La Grande Plaine du Sud

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Yuimen
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La Grande Plaine du Sud

Message par Yuimen » dim. 16 déc. 2018 10:51

La grande plaine du Sud


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La grande plaine du Sud, comme son nom l'indique, est une immense plaine située dans le Sud de Nirtim s'étendant principalement dans l'est du Comté de Bouhen depuis les villes de Melicera et Breen jusqu'aux abords de Port-Sûr. Les voyageurs de passage pourront y admirer, de part et d'autre des routes, une mer d'herbes sauvages ondulant comme des vagues sous les bourrasques de vent et pouvant atteindre jusqu'à 1m50 voire même 2m par endroits. Dans cette mer végétale, les Kaeashs voyagent en troupeaux familiaux, chassés par leurs plus dangereux prédateurs, les cannibales des plaines, qui profitent des hautes herbes pour chasser à l’affût. Cependant ces grandes plaines ne sont pas presque dépourvues d'arbres sans raisons, il est un danger qui menace tous les êtres vivant s'y trouvant, y compris les grands prédateurs et les voyageurs: les incendies. En effet, il est courant que d'immenses incendies ravagent la région lorsque la foudre des orages d'été tombe sur les herbes sèches et inflammables. Bien que les dangers de cette plaine soient connus et craints, de nombreux chasseurs et marchands souhaitant rejoindre les villes de l'Ouest la parcourent en toutes saisons, n'hésitant à demander l'aide d'aventuriers pour les protéger.

Lieux particuliers au sein de la grande plaine du Sud:

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Fenouil
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Re: La Grande Plaine du Sud

Message par Fenouil » mar. 2 juil. 2019 13:04

<<--Le bois aux lutins

Sa traversée des grandes plaines fut fort bien différente. Inconscient des prédateurs qui pouvaient le guetter, il chantait à tue-tête, se dodelinant la tête au rythme des ondulations des longues herbes sauvages, enfin c’est ce qu’il s’efforçait à faire. Sa première nuit dans les plaines, il la passa au pied d’un arbre sur un tas d’herbes qu’il avait fraichement cueilli et rassemblé afin de s’en faire une espèce de matelas. De nature résiliente, Fenouil marchait sans relâche des journées entières, ne se permettant que de brèves pauses le temps de grignoter une petite souris ou quelques petits fruits. La nuit venue, il dormait sur ses deux oreilles, sa naïveté lui faisant croire qu’il ne courrait aucun danger.

Terres cultivées autour de Kendra Kâr-->>

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Anastasie Terreblanc
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Re: La Grande Plaine du Sud

Message par Anastasie Terreblanc » dim. 11 août 2019 23:52

C'est arrivé près de Bouhen que Zekiel rompit le silence qui régnait entre les deux esprits habitant ce corps. S'il avait semblé reprendre des forces les jours précédents, son état stagnait depuis, comme s'il avait laissé une partie de lui-même dans les Landes Tanathéennes d'Aliaénon, aussi Anastasie ne fut-elle pas surprise de le sentir peiner à émettre des paroles dans cet environnement hostile qu'était devenu pour lui cet hôte. Cherchant le dialogue, elle abaissa ses barrières mentales pour lui permettre de s'exprimer sans difficulté.

( Pourquoi ne poses-tu pas tes questions ? ) parvint-il finalement à articuler.

Elle ne put s'empêcher de sourire. Il n'avait pas besoin de lire dans ses pensées pour deviner une chose aussi élémentaire. Si elle n'avait pas pris de Cynore et qu'elle ne semblait pourtant pas vouloir faire de détour, la conclusion semblait évidente. Et l'absence d'interrogatoire de la part de la Comtesse déroutait ostensiblement l'Ombre.

( Répondrais-tu ? ) demanda-t-elle de manière parfaitement rhétorique.
( Pourtant, tu comptes les poser, n'est-ce pas ? Me les prendre par la force ne t'aurait pris au bas mot que quelques minutes dans l'état dans lequel je me trouvais à Oranan. )

Sans le formuler, elle afficha une émotion peinée à son bénéfice. Elle n'était pas dupe, elle savait bien qu'elle devrait probablement en arriver là, mais après ce qu'ils avaient vécu il lui semblait déplacé de ne pas lui offrir la possibilité de partager ses informations volontairement. Bien sûr, sa loyauté allait à Ratziel et son allégeance à Tal'Raban... Mais tous deux savaient qu'elle finirait par mettre la main sur les renseignements qu'elle désirait.

( Pourquoi ne guéris-tu pas ? ) éluda-t-elle finalement.

C'était une question innocente, simplement mue par la curiosité ; après un instant de réflexion, Zekiel sembla en arriver à cette conclusion et consentit à répondre.

( Les Ombres prennent les forces d'un corps inanimé, qu'ils maintiennent ''en vie'' en se substituant à l'esprit de l'hôte. Nous, Vaahs'Umbra, ne dérogeons pas à la règle. Nous avons juste la force et la maîtrise nécessaire pour ôter du possesseur du corps son emprise sur celui-ci. Mais si ce corps résiste suffisamment, qu'il met en place des stratégies de défense qui nous empêchent d'agir, il n'est plus qu'une prison pour nous. J'ai pu soigner ce qui s'apparentait à des blessures, mais mon âme est... diminuée. Incapable de reprendre sa force dans un terrain aussi... Piégé. Ce n'est probablement pas très clair, mais ce n'est pas le genre de choses que l'on peut décrire si facilement. )

Anastasie hocha la tête, pensivement.

( Je suppose que notre langue n'a pas été pensée pour décrire le point de vue d'âmes corrompues, ) s'amusa-t-elle. ( Mais je pense que je comprends. )

Qu'il lui dévoile cette information aussi facilement était cependant révélateur. Il connaissait sa situation et ne s'attendait pas à survivre bien plus longtemps.

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Merci à Itsvara pour la signature.

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Akihito
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Re: La Grande Plaine du Sud

Message par Akihito » mer. 5 août 2020 15:46

Dans le chapitre précédent...
Interarc : Apprendre des meilleurs.

Chapitre VIII : Cobaye.

« T’as l'air malin maintenant !

- Si tu pouvais éviter de remuer le couteau dans la plaie, ça m’arrangerait ! »

Akihito regardait d’un air dépité son bras droit, figé dans une posture qu’il n’arrivait pas à modifier. Il avait beau essayer de toutes ses forces, d’utiliser son autre bras pour plier les articulations, rien n’y faisait. Ses muscles étaient comme tétanisés… Et c’était quelque part ce qu’il recherchait.

« T’étais sensé bosser sur tes tatouages, » le réprimanda la jeune femme alors que Frans observait la situation d’un œil amusé.

Cela faisait maintenant cinq jours depuis leur départ de Breen et l’attaque du Minotaure, et aucune attaque de quelque nature que ce soit ne les avait dérangés. Durant ces cinq jours, Frans qui retrouvait peu à peu ses pouvoirs avait tenté d’apprendre à son jeune élève à paralyser une cible à l’aide d’un sort d’Électrocution, comme ce dernier le souhaitait. Mais le constat avait été sans appel.

« Tu as un contrôle sur ta manipulation des fluides proprement médiocre. Tu as de la puissance, tu sais t’en servir instinctivement et le doser de manière convenable. Mais lorsqu’il s’agit de faire du travail de précision… Là, il n’y a plus personne. Et c’est dommage, c’est presque uniquement sur ça que se concentre le sort que je vais t’enseigner. »

Le sort d’Électrocution, selon Frans, était un sort qui permettait au lanceur de paralyser la cible en l’empêchant d’utiliser proprement ses muscles. Comme Akihito avait pu s’en rendre compte lui-même, la foudre avait tendance à crisper les membres quand ils étaient frappés par elle. Mais la différence fondamentale entre ce sort et ceux qu’il avait appris, c’était que le sort était délicat à produire. Jusqu’à maintenant, l’Ynorien s’était contenté de déverser ses fluides d’une façon ou d’une autre, en leur donnant parfois vaguement une forme comme pour les armes de foudre mais là encore, c’était du « gros œuvre » comme l’appelait Frans.

« Visualise Électrocution comme une sorte de filet de foudre, que tu projettes sur ton adversaire sous la forme d’une boule. Quand la boule touche la peau de ta cible, elle se déploie et vient enchevêtrer le corps de ton adversaire en s’enroulant autour de ses muscles pour les paralyser. La paralysie n’est pas totale malheureusement, mais elle est bien souvent suffisamment handicapante pour te donner un avantage lors d’un combat… Ou l’arrêter, comme tu souhaites le faire. »

Pour améliorer sa manipulation des fluides, Frans lui avait soumis plusieurs exercices, le premier d’entre eux étant de faire circuler la foudre entre ses doigts, sous la forme d’un mince filament de fluide. Akihito avait haussé un sourcil surpris au début puisque c’était quelque chose qu’il faisait depuis un moment. Mais c’était avant que le vieux mage ne lui explique comment il allait la faire circuler : ça n’allait pas être juste du bout d’un doigt à l’autre, le filament devait zigzaguer entre ses doigts écartés sans les toucher. Akihito passa la première journée à essayer, mais fini par laisser tomber au bout de longues heures infructueuses et passa ses nerfs dans le tatouage. Le lendemain, Frans lui donna un indice en le voyant s’épuiser à brûler les étapes : commencer d’abord par une boule.

La boule de foudre était une forme que Akihito avait l’habitude de produire et de manipuler : avec une boule au creux de sa paume, il se rendit vite compte qu’au lieu de vouloir contrôler l’énergie de la foudre elle-même, il lui était plus simple de l’influencer, la guider, lui créer un chemin qu’elle prendrait d’elle-même. A l’aide des champs magnétiques que sa main et que ses doigts produisaient de manière locale, il fit bouger peu à peu la boule de foudre en l’attirant, la repoussant entre deux doigts. Bien sûr, il se brûla plusieurs fois l’extrémité de ces derniers mais contrairement à la veille, il voyait des progrès. A la fin de la journée, il avait un contrôle plus fin sur la boule et ses fluides, mais ce n’était que le début.

« On dit souvent que les femmes sont multi-tâches et que nous, les hommes, plus mono-tâches, lui expliqua le troisième jour Frans sous un temps couvert et avec l’approbation narquoise d’Anthelia. C’est pourquoi tu vas sûrement avoir du mal à faire la tâche suivante, qui consiste à manipuler simultanément les champs de tes divers doigts pour faire plus que repousser ou attirer la boule. »

Ce ne fut pas le cas. L’enchanteur savait déjà faire de telles choses avec un objet métallique, comme un yus. La difficulté résidait simplement dans le fait de maintenir la boule en un tout cohérent sans qu’elle se désagrège, et il ne fallut pas plus d’une demi-journée pour que Akihito puisse jouer librement avec la boule entre ses doigts, la faisant virevolter, tournoyer, tourner. Frans rajouta donc la complexité qu’il avait enlevé la veille, à savoir faire de même avec le filament de fluide, plus complexe à maintenir que la simple sphère. À force de persévérance et au prix d’un cours sauté sur les tatouages, Akihito parvint à réussir l’exercice le soir du troisième jour et s’écroula par la suite, complètement vanné mentalement.

Une bonne partie du quatrième jour fut consacrée à l’entraînement sur d’autres manipulations, de plus en plus faciles à mesure que le fulguromancien peaufinait sa manipulation. Et c’est ainsi qu’il en arriva à l’après-midi du cinquième.

« Contrairement à la plupart des sorts offensifs de foudre, celui-là n’est pas orienté pour causer des blessures. L’Électrocution est douloureuse, certes, mais plus douloureuse que blessante. Et comme c’est l’un des sorts les plus compliqué à appréhender… Tu vas essayer sur toi-même.

- Moi-même ?

- Tu seras le cobaye de tes propres expériences et échecs. Car il y a un truc pour rendre ce sort efficace. Mais pour ça, tu dois te le figurer par toi-même. »

Et c’est ainsi qu’il s’était retrouvé, à regarder son bras engourdi, un air plus que circonspect peint sur le visage. Frans lui avait proposé une image mentale pour structurer son sort, celle d’un filet qui se dépose sur les muscles pour les enserrer et les immobiliser au moindre mouvement. Akihito s’était donc entraîner à condenser cette toile en une petite sphère qu’il projetait sur son bras. Bien qu’inoffensif, le sort n’en restait pas moins plutôt douloureux et il n’avait d’autre choix que de serrer les dents pour ne pas exprimer cette sensation des plus gênante qu’il s’infligeait. Il se retrouva surtout rapidement placé face à un problème embêtant : s’il parvenait à utiliser son sort sur son bras comme à ce moment-là, c’était uniquement parce qu’il connaissait l’emplacement et la forme de ses muscles.

(D’abord parce que c’est mon corps, mais aussi grâce aux « cours » d’anatomie de ‘Theli… Mais ça me ferait une belle jambe si je ne peux les utiliser que sur des humains.)

(Tu sais, la structure musculaire des autres races n’est pas si différente de la tienne.) intervint Amy.

(Justement, c’est le « pas si différente » qui m’embête… Je veux pas que mon sort échoue par une ignorance de ma part. Et je n’ai ni le temps ni surtout l’envie d’apprendre l’anatomie de tout ce qui vit sur Yuimen. Parce que je veux pouvoir l’utiliser sur des bestioles et des animaux aussi, sinon l’intérêt risque d’être plus que limité…)

Amy s’était tu à cette remarque. N’ayant jamais eu de fulguromancien comme partenaire, elle avouait être relativement mal informée sur cette école et son fonctionnement. Akihito, lui, avait arrêté ses essais. Il ne servait à rien de persévérer dans une voie qu’il ne pensait pas concluante et, comme lui avait souvent répété le vieux magicien depuis qu’il était son enseignant…

« Ce qui compte, c’est l’idée du sort, pas sa forme. Un même sort ne se réalisera pas de la même façon en fonction des mages. Ce que je t’enseigne, c’est la façon dont j’utilise moi-même les sorts. Mais rien ne dit que tu ne trouveras pas ta propre façon de pratiquer la fulguromancie. »

Le soir avait vu un nouveau repas composé de produits froids et de rations séchées. Les produits frais étaient écoulés et faire un feu avec une psychomancienne folle furieuse aux trousses, c’était tout sauf une bonne idée. Akihito avait donc terminé sa journée en s’entraînant cette fois-ci sur le tatouage jusqu’à ce que la lumière ne soit plus assez forte pour qu’il y voit quoi que ce soit. Il avait alors rejoint Anthelia sous sa couverture de voyage et y avait passé un moment tout à fait reposant et doux… Jusqu’à ce que Frans ne vienne le secouer pour qu’il prenne le tour de garde.

Le lendemain, Akihito passa une partie de la matinée à l’arrière de la charrette, les jambes battant dans le vide. Son regard se perdait sur le paysage, entendant vaguement le crissement des roues sur la route peu entretenue, le claquement des sabots de leur bête de trait et la discussion animée entre la tatoueuse et le vieux mage. L’enchanteur se remuait les méninges pour trouver une solution à son problème et ce fut le fameux paysage qui l’aida, étonnamment. Sur le bord de la route, il vit une vielle bâtisse en partie écroulée et laissée à la merci de la nature. À vue de nez, Akihito supposa que ce devait être une grange ou un quelconque entrepôt pour stocker les denrées des champs aux alentours qu’ils traversaient depuis un moment déjà. Ce qui attira son attention, ce fut la façon dont la végétation avait envahi les murs, des vignes s’enroulant tout autour des pierres, faisant se fragmenter certaines et sapant finalement l’intégrité du mur. La manière dont la verdure enchevêtrait la roche…

Comme tout le monde, il arrivait par moment à l’Ynorien de tomber sur une pensée qu’il sentait qu’elle avait du potentielle, mais sans savoir où elle allait le mener. Son regard se fixa donc sur le lierre et il focalisa toutes ses fonctions cognitives pour ne pas laisser passer cette idée et qu’elle se perde dans les méandres de son esprit. Petit à petit, le lierre se changea en foudre et la pierre en muscles dans son esprit. À l’instar d’un filet, le lierre pouvait tout aussi bien immobiliser un objet en s’enroulant tout autour de lui. Une idée qui séduisait le jeune homme, bien plus que le filet. Il regarda de nouveau son bras et réessaya de l’immobiliser mais cette fois-ci avec un filament de foudre plus qu’une toile. Le résultat fut tout aussi concluant : un procédé tout aussi rapide, mais bien plus intuitif pour le fulguromancien. Restait néanmoins le problème de correctement s’enrouler autour de muscles dont il ne connaissait pas la forme ou la position.

Une autre idée germa dans son esprit : ayant une parfaite conscience de l’énergie de foudre circulant dans son corps, il s’était rendu compte qu’il en existait une qui ne venait pas de ses fluides, mais de son corps lui-même. De sa tête plus précisément. Qui envoyait de minuscules décharges qui parcouraient son corps pour le faire se mouvoir. Comme des messagers partant du centre d’opérations pour transmettre les ordres aux membres. Ce phénomène l’avait intrigué et il s’était alors penché plus sérieusement sur l’origine de cette foudre qu’il découvrait. Il en était venu à la quasi-certitude qu’elle était complètement indépendante de ses fluides et par conséquent, était le moyen pour une tête de coordonner le corps.

(Donc… SI je combine ces petites décharges messagères à la vigne de foudre enchevêtrante… Je pourrais cibler les muscles en suivant ces signaux. La vigne arrivera ainsi au muscle décidant de bouger et l’immobilisera. Il faut simplement que je trouve un moyen d’attacher la vigne aux signaux. Mmmh, peut être simplement la transformer en balise de sorte à détecter les signaux pour les suivre ? Ou alors, les remonter pour frapper directement ce « centre des opérations ».)

(Mouais, mauvaise idée de t’en prendre directement à l'hypothalamus.)

(Le quoi ?)

(Le truc à l’intérieur de la tête, qui dirige les membres. Ton fameux centre des opérations. C’est un organe très fragile, alors à moins que tu ai une maîtrise parfaite de tes fluides, tu risques de provoquer des dommages irréversibles si tu grilles ce cerveau avec ta foudre.)

Encore une fois, Amy utilisait des termes qu’il ne comprenait pas vraiment, mais dont il avait saisi l’essentiel. Et aux vues des connaissances quasi-encyclopédiques de sa compagne ailée, Akihito ne doutait pas de ses affirmations. L’heure était donc de retourner à la pratique. Le bras tendu, le fulguromancien fit bouger ses doigts et confirma la présence de ces signaux envoyés à chaque mouvement de ses muscles. Il s’étonna même du nombre de ces derniers, mais il ne s’en inquiéta pas : plus il y en avait, et plus de chances il avait d’attacher sa vigne aux muscles en s’agrippant à un de ces messagers. Il posa l’extrémité de son index gauche sur son bras droit et y injecta sa vigne de foudre avec pour consigne de s’accrocher à la première décharge qu’elle détectait. Cela lui prit un certain temps, car il fallait correctement les identifier pour pouvoir les baliser et les suivre. Mais petit à petit, il parvint à cerner la « signature » de ces décharges et lorsque ce fut fait, il sentit un engourdissement douloureux immobiliser ses doigts en plein mouvements. Le sourire qui s’afficha sur son visage était un mélange de satisfaction et de crispation douloureuse. Il avait enfin une piste sérieuse !

(Ne manque plus que la pratique. Essai après essai, je vais enfin maîtriser ce foutu sort !)


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« T’es sûr de toi ?

- Pour la énième fois, oui. Faut que je m’entraîne en situation réelle. Puis c’est pas avec tes petits bras que tu risques de me faire mal.

- Ah oui ? Voyez-vous ça, déclara la jeune femme avec un rictus mi-amusé, mi-vicieux.

- C’est même à moi de te demander si t’es sûre. C’est quand même toi qui risques le plus dans cette histoire…

- Si ça peut me permettre de te laisser vadrouiller en sécurité avec un sort de plus, je serai plus rassurée. Puis c’est qu’une douleur passagère, j’en ai vu d’autres. »

Touché par cette attention qui était le signe d’une affection de la jeune femme des plus remarquables, Akihito fut presque pris par surprise par l’attaque d’Anthelia qui le chargea sans crier gare. Brandissant sa grosse branche comme un gourdin, elle allait l’abattre sur lui. Une attaque pas très menaçante, mais qui risquait de lui laisser une sacrée bosse s’il n’arrivait pas à l’arrêter à temps. De son organisme, un long filament de foudre se condensa en une sphère qu’il projeta vers Anthelia. La boule fusionna avec son corps, et Akihito ne put qu’imaginer la suite des évènements comme elle s’était produite plusieurs fois dans son propre corps, lors des essais des deux derniers jours. La boule de foudre qui se place au centre de la poitrine, qui libère ses vignes tels des tentacules, à la recherche de la moindre décharge. En trouver plusieurs, traquer leurs courses jusqu’aux muscles ciblés pour ensuite s’enrouler autour d’eux et les paralyser. Il eut la confirmation de la réussite de son sort quand Anthelia, au milieu de son assaut, se tétanisa avec une expression douloureuse sur le visage. Entrainée par sa charge, elle commença à chuter et Akihito la rattrapa juste avant qu’elle ne s’effondre. Il sentit les membres de son amante lentement se déraidir entre ses bras et son visage peu à peu s’apaiser.

« Et merde… Ca faisait plus mal que ce que je pensais.

- Je te l’avais dit…

- En tout cas, je peux te confirmer que ça marche bien ton truc. Ca paralyse pas totalement, mais ça dissuade sacrément de faire des gestes.

- Merci de ton aide Theli. »

Elle poussa un grognement satisfait en sentant les lèvres du fulguromancien se poser sur les siennes, et passa lentement les bras autour de son coup pour prolonger le baiser, avant que le sifflement de Frans ne les interrompe. Ils s’étaient arrêtés dans une petite trouée dans les arbres de la forêt qu’ils traversaient à ce moment là, et le vieil homme leur faisait signe pour leur rappeler qu’il commençait à avoir faim, en cette fin de journée. Les deux jeunes gens se dirigèrent donc vers la petite charrette, quand Amy commença à s’agiter…

(Aki… Je sens un mage dans notre dos. Grosse quantité de fluides. Foudre et… Obscurité.)

(La Psychomancienne ?)

(J’ai bien peur, oui.)

(Parfait. On va enfin pouvoir finir cette partie du chat et de la souris.)

Akihito se retourna, prêt à faire usage de ses fluides au moindre mouvement. Mais il comprit que le combat risquait de s’éterniser lorsqu’il vit la terre littéralement exploser en de multiples endroits entre lui et les arbres et des dizaines de bras squelettiques en sortir.

(Évidemment… De la nécromancie, c’est tout ce qui me manquait !)


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Akihito
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Re: La Grande Plaine du Sud

Message par Akihito » ven. 14 août 2020 00:40

Dans le chapitre précédent...
Interarc : Apprendre des meilleurs.

Chapitre IX : Danse avec les morts.

Le vieux professeur héla les jeunes qui se dépêchèrent de rejoindre la charrette, à une vingtaine de mètres de leur position. Un barrage de shurikens enflammés et d’orbes de foudre couvrit leur retraite, fauchant plusieurs squelettes qui venaient à peine d’émerger du sol. Un nombre bien dérisoire comparé à la masse sans cesse grandissante qui déferlait peu à peu, d’un pas traînant. Une fois arrivés à la charrette, les trois mages ouvrirent le feu d’une manière plus concentrée, réduisant les squelettes en cendres ou les forçant à retourner à la terre qu’ils n’auraient jamais dû quitter. Frans se montra d’ailleurs particulièrement efficace à l’aide de ce sort de chaîne d’éclairs qui passaient de tas d’os en tas d’os, sous le regard un peu envieux d’Akihito. Lui se contentait de maintenir un nuage au-dessus de la marée squelettique et de faire tomber la foudre sans cesse, ciblant les squelettes les uns après les autres. Après une longue minute et des réserves magiques bien entamées, il n’y avait plus que des créatures de chair et de sang encore debout.

« Bordel… Ces saloperies étaient faibles, mais qu’est-ce qu’elles étaient nombreuses. »

La phrase d’Akihito resta sans réponse, Anthelia étant trop occupée à reprendre son souffle et Frans, lui, regardait en direction de l’endroit où se trouvait la psychomancienne qui semblait également être une nécromancienne. Elle restait à l’ombre des arbres, hors de portée des mages qui n’avait pas pu l’approcher à cause des squelettes. Akihito s’épongea le front du revers de la manche et jeta lui aussi un œil, pour que son expression s’assombrisse instantanément. Une nouvelle vague de squelettes, aussi nombreuse que la précédente, se mettait de nouveau en marche. Des squelettes pas assez endommagés pour être inutilisables qui revenait à la « vie » aussi bien que de tout nouveaux qui sortaient fraîchement de terre. Akihito se rendit bien compte qu’ils allaient bien vite tomber à cours de réserves de fluides si cela continuait. Il déboucha sa gourde et bu une des dernières potions pour reremplir ces réserves, mais ça allait être compliqué de tenir très longtemps. Surtout, son sort d’Appel de Valyus était certes puissant, mais il prenait plus de temps à être exécuté que l’éclair de Frans.

« Frans, à ce rythme-là, on va finir à court de fluides… Et j’ai honnêtement pas la confiance de pouvoir traverser cette marée osseuse. J’ai besoin de votre sort, l’Appel de Valyus me prend encore trop de temps à utiliser.

- Je vois bien…. Bon, j’aime pas avoir recours à cette méthode, mais j’ai pas vraiment le choix. Va falloir débourser un peu ta ceinture après tout ça mon garçon, grommela le vieux mage.

- C’est pas un souci. Notre survie vaut bien quelques pièces. »

Frans lui expliqua rapidement en quoi consistait le sort de Conductivité, qu’il employait. Là où le Choc de Valyus consistait en plusieurs arcs qui frappait une seule cible, là il était question d’un seul arc condensé qui, une fois ayant atteint sa cible, émettait une sorte d’onde pour analyser son environnement. La première cible découverte par cette onde était automatiquement visée par l’éclair qui sortait de la victime précédente. Les impacts de foudre étaient moins puissants avec le temps, mais le sort était d’une rapidité terrifiante. Frans posa une main sur son épaule et un curieux phénomène se produisit : il sentit le sort se lancer à travers son bras… Mais par Frans. Une sensation qu’il n’avait jamais expérimentée, à tel point qu’il n’arriva pas à déterminer si c’était les fluides de Frans ou les siens qui avaient été utilisés. Mais il vit bien l’éclair partir de sa paume, foudroyer un premier squelette, passer à un second, puis un troisième, puis un quatrième. Abasourdi, il allait demander comment le vieux professeur réussissait à faire ça mais ce dernier lui fit signe de se taire, les yeux mi-clos et le visage fiévreux. L’acte ne semblait pas évident, aussi Akihito ne dit rien de plus et se concentra sur le deuxième sort qui se formait dans corps.

Le sort était assez similaire au choc de Valyus dans sa construction : une grande masse de foudre projetée. Mais les arcs, au lieu de se libérer de manière libre, formaient un faisceau autour d’une petite capsule de fluide qui émettait les fameuses ondes. Le faisceau de foudre parti, emportant la capsule. L’éclair se propagea ensuite de squelette en squelette, comme les précédents. Le fulguromancien lâcha ensuite l’épaule de son apprenti avec une respiration haletante.

« Voilà, maintenant tu sais… Comment faire. Alors… Débarrassons-nous de… Ces horreurs. »

Il ne savait pas comment il avait pu faire ça, mais l’heure n’était pas vraiment à se poser des questions. Il savait comment construire le sort, il n’avait plus qu’à essayer de le reproduire lui-même. Et contrairement aux autres sorts qu’il avait pris le temps d’expérimenter à petite échelle pour économiser ses fluides, la situation actuelle le contraignait à sauter dans le bain car déjà la foule de squelettes se rapprochait dangereusement.

Le marteau de Valyus en main pour renforcer ses capacités, il tenta de reproduire le sort de Frans sur un des squelettes les plus à gauche qui s’approchait dangereusement, profitant de l’angle mort d’Anthelia qui les protégeait jusque-là. La lance de foudre se condensa dans sa paume, la capsule en son cœur, et fonça vers le squelette. Ce dernier explosa sous l’impact, mais rien de plus ne se produisit. Jurant, Akihito tenta d’effectuer un autre sort mais il dut avorter sa création en entendant Anthelia crier. Un mort-vivant pas tout à fait achevé avait agrippé sa cheville et tentait de la faire tomber du banc de la charrette sur lequel elle était juchée pour arroser copieusement ses semblables de projectiles magiques en tout genre. Le Marteau s’abattit avec fracas et pulvérisa non seulement le crâne, mais aussi la cage thoracique en dessous. La poigne osseuse se desserra et d’un coup de pied, la tatoueuse se débarrassa du répugnant trophée. Elle n’eut le temps que de jeter un rapide regard reconnaissant à l’enchanteur avant que les deux ne se remettent à repousser une fois de plus l’offensive. Il multiplia les essais, en tentant de reproduire la capsule qui faisait défaut à son sort. Lorsque les derniers adversaires tombèrent, une autre longue minute plus tard, Akihito respirait à grande peine. Ses réserves magiques étaient au plus bas et si son dernier éclair avait bel et bien réussi à frapper un deuxième squelette, il s’était arrêté à ce dernier. Et l’enchanteur savait que vu la quantité de fluides qu’il avait mis dans ce dernier assaut, il aurait au moins pu frapper le dernier squelette qui avait été abattu par une javeline d’eau solide.

Une chose inquiétait cependant Akihito. La psychomancienne était toujours là, Amy l’en assurait. Mais elle ne bougeait pas, ne réagissait pas, et se contenta d’invoquer une troisième armée de squelettes.

« Ca n’en fini jamais… Frans, on devrait part- »

Anthelia, qui disait tout haut ce que Akihito pensait tout bas, fut interrompue par le lancer de fiole de Frans qui leur lança à chacun une fiole. La lueur du crépuscule renseigna Akihito sur son contenu : une fiole de récupération magique, qu’il s’empressa d’engloutir. Vraisemblablement, c’en était une de la plus haute qualité car il sentit instantanément ses réserves se remplir à ras bords.

« Cette ordure compte nous épuiser, et fuir ne fera que rentrer dans son jeu maintenant qu'elle nous a trouvé. Mais je sais pas combien de temps elle va pouvoir continuer comme ça, et j’ai pas envie qu’on se lance dans une guerre d’attrition. Akihito, tu maîtrises le sort ?

- Presque… Mais pas totalement.

- On fera sans, répondit immédiatement Frans après avoir englouti lui aussi une fiole et en regardant la troisième vague approcher. Anthelia, toi et moi on va tout donner maintenant pour ouvrir la voie à Akihito, qui va foncer avec ses bottes lui régler son compte.

- Compris.

- Akihito, va falloir faire efficace. »

L’intéressé ne répondit pas : il n’avait pas de meilleure solution à proposer et n’avait pas non plus le temps de réfléchir à mieux. Alors quand un énorme météore de flamme s’écrasa au cœur de la masse de squelettes, il fonça dans l’ouverture sans réfléchir. Il vit du coin de l’œil un cercle runique se former à partir de foudre autour d’un groupe de squelettes et éclater en des centaines d’étincelles qui eurent raisons des êtres osseux. Le monde commença à accélérer autour de lui et Akihito lança le sort de Conductivité qu’il préparait avant de partir comme une flèche. Le faisceau, de nouveau, partit frapper un squelette en emportant la capsule d’ondes. À mesure qu’il comprenait le fonctionnement de cette dernière plus que la façon de la créer, l’efficacité de son sort augmentait. Avec pour résultat un deuxième squelette qui chuta après que le faisceau de foudre l’ait ciblé de lui-même, suivit d’un troisième qui fut partiellement touché quand l’éclair perdit subitement en puissance en voulant se diviser en deux. D’un bond, Akihito traversa le rideau de flamme et se retrouva face à trois squelettes qui tentait de lui barrer la route. La tête du marteau fendit l’air et emporta les deux premiers : des os en pagaille volèrent à sa droite sous l’impact quand le dernier ne put résister à la charge d’Akihito. Sa vélocité gagnée couplée à sa carrure imposante suffit à renverser le faible adversaire.

S’extirpant enfin du groupe de squelettes, l’enchanteur braqua son regard bicolore sur la Shaakte à l’origine de tout ça, qui se trouvait encore à une trentaine de mètres de lui. Sans un mot, elle tourna les talons et disparu dans les bois, courant avec une agilité déconcertante. Akihito lui donna la chasse, mais là où ses bottes lui auraient permis de la rattraper en un instant dans une plaine, il n’était pas assez fou pour les utiliser dans un terrain aussi instable et fourbe qu’une forêt. Il aurait tôt fait de se prendre les pieds dans une racine et de se vautrer lamentablement. Il se contenta donc d’entrer dans le bois à sa suite à sa vitesse normale, tentant comme il peut de déceler les pièges naturels à la faible lueur du ciel enflammé crépusculaire. Il renonça également rapidement à l’immobiliser avec le sort qu’il avait appris juste avant, bien trop compliqué alors qu’il courait déjà dans une forêt.

Petit à petit, il rattrapait la Shaakte. Guidé par Amy qui faisait en sorte de le guider quand la végétation cachait la fuyarde, il déboula finalement dans une petite clairière, les poumons quelque peu brûlants. En face de lui, la silhouette qu’il poursuivait se tenait au milieu, accompagnée d’une autre. Les deux se retournèrent, et l’incrédulité se lut sur le visage de l’Ynorien. Les deux Shaaktes se ressemblaient comme deux gouttes d’eau, portaient les mêmes vêtements. Étaient-elles deux depuis le début ?!

« Alors humain, laquelle vas-tu suivre maintenant ? »

Une voix suave et froide s’éleva d’une des deux Shaaktes, sans qu’il ne puisse savoir laquelle : puis chacune s’élança dans une direction différente.

(A droite Akihito ! L’autre n’est qu’une coquille !)

Suivant instinctivement l’ordre de sa Faëra, Akihito projeta un orbe de foudre sur celle qu’elle lui indiquait. L’orbe frappa la cape noire flottante de la Shaakte, qui fut bien forcée de se retourner. Voyant comment Akihito la fixait, elle s’arrêta en se rendant sans doute compte que son tour de passe-passe ne le tromperait pas. L’enchanteur vit du coin de l’œil l’autre silhouette s’effondrer dans les airs pour disparaître quand le vrai membre du Tonnerre d’Omyre rejetait sa capuche en arrière, dévoilant son visage. Une peau noire comme la nuit dont les traits n’étaient pas visibles, des yeux sombres et une crinière blanche immaculée : tel était le visage de la nouvelle adversaire d’Akihito.

« Mon double ne te trompera pas… On dirait bien que je vais devoir te faire la peau ici-même.

- Tu sembles bien sûre de toi. On ne t’a jamais dit que c’était une erreur de sous-estimer son adversaire ? Si tu te rends, alors selon les préceptes de Valyus tu auras la vie sauve.

- Un fidèle de cette version pervertie de Nizzre’ ne serait pas capable de me vaincre.

- Amusant, je pensais exactement la même chose… »

Sans dire plus de mots, les deux combattants se firent face. La foudre crépitait dans leurs mains, attendant que le premier agisse. C’est le sourire sadique de la Shaakte qui le fit se rendre compte de son erreur. En prenant solidement appui sur le sol, il s’élança armé de son marteau. Soudainement, son environnement devint flou. Comme s’il était sous l’emprise de l’alcool, il se sentit vaciller, vit les objets tourner autour de lui et s’arrêta au milieu de sa charge pour ne pas s’effondrer. A travers le sifflement qui vrillait ses oreilles, il entendit la Shaakte psalmodier quelque chose et dans un rare moment de lucidité, parvint à focaliser son regard sur elle. À ses côtés et du sol, jaillis une forme noire qui peu à peu, se teinta de couleurs. Des couleurs qui restèrent sombres mais dessinèrent les contours d’une armure de plate, lourde et rouillée, posée sur le corps décharné de ce qui avait dû être il y a longtemps un être vivant. Un lourd bouclier et une épée à la main, il se plaça devant la psychomancienne, adoptant une posture défensive tandis que Akihito reprenait peu à peu ses sens. Quel que soit le sort qu’elle lui avait lancé, elle avait réussi à le perturber suffisamment pour lui laisser le temps d’invoquer cette immondice.

« Velve, occupe-toi de ce rat. »



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Akihito
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Re: La Grande Plaine du Sud

Message par Akihito » sam. 15 août 2020 10:38

Dans le chapitre précédent...
Interarc : Apprendre des meilleurs.

Chapitre X : Protection contre vengeance.

Akihito raffermit sa prise sur son marteau. Maintenant qu’il se retrouvait dans une telle situation, il devait bien admettre que c’était bien la première fois qu’il se retrouvait en infériorité numérique lors d’un combat. Ou du moins, seul contre plusieurs adversaires. D’ailleurs, pouvait-il considérer le monstre mort vivant comme un adversaire à part entière ?

(Vu sa carrure, mieux vaut ne pas le sous-estimer.)

Grand bien lui en fit, car l’épée levée bien haut du dénommé Velve s’abattit sur lui à une vitesse terrifiante. L’impact de la lame contre son manche posé en obstacle se répercuta douloureusement dans ses bras, preuve de la force de son adversaire. Akihito n’eut que le temps de mettre un genou à terre pour se remettre du coup qu’il vit le bouclier foncer vers lui, comme une énorme plaque d’acier cloutée. Le choc lui coupa le souffle et l’envoya rouler sur le côté. Une telle situation l’aurait laissée à la merci de ses adversaires il y a quelques temps, mais à force de voyager et de se battre pour sa survie, il avait appris à se passer de son souffle suffisamment longtemps pour se mettre hors d’un danger immédiat. Se relevant d’un bond, il envoya une munition de foudre par réflexe, qui alla s’écraser sans le moindre effet sur le bouclier s’interposant entre l’enchanteur et la psychomancienne ciblée. Le souffle lui revint peu à peu mais reparti bien vite quand il dut esquiver d’abord un éclair de la magicienne, puis un coup d’estoc du chevalier mort.

Marcus, le père d’Akihito, lui avait un jour dit que s’il se retrouvait faces à plusieurs adversaires, le pire choix étaient de les laisser imposer leur tempo. Plus il s’installait, et plus ses chances de contre-attaquer ou de se sortir de cette spirale infernale diminueraient. Briser leur rythme était donc une priorité avant que ce soit impossible, aussi décida-t-il d’envoyer un puissant Choc de Valyus au gardien de la magicienne. Peut-être parce que cet étrange déséquilibre le reprit, les arcs de foudre manquèrent leur cible et allèrent se perdre dans le lointain de la forêt, frappant le tronc d’un arbre dont l’écho du craquement de l’écorce lui parvint faiblement. Et alors qu’il reprenait tant bien que mal son appui pour encaisser le prochain assaut du guerrier morbide…

« Qu’est-ce que… ? »

Un rire. Un rire malsain, étrange, résonna dans sa tête. Devant ses yeux ébahis, il vit la sorcière se diviser en deux, puis de nouveau, encore et encore. Il fut bientôt cerné de toute part par une foule de Shaaktes ricanantes, le pointant du doigt alors que c’était au tour du chevalier mort de se multiplier. Akihito pensa au même tour de passe-passe, et n’en eue cure.

(Tss… Ce genre de truc ne marche pas avec moi. Amy, dis moi lesquels sont les vrais !)

Le silence.

Sa Faëra ne lui répondit pas. Pire, il ne la ressentait pas, il ne sentait plus ce lien particulier qui avait émergé lors de son pacte avec l’être d’air. C’était la première fois que cela lui arrivait et ce vide soudain lui flanqua une peur terrible. Une peur qui ne s’arrangea pas alors que la foule de clones se refermait sur lui, se rapprochant inexorablement. Il tenta de faire appel à ses fluides, mais eux aussi disparurent. Il tenta de fuir, mais ses pieds refusèrent de bouger. Ce qui le retenait n’était autre qu’une foule de goules aux yeux de jades sortant à moitié du sol, l’ancrant à sa position. L’éclat vert des goules bien que ternes lui rappelait étrangement celui de ceux d’Anthelia…

« Non… Pas possible… C’est… »

Un cauchemar. À mesure que l’horreur l’envahissait, il reconnaissait les traits de la tatoueuse derrière la peau moisie et en lambeaux des goules le restreignant. Un cri inarticulé monta dans sa gorge alors qu’il balançait de gauche à droite son marteau, cherchant à chasser la terrible vision qui l’assaillait. Il voulait croire à une illusion, une tromperie de son adversaire, mais tout semblait si réel… La manière dont les mains décharnées tiraient sur ses habits, le ricanement de la sorcière, la douleur dans sa gorge en hurlant à s’en déchirer les cordes vocales…

Puis une douleur. Une douleur lacérant son ventre, cuisante. Sa vue se troubla et en face de lui, ne restait plus qu’une sorcière au sourire narquois et un guerrier mort vivant, dont l’épée était enfoncée dans le ventre d’Akihito. Le goût du sang désormais bien trop commun monta dans la bouche de l’Ynorien et il en vomit une partie sur le sol alors que la lame se retirait violemment de la plaie. Akihito ne comprenait pas ce qu’il se passait. La voix d’Amy, emplis d’inquiétude, lui vint alors.

(Akihito ! Bon sang, pourquoi es-tu resté sans rien faire ?!)

Akihito ne prit pas la peine de répondre : sa blessure coulait abondamment, et il devait y remédier sans plus tarder. Pressant sa main contre sa blessure pour endiguer l’écoulement du sang, il emprunta le pouvoir des bottes de foudre pour se mettre hors de portée de celui qui avait presque réussi à l’étriper. Il déboucha de nouveau sa gourde et bu une des potions les plus efficaces qu’il lui restait. La douleur reflua, le saignement s’arrêta. Mais la plaie était loin d’être guérie et il avait toujours cette sensation d’avoir des tisons ardents dans l’estomac.

« Alors ? Content de ma petite hallucination, rat de Valyus ? »

Le regard moqueur et le sourire méprisant de la psychomancienne fit monter une profonde colère chez le jeune homme. Il comprenait mieux pourquoi l’arbalétrière avaient eu l’air aussi terrorisée quand elle avait évoqué la psychomancienne. L’hallucination qu’il avait subie était terrifiante, en subir régulièrement avait sûrement été un calvaire qui l’avait poussée à choisir le suicide plutôt que le risque de retomber entre ses mains. Akihito avait été négligeant, en la laissant aussi facilement mettre en place son sort psychique. La colère l’envahissait était alors aussi bien dirigée contre lui-même et sa faiblesse que contre la psychomancienne et ses méthodes abjectes.

« Toi… Il en faut beaucoup pour me mettre en colère, mais tu as touché le gros lot.

- Oooh… Pour peu, j’aurais l’impression de voir un fidèle de Nizzre’. La vengeance te sied si bien… susurra avec cynisme la Shaakte.

- Je ne me bats que pour protéger les autres, pas par vengeance.

- On se bat tous par vengeance… Et tu ne fais pas exception. »

La joute verbale finie, la sorcière ordonna à son pantin mort vivant d’attaquer Akihito, qui avait profité de l’occasion pour préparer la suite du combat. Ses sorts habituels se propageaient en ligne droite, et le chevalier mettait un point d’honneur à toujours se mettre entre sa maîtresse et lui. Mais récemment, Akihito avait appris quelque chose qui ne demandait rien de tout ça : c’est pourquoi, malgré le bouclier levé du mort-vivant, l’éclair qui quitta le nuage d’orage frappa bel et bien la sorcière. L’Appel de Valyus avait été lancé pendant qu’il la distrayait avec ses paroles, profitant du ciel nocturne qui s’installait. Un cri de douleur s’échappa de la Shaakte, mais pas de son compagnon morbide qui ne broncha pas et continua de s’avancer vers lui. Akihito jura : contre un adversaire qui ne craignait ni ne ressentait la douleur, il allait falloir mettre le paquet. La magie de foudre était alors bien moins efficace…

Un combat au corps-à-corps était inéluctable, mais il allait avoir du mal à esquiver ou bouger avec sa terrible blessure qui cicatrisait à peine. Et c’était sans compter la mage qui n’allait pas le laisser en paix. Il fallait la neutraliser, et vite. En face de lui, le cadavre caparaçonné n’était plus qu’à deux mètres et comme la plupart des adversaires qu’avait affronté Akihito, portait sa lame dans la main droite. C’était donc ce flan qui était le moins protégé par le bouclier, et donc par le coup de marteau qui balaya l’air. Un coup colossal, comme Akihito ne pouvait se permettre de lancer qu’une fois ou deux par combat. Peu précis, mais face à un adversaire aussi lourd et lent, il n’eut pas de mal à le toucher. La rotation de ses hanches le fit grimacer et il jura sentir du sang s’échapper de nouveau de sa blessure. Cela en valut la peine, néanmoins : le bouclier n’amortit que peu le choc qui enfonça la plaque d’armure de torse, quelque chose qui aurait été fatal si la personne à l’intérieur de l’armure avait encore des organes en état de marche. Non, le réel intérêt de l’attaque fut qu’elle ait été assez puissante pour déséquilibrer l’adversaire silencieux. Renversé, il laissa l’espace de quelques instants la voie libre à Akihito.

Ce qui valait aussi pour la Sorcière : les deux fulguromanciens se lancèrent chacun un sort avant qu’une montagne de chair et d’acier ne se dresse de nouveau entre eux. Akihito encaissa trois éclairs, un Choc de Valyus aussi puissant que ce qu’il pouvait envoyer et goûta pour une fois à un sort de son cru. Chaque impact de foudre vrilla ses nerfs, électrifiant sa cotte de maille à son plus grand déplaisir. Pour peu, il se serait sentir cuire dans sa propre armure et se félicita pauvrement de ne pas porter plus d’équipements métalliques. En revanche, il eut la satisfaction de voir son propre sort faire effet également : la Shaakte se figea sur place, paralysée par le sort d’Électrocution qu’il lui avait envoyé. Pour un bref moment, il allait de nouveau se retrouver en un contre un.

(À nous deux mon gros…)

La magie ne servirait à rien, et il avait besoin d’en finir vite avec lui. Plantant son marteau debout, le porteur de la Kizoku Rana dégaina sa lame au moment où le chevalier mort brandissait de nouveau son épée.
Le combat fut aussi rapide que violent.
Utilisant la Furie de Rana, Akihito compensa son manque de mobilité à cause de sa blessure par la rapidité de ses coups. Le premier fit glisser le coup de taille visant à fendre son crâne sur la droite, ripant contre sa cotte d’écailles et ouvrant sa garde. Il poursuivit ensuite sa course pour essayer de trouver la faille dans l’armure au niveau de l’épaule, mais en vain. Le second coup, rapide comme le vent, chercha la jointure du coude de la main armée : il ne parvint pas à sectionner le bras comme il l’espérait, mais la lame mordit bien quelque chose avant de ressortir souillée de.. Sang ? Il n’avait pas vraiment envie de le savoir. Le bras portant le bouclier s’ouvrit comme on ouvre une porte, avec la ferme intention de frapper Akihito. Pour avoir déjà subi ce coup plus tôt, il le vit arriver et se laissa volontairement frappé en levant le pied droit. Le choc engourdit l’épaule de l’enchanteur au point qu’il la pense très sérieusement disloquée mais fit surtout tourner l’épéiste sur son autre pied d’appui. Profitant de la force de ce mouvement rotatif, la Kizoku fila vers le cou du chevalier mort vivant à une vitesse effrayante.

Malheureusement, un tel coup ne pouvait être assez précis, surtout pour un épéiste comme Akihito qui s’était d’avantage focalisé sur la maîtrise de la magie. La lame ripa donc sur le heaume, faisant jaillir une pluie d’étincelles. Le dernier coup de la Furie de Rana trouva en revanche sa cible : reposant son pied droit à terre fermement, la lame repartie dans le sens inverse et frappa de nouveau le coude qui cette fois, fut tranché. Bras et lame tombèrent au sol, ce qui ne sembla pas déranger plus que ça leur ex-propriétaire qui se jeta tout simplement sur Akihito. Un tacle improvisé qui manqua d’écraser l’enchanteur qui n’y échappa ironiquement que grâce à la blessure reçue de l’arbalétrière, des jours auparavant. Si elle avait été correctement soignée, le combat avait réveillé la douleur et fait ployer l’Ynorien. Au lieu de se retrouver écrasé par son adversaire, il fut simplement renversé et le monstre roula au sol avec lui. Mais là où, engoncé dans son armure lourde, le chevalier mort vivant peina à se relever, ce ne fut pas le cas d’Akihito. Se plaçant tant bien que mal au-dessus du monstre il enfonça la lame de la Kizoku dans la visière du heaume, traversant chair putréfiée et os. Un coup fatal pour un humain… Mais qui n’empêcha pas le mort-vivant de se débattre une ultime fois, ruant de coups le jeune homme à l’aide de son moignon et de son poing ganté d’acier. Une pluie de coups maladroits qui touchèrent même la plaie au ventre, se remettant à saigner d’un liquide écarlate qui éclaboussa l’armure du chevalier qui, finalement, se dissipa en un nuage d’ombre.

La victoire n’eut pas le temps d’être savourée, Akihito savait bien qu’il avait encore un redoutable adversaire. Arrachant la Kizoku à la terre meuble dans laquelle elle s’était plantée suite à l’évaporation du chevalier, il se retourna vers la magicienne dans le but de l’achever avant qu’elle ne reprenne le contrôle de son corps. Il fut surpris de la voir debout, le regard mauvais, une main enveloppée d’obscurité.

« Toi aussi, tu m’as mise en colère. Par Nizzre’, je vais te faire la peau trèèèèèès lentement. Et on va commencer par éteindre la lumière. »

D’un geste de la main, Le nuage sombre vola vers le visage d’Akihito. Il n’eut pas de mal à savoir à quoi allait servir le nuage : d’une façon ou d’une autre, il allait obstruer sa vision. Alors avant qu’il ne voit rien, l’enchanteur réagit au seul sort pouvant l’aider dans cette situation. De sa main partie une sphère de foudre, hautement chargée magnétiquement. Il ne vit pas son projectile toucher sa cible puisque le monde s’assombrit à ce moment-là, plongeant sa vue dans une nuit d’encre. Mais il eu la certitude que son sort avait bien fonctionné quand il sentit le Marqueur se déplacer autour de lui.

« Pfeu. Une pauvre attaque de foudre faiblarde comme celle-là ne me fera rien. »

(Visiblement, elle ne s’est pas rendu compte de la marque... Je vais devoir en profiter, mais j’aurais qu’une seule chance.)

Du peu qu’il avait vu, elle n’était pas une guerrière. Il n’avait vu aucune arme sur elle et elle avait la fâcheuse tendance à mettre des sbires entre elle et ses adversaires. Elle devait donc essentiellement compter sur ses fluides selon lui et vu le nombre de sorts qu’elle avait lancée, elle ne devait plus en avoir beaucoup. Tout comme lui. Pour faire bonne mesure, il tourna la tête à gauche et à droite, tenta de disperser la fumée autour de lui, tout en gardant bien en tête la position de son adversaire.

S’il pouvait savoir où était son adversaire, il ne pouvait en revanche pas compter sur sa vue pour savoir ce qu’il faisait. C’est pour ça qu’il fut pris au dépourvu quand un éclair frappa sa main et le fit lâcher son sabre. Manifestement, il s’était trompé sur les réserves de fluides de la Shaakte, qui comptait réellement s’amuser avec lui… Sans arme, il ne pouvait que lancer ses propres sorts. Il devait provoquer le corps-à-corps. Akihito devait agir vite. Son corps n’allait pas tenir bien longtemps, et il estimait qu’il pourrait charger une uniquement fois, sans quoi sa blessure au ventre se rouvrirait bien trop. Et encore… C’était un pari. Il n’était sûr de rien. Et comme disait son père...

« Impose ton tempo. »

L’enchanteur se pencha légèrement en avant, positionnant les mains sur son fourreau comme s’il comptait dégainer. Se rappelant des cours de Iajutsu, l’art de la dégaine du sabre qu’affectionnait tant son père, Akihito estima qu’en terme de rapidité, c’était ce qu’il avait de mieux dans son arsenal pour surprendre une novice du corps-à-corps.

(Comment est-ce qu’il appelait ça déjà… ? Ah oui. Hekireki Issen. La frappe foudroyante.)

La balise magique. Les bottes de foudre. La création d’arme magique. Le Iaijutsu. Ce furent les éléments qu’il combina pour prendre par surprise la Shaakte, malgré sa cécité. Une combinaison plus bricolée que réellement réfléchie, mais c’était tout ce à quoi il avait pensé à ce moment-là. Son corps hurla de douleur alors qu’il se ruait à une vitesse sidérante sur la Shaakte. La rejoindre ne prit qu’une seconde ; de son fourreau vide, une lame de foudre pure sortie et frappa l’endroit où devait être la Shaakte. Il ne sentit rien, pas de choc de la lame rencontrant quelque chose, mais entendit le cri de surprise puis de douleur de sa cible. À travers le brouillard noir se dissipant, Akihito sourit.
Devant lui, une Shaakte au visage tordu par la douleur le dévisageait, un couteau à la main. Dans un cri de rage, elle fit sortir du sol trois squelettes autour d’elles, des squelettes à la stature bien plus imposante que le menu fretin qu’elle leur avait envoyé plus tôt. Ils mettaient la « main » sur lui, et il était foutu. Il n’avait donc d’autre choix que de tenter un tout pour le tout. Plaquant sa main sur droite sur la poitrine de la Shaakte, il propulsa directement le sort de Conductivité dans son corps. Et peut-être grâce à l’urgence de la situation, le fait qu’il n’avait après ce sort plus de fluide et qu’il allait probablement s’évanouir de douleur et de fatigue d’une seconde à l’autre, il réalisa cette fois-ci parfaitement le sort. Il sentit l’éclair libéré sa fureur dans le corps de la Shaakte avant de sauter à un des squelettes, puis à l’autre puis au dernier avant de s’évanouir dans un flash et un bang sonore. Les oreilles bourdonnantes du jeune homme ne perçurent que vaguement le son du corps de la Shaakte s’effondrer par terre, suivit de deux des squelettes et enfin, de son propre corps. Les yeux embrumés, il ne put que constater que l’un des squelettes avait survécu, vraisemblablement le dernier. Il s’approchait de lui, visiblement encore animé par la volonté de son invocatrice même par-delà sa mort. Il sentit ses mains osseuses se refermer autour de son cou, le privant peu à peu des miettes d’oxygène qu’il avait encore. Enfin, il vit, crevant le ciel nocturne, un point rougeoyant poindre juste au-dessus de lui. Il ferma les yeux, laissant son esprit prendre le repos qu’il méritait.

(Quand même… Mon manteau me protège, mais elle exagère…)



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Xël
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Re: La Grande Plaine du Sud

Message par Xël » dim. 13 sept. 2020 15:22

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« Almaran ! Pherroc ! »

Ed et moi levons tous les deux nos regards embrumés par le réveil matinal vers le sergent Anne Aldchet.

« Vous prenez tous les deux un cheval aujourd’hui. »

Nous nous jetons un regard l’un à l’autre en haussant un sourcil, ignorant la raison de cette décision et si cela est une punition ou une récompense. Devant nos mines ahuries le sergent s’impatiente et nous aboie dessus.

« Plongez vos têtes dans une bassine d’eau froide et montez sur vos montures ! Compris ?! »

« Oui sergent ! »

Réagit Ed, me rappelant que le protocole est de rigueur. J’ai encore du mal à me faire au réveil à l’aube et ce même en me plongeant la tête dans de l’eau froide comme on me le conseil chaque matin.

Il a beau être extrêmement tôt, la ville est déjà bien animée. Les paysans sont déjà sur le chemin du travail, emportant outils et bêtes de somme pour travailler la terre. Les marchands ouvrent leurs étals pour les voyageurs qui se lèvent de bonne heure et la taverne ouvre ses portes pour donner de l’énergie via un alcool fort à ceux qui le désirent, c’est à dire presque tous le monde.

En retrouvant la monture qui m’est attitré, je repère le Général Bogast qui m’observe à l’avant du convoi, son regard se pose sur moi quelques secondes avant qu’il donne l’ordre de reprendre la route. Malgré mon esprit encore endormi je remarque que l’ordre des chariots à changé. A l’avant, juste derrière le groupe composé du Général, de ses deux lieutenants et de quelques autres officiers se trouve un premier groupe de recrue. Contrairement à la première partie du voyage les hommes et les femmes sont mélangés et deux soldats se tiennent dans le chariot. Juste derrière se trouve une charrette d’équipements, puis une de soldats puis le second chariot de recrue à côté duquel je me tiens sur le flanc gauche accompagné de Anne. Ed se tient de l’autre côté en compagnie d’un autre officier. Cwen dans la charrette m’interroge du regard et je lui fait signe d’un haussement d’épaule que je n’en sais rien. Derrière nous se suivent le deuxième chariot de matériel puis les deux derniers chariots de soldats. Le convoi se termine par ce qu’il reste des cavaliers. C’est en quittant la ville que le sergent s’approche de moi en déclarant.

« On nous a signalé que des personnes se sont intéressés à vous hier soir et que certains se sont montrés particulièrement insistants. Nous entamons une partie du chemin moins tranquille que les jours précédents. Soyez sur vos gardes recrue. »

La mise en garde de Nildan résonne dans ma tête aux côtés du conseil que je viens d’entendre. Un conseil qui ressemble plus à un ordre en vérité. Je reprends rapidement les habitudes d’équitation brièvement acquise sur Aliaénon même si je suis visiblement moins à l’aise que les autres cavaliers. Le voyage se déroule sans encombres si ce n’est mon derrière qui encaisse les frottements contre la selle. Nous montons un campement avant que la nuit tombe, à priori, nous arrêtons de voyager de nuit. Les chariots sont disposés en cercle à l’écart de la route, les tentes sont dressées, les tours de garde sont distribués. Alors que je prends mon repas en compagnie de notre petit groupe constitué de Cwen, Ed, Chet et Thonas, discutant de choses banales sans grand intérêt, nous sommes approchés par deux autres recrues féminines. Les deux étaient à la table proche de l’individu étrange hier soir. L’une d’elle est grande, élancée, le visage fin, les cheveux longs et blonds en queue de cheval tombant sur son épaule pour ensuite se poser sur sa poitrine. Celle qui l’accompagne est très différente, plutôt épaisse, une touffe hirsute et sombre sur la tête, un visage bouffi et boutonneux surplombé par un nez disgracieux, les deux femmes forment un étrange contraste entre le beau et le moins beau. Pourtant le regard de la laide irradie d’une profonde bienveillance alors que celui de l’autre donne une impression sauvage, assoiffé de violence. La moins belle se présente sous le nom de Stepha Claef et présente la blonde comme étant Trieli Carmond.

« Vous avez vu à quoi ressemblait le type dans la taverne hier ? »

Cwen ne passe pas par quatre chemins, s’attirant un regard inquisiteur de Trieli qui croise les bras tout en se dressant de toute sa hauteur en répliquant d’un ton froid.

« Non. C’est ces idiotes venant d’Haenian qui lui ont parlé. Heureusement pour ton copain, elles ne savaient pas grand chose sur lui... »

Elle fait sans doute référence aux deux glousseuses. Je lève des yeux surpris vers la blonde qui dirige son regard inquisiteur vers moi.

« Qu’est-ce qu’il voulait savoir ? »

« Quel genre de trouduc’ tu es. »

Je suis à la fois partagé entre le rire et l’étonnement, de même que mes compagnons. Chet se fait d’ailleurs tout petit, craignant peut être qu’une rixe éclate.

« On se connait ? »

Demandais-je alors que l’impression qu’elle m’accuse de quelque chose se fait plus forte, Stepha semblant se déporter entre nous pour retenir sa copine.

« Je te reconnais. Tu as volé pour 300 yus de bijoux à ma mère avant de t’enfuir. »

J’ouvre de grands yeux ronds alors que les regards des autres se pointent vers moi. A l’exception de Thonas qui explose de rire.

« Le Sauveur d’Aliaénon rattrapé par son passé de pauvre ! »

« J’arrive pas à croire qu’un cambrioleur de ton espèce puisse entrer dans l’armée ! »

« Du calme, il a rendu service au royaume depuis. »

Essaie de tempérer la recrue qui l’accompagne.

« Je suis désolé. Je te rembourserai. »

« Ce n’est pas juste des Yus. C’était des bijoux de famille. »

« J’espère qu’il n’a pas pris ceux de ton père. »

Commente Ed d’un ton sarcastique avant de mordre dans son morceau de pain, provoquant des rires retenus chez tous à l’exception de moi, de la grande blonde et toujours Chet, craignant qu’une bagarre n’éclate à côté de lui. Je soupire et brise mon pain en deux avant de me lever, créant une certaine tension autour de moi. Trieli se met d’ailleurs sur ses gardes.

« J’étais un autre ho... »

Je marque une pause, imposant un silence de réflexion lourde à tous en songeant à mon passé.

« Un autre garçon... Beaucoup de choses ont changés depuis et moi aussi. Je te rembourserai, d’une manière ou d’une autre. En attendant, accepte de partager avec moi mon repas. »

Je m’avance d’un pas et tends un morceau de pain. Elle écarte Stepha de son chemin d’un geste doux avant de s’approcher de moi. Tous nous observe, l’un face à l’autre, nous regardant dans les yeux, moi d’un air navré et elle gardant un regard toujours furieux. Elle tend sa main et saisit mon poignet pour me tirer vers elle, l’instant d’après je sens un coup percuter mon estomac, me coupant le souffle. Je me plie en deux, me retrouvant face au derrière de Trieli qui s’était déjà retourné pour s’éloigner tout en commentant.

« Prends ça pour un début de remboursement ! Enfoiré ! »

Je me redresse lentement en cherchant à happer quelques rasades d’air sous les rires amusés de mes camarades. Stepha répète des excuses tout en s’éloignant, sincèrement navrée. Je retourne à ma place et m’affale sous les commentaires moqueurs de mes compagnons. C’est Chet, une fois le danger écarté, qui s’approche de moi en premier en s’inquiétant de mon état. Je le rassure tandis que Cwen réagit en second, taisant son rire pour reprendre d’un ton plus grave.

« Il n’empêche que c’est louche ce type qui s’intéresse à toi. »

Les autres se taisent également, conscient que quelque chose de sérieux se profile à l’horizon. Le rouquin développe son propos.

« Elle a dit que ce sont les filles d’Haenian qui lui ont parlé. Mais quand je l’ai vu hier soir il discutait avec un soldat... »

« Peut être un admirateur. »

Balance Ed toujours sur le ton de la plaisanterie.

« Pourquoi s’être quasiment enfui alors quand nous l’avons remarqué. Puis le changement de place et d’ordre dans le convoi, c’est plutôt étonnant. »

« Ca n’a rien d’étonnant. »

Rétorque Thonas de son ton si arrogant.

« Xël s’est fait remarqué à Luminion, tous les soldats parlent de sa confrontation avec Craen. »

Entendre son nom me fait frémir et fait tomber un lourd silence sur notre groupe avant qu’il ne poursuive.

« Il est probablement une cible des espions et des assassins à présent. En vérité, je pense que ta présence nous mets tous en danger. »

Je dirige mon regard vers son visage hautain et souriant alors qu’il précise.

« Fort heureusement, on ne s’enrôle pas dans l’armée pour fuir le danger. Pas vrai Chet ! »

Dit-il en tapant dans le dos du cadet qui sursaute. Notre repas est interrompu par Aldchet qui nous conseille d’un ton glacial de nous reposer pour le voyage de demain. Je rejoins ma tente en compagnie de Cwen et Ed. La déclaration de Thonas résonne dans ma tête, créant une crainte que quelqu’un soit blessé par ma faute. Malgré l’angoisse, l’épuisement du voyage me fait rapidement m’endormir dans un sommeil réparateur.

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Re: La Grande Plaine du Sud

Message par Xël » dim. 13 sept. 2020 15:32

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Le voyage continue sans encombres autre que quelques roues cassées qui ralentissent le voyage de quelques heures. Nous sommes désormais à deux jours de marche de Bouhen et nous longeons le nord d’une forêt recouvrant des montagnes. J’entends quelqu’un expliquer qu’il s’agit du Bois aux Lutins et que bien des mystères planent à son sujet. A mi-journée l’ordre de s’arrêter intervient subitement et surprend tout le monde avant qu’une vague de tension saisissante s’empare du convoi de l’avant à l’arrière.

« Viens avec moi recrue ! »

Ordonne Aldchet en trottinant vers l’avant du convoi. Je l’accompagne pour finalement apercevoir la raison de l’ambiance pesante qui est tombé sur nous tous. Un chariot brisé est retourné sur le bord de la route. Les deux chevaux qui le tirait sont démembrés, éventrés et semblent avoir étés dévorés sauvagement alors qu’ils étaient encore en vie, figeant leurs visages dans une expression de terreur. Les personnes voyageants avec ce chariot ne sont pas dans un meilleur état. Difficile d’en dire le nombre tant des morceaux sont éparpillés, d’après le nombre de bras que j’aperçois du haut de ma monture, je dirais au moins quatre. Les chevaux commencent à s’agiter et moi non plus je ne me sens pas tranquille. Je jette un oeil vers le general et ses lieutenants pour me rassurer de leurs présence mais je remarque qu’ils sont à plusieurs mètres plus loin sur la route, observant d’autres cadavres en armure, une patrouille de garde.

Seul les hennissements agités perturbent le silence de temple qui plane sur nous jusqu’à ce qu’une flèche fende l’air et se plante dans le chariot des recrues derrière nous.

« Protégez les recrues ! »

Hurle le Général Bogast alors que les soldats s’agitent pour se mettre à couvert tandis qu’une pluie de projectile s’abat sur nous.

« A couvert recrue ! »

M’ordonne le sergent Aldchet en désignant un passage entre deux chariots. A bord des charrettes de recrue, c’est la panique. Ceux qui en ont le temps bondissent à l’opposé des archers gobelins situés à couvert de la forêt longeant la route alors qu’un rang diffus de cavaliers Orcs montés sur des loups immenses surgissent des bois pour charger. Les recrues les moins chanceuses se font toucher, des tirs létales pour certains, j’en entends d’autres hurler de douleur. Un projectile frôle ma tête, me ramenant à l’urgence de la situation. Je raffermis ma prise sur les rennes de ma monture pour la diriger dans ce déluge de bois et de fer. Je longe le convoi pour me diriger vers le chariot où se trouve Cwen et les autres. Nos cavaliers chargent à leurs tours vers les ennemis pourtant plus nombreux, j’aperçois Aldchet à leurs côtés, lame brandit. Le choc est rude entre les chevaux et les loups dont ceux qui n’ont pas rencontrés de cavaliers foncent toujours vers nous. Heureusement nos soldats ce sont emparés de leurs arbalètes et les carreaux filent au dessus de moi pour abattre les cavaliers Orcs les plus proches. Des loups privés de cavaliers foncent tout de même vers les recrues pour en faire un festin, la bave épaisse volant au vent. Je concentre rapidement une dose de magie dans une main pour la balancer sur l’un d’eux, trop proche à mon goût, faisant valser la créature sur quelques mètres. D’un regard périphérique, je remarque que nos cavaliers sont en mauvaises postures et je décide de virer vers le sud pour leur porter secours, accumulant une dose de magie dans ma main alors que je galope pour la première fois, ma seconde main agrippant solidement le cuir des rennes et mes cuisses serrant aussi fort que je le peux les flancs de ma monture. Je viens en aide à Aldchet sur le point de se faire charger par derrière alors qu’elle est au prise avec un autre ennemi. La rafale percute le loup en pleine course, brisant ses pattes et envoyant valdinguer son cavalier qui est jeté sous les sabots d’un cheval. Les flèches volent au dessus de nos têtes, visant les archers aux extrémités du chaos de poussière et de galops de la charge. Anne se débarrasse de son assaillant avant de jeter un regard furieux vers moi sans trop s’attarder pour retourner au cœur de la bataille, portant assistance à ses compagnons. Je reste concentré également, la suivant de près, repoussant d’une bourrasque ceux qui veulent s’en prendre à nous.

Soudain ma monture hennit douloureusement, se penche en avant au point de me faire tomber avant de s’écrouler à son tour, la patte avant transpercée par une flèche et cassée par la violence de la chute. Je roule sur quelques mètres, me recroquevillant et protégeant mon crâne avec mes avants bras qui deviennent douloureux, de même que mes cuisses, mes genoux, mes hanches. Je reste sonné un instant, en boule sur le sol le temps que mon corps reconnaisse et tempère la douleur pour faire face à la situation. Je me dresse sur mes bras éraflés pour remarquer un loup qui me fonce droit dessus, la gueule sanglante ouverte et poussant un rugissement fétide juste avant qu’un cavalier humain ne la percute à la vitesse d’un ouragan, transperçant la bête de part en part d’une lance. Je lève les yeux vers le cavalier qui s’empresse d’achever l’Orc qui montait la créature. C’est Edmen, qui m’ordonne sans attendre de monter en me tendant la main pendant que Camille passe à côté de nous à toute vitesse, accompagné du Général, pour rejoindre le combat qui fait rage plus loin. Je me redresse, encore groggy, pour grimper sur la cheval du lieutenant qui galope pour retourner vers le convoi, couvert par nos archers ayant pris pleinement position derrière l’infanterie qui a complètement repoussé ce qu’il restait de la charge Garzok. Seul subsiste les cavaliers Orcs au milieu du champs de bataille et les archers qui continuent de nous harceler depuis les bois. Il m’emmène derrière les chariots, à couvert des projectiles, aux côtés des autres recrues. Je balade mon regard vers leurs visages paniqués ou enragés, je remarque Cwen et Ed. Chet, assis en boule contre une roue, les genoux contre sa poitrine et sa tête entre les mains. Thonas, non loin, dirigeant un regard haineux vers le champs de bataille avec une impatience et une frustration notable. Un peu plus loin j’aperçois Trieli et Stepha se tenant au dessus du cadavre d’une autre recrue. Je me rends alors compte que plusieurs d’entre elles jonchent le sol, transpercés par des traits gobelins. L’un de ces cadavres repose juste à côté de moi, les yeux grands ouverts, les mains encore serrés autour du cou dans la tentative vaine de retenir le flot de sang qui s’écoule de sa blessure avant que celle-ci ne l’emporte.

Mes mains agrippent le sol, je sens la terre se glisser sous mes ongles et l’herbe se tordre entre mes doigts. Un sentiment fort de haine s’empare de moi, le même qu’à Nagorin, je m’en souviens. Ce désir incontrôlable de vouloir faire payer ceux qui ont fait ça. Je dirige mon regard noir vers les bois d’où surgissent les projectiles. Je ressens mes flux magiques glissés sur ma peau, s’emparer des fibres de mon corps, me criant de la laisser agir. L’air se vrille devant moi alors que mes mains se recouvrent d’une pellicule grisâtre.

« Xël ! Non ! »

S’alarme Edmen mais il est déjà trop tard, je traverse mon portail qui se referme derrière moi avant qu’on ne puisse me suivre. Je me retrouve à côté d’un gobelin, l’air ahuri, surpris de me voir juste avant que ma magie le percute. Chétif, sans équipement lourd, c’est comme si un troll venait de lui asséner un coup de poing. Il s’écrase contre un arbre et s’y disloque comme un bout de bois sec. L’étonnement déstabilise la salve sur le point d’être projetée. Les Sektegs tournent vers moi leurs regards pernicieux avant de précipiter leurs mains griffues dans leurs carquois, me laissant le temps d’en balayer cinq qui sont alignés d’un coup de tempête, secouant les arbres au point d’en faire tomber les branches et emportant les corps disgracieux qui se brisent contre la force du vent. Certains choisissent dès ce moment de fuir pour échapper à la soif de revanche qui m’étreint. D’autres veulent répliquer, bandent leurs arcs vers moi et lâchent leurs flèches. J’écarte les bras pour ouvrir un portail où s’engouffrent les projectiles qui recouvrent un des leurs, transformant son corps en porte épingle. Je me glisse à mon tour à travers mon sort, me retrouvant au milieu du groupe paniqué qui cherche à fuir en criant quand ils aperçoivent le flux de magie aérienne qui me recouvre comme un lourd manteau d’hiver avant d’exploser, soufflant ces créatures qui sont loin de courir assez vite pour échapper à ma magie. Les arbres aux alentours tremblent, le vent provoque un sifflement aiguë quand il se faufile entre les branches. Les archers abandonnent tous leurs postes, courant vers les montagnes pour se mettre à l’abri. Je remarque alors une silhouette sur leur chemin, dans la pénombre des bois profonds, drapé d’une cape noir et d’une capuche dissimulant son visage. Il m’observe sans bouger, loin de prendre la fuite comme le soir où je l’ai aperçu à la taverne de Breen. Il me semble discerner un sourire satisfait sur son visage assombri. Je me concentre un instant, évaluant la magie qu’il me reste en réserve. J’ai donné beaucoup pour me débarrasser des Sektegs, aveuglé par la rage et la témérité, loin des leçons que j’ai écouté récemment. Peu importe, je suis certain d’avoir encore les réserves nécessaires pour me débarrasser de ce type louche. Il dresse lentement un doigt, pointant quelque chose derrière moi. J’écarquille les yeux, me rendant compte qu’un bruit régulier se dirige dans ma direction. Je regarde par dessus mon épaule, prenant le risque de quitter l’inconnu des yeux. Cinq bêtes enragés foncent vers moi, montés par des Garzoks à l’air féroce pendant que leurs semblables empêchent mes alliés d’intervenir. Je suis isolé, face à des créatures monstrueuses écumantes de bave et de sang. Pourtant je n’ai pas peur. Je repense aux horreurs noires de Vallel, aux rats géants, aux engins de sièges mécaniques de Luminion, aux dragons, aux titans. En comparaison, cette charge ne représente rien. Un sursaut de confiance me submerge, d’orgueil même, peut être... J’en suis convaincu pourtant, je suis bien plus fort que ces cavaliers. Les loups se rapprochent, encore et encore. Les Orcs dressent leurs haches. Je reste calme, concentré, serein, malgré la fureur qui brûle encore ma poitrine, je me tourne complètement vers la charge après un sourire arrogant à la silhouette dans les bois qui semble déstabilisé face à ma tranquillité. Je laisse la magie s’écouler de ma peau, se disperser autour de moi tandis que l’instant du choc se rapproche. Les volutes grises tourbillonnent, d’abord lentement, puis de plus en plus vite tout en s’étalant verticalement, formant soudainement une façade venteuse opaque et agitée avant que les loups me percutent. Trois sont projetés par mon sort récemment appris, le craquement des os et les jappements de douleurs se font entendre à travers le bruit de tornade qui me protège juste assez longtemps pour me préserver de l’assaut. Les deux cavaliers restants parviennent à m’éviter et me tournent autour en attendant un moment propice pour me charger à nouveau. Je concentre ma magie entre mes mains avant de les écarter subitement avant qu’ils n’agissent, vrillant l'air pour rapprocher deux endroits éloignés. Un loup s’y engouffre et je referme alors l’espace entre mes mains pour clore le passage, coupant la partie avant de la bête et les jambes de son cavalier qui s’écroule au sol en hurlant. Le deuxième loup tombe également, percuté par ce qui vient de surgir de l’autre extrémité du portail. Son cavalier échappe de peu à l’écrasement, il se relève rapidement pour saisir sa hache et me fixer intensément en grognant.

Un bruit d’applaudissement lent me perturbe à ma gauche, venant des bois. Il s’agit encore de la silhouette qui tape dans ses mains avant de se retourner pour s’enfoncer dans la forêt. Le Garzok pousse un hurlement avant de me charger mais un cheval bloque sa course tandis qu’une lame le raccourcit d’une tête. C’est Anne, le visage sali de poussière, parsemé de gouttes de sang et de sueur, le regard furieux.

« Almaran ! »

Éructe elle en sautant de sa monture tandis que d’autres cavaliers alliés approchent pour pousser la fuite des derniers assaillants en vie. Son poing percute mon visage et m’envoie au sol. Je sens sa poigne saisir mon col pour relever mon visage et me hurler que la prochaine fois que je désobéis à ses ordres elle me le fera regretter. Elle me repousse ensuite contre la terre molle des bois avant de se redresser pour observer ses alentours direct avec un air étrange. Je me redresse à mon tour en me tenant la mâchoire pour moi aussi constater des dégâts que j’ai causé. Les troncs autour de nous exhibent les blessures infligés par mes sorts. Les écorces sont arrachés, les troncs les plus fragiles menacent de tomber. Au sol, éparpillés avec les branches et les feuilles, les corps brisés des archers gobelins, des loups et de leurs cavaliers. La scène m’effraie presque, est-ce vraiment moi qui ai provoqué un tel chaos, guidé par ma colère ? Je pose une main sur mon ventre, sentant la boule chaude de haine s’atténuer maintenant que le massacre est terminé. D’une voix plus calme, est teinté également d’une certaine crainte, Aldchet m’ordonne de rejoindre le convoi.


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Re: La Grande Plaine du Sud

Message par Xël » dim. 20 sept. 2020 14:17

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La bataille est terminée mais la tension est loin d’être retombée. Un cavalier est immédiatement envoyé à Bouhen pour demander du renfort et Bogast fait comprendre qu’il a bien l’intention de s’éloigner d’ici avant la tombée de la nuit. Les blessés sont pris en charge comme nous le pouvons en l’absence de guérisseur. Les morts sont ramassés, allongés entre nos jambes dans les charrettes et recouverts de couvertures. Les chevaux agonisants sont achevés, ceux qui peuvent être sauvés le sont tant bien que mal, traînant à l’arrière d’un pas boiteux accompagnés de ceux chargés de s’en occuper. Nous nous en tirons bien pour une embuscade de cette ampleur, en réalité c’est la première fois que je vois si peu de cadavres après une altercation avec des Garzoks mais celui allongé devant mes pieds ne cesse de me faire passer différentes phases émotionnelles, la tristesse, la colère, la haine, la honte, la culpabilité, la peur. Je suis forcé de fixer ce corps emballé dans une couverture virant au carmin comme pour me provoquer. Impossible de détacher mon regard jusqu’à ce qu’enfin je puisse descendre du chariot pour aider à monter le camp pour la nuit.

Terminé le voyage tranquille, nous sommes sur le pied de guerre, on nous confie des armes pour être capable de nous défendre en cas d’attaque. Je n’ai pas le temps de faire grand chose, à peine la tente du Général est dressée que Camille vient me trouver pour m’annoncer que Bogast veut me voir. Je suis son Lieutenant jusqu’à sa tente pour le trouver debout derrière son bureau. J’ai à peine le temps d’entrer qu’il me jette un regard furieux.

« Bon sang Almaran ! Mais qu’est ce qui vous a pris ?! »

Je me fige sur place, surpris et tétanisé par son ton froid et virulent ainsi que l’aura qu’il dégage.

« Avez-vous conscience que vous vous êtes mis en danger vous ainsi que les autres ? »

Poursuit-il. J’ouvre la bouche, tentant de me défendre.

« Silence Almaran ! Outrepassez encore une fois les ordres d’un supérieur et vous pourrez faire une croix sur votre entraînement particulier ! »

Il cri si fort que les parois de la tente en tremblent, aucun doute sur le fait que notre conversation est audible dans une bonne partie du camp.

« La témérité n’a pas sa place dans nos rangs, votre coup de sang aurait pu nous coûter cher ! Nos cavaliers ne pouvaient pas se retirer derrière la ligne d’infanterie pour ne pas vous laisser seul et vous avez laissé le Lieutenant Danwil seul avec les recrues pour couvrir l’autre flanc du convoi en cas d’attaque à revers. Quand nous arriverons à Bouhen considérez votre magie comme interdite, vous pratiquerez le même entraînement que les autres pour apprendre la rigueur et la discipline !»

Insiste il sur le dernier mot. Je gigote frénétiquement la tête quand il me demande si j’ai compris, ne souhaitant pas me faire disputer plus longtemps. Néanmoins je ne peux m’empêcher de poser une question quand il cesse un court instant de me réprimander.

« Est-ce que c’est de ma faute si nous nous sommes fait attaquer ? J’ai revu l’homme qui m’espionnait à Breen.»

Il se redresse de toute sa hauteur en pointant un regard sévère vers moi mais après un instant il soupire et se dirige vers son siège pour s’y asseoir. Il reprend d’une voix toujours froide mais plus calme.

« Non je ne pense pas. Ils veulent nous forcer à renforcer nos frontières pour ne pas nous laisser l’occasion de marcher vers Oranan et la libérer de son siège. J’ai d’ailleurs été étonné de voir si peu de réfugiés d’Ynorie pendant le voyage. Ils ont dû galoper vers le sud en ignorant les villages sur leur passage pour nous prendre de vitesse. J’espère que ça a laissé suffisamment de temps aux civils pour rejoindre les places fortes dans les montagnes... Quoi qu’il en soit vous n’êtes pas le centre de l’attention malgré ce que vous semblez croire, vous êtes une cerise sur le gâteau tout au plus et néanmoins assez puissant pour être préoccupant dans la préparation d’une embuscade. Maintenant sortez et ne me faites plus un coup comme celui d’aujourd’hui, vous n’êtes pas invincible alors laisser votre orgueil ailleurs qu’au sein de mes rangs. »

« Bien Général. »

J’incline la tête avant de quitter la tente sous les regards gênés ou impressionnés, ce ne sont que les officiers qui me lancent des regards réprobateurs. Je traverse le campement, accablé sous toutes ces paires d’yeux qui pèsent sur mes épaules. J’atteins enfin la tente que je partage avec Cwen et Ed qui sont installés sur leurs couvertures. Ils m’interrogent du regard, pointant de nouvelles paires d’yeux dans ma direction, ne faisant que développer mon malaise.

« Tu t’es pris une branlée ?»

Lâche finalement Ed sur son ton léger malgré son attelle au bras. Quand il remarque que mes yeux se pose dessus il commente:

« J’suis tombé de cheval. Ca aurait pu être pire. »

Il hausse son épaule libre et s’allonge en poussant un léger râle de douleur. Cwen continue de me fixer de son regard, curieux de savoir ce qu’il s’est passé sous la tente du Général. Après m’être posé sur ma couverture et poussé un profond soupire je lui explique que je me suis fait reprendre sévèrement pour avoir désobéi aux ordres. Je lâche un maigre sourire en remarquant son air déçu. Sans doute s’attendait-il à plus croustillant. Je me garde de raconter le passage où j’ai vu l’individu qui se trouvait à la taverne pour ne pas les inquiéter et pour m’éviter de devoir répondre à un tas de questions. Je m’allonge et observe la toile tendu au dessus de ma tête, tendant l’oreille quand j’entends le bruit de pas des patrouilles qui sillonnent le camp avant de finalement tomber de fatigue.


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Re: La Grande Plaine du Sud

Message par Xël » dim. 20 sept. 2020 14:32

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Je suis réveillé de bonne heure le lendemain matin. Le campement est toujours sous haute surveillance et les soldats sur le qui-vive. C’est la première fois depuis notre départ de Kendra-Kâr que nous ne sommes pas en route alors que le soleil se lève. Je profite de ce répit pour me nettoyer correctement. Ca tombe bien car nous sommes à proximité du fleuve Kokyo, juste après le croisement où une route mène au Duché de Gamerian. D’ailleurs une partie des soldats est censé s’y rendre pour renforcer les frontières du royaume dans les montagnes. Le fleuve est sous bonne garde et je ne suis visiblement pas le seul à avoir eu l’idée de m’y laver correctement. Après tout aucun de nous n’a pu prendre de bain depuis notre départ de Breen et cela remonte à quatre jours. Autant dire que nous sentons tous le fauve, surtout après la bataille d’hier. A tour de rôle, les recrues et les soldats qui ne sont pas en service se débarrassent de leurs habits pour plonger dans l’eau sans aucune pudeur. Parmi les recrues j’aperçois Cwen et Thonas observants avec une discrétion relative Trieli et sa copine Stepha. De la même manière, bien que moins discrète, je remarque Edmen lever un pouce en direction de Anne avec un clin d’oeil. L’expression de son visage pourrait faire croire qu’elle est capable de geler le fleuve et tous ceux qui s’y trouvent. Edmen ne manque pas de culot mais il faut admettre que sous son armure le Sergent Anne Aldchet a le corps pour plaire; un cou fin, deux seins fermes de la taille d’une orange, une taille plus fine et on devine sous la surface de l’eau des hanches plus larges, des fesses et des cuisses musclées. Mais Danwil n’est pas en reste, d’ailleurs beaucoup de femmes observent ses bras épais, ses épaules larges, son torse musclé paré d’une fine toison dorée, ses abdominaux saillants. Il joue de son corps et distribue volontiers des sourires éclatants mais il n’a de regard que pour une seule femme, Aldchet.

La vision de ces corps féminins nues font resurgir de mes souvenirs les images de deux femmes: Simaya, provocante et indomptable face à moi et Sirat malgré sa nudité et Sheeala, évidemment, qui m’a sauté dessus à Oranan avec une passion dévorante au sens propre, rendant contagieux son désir. Le souvenir de la Reine des Pâles réchauffe mon ventre et en même temps me rappelle avec douleur que je pourrais ne plus jamais la revoir.

« Hé Xël ! Tu comptes dresser ta tente ici avec ce piquet ? »

Trieli, moqueuse, désigne d’un index mon entrejambe qui se remémore, tout comme mon esprit, la nuit passée avec la harpie. J’avais oublié que je n’étais pas encore totalement immergé dans le fleuve et voilà que j’offre un sacré spectacle. Gêné, je m’enfonce dans l’eau jusqu’à y disparaître totalement, étouffant les éclats de rires au dessus de la surface de l’eau, heureusement, froide. Je me frictionne le crâne et le visage pour en retirer la crasse avant de remonter à la surface. Je prends soin de ne laisser sortir que le haut de mon corps. Je frotte ensuite mes bras, mon torse, en ignorant les quelques rires étouffés qui s’élèvent encore et les douleurs dues à ma chute de cheval la veille. Je nettoie le reste de mon corps sans dire un mot, rendu muet par la honte. Même quand mes deux mains disparaissent sous l’eau pour nettoyer mes jambes et que Trieli lâche encore une remarque pour m’humilier d’avantage. Elle a vraiment une dent contre moi cette fille. Je quitte l’eau du fleuve pour récupérer mes affaires et elle continue encore.

« A plus tard le Piquet ! »

Je vois que sa copine la reprend et lui demande d’arrêter mais c’est trop tard, elle vient de m’affubler d’un petit sobriquet qui va se répandre dans le campement comme un feu de forêt sous le soleil d’été. Je remonte la pente douce qui mène au cœur du camp, je croise Ed qui promène un cheval boiteux, j’ai remarqué qu’il parvenait à tisser des liens particuliers avec les chevaux. Il n’avait rien dit mais entendre l’agonie des bêtes et les voir se faire achever la veille l’avait profondément marqué. J’avais vu son visage et il était loin de la mine blasée et sarcastique qu’il arbore généralement.

« Tu sais ce qu’on attends ? »

« Les renforts si j’ai bien compris. Il ne veut plus avancer sans un nombre de combattants plus important. »

Il continue ensuite sa route, précisant qu’il doit rapporter le cheval au palefrenier avant de se faire rosser. Plus loin je rencontre Chet, toujours aussi réservé et emphatique, apportant dans la tente des blessés bandages et baumes venant du chariot d’équipement. Après une hésitation il me demande si je vais bien et une fois rassuré se remet en marche d’un pas pressé pour ne pas se faire sermonner par les infirmiers. Tout le monde semble avoir une occupation, j’aperçois même ceux qui revienne du fleuve être immédiatement réquisitionnés pour participer aux tâches. J’ai très vite le sentiment d’être inutile et même en cherchant à apporter mon aide je me fais refoulé de manière plus ou moins polie en fonction de mes interlocuteurs dont certains usent déjà de mon surnom. Je suis sur le point de m’installer dans un coin pour reprendre ma lecture de l’ouvrage de l’Obscurologue quand un officier m’interpelle.

« Recrue ! Par ici, j’ai besoin de vous ! »

Ravi, je me redresse d’un bond avant de m’approcher. Il porte son armure complète, excepté le casque, dévoilant un visage aux teint blafard, il semble angoissé et ne cesse de jeter des regards autour de lui en m’attendant.

« Tout va bien ? »

Demandais-je inquiet. Il rétorque que oui d’une voix dénué d’émotion, de même que son expression facial qui se durcit parfois d’un froncement de sourcil coléreux. Maintenant que je suis à côté de lui je sens également l’étrange odeur qu’il dégage au delà de la crasse et de la sueur, comme une odeur de viande faisandée qui me fait froncer les narines.

« Nous avons une tâche à effectuer en dehors du campement. Le Général vous a juger le plus apte pour m’accompagner. »

« On a le droit de sortir du camp ? »

« Les plaines environnantes regorgent de gibier, ce serait un coup de pouce au moral de manger du lapin plutôt que des rations de viande séchés en attendant les renforts. »

« Je suis un mauvais chasseur. »

« Peu importe. Il faut des bras pour porter la viande. »

Rétorque-t-il froidement en mettant son casque avec précipitation avant de se déplacer dans le campement.

« Juste nous deux ? »

Je trouve cela curieux, tout autant que de partir chasser en armure complète mais il répond que nous sommes séparés en plusieurs groupes . Je lui emboîte le pas après un haussement d’épaule avant qu’on m’accuse d’insubordination et que je sois définitivement mis de côté.


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Re: La Grande Plaine du Sud

Message par Xël » mer. 23 sept. 2020 23:41

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Je m’enfonce dans les hautes herbes en compagnie de l’officier qui ne dit plus un mot depuis la sortie du camp. Il avance d’une manière quasiment mécanique sans se soucier de ma présence. Il accélère d’ailleurs le pas, nullement dérangé par les herbes le dépassant parfois de plusieurs centimètres alors que je peine à les écarter sans trébucher.
Je ne suis pas spécialiste en chasse mais avec le bruit que fait ce soldat en armure, aux plaques claquantes et brillantes, au fourreau tapant ses jambières à chaque pas, je doute qu’on parvienne à surprendre le moindre gibier. Fatigué de me battre contre la dense végétation je me sers de mon épée confié la veille pour me tailler maladroitement un passage. J’avance ainsi pendant plusieurs heures, sans croiser le moindre lapin, jusqu’à ce que je me rende compte que j’ai perdu la trace de mon supérieur.

« Merde. »

Déclarais-je, embêté comme si je venais de commettre une erreur alors qu’en réalité c’est mon guide qui n’a cessé d’accélérer. Je pousse un soupir et me concentre sur les bruits autour de moi pour entendre le brouhaha de son armure. Rien. Pas un son si ce n’est le frottement du vent sur la mer verte. Je commence à ressentir un certain malaise, machinalement je redresse mon arme. Il n’a pas pu s’éloigner au point d’être hors de portée de mes oreilles. Le tintamarre de son armure n’est plus audible parce qu’il ne se déplace plus. Il aurait repéré du gibier ? Je ne crois pas. Je reste immobile, attentif, aux aguets, redoutant le pire.

Soudain j’entends un bruit à ma droite, sans doute juste le souffle du vent qui me fait penser à une lame qui se dégaine ou un animal qui se fraye un chemin. Puis rien, le silence à nouveau, une situation qui m’angoisse d’avantage. J’inspire puis expire pour garder mon calme jusqu’à ce qu’un autre bruit se fasse entendre au milieu du bruissement de la verdure. Un bruit fort, menaçant, celui d’une charge rythmé par la percussion de plaques d’acier. L’officier surgit des hautes herbes, lame brandit, hostile. Instinctivement je dresse mon épée et m’épargne d’une éviscération mais je n’ai pas la vitesse ni l’expérience pour éviter sa seconde attaque qui blesse mon épaule et me fait lâcher mon arme par la même occasion. Ma magie agit, l’empêchant de me toucher encore plus durement. Il est repoussé et met un instant pour s’en remettre mais son armure lourde le protège d’une blessure grave. Je porte une main à ma blessure pour en juger la gravité sans quitter mon agresseur du regard, en l'occurrence je sens du sang couler entre mes doigts et la plaie semble plutôt profonde.

Qu’est-ce qui lui prend ? Il ne semble pas complètement fou ni avoir commis une erreur. Je perçois dans son regard la volonté de me tuer.

« Arrêtez ! C’est moi ! »

Pas un mot, juste une grimace avant de brandir à nouveau son arme et de se jeter sur moi. Une aura venteuse m’encercle, me pousse à droite, à gauche, en arrière pour ne pas subir un autre coup. Je sens le liquide chaud couler le long de mon bras et mon épaule me lancer à chaque mouvement. Je dois le raisonner, il le faut.

« Je suis une recrue ! La recrue Almaran ! Je suis dans votre camp ! »

L’épée effleure ma joue, y traçant une légère coupure. Il est assez rapide pour prendre de vitesse mon sort, je dois agir, absolument. J’use d’une technique qui a déjà fait ses preuves, je me concentre sur ses mouvements plutôt que de tenter vainement de lui faire reprendre ses esprits. Je laisse ma magie s’accumuler dans ma main, la recouvrant d’une épaisse brume grise. Quand ll porte un coup vertical, je laisse mon aura magique me déporter sur le côté puis je saisis fermement son poignet tenant l’épée avant de laisser la magie se libérer. Le vent souffle sur la plaine assez fort pour coucher définitivement les herbes sur son passage. L’armure de l’officier ne suffit pas pour le protéger de la puissance de ce coup là. Il est projeté en arrière et chute avec fracas quelques mètres plus loin sans son arme qui tombe à mes pieds.

« J’ignore ce qu’il se passe mais vous devez vous reprendre ! »

Une chose étrange se produit, j’aperçois brièvement une sorte d’ombre s’échapper de son casque pour y pénétrer à nouveau avant que l’officier se remette à bouger. Je plisse les yeux tandis qu’il se remet sur ses pieds et s’approche de moi d’un pas décidé.

« Arrêtez ! »

Il se fige un instant, je crois alors que j’ai réussi à lui rendre la raison mais il n’en est rien. Son regard se dirige vers le sol où repose l’épée que j’ai lâché plus tôt.

« Et merde... »

Je recule doucement pendant qu’il se baisse pour la ramasser. Je n’ai pas le choix, je vais devoir le mettre hors d’état de combattre pour le ramener au Général, lui sera sans doute quoi faire. Je ne peux pas croire qu’il y ait des traîtres au sein même de l’armée Kendranne qui voudraient ma peau. Peut être un ensorcellement ou du chantage...

L’officier charge et l’aura venteuse m’entoure une nouvelle fois, j’esquive le premier coup et décide de riposter. Une bourrasque jaillit de mon corps, percutant son casque comme un coup de poing. Il est déséquilibré mais il ne chute pas, il se reprend rapidement mais pas assez pour éviter un second souffle qui lui frappe le menton à la manière d’un uppercut, arrachant son casque qui s’envole dans les airs. Ce coup mettrait n’importe qui dans les vapes pourtant il reste toujours debout. Son regard se braque vers moi, son nez saigne, un filet de liquide carmin s’écoule de sa bouche, de ses yeux et de ses oreilles. Son visage reste impassible, simplement tiraillé brusquement par des grimaces haineuses. Il reprend son assaut, sa lame m’effleure encore, taillant ma tenue fine sans toucher ma chair. En revanche le second coup, venant d’un revers de son manche me percute le flanc avec vigueur. Je sens quelque chose se briser et la douleur m’arrache un cri. Je me bats pour ne pas me plier en deux et subir un coup fatal, je titube pour m’éloigner de quelques pas mais sa lame me rattrape, infligeant à mon dos une blessure sévère. Je cri à nouveau, alors que mon genou touche le sol et que mes mains plongent dans la terre pour m’éviter de m’allonger. J’entends le cliquetis de l’armure approcher, mon sang tomber en épaisses gouttes sur le sol qui se teinte de rouge. Ma vision se trouble légèrement alors que je le vois par dessus mon épaule dresser sa lame au dessus de mon dos pour m’achever. Un sursaut de volonté me pousse à combattre, le souvenir du cri de Méli dans l’arène, face au Sindel, me redonne de la vigueur. La détermination de vivre. Je me redresse, un flux de magie entre les doigts alors que l’arme de l’officier s’abat. La lame s’engouffre dans le portail qui jaillit devant ma main pour resurgir face à mon agresseur. L’épée transperce le plastron usé, témoignant de la force du coup qui m’était destiné. L’officier se fige tout en crachant une gerbe de sang qui asperge mon visage. Il titube, recule. Je referme mon poing, refermant la magie sur son bras. Il se retrouve amputé, la main coupé toujours agrippé au manche de l’épée, le bras gigotant en perdant des gerbes de liquides carmins par pulsation. Pourtant il ne semble même pas s’en rendre compte, son visage n’exprime aucune douleur. Il porte sa seconde main à son arme pour l’extirper de son corps. Cette fois sa bouche s’ouvre en une grimace étrange et ce que j’aperçois me terrifie. Lorsqu’il tire sur l’arme, une fumée sombre et opaque à l’apparence humaine semble s’échapper du corps de l’officier. Ses yeux deviennent noirs, sa bouche, ses oreilles, son nez se fondent dans cette étrange brume qui lutte pour rester à l’intérieur du corps usé. Aucun doute cette fois, l’officier n’a plus rien d’humain, il est possédé par cette chose étrange. Il parvient à retirer l’épée du plastron mais il semble éreinté, il reste immobile pour reprendre ses forces. La fumée noire à disparu mais je peux encore la voir voltiger dans les pupilles de mon assaillant.

Mon épaule me fait souffrir, j’ai du mal à respirer tellement mon torse est douloureux. Mon dos est trempé de sang et ma vision se trouble par moment. L’officier se redresse et braque à nouveau son visage impassible vers moi. A genoux, à quelques mètre de lui, j’inspire profondément, me concentre, je peux sentir que ma réserve de magie est presque vide mais je sais que je peux y arriver, je dois y arriver. Il s’avance d’un pas difficile, manque de tomber. Quoi que ce soit qui est là dedans, c’est également à bout de force. Le deuxième pas est encore plus lourd, sa jambe ne parvient même plus à le porter. Il tombe à genoux lui aussi, face à moi pendant que j’accumule mes flux magiques dans une main. Le temps s’arrête tandis que nous nous fixons l’un l’autre. Il abandonne l’idée de se relever, il lève son bras valide et c’est le moment que je choisis pour le percuter avec un vent violent. Son arme est arraché, son épaule se démet face à la puissance tempétueuse. Il tombe sur le dos, renversé par le vent. La fumée sombre apparaît à nouveau, semble s’accrocher aux os de son hôte. Je me penche en avant pour me mettre à quatre pattes et avance jusqu’à me hisser au dessus du corps. Son bras tranché se dresse pour me repousser mais je le repousse d’une bourrasque et d’une autre, puis d’une autre, jusqu’à ce que ce bras se brise lui aussi, prit en étau entre le sol et ma magie. Complètement désarmé, j’aperçois au fond de ses yeux la brume me narguer, chercher encore à m’atteindre. Je me redresse, à genoux au dessus du corps qui s’agite encore lentement. Je nargue à mon tour cette chose qui a essayé de me tuer. Je grogne en rapprochant mes deux mains et laisse s’écouler ce qu’il me reste de magie. Une sphère lisse se forme dont l’intérieur est agité comme un ouragan. Je la lève au dessus de la poitrine de l’officier avant de l’abattre sur lui en hurlant.

« Sors d’ici ! »

Un visage hurlant fait de fumée se superpose à celui de l’officier avant de se faire souffler par la puissance du sort. Je sens tout le corps sous moi se démembrer, chaque côte se briser, l’armure se déformer. Heureusement cette fois, ma main ne semble pas subir le choc ou peut être est-ce simplement mon esprit qui me préserve d’une douleur supplémentaire.

Quand le calme revient, que le bruit de mon sort s’apaise, que le vent cesse de siffler à travers la végétation, je me laisse tomber sur le côté et roule sur le dos dans l’herbe gorgée de sang. Un drap noir me paraît obscurcir le ciel, mes oreilles bourdonnent. Je sens que mes dernières forces m’abandonnent, même la douleur commence à disparaître, surpassée par l’épuisement. Que va-t-il se passer maintenant ? Vais-je mourir ici, loin du campement ? Je ne serais pas allé bien loin finalement...

Une silhouette se dessine au dessus de moi, je plisse les yeux pour ne plus voir flou. Un visage pâle, des cheveux blonds mal démêlés, des yeux blancs. Il m’observe d’un air endormi en passant une main nonchalante dans sa touffe de cheveux hirsute.

« Fin’ ? »

Soufflais-je avec difficulté. L’Esserothéen acquiesce sans dire un mot avant de s’asseoir à côté de moi.

« C’est un endroit agréable pour se reposer. »

Dit-il avec flegme en glissant ses doigts dans les herbes hautes qui s’agitent avec la brise chaude venant du sud.

« Mieux qu’un désert à l’air vicié en tout cas. »

Ajoute-il avec un mince sourire. Il approche sa main de ma ceinture pour en décrocher la gourde.

« Tu devrais boire un peu. »

Il glisse une main sous ma nuque pour m’aider à me redresser avant de poser le goulot à mes lèvres. Je sens un liquide chaud couler au fond de ma gorge et mon corps se réchauffer à chaque gorgées. Il m’aide ensuite à me remettre assis et me gratifie d’une tape dans le dos.

« Allez maintenant. Ce n’est pas le moment de dormir. Retournes au campement.»

Il se redresse et disparaît dans la végétation. Le bourdonnement dans mes oreilles s’atténue, ma vision redevient nette, ma respiration moins saccadée mais je ressens toujours une douleur intense. Je suis assis par terre, les jambes baignant dans le mélange de terre et de sang. Je tiens fermement dans ma main la gourde magique et je sens encore sur mes lèvres le goût sucré de la potion que j’ai consommé.

Retourner au camp, voilà ce que je dois faire. La potion de soin m’a redonné quelques forces et je m’en sers pour me remettre à genoux. Je me concentre, m’efforce de mettre de côté ma douleur et ma fatigue pour me faire une représentation visuel du campement. Je commence par quelque chose de facile, le fleuve Kyoko, passant à quelques mètres des tentes que je peux du coup dresser dans mon imagination. Je me représente ensuite la route dallé de pierres blanches, le croisement entre celle menant vers l’est et celle grimpant vers les montagnes au nord. Les chariots, entourant les tentes pour former une barricade de fortune. Finalement apparaît dans mon esprit la tente du Général, celle où je me suis fait gronder la veille. J’inspire un grand coup, prenant dans ma tête de la hauteur pour visualiser ce dédale de bois, de fer et de toile. Je laisse ma magie s’écouler de ma peau pour virevolter dans les airs, formant un ovale qui s’agrandit pour devenir quelque chose de tangible. Je me redresse en gémissant d’effort et attrape la main restante de l’officier qui a attenté à ma vie. Je le traîne vers le passage magique, le tirant de toutes mes forces pour l’emmener avec moi. Il est si lourd, je suis si fatigué. Je passe une main dans mon portail au risque de la perdre si par malheur je n’étais plus en mesure de le maintenir ouvert. Quelque chose m’attrape, je sens une poigne ferme me saisir le poignet et me tirer. Mon buste passe le voile d’air qui me sépare du camp et j’aperçois Camille, étonné et préoccupé, qui m’attrape sous l’aisselle pour avoir une meilleur prise. Mes oreilles bourdonnent à nouveau, ma vue redevient flou. Je ne lâche pas la main du cadavre brisé, je veux le ramener, pour expliquer ce qui s’est passé. Je perçois vaguement d’autres soldats s’activer pour me sortir de mon portail, je sens qu’on me fait lâcher la main de l’officier, que mes jambes touchent le sol sans pouvoir me porter. Je suis maintenue debout avant d’être assis contre un objet rigide. Je n’en peux plus, je sens mon lien avec le portail se rompre.

J’entends quelqu’un appeler un médecin, juste avant qu’on me verse à nouveau un liquide sucré dans la gorge et qu’une bassine d’eau me soit jeté au visage, me ramenant au moment présent. Je peine à rester conscient, mes paupières sont lourdes, ma tête aussi pèse une tonne.

« Almaran ! Concentrez vous ! Où étiez vous ?! Qu’est-ce qui s’est passé ?! »

Je lève mes yeux vers Bogast qui m’a saisit aux épaules pour me secouer. Je lève mollement une main couverte de sang et de boue pour désigner l’officier mort. Je remarque qu’il lui manque une partie de ses jambes. Sans doute n’ont elles pas franchies le portail avant qu’il se referme.

« Qu’est ce que vous avez fait Almaran ?! Répondez ! »

Il me gifle quand mes yeux recommencent à se fermer. Je suis si fatigué, je ravale ma salive qui a un goût de fer avant d’être pris d’une quinte de toux.

« La... fumée... noire... »

Chaque mot me demande un effort considérable. Malgré les potions ma poitrine me fait à nouveau souffrir. Respirer devient un calvaire. Ma main retombe mollement au sol, je suis incapable de bouger mes bras, j’aimerais décoller mon dos blessé de l’objet contre lequel on m’a posé mais j’en suis tout simplement incapable. Mes yeux de ferment à nouveau et je n’ai plus la force de les ouvrir. Seul le contact des mains du Général sur mes épaules et les bruits autour de moi restent perceptibles; des personnes qui s’agenouillent autour de moi, des curieux qui viennent regarder et échanger des messes basses, les infirmiers qui se donnent des consignes pour que je conserve le peu de sang qu’il me reste. J’entends la voix de Camille informer le Général que l’officier qui m’a attaqué est un capitaine mort la veille pendant l’embuscade. J’entends Bogast prononcer les mots d’ombre et de Tal’Raban. J’ai déjà entendu ce nom. Je ne me souviens plus où. Les sons se font plus lointain, je ressens une nouvelle secousse et les mots distinctement prononcés du Général Bogast avant de sombrer complètement dans l’inconscient.

« Tenez bon Almaran. C’est un ordre. »


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Modifié en dernier par Xël le lun. 28 sept. 2020 10:28, modifié 2 fois.

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Xël
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Re: La Grande Plaine du Sud

Message par Xël » lun. 28 sept. 2020 09:38

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Les plaines arides, le sable, les nuages de Thiir. La chute de Thrag, sa folie meurtrière. L’abandon de Yurlungur, les tentatives pour calmer le nain consumé par le gaz. La chute de cheval, la masse qui écrase le plastron du chevalier. Le visage de Finarfin mourant. Mes yeux s’ouvrent brusquement, je cherche de l’air comme si je venais de sortir la tête de l’eau.

« Du calme Xël. Tout va bien. »

Je tourne la tête vers la provenance de la voix. Camille Hereham se tient assis dans la charrette où je suis allongé sur une couverture et recouvert d’une autre. Je sens le contact de la laine sur ma peau, me laissant deviner que je ne porte plus de vêtements.

« C’était juste un cauchemar. On ne peut pas t’en vouloir, tu as sûrement vécu des batailles pires sur ce qu’on a pu voir. »

Des batailles hein ? Pourtant ce n’est pas ça qui m’a réveillé en sueur mais bien le souvenir de mon ami qui se fait écraser, briser comme une noix dans le désert d’Arothiir. Ironiquement c’est lui qui m’a sauvé en apparaissant de nulle part, jaillissant de mon esprit épuisé pour me rappeler que j’avais une potion qui a pu me sauver la vie alors que moi, là bas sur Aliaénon, je n’ai rien pu faire pour le sauver. Je sais que son esprit est fondu dans le mien maintenant, que nos souvenirs, nos vies, nos sentiments sont liés. Malgré tout je ne pensais pas qu’il serait capable de me sauver la vie.

Je me découvre pour laisser la brise me rafraîchir en caressant mon torse moite. Je m’aide de mes avants bras pour me redresser et regarder autour de moi. Je suis d’abord surpris par la présence d’autres recrues à mes côtés. Camille explique calmement que le Général craint qu’il y ait une autre tentative d’assassinat sur ma personne et qu’il laisse s’approcher de moi seulement les personnes de confiance. Je suis donc étonné de retrouver Trieli et Stepha aux côtés de Cwen, Ed, Chet et Thonas. D’ailleurs la belle blonde ne se prive pas pour ouvrir les hostilités.

« Dommage. J’espérais qu’une fois mort je pourrais récupérer dans tes affaires de quoi rembourser ce que tu as volé. »

Je vois qu’elle joue avec l’appeau à dragon qu’elle a sans doute prit dans mes affaires.

« Je me demande si ça a de la valeur. Je ne sais même pas quel son ça fait. »

J’écarquille les yeux tandis qu’elle porte l’objet à ses lèvres. Heureusement Stepha lui arrache des mains en lui faisant la morale sur le vol avant qu’elle ne provoque une catastrophe. Je ne sais même pas exactement ce qui se serait passé. Est-ce que ça aurait fonctionné ? Est-ce que le dragon le plus proche serait venu ? Quel est le dragon le plus proche ? Naral est-il encore dans les parages ? Revoir le dragon rose maintenant est vraiment une des dernière chose que je désire. Stepha s’approche de moi pour me rendre le sifflet, collant presque son nez boursouflé contre le mien avec une excitation perceptible.

« Il paraît que tu as combattu une Ombre de Tal’Raban ? Est-ce que c’est vrai ? »

Elle est tout excitée à l’idée que ce le soit en tout cas.

« Je ne sais pas... »

Dis-je sincère, ne sachant rien au sujet de ces ombres. Elle semble à la fois déçue et ravie de ma réponse et s’assoit à côté de moi pour me dire ce qu’elle sait sur ces créatures.

« Et c’est reparti... »

Souffle Thonas avec lassitude. La recrue l’ignore et m’explique avec passion que les Ombres sont une création d’un Lieutenant d’Oaxaca, le plus grand nécromant. Des créatures capables de prendre possession d’un cadavre pour s’en servir.

« Quel cliché. La fille aisée qui se passionne pour l’occulte. »

« Elle nous bassine avec ça depuis notre départ du campement. »

Rétorquent Trieli et Ed tandis que Stepha poursuit ses explications en les ignorants superbement, glissant au passage qu’elle est une grande admiratrice de l’obscurologue Mikuzuki, qu’elle possède tous ses livres et qu’elle ne rate pas une conférence.

« Ah oui, je l’ai rencontré. »

Elle écarquille les yeux et porte les mains à sa bouche pour couvrir son ahurissement avant de se lancer dans les louanges de l’Obscurologue. J’écoute distraitement son monologue en regardant les alentours. Près de cinquante cavaliers en armure rutilante escortent le convoi en direction de Bouhen. Je savais que les renforts étaient arrivés mais entre les réveils fiévreux et les moments d’inconscience je n’avais pas encore eu l’occasion de les apercevoir. L’un d’eux s’approche en m’apercevant et m’adresse la parole d’une voix déformé par le casque.

« Comment vous sentez vous ? »

Je hausse les épaules et lui explique que j’ai un peu mal à la tête. Le casque du cavalier se tourne lentement vers Stepha et un moment de silence s’installe avant qu’il soit troublé par le ricanement d’Ed.

« Hydratez vous. Vous avez perdu beaucoup de sang. C’était limite pour vous recrue. Ménagez vous encore un jour ou deux et vous pourrez commencer la formation. Les murs de Bouhen sont en vue, nous y serons dans quelques heures. »

Il s’éloigne ensuite pour retourner à sa place. Stepha retourne s’asseoir également sous le regard insistant de Camille qui me confie sa gourde d’eau en m’expliquant que le chevalier qui s’est approché et le Capitaine Ando Hewrob de la garnison de Bouhen, venu avec les renforts il m’a sauvé grâce à sa magie de lumière. Je me rends compte que je suis assoiffé et affamé, je bois par longues rasades tout en me tournant vers le sud pour constater qu’en effet, au loin, dans la pénombre de fin de journée, se dessine les remparts de la ville fortifiée sur lesquelles des torches commencent à s’allumer. J’ai eu la chance de survivre, bientôt mon entrainement va démarrer.

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