avec impatience, certaine de pouvoir reprendre la route et que marcher la réchaufferait. Mais l'attente était longue et Hatsu commençait à craindre d'attraper quelques maux à cause du froid. Engelures et autres blessures liées au froid n'étaient pas courantes dans sa région natale et l'ynorienne n'avait aucune idée de comment se protéger de cela.

Soufflant sur ses doigts pour les réchauffer malgré les gants qu'elle portait, elle posa son regard sur la forme indistincte du griffon qui dormait non loin, visiblement pas plus dérangé que cela par le vent auquel il devait être habitué et protégé. Cela ne prit qu'une demi-seconde à la jeune femme pour prendre une décision qu'elle allait probablement juger téméraire dès le lendemain. Elle se leva et marcha, courbée face au vent, vers le griffon. Elle perçut l'animal légèrement bouger lorsqu'elle s'approcha, mais il ne fit aucun mouvement agressif et la chasseuse, transie de froid, se blottit contre le flanc de l'animal, protégée du vent et au contact d'un corps chaud. Elle soupira autant d'aise que de soulagement en ne sentant plus le vent lui geler les os et fit peu de cas du léger mouvement du griffon qu'elle ne perçut que bien peu alors qu'elle s'endormait finalement, épuisée.

Lorsqu'elle émergea de son sommeil, la jeune femme se sentit bien. Le sol n'avait rien d'un endroit confortable, mais elle pouvait sentir l'épaisse couverture qui la recouvrait et la douceur du plumage à ses côtés. Elle ouvrit brusquement les yeux et se redressa, cognant contre ce qu'elle pensait être une couverture et s'avérant être finalement l'une des ailes du griffon contre lequel elle s'était abritée et avait dormi. L'animal, pas plus gêné que ça par sa présence, avait lui aussi dormi et avait la tête tournée vers elle alors qu'elle s'extirpait, presque à contrecœur, du nid douillet de plumes dans lequel elle avait dormi. Une fois sortie elle observa le griffon qui se redressait à son tour et s'étirait en baillant, toutes griffes dehors avant de s'ébrouer comme l'aurait fait un félin. Elle était intriguée par le comportement de l'animal, si peu retranscrit dans les récits qu'elle avait pu feuilleter à la bibliothèque d'Oranan et qu'elle avait la chance d'observer depuis plusieurs semaines maintenant.

- Je pourrai écrire un livre sur toi, tu sais ?

Bien loin de se préoccuper d'une telle chose, le griffon se nettoyait l'aile droite avec application. Sa patte avant blessée était le plus souvent repliée et Hatsu espérait que la guérison n'allait pas prendre des semaines, car elle ne voyait pas comment l'animal pouvait se nourrir ainsi. Certes, chasser ne lui était pas impossible, mais cela restait probablement difficile de plaquer ses proies avec une patte douloureuse et elle avait bien vu à quel point il était difficile pour lui de manger une proie imposante, ne parvenant pas à la maintenir au sol convenablement. Il pouvait toujours se rabattre sur plus petit, mais il allait décimer les marmottes et autres petits mammifères de la région s'il faisait cela, un seul spécimen n'était clairement pas suffisant pour un animal de cette taille. La seule chose envisageable serait de continuer à le nourrir comme elle l'avait fait depuis sa blessure, car elle se voyait mal le laisser se débrouiller. De toute façon il avait visiblement réussi à la retrouver après qu'elle ait cru qu'il était parti, donc il pouvait toujours réitérer l'effort.

Profitant que le griffon soit occupé à se nettoyer l'aile gauche à présent, elle s'avança et passa la main dans le plumage de l'animal, le faisait relever la tête et poser son regard doré sur elle. Elle eut l'impression qu'il la jaugeait un instant, puis il retourna à sa toilette, donnant visiblement son accord pour que la jeune femme le caresse ainsi. Elle s'en amusa en imaginant que le griffon était de meilleure humeur pour la laisser ainsi le grattouiller comme elle le ferait avec un chat. Voulant profiter de cette bonne humeur manifeste – ou imaginée – elle flatta le flanc de l'animal, puis son cou avant de prendre son élan et de sauter sur son dos. Du moins c'était le plan qui se solda par un échec, l'animal réagissait aussitôt en se secouant, faisant chuter l'archère qui se retrouva le visage face au ciel et le dos douloureux. Le griffon se contenta de la fixer quelques secondes avant de reprendre sa toilette.

Visiblement, permettre à l'archère de le caresser et la protéger du froid ne voulait pas dire qu'elle pouvait tout se permettre en lui grimpant sur le dos. Pourtant, en début d'après midi, alors que l'animal, étendu de tout son long, profitait du soleil, elle réitéra l'expérience, un peu différemment. Elle arriva de face cette fois, et non de côté, et ne masqua pas du tout ses intentions. L'animal la fixa et la suivit du regard alors qu'elle passait sur on flanc et agrippait l'endroit où elle imaginait pouvoir se jucher. L'animal ne faisant rien pour l'en empêcher, elle bondit souplement et s'installa entre la nuque et les ailes de l'animal et resta parfaitement immobile quelques instants avant de se détendre lorsque le griffon ne fit rien pour la désarçonner cette fois. Elle lui flatta les côtés du cou et se lova contre le plumage doux et confortable de l'animal qui sembla apprécier le geste en poussant un cri presque chantant.

(Pas de sournoiserie, je dois être parfaitement claire avec lui, je vois...)

Les jours qui suivirent furent une période d'essai pour la jeune femme. Elle recommença plusieurs fois et s'aperçut qu'il acceptait sans mal sa présence sur son dos lorsqu'il était allongé. Debout, il ne la laissait pas grimper et elle comprit d'elle-même en le voyant plier sa patte blessée lorsqu'elle approcha de la même façon qu'elle le faisait lorsqu'il était allongé. Sa patte devait le faire souffrir lorsqu'elle tentait de grimper, aussi n'essaya-t-elle pas pendant près d'une semaine, se contentant d'habituer l'animal à sa présence sur son dos lorsqu'il était allongé, passant parfois une bonne partie de l'après midi dessus, s'endormant même une fois et ne se réveillant qu'en tombant de l'animal qui se levait et faisait peu de cas de la cavalière qui ne devait pas peser bien lourd pour lui. Elle continua de dormir près de lui, de chasser et de lui faciliter ses repas, le laissant reprendre peu à peu ses forces et gagner encore davantage confiance. Il se déplaçait bien plus facilement après une semaine de ce traitement et partait parfois plusieurs heures pour voler, laissant à la jeune femme le temps de chasser pour se nourrir elle aussi. Et ce fut lors d'un de ces moments qu'elle revit les empreintes humaines qu'elle avait déjà croisées. Suspicieuse, elle observa les alentours avant de voir un objet voler dans sa direction. Elle roula sur le côté pour éviter le projectile et se redressa, les sens en alerte avant de voir trois silhouettes avancer dans sa direction, l'un d'eux portant une fronde. Elle jura et se mit à courir.

- Manquait plus que ça...
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Hatsu Ôkami » mer. 17 févr. 2021 11:56

Roulant derrière un rocher assez large pour l'abriter, Hatsu entendit un projectile heurter sa protection précaire. Encochant une flèche, elle sortit de son couvert et tira en direction du trio d'inconnus qui réduisait la distance. Elle les entendit jurer et se mettre eux aussi à couvert et elle reprit sa course vers un terrain plus favorable. Elle n'avait aucune idée de qui ils étaient ni ce qu'ils voulaient, mais elle n'allait certainement pas leur faire le plaisir de se rendre gentiment comme ils l'avaient demandé juste après lui avoir tiré dessus sans sommation. Filant en direction du cours d'eau où elle était installé, elle slaloma pour éviter de se prendre un projectile et glissa sur le terrain rocheux pour se mettre à l'abri et préparer un nouveau tir. Elle inspira et sortit de son couvert, la flèche fila et elle se remit à couvert juste avant d'entendre un cri de douleur et une injure à son intention. Cela lui tira un rictus indigné. Ils l'attaquaient et se permettait telles obscénités à son égard alors qu'elle se défendait, seule contre trois.

- Ordures sans honneur...

Elle entendit nettement des pas de course et tira son couteau de chasse pour le poser au sol. Elle encocha une autre flèche et sortit une nouvelle fois de son couvert pour voir les trois individus lui courir dessus à toute vitesse, l'un d'eux ayant une flèche brisée plantée dans l'épaule gauche. Elle ne s'attarda guère à les détailler et tira , les forçant à se jeter au sol, lui donnant assez de temps pour ramasser son couteau et se remettre à courir. Elle les entendit vociférer derrière elle et recommença à slalomer pour éviter un projectile qui lui frôla tout de même l'épaule, lui donnant quelques sueurs froides. Elle n'arrivait pas à les semer et le bosquet le plus proche était encore trop loin pour qu'elle puisse espérer y parvenir sans qu'ils ne la rattrape. Elle devait gagner du temps et se retourna pour tirer une nouvelle flèche. Elle prit le temps de viser cette fois, et la flèche transperça la cuisse de l'homme déjà blessé. Il s'effondra en criant de douleur, se tenant sa jambe blessée. Hatsu avait espéré que ses camarades allaient abandonner la poursuite et lui venir en aide, mais il n'en fut rien et ils se ruèrent sur elle avec encore plus de hargne.

Le frondeur ne perdit pas de temps et un projectile atteignit Hatsu à l'épaule. La bille de métal sembla lui déboîter l'épaule et la jeune femme ne put retenir un cri et lâcher la flèche qu'elle avait en main sous la douleur. Elle se remit débout recommença à courir, faisant autant abstraction que possible de la douleur de son épaule qu'elle pouvait heureusement bouger. Elle avait cru un instant ne plus pouvoir sans servir tant la douleur avait été violente, mais elle ne semblait pas avoir quelque chose de cassé. Perdant peu à peu du terrain, la jeune femme commençait à paniquer et tenta le tout pour le tout. Elle se retourna brusquement et, serrant les dents sous la douleur, banda son arc. Trop proches, les deux hommes ne purent réagir à temps et l'un d'eux s'écroula, la poitrine percée d'une flèche. Le deuxième, indemne, se jeta sur la jeune femme et ils roulèrent tous deux au sol, Hatsu lâchant son arc dans l'affrontement.

Les deux adversaires luttèrent un moment pour prendre l'ascendant sur l'autre, Hatsu cédant peu à peu du terrain, sa corpulence, pourtant athlétique après ses entraînements et son voyage, n'était pas tout à fait de taille face à l'homme aux cheveux longs et aux yeux couleur de terre. Elle termina sur le dos, l'avant-bras de l'homme sur sa gorge, son autre main libre retenant la dextre de la jeune femme. Les deux haletaient, mais la jeune femme peinaient à respirer avec le poids sur sa gorge et de petites lumières, signe d'un manque d'air, apparurent devant ses yeux. Tâtonnant le sol, elle s'empara d'un caillou de sa main libre et frappa violemment le côté du crâne de l'homme qui desserra aussitôt son étreinte en poussant un cri de douleur. Sans attendre, elle repoussa son assaillant et roula sur le côté en toussant et crachotant. Sa gorge douloureuse, elle s'éloigna en titubant, cherchant son arc des yeux.

Elle finit par mettre la main dessus et le ramassa avant de se tourner vers l'homme qui, le front en sang, avait commencé à avancer vers elle. Il se figea en apercevant la jeune femme le mettre en joue et leva les mains en signe de reddition. Respirant avec peine, Hatsu ne bougea pas, évaluant la situation qui restait précaire. Prudemment, elle s'éloigna de deux mètres supplémentaires et relâcha la pression sur la corde de son arc pour ne pas que ses bras tremblent sous l'effort. Un bruit sur sa droite lui fit tourner la tête et elle changea de cible. Un autre homme, celui qu'elle avait blessé en premier, lui fonçait dessus malgré la flèche plantée dans sa cuisse. Surprise, elle réagit au quart de tour et la flèche fila, perforant l’œil et le crâne de l'homme qui s'effondra pour de bon. Ce petit moment permit à l'autre de se rapprocher, mais il se figea bien vite et reculer précipitamment sous les yeux surpris de la jeune femme. Ce ne fut qu'en entendant un cri perçant et une ombre la dépasser qu'elle comprit. Elle assista, ébahie, à l'assaut du griffon qui, plutôt que de se poser, utilisa sa patte indemne pour attraper l'homme par la tête, le soulever de quelques mètres avant de le lâcher, le laissant s'écraser sur le sol un peu plus loin.

Se laissant tomber au sol en inspirant lentement, elle observa le griffon faire un long cercle avant de se poser en douceur près d'elle, ses ailes menaçant de la faire chuter pour de bon à force de battre. Elle tint néanmoins bon et tendit une main vers le griffon, lui caressant la tête qu'il avait approchée. Elle sourit face à la scène qui se jouait, se souvenant encore de la peur qui l'habitait quelques semaines auparavant alors qu'elle cherchait à s'éloigner le plus possible de l'animal. Elle inspira et se redressa, se retenant au flanc du griffon qui ne broncha pas. D'un pas qui se fit plus assuré à chaque mètre, elle dirigea vers l'homme dont le griffon s'était chargé. Il respirait encore, mais avec difficulté. Il semblait avoir au moins un bras de cassé à première vue, mais Hatsu devina sans peine que c'était bien plus que cela. Elle s'agenouilla près de lui, attirant son regard.

- Pourquoi ?

Il se contenta de cracher du sang, mais son regard se porta sur le griffon resté en retrait puis revint sur la jeune femme avant que la dernière lueur de vie encore présente se s'éteigne finalement. Incapable d’interpréter ce regard, la jeune femme se contenta de fermer les yeux de l'homme, lui donnant un aspect plus paisible malgré la violence de sa mort. Elle n'allait pas le plaindre, après tout lui et ses acolytes l'avaient attaqué sans sommation, mais elle adressa tout de même une prière rituelle à Rana avant de se redresser, d'hésiter, puis de fouiller le corps sans vie. Elle trouva une bourse dans laquelle deux pierres familières reposaient. Deux runes dont une qu'elle connaissait, ainsi qu'un peu d'argent, récupéra la fronde et les billes d'acier qui lui servait de munitions

Observant le corps sans vie, elle hésita sur la marche à suivre, mais fixa avec horreur le griffon alors qu'il s'approchait du cadavre. Elle lui barra la route, s'attirant un cri perçant qu'elle estima être un cri de colère alors qu'elle se mettait en travers de son repas. Elle ne céda pas pour autant et ils se fixèrent l'un l'autre un instant. Puis le griffon avança et poussa la jeune femme de la tête. Elle manqua chuter, mais tint bon avant de se remettre devant l'animal qui claqua du bec, mécontent. Haletante, la jeune femme obstinée persista jusqu'à ce qu'un coup un peu plus fort du griffon ne frappe son bras endolori. La douleur, brusquement réveillée, lui arracha un cri et elle tomba au sol, les yeux embués. Si l'adrénaline du combat lui avait permis d(ignorer suffisamment la douleur pour tirer à l'arc, ce n'était plus le cas et elle tenait son bras en inspirant difficilement. Elle se recroquevilla sur le sol, tremblante, tenant désespérément son épaule endolorie. Une ombre passa au-dessus d'elle et, levant les yeux, elle perçut l'aile du griffon l'entourer alors qu'il s'allongeait près d'elle. Le front perlé de sueur, elle fixa l'animal qui avait délaissé le corps encore chaud pour se poser près d'elle et, après un sourire, se lova contre le flanc de l'animal comme s'il pouvait à lui seul faire disparaître la douleur qui emplissait son corps.
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Hatsu Ôkami » dim. 28 févr. 2021 22:54

Après un long moment à ne plus bouger, pressée contre le flanc de l'animal qui l'accompagnait depuis plusieurs semaines, Hatsu se redressa finalement. Lentement, elle s'écarta du griffon qui la fixa, un curieux hululement sortant de son bec. Par un automatisme qu'elle ne se souvenait pas d'avoir acquis, elle porta sa main sur le bec de l'animal, comme pour le rassurer, le frottant doucement. Elle inspira et, grimaçant de douleur, entrepris de défaire ses habits afin d'examiner son épaule. Douloureuse et violacée, elle n'était pas pour autant cassée et la blessure était plus douloureuse que réellement grave. La jeune femme allait devoir éviter de forcer dessus pendant quelques jours, mais rien qui risquait d'empirer tant qu'aucun autre combat de ce genre se profilait. Soulagée, la jeune femme se rhabilla et, une idée fixe dans la tête, entrepris de retrouver les corps des deux autres hommes croisés. Elle n'en trouva qu'un seul et s'évertua, avec un seul bras à le ramener près de l'autre et à les ensevelir tous les deux sous des pierres, faute d'avoir de quoi les brûler ou les enterrer. Cela lui prit le reste de la journée entière et ne lui apporta guère de satisfaction. Tout au plus se consola-t-elle avec un tissu récupéré sur l'un d'eux, qu'elle utilisa pour maintenir son bras dans une écharpe relativement stable et minimisant ainsi les douleurs que son épaule lui causaient.

Ce fut avec un certain scepticisme qu'elle ne trouva trace du dernier homme. La nouvelle ne l'enchantait guère, car il pouvait très bien avoir d'autres camarades dans les environs. Aussi, après s'être occupée des rites sommaires pour les corps désormais sans vie, elle reprit la route aussi vite que possible. Deux problèmes vinrent pourtant la ralentir. Le premier était son corps affaiblit et fatigué par le séjour prolongé dans les montagnes, le manque de sommeil et de repas réellement nourrissant ainsi que ses blessures qui ajoutaient à la pénibilité de la marche des douleurs dont elle se serait bien passée. Le deuxième problème était le griffon. Ne s'inquiétant nullement d'un potentiel danger, l'animal allait et venait, retrouvant toujours la trace de la jeune femme qu'il suivait à la trace à présent, ne s'éloignant jamais réellement assez longtemps pour la perdre de vue. La jeune femme fut vite agacée, sa condition n'aidant pas son humeur à s'améliorer, par les incessants allées et venues de l'animal qui trahissait sans mal sa position si d'ordinaire on la cherchait, le vol d'un griffon étant facilement repérable. Deux soirs après le combat, elle s'approcha de l'animal qui venait de revenir en se posant délicatement sur le sol pierreux. Elle fallait qu'elle parvienne à suffisamment se faire accepter pour qu'il la laisse grimper sur son dos. Si la jeune femme avait voulu le laisser reprendre sa vie sauvage habituelle, elle ne se faisait guère d'illusion concernant sa situation. Elle ne rentrerait jamais à Oranan dans son état. Alors, égoïstement, elle espérait parvenir à faire de ce griffon un compagnon pour rentrer chez elle. Elle refusait d'user de la force ou de l'affamer pour y parvenir, cependant. Elle voulait simplement qu'il lui fasse confiance.

Doucement, elle défit l'écharpe retenant son bras et, retenant une grimace douloureuse, leva les deux bras pour caresser doucement le cou de l'animal qui pencha sa tête vers elle, la fixant de son regard doré aux iris rondes et emplies de curiosité. Il baissa son bec vers son visage et ils se scrutèrent ainsi un long moment. L'humaine et la bête, l'ynorienne et le griffon, plongés dans une longue conversation silencieuse. Hatsu ne souhaitait pas s'imposer à l'animal, aussi fit-elle une chose qui n'aurait pas eu beaucoup de sens pour un observateur extérieur. Elle inspira et, plutôt que de continuer à fixer le griffon, leva la tête et lui offrit son cou. Un mouvement qui revenait à laisser sa vie entre les mains de l'animal, puisque lui présentant une partie vulnérable volontairement. Un mouvement qui ne plus pas particulièrement à Loup qui grogna ans l'esprit de la jeune femme, mais celle-ci l'ignora après le silence qui avait eu lieu ces dernières semaines. Elle ne comptait pas faire marche arrière.

Elle sentit plus qu'elle ne vit le griffon bouger. Puis le bec de l'animal se logea sous sa tête, sans la toucher pour autant. Il claqua deux fois, mais la jeune femme ne bougea pas davantage. Il toucha finalement l'archère en collant sa tête contre elle avant de se redresser pour la fixer alors qu'elle baissait la sienne pour croiser son regard. Malgré son cœur qui battait la chamade, la jeune femme gardait un sourire sur les lèvres. Sourire qui se transforma en expression surprise lorsque l'animal se coucha sur le sol face à elle, ailes repliées et la tête légèrement de côté. La jeune femme déglutit, comprenant que si elle se trompait, l'animal n'aurait jamais suffisamment confiance en elle. Elle repassa dans sa tête tout ce qu'elle avait pu lire sur les griffons sans jamais trouver ce qu'il convenait de faire. Lentement, elle approcha. Elle savait qu'elle ne devait pas hésiter car cela serait immédiatement perçu par l'animal, mais un mouvement erroné pouvait tout aussi bien la condamner.

Elle fléchit légèrement les jambes, veillant à ne pas scruter le regard qu'elle sentait braqué sur elle et posa sa tête contre le cou de l'animal, visage dans son plumage, ses mains de chaque côté de sa tête. Elle pressa son visage quelques instants contre le griffon, sans oser ne bouger le moindre muscle, se contentant juste de respirer avec le moins de bruit possible. Ils restèrent chacun immobile un moment, puis elle sentit la tête de l'animal s'approcher. Un étrange son sortit de la gorge de l'animal. Un son plus mélodieux que ses cris habituels et Hatsu redressa la tête pour fixer à nouveau le regard d'ambre du griffon. Ses mains ses perdirent dans le plumage recouvrant le cou de la créature et elle soupira doucement, calmant peu à peu les battement de son cœur alors qu'elle se laissait lentement tomber à genou sur le sol, ses jambes quelques peu affaiblies après la pression qui l'avait étreinte. Elle sentit la morsure de la roche contre ses genoux mais n'y porta que peu d'attention, focalisée sur l'animal qui se redressait en étendant ses imposantes ailes. Deux battements soulevèrent suffisamment de poussière pour que la jeune femme doivent se protéger le visage. Lorsqu'elle retira son bras de son visage, elle vit que l'animal la fixait d'un regard perçant. Elle se redressa, lui faisant alors face et vint doucement le cajoler, le voyant pour la première fois pencher la tête pour en profiter pleinement.

- Je devrais te trouver un nom, tu ne crois pas ?

Se secouant doucement la tête pour remettre en place les plumes ébouriffées par les caresses de Hatsu, le griffon la fixa à nouveau avec ses yeux couleur d'or. Hatsu s'y perd un instant avant qu'un sourire n'éclaire son visage et qu'elle se pose délicatement sa main sur la joue de l'animal sans jamais quitter les pupilles aussi pures que l'or.

- Kinome...
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Hatsu Ôkami
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Hatsu Ôkami » mer. 3 mars 2021 11:36

- Bon, on y retourne, viens voir !

En entendant la voix de la jeune femme qui portait son regard vers lui, le griffon tourna la tête et fixa l'archère qui se tenait fièrement campée sur ses jambes, une idée en tête. Quelques secondes passèrent, silencieuses, avant qu'il ne retourne à sa toilette, levant une aile pour gratter de son bec les plumes qui se trouvaient en dessous. Un soupir agacé quitta les lèvres de l'ynorienne qui approcha l'animal pour attirer son attention. Après qu'elle ait senti une sorte d'acceptation de sa part, elle s'était dit que ce serait simple. Elle se trompait et l'animal n'avait pas fait le moindre effort depuis la veille pour la laisser grimper sur son dos. Il réagissait sans mal à sa voix, sans pour autant que cela ne signifie quoi que ce soit. En revanche, elle comptait bien lui faire comprendre son nom et venait de décider de commencer par là. Elle laissa passer quelques instants puis l'appela une première fois sans qu'il n'y ait de réaction. Une seconde fois, quelques dizaines de secondes plus tard, et l'animal tourna son regard vers elle. Elle sourit et alla caresser la gorge de l'animal qui sembla apprécier le geste sans pour autant en comprendre le sens.

Elle continua son manège tout au long de la journée, appelant Kinome à divers moments tout en lui offrant caresses ou morceaux de viande issus d'une chasse lorsque le griffon réagissait à son nom. La viande semblait être plus efficace que les caresses mais la jeune n'en avait pas en quantité illimitée et prenait garde à tout de même en conserver un peu pour se nourrir. Elle se doutait bien que cela n'allait pas se faire en un jour, mais l'animal était étonnamment réceptif et semblait avoir rapidement fait le rapprochement entre le mot et la récompense donnée par la jeune femme. La nuit venue, elle se blottit contre le flanc du griffon qui la recouvrit de son aile en la fixant alors qu'elle s'installait sur le sol. Elle remarquait qu'il la regardait parfois de la sorte, sans jamais réussir à déchiffrer l'expression ou à en comprendre la raison. Elle tendit alors une main vers lui et caressa le bec qu'il approcha dans un léger hululement. Elle sourit et le caressa jusqu'à ce qu'il pose sa tête à son tour pour passer la nuit.

Les trois jours qui suivirent laissèrent à la jeune femme le temps d'expérimenter à nouveau. Elle s'éloignait pour appeler le griffon qui ne réagissait guère au début, se contentant parfois de la fixer de loin comme s'il se demandait ce qui arrivait à l'humaine qui l'accompagnait pour crier si fort. À force, il se mit à réagir de plus en plus vite et à la rejoindre d'un air à la fois intrigué et impatient, récoltant les morceaux d'une sorte de gros rongeur que la jeune femme avait tué alors qu'il dormait encore. Hatsu estimait que cela se passait plutôt bien et le griffon avait retrouvé la majorité de ses forces, s'envolant régulièrement sans la moindre difficulté. Sa patte gardait la marque de sa blessure et il semblait prudent lors de ses atterrissages, mais au moins parvenait-il désormais à s'envoler et à ramener la proie qu'il avait tué lors d'une de ses pérégrinations volantes.

- Tu es un goinfre Kinome, tu le sais j'espère ?

L'intéressé redressa la tête, un morceau de viande pendant de son bec qu'il récupéra d'un coup de langue, amusant l'archère qui retourna à son dépeçage. Elle espérait conserver la peau après l'avoir nettoyé et débarrasser des poils et de la graisse. Ne désespérant pas de réussir à grimper sur le griffon, elle voulait s'en servir comme un genre de tapis, faute de selle, afin de se maintenir sur le dos de l'animal sans lui abîmer les plumes et sans risquer de glisser à chaque mouvement. Du moins c'était l'idée théorique. Dans la pratique, elle ne savait toujours pas comment se faire accepter comme cavalière sur son dos. Elle ne voulait certainement pas faire comme au début, s'installant sournoisement alors qu'il mangeait, mais elle n'était pas certaine de la bonne façon de procéder. Elle s'ébroua et se leva, attirant l'attention de Kinome qui terminait d'engloutir une patte. Elle se posta devant lui, dans une attitude qu'elle espérait calme et détendue.

- Qui ne tente rien n'a rien je suppose.

Doucement, elle posa ses mains de chaque côté de la tête de l'animal qui avança la tête, faisant sourire la jeune femme. Il appréciait bien plus les caresses qu'auparavant, allant presque jusqu'à les réclamer à présent. Elle le flatta ainsi un moment avant de se poster lentement sur son flanc, ses mains ne cessant de caresser le plumage de l'animal. Il la suivit du regard et ne broncha par lorsqu'elle tendit les bras pour caresser l'endroit où elle estimait pouvoir s'installer s'il l'acceptait. Kinome ne faisant rien pour l'empêcher ou l'inciter, elle attendit sans cesser de le caresser, puis bondit sur le dos de l'animal. Elle resta alors immobile. Rien ne se passait et elle se détendit imperceptiblement alors qu'un sourire apparaissait sur son visage. Puis le griffon s'ébroua brusquement et la jeune femme se sentit projetée sur le côté, un « Ah » surpris lui échappant avant qu'elle ne heurte le sol. Elle grimaça de douleur et mit quelques secondes à se redresser pour finalement voir Kinome prendre son envol sans un regard en arrière. À la fois dépitée et en colère, elle le regarda s'élever dans le ciel sans rien dire ou faire, puis s'empara d'un caillou qu'elle jeta rageusement.

Elle ne savait pas vraiment si elle était en colère contre lui, contre elle-même, les deux ou autre chose, mais elle savait qu'elle était quelque peu frustrée de ce dénouement alors que les choses semblaient aller parfaitement. Elle soupira et se releva en grimaçant pour observer Kinome s'éloigner dans le ciel. Elle retourna à la préparation de sa peau en essayant de faire abstraction de ce nouvel échec quelque peu humiliant à ses yeux et oublia le reste. Elle l'oublia tellement qu'elle délaissa même la surveillance permanente des alentours, n'entendant pas approcher l'imposante silhouette dans son dos. Ce ne fut que lorsqu'elle remarqua une ombre inhabituelle qu'elle compris que quelque chose n'allait pas. Sans attendre elle roula et se retourna, faisant face à un colosse humain aux bras noueux, au petits yeux porcins, au nez plat et aux cheveux si courts qu'on les apercevait à peine.

- Alors c'est toi la bonne femme qui fait mumuse avec un griffon ? Navrée, mais je ne peux pas laisser la mort de mes hommes impunie, ça fait mauvais genre. Qu'as-tu fait des corps d'ailleurs ?

Hatsu plissa les yeux, mais se dit que répondre n'allait pas empirer sa situation.

- Je les ai enterré, ils doivent être près de là où ils m'ont attaqué.

Le colosse leva un sourcil étonné tout en empoignant la hache à double tranchant qu'il portait dans le dos. Il sembla hésiter avant d'ajouter finalement.

- Et bien, je ne m'attendais pas à ça... En remerciement, je vais te tuer avec honneur sans te livrer à mes hommes.

La jeune femme se tendit en entendant des exclamations déçues tout autour alors que d'autres silhouettes sortaient de divers endroits, cachées par des roches, des buissons ou le relief. Elle serra les poings et fut surprise de voir l'homme lui lancer son arc avant de jouer avec sa hache comme si elle ne pesait rien.

- Allez l'ynorienne, meurs avec honneur.
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Hatsu Ôkami » mer. 10 mars 2021 18:22

- Tu te débrouilles pas trop mal, pas étonnant que les autres imbéciles se soient faits avoir. Ils t'ont sous-estimée.

Haletante, Hatsu essuya le filet de sang qui coulait depuis son arcade. Cela faisait plusieurs minutes qu'elle esquivait encore et encore le tranchant de la lame du colosse, parfois de trop près comme en témoignait la ligne écarlate marquant son front. Elle enrageait en le voyant clairement s'amuser tandis que les autres les encerclant lui ôtaient tout possibilité de fuite. Son arc ne lui était pas d'un très grand secours et son simple couteau de chasse n'allait pas pouvoir faire grand chose face à ce type qui jouait avec son imposante hache comme si c'était un simple bout de bois. Elle essaya de se remémorer la façon dont son frère utilisait son katana, mais impossible d'appliquer une telle technique de combat avec ce qu'elle avait en main. La Poche battait toujours son flanc, mais elle doutait de réussir à user de son arc avec suffisamment de vitesse pour utiliser pleinement les pouvoirs de cet objet.

- Que dirais-tu de nous rejoindre ?

Hatsu regarda le colosse, hébétée, avant de plonger en arrière pour éviter un coup en traître qui la fit enrager davantage alors que lui s'esclaffait de la réaction de l'ynorienne.

- Ne sois pas si étonnée. Je te l'ai dit, tu te débrouilles bien, on a toujours besoin d'un bon élément dans un groupe. Et puis.. ça offre d'autres avantages...

Elle ne réprima pas une grimace dé dégoût face au haussement de sourcil suggestif du colosse, augmentant un peu plus son hilarité. Rire qui mourut rapidement alors qu'il tapotait avec impatience le sol avec sa hache.

- Fini de jouer, l'ynorienne. Réponse.

Hatsu fléchit les jambes et serra la mâchoire en voyant le colosse se préparer à attaquer à nouveau. Sa main droite s'était glissée près de la Poche mais il lui manquait encore une brève seconde pour saisir une flèche. Elle aurait aimé gagner un peu plus de temps alors qu'il riait, mais l'homme était plus prudent que ne le laissait indiquer son impressionnante carrure. La jeune femme tenta tout de même le tout pour le tout, mais son geste se figea à mi-chemin et elle s'immobilisa complètement avant de laisser retomber son bras le long de son flanc pour finalement s'accroupir face au regard surpris du colosse qui la regarda avec un air étrange. Un cri d'un de ses hommes attira l'attention de l'homme et Hatsu en profita pour se mettre à courir. Occupés à fixer avec surprise la raison du cri de son compagnon,, l'homme le plus proche n'arrêta pas la jeune femme qui le bouscula violemment pour se mettre à détaler.

Un bruissement lui fit lever la tète alors que l'ombre de Kinome la survolait une dizaine de mètres plus haut. Elle entendit aussi nettement le colosse hurler à ses hommes de lui courir après et la jeune femme courut aussi vite qu'elle le put, cherchant à semer ses poursuivants décidément bien trop nombreux. Un projectile siffla non loin d'elle et l'archère jura intérieurement et commençant à changer de direction de façon aléatoire pour essayer d'échapper aux traits qui signaient son arrêt de mort s'ils la touchaient. Elle entendit le cri perçant du griffon qui se trouvait non loin et, inspirant, hurla son nom, le son de sa voix se réverbérant contre les parois rocheuses. Elle continua de courir avant que l'ombre de l’animal ne la recouvre à nouveau et qu'il n’atterrisse quelques mètres devant elle, la stoppant net. Le front en sueur, le souffle court, son regard passe du griffon à ses poursuivants qui gagnaient du terrain désormais.

-Laisse-moi monter, Kinome, je t'en prie...


Et sans plus attendre, elle fila vers le griffon et bondit sur le dos de l'animal qui réagit aussitôt. Hatsu s'attendait à ce qu'il la désarçonne ou qu'il s'envole, d'un extrême à l'autre. Mais non, il se mit à galoper droit vers les humains qui s'écartaient en toute hâte de son chemin. Cramponnée au griffon comme une naufragée à sa planche de bois, la jeune femme se sentait ballottée de partout et aurait presque regretté le voyage si cela ne lui donnait pas une chance de s'en tirer. Elle sentit un choc et faillit tomber, se cramponnant plus fermement encore avant d'ouvrir les yeux en sentant les ailes du griffon s'ouvrir. Et elle réalisa alors deux choses. La première était qu'elle n'avait absolument rien pour se retenir au griffon hormis les plumes qu'elle essayait de ne pas arracher en s'y accrochant. L'autre était qu'elle n'avait aucune idée de comment, une fois en l'air, lui demander de redescendre.

Elle allait ouvrir la bouche mais ce qu'elle allait dire fut remplacé par un cri mêlant surprise et frayeur lorsque l’animal prit finalement son envol. Ne sentant plus le contact rassurant du sol sous ses pieds ou les pattes du griffon, Hatsu s'accrocha aussi fort qu'elle le put et ferma les yeux en priant Rana de toutes ses forces. Elle se sentait tantôt glisser en arrière ou sur les côtés et n'osait pas ouvrir les yeux, se contentant de se cramponner, ballottée comme elle l'était par les battements d'ailes du griffon. Elle était soulagée d'être en vie, mais craignait de faire sa dernière chute si jamais elle se laissait aller ne serait-ce qu'une fraction de seconde. De longues minutes passèrent ainsi, le cœur de la jeune femme battant à tout rompre contre sa poitrine. Puis le vol sembla se stabiliser et les ailes cessèrent de battre violemment, l'animal se mettant probablement à planer. Inspirant et expirant bruyamment, la jeune femme, les yeux toujours clos, sentait le souffle du vent faire voleter ses cheveux derrière elle alors que son manteau battait sur ses flancs. Elle se calma peu à peu en sentant le calme revenu et finit par ouvrir les yeux.

La première chose qu'elle vit fut la nuque blanche comme la neige de Kinome, dans laquelle elle avait presque enfoui son visage durant son envol et autour de laquelle étaient toujours enroulés ses bras. Puis son regard accrocha un instant le bout de l'aile qui apparut dans son champ de vision. Elle tourna la tête et elle écarquilla les yeux. Bouche bée, la jeune femme se redressa sur le dos du griffon qui se laissait porter par le vent et elle en oublia, un instant, toute la dangerosité de sa situation, ses yeux n'accrochant que ce qui l'entourait alors que sa bouche s'ouvrait sur une exclamation résumant bien son sentiment actuel.

- Whoa...
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Hatsu Ôkami » lun. 15 mars 2021 11:08

Entre Terre et Ciel


Sous la lumière dorée d'un soleil éclatant, la terre recouverte de neige semblait briller tel un diamant, contrastant avec le vert des forêts de conifères visibles çà et là. L'astre solaire faisait scintiller l'eau limpide qui serpentait dans les vallons, caressant le contour des monts dont il était facile d'apercevoir le sommet à présent. Se redressant face au spectacle qui s'offrait à ses yeux, Hatsu en oublia un instant où elle se trouvait et se cramponna à nouveau à Kinome lorsqu'une rafale de vent glacé vint le lui rappeler. Elle osait à peine regarder en bas, certaine de ne pas apprécier estimer la hauteur à laquelle elle se trouvait et se focalisa plutôt sur le lointain, observant le massif des jumeaux, puis laissant son regard dériver vers les terres maudite d'Omyre dont elle devinait à peine le contour. Elle s'accrocha au griffon lorsqu'il vira légèrement pour éviter un nuage puis leva la main pou toucher un. Sa main disparut à l'intérieur et elle la retira, froide et couverte d'eau, avec le regard émerveillée d'une enfant ayant fait une découverte fabuleuse. Certaine de ne jamais pouvoir se lasser d'un tel spectacle, elle observa encore et encore le paysage, s'amusant de voir parfois la forme minuscule d'une créature évoluer en contrebas ou la forme lointaine d'une construction nichée dans un vallon.

- Tu vois ça tous les jours...


Le griffon se contenta de battre des ailes pour conserver son altitude, malmenant quelque peu l'ynorienne qui faisait de son mieux pour ne pas bouger. Malgré la situation, où elle était les pieds dans le vide et sans attaches sur le dos d'un animal volant, Hatsu ne ressentait aucune peur et s'autorisa même de desserrer son étreinte sur le cou de Kinome, s'accrochant plutôt à son dos. Elle perçut un léger cri, mais avec le vent sifflant dans ses oreilles, elle ne parvenait même pas à réellement percevoir l'intonation de celui-ci. Elle comprit trop tard qu'il s'agissait d'un cri d'avertissement lorsque, soudainement, le griffon plongea. Se sentant brusquement partir en arrière, la jeune femme se plaqua de son mieux contre l'animal, serrant ses jambes et ses bras aussi fort qu'elle le put autour de l'animal. Son estomac fit une embardée et son cri fut emportée par le vent alors qu'ils se rapprochaient à toute vitesse du sol.

Alors que la jeune femme était persuadée qu'ils allaient s'écraser, le griffon déploya ses ailes pour ralentir sa chute. À nouveau l'estomac de la jeune femme fit une embardée et elle se cogna le menton contre le cou de l'animal lors de son freinage. Se félicitant d'avoir fermer la bouche en évitant ainsi de se casser la mâchoire, la jeune femme subit encore deux fois les décélérations de l'animal avant que le choc de l'atterrissage ne la secoue une dernière fois avant qu'elle ne quitte le dos de Kinome, dans ce qui ressemblait davantage à une chute vaguement contrôlée qu'une descente maîtrisée. Elle fit quelque pas avant de finir à genoux sur le sol rocheux, aspirant de grandes goulées d'air pour faire passer la nausée apportée par les brusques changements de vitesse. Elle avait la tête qui tournait légèrement et le dos douloureux, mais elle était vivante et c'était tout ce qui comptait. Kinome, lui, semblait parfaitement à l'aise et semblait se pavaner face à l'archère qui n'en menait finalement pas large. Machinalement, elle fouilla ses affaires et tira un morceau de viande séchée qu'elle lui lança. Le griffon l'attrapa au vol et l'engloutis d'un coup avant de s'approcher d'elle d'un air curieux.

- Laisse-moi deux minutes...


Ignorant superbement les paroles de l'archère, il la poussa doucement du bec, réclamant visiblement autre chose. La jeune femme lui caressa le front en retour et se reprit pour le féliciter. Après tout, il l’avait sauvé et si la fin du vol était catastrophique pour elle, tout s'était bien passé et ce premier vol montrait bien qu'il pouvait la prendre sur son dos. Elle le récompensa une seconde fois avant de grimacer face à ses réserves presque vides. Loin de s'en soucier, le griffon s'ébroua, chassant les gouttelettes d'eau qui avait recouvert les plumes non froissées par la présence de l'archère, trempant cette dernière qui écarquilla les yeux en poussant une exclamation outrée en direction de l'animal qui la fixa une seconde avant de s'occuper du dessous de son aile droite, l'ignorant à nouveau superbement. Frissonnant sous le vent glacé avec ses cheveux à présent trempés, la jeune femme pesta un instant avant de faire l’inventaire de ses objets et réserves. Elle s'éloigna pour trouver du bois mort en bordure d'une proche forêt et se fit un feu pour se réchauffer. Kinome n'apprécia guère la chose et s'écarta des flammes près desquelles la jeune femme se pelotonnait alors que la nuit tombait finalement. Elle observa le griffon se préparer pour la nuit en grattant comme à son habitude le sol sous lui pour s'y installer plus confortablement. Elle éteignit les flammes et finit par le rejoindre une fois ses cheveux relativement secs. Elle sourit en voyant le griffon légèrement soulever son aile pour qu'elle puisse se glisser dessous et s'installer contre son flanc qu'elle caressa doucement.

Sa nuit fut peuplée de songes où elle flottait au-dessus des nuages, où elle évoluait librement au dessus des montagnes, des plaines et des océans scintillants. Le vent lui murmurait la direction à prendre et elle suivait cette étrange et lointaine voix, évoluant avec le vent pour survoler le monde avant de brusquement reprendre corps avec la réalité lorsqu'un mouvement de Kinome la réveilla. Se frottant les yeux, elle s'extirpa de l'aile du griffon alors que ce dernier dormait encore, faisant visiblement un rêve agréable au vu de sa position qui fit sourire la jeune femme. Elle s'étira et grignota un morceau avant le réveil du griffon qui se secoua soudainement avant de bailler en s'étirant comme un chat pour ensuite battre ses ailes pour défroisser ses plumes.

- On retente aujourd'hui, Kinome ?

En entendant son nom, le griffon tourna son regard vers elle en se levant, réceptionnant le morceau de viande qu'elle lui lança avant de recevoir quelques caresses dont ni lui ni la jeune femme ne semblaient se lasser. Hatsu voulait voir si ce vol était uniquement dû à la situation ou si le griffon acceptait désormais suffisamment l'archère pour lui permettre de grimper sur son dos. En le voyant fermer les yeux sous ses caresses, la jeune femme ne put s'empêcher de sourire. Elle avait un bon pressentiment pour cette fois.
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Hatsu Ôkami » mar. 16 mars 2021 11:42

Confiance et détermination. C'étaient les émotions que Hatsu essayait de faire ressortir sur son visage alors qu'elle se tenait face à Kinome. Si elle ne se faisait pas confiance, jamais le griffon ne lui accorderait la sienne, mais, cette fois, ce fut sans aucune once d'hésitation qu'elle se plaça sur le flanc de l'animal, devant ses ailes. L'animal la suivit du regard et ne fit absolument rien pour l'empêcher de bondir pour se percher sur son dos. La jeune femme se cala contre la base de la nuque de l'animal et attendit un brusque mouvement dédié à la désarçonner, mais il n'en fut rien. Ce fut presque trop facile et, lorsqu'elle flatta le cou du griffon, celui-ci se laissa faire avec un bonheur évident. Un sourire victorieux, puis plus tendre, étira les lèvres de la jeune femme qui laissa ses doigts se perdre dans le plumage de Kinome, appréciant encore et toujours la douceur des plumes qui le recouvraient. Elle resta un moment ainsi, sur son dos, mais ne prolongea pas au-delà du raisonnable et ne tenta aucunement de le faire s'envoler.

Se laissant glisser à terre, elle caressa encore le griffon satisfait de ce geste avant de récupérer son arc pour s'adonner à une chasse nécessaire vu le peu de réserve qu'il lui restait. Kinome se débrouillait plutôt bien tout seul pour rapporter des proies, mais la jeune femme voulait aussi chasser pour elle-même. Elle s'éloigna sous le regard curieux du griffon qui commença à la suivre à petit pas avant de la rejoindre en quelques bonds. Il claqua du bec deux fois et Hatsu haussa un sourcil. Elle comprenait bien son envie de communiquer, mais interpréter des claquements de bec ou des cris d'intensité différente était encore loin d'être évident et elle allait devoir mémoriser tout cela si elle voulait comprendre ce qu'il voulait. Elle supposa simplement qu'il avait faim, comme souvent, faute de savoir précisément ce qu'il souhaitait. Elle le caressa à nouveau et s'éloigna en lui faisant signe de s'envoler. Elle se trouvait quelque peu ridicule à battre des bras et me regard perplexe de l’animal la fit se sentir encore plus ridicule. Elle soupira une première fois, suivit rapidement d'une deuxième lorsque Kinome continua à la suivre. Elle fit demi-tour et s'approcha de lui.

- Kinome... va chercher à manger. Allez.

Elle aurait tout aussi bien pu parler à un caillou qu'elle aurait eu autant de réaction. Son ventre gronda alors et elle grimaça. Elle devait aller se chercher à manger et faire comprendre au griffon de faire de même. Alors elle ouvrit la bouche et la désigna du doigt à l'animal qui pencha la tête, visiblement attentif. Elle refit son geste plusieurs fois jusqu'à enfin obtenir une réaction. Il ouvrit soudainement les ailes, surprenant la jeune femme qui recula en se retournant pour se protéger de la poussière soulevée par le battement des ailes du griffon qui s'envola sans plus de cérémonie. Elle le regarda s'éloigner, perplexe, avant de se recentrer sur sa mission du jour : trouver de quoi manger. Elle se dirigea alors vers la forêt de conifères près de laquelle elle avait atterri et s'enfonça entre les arbres à la recherche de nourriture. Par chance, elle trouva des mûres avant même d'entrer dans la forêt et se permit quelques bouchées après avoir pris quelques réserves. Arc en main, elle se mit à arpenter le bois en silence avant de tomber sur une aubaine. Attirée par un tintamarre de gloussement, elle tomba sur une arène de Grand Tétras paradant devant les femelles. Elle observa, à la fois amusée et intriguée, les mâle déployer leurs queues en demi-lunes pour s'attirer les faveurs des femelles qui s'étaient approchées. Prenant pour cible le plus dodu de la bande, elle le tua d'une flèche, assurant une mort sans douleur au gallinacé tandis que ses congénères s'éparpillaient dans un concert de cris d'effroi et d'alerte.

La jeune archère récupéra sa proie, pesant au bas mot quatre kilos, et sortit de la forêt avec un certain entrain. Cela allait lui changer de la viande et les mûres seraient un ajout non négligeable à ce repas qu'elle attendait avec impatience. Ravivant le feu éteint la veille, elle laissa les flammes s'élever le temps de déplumer et vider l'animal dont elle enterra, comme d'habitude, les viscères dans le sol avant de le faire doucement cuire en grignotant une part de sa cueillette de mûres. Elle engloutit rapidement une des cuisses du coq avec plaisir, savourant la chair tendre et rôtie avant de tourner la tête en entendant un bruit qu'elle commençait à connaître. Elle recula d'instinct en voyant Kinome piquer à vive allure vers elle avant d'ouvrir les ailes pour atterrir sur le sol rocheux non loin, projetant poussière et petits cailloux en tout sens, obligeant Hatsu à protéger sa précieuse viande des volutes poussiéreuses. Elle se retourna vers le griffon qui avait posé une patte, tel un conquérant, sur la proie qu'il avait ramené et observait la jeune femme avant de claquer deux fois du bec. Ça, en revanche, elle avait compris.

- J'aurai jamais dû t'habituer à des goûts de luxe...

Interrompant son repas, elle dépeça ce qui ressemblait à un jeune chamois avant d'en découper des lamelles qu'elle conserva dans l'idée de les faire sécher, laissant le reste à Kinome qui ne se fit pas prier, mais non sans avoir lorgné du côté du gallinacé chassé par la jeune femme qui dut le soustraire à sa vue en lui laissant le chamois. Elle profita du repas du griffon pour cuire le coq qu'elle comptait conserver quelques jours, le froid ambiant aidant à éviter qu'il ne pourrisse trop vite. Elle ne s'attendait par contre pas à ce que Kinome s'approche d'elle avec un bout de viande dans le bec qu'il lui lâcha sur les genoux avant d'attendre. Perplexe, elle fixa sans comprendre le griffon qui claqua deux fois du bec. Retenant une grimace en observant le bout de viande crue, sanguinolent et quelque peu baveux, elle croqua malgré tout dedans. Satisfait, le griffon retourna à son repas, laissant à la jeune femme l'opportunité de cracher la viande et de se rincer la bouche. Elle ne put s'empêcher de sourire face à la situation et observa le griffon manger jusqu'à ce qu'il soit reput.

Cela fait, elle s'approcha de lui et, comme plus tôt, parvint à se hisser sur dos. Elle voulait l'habituer à sa présence et ce ne fut pas chose difficile. Il se mouvait sans montrer une quelconque gêne. C'était davantage Hatsu qui se sentait ballottée de gauche à droite sans un support efficace et l'idée de mettre une selle lui parut nécessaire. Mais avant cela, elle devait s'assurer que Kinome supportait sa présence pour le vol. Et elle devait aussi réussir à le diriger, ne serait-ce qu'un peu. Plongée dans ses réflexions, elle sentit juste à temps les ailes du griffon se déployer et s'accrocha fermement à son cou alors qu'il décollait. De nouveau ballottée en tout sens, elle se cramponna de toutes ses forces malgré le fait qu'il grimpait à tout vitesse dans le ciel. Elle glissait vers l'arrière mais heureusement les ailes la retenaient d'un côté alors qu'elle se cramponnait à son cou de l'autre. Le vol se passa bien mais l'atterrissage fut aussi mouvementé que le premier et la jeune femme fut heureuse de reposer pied sur le sol ferme, l'estomac menaçant de rejeter son dernier repas.

- Il va falloir qu'on apprenne à communiquer, même là-haut...

Tout un programme dont le griffon, qui se grattait le cou, n'avait pas conscience.
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Hatsu Ôkami » ven. 2 avr. 2021 00:34

- Kinome, à gauche.

La jeune femme attendit, puis soupira face à l'inaction du griffon qui se contenta de la regarder avec air curieux. Si l'animal répondait fort bien à son nom, lui apprendre autre chose allait relever d'un long, très long apprentissage, visiblement. Et Hatsu n'avait aucune idée de comment faire apprendre à une créature de ce genre à réagir à des consignes brèves. Le seul animal qu'elle avait eu était un chien, Haïko, et ce dernier était déjà dressé lorsqu'elle fut assez grande pour jouer avec lui, donc il répondait parfaitement à certaines consignes. Mais demande à un griffon de s'asseoir et de donner la patte lui semblait légèrement plus compliqué qu'avec un chien parfaitement dressé. Elle adressa une petite prière pour le défunt compagnon de son père et se concentra à nouveau sur Kinome, ce dernier ayant choisi de chercher des grattouilles auprès de la jeune femme qui lui en donna bien volontiers.

La veille, alors qu'elle observait les alentours, Hatsu avait reconnu sans mal un passage qu'elle avait déjà emprunté et avait soupiré. Le vol du griffon pour la sauver l'avait ramené des jours et des jours de marche en arrière, proche de Luminion. Cela n'avait pas vraiment ravie la jeune femme qui avait espéré se rapprocher de son foyer. Peine perdue visiblement, aussi espérait-elle réussir à diriger un minimum Kinome pour rattraper le temps perdu, voler étant bien plus rapide que marcher au cœur du paysage vallonné. La théorie étant bien plus simple que la pratique, elle se retrouvait dans un genre d'impasse, n'étant pas très enthousiaste à l'idée de voler à nouveau sans avoir un peu de contrôle sur les déplacements du griffon. Ce dernier n'aimant visiblement pas qu'elle pense à autre chose et réduise ses caresses, il s'appuya contre son bras, la faisant se concentrer sur la tâche, Ô combien sacrée, de le grattouiller.

- On se demande quand même qui dirige qui...

Il agita ses oreilles comme pour signaler qu'il avait entendu, mais ne fit rien de plus, trop occupé à présenter son cou pour plus de caresses, amusant la jeune femme. Il avait un comportement parfois très fier, mais il était visiblement friand de marques d'affection de ce genre, ce qui lui donnait un côté plus touchant qu'elle ne l'aurait cru. Et Hatsu avouait ne pas se lasser de passer ses mains dans le plumage duveteux de l'animal. Et plus elle le caressait, plus cela lui donnait une idée en voyant le comportement de Kinome. Elle cessa ses caresses, attirant après quelques secondes de silence, le regard outré du griffon qui en réclamait encore. Elle retint avec difficulté un sourire et tenta son expérience. Elle tendit sa main sur le côté gauche de griffon, le grattouilla un instant avant d'arrêter. L'animal se déplaça juste assez pour se coller à la main restée près de son plumage et reçut en retour de nouvelles caresses. Hatsu fit une moue intriguée et laissa Kinome s'abreuver de caresses avant de grimper sur son dos, l'animal la laissant désormais faire sans omettre d'objections.

Une fois perchée, elle réfléchit un instant. Prononcer un mot pour donner une consigne lui sembla finalement quelque peu superflu. En vol, avec le son du vent et la vitesse, elle n'était pas sûre que le griffon perçoive la même chose que sur la terre ferme. Hors c'était en vol qu'elle avait besoin de le diriger un minimum. Kinome étant plus ou moins immobile, Hatsu observa le dos où elle était assise. Elle voyait mal les muscles sous la quantité de plume, mais elle discernait suffisamment certaines parties de l'anatomie de l'animal pour voir à quoi elle correspondait. Elle appuya légèrement sur ce qu'elle pensait être la jonction entre une patte et le dos et récolta un cri mécontent et un regard noir d'un Kinome ayant tourné la tête vers elle.

- Oui, oui, pardon. C'est pas facile aussi. Quel sale caractère.

Elle étudia davantage, suivant de la main ce qu'elle sentait comme les contours de certaines articulations, la limite de la nuque, les muscles liés aux ailes. Elle n'appuya pas, se contentant d'imaginer ce qui serait le mieux avant de finalement prendre une décision. Perchée derrière la nuque du griffon, elle plaça sa main droite juste derrière sa jambe à elle et appuya un peu plus fort. Kinome réagit aussitôt et tourna la tête de ce même côté vers elle. Elle fit de même à gauche et la tête du griffon, même s'il la voyait, fit le déplacement sur la gauche. Il réagissait donc, mais encore fallait-il qu'il aille dans cette direction si elle réitérait l'expérience en vol. Et plutôt que d'attendre... la jeune femme inspira et serra plus fermement les jambes contre les flancs du griffon avant de s'accrocher à son plumage. Quelques secondes plus tard, Kinome n'avait pas bougé et la jeune femme poussa un grognement de frustration.

- J'aurai dû commencer par ça...

Elle n'allait certainement pas lui donner des coups de talons dans le flanc comme on le faisait avec un cheval, mais elle avait espéré que les deux gestes auraient suffit pour qu'il comprenne. Visiblement il fallait davantage, mais elle n'avait aucune idée de quoi faire exactement. Elle retira ses mains du plumage et entoura plutôt le cou du griffon. Chaque vol, elle l'avait commencé comme ça, fermement cramponnée à son cou. Et cela ne manqua pas. Kinome déploya ses ailes et prit son envol. Toujours ballottée dans tous les sens, Hatsu se promit de trouver un moyen de s'installer plus confortablement et avec plus de sécurité dès qu'elle en aurait la possibilité. Lorsqu'enfin le vol se fit plus stable, Kinome ayant atteint une altitude suffisante où il se contentait de planer, battant lentement des ailes à intervalles réguliers pour se maintenir, elle se décrocha de son cou et inspira, frissonnant face au froid à cette hauteur.

(Me faudrait un manteau plus adapté... et un genre de protection pour les yeux, avec le vent c'est compliqué de les garder ouvert... On verra ça plus tard.)

Se penchant légèrement, elle posa sa main sur ce qui était l'épaule de Kinome et pressa sa jambe du même côté. Le griffon tourna la tête vers elle, mais bien sûr il ne changea pas de direction. Elle pointa la droite de son doigt et relâcha la pression de sa jambe. Elle réitéra la chose trois fois avant que le griffon, de mauvaise grâce visiblement, ne consente à bifurquer vers la droite. S'ensuivit un petit manège entre le griffon et sa griffonière, cette dernière essayant divers changement de direction que le griffon, réticent au début, finit par suivre avec plus ou moins de rapidité. Aller à gauche ou à droite ne semblait pas être un problème et la jeune femme se demanda comment lui faire comprendre de grimper. Elle tapota des deux côtés et eu l'effet complètement inverse, le griffon plongeant soudainement, arrachant un cri de surprise à la jeune femme qui s'aggripa au cou de Kinome. Par réflexe, elle serra les jambes autour des flanc du griffon et celui-ci cessa de piquer à son plus grand soulagement. Encore peu à l'aise sur le dos de Kinome, Hatsu n'aimait guère qu'il plonge ainsi alors qu’elle n'avait rien pour se maintenir correctement en place. L'idée d'une selle adaptée lui vint, mais elle se concentra plutôt sur le fait de diriger avant tout le griffon. Car à quoi bon le monter si c'était pour être emportée Rana seule savait où ?
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Hatsu Ôkami » dim. 4 avr. 2021 19:29

Perchée au-dessus des montagnes, frôlant les monts les plus haut du massif presque avec paresse, Kinome offrait à Hatsu un spectacle dont elle était certaine de ne pas se lasser. Voir le monde depuis les airs, malgré le froid et le vent, avait quelque chose d'exaltant. Elle avait déjà vu les impressionnants Cynores s'élever dans le ciel pour s'éloigner et, étant petite, s'était promise de voler elle aussi dans l'un d'entre eux un jour. Rêve qui lui paraissait bien futile à présent qu'elle pouvait presque librement évoluer entre les nuages grâce au griffon qui, docilement, planait en suivant les courants d'air. Comme si Rana elle-même offrait son souffle pour que Hatsu ne fasse qu'une avec le vent. La jeune femme ferma les yeux, inspirant profondément avant de se pencher légèrement vers la tête de Kinome. Cela faisait quelques heures qu'ils volaient et la jeune femme n'avait pas lésiné sur les essais et expériences pour communiquer avec Kinome. Il s'avérait qu'un mouvement physique bien marqué était le plus efficace. Non seulement il évitait que sa voix ne l'atteigne pas à cause du vent, mais en plus elle pouvait réagir plus facilement, presque instinctivement. Elle appuyai d'une jambe ou de l'autre pour le faire virer d'un côté ou de l'autre, se penchai en avant ou arrière pour qu'il descende ou monte. Ce fut presque une compréhension instinctive pour les deux compagnons. Elle n'avait nul besoin de faire comme les cavalier qui devaient frapper de leurs talons leurs montures ou tirer brusquement sur les rênes pour les faire ralentir. Elle se disait d'ailleurs qu'elle ne voulait pas imposer des rênes ou un mors à Kinome. Certes, une selle semblait indispensable pour sa sécurité, mais cela n'allait pas plus loin.

- Tu n'aimerais pas ça de toute façon.

Elle caressa affectueusement le côté du cou de l'animal qui tourna la tête vers elle, poussant un léger cri avant de virer sur la gauche pour continuer à voler en rond et leur éviter de s'éloigner de leur campement improvisé. La jeune femme frotta ses bras où une fine pellicule d'eau commençait à s'accumuler sur son manteau. En montagne, voler était probablement plus complexe pour elle que dans un environnement plus plat et plus chaud, mais cela la mettait au moins en garde contre certains aspects de chevaucher ainsi un animal habitué à ce genre de climat et de paysage. Lui y résistait fort bien. Elle, en revanche, commençait à ne plus sentir ses extrémités et elle se pencha contre la nuque de Kinome qui commença à piquer vers le sol pour atterrir. Piqué qui s'arrêta brusquement lorsqu'une forme ailée passa juste devant le duo, filant à travers un nuage proche. Hatsu se redressa, tournant la tête vers l'animal à quatre ailes qui leur était passé devant le nez. Elle vit sans mal les deux paires d'ailes semblables à des membranes qui permettaient à la créature de voler et grinça des dents. Un katrel, messager d'Omyre. Avant même qu'elle ne puisse faire quoi que ce soit, Kinome, probablement régit par une fringale, se mit à poursuivre la créature.

Elle vit le katrel relever brièvement la tête et pousser un cri avant de brusquement vriller en piquant vers le sol, ailes repliées pour gagner en vitesse. Une fraction de seconde plus tard, Hatsu se cramponna à Kinome. Bien lui en prit car le griffon, suivant l'exemple du katrel, piqua lui aussi vers le sol en le poursuivant. Plus léger, le katrel interrompit rapidement son piqué pour déployer ses ailes et filer à nouveau. Kinome fit la même manœuvre, mais, plus lourd, mis plus de temps à reprendre son vol ascendant. Soudainement, une autre ombre les survola et Hatsu jura en se penchant violemment sur le côté pour éviter la mâchoire d'un autre katrel qui avait visiblement attendu son moment pour apparaître. Le premier avait d'ailleurs fait demi-tour et les dépassa en sens inverse, attirant une nouvel fois Kinome qui tourna brusquement, manquant de faire tomber Hatsu qui se cramponna plus durement au plumage neigeux du griffon. Les yeux plissés par le vent, la jeune femme cherchait du regard le second volatile, sa main droite cherchant à attraper son arc. Kinome grimpa soudainement, ignorant complètement la jeune femme qui dut se cramponner violemment à son cou pour ne pas glisser et tomber. Dans cette situation, impossible pour elle de prendre son arme.

- KINOME !

Faisant fi de la voix de la jeune femme, le griffon continuait de poursuivre le katrel sans se soucie du second. Hatsu pouvait voir les créatures évoluer avec une aisance impressionnantes. Elles ne semblaient pas voler. C'était comme observer une carpe dans un bassin. Leurs mouvements étaient fluides, rapides, efficaces là où Kinome était plus brute et davantage soumis à son envergure et son poids. En force brute, le griffon en leur laissait aucune chance, mais ces créatures ne cherchaient pas vraiment à le combattre, plutôt à l'éloigner spécifiquement de l'un deux. Fronçant les sourcils, Hatsu aperçu quelque chose accroché autour du cou du premier katrel. Une gaine. Une gaine probablement poreuse d'un message. C'était la raison de sa présence ici et du pourquoi le second s'attaquait ainsi au duo menaçant le messager volant. Serrant les jambes aussi fort qu'elle le put, Hatsu parvint à prendre son arc en main. Elle s'accrocha à la nuque de Kinome lorsque celui-ci fit une embardée pour éviter un des katrel et suivre toujours le même. Hatsu se mit en tête d'abattre le messager. C'était son devoir de contrecarrer les plans, quels qu'ils soient, d'Omyre et de leur Déesse. Elle se pencha autant qu'elle le put contre la nuque de Kinome. Posant une main aussi près de son faciès que possible, attirant son attention.

- Ensemble mon grand, ça sera plus facile.

Qu'il l'entende ou non, qu'il la comprenne ou pas, Hatsu ne comptait pas laisser filer une telle opportunité et, alors que le katrel plongeait et que le duo le suivait de près, elle tira une flèche. Le cri qui lui parvint de derrière elle ne la trompa pas et, alors que le vol se stabilisait, elle tourna brusquement le buste en encochant une flèche et tira derrière, vers les hauteurs. Le trait fila droit vers l'adversaire qui piquait sur le griffon. D'une vrille ascendante qui laissa la jeune femme bouche bée, le katrel évita le trait, mais son assaut avait été suffisamment perturbé pour qu'il s'écarte, laissant à Hatsu le temps d'encocher une nouvelle flèche. Elle évalua rapidement la situation. Le katrel messager était devant. Elle ne pouvait se permettre de tirer ainsi, risquant davantage de blesser Kinome à cause du vent et de la vitesse qui feraient immanquablement dévier le projectile. Non, elle devait faire autrement. Délaissant un instant la flèche encochée, elle passa sa main dans le plumage de Kinome, caressant doucement sa nuque. Le griffon dodelina de la tête, puis, lorsque le katrel qu'il poursuivait grimpa soudainement pour leur passer au-dessus, il fila tout droit sans le suivre. Hatsu inspira et banda son arc qu'elle leva alors que le katrel passait au-dessus d'eux. Le temps sembla presque se figer alors qu'elle tirait la flèche. Elle suivit des yeux le trait qui se ficha profondément dans le dos de la créature. Un cri strident de douleur lui parvint alors que le katrel chutait. Il fallait l'achever.

De sa main libre, elle appuya sur la nuque de Kinome et serra davantage son flanc gauche. Le griffon piqua alors en faisant un demi-tonneau, mettant à rude épreuve sa griffonière qui failli glisser sur le côté. Le griffon rabattit ses ailes et piqua alors que le katrel chutait en tentant vainement de battre des ailes, ralentissant sa chute. Serrant les jambes au maximum, Hatsutira une flèche de la Poche et, lorsque Kinome dépassa le Katrel, tira sur sa cible qui se situait à quelques mètres seulement. Le trait transperça une des membranes servant d'ailes, assurant que la créature ne volerait plus. Hatsu se cogna ensuite la tête contre la nuque de Kinome qui avait brusquement ouvert les aile pour ralentir sa chute. Elle jura entre ses dents serrées pour entendre ensuite le cri strident d'un katrel fondant sur elle. La mâchoire du messager d'Omyre frôla la jeune femme qui s'était plaquée contre le griffon. Griffon qui n'apprécia visiblement pas qu'on s'attaque ainsi depuis le ciel à son dos ou sa griffonière et qui grimpa subitement, laissant à la jeune femme la difficile tâche de s'accrocher alors qu'il tentait de passer derrière le katrel qui tournoyait en tentant de s'en prendre à la jeune femme. Incapable de retirer les bras du cou du griffon, Hatsu ne pouvait que tenter de diriger Kinome. Elle réfléchissait tandis que les déplacements du griffon manquaient à chaque seconde de la faire tomber.

Puis une idée lui vint, mais elle était risquée. Caressant le cou de Kinome, elle s'inclina contre sa nuque et serra ses deux jambes, essayant de le faire piquer à nouveau vers le sol. Le katrel, plus mobile, ayant réussi à passer dans le dos du griffon, ce dernier sembla au début rejeter la consigne avant de finalement s'exécuter. La jeune femme remonta alors les jambes et les serra sous le cou du griffon avant de libérer ses mains. L'une d'elle se cramponnant toujours à son arc, elle encocha dune flèche de l'autre puis tourna le buste en appuyant avec sa jambe gauche sur le cou de Kijnome. Celui-ci vira sur la gauche en déployant ses ailes, laissant juste le laps de temps nécessaire à Hatsu pour lâcher son trait qui frappa le katrel les poursuivant. Le trait se nicha profondément entre les deux ailes de droite et la créature chuta aussitôt. Saisissant sa chance, Kinome fondit dessus, toute griffes dehors, mais, dans un soubresaut, le katrel se redressa soudainement, évita l'assaut du griffon et heurta la jeune femme qui bascula dans le vide en hurlant, échouant à se rattraper à Kinome.

La chute sembla durer des heures pour la jeune femme qui essayait vainement de battre des bras dans une tentative désespérée de tomber moins vite. Le choc lui avait vidé l'air de ses poumons et elle hyperventilait, crispée par la peur, la chute, la vitesse. Elle ne voyait plus Kinome, elle ne voyait que le ciel, les nuages et le soleil qui semblaient la narguer d'avoir ainsi voulu s'élever pour final s'écraser sur le sol. Un nouveau choc se réverbéra dans tout son corps, une douleur cuisante lui vrilla le crâne. Puis ce fut le noir.
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Re: Le Massif des Jumeaux

Message par Hatsu Ôkami » lun. 5 avr. 2021 01:57

Hatsu se redressa en hurlant, hurlement rapidement coupé par une plainte de douleur alors que son corps se réveillait en même temps qu'elle. Elle se plia son côté gauche en gémissant, se sentant mal, très mal et poisseuse. C'était comme si elle était frapper de partout par des lutins armé de petits marteaux. Son corps entier la lançait, mais, étonnamment, elle était vivante. Elle prit son temps, inspira longuement, décrispa ses muscles et se rallongea sur le sol dur qui se trouvait sous elle. Puis elle se redressa lentement et ouvrit les yeux pour rencontrer le regard doré de Kinome qui semblait la fixer après son hurlement. Le griffon avait le bec couvert de sang et était manifestement en train de déguster le cadavre d'un des deux katrels qu'ils avaient affronté. Hatsu se massa la tête avant de retirer sa main en sentant le sang séché maculer sa chevelure. Elle ne se rappelait pas très bien de comment tout cela avait fini. Kinome l'avait sans doute rattrapé, mais elle avait dû entre brutalement en contact avec le sol lorsqu'il avait ensuite atterri, d'où sa blessure à la tête et les douleurs lancinantes dans tout le corps.

- Et bien, je te dois la vie mon grand.

Les oreilles du griffon s'animèrent face à la voix de la jeune femme et il se leva, laissant son repas sur le sol pour s'approcher d'elle et se poster à ses côtés, sa tête sur les genoux de la jeune femme qui se mit à le caresser avec affection. Ils restèrent là un moment avant que la jeune femme, visiblement affaiblie, ne pique du nez et ne finisse par se pelotonner contre le griffon qui la laissa faire. Elle ne se réveilla que bien plus tard, ankylosée mais vivante malgré un mal de tête lancinant et de longues minutes passées à essayer difficilement de se remettre debout. Kinome en profita pour terminer son repas, ce que Hatsu observa d'un œil à la fois ravi et dégoûté. Ravi de voir une créature d'Oaxaca finir en repas pour le griffon, mais dégoûté de l'imaginer manger ce genre de bestiole faite avec Rana seule savait quoi.

- Il serait bon de trouver l'autre également... je dois mettre la main sur ce message.

La jeune femme craignait que l'affrontement avec le second messager volant en l'ait trop éloignée du premier, mais elle se trompait et la carcasse se trouvait à quelques centaines de mètres. Elle la repéra facilement, entourée qu'elle était pas des charognards ; La jeune femme n'hésita guère avant e leur décocher quelques flèches, dispersant les volatiles au plumage sombre. Ils auraient tout le temps de se repaître quand elle aurait récupéré le message. Suivie par Kinome qui ne semblait pas vouloir la quitter d'une semelle, elle s'accroupit près du corps sans vie et en partie dévoré du katrel. Par chance, la gaine n'avait été trop endommagée et l'archère la retira du cou du messager avec des mains fébriles. Elle ouvrit la gaine et écarquilla les yeux. Vide. La fichue gaine était vide. La jeune femme se laissa retomber en soupirant. Sa dextre massa son front tandis qu'elle essayait de comprendre pourquoi un messager transporterait avec diligence un message... sans message.

- Si seulement j'avais vu d'où ils venaient...

Dans les montagnes, il pouvait tout aussi bien aller vers Omyre que vers Caix Imoros au Nord ou vers le sud. Mais avec une gaine vide... Ne comprenant pas et n'arrivant pas à trouver le fin mot de l'histoire, Hatsu jeta la gaine par dépit et soupira avant de sentir le bec de Kinome pousser doucement son épaule. La jeune femme sourit et se retourna, caressant le griffon avec tendresse. Leur dernier vol, en plus d'être chaotique, avait failli être fatale à la jeune femme, mais elle n'en tenait absolument pas rigueur au griffon qui avait été, sinon exemplaire, au moins suffisamment attentif pour suivre ses consignes aux moments cruciaux. Cela allait nécessiter encore un certain d’adaptation et quelques entraînements avant d'être au point, mais la jeune femme ne désespérait pas. Il lui fallait surtout trouver un moyen de fabriquer une selle pour Kinome et un moyen pour qu'elle soit protégée du froid là-haut.

- Je doute que les artisans aient des modèles de selle pour des griffons..

Au mieux ils pouvaient peut-être adapter une selle pour les chevaux les plus larges, mais même là, cela voulait dire ajuster autant la taille que la robustesse car l'utilisation n'était pas vraiment la même. Et commander une selle sur mesure signifiait laisser Kinome être mesurer par un étranger et elle n'avait aucune idée de comment le griffon réagissait au contact d'autres êtres humains, elfes ou thorkins. Les seuls croisés n’avaient rien eu d'amicaux, il fallait donc qu'elle soit très prudente. Approcher n'importe quelle ville ou village allait nécessité une certaine préparation. Et alors qu'elle caressait le cou de Kinome, qui ne souhaitait que ça au vu de ses yeux fermés et du léger mouvement appréciateur de sa tête, elle se demanda soudainement où exactement elle se trouvait. Avec les vols, les tours et les détours, elle avait complètement perdu tout repère et le paysage montagneux ne lui était pas assez familier pour reconnaître un mont d'un autre. Elle savait au moins ne pas être sur les terres d'Omyre, mais s'étaient-elle approchée du Sud ? Avait-elle perdu du terrain et approchait de Luminion ? Voir du royaume thorkin, bien plus loin au Nord ?

La réponse vint le lendemain lorsque, après un fugace repas et un sommeil qu'elle jugea suffisant, elle remonta sur Kinome pour un vol d'observation. Le griffon avait décollé avec douceur et se laissait planer avec lenteur, utiliser les courant ascendants de l'air des monts alentours pour se maintenir à une certaine altitude, laissant tout le loisir à Hatsu d'observer le paysage. Paysage qui, de haut, ne lui rappela rien avant qu'un étroit corridor rocheux n'attire son attention. Corridor bardé d'une forêt, puis de falaises et e pics, fermé par une épaisse muraille derrière laquelle une petite ville vivait sans se douter d'être observée. Hatsu soupira en voyant ce spectacle et décida de descendre doucement dans cette direction. Elle était retournée à Luminion. Et tandis qu'elle survolait le corridor, elle chercha le meilleur moyen de rentrer dans la ville. Elle choisit finalement de rester en hauteur et de survoler cette dernière pour atterrir plus loin, à moins d'un kilomètre. Débarquer en ville avec Kinome ne lui disait rien et elle préférait ne pas effrayer les habitants. Au de ce qu'il s'était passé récemment, elle ne voulait pas que des soldats ou habitants effrayés attaquent son griffon.

Elle s'amusa de cet emploi de ce ton possessif dans son esprit et grattouilla Kinome après être descendue, chancelant légèrement à cause des courbatures qui n'avaient pas totalement disparu. Elle voulait un bain, un lit, de quoi manger et un endroit où elle pourrait se faire fabriquer une selle. Tout une liste qu'elle savait difficile à remplir. Elle ne pouvait espérer s'absenter trop longtemps et laisser Kinome seul. S'il venait la chercher au beau milieu de la ville... Elle décida de laisser passer l'après-midi qui était déjà bien entamée. Elle attendrai le lendemain. La ville n'allait de toute façon pas s'évaporer dans la nuit, aussi prépara-t-elle son campement sommaire, laissant le soin au griffon de tasser le sol pour s'en faire un endroit confortable pour dormir, la laissant ensuite se pelotonner contre son flanc pour passer une nuit calme.
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