La Côte de la Baie des Grottes

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Yuimen
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La Côte de la Baie des Grottes

Message par Yuimen » ven. 31 août 2018 21:21

La Côte de la Baie des Grottes

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La Côte de la Baie des Grottes, aussi appelée Baie de Bouhen, est une vaste côte s'étendant de part et d'autre de la frontière entre la république d'Ynorie et le royaume de Kendra Kar. La baie a reçu ce nom à cause de la multitude grottes parsemant sa côte rocailleuse sur des kilomètres. Un grande partie de ses grottes, creusées par les flots sont inondées et servent de refuge à la faune marine voulant se cacher des prédateurs, mais ce n'est pas le cas de toutes. La côte rocailleuse n'offrant presque pas de plage, il est extrêmement compliqué d'y débarquer ailleurs que dans la ville de Bouhen sans s'échouer, ce qui offre une certaine protection à la région contre ses ennemis, notamment Oaxaca. Du fait de l’impraticabilité de la côte, la plupart des grottes qu'on y trouve n'ont jamais été explorées et servent, selon les dires de la milice, de repère aux bandits, au segteks et garzoks ainsi qu'à d'autres créatures monstrueuses se terrant dans leurs profondeurs. Toutes ces histoires ne dissuadent cependant pas les enfants des alentours de s'en servir comme terrain de jeu malgré les interdits de leurs parents, mais il est une grotte que seuls les aventuriers les plus courageux osent braver et même ceux-ci, pour ceux qui en reviennent, ne racontent ce qu'ils y ont trouvés; il s'agit de la très réputée dans la région "Grotte de la confrontation".

Lieux particuliers de la Côte de la Baie des Grottes :

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Akihito
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Re: La Côte de la Baie des Grottes

Message par Akihito » lun. 21 oct. 2019 13:26

Dans le chapitre précédent...

Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre

Chapitre XXVII : Léviathan

La journée dans la Baie des grottes progressa tranquillement : Akihiko s’acharna sur son bout de peau tout en conversant avec la Faëra alors qu’Anthelia était partie chasser sous les indications d’un des membres de l’équipage qui continua à effectuer les réparations sur le navire. En milieu d’après-midi, l’enchanteur fit enfin une découverte qui donna des progrès fulgurants sur le pointage de tatoueur. Avant, lorsqu’il frappait avec le maillet, il actionnait tout son poignet pour donner l’impulsion et tenait fermement son outil en pensant que cela le rendrait plus précis. Mais c’était là une grave erreur : cela n’était pas assez précis dans le dosage de sa force, il lui fallait donner encore moins d’impulsion. Il changea donc sa façon de mouvoir le maillet : au lieu de le lever et l’abaisser à l’aide de son poignet, il calla la tête de l’outil au-dessus du chas de l’aiguille. En se servant de son index comme d’un axe autour duquel bougerait le manche, il contrôla le mouvement de balancier avec son pouce pour faire remonter la tête du maillet et le laisser chuter. L’impact fut alors moins fort que ses précédents essais, donnant un résultat qui lui convint tout de suite. En se calant sur la chute de la tête qui était toujours la même, il put obtenir un impact presque identique à chaque frappe. Quelques calibrages et essais lui permirent de modifier un peu la pression qu’exerçait son pouce pour faire remonter l’outil pour arriver à un pointage qu’il estima parfait. Ainsi, l’enchanteur progressa réellement pour la première fois depuis des jours de pratique. Il arriva à faire une ligne complète de points de la même taille, mais dont l’espacement était lui encore quelque peu irrégulier. Il s’attela donc à cette nouvelle étape, excité de voir enfin des progrès. Ne souhaitant pas perdre le momentum de son apprentissage, il interrompit sa discussion avec la Faëra, remisant à plus tard son apprentissage de sort qu’il trouvait très intéressant pour lui fournir une force de frappe dont il aurait rêvé contre le griffon qu’il avait affronté quelques semaines auparavant.
Le soleil entama sa lente chute vers l’horizon et en fin d’après-midi, Anthelia réapparut avec le fruit de sa chasse. Et quelle chasse ! Deux lapins, une poule d’eau et même une biche qu’elle n’avait pas pu ramener toute seule. Les marins poussèrent des cris de joie en pensant au délicieux repas qu’ils allaient pouvoir manger et l’Earion cuisinier se frotta les mains, heureux de pouvoir travailler sur des ingrédients frais et autres que des poissons. Il s’attela immédiatement à la tâche et après s’être un peu lavé à l’abri des regards, c’est une Anthelia aux cheveux mouillés qui vint le rejoindre.

"Tu m’avais caché ce talent pour la chasse toi ! l’accueillit Akihiko en levant son regard de son cuir.

- Je ne te l’ai pas caché, tu ne me l’a juste jamais demandé. Comment crois-tu que je faisais pour manger lorsque je rejoignais Kendra-Kâr à pied ?

- C’est pas faux.

- Bon, voyons voir ou tu en es avec ces… Euh ?! "

Un air choqué peint sur le visage, Anthelia arracha la peau entre les mains de Akihiko. Tour à tour, elle regarda les séries de points qu’il avait tracées et son visage, avant de le dévisager de ses yeux verts.

"Akihiko… Tu peux m’expliquer ?

- De quoi ?

- Comment tu as pu réaliser ça ? Quand je suis partie y a quelques heures, tu étais incapable de faire deux points identiques et là, tu m’en fais des dizaines et d’une taille presque acceptable. T’as triché hein ? Avoue. Tu savais déjà tatouer avant ?

- Hein ? Mais non ! J’ai juste réalisé que je tenais mal mon marteau. Regarde…" dit-il en joignant le geste à la parole. Il lui expliqua comment il s’était rendu compte de l’inconstance dans le dosage de sa force et comment il avait trouvé un moyen d’y remédier. "Et voilà comment j’ai fait tout ça. Maintenant, j’essaye de faire des points avec des intervalles plus réguliers pour essayer de mieux placer l’aiguille, mais c’est pas évident.

- Sérieusement… Tu sais combien de temps j’ai mis à atteindre un niveau comme le tien ?

- Non ?

- Un mois. Et encore, je travaillais sur des peaux bien plus épaisses que ça : là où j’étais, on avait que des peaux de sanglier plus épaisses que celles-là. Ca me fait mal de l’admettre, mais tu as l’air d’être plus doué que moi pour ça. Et je parle de talent brut, pas d’expérience. Quand tu auras tatoué autant que moi, tu seras sans doute plus compétent que moi.

- J’ai encore quelques années devant moi alors, rit le jeune homme, fier de lui en entendant les louanges de la tatoueuse magique.

- Mais ne te repose pas sur tes lauriers ; c’est que le début, on va passer à des peaux plus fines et on verra comment tu progresses. Quand tu seras capable de pointer sur une peau aussi fine que celle humaine, on passera à la suite. Un petit peu d’anatomie et beaucoup, beaucoup de dessin. Et à ce moment-là on réunira toutes ces étapes pour ton premier tatouage.

- Parfait, je sais où je vais maintenant ! On y retourne ! "

Meus par une détermination nouvelle, Akihiko voulu se replonger dans ses points mais la tatoueuse l’arrêta. Elle lui dit qu’il fallait qu’il se repose aussi pour reprendre des forces surtout après avoir été malade pendant plusieurs jours. Amy acquiesça pour lui avoir déjà tenu le même discours et son ventre renchérit en émettant un concert de gargouillement. L’enchanteur s’inclina devant tous ces arguments et suivit la jeune femme qui se dirigeait vers l’Earion cuisinier, Vulin. S’il n’avait aucune expérience du dépeçage, il prêta tout de même main forte à l’elfe en s’occupant des divers légumes qui allait servir pour le ragoût de chasse du soir. Il ne put s’empêcher de croquer dans un ou deux morceaux de pomme de terre avant de se faire gentiment rappeler à l’ordre par Anthelia qu’il amadoua avec un autre morceau. Les journées se rallongeant considérablement, c’est sous un soleil couchant que tout l’équipage et les invités se retrouvèrent autour d’un bol fumant, assit sur des rochers autour d’un feu timide qu’ils alimenteraient quand la lumière viendrait à manquer. Le repas se passa dans la convivialité et la bonne humeur générale monta d’un cran quand le capitaine Croane annonça que pour les récompenser d’avoir terminé les réparations le jour-même, ils profiteraient tous de la matinée du lendemain pour se reposer avant de reprendre la mer le lendemain en début d’après-midi. Akihiko se joignit à la liesse générale et après avoir lentement mâché ses premières bouchées pour réhabituer son estomac à de la nourriture solide, engloutit deux bols entiers sous les rires et les boutades des marins. Narem lui offrit même une lampée de sa flasque contenant un liquide rougeâtre. Lorsqu'il porta la boisson à ses lèvres, une douce saveur de bière aux accents sucrés de fruits rouges coula dans sa gorge. Trouvant le breuvage absolument divin, l'enchanteur dut se contenir pour ne pas vider l'intégralité de la flasque. Narem lui dit qu'il s'agissait d'une bière appelée la Rougette, très prisée par le peuple de Wiehl. Il se promit de se procurer une flasque du liquide dès que possible et remercia l'elfe pour le lui avoir fait découvrir. La soirée se poursuivit à la clarté de la demi-lune en petits groupes éclatés à travers la plage. Les deux compagnons restèrent autour du feu, partageant anecdotes et histoires. Le capitaine sortit une pipe et se montra être un conteur remarquable, crachant par à-coups des volutes de fumée bleutée. Anthelia se mit à somnoler et s'adossa sur l'épaule de Akihiko qui ne s'en soucia guère, plongé dans le récit de la rencontre entre le capitaine et une célèbre pirate du nom de Manantill.
La nuit aurait pu se poursuivre ainsi sans qu'aucun incident ne vienne troubler l'atmosphère détendue du bivouac. C'était sans compter le cri de terreur qui fendit la nuit et qui fit se lever toutes les personnes comme un seul homme. L'un des Kendrans demanda d'une voix tremblante.

"C'est... C'était Boris non ? Ça ressemblait à Boris."

Boris était un autre Kendran parti avec un troisième armé de torches exploré une des grottes. On racontait qu'un réseau de tunnels à moitié immergés parcourait toute la baie et que des trésors fabuleux s'y trouvait. Les deux hommes étaient donc partis explorer pour le plaisir une des grottes avec l'espoir que sur un monstrueux coup de chance, ils allaient tomber sur un de ces trésors. Mais malheureusement si le coup de chance fut effectivement monstrueux, ce n'était pas dans le bon sens : un rugissement terrifiant fini de complètement réveiller ceux qui dormaient précédemment. Une silhouette seule émergea une cinquantaine de mètres de là, une torche à la main. Boris. Son autre bras pendait le long de son bras et Akihiko aurait juré qu'il était en sang. L'homme courut désespérément et hurla deux mots avant qu'une imposante silhouette ne se détache faiblement dans la lueur de la nuit.

"UN DRAKARN !"

Akihiko sentit tous les marins autour de lui se tendre à ce nom et à la vu du monstre. Dans un geste désespéré, Boris envoya sa torche à la face du Drakarn, ce qui permit au fulguromancien de se figurer ce qui pouvait bien apeurer autant les marins. Un monstre recouvert d'écailles bleues sur le dessus et blanche sur le ventre. Quatre pattes massives et pourvues de griffes longues comme des dagues. Une longue queue serpentine pouvait se voir avec la lueur de la torche, balayant le sol. Un cou tout aussi serpentin se terminait par une mâchoire impressionnante garnie de crocs et surmontée de deux cornes qui terminaient la longue ligne d'écailles pointues qui hérissaient de la tête à la queue le monstre imposant.
D'une patte, il broya la torche et se fondit presque dans l'obscurité. Il poussa un rugissement terrifiant et fonça à la suite de Boris qui se dirigeait vers eux. Le capitaine Croane hurla "AUX ARMES !" , dégaina son sabre et ordonna à deux de ses hommes d'aller chercher les harpons dans la cale du navire. Les deux hommes s'exécutèrent alors que les cris de Boris se turent dans la nuit, son ombre ayant disparu sous celle du Drakarn. Akihiko porta la main à sa ceinture et dégaina la Kizoku qui ne la quittait jamais. Il tendit la main et projeta un globe de foudre vers le monstre. L'impact fit mouche et une gerbe d'étincelles éclaira la mâchoire dégoulinante d'un liquide carmin de la bête. La munition n'avait probablement fait aucun dommage au léviathan qui se contenta de tourner un regard rougeoyant vers lui, ce qui lui fit se glacer le sang. Un regard vers la mer lui fit prendre conscience que les marins allaient mettre du temps à récupérer les fameux harpons.

(Je dois leur faire gagner du temps.)

"Anthelia ! Couvre-moi avec tes projectiles !

- Ca marche !

- Enfoiré de lézard ! Tu vas l'payer pour avoir boulotté mes hommes !"

Lame à la main, capitaine et voyageur s'élancèrent vers le monstre qui poussa un hurlement et chargea lui aussi. Deux shurikens de fluides fendirent l'espace entre les deux hommes, l'un fait d'eau et l'autre fait de flammes condensées. Les deux éclatèrent sans faire le moindre mal sur le béhémoth, mais le deuxième eut l'intérêt d'éclairer un peu le monstre ce qui permit au capitaine d'esquiver le puissant coup de patte qui manqua d'arracher sa tête. Il répondit par un coup qui ne fit que riper sur ses écailles et Akihiko, malgré sa lame nimbée d'éclairs, n'eut pas beaucoup plus d'effets.

"Bien tentée petite ! Mais cette foutue bestiole ne craint ni les flammes ni l'eau !

- Continue de nous éclairer !"

Le Drakarn porta cette fois son attention vers Akihiko en essaya de le percuter de son imposante tête. Le mouvement lourd lui permit d'esquiver facilement mais le souffle du vent qui la suivit lui donna de nouveau des sueurs froides. Le moindre impact direct lui briserait sans doute les os. Sa lame n'étant de toute évidence pas adaptée pour affronter un tel monstre, Akihiko roula hors de portée du léviathan et après avoir lancé un autre orbe de foudre à la gueule du léviathan qui n'eut presque pas d'effet, il courut aussi vite que ses jambes lui permettaient dans le sable. Il se dirigea vers la petite alcôve rocheuse dans laquelle il avait dormi et là où se trouvait son marteau. Malheureusement pour lui, le Drakarn était sur ses talons et une respiration rugueuse ne tarda pas à se rapprocher dangereusement de son dos.

(Amy, dis-moi quand...)

(MAINTENANT !) hurla télépathiquement la Faëra en le coupant, prédisant ce que son maître allait lui demander. Sans attendre, Akihiko plongea sur sa droite et entendit une demie-seconde plus tard le bruit de mâchoire se refermant dans le vide. Grâce à la surveillance d'Amy, Akihiko avait sans doute pu s'épargner le désagrément de deux puissantes mâchoires broyant une partie de son corps. Le jeune homme se releva en titubant dans le sable et se remit en position contre le monstre qui lui barrait désormais le chemin de son précieux marteau.

(Bordel.) jura-t-il intérieurement.

Une boule de feu frappa sans faire de dégâts le poitrail du lézard et éclaira de nouveau la scène tandis que le capitaine le rejoignait, accompagné de deux de ses hommes armés de torches et de sabres. Ils éclairaient ainsi le Drakarn qui les scruta prudemment en voyant Anthelia les rejoindre, jaugeant la menace que pouvait causer cinq de ses proies. En surnombre, un plan s'échafauda en un éclair dans l'esprit du fulguromancien qui fit passer sa lame dans sa main droite et amassa des fluides foudroyants dans son autre main qui crépita.

"Anthelia, j'ai besoin de mon marteau qui est dans la grotte pour affronter ce truc. Je vais le distraire et toi tu... ATTENTION !"

Le monstrueux léviathan de huit mètres n'eut pas la gentillesse de lui laisser finir d'expliquer son plan : dans un rugissement, il chargea un des marins porteurs de torches qui s'était trop rapproché. Ce dernier paniqua et fit des moulinets désespérés pour tenter de repousser la bête. En vain. La charge envoya valser le malheureux et l'enchanteur jura avoir entendu un son de craquement. Le corps désarticulé vola sur plusieurs mètres et s'écrasa dans le sable où il ne bougea plus, mort ou inconscient. Le capitaine hurla sa rage de perdre un autre subordonné pendant que Akihiko courrait vers le monstre qui lui présentait son côté en attaquant le marin. Les fluides sortirent de sa main gauche telles des filaments et s'enroulèrent rapidement autour les uns des autres, formant une lance vibrante d'énergie magique. S'il voulait avoir la moindre chance de distraire suffisamment le monstre, il allait devoir frapper vite et fort. C'est pourquoi il activa la Furie de Rana contenue dans la Kizoku qu'il rengaina ensuite pour être plus libre de ses mouvements. Des fluides d'air ambiant se regroupèrent autour de lui pour lui prêter un instant leur célérité. Arrivant près du flanc du monstre, il envoya la pointe de lance en foudre pure s'enfoncer dans sa carapace écailleuse. La lance ne rencontra aucune résistance et plongea dans la chair, faisant pousser un le premier vrai cri de douleur au Drakarn. Avant que ce dernier n'ait le temps de réaliser qui l'avait frappé, le fulguromancien lui avait enfoncé l'arme une deuxième fois. Si l'arme ne faisait que roussir les écailles en apparence, il pouvait bien sentir que le monstre en souffrait. Ce dernier tenta de lui porter un coup de griffe, en se retournant mais Akihiko fut plus rapide et bondit sur le dos de la bête en s'aggripant à une des épines dorsales. Sur son improbable monture, il lui enfonça par deux reprises la lance dans le dos avant que cette dernière ne se désagrège dans une pluie d'étincelles. Le Drakarn rugit de douleur et de fureur et roula sur le dos pour tenter d'écraser le cavalier indésirable. Le fulguromancien abandonna son projet de décharger à bout portant deux de ses orbes et sauta de son dos, non sans qu'une des écailles ne trace une longue estafilade sanglante sur sa cuisse. L'enchanteur atterrit dans le dos de la créature et après une réception peu habile et gracieuse mais néanmoins efficace, il refit face au léviathan et chercha du regard ses compagnons de combats. Anthelia et le capitaine étaient introuvables, le marin restant toujours en vie vu que la lumière de sa torche dessinait toujours l'ombre du lézard gigantesque.

(On recommence !) S'encouragea Akihiko en appelant une nouvelle fois ses fluides.

Sortant des ombres, la longue queue fouetta l'espace et cueillit le mage en pleine poitrine, vidant instantanément ses poumons d'air. L'impact le souleva de plusieurs dizaines de centimètres et l'envoya rouler contre la falaise. La paroi de pierre cogna brutalement sa tête et il sentit un filet de sang chaud couler sur son visage. Akihiko vit flou pendant une poignée de secondes, avant que finalement la vue ne lui revienne, face vers le ciel. Juste à temps pour voir un massif orbe de flammes chuter avec violence sur la plage, à un emplacement qui devait être celui du Drakarn. Se relevant difficilement en respirant difficilement, il vit le léviathan noyé dans un champ de flammes provoqué par le sort qui lui était tombé dessus et malgré sa résistance naturelle au feu, cette dernière attaque ne l’avait pas laissé indemne.

"Akihiko ! "

La voix d’Anthelia raisonna dans l’obscurité mais Akihiko ne put lui répondre, sa bouche aspirant avec grande difficulté les goulées d’air nécessaires au fonctionnement de son cerveau. Dans la pénombre, Akihiko voyait la jeune femme le chercher avec son marteau mais lui, allongé dans la semi-pénombre, ne pouvait espérer être vu aussi aisément. Il généra alors un arc entre deux de ses doigts et créa un flash lumineux qui attira la tatoueuse. La relique dans les mains, elle se précipita vers le jeune homme à terre qui parvint dans la souffrance à murmurer "Gourde…". Anthelia l’entendit et porta immédiatement la gourde du jeune homme à ses lèvres. Une des potions de soin présente, suffisante pour ressouder ses cotes fendues qui le faisaient souffrir, se déversa dans sa bouche. Rapidement, l’esprit et la vision de Akihiko s’éclaircirent et il recommença à respirer normalement malgré une douleur persistante amoindrie, ce qui lui permit de se relever en essuyant le sang coulant sur son front.

"Akihiko comment tu comptes affronter ce monstre ? On n’est pas de taille !

- On n'a pas le choix. Il faut tenir jusqu’à ce que les autres arrivent avec les harpons. La comète de feu, c’était toi ? Tu peux en lancer une deuxième ?

- Non, mes réserves de fluides de feu sont presque à sec, à part une petite boule de feu je ne peux rien lancer… Et encore, je n’ai jamais lancé rien de tel, mais la magie a envahi mon corps en tenant ce marteau et…

- Anthelia, c’est pas le moment ! coupa Akihiko en se relevant péniblement. Là tout de suite, le capitaine Croane est seul, je vais l’aider sinon on y passera tous ! "

Sans prêter plus d’attention à la tatoueuse, l’enchanteur récupéra le marteau qu’elle lui tendait et s’appuya dessus le temps de voir la situation, peu glorieuse. Le Drakarn se remettait lentement de l’impact de flammes et acculait désormais un marin contre la falaise, à une dizaine de mètres de lui. Le capitaine se relevait lui difficilement à l’autre bout du champ de feu, visiblement encore prêt à en découdre. Et loin derrière, près du navire, des lumières commençaient à apparaître. La cavalerie était presque là... Plus qu'une vingtaine de secondes..!

"EH !! " hurla Akihiko pour attirer l’attention du monstre qui se retourna vers lui pour voir le choc de Valyus le frapper en plein visage, laissant une sévère brûlure sous son œil. Il se retourna vers lui en rugissant et après un coup de queue dédaigneux qui assomma le marin coincé, le léviathan chargea Akihiko à travers les flammes magiques qui commençaient à s'estomper. L’enchanteur envoya un autre Choc frapper le poitrail de la bête qui rugit de douleur quand les trois arcs électriques le frappèrent de plein fouet, mais ça n’interrompit pas sa course pour autant. Il se doutait bien que se faire coincer contre la paroi de pierre ou son poids était la mort assurée. Il ne pouvait pas non plus espérer faire un duel de force avec, ce serait du suicide. Aussi préféra-t-il l’esquiver et roula sur le côté au moment de l’impact. Mal lui en prit : par malchance ou parce qu’il était désormais habitué à ce type de manœuvre, le béhémoth donna un coup de patte griffu balayant la zone vers laquelle il plongeait. Deux griffes se prirent dans la maille de Faerunne, la percèrent et labourèrent le dos de Akihiko avant de le projeter à terre juste devant lui. Le jeune homme hurla en sentant les deux traînées de feu brûler son dos, et il se tordit de douleur sous la violence du coup. Seul le martèlement mental d’Amy lui permit de rester lucide. Ce n’était qu’une question de temps avant que gueule de la bête juste au-dessus de lui ne descende pour l’achever. Son marteau était trop lourd à manier allongé, mais les armes faites de foudre avaient l’avantage de ne peser rien et à cette distance, louper sa cible relèverait du miracle. Une seconde lance de foudre s’agrégea dans sa main libre et dans une frappe de la dernière chance, Akihiko envoya la lance se ficher dans la gueule du Drakarn qui tournait déjà son regard vers sa "pitance". La pointe de foudre traversa de part en part la mâchoire et peut être toucha le cerveau, car le Drakarn n’apprécia pas du tout ce coup qui le fit reculer de plusieurs pas, laissant la possibilité à Akihiko de se relever. La lance fichée dans le corps du léviathan se dissipa rapidement et il darda un regard furieux de douleur vers le fulguromancien. Enfin, autant qu’il était capable de déceler de la colère et de la douleur dans le regard rouge sang d’un animal extrêmement agressif.
Il se remit en position face au monstre qui était de nouveau près à lui rentrer dedans quand un cri de guerre suivi du hurlement de douleur du monstre le fit se retourner. Sa queue fut éclairée par les lueurs des dernières flammes mourantes de la comète et Akihiko aperçut le sabre du capitaine Croane profondément enfoncée dedans. L'enchanteur profita de cette distraction pour s’élancer vers le Drakarn. Ses prises sur le sable étaient loin d’être stables, aussi prit-il bien le soin d’enfoncer largement son pied gauche dans le sable pour ancrer sa position devant la patte avant droite du monstre. La tête du marteau décrivit alors un arc laissant une traînée de foudre, propulsé par la torsion du bassin, du buste et des épaules de Akihiko. Sachant pertinemment que frapper les écailles ne servirait à rien, l’enchanteur cibla l’articulation arrière de la patte, dont l’os saillait sous la peau plus fine à cet endroit-là. L’impact se répercuta dans ses bras à travers le marteau mais lui ne retint que le craquement satisfaisant de la jointure, annonçant qu’un coup enfin décisif venait de lui être porté. Le Drakarn ne savait plus sur lequel de ses adversaires se tourner, aussi décida-t-il de se focaliser sur celui lui causant tant de souffrance et qui était de fait le plus dangereux : Akihiko. Un balancement de son long coup envoya les deux cornes filer droit vers sa poitrine. Akihiko eut le temps de placer le manche de son marteau à l’horizontale pour atténuer l’impact, mais la force du coup le fit assez reculer pour que la queue prenne le relai et fouette l’arrière des jambes de Akihiko. Il tomba au sol, exténué. La pénombre était retombée sur la plage et seuls les grondements de douleurs du Drakarn et sa silhouette indiquait sa position. Ne pouvant se tourner à cause de sa patte blessée, le léviathan tenta d’abattre sa queue sur l’enchanteur au sol, qui esquiva en roulant sur le côté. Il vit alors derrière le monstre dont le corps ne lui cachait plus la vue la lueur des torches annonçant son salut.
La délivrance arriva enfin. Dans un cri de bataille, une boule de feu s’écrasa sur le flanc de la bête, marquant sa position. Aussitôt, plusieurs harpons se fichèrent avec force dans son flanc et ses pattes, pénétrant l’épaisse carapace. Ce nouvel assaut était perpétré par les marins venus en renfort, menés par Anthelia qui leur avait montré la voie en contournant le monstre luttant avec son ami. Plusieurs torches brûlaient, montrant les hommes armés d’au moins deux harpons chacun quand il ne portait pas de torche. Même la jeune femme se joignit à l’attaque, lançant le projectile acéré à une vitesse dont l’enchanteur n’aurait pas cru la tatoueuse capable. La mise à mort commença tandis que le monstre, sous les impacts répétés, s’était couché sur le flanc en se tordant de douleur. Refusant de mourir écrasé par la ruade du léviathan, Akihiko se retourna sur le dos et rampa hors de sa portée, bien que la queue frappât une fois de plus son dos, élargissant ses plaies. Anthelia l’entendit hurler sa douleur et courut le tirer à l’écart. Dans une semi-inconscience, il assista à la fin du Drakarn qui rendit son souffle dans un râle d’agonie, un harpon plus sombre que les autres enfoncé dans sa poitrine. Alors seulement le jeune homme lâcha son marteau et se laissa aller contre la tatoueuse, dont les cris inquiets ne lui parvinrent pas.



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Yliria
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Re: La Côte de la Baie des Grottes

Message par Yliria » sam. 17 oct. 2020 19:02

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Retour de flammes


Jusqu'au lendemain, je patientai en tentant de me reposer autant que possible. J'observai Cherock occuper son temps à faire je ne savais quoi avec ses affaires. Visiblement il utilisait des sorts dessus, mais je n'en comprenais pas l'utilité et me contentai de le regarder d'un œil curieux sans rien demander à ce sujet. Alyah ne m'apprit rien, mais m'assura que la question mériterait d'être posée plus tard, lorsque nous serions tous deux sortis de cette histoire en un seul morceau. Je fermai à nouveau les yeux et laissai le sommeil me gagner. Ce poison m'épuisait, à me vider ainsi de mes réserves magiques. C'était comme si mon corps essayait de s'en défendre et dépensait énormément d'énergie pour cela. Une fois de plus, le sommeil fut agrémenté de cauchemars et de réveils intempestifs, mais je sentis néanmoins la différence après quelques heures. Cherock se débarrassa du dernier repas et me donna de l'eau claire, du pain et un citron comme repas. Frugal effectivement, mais cela serait suffisant.

Ma jambe tremblait nerveusement tandis que l'agitation croissait sur le pont au dessus de ma tête. On y était, on était arrivé ou presque et je ne pouvais empêcher d'avoir une boule d'angoisse dans le ventre à l'idée de finalement être à deux doigts de tomber entre ses mains... Cherock m'aida à descendre du tabouret pour ne pas éveiller les soupçons et je levai les yeux vers lui à sa question. Je hochai la tête, la bouche pâteuse. Je claquai des doigts de la main droite et fit apparaître une flammèche au bout de mon pouce comme preuve avant de la faire disparaître rapidement.

- Autant que je peux l'être... je me sentirai mieux une fois une lame en main...

- Très bien. On ne sait toujours pas comment ça va se dérouler, mais j'ai essayé de nous préparer au maximum. Est-ce que tu connais le sort de Transfert Magique ?

- Transfert... non, jamais entendu parler.

- Pour faire simple, c'est pouvoir stocker un sort dans un objet et l'utiliser lorsqu'on le souhaite une unique fois, sans avoir à consommer de fluides. Sans même posséder de fluides du tout même. Le sort en lui même est assez gourmand en fluides, c'est pourquoi j'essaye toujours de les remplacer dès que possible. Regarde.

Il tira son sabre et me montra un symbole gravé où était aussi incrusté une rue. Il avait placé le sort à cet endroit et je devais juste appuyer dessus en visant les adversaires pour que le sort se lance. En écoutant son explication, je compris aussitôt l'intérêt d'un tel sort. Placer un sort à l'avance dans un équipement allait forcément être utile et j'attrapai le yus qu'il me tendit du bout des doigts. Je fixai l'écuelle qu'il avait attrapée et fis comme il m'avait expliqué. J'Inspirai, appuyai sur la pièce et sursautai lorsqu'un éclair en jaillit pour frapper le bol. Je lâchai le yus sous la surprise, qui tomba au sol avant de rouler entre Cherock et moi.

- Waaah... ça m'a surpris. Donc il y a un sort similaire dans le manche du katana, c'est ça ? Je vais pouvoir économiser un peu mes fluides.

- Il est un peu différent de celui là, il fera apparaitre un nuage qui foudroiera jusqu'à quatre cibles de ton choix. J'aimerai te dire de ne pas hésiter à l'utiliser, mais... Je n'ai aucune foutre idée de comment ça va se dérouler là bas. Alors je te fais confiance pour l'utiliser quand tu jugeras que ce sera le bon moment.

J'aurai dû l'observer davantage lorsqu'il avait bricolé ça, parce qu'il fallait absolument que j'apprenne ce sort. Les possibilités étaient assez incroyables.

- Je doute qu'on ait beaucoup de temps, je l'utiliserai sans doute dès que j'aurai l'arme en main. Avec mon armure je serai plus sereine, mais avec cette tenue... enfin cette absence de tenue, j'irai sans doute au plus rapide... En parlant de bon moment, fais moi signe quand tu es sûr que ta mère est en sécurité. Je ne ferais rien avant.

Il sembla réfléchir un instant et je l'observai, guettant un éventuel doute de dernière minute. C'était la chose que je craignais le plus en ce moment. Qu'il doute. Mais ce ne fut pas le cas. Un simple mot franchit ses lèvres. Un mot qui me fit hausser un sourcil. Un mot qui serait le signal pour que je puisse agir.

- J'espère que ça va marcher...

Je passai le reste du temps à angoisser tout en imaginant enfin pouvoir être libérée de tout cela et relevai la tête en sursautant lorsque des hommes entrèrent finalement dans la pièce. Par sécurité j'avais terminé à même le sol, le tabouret repoussé à plusieurs mètres et bien m'en pris. Trois types entrèrent, dont le capitaine vu son accoutrement et je me retrouvai rapidement avec une lame sous la gorge alors que l'un d'entre eux s’approchait de mes bras, un trousseau de clefs à la main. Je jetai un regard neutre à Cherock alors que la pression du métal sur ma trachée se fit légèrement plus forte tandis que l'homme ouvrait la bouche.

- Pas un mouvement brusque, sinon je te saigne comme une truie, pigé ?

Je ne lui fis pas l'honneur de lui répondre et sentis avec soulagement mes mains être libérées de leurs prison métallique. J'eus le temps d'observer mes poignets tandis qu'il enlevait aussi les fers retenant mes chevilles. La chair était meurtrie et violacée et je ne retins pas une grimace en voyant l'état tout aussi déplorable de mes chevilles. Je les bougeai tout doucement et, bien qu'un peu douloureux, je pouvais les bouger sans souffrir le martyr. Mais mon examen fut de courte durée car on attrapa mes bras et liait mes poignets dans mon dos par des cordes, brûlant un peu plus la peau déjà abîmée, me tirant un sifflement de douleur qui sembla les ravir au plus haut point. On retira le manteau que Cherock m'avait prêté et je fus à deux doigts de les attaquer aussitôt en voyant leurs regards, mais je jouais le jeu et, lorsqu'ils voulurent me relever, je m'effondrai à demi, faisant celle trop affaiblie pour bouger d'elle-même. J'entendis le capitaine jurer.

- Merde... Fioret, tu la portes, le chef attend. Ah, j'ai failli oublier...

Il s'approcha et sortit des bandes de tissus de son manteau. L'un me couvrit les yeux, ce que je trouvai parfaitement stupide, et l'autre servit à me bâillonner, me donnant une envie de vomir au vu de l'odeur. On me releva avant que je ne me sente soulevée et juchée sans effort sur une épaule. Je me tortillai un peu, pour donner le change, mais une claque sur une fesse suivit d'un rire gras me figea instantanément.

- Essaie donc, shaakte, je me ferai un plaisir de trouver une raison de finir ce que les autres ont commencé.

Je décidai de ne plus faire le moindre mouvement et sentis qu'il se mettait à marcher. J'entendis vaguement des voix discuter plus loin, mais je me concentrai sur autre chose pendant ce temps. J'inspirai et les appelait doucement. L'un après l'autre, ils se manifestèrent et j'aurai lâché un sourire sans le bâillon qu'on m'avait imposé. Une chaleur suivit d'une sensation de calme remontèrent au sein de mon corps et j'inspirai longuement. Je pouvais le faire ! Alyah semblait elle aussi rassurée et je la sentis près de moi. Un soudaine douleur me frappa la tête et je couinai à travers le bâillon, faisant rire celui qui me portait. D'après Alyah il avait fait en sorte que je me cogne la tête en tournant pour emprunter l'escalier. Je grognai de frustration. Ne perdait rien pour attendre celui-là.

Bien que totalement aveuglée, je sentis nettement lorsqu'on sortit enfin à l'air libre. La fine brise, l'odeur plus forte d'iode, le son des vagues contre la coque et les voix des marins qui emplissaient mes oreilles. Le moment fatidique approchait à grands pas et mes mains entravées commencèrent à devenir moites tandis qu'on me descendait dans ce qu'Alyah me décrivit comme une petite barque prenant la direction d'une grotte non loin. Cherock faisait parti du voyage, à mon plus grand soulagement. On m’installa au fond de la barque, coincée entre deux bancs et complètement incapable de bouger. Je ne les voyais pas, mais j'étais persuadée qu'il y avait quelques regards sur ma poitrine et je me promis de trouver de quoi m'habiller au plus vite une fois ces salopards hors-jeu. Alyah me rassura, le capitaine ayant apparemment prit soin d'emmener mes affaires avec eux. Ils étaient à la fois si précautionneux et si négligents, c'en était presque affligeant...

Je restai un moment ainsi, allongée, avant qu'on ne me redresse et ne me porte à nouveau. La lumière du jour qui filtrait à travers le bandeau sur mes yeux disparue et je supposais, avec raison selon les dires d'Alyah, que nous étions arrivés sous terre via un passage reliant la mer à un réseau de galeries. Le genre d'endroit parfait pour des contrebandiers ou toute activité criminelle qui se voulait un minimum discrète. J'eus l'impression d'évoluer pendant des heures dans les ténèbres, mais c'était seulement parce que chaque seconde devenait de plus en plus pesante et que je m'imaginais beaucoup trop de choses. Et si Kisp voulait en finir tout de suite ? Je le pensais incapable de se retenir de profiter de la situation, mais vu les efforts déployés, peut-être que je me montrais trop optimiste... Dans ce cas précis, je serai face à un dilemme que je ne voulais pas voir arriver. Agir et risquer la vie d'une innocente ou ne rien faire et mourir sans pour autant assurer la survie de la mère de Cherock...

Je fus plutôt brutalement tirée de mes pensées lorsqu'on me déposa, mes genoux heurtant le sol avec force. Je ne retins pas un légère soupir de douleur étouffé par le bâillon que l'on m'enleva assez vite, tout comme le bandeau me cachant les yeux. Je clignai, la lumière pourtant diffuse des bougies éclairant le souterrain me brûlant la rétine. La pièce était plutôt grande, bien que pas très haute, et creusée à même la roche. Il y avait du mobilier évoquant un lieu de réunion : table, chaises, un bureau avec un peu de paperasse. Mais ce qui attira davantage mon regard fut le visage bouffi et souriant du responsable de toute cette histoire. Portant toujours ses habits hors de prix et ses bijoux ostentatoires, cette ordure de Kisp me fixait d'un air satisfait.

- Ravi d'enfin te revoir, shaakte. Je suis très content de voir que tu as accepté mon invitation.

J'eus envie de lui cracher au visage avant de lui faire cramer sa sale gueule à moitié cachée par un masque d'argent, là où ma boule de feu lui avait rongé le visage. Derrière lui se tenait son majordome, le même sadique que la dernière fois avec son air arrogant . Lui aussi souriait, visiblement ravi que celle ayant blessé son patron soit enfin entre leurs mains. Je serrai les poings. Ces enfoirés j'allais les...

(Du calme, Yliria ! Je sais que tu as hâte de les faire payer – et moi aussi – mais n'oublies pas ce qui est en jeu. Reste calme et évite de les provoquer.)

Je baissai la tête, acquiesçant intérieurement aux paroles d'Alyah. Kisp et ses hommes durent prendre ça pour de l'acceptation car des ricanements se firent entendre avant que Kisp n'ordonne d'aller chercher la mère de Cherock à sa demande. Puis il s'approcha de son pas lourd et pesant et me saisit le menton pour me regarder droit dans les yeux. Je jouais la comédie et cherchais à éviter son regard, mes yeux se plantant plutôt sur la fiole qu'il souhaitait visiblement me montrer. Une fiole contenant un liquide d'un bleu clair que je n'avais jamais vu. Cela sembla enchanter Kisp.

- J'ai longtemps cherché un moyen de me venger qui soit à la hauteur de ce que tu m'as fait. Te torturer, bien sûr, je ne vais pas te tuer sans laisser mon cher majordome s'amuser un peu. Profiter de ton corps aussi, bien sûr, après tout tu en avais une peur bleue la dernière fois, ce sera un plaisir que d'honorer de force ta maigre féminité. Mais après ? Comment te tuer ? Et bien j'ai fait mes recherche et ceci m'est apparut comme une illumination.

Il sourit et déboucha la fiole pour l'approcher de mes narines. L'odeur était inexistante, mais une sensation de froid s'échappait de la bouteille, comme si la température du contenu était proche de zéro.

- Sais-tu quel est l'opposé du feu ? La glace. Alors qu'arriverait-il à une pyromancienne si elle avalait par mégarde une fiole d'un fluide complet de glace ? Hmmm ?

J'écarquillai les yeux et voulus m'écarter au plus vite de cette fiole, mais un type se tenait derrière moi et m'en empêcha en mettant sa main fermement sur ma nuque. Kisp approcha la fiole en même temps que son visage, parlant d'un voix toute aussi glacial que le fluide qu'il tenait à la main.

- Tu vas mourir dans d'atroces souffrances, déchirée de l'intérieur par les fluides contraires, par cette magie même qui t'as permis de toucher à mon visage. Tu vas hurler et supplier avant de mourir en crachant tes entrailles. Et je vais me délecter de ce spectacle.

Il était fou, complètement fou. Et j'étais horrifiée alors qu'il attrapait ma gorge en la serrant à m'étouffer, penchant la fiole vers ma bouche. J'avais beau essayer de me débattre, sa poigne était toujours aussi forte. Je manquai d'air et je ne touchai bientôt plus le sol avant qu'il ne me lâche et que je retombe sur le sol, toussant et crachotant en aspirant autant d'air que possible, la gorge serrée et douloureuse. Mon regard croisa celui de Cherock avant qu'un mouvement n'attire son regard ailleurs. J'avais été à deux doigts de faire cramer ce gros sac qui s'était détourné pour approcher Cherock en me laissant là, à reprendre difficilement mon souffle. Allongée au sol, on ne faisait plus vraiment attention à moi, visiblement. Oh, comme il allait le regretter...

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Re: La Côte de la Baie des Grottes

Message par Yliria » sam. 17 oct. 2020 19:22

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Il me fallut quelques dizaines de secondes pour reprendre mon souffle et réussir à déglutir correctement. Cette ordure avait toujours la poigne aussi forte et il aurait sans aucun problème pu me briser la nuque. Mais au lieu de cela, il se pavanait, réitérant encore et toujours la même erreur qui lui avait fait perdre son bateau et la moitié de son visage. L'attention fut de nouveau détournée par l'arrivée soudaine d'un homme poussant une femme au visage caché par un sac de jute. À cette vision, mon corps sembla se préparer aussitôt. Je n'avais qu'à attendre le bon moment, le signal. J'eus juste le temps d'apercevoir le visage de la femme avant qu'elle ne soit projetée hors de ma vue et que la voix de Cherock, murmurée, me parviennent. C'était bien sa mère, visiblement. En vie et entière. Je lâchai le soupir de soulagement que j'avais inconsciemment retenu. Que ce serait-il passé si Kisp l'avait tuée...

- Je serai toi, j'arrêterais de me jeter ce regard tout de suite. Et je déguerpirais tout aussi vite. A moins que ce ne soit la peur qui t'empêche de bouger ?

Je fronçai les sourcils en entendant les paroles de Kisp, mais aperçus du coin de l'oeil Cherock se relever, une main posée sur la garde de son sabre dont la lame se dénudait lentement. L'attente était insupportable. Je voulais qu'on en finisse au plus vite.

- Vous vous trompez, Kisp. Ce n'est pas la peur qui m'empêche de partir. C'est la Miséricorde.

Miséricorde ? Le signal ! Sans perdre de temps, mes fluides convergèrent vers mes mains et la corde fut rapidement rongée par le feu tandis que j'aperçus le reflet d'un lame jetée en l'air alors que Kisp et certains de ses hommes étaient projetés au sol par un probable sort de Cherock. Je ne m'attendais pas à ce qu'il fasse ça, mais je me relevai d'un bond, saisissant le katana au vol pour trancher les liens retenant mes chevilles avant de me mettre en garde, les deux mains sur le manche. La sensation d'avoir une arme en main était grisante, même si je n'étais pas familière avec ce genre de lame. Un sourire orna mon visage, faisant écho à celui, froid, que je vis sur le visage de Cherock. Kisp, lui, n'avait rien remarqué.

- Très bien gamin, on dirait que tu veux toi aussi mourir. De la miséricorde ? Et tu comptes faire quoi tout seul ici ? Tu vas me tuer ?

- C'est là où vous vous trompez Kisp. Je ne suis pas tout seul, et je ne vais pas vous tuer, vous n'en valez pas la peine. Elle, en revanche... Elle ne sera pas aussi miséricordieuse que moi.

J'enflammai la lame de la relique, attirant le regard médusé du majordome qui écarquilla davantage les yeux en comprenant que j'avais ma magie à disposition. Kisp sembla percevoir la surprise de son larbin car il se retourna et son visage blanchit aussitôt. Il se figea, une expression, mélange d'incrédulité et d'horreur, plaquée sur le visage malgré le masque qui en couvrait la moitié. Alyah ricana dans mon esprit, visiblement contente de ce retournement de situation que nous attendions avec une certaine impatience.

- Vous avez commis deux fois la même erreur Kisp. On ne joue pas avec le feu.

Et sans plus de discussion, je me ruai vers lui et mis toute mes forces dans le coup que je lui portai. Il y eut un hurlement de douleur, une odeur de sang frais et de chair brûlée, et il s'effondra au sol, le corps parcourut de spasmes tandis que son sang se répandait sur le sol. J'entendis des exclamations autour de moi et les rares qui n'avaient pas déjà tirer leurs lames le firent. Parfait. Kisp n'était pas encore mort, mais il n'irait nul part vu son état. Restait seulement à s'occuper des autres. Cherock avait déjà son marteau en main et j'aperçus sa mère, sous la table, enfiler ce qui ressemblait à une cotte de maille. Mon regard balaya la pièce rapidement, retenant les positions de chaque ordure présente. Je ne les voyais pas si nombreux, ils étaient au moins une douzaine, mais je n'avais pas vraiment le choix.

Sans attendre, je bondis sur le plus proche, évitait le coup horizontal de son sabre en me baissant pour me redresser dans sa garde, le sabre suivant le même mouvement, lui tranchant le torse d'un mouvement fluide. Il s'écroula aussitôt et je fixai un court instant la lame. C'était plus qu'efficace et ça me rappelait ma première arme, même si la lame était différente. Les autres étaient sortis de leur stupeur et se ruai sur moi ou Cherock, lame au clair, visiblement déterminés à venger leur patron. Sans plus attendre, j'engageai le combat avec le plus proche, perdant Cherock de vue alors que j'entamai une danse de l'Eclipse, montrant à ses ignares qu'ils avaient attaqué la mauvaise personne.

Je parai le premier qui me fonça dessus, faisant glisser la lame de son épée le long de la mienne avant forcer son poignet à se tordre en enroulant ma lame autour de la sienne avant de l'abaisser d'un coup sec. Il lâcha son arme alors que je tranchai sa gorge d'un coup ascendant. La lame, bien plus légère et affûtée que je ne l'avais escompté, partit trop loin et trancha en partie son visage. Je fermai un œil pour en pas recevoir le sang qui giclait de l'affreuse blessure avant que le corps ne tombe au sol. A nouveau je fixai la lame, de surprise cette fois. Elle était légère, trop légère comparée à ma rapière, et je devais faire attention si je ne voulais pas que mes mouvements soient trop larges ou trop courts. Si elle était aussi légère, j'espérai qu'elle n'était pas fragile.

Je cessai bien vite de me poser la question lorsque deux types m'attaquèrent sur les flancs. Je parai le premier et évitai quasiment l'attaque du second, sa lame réussissant tout de même à entailler mon omoplate droite, me faisant siffler de douleur. Je repoussai celui me faisant face et invoquai mes fluides, m'entourant de flammes. Les types reculèrent imperceptiblement et j'en profitai pour sauter sur celui m'ayant entaillé le dos. Il leva puis abaissa sa hache, mais je me dérobai en passant sous sa lame et sa garde avant de me retrouver derrière lui. Par réflexe, je fonçai vers l'avant, la pointe visant le dos de mon adversaire. Si elle le transperça comme prévu, la résistance fut bien plus importante qu'avec ma rapière et je lâchai un seconde l'arme pour éviter un coup de taille d'un autre combattant. Jurant entre mes dents, je lui lançai une boule de feu au beau milieu du torse, le faisant reculer sous la douleur tandis que je récupérai l'arme, non sans mal.

Brièvement, j'aperçus Cherock mettre un homme à terre d'un éclair, puis je reportai mon attention sur ceux qui me faisaient face. Il en restait encore quatre, sans compter ceux attaquant Cherock. Je m'entourai de flammes pour attaquer. J'en avais presque oublié le sort contenu dans la poignée de l'arme. Je l'activai et, pours laisser le temps au nuage de se former, je fonçai sur eux, gagnant du temps en attaquant avec une vitesse que je ne pensais pas possible avec une arme de ce calibre. Du coin de l’œil, je vis le nuage tonner et je bondis en arrière avant que les quatre types ne soient foudroyés en un bel ensemble, en mettant aussitôt trois au sol tandis que le troisième semblait à deux doigts de les rejoindre. Je m'avançai vers lui et, posant ma main sur son torse, le poussai, le faisant tomber au sol, où il resta immobile, mais vivant. J'hésitai un instant puis détournai le regard. Achever un homme au sol ce n'était décidément toujours pas mon truc.

Fouillant la pièce du regard, je cherchai désespérément mes affaires lorsque la voix de Cherock me parvint. Je tournai la tête dans sa direction et m'approchai. Lui aussi c'était visiblement débarrassé de ceux lui cherchant des noises. Il devait y en avoir deux ou trois qui s'étaient enfuis, mais ce n'était pas grave. Il serrait sa mère dans ses bras lorsque je les rejoignis. Cette dernière me regarda avec inquiétude. Couverte de sang et à moitié nue, je devais avoir l'air complètement folle, il fallait l'avouer. La voix de Cherock, calme et teintée de douceur, la rassura aussitôt.

- Yliria est notre alliée pour sortir de ce pétrin. Aide là à se rhabiller s'il te plait, je vais aller dissuader les probables renforts de venir nous déloger.

Je haussai un sourcil en le voyant repartir aussi sec. Je pouvais m'habiller toute seule... La vue du baluchon non loin me fit porter mon attention dessus et je l'ouvris fébrilement, découvrant mon armure et toutes mes affaires. Un sourire éclaira mon visage et je m'empressai de fouiller pour trouver de quoi enfin m'habiller. Me rappelant que j'étais pleine de sang, je jetai un œil aux alentours et posai mes yeux sur Kisp. La vue de cette ordure me crispa et je me dirigeai vers lui. Il était mort, finalement, les yeux et la bouche grande ouverte, le ventre ouvert et ses vêtements hors de prix imbibés de sang. Ça en aurait été presque comique qu'il finisse comme ça, mais ça ne me fit rien, absolument rien. Au lieu de ça, je fouillai la pièce du regard et me mis à passer de corps en corps. Je récupérai les bijoux hors de prix de ce salopard et toutes les bourses que je pus trouver en plus de la fiole de fluide de glace avant de revenir près de mes affaires après avoir découpé du tissu propre dans une des chemises de l'un des sous-fifres étendu là.

Une fois essuyée, je soignai l'estafilade qui zébrait mon dos, soupirant de bien-être sous la sensation de la lumière réparatrice, puis je tournai mon regard vers la mère de Cherock. Elle semblait perdue et affolée, ce qui n'avait rien d'étonnant, mais son regard inquiet ne cessait de fixer la sortie par laquelle Cherock était partie. Je sortis mes affaires et commençai à m'habiller, ravie d'enfin cacher mon corps à la vue de tous. Surprenemment, ce fut la mère de Cherock qui, malgré son état d'angoisse évident, tenta de me rassurer un peu.

- Tout va bien. Cherock va s'occuper de nous sortir de là. Yliria c'est ça ? Tu veux de l'aide pour tes affaires ?

- Pas la peine, merci quand même, mais j'ai l'habitude.

Elle fixa avec étonnement l'attirail en écaille de Xiulh que j'enfilai avec une certaine aisance. Que c'était bon de retrouver ses affaires. Je lui offris une grimace contrite, à défaut d'un sourire, puis terminai de m'équiper, attachant ma ceinture, mon fourreau dans lequel reposai ma rapière, mon bouclier et, pour finir, le serre-tête que je caressai avec une léger sourire avant de le mettre dans mes cheveux, libérant mon visage des quelques mèches folles tombées devant pendant le combat. Je ramassai l'arme de Cherock , fourrai les bijoux et les bourses dans mon sac et aidai sa mère à se relever. Je notai avec une grimace qu'elle avait de beaux bleus sur le visage et la lèvre fendue. Je soupirai, la culpabilité me serrant la poitrine. J'approchai mes mains et lui demandai d'une voix douce qui se voulait rassurante :

- Ne bougez pas.

Mes mains s'illuminèrent et les bleus se résorbèrent tandis que sa lèvre retrouvait un aspect normal. Elle se tâta le visage et me remercia d'une voix encore enrouée. Sans plus attendre, je lui fis signe d'avancer vers là où Cherock était partie. Ne nous restait maintenant plus qu'à sortir de cet enfer, avec une femme à protéger face à je ne savais combien d'autres sous-fifres aux alentours. Je n'aimais pas ce genre de défis...

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Re: La Côte de la Baie des Grottes

Message par Yliria » sam. 17 oct. 2020 19:33

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Je retrouvai Cherock un peu plus loin et j'entendis sa mère pousser un léger soupir de soulagement alors qu'elle me suivait, bientôt suivi d'une légère exclamation surprise et angoissée. Il n'était pas beau à voir, honnêtement. Les quelques cadavres sur le chemin lui avaient visiblement donné plus de mal que je ne l'aurai cru, il était couvert de sang et son bras saignait abondamment. Je lui tendis aussitôt la Kizoku Rana.

- Merci de me l'avoir prêtée. Je te la rends, elle ne convient pas vraiment.

Je ne savais pas vraiment l'expliquer, mais je n'étais pas totalement à l'aise en l'utilisant. C'était suffisant pour défaire ses enfoirés, mais guère plus. Trop léger, trop différent de ce à quoi j'étais habituée et m'étais entrainée pour. Je préférai le contact habituel de ma rapière, c'était plus personnel, ça me convenait mieux. Je jetai un œil à la galerie qui s'étendait devant nous et tirai ma lame tout en prenant mon bouclier dans l'autre main.

- Je passe devant, ma lame est plus indiquée pour les combats en milieu confinée et je pense que ta mère sera plus rassurée à tes côtés. Une idée de la direction à prendre ? Le trajet aller m'a laissé peu de repère, je dois bien l'avouer... et... montre-moi tes blessures, je préfère m'en occuper maintenant plutôt qu'elles ne te vident de tes forces.

Il voulut argumenter, mais sa mère le força à accepter et je m'occupai de la blessure qu'il avait reçu au bras. Un soulagement évident apparut sur ses traits, mais il refusa que je m'occupe du reste, arguant que j'avais besoin d'économiser ma magie. Je hochai la tête. Il n'avait pas tort et mieux valait ne pas traîner ici trop longtemps. Nous repartîmes juste après, Cherock avalant tout de même une potion sous le regard vigilant de sa mère, me tirant un rictus presque amusé. A peine quelques mètres plus loin, un épéiste nous barra la route et fonça vers nous. Je me mis sur son chemin et sa lame ne fit qu'être déviée par mon bouclier avant qu'une volée d'éclairs ne frappe l'épéiste à ma plus grande surprise. Je n'aimais pas trop que ces trucs passent aussi près de moi. Mais alors que je me retournai pour lui dire que lui aussi pouvait économiser sa magie, il me prit de court.

- Kisp, dans tout ça ?

- Mort. Avec deux ans de retard, mais bel et bien mort si c'est ce tu voulais savoir.

Je me retournai sans rien ajouter de plus. Ce n'était pas vraiment le moment pour en discuter, si tant est qu'un jour j'avais envie d'en parler à nouveau. Il était mort, fin de l'histoire, problème réglé. Restait juste à oublier. Au moins essayer. Et juste lorsque je pensais ça, voilà que le géant qui m'avait assommée et dont les compagnons avaient essayé de me violer apparut, une masse à la main, visiblement de mauvais poil. Je le fixai sans rien dire, mais resserrai ma prise sur ma rapière, tournant juste assez la tête pour que Cherock m'entende sans que je ne perde le colosse de vue.

- Celui-là j'en fais mon affaire.

J'avançai aussitôt vers lui, réduisant la distance alors qu'il se ruait vers moi. Il tenta de me frapper violemment d'un coup vertical, visant visiblement ma tête. Je n'essayai même pas de faire semblant. Je tournai le buste, esquivai sa masse avant de lui encastrer la tranche de mon bouclier dans la mâchoire. Il y eut un craquement, quelques dents volèrent et il poussa un cri de douleur, suivit d'un autre lorsque je lui perçait le bras portant la masse avec ma rapière. Il me fixa, le regard emplit de haine avant que ma rapière ne lui chatouille la gorge. Il se figea alors, louchant sur ma main armée et leva les mains, en signe de reddition.

- Je... j'ai perdu.. je me rends...

Je baissai ma lame et m'écartai, pas dupe pour autant. Au moment ou je commençai à me retourner, il se rua vers moi. Je me fendis sur le côté et perçai sa gorge de toute la longueur de ma rapière. Il crachota en se tenant le cou et je retirai ma lame avant qu'il ne s'effondre en suffoquant, se vidant peu à peu de son sang jusqu'à ce que ses yeux ne se voilent définitivement. Je le fixai sans rien dire avant de tourner mon regard vers Cherock et sa mère, restés en retrait. J'aurai voulu ne pas les inquiéter mais je ne trouvais pas les mots justes.

- Je... rien, continuons. Et essaie de garder ta magie Cherock, je peux m'occuper de ceux qui viennent de face.

A peine me retournai-je qu'une autre silhouette émergea dans le corridor. Je reconnus aussitôt celui qui avait utilisé la rune contre moi afin de m'empêcher de me défendre. Avant même que je ne puisse dire ou faire quoi que ce soit. Cherock s'avança en disant qu'il était à lui. Puis, il le bombarda d'éclair. Il en jaillissait de ses mains de manière ininterrompu jusqu'à ce que son adversaire, malgré ses esquives et la lame de son sabre se mettant en travers, ne finisse au sol, inerte. Je fixai Cherock, incrédule. Quel genre de réserves magiques possédait-il pour se permettre autant d'assauts foudroyants à une tel cadence ? J'eus ma réponse presque aussitôt, une fois qu'il tourna la tête vers moi.

- Je peux encore en tirer des dizaines de salves, alors tant que je me limite à ça mes réserves ne sont pas un souci.

- Je vois...

Cela ressemblait un peu à de la triche son histoire. Je n'avais jamais entendu parler d'un mage pouvait utiliser sa magie de manière illimitée comme cela. Je n'avais pas rencontrer tant de mages que ça, mais j'en avais combattu suffisamment pour savoir que ce genre de pouvoirs ne courraient pas les rues. Je le fixai un instant, perplexe, puis repris le chemin, enjambant les deux corps pour continuer dans le couloir. Après plusieurs longues minutes d'une marche silencieuse, nous parvînmes à une large et haute caverne connectée à la mer. Quelques barques étaient amarrées là et il restait quelques hommes qui semblaient hésiter sur la marche à suivre en nous voyant débarquer. Je jetai un œil à Cherock. Je voulais juste sortir d'ici, je n'avais pas besoin de tous les massacrer, mais je n'étais pas certaine qu'il soit de cet avis.

- Je serai d'avis de partir au plus vite...

- Cela me va. Mais il va falloir s'assurer qu'ils ne tentent rien.

Je hochai la tête, mais, comme pour lui donner raison, trois archers et un arbalétriers nous mirent en joue et tirèrent. Je me protégeai derrière mon bouclier en me baissant, mais aucun trait ne nous atteignit. Au lieu de ça, ils s'arrêtèrent au vol et repartirent directement vers leurs tireur, les forçant à se cacher. Je jetai un regard à Cherock, probable responsable de cela et vis avec surprise un épais nuage noir se former près du plafond. Ne sachant pas bien ce qu'il comptait faire, je mis ma main sur le manche de mon arme, au cas où le combat était inévitable. Ce ne fut heureusement pas le cas car son nuage gronda violemment et, comme pris de panique, les hommes de Kisp se dispersèrent, certains fuyant par les tunnels, d'autres empruntant les barques présentes dans la grotte, ramant aussi vite que possible pour échapper à la fureur du fulguromancien.

- Ça devrait les calmer pendant un moment, alors profitons en.

Alors ça pour les occuper... je regardai les alentours et approchai d'une barque lorsque j'entendis Cherock discuter avec quelqu'un qui se révéla être un jeune homme visiblement paniqué qui proposait son aide à l'Ynorien en échange de la sienne. Je me rapprochai et jetai un regard au petit bateau possédant une unique voile. Il ferait l'affaire si le fameux marin n'essayait pas de nous faire nous échouer sur les récifs ou contre une falaise. Je lui jetai un regard suspicieux mais suivis le mouvement, n’ayant pas vraiment le choix de toute façon. Je grimpai derrière la mère de Cherock, refusant la main tendue du jeune marin qui souhaitait m'aider à monter. Je l'ignorai et m'installai sur le bord gauche du bateau, surveillant les alentours tandis que nous nous éloignons doucement à la force des bras des deux rameurs.

(Tu pourrais les aider!)

(J'ai autre chose à faire.)

Joignant le geste à la parole télépathique, je défis mes protections d'avant-bras et observai mes poignets avec une grimace. La peau étai violacée et entaillée par endroit. J'avais utiliser mes fluides pour ne pas que la douleur me gène, mais elle commençait à revenir et je préférais traiter ça avant que ça ne s'infecte. Un poignet après l'autre, je soignai les entailles et les contusions, ma peau redevenant presque comme neuve. Je sentais encore une petit gène, mais la seule douleur que je sentais était celle de mes muscles. Je m'étirai et sentis mes épaules craquer, me faisant lâcher un soupir de contentement. Ces quelques jours passés enchaînée et inactive ne m'avait vraiment pas fait du bien, j'allais rapidement reprendre mes entraînements quotidien. Mais avant cela, il fallait régler quelque chose avant que nous ne sortions de la grotte pour accoster sur la côte.

- Cherock, qu'est-ce que tu comptes faire par la suite ? Je... Je te dois la vie, j'aimerais t'aider en retour.

- Sans vouloir te vexer... Yliria... je préférerai que tu surveilles nos alentours. On n'est pas encore tiré d'affaires... on en parlera plus tard.

J'ouvris la bouche puis la refermai en haussant les épaules juste avant qu'on ne quitte enfin les ténèbres de la grotte. Je pus enfin voir la lumière du jour après ce qui me semblait être une éternité. Je tournai la tête et fermai les yeux un instant en sentant le soleil me caresser la peau de sa douce chaleur et le vent apporter avec force l'odeur des embruns. Un léger soupir de contentement m'échappa avant que je ne rouvre les yeux pour surveiller les alentours. Non loin, une des barques transportant quelques hommes de Kisp avait fait demi-tour et se dirigeait droit sur nous. J'aurai préféré que la tuerie s'arrête là et ce pour un moment, mais visiblement ces types voulaient absolument venger leur ordure de chef. Cherock étant occuper à ramer avec le jeune marin, nommé Fred apparemment, je me levai, prenant un peu de hauteur en me hissait sur le banc. La mère de Cherock me fixa et parla d'une voix qui m'aurait fait sourire dans d'autres circonstances. Une voix maternelle autoritaire et inquiète.

- Tu risques de tomber !

- Non,je ne risque rien, ne vous en faites pas.

J'avalai une potion de mana, sentant avec une certaine délectation mes réserves se remplirent à nouveau, avant de faire converger mes fluides. Je fixai un instant la barque et lançai le sort qui perça le ciel avec fureur avant de percuter la barque, provoquant une explosion de flamme qui envoya hommes par dessus-bord en hurlant et chaloupe au fond de l'océan dans un fracas de fin du monde. La mer se referma et le bruit assourdissant laissa place à un silence seulement brisé par les rames qui percutaient l'eau. Je me rassis ensuite, évitant de regarder les autres occupant du petit bateau pour fixer la côte, impatiente d'enfin laisser tout ça derrière moi. Alyah se faisait discrète, mais je sentais sa présence rassurante à mes côtés et c'était bien le seul réconfort que je pouvais avoir. Quelque chose enflait peu à peu au fond de moi et je voulais au plus vite m'éloigner d'eux pour pouvoir exploser à l'écart, seule. J'entendais la respiration difficile du jeune marin et me tournai vers lui. Il avait le visage rougi par l'effort et transpirait à grosses gouttes. Nous étions assez loin de la grotte à présent et aucun bateau ne semblait décider à nous approcher après ce qui était arriver à celui ayant essayé. Je l’interpellai.

- Je prends ta place, tu es le seul à pouvoir gérer la voile.

Il me fixa, incrédule, mais finit par obtempérer. Il fallait que j'occupe mon esprit plutôt que divaguer sur autre chose et un exercice physique allait m'être utile pour ça. Il manœuvra pour échanger de place avec moi et commença à s'occuper de la voile tandis que je calai mon rythme sur celui de Cherock, ramant de concert avec lui pour atteindre la côte aussi vite qu'on le pouvait.

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Yliria
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Re: La Côte de la Baie des Grottes

Message par Yliria » ven. 11 déc. 2020 11:36

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Retour à la vie

Ramer était plus épuisant que je ne le pensais, mais au moins mon esprit resta concentré, libéré des sombres pensées. J'arquai le dos, tirai, poussai en soulevant la rame puis recommençai jusqu'à ce que la voile prenne le relais. Aussitôt, Cherock rentra dans la petite cabine pour rejoindre sa mère et je restai seule avec le marin. Un silence s'installa tandis sue je m'adossai à la coque, à même le sol. Il tenta de discuter mais je lui jetai un regard mauvais, le faisant taire. Je ne voulais pas lui parler, j'aurai voulu être seule. J'eus l'impression d'avoir le regard perdu dans le vide pendant un long moment avant que nous n'accostions finalement dans une petite crique cernée de falaises. Une petite plage où un bivouac fut vite installée. Une fois ma tente et mon couchage installés, j'allumai un feu, puis les laissai là. Je m’éloignai juste assez pour ne plus les entendre et tombai à genoux, le souffle saccadé et douloureux.

(Yliria, tu dois te calmer, tu fais une crise d'angoisse. Tout va bien, tout va..)

(Mais rien ne va ! Je... ils m'ont... j'ai cru que j'allais mourir... j'ai voulu mourir... Ils n'avaient pas le droit... je me sens sale... j'en peux plus.)


(Calme toi, respire doucement. Inspire, voilà, expire.)

Sa petite voix et ses intonations eurent raison du malaise soudain et je pus me redresser un peu et enfin sentir les larmes qui avaient ravagées mes joues. Je les essuyai d'un mouvement rageur tout en reniflant. Je me redressai tant bien que mal pour retourner au camp, Alyah se chargeant de me materner comme elle savait si bien le faire lorsque je n'allais pas bien.

(Tu as besoin de repos. Pas de veillée ce soir, tu te couches à la nuit tombée !)

Je ne retins pas un souffle amusé, faisant sourire ma faera. Mais en retournant au camp, je perçus des sanglots et tombai sur Cherock, en larmes, enlacé par sa mère. Il s'excusait sans relâche et mon estomac se tordit violemment sous la culpabilité. C'était ma faute. Sans le vouloir, mon pied tapa dans un objet, attirant leur attention à tous les deux. Je ne pouvais pas les regarder en face. Je me sentais trop mal.

- Je suis désolée... tellement désolée...

Je me détournai avec l'idée de m'enfermer dans ma tente. Peut-être que demain j'aurai tout oublié... je voulais me réveiller de ce cauchemar. Une fois dans ma tente je m'allongeai, complètement désemparée. Je ne savais pas quoi faire. Je ne pouvais pas les regarder en face, leur parler. Mais je perçus pourtant la voix de Cherock à travers le tissus de la tente. Il assura que je n'avais pas à m'en vouloir. Comme si c'était possible.

- C'est ma faute si Kisp s'en est pris à ta mère, ma faute qu'il t'ait embarqué la dedans, ma faute s'il a... tué ton père. Tout est ma faute ! Si seulement... si seulement j'avais été moins naïve... Je l'aurai tué et tout ça ne serait jamais arrivé.

Je me redressai et écartai les pans de la tente pour tenter de regarder Cherock pour échouer lamentablement.

- Si je pouvais revenir en arrière, ta famille n'aurait pas eu à subir tout ça... je suis...

Un sanglot coupa ma phrase et je fermai les yeux en inspirant. Je ne l'entendis pas approcher, mais sentir ses mains sur mes épaules me fit tressaillir. Je me raidis, une angoisse grimpant en flèche avant de brusquement se transformer en surprise lorsqu'il m'attira à lui, posant une main dans mon dos. Je tremblai, incapable de faire un mouvement, seulement capable d'écouter ses mots énoncés d'une voix douce. Il ne m'en voulait pas.... il dit mon prénom avec tant de douceur que je reniflai, les larmes se mettant à rouler sur mes joues.

J'abandonnai et éclatait finalement en sanglots en m'accrochant à lui comme si ma vie en dépendait. Le visage plaqué contre son épaule, je laissai la peur, l'angoisse, le dégoût, la douleur et les remords accumulés enfin sortir. Je pleurai sans retenue, trempant sa chemise de mes larmes tout en l'aggripant désespérément. Cela dura longtemps, au point que son épaule était trempée lorsque je finis enfin par me calmer, par étouffer mes pleurs et reprendre une respiration saccadée ponctuée de reniflements. Ma voix était enrouée, j'avais la gorge sèche, mais je voulais qu'il sache.

- Merci.... de m'avoir sauvé. Merci de... d'avoir été là et de... d'être le seul à ... avoir été humain.

Il me serra contre lui, murmurant des mots de réconforts que je ne percevais qu'à demi. Mais c'était le son doux de sa voix qui me suffisait. Je me sentais bien ainsi, je me sentais en sécurité et cela finit par porter ses fruits. Peu à peu, je parvins à me calmer, à cesser de pleurer et de trembler pour fermer les yeux en calmant peu à peu ma respiration. Je pouvais sentir ses bras dans mon dos et son souffle sur le dessus de ma tête. Cela ne dura pas, car il s'écarta, mais la sensation ne me quittait pas pour autant. C'était comme si je recevais ce dont j'avais besoin. Je clignai des yeux, levant mon regard vers lui, fixant son sourire avec un mélange de gratitude et de surprise.

- Allez, viens nous rejoindre. On ne va pas s'attarder et se coucher tôt, mais remplis toi un peu l'estomac avec un peu de compagnie. Tu verras, ça fera du bien.

Je hochai la tête et saisit sa main lorsqu'il voulut m'aider à me relever. Un très timide sourire souleva les coins de ma bouche avant que je ne le lâche pour finalement le suivre jusqu'au feu de camp où sa mère était toujours installée, le regard fixant l'horizon. Je ne savais pas trop comment agir avec elle. Allait-elle être aussi compréhensive que Cherock ? Je ne pouvais pas le savoir et m'installai de l'autre côté du feu, les genoux repliés contre ma poitrine, mes bras enserrant mes jambes et le menton sur mes genoux. Un soupir m'échappa avant que je ne remarque le jeune marin s'approcher et commencer à installer de quoi faire un repas. Mon ventre grogna bruyamment à l'idée, attirant les regards de tous ceux présents. Je sentis mes joues chauffer et toussotai, gênée.

- Hrrmm... Fred, c'est ça ? Tu... veux de l'aide ?

Il me fixa, un peu surpris, mais assura qu'il s'en sortirait et retourna à ses fourneaux, non sans m'avoir lancé un timide sourire. Il avait l'air gentil, je l'avais probablement mal jugé un peu plus tôt... en même temps j'avais toutes les raisons de me méfier, à vrai dire. Mon regard se tourna vers la mère et son fils.

- Vous... Vos bleus vont mieux ? J'ai fait ça un peu dans l'urgence, si vous avez toujours mal je peux vous soigner. 'fin si vous voulez...

- C'est gentil à toi de t'en faire pour moi Yliria, mais je vais bien, répondit avec un sourire maternel la femme. Mes bleus n'étaient que superficiels. Par contre, si tu peux t'occuper de Cherock... Il est blessé à la jambe mais têtu comme il est, il n'a rien dit[/color]

Je fixai Cherock en haussant un sourcil tandis qu'il semblait surpris par la clairvoyance de sa mère. Face à son insistance, il se décala et m'invita à m'asseoir près d'eux. J'hésitai une seconde avant de finalement me lever et m'asseoir entre lui et sa mère. Je me tournai vers lui et examinai la blessure de sa jambe, me retenant de justesse d'émettre une remarque sur le fait de laisser une telle entaille sans soin. Je me pinçai les lèvres et approchai mes mains lorsque je sentis qu'on me touchait soudainement les cheveux. Je me figeai avant d'entendre sa voix, un mélange de désapprobation et d'amusement la teintant d'une aura loin d'être désagréable. Une aura maternelle dont je n'avais jamais pu bénéficier.

- Jeune fille, vous avez beau être une guerrière, une femme se doit de prendre soin de ses cheveux. Surtout quand ils sont aussi beaux.

J'écarquillai les yeux, prise au dépourvu et sentit mes joues chauffer de plus belle, ma gêne s'amplifiant encore un peu lorsque Cherock éclata de rire face à moi. Je lui jetai un regard noir, mais il redoubla d'hilarité face à ma réaction et je lui saisis la jambe, transformant son rire en expression de douleur et regard outré. Je fis de mon mieux pour masquer ma gêne alors que sa mère semblait décider à m’embarrasser en passant ses mains dans mes cheveux, et me concentrai pour soigner la blessure de Cherock. Elle se résorba sous ma lumière, mais j'étais désormais coincée entre lui et sa mère qui ne semblait pas vouloir arrêter de tripoter ma chevelure.

- Je... euh... Ce sont juste des cheveux... j'ai pas le temps de m'en occuper... puis je sais pas faire de toute façon.

- Eh bien il n'est jamais trop tard pour apprendre. Vu que tu as de longs cheveux raides, je pense qu'une tresse t'irait bien. je vais t'expliquer comment en faire une.

Je ne savais pas trop si c'était une bonne idée cette histoire. J'avais toujours eu les cheveux détachés parce que je pouvais y loger mon serre-tête et l'idée même de les couper m'énervait. Mais ce n'était pas le propos d'Elena qui, patiemment, m'expliqua comment faire une tresse et que ce serait plus pratique dans la vie quotidienne, surtout pour les entretenir. Je hochai la tête alors qu'elle continuait, apportant d'autres arguments.

-A une époque, mon mari avait les cheveux longs lui aussi. Et c'était un Samouraï, donc il se battait plus souvent que je l aurais voulu. Mais il s'attachait les cheveux en un chignon pour éviter que ses cheveux tombent devant ses yeux. Je vois que tu as un serre-tête, mais le désavantage c'est qu'il risque de tomber, ou que tes cheveux s'accroche quelque part, tu vois ? Ce serait dommage de les couper.

Du coin de l'oeil je vis Cherock s'éloigner, probablement peu intéressé par cette soudaine discussion capillaire, mais j'aimais parler d'un sujet aussi simple. Enfin parler... J'écoutai surtout. Elle m'expliqua quel savon était le meilleur, comment la poudre d'iris pouvait laver sans avoir besoin d'eau ou que le miel avait l'avantage de faire briller et de rendre les cheveux doux. Visiblement elle s'y connaissait et, lorsqu'elle me proposa de me faire une tresse, j'hésitai une seconde.

-Je... vous n'allez rien couper j'espère.

- OH non, quelle idée! Tes pointes sont abimées, mais je n'ai rien ici pour y remédier, alors ce sera juste une coiffure. Et tutoies-moi s'il te plaît, c'est plus convivial. D'accord pour une tresse ? tu verras, ça t'ira très bien.

- Euh... D'accord.

Sans attendre, elle commença à manipuler mes cheveux, s'amusant de mon unique mèche noire qu'elle laissa en dehors de la coiffure qu'elle créait. J'étais un peu dépassée pour son intérêt soudain. Alyah me murmura que chacun gérait les problèmes à sa façon et peut-être que s'occuper les mains grâce à mes cheveux lui faisait oublier son chagrin et la probable angoisse qu'elle avait ressenti ces derniers jours. Elle semblait savoir ce qu'elle faisait et très vite noua mes cheveux avec un lien de cuir qu'elle gardait sur elle, avant de me la poser sur l'épaule, faisant descendre la tresse jusqu'à ma poitrine. Alyah m'assura que c'était très réussi et je remerciai Elena qui semblait ravie du résultat.*

- Si tu prends soin de tes cheveux, ils seront magnifiques. Et je serai ravie de t'y aider.

- Euh... je... merci, je vais y réfléchir.

Elle me sourit et approcha de Fred qui terminait de s'occuper du repas. Je me levai, tripotant ma nouvelle tresse avec circonspection, m'approchant de l'eau pour essayer de voir à quoi ça ressemblait. Alyah assura que cela était ravissant, mais j'étais circonspecte. A quoi cela me servait-il ? Être jolie n'avait jamais fait partie de mes préoccupations et ce n'était pas prêt de changer, mais Alyah grogna et m'enjoignis à juste apprécier le geste pour ce qu'il était, un geste. Je caressai doucement la tresse et hochai la tête. Je réfléchissais trop...

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Re: La Côte de la Baie des Grottes

Message par Yliria » sam. 12 déc. 2020 21:19

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La nuit fut à la fois courte et longue. Courte de sommeil, longue d'angoisse et de cauchemars qui me réveillèrent en sueur et le coeur affolé. Je ne savais pas combien de temps j'avais dormi, mais le soleil n'était toujours pas levé et tout le monde dormait à poings fermés autour. Je m'assis, m'essuyant le front d'un revers de main, clignant des yeux pour faire disparaître les images de mon esprit et la fatigue de mes yeux. Cela faisait longtemps que je n'avais pas eu ce genre de mauvais rêves. Je ne pouvais pas dire qu'ils m'avaient manqué... Alyah m'avait dit que j'allais devoir affronter un peu mes démons pour les surpasser, mais je ne m'attendais pas à ce que ce soit aussi brutal. je me rallongeai, tentant en vain de me rendormir pour finalement rester je ne sus combien de temps à essayer sans parvenir à fermer l’œil plus de quelques secondes.

Frustrée, je m'équipai de mon armure avec dans l'idée de me vider l'esprit en passant au moins une heure à m'entraîner. Je sortis de la tente avec le soleil levant et levai le nez, goûtant avec plaisir le petit vent aux relents salés qui emplissait l'air. Je commençai doucement, quelques séries de pompes et d'abdominaux avant d'y aller plus franchement au bout d'un moment, testant les limites de mon corps. J'utilisai ma magie pour renforcer mes muscles et faire quelques exercices que je trouvai parfois trop difficiles. j'avais vraiment besoin d'y aller à fond pour me sentir mieux. Une fois couverte de sueur et satisfaite, je récupérai Stellarhyss et Solarhyss pour m'entraîner plus finement. un assaut après l'autre, une feinte après un coup d'estoc, je passais en revue quelques techniques, affrontai un adversaire invisible et préparai une danse de l'Eclipse avant qu'une voix derrière moi ne me fasse bondir de surprise. Par réflexe je me retournai en position de combat, lame cachée derrière mon bouclier pointé vers l'adversaire avant de me reprendre face au visage de Cherock qui me demandait simplement si j'avais bien dormi. Quelle idiote...

- Désolée pour ça... je ne t'avais pas entendu. Bien dormi... je dirais pas ça, non.

Je haussai les épaules face à sa surprise, affichant malgré moi une moue résignée alors qu'il s'étonnait que je dorme mal, se demandant si c'était le fait de dormir sur une plage qui était gênant.

- Des cauchemars plus que la plage. Rien de vraiment surprenant. Et toi ? Cela fait longtemps que tu... es là ?

Je me sentis rougir, autant à l'idée qu'il m'ait observé qu'à son compliment alors qu'il admettait m'avoir observé durant mon entraînement qu'il trouvait impressionnant. C'était vraiment ridicule de réagir ainsi pour si peu, mais je ne savais pas pourquoi je me sentais aussi gênée.

- Merci... C'est un de mes mentors qui me l'a préparé, ça me défoule et me vide l'esprit. J'en avais besoin...

Il me proposa de me donner une astuce face aux cauchemars et j'appréciai le geste. Puis je restai là, comme un fond-de-flan, sans oser reprendre là où j'en étais. J'en étais où de toute façon ? Il se pencha vers moi et je fixai mes pieds comme s'ils pouvaient soudainement faire cesser cette sensation de gène que je ressentais. Et puis...

- Tu veux qu'on s'entraîne un peu ensemble ? Bon, je suis loin d'avoir ton niveau d'escrime, mais j'ose espérer être meilleur qu'un adversaire imaginaire !

- Euh...Tu es sûr ?C'est vrai que d'habitude je ne m'entraîne pas seule, mais je... 'fin je voudrais pas que tu sois blessé.

-Eh, je suis peut-être meilleur mage qu'épéiste, mais ça ne va pas m'empêcher de te donner du fil à retordre !

Je le regardai retirer son marteau et tout ce qui l'encombrait pour ensuite prendre son arme, toujours dans son fourreau, et se mettre en garde.

- A moins que tu ais peur d'affronter le puissant Cherock ?

Sa fausse arrogance me tira un petit sourire et j'inclinai la tête.

- D'accord. Mais pas de magie, peu importe la forme. Ne bouge pas je reviens.

J'allai rapidement à ma tente et rengainai ma rapière pour faire comme lui et éviter une blessure inutile. Je lui fis de nouveau face, en position de combat. J'étudiai rapidement sa posture. Il n'avait qu'une seule arme et pas de bouclier, mais son arme était plus légère et donc un peu plus rapide que la mienne, même avec le fourreau, je devais être vigilante. Et sans attendre davantage, je me ruai sur lui et feintai une attaque vers sa hanche droite pour au final tenter de frapper sa jambe gauche. l ne tomba pas dans le panneau et bondit en arrière, évitant mon assaut, avant de lui-même contre-attaquer, son arme ne rencontrant que mon bouclier que j'avais placé devant. Nous nous écartâmes légèrement l'un de l'autre avant qu'il ne prenne cette fois l'initiative et attaque rapidement, utilisant une technique que j'avais déjà vu et que je connaissais. J'évitai la première attaque en me pliant en arrière puis fis comme lui, utilisant la technique des cents lames pour à la fois contrer ses attaques avec les miennes et tenter de trouver une ouverture dans son enchaînement.

Mon idée fonctionna plutôt bien, mais Cherock bougea soudainement à une vitesse folle et je ne perçus son mouvement que très tard, sur ma droite. Je mis mon arme en catastrophe pour bloquer son attaque mais le choc me frappa tout de même le flanc. Je profitai de l'impact pour rouler au sol avant de me relever d'un bond, prenant un peu de distance avec lui. Techniquement il ne m'avait pas touché puisque c'était mon fourreau qui m'avait frappé, mais ma hanche me lançait douloureusement et ça restait un avantage pour lui. je me demandais quand même comment il avait pu bouger aussi vite... Je changeai ma position, inspirai, lame pointée vers le sol derrière moi, de profil, mon bouclier entre lui et moi. Je voulais voir ce que donnai la Danse de l'Eclipse contre un adversaire de ce genre, alors j'entamais ma danse de combat après m'être ruée sur lui.

La danse eut le mérite de surprendre Cherock et perça rapidement sa garde. Mon bouclier rencontra son bras et le déstabilisa suffisamment pour qu'une attaque de ma rapière s'enfonce dans son ventre, juste sous ses côtes. Je l'entendis émettre un son de douleur et aurais dit quelque chose s'il n'avait pas décidé d'accélérer ses attaques de manière surprenante. Une première attaque rapide comme le vent frappa mon bouclier, se répercutant dans mon bras. Une seconde bloqua ma lame avant qu'une troisième se me l'enlève presque des mains. Une quatrième fit partir mon bras de bouclier en arrière et je me retrouvai avec la garde quasiment brisée. Une cinquième attaque me frappa directement la même hanche déjà touchée et je ne pus retenir une grimace douloureuse avant de voir arriver la sixième. À ce rythme j'allais perdre, elle m'aurait frappée en plein milieu du torse. je choisis de me dérober de son attaque en utilisant toute ma souplesse, me pliant de manière excessive, faisant douloureusement plier ma hanche qui n'apprécia pas beaucoup. Avec un rapide jeu de jambe, cela m'emmena derrière lui, ma rapière fendant l'air pour venir le toucher juste sous son omoplate.

Mon attaque fonctionna et je le touchai dans le dos, là où je visais, me permettant même de frapper une deuxième fois au milieu de son dos. je m'apprêtai à reculer face à une probable attaque, mais sa jambe partit vers l'avant et je compris aussitôt qu'il allait fuir. Je me ruai aussitôt derrière lui et, lorsqu'il se retourna finalement, me trouvai à sa hauteur pour lui poser la pointe de ma rapière sur sa gorge, l'obligeant à lever les mains.

- J'ai perdu, je m'y attendais, mais pas de manière aussi écrasante. Tu es sacrément douée !

Je me permis d'avoir l'air fière de moi en entendant cela. Qu'un adversaire reconnaisse que j'avais du talent c'était plutôt rare, alors je pouvais bien en profiter un peu.

- Merci ! Faut dire que je m'entraîne presque tous les jours depuis un moment. Enfin tu n'es pas impotent, loin de là ! Ta dernière technique était impressionnante, je n'avais jamais rien vu de tel. Et honnêtement je pense que j'aurai bien plus de mal si tu pouvais utiliser pleinement ta magie contre moi, je suis loin d'être optimiste sur l'issue d'un tel combat s'il devait avoir lieu. Si tu veux on peut s'entraîner ensemble de temps en temps en allant à Oranan. Je fais ça tous les jours habituellement, mais un entraînement de ce genre vaut mieux que des coups portés dans le vide.

- J'ai surtout emprunté les pouvoirs de mes artefacts pour compenser l'écart avec ton escrime. Mais j'ai moi même pris conscience de mes lacunes arme en main, ce qui est un comble pour un enchanteur. Alors oui, si je devais utiliser ma magie le résultat serait complètement différent. Mais si je devais me retrouver face à un adversaire insensible à la foudre... Ma puissance serait vraiment diminuée.

J'émis des doutes face à sa réserve concernant sa capacité à vaincre ses adversaires, mais il ajouta avec raison que je n'avais pas vu venir le fait que son manteau le protégeait complètement de ma magie de feu. Je grommelai en entendant cela, ps besoin de me rappeler ce moment aussi gênant que douloureux. Je lui fis remarquer qu'avec ses armes, s'il s'en servait correctement, il n'aurait pas de problème. Je ne savais même pas manier une arme deux ans auparavant, et maintenant je pouvais affronter des guerriers endurcis, tout cela venait avec le temps, il fallait juste persévérer et se trouver un entraîneur adéquat. Il me prit alors au dépourvu en faisant une courbette.

- Si madame veut bien se donner la peine de m'enseigner. Je serai ravi de suivre ses leçons d'escrime.

- Euh...


Il me prenait de court et je restai un instant figée, un peu ahurie à la fois par sa demande et la façon de la poser.

- Non.

J’enchaînai rapidement en voyant sa réaction.

- Je veux dire... je ne suis pas une professeure. J'apprends encore, je ne suis pas capable de prendre cette responsabilité, je... je sais pas du tout comment faire...

Il me rassura, arguant que ce n'était qu'un manière exagérée de me dire qu'il souhaitait continuer ce genre d'entraînement. Je me trouvai ridicule à bafouiller ainsi, mais acquiesçait néanmoins, lui donnant quelques conseils, comme il le demandait, dont celui d'essayer de se faire sous estimer par son adversaire,n ce qui avait toujours plutôt bien fonctionné pour moi. Il avoua être fatigué par sa courte nuit ajouté à l’entraînement contre moi et je le laissai tranquille pour aller faire mes ablutions, assurant néanmoins que je veillerai sur le groupe pendant le trajet, lui permettant de dormir s'il le voulait. Je partis à la recherche d'un coin un peu tranquille avec un peu d'intimité pour pouvoir me laver. L'eau froide me fit frissonner, mais me fit du bien après cette séance. Je profitai de la lumière naissante du soleil pour vérifier mon état et grimaçai. J'avais encore des marques des coups reçus depuis les derniers jours et ça avait violacé, ce n'était pas agréable, que ce fut à regarder ou à ressentir. Je soupirai avant de me rhabiller, retournant vers le bivouac pour préparer notre départ. J’appréhendais un peu notre retour à Bouhen... mais je n'avais vraiment pas le choix.

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Re: La Côte de la Baie des Grottes

Message par Yliria » ven. 1 janv. 2021 17:45

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Je retrouvai Cherock et sa mère en pleine discussion. je saluai cette dernière d'un signe de tête avant de démonter ma tente et ranger mes affaires pour enfin les empaqueter et les mettre sur le petit bateau qui ne tarda pas à quitter la plage, faisant voile vers Bouhen que nous allions atteindre en fin d'après-midi. La voile gonflée par les vents rendait les rames inutiles et je m'installai confortablement à la proue du navire. Cherock, visiblement épuisé par sa nuit de garde, bailla aux corneilles et obéit face au ton autoritaire de sa mère avant d'aller piquer un somme. Je trouvai amusant qu'un grand gaillard comme lui obéisse ainsi à sa mère alors même qu'il était un homme et non plus un enfant.

(Les enfants se doivent d'obéir à leur mère, enfin!)

(La mienne peut toujours essayer, j'aurai deux trois choses à y redire.)

Le pouffement d'Alyah ne m'empêcha pas d'entendre Elena se rapprocher de moi. La mère de Cherock m'offrit un sourire amical avant de s'asseoir à mes côtés fixant elle aussi la mer un moment sans rien dire tandis que le navire prenait de la vitesse avec le vent plus fort venant du nord. Je ne savais pas trop ce qu'elle voulait, ni même si elle voulait quelque chose, aussi sa question me prit au dépourvu.

- Tu sais que tu n'as pas à te sentir coupable ?

Je la regardai, les yeux ronds et un nouveau sourire fleurit sur ses lèvres avant qu'un discret regard jeté à Cherock ne me fasse tourner la tête vers lui alors qu'il dormait toujours.

- Il m'a dit que cela te pesait, mais tu n'as pas à avoir la moindre culpabilité à ce sujet.

- Je... Si Kisp n'avait pas été à mes trousses...

- Alors, il serait venu pour autre chose. C'était un risque dont nous étions conscients tous les deux. Je connaissais son passé et était fière de l'homme qu'il était devenu en fuyant cette autre vie. Tu n'as rien à te reprocher. Je sais que mon fils t'as tenu plus ou moins le même discours, mais je voulais aussi m'assurer que tu reçoive mon message.

Je la fixai une seconde avant de reporter le regard sur les vagues que franchissaient aisément notre petite embarcation. J'avais toujours ce nœud, mais peut-être que m'assurer de la sécurité de cette femme jusqu'à son foyer suffirait à le dénouer entièrement. Je l'entendis émettre un petit son désapprobateur alors qu'elle attrapait une mèche de mes cheveux de nouveau détachés

- Tu n'aimais pas ? Cela t'allait bien, pourtant.

- Si, si... je les ai lavé donc détachés c'est mieux...

- Me laisserais-tu te coiffer à nouveau ? Nous n'avons pas grand chose à faire en attendant notre arrivée à Bouhen.

Je hochai la tête et cela sembla lui faire bien plus plaisir que je ne l'aurai cru. Une fois de plus je la laissai tripoter mes cheveux pour en faire ce qu'elle voulait. Une coiffure de son pays qu'elle me précisa, sans que cela ne m'aide à imaginer à quoi elle pouvait bien faire référence. Cela allait visiblement prendre un moment et je me détendis en la laissant faire, l'écoutant fredonner une mélodie dans une langue parfaitement inconnue à mes oreilles, mais aux accents doux et chantants. Une fois qu'elle eut terminée, la mère de Cherock m'offrit un petit sourire, affirmant que cela m'allait très bien. N'ayant aucun moyen de vérifier, je portai les mains à mes cheveux, décelant deux chignons rond de part et d'autre de ma tête. L'idée était... curieuse ? Je la remerciai quand même tandis qu'Alyah semblait amusée.

(Cela te rend...mignonne. On dirait une petite fille.)

Je grognai, la faisant ricaner, puis choisis de l'ignorer et patientai jusqu'à notre arrivée à Bouhen en regardant la mer. Cherock finit par sortir de son sommeil et de la cabine avant de me fixer d'un air que j'aurai qualifié d'ahuri. Sa mère, visiblement fière d'avoir eu la chance d'avoir une poupée à disposition, lui demanda ce qu'il en pensait et je tendis l'oreille, légèrement gênée à l'idée d'avoir la réponse.

- Euhm... C'est... Comment dire... C'est très étrange, mais ça lui va bien.

J'eus envie de défaire aussitôt tout ça face à son ton indécis, mais mon visage chauffa violemment lorsque j'entendis la suite.

- Je veux dire, c'est un peu comme une rose au milieu d'un champ de neige : c'est une vue surprenante, mais pourtant très jolie. Alors Yliria avec une coupe Ynorienne... Ca me fait le même effet.

Je détournai aussitôt le regard et fit tout pour ne plus l'avoir en face pendant le reste du trajet. J'avais autant un sentiment de gêne que de satisfaction et je savais parfaitement que mon visage reflétait beaucoup trop ces deux états. Je ne comprenais pas qu'un simple compliment de sa part me fasse autant d'effet. D'accord c'était joliment dit, mais ma réaction était beaucoup trop forte... Je touchai mes joues et pouvais sentir qu'elles étaient chaudes, et pas uniquement à cause du soleil que j'avais face à moi. Je me sentais ridicule, autant à cause de mon rougissement que de ma réaction à tourner la tête à tout prix..

(Je tiens à te préciser qu'il te jette des coups d'œil de temps en temps. Il a visiblement du mal à s'en remettre. Ou a te comprendre. Rien d'étonnant.)

Son ricanement n'arrangea en rien mon état et ce fut avec un certain soulagement que Fred, le jeune mousse, annonça que Bouhen était en vue. je pus alors, et sans que cela ne paraisse sortit de nulle part, me pencher vers mes affaires et poser mon masque sur mon visage avec un certain soulagement pour me retourner vers les trois autres qui se préparaient également à descendre. Je perçus le regard surpris de la mère de Cherock, mais fit mine de ne rien voir. Je n'avais pas envie de rester trop longtemps dans cette ville, j'espérais pouvoir la quitter dès ce soir.

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Akihito
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Re: La Côte de la Baie des Grottes

Message par Akihito » mer. 6 janv. 2021 19:07

Dans le chapitre précédent...

Troisième Arc : Encre de feu, Ancre de sang.

Chapitre IX : Dans l’antre de la bête.

Sans attendre la réponse d'Yliria, l'enchanteur se releva et fit face à la porte, le visage fermé.

(C'est l'heure.) pensa-t-il alors qu'il voyait la porte s'ouvrir sur ce qu'il considérait depuis longtemps comme des cadavres en sursis. Le capitaine en tête, il jeta un regard venimeux à la jeune fille, puis à son gardien. L’Ynorien, lui le fixa d’un air tout aussi menaçant, ce qui eu son petit effet puisque tous les hommes présents détournèrent le regard. Ils se contentèrent de soulever la jeune fille qui feignit un état de faiblesse avancée, avant de la ligoter et de lui mettre un sac de jute sale sur la tête. Il récupéra à contre-cœur son manteau qui cachait la chemise qui avait été déchirée par les sbires de Kisp lors de leur tentative de viol. Il avait tant bien que mal réussi à la rafistoler, assez pour qu’elle tienne sur son corps mince. Mais elle ne cachait plus grand-chose…

En sortant sur le pont, Akihito sentit l’humidité lui caresser le visage et le soleil éclairé l’horizon dans son dos. Il se trouvait dans l’une des nombreuses grottes cachées par une crique qui comptaient la côte de Bouhen et du sud de l’Ynorie. Celle-ci semblait un peu plus grande, surtout quand on observait l’intérieur de cette grotte, suffisamment vaste pour que plusieurs bateaux et embarcations puissent y mouiller. Le navire resta à bonne distance, mais le capitaine et ses hommes les firent descendre sur une barque. Malgré ses entraves, Yliria ne sembla pas subir la surface peu stable que composait la coque de bois. Ils prirent place avant de rejoindre la terre ferme. Là, un vrai débarcadère de marchandises en tout genre, dont une bonne partie devait sûrement être de la contrebande. Le chef des sbires s’entretint avec un des hommes déjà présents, qui s’arma d’une torche avant de les guider à travers le réseau de grottes. Finalement assez simple, mis à part quelques petites ouvertures dans la roche qui révélaient des petites salles de stockage, l’essentiel des grottes ne faisaient que se suivre.

Akihito arriva enfin dans une caverne plus grande que les autres, mais aussi bien plus peuplée. Avec les trois marins qui les escortaient, il comptait une quinzaine de sbires. Adossés au mur pour les uns, assis sur des caisses pour les autres, mais tous regardant avec intérêt une Yliria à moitié dénudée qui s'approchait d'un homme dont Akihito avait gravé l'image dans sa mémoire, Kisp. L'imposant personnage portait toujours son accoutrement hors de prix et sa moitié de masque. Maintenant qu'il en connaissait la raison, l'Enchanteur parvenait sans mal à distinguer les extrémités de la brûlure qui ravageait son visage. Cela ne l'empêchait pas d'arborer un sourire des plus satisfait quand le marin portant Yliria la laissa tomber devant lui et lui enleva son bandeau. L’Ynorien se tenait pour l'instant tranquille, soucieux de noter tout ce qui pourrait l'aider dans le combat à venir. La table de réunion et les quelques chaises qui l'entouraient étaient trop lourdes pour qu'elle soit bougée facilement, de même que le bureau sur lequel s'entassait tout un tas de feuilles. Sans aucun doute celui de Kisp. Celui-là même dont les paroles lui parvinrent et lui glacèrent le sang, littéralement, alors qu'il agitait une fiole contenant un liquide bleuté devant les yeux de l'enchanteresse.

« J'ai longtemps cherché un moyen de me venger qui soit à la hauteur de ce que tu m'as fait. Te torturer, bien sûr, je ne vais pas te tuer sans laisser mon cher majordome s'amuser un peu. Profiter de ton corps aussi, bien sûr, après tout tu en avais une peur bleue la dernière fois, ce sera un plaisir que d'honorer de force ta maigre féminité. Mais après ? Comment te tuer ? Et bien j'ai fait mes recherches et ceci m'est apparu comme une illumination. Sais-tu quel est l'opposé du feu ? La glace. Alors qu'arriverait-il à une pyromancienne si elle avalait par mégarde une fiole d'un fluide complet de glace ? Hmmm ? Tu vas mourir dans d'atroces souffrances, déchirée de l'intérieur par les fluides contraires, par cette magie même qui t'as permis de toucher à mon visage. Tu vas hurler et supplier avant de mourir en crachant tes entrailles. Et je vais me délecter de ce spectacle. »

Akihito était horrifié de voir jusqu'où ce salopard était prêt à aller pour assouvir sa soif de vengeance et de cruauté. Si ça n'avait tenu qu'à lui, il aurait agi depuis longtemps, mais il serra les dents sous les paroles tempérantes d'Amy. Kisp se détourna alors de la semi-shaakte et s'approcha de lui, le toisant d'un regard suffisant.

« Le fils est plus efficace que le père, à ce que je vois. Remarque, Marcus était un homme particulièrement capable avant de s'enfuir.

- Kisp, rendez-moi ma mère.

- Regarde-toi, mon pauvre ami. On dirait une bête enragée enfermée dans une cage. Tu veux me sauter à la gorge ? Mmmh ? Bien sûr que non, tu ne le feras pas. Après tout, j'ai quelque chose que tu veux. »

Comme pour confirmer ses dires, un de ses hommes de main qui s'était éclipsé plus tôt revint en traînant par le bras une silhouette dont le visage était lui aussi caché par un sac de jute. Et même s'il était évident qu'elle avait beaucoup maigrit car mal nourrie, Akihito reconnaissait sans mal sa mère. Le sac fut retiré, dévoilant un visage tuméfié mais intact, des yeux ayant perdu leur éclat et des cheveux en pagaille. Éblouie par la lumière des multiples torches, elle cligna des yeux avant de les écarquiller en apercevant son fils. Une voix éraillée sortit de sa bouche, ce qui étreignit la gorge de l'enchanteur.

« Akihito...

- Oh, quelle touchante réunion, railla Kisp en s'interposant entre les deux. Tu vois Akihito Yoichi, je suis un homme d'honneur. Une vie contre une vie. Maintenant que tu m'as ramené cette petite garce, tu es libre d'aller où tu le souhaites, tant que tu ne t'avises pas de t'en prendre à mes commerces. Car tu n'as pas oublié que mes moyens sont... Vastes, n'est-ce pas ? »

Le majordome qui jusque-là était resté dans l'ombre de son patron s'avança et tira avec lui Hitomi avant de la jeter dans les bras d’Akihito, qui se précipita pour la rattraper. Une vague de soulagement le submergea en sentant enfin sa mère dans ses bras, s'accrochant de toutes ses forces à lui. La peur et la tristesse qui émanaient d'elle étaient presque palpables tellement elle tremblait en murmurant en boucle son prénom.

« Maman je suis là, tous va aller mieux désormais... Calme toi, calme toi... répondit l'Ynorien en apaisant comme il pouvait sa mère tout en braquant un regard meurtrier sur le boss de la pègre tulorienne.

- Je serais toi, j'arrêterais de me jeter ce regard tout de suite. Et je déguerpirais tout aussi vite. À moins que ce ne soit la peur qui t'empêche de bouger ? »

Lentement, Akihito se releva en aidant sa mère. De sa main libre, il dénuda la Kizoku tout en jetant un coup d'oeil à Yliria. Elle n'avait pas bougé, mais il savait qu'elle attendait son signal.

« Vous vous trompez, Kisp. Ce n'est pas de la peur qui m'empêche de partir. C'est de la miséricorde. »

Le regard dubitatif de Kisp lui laissa la seconde nécessaire pour voir les liens retenant les mains d'Yliria dans son dos prendre subitement feu. D'un geste, il envoya la Kizoku-Rana dans les airs en direction de la shaakte, puis souleva sa mère dans ses bras. La Vague énergétique qui était contenue dans ses Bottes s'activa à son commandement et aussi bien Kisp que les trois marins escortant le jeune homme furent balayés par l'onde de foudre qui se propagea. Ils chutèrent et alors que le chaos commençait à se déclencher, il fonça à l'aide de ses bottes en direction de la table. Il déposa en dessous sa mère tout en lui donnant sa sacoche.

« Il y ma cotte dedans, mets-la, vite ! »

Il ne prit pas le temps de lui expliquer quoi que ce soit de plus et se retourna, agrippant le Marteau runique de Valyus pour faire face à un Kisp se relevant avec une lueur froide dans les yeux. Les hommes de Kisp dégainaient un à un leurs armes en se rapprochant de lui, au centre de l'attention après son coup d'éclat.

« Très bien gamin, on dirait que tu veux toi aussi mourir. De la miséricorde ? Et tu comptes faire quoi tout seul ici ? Tu vas me tuer ?

- C'est là où vous vous trompez Kisp. Je ne suis pas tout seul, et je ne vais pas vous tuer, vous n'en valez pas la peine. »

Puis, pour la première fois depuis des semaines, un sourire se dessina sur les lèvres d’Akihito. Un sourire froid.

« Elle, en revanche... Elle ne sera pas aussi miséricordieuse que moi. »

Car derrière Kisp et sous le regard médusé de son majordome se dressait une silhouette menue, armée d'un sabre nimbé de flammes dorées. Comme il s'y attendait, Yliria démontra une rare habilité avec la lame Ynorienne entre les mains, et Kisp fut le premier à en pâtir. La lame enflammée le taillada et le fit s'écrouler dans son propre sang. Si Akihito et Amy virent avec satisfaction l'homme s'effondrer, l'enchanteur ne resta pas pour autant inactif, car les sbires se ruaient déjà sur lui. Bien décidé à ne laisser personne approcher de la table, il puisa dans les runes du marteau pour augmenter sa propre puissance magique, et lâcha un éclair de foudre qui passa d'homme en homme. L'Électrocution abattit sans soucis les deux premières crapules qu'elle toucha, mais les suivants eurent plus de chances et furent simplement blessés. Qu'à cela ne tienne, Akihito accueillit le premier avec un coup de son marteau en plein thorax et l'envoya rouler au sol. La hampe métallique intercepta le glaive d'un second et après avoir dévié l'arme avec, il expulsa un orbe de foudre à bout portant sur l'homme qui s'écroula. La lame avait ouvert son flanc en une ligne rougeâtre bénigne à laquelle l'Ynorien ne prêta aucune attention. En quelques secondes, il s'était débarrassé de quatre de leurs assaillants : une nouvelle fois, Akihito prit conscience du fossé qu'il avait creusé avec la plupart des individus lambda. Seules les personnes de la trempe d'Yliria pouvaient désormais lui opposer une résistance décente en duel. Sa démonstration de force ayant refroidi considérablement les intentions belliqueuses des autres sbires, il put jeter un oeil à sa camarade d'infortune. La jeune shaakte était bien éloignée de lui, le combat l'ayant embarqué dans une autre partie de la pièce. Entourée de flammes, elle traçait une route sanglante et implacable dans les rangs de ses adversaires.

(Amy, rappelle-moi de ne pas m'en faire une ennemie.)

(Même si c'est ce que tu as fait il n'y a même pas cinq jours ?)

Akihito grogna avant de reporter son attention sur son environnement : des quinze personnes qui étaient présentes, plus de la moitié était désormais mortes ou inconscientes. Il remarqua alors un lourd baluchon de tissus, dans lequel il avait vu les marins fourrer les affaires d'Yliria. Faisant appel à ses pouvoirs de foudre, il confirma la présence de métaux à l'intérieur du dit sac et commença à l'attirer d'une main, tout en tenant le marteau dans l'autre. Marteau qui lâchait un barrage d'orbes foudroyants, peu précis mais qui empêcha les survivants de s'approcher de lui. La course du sac fut soudainement interrompue par un pied se mettant sur sa trajectoire. Le pied appartenait au majordome de Kisp et regardait avec un air mauvais le fulguromancien. La cane qu'il transportait toujours avec lui se révéla être une épée et il sortit un globe pourpre de Valyus-savait-où. Le globe se mit à craquer puis à libérer des éclairs, et Amy confirma les doutes d’Akihito : le type était lui aussi un fulguromancien. Mais...

« Tu vas payer pour ce que tu as fait à Monsieur Kisp. Et ta catin de mère aussi, j'y veillerai personnellement. »

Il lâcha ensuite un éclair que Akihito contra avec un autre éclair. Les deux forces élémentaires se percutèrent et relièrent les deux mages dans un faisceau d'énergie continue. Mais lors de son entraînement avec Frans, ce dernier l'avait initié aux duels entre fulguromanciens. Il y avait quelques subtilités à prendre en compte et quelques ruses pour triompher d'un mage plus puissant que soi. Mais jamais Akihito ne put vaincre son mentor, la différence de niveau étant trop forte pour être comblé par un quelconque tour de passe-passe. Il en allait de même ici, et l'enchanteur jeta un regard dédaigneux au majordome.

« Tu veux m'affronter ? Sur mon territoire ? »

Injectant plus de fluides dans son éclair, les arcs se multiplièrent et en un claquement de doigts, la foudre de l'Ynorien dévora, dispersa l'éclair du majordome grisonnant.

Elle le frappa de plein fouet au bras duquel partait la magie et dans un cri, il lâcha l'orbe qui lui avait servi de catalyseur magique.. Ne se laissant pas décourager pour autant, il fonça sur Akihito avec des yeux injectés de sang. Calmement, le jeune homme tendit le bras et fit appel au sort qu'il avait enchanté dans les écailles de Drakarn. Il vit le corps de l'homme se tordre de douleur alors que les vignes de foudre entouraient chacun de ses muscles, rendant sa charge, lame en avant, chaotique. Et lorsqu'il parvint enfin à l'arrêter, il était déjà à portée d’Akihito.

« Tu ne toucheras jamais à ma mère, sale enflure. »

Le swing du marteau fracassa la mâchoire du majordome qui partit rouler au sol et ne bougea plus. Il finit d'attirer à lui le sac, sécurisant ainsi le matériel d'Yliria. Relevant les yeux, il vit que les deux derniers sbires de Kisp s'enfuyaient dans le couloir par lequel ils avaient accédé à la caverne en hurlant des cris d'alarme.

« Et merde... Maman, tout va bien ?

- Je.. Je crois... balbutia sa mère en jetant un regard quelque peu effrayé sur les résultats du combat autour d'elle. Akihito, tu saignes..? Tu as été blessé ?

- C'est rien pour l'instant. Garde la cotte, je préfère qu'elle te protège. Yliria ! »

Akihito héla la jeune fille qui finit par le voir et se dirigea vers lui. Il se retourna vers sa mère et après l'avoir brièvement serré dans ses bras, la laissa avec quelques instructions.

« Yliria est notre alliée pour sortir de ce pétrin. Aide là à se rhabiller s'il te plait, je vais aller dissuader les probables renforts de venir nous déloger. »

Puis, il partit avec son marteau à la main en direction du réseau de cavernes qui devait sans doute entrer en ébullition. Jusqu'à ce qu'Yliria soit en pleine possession de ses capacités, il allait devoir tenir le coup.

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Akihito
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Re: La Côte de la Baie des Grottes

Message par Akihito » mer. 6 janv. 2021 19:28

Dans le chapitre précédent...

Troisième Arc : Encre de feu, Ancre de sang.

Chapitre X : Escorte vers la mer.

La dizaine de minutes qui s'était écoulée avait été affreusement longue pour Akihito. Mais c'était le temps qu'il avait fallu à Yliria pour se préparer, et il avait bien été forcé de faire avec. Visiblement, les types de Kisp s'étaient passé le mot et avaient attaqué le jeune homme avec bien plus de prudence. "Harcelé" était même plus correct, profitant de sa méconnaissance des lieux et des petites cavernes et autres alcôves pour l'attaquer à revers. Il était fort, certes, mais n'avait pas des yeux derrière la tête; et il n'avait surtout pas son armure avec lui. Alors quand les femmes le rejoignirent, Akihito venait tout juste de retirer la flèche qui avait traversé son bras droit. Les écailles de Drakarn auraient dû l’arrêter, mais l'archer avait sans doute eu de la chance. Du moins pour son tir car Akihito ne s'était pas prié pour lui rendre la monnaie de sa pièce.
Sa position défensive avait été compliquée à tenir, mais il avait pu défaire une bonne dizaine de sbires en ne récoltant que des blessures légères et cette flèche autrement plus douloureuse. Ce qui n’était, en y réfléchissant, pas si cher payé.

Yliria s'approcha de lui, vêtue de son armure de Xiulh. Et il devait bien admettre qu'elle en imposait ainsi, malgré sa taille. Eli lui tendit alors la Kizoku, que Akihito récupéra de sa main valide à la grande satisfaction de sa Faëra.

« Merci de me l'avoir prêtée. Je te la rends, elle ne convient pas vraiment.

- Pas vraiment une arme qui se prend en main facilement, je te l'accorde. Mais de ce que j'ai pu voir, tu n'avais pas l’air de trop mal te débrouiller, riposta l’Enchanteur en remettant sa lame à la ceinture.

- Je passe devant, ma lame est plus indiquée pour les combats en milieu confinée et je pense que ta mère sera plus rassurée à tes côtés. Une idée de la direction à prendre ? Le trajet aller m'a laissé peu de repères, je dois bien l'avouer... Et... montre-moi tes blessures, je préfère m'en occuper maintenant plutôt qu'elles ne te vident de tes forces.

- Non, je préfère que tu t'occupes d'abord de…

- Akihito elle m'a déjà soignée alors arrête de faire le dur et laisse-la voir. »

Voir sa mère le gronder et s'inquiéter pour lui, malgré la situation et la peur visible dans ses yeux et sa voix, lui fit chaud au coeur. Elle restait fidèle à elle-même.

« Si vous vous liguez à deux contre moi... D’accord, mais faisons vite. Je ne veux pas traîner dans le coin. »

Il laissa avec un soulagement certain la semi-shaakte guérir sa blessure et la résorber mais refusa catégoriquement qu'elle soigne le reste. Il souhaitait qu'elle économise un maximum sa magie. Il indiqua ensuite la marche à suivre : elle devant, lui derrière pour la guider et la soutenir avec sa magie. Puis après avoir bu une de ses potions de soin sous l'insistance du regard de sa mère, ils se remirent en route. Si la mémoire d’Akihito était correcte, une large caverne allait les accueillir et probablement plus de truands que nécessaire. Et alors que Akihito envoyait une volée d'orbes de foudre sur un épéiste plus téméraire que les autres et dont l'attaque s'était écrasée sur la défense de la semi-shaakte, une question lui vint.

« Kisp ?

- Mort. Avec deux ans de retard, mais bel et bien mort si c'est ce que tu voulais savoir.

- Merci. »

Il ne s'attarda pas sur le sujet et se contenta de l'inciter à avancer. Elle non plus n'avait pas l'air de vouloir en parler plus que de raison, et il ne pouvait pas lui en vouloir. Il entraîna également sa mère en veillant à la garder à portée de sa main, mais à peine eurent-ils repris leur chemin que déjà une autre silhouette se découpai dans la galerie rocheuse. Un colosse armé d'une masse et au nez fraîchement cassé. Hodor.

« Celui-là, j'en fais mon affaire. »

Yliria était visiblement décidée à lui faire payer la tentative de viol. Il la laissa donc se battre, curieux également de voir de plus près ses compétences d'épéiste. Elle réussit sans aucune difficulté à entrer dans sa garde, lui refaire le portrait avec son curieux bouclier chitineux. Sa rapière tout aussi chitineuse lui perça le bras, le forçant à lâcher son arme avant qu'il ne gémisse entre ses dents brisées une reddition. Akihito ne crut pas un seul mot de cette capitulation, et Yliria non plus : sa lame traversa de part en part sa gorge quand elle le surprit à se jeter sur elle après qu'elle se soit ecartée un tant soit peu. L'enchanteur jeta un oeil à sa mère : elle détournait le regard sur la violence extrême à laquelle elle assistait depuis son sauvetage. Elle avait toujours détesté la violence, mais pour avoir passé plus de vingt ans mariée à un militaire, elle savait que c'était parfois un mal nécessaire.

« Je... Rien, continuons. Et essaie de garder ta magie Akihito. Je peux m'occuper de ceux qui viennent en face. »

Akihito ne lui avait rien dit de sa capacité à générer ses munitions de foudre de manière quasi illimitée : il s'apprêtait à lui en parler quand une seconde silhouette se profila dans le couloir, juste à la suite du désormais défunt Hodor. Gueule d'ange, le limier de Kisp. Il portait toujours son katana à la ceinture, et il le dégaina en toisant avec mépris les deux enchanteurs.

« Lui, il est pour moi.

- Tu... »

Akihito ne sut jamais ce que Gueule d'ange comptait dire. Il se contenta d'avancer vers lui, de lever sa paume dans sa direction et de lâcher, les unes après les autres, des munitions élémentaires de foudre. Il tenta tant bien que mal de se protéger de ses bras, de parer avec son sabre ; mais il finit par ployer, puis mettre un genou à terre pour enfin s'écrouler inconscient sous le torrent d'orbes de foudre. Akihito le délesta de son sabre avant de se tourner vers Yliria. Il pouvait sans mal voir sa surprise.

« Je peux encore en tirer des dizaines de salves, alors tant que je me limite à ca mes réserves ne sont pas un souci. »

Yliria lui jeta un regard incrédule, doutant presque de ses paroles. Après tout, c'était dasn les faits une aberration d'outrepasser les limites fluidiques aussi violemment. Ce qu'elle n'avait probablement pas noté c'était que ses orbes n'étaient pas au niveau des autres sorts, mais compensaient leur manque de puissance par leur cadence. Leur route reprise, ils arrivèrent enfin à l'énorme grotte qui servaient de petit port et où mouillaient plusieurs barques. Il restait encore un grand nombre d'individus, au moins une vingtaine. Et si l'enchanteur ne doutait pas de leurs capacités à tous les vaincre, c'était un scénario qui ne lui plaisait guère : dans cet espace bien trop ouvert, sa mère était une cible bien plus facile, et leur nombre n'allait pas les laisser indemnes. Yliria partageait visiblement ses pensées.

« Je serai d'avis de partir au plus vite...

- Ca me va. Mais il va falloir s'assurer qu'ils ne tentent rien non plus. »

Et justement, les trois archers et l'arbalétrier qu'il surveillait du coin de l'œil firent finalement feu, se pensant à l'abri. La Magnétisation balistique recouvrit son petit groupe comme un dôme invisible saturé d'une odeur métallique et lorsque les quatre projectiles filèrent vers eux, ils s'arrêtèrent brusquement à quelques dizaines de centimètres de leur peau. Ils se renversèrent brusquement avant de repartir tout aussi vite vers leurs propriétaires qui se mirent à couvert dans des cris apeurés.

Akihito tapota de l'index le badge des Messagers a son manteau, libérant un de ses derniers sorts stockés. La caverne faisait facilement dans les vingt ou trente mètres de haut, ce qui était suffisant pour laisser son nuage d'orage s'étendre au plafond. Les petites particules de nuages qui s'échappaient du badge se conclurent par une petite sphère de foudre qui alluma un tonnerre roulant. L'endroit étant ce qu'il était, le grondement résonna contre les parois rocheuses et finit de faire perdre toute envie de combat aux sbires restant qui se dispersèrent. Là plupart partirent en ramant avec force pour s'extirper de la caverne tandis que d'autres préférèrent se cacher là où ils le pouvaient.

« Ça devrait les calmer pendant un moment, alors profitons-en. »

Il mena leur marche d'un pas énergique et chercha du regard une embarcation à même de les sortir de là. Il ne voyait que de petits bateaux, des canots et autres barques. Certaines disposaient de voiles, mais Akihito étaient bien incapable de la manier correctement. Ils allaient donc devoir ramer...

« E-eh ! »

Une voix familière l'interpella et il se retourna vers elle, la main crépitante d'éclairs. Son visage grave se peignit de la surprise en découvrant l'identité de la personne qui se tenait à quelques mètres devant lui, les jambes tremblantes.

« Fred ?! Mais par Valyus tout-puissant qu'est-ce que tu fous ici ?

- Je suis descendu du bateau un peu a-après vous, m'sieur. C'que vous m'avez dit à propos de quitter l'équipage, trouver mieux... Ça m'a fait réfléchir. Alors, j'me suis dis... que si par hasard, vous vous en sortiez vivants... Je m'enfuirai avec vous, ahah... Si vous voulez bien de moi... Et..

- Fred, le coupa le fulguromancien, si on t'aide t'es capable de faire avancer ce truc à voile là ?

- Euh ? La pinasse ? Je devrai pouvoir y arriver tant qu'on ne fait que longer la côte...

- C'est parfait, on embarque ! »

Rapidement, la petite troupe s'embarqua dans la dénommée pinasse et force était de constater qu'en l'absence de vent dans une grotte, ils allaient devoir ramer. Aussi bien Fred que lui se munirent de rames et une fois les deux femmes installées, commencèrent lentement à quitter le pont. Le jeune homme ne savais pas se servir de rames, mais il put prendre exemple sur l'ex mousse de Kisp. Son imitation était loin d'être parfaite, mais suffisait à faire avancer l'embarcation.

« Akihito, qu'est-ce que tu comptes faire par la suite ? Je... Je te dois la vie, j'aimerais t'aider en retour.

- Sans vouloir te vexer, humpf, Yliria, humpf, je préférerai que tu surveilles nos alentours, répondit Akihito en ramant avec vigueur. On n’est pas encore tiré d'affaires, humpf, on en parlera plus tard. »

C'était loin d'être la réponse la plus aimable, il le savait bien. Mais ils étaient si près du but que relâcher sa vigilance ne serait-ce qu'une seconde pouvait mener au désastre, surtout sur un bateau au milieu de l'eau.

(Il va quand même falloir que tu réfléchisses.)

(À part me raccompagner à Oranan, je vois mal ce qu'elle pourrait faire de plus pour m'aider. Pour l'instant, tout ce que je veux, c'est mettre maman en sécurité.)

(Et tu n'as jamais pensé à lui demander ce qu'elle faisait en Nirtim ?)

Cela eut pour effet d'interrompre l'effort d’Akihito un instant. C'était vrai, que faisait-elle ici à la base ? Échapper à Kisp ? Non, sinon elle ne se serait pas fait attraper aussi facilement et ne se serait pas balader dans l'auberge de Bouhen aussi impunément. Penser à tout ça était quand même quelque chose qui pouvait attendre et il se concentra sur les gestes de ses bras qui faisait avancer le bateau. Petit à petit, la lumière du jour éclaira peu à peu le monde et ce fut un soleil à son zénith qui baigna de sa douce chaleur Akihito et ses compagnons. La houle se fit légèrement plus forte, ce qui força le jeune homme à se concentrer un peu plus sur sa tâche. Un effort vain car la voix inquiète d'Hitomi monta sans qu'il s'y attende.

« Tu risques de tomber !

- Non je ne risque rien, ne vous en faites pas. »

Du coin de l'oeil, il vit Yliria se surélever en se mettant debout sur le banc. Et malgré le tangage du bateau, cela ne sembla pas l'affecter le moins du monde. Au-dessus de ses mains, une sphère de feu se forma puis partit loin dans les airs. Un obus magique que reconnu sans mal Akihito. S'il ne vit pas la cible de la pyromancienne, il entendit en revanche très bien le bruit de l'impact, du bois qui se brise et se calcine en même temps, et les cris apeurés des sbires de Kisp qui avaient, semble-t-il, eu pour projet de les intercepter en mer.

(Fiou. Eh bah, elle rigole pas la petite.)

(C'était si impressionnant que ça ? J'ai rien vu.)

(Pas autant que ce que tu es capable de faire, mais elle en a sous le pied.)

S'amusant d'une des curieuses expressions de sa Faëra, Akihito continua à ramer. Fred semblait lui peiner de plus en plus, son expérience ayant fini de compenser l'endurance de l'enchanteur. Et ce fut de nouveau Yliria qui perturba le fil des pensées d’Akihito, quand elle invita le marin à lui laisser sa place. La jeune fille était athlétique, certes, mais il y avait un monde entre jouir d'une force proportionnelle à sa taille et la force pure. Yliria pouvait sans doute mettre à l'amende toutes les personnes de sa corpulence au bras de fer, mais il était là question de ramer pendant de longues minutes.

Mais il avait néanmoins cerné un peu le caractère de la jeune fille, pendant les quelques jours qu'ils avaient passés ensemble : elle était têtue. Et si elle décidait de ramer, alors elle ramerait. C'est pour ça qu'il ne fit aucune remarque mais continua de garder un oeil sur elle, dans le cas où. Si elle souffrit de l'exercice, elle n'en laissa rien transparaître tout le long jusqu'à ce que Fred annonce que la voile attrapait suffisamment de vent pour que les rames deviennent inutiles.

« Où vous voulez qu'on aille M'sieur ?

- Naviguons encore un petit moment et trouvons une crique où nous reposer, proposa l'enchanteur en étirant ses épaules douloureuses. Tu sais à quelle distance nous sommes de Bouhen ou de la ville la plus proche ?

- Les gars sur le navire disaient que c'était à une journée de navigation de la planque du patr... De Kisp. Alors avec ça, on devrait mettre une demi-journée de plus si tout va bien. »

Il acquiesça avant de rejoindre sa mère, dans la petite cabine qui composait le seul abri de l'embarcation. Malgré les mouvements, elle avait réussi à s'endormir, ou plutôt tomber de fatigue. Akihito passa le reste du voyage à ses côtés, l'enlaçant d'un bras protecteur.
L'après-midi était bien entamée quand Fred accosta dans une petite baie comme il y en avait des dizaines sur cette côte. Une petite plage de sable blanc et un petit bosquet adossée à une falaise abrupte, voilà tout ce qui constituait leur refuge. En mettant pied à terre, Akihito sentit tout d'un coup toute la tension et la fatigue lui retomber dessus, après des heures à scruter l'océan depuis la cabine à la recherche de la moindre voile trahissant un navire ennemi. Un bivouac fut rapidement improvisé entre le bosquet et la plage et Akihito se retrouva seul à seul avec sa mère. Fred bricolait il ne savait quoi sur le bateau et Yliria s'était éclipsée dans la végétation. Mère et fils restèrent un long moment côte à côte, sans rien dire, devant un petit feu qu'ils avaient allumés pour se réchauffer et cuire les maigres provisions que Fred avait emmené avec lui. Puis arriva finalement la discussion que l'enchanteur redoutait.

« Akihito...

- Oui ?

- ... Il… Est parti, c'est ça ? Ton père.

- ... Oui... Je... »

De discussion, il n'y en eu pas vraiment en fin de compte. Les mots restèrent bloquer dans la gorge d’Akihito et tout ce qu'il refoulait, tout ce qu'il encaissait sans broncher depuis l'embrigadement forcé de Kisp, tout se libéra. D'abord un flux ténu, qui s'intensifia pour devenir un torrent furieux. Il craqua. Laissa libre court à la tristesse si longuement retenue. Ses épaules commencèrent à tressauter. Sa voix s'érailla alors qu'il répétait de plus en plus difficilement qu'il était désolé, qu'il aurait dû être là, que s'il était rentré un tout petit peu plus tôt, alors peut être que...
De traces humides en rivières salées, les yeux de l'Ynorien devinrent rouges par les larmes. Sa mère ne dit rien non plus, se contentant de serrer un peu son fils contre lui. Dans une étreinte fébrile secouée par les sanglots du jeune homme. Pour partager son chagrin. Le temps du deuil était venu...

Et Akihito venait enfin de perdre son père.

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Akihito
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Re: La Côte de la Baie des Grottes

Message par Akihito » ven. 8 janv. 2021 22:49

Dans le chapitre précédent...

Troisième Arc : Encre de feu, Ancre de sang.

Chapitre XI : Le calme après la tempête.

Alors que lentement, Akihito reprenait le contrôle de son souffle, un bruit se fit entendre dans son dos. Il se retourna et aperçu Yliria qui les regardait avant de baisser les yeux d'un air coupable. À son tour, elle s'excusa avant d'aller se réfugier dans l'unique tente dressée, la sienne. Si Akihito comprit sans mal ce qu’elle voulait dire, ce n'était pas le cas de sa mère.

« Akihito, qui est-elle ? Pourquoi est-ce qu'elle s'excuse ? »

Le jeune homme s'essuya les yeux du dos de la main, calma les tressautements de sa voix et commença à lui expliquer.

« Elle s'appelle Yliria, comme tu l'as sans doute deviné. Elle était responsable des brûlures sur le visage de Kisp, alors il l'a traquée. C'est elle qu'il voulait que papa retrouve. Et quand je suis arrivé... Il m'a proposé d'échanger ta vie contre la sienne en aidant ses larbins à la capturer. Quelque part, elle est à l'origine de notre implication dans toute cette histoire, alors elle se sent responsable...

- Pauvre enfant... »

Comme il s'y attendait, Hitomi ne semblait absolument pas en vouloir à la jeune fille. Comme lui, elle estimait que ce n'était pas de sa propre volonté si ils avaient été entraînés là-dedans, et qu'elle était plus une victime qu'autre chose.

« Va la voir.

- Mais...

- Je vais bien, ne t'en fais pas. J'ai juste besoin d'être un peu seule maintenant, et cette jeune fille a au contraire besoin qu'on l'aide. Allez, vas-y.

- Je... D'accord. »

Lentement, Akihito se leva, s'épousseta du sable qui collait à ses habits et se dirigea vers la tente d'Yliria. Doucement, il tapota contre la toile.

« Eh Yliria, tu n'as pas à t'en vouloir, tu sais...

- C'est ma faute si Kisp s'en est pris à ta mère, ma faute qu'il t'ait embarqué là-dedans, ma faute s'il a... Tué ton père. Tout est ma faute ! Si seulement... Si seulement j'avais été moins naïve... »

Son visage passa à travers les pans de la tente mais une nouvelle fois, elle détourna le regard. Elle se sentait réellement coupable, et c'était d'autant plus évident à mesure que ses épaules tremblaient de plus en plus à cause des sanglots.

« Si je pouvais revenir en arrière, ta famille n'aurait pas eu à subir tout ça... Je suis... Quoi que vous décidiez... Je vous laisserai faire... »

Akihito hésita un instant, puis décida de laisser son instinct le guider.

(Ça marche avec moi, ça a marché avec 'Theli, alors peut être que ça va fonctionner avec elle.)

Lentement, il posa ses mains sur les épaules de la jeune fille et l'attira à lui. Il passa sa main dans son dos en un geste qui se voulait réconfortant. Puis, comme sur le bateau après le terrible incident qui les avait rapprochés, il prit sa voix la plus douce.

« Que Kisp s'en soit pris à ma famille pour te retrouver, ce n'était pas ton choix. Ce qui l'a été, c'est de m'aider à sauver ma mère et sans toi, ca n'aurait sûrement pas été possible. Alors... Merci, Yliria. Du fond du coeur, merci. »

Comme lui quelques instants plus tôt, Yliria craqua et fondit en larmes. Elle s'agrippa à lui avec force comme si sa vie en dépendait. Akihito n'avait pas prévu ça et se retrouva un temps désarçonné par cette situation . Il finit tout simplement par la serrer un peu plus contre lui en prodiguant un flot ininterrompu de paroles réconfortantes. Sa chemise et son épaule étaient trempées depuis bien longtemps quand elle put enfin, à grands renforts de reniflements, aligner plusieurs mots sans fondre de nouveau en larmes.

« Merci... De m'avoir sauvé. Merci de... D'avoir été là et de... D'être le seul à... Avoir été humain. »

Il ne dit rien. Que pouvait-il répondre à ca de toute façon ? Il se contenta de continuer à patiemment réconforter la jeune fille jusqu'à ce que ses tremblements disparaissent et que seuls ses yeux rougis soient la preuve de sa détresse passée. Il s'écarta enfin d'elle et lui offrit un sourire sincère, le premier depuis des jours et des jours.

« Allez, viens nous rejoindre. On ne va pas s'attarder et se coucher tôt, mais remplis toi un peu l'estomac avec un peu de compagnie. Tu verras, ça fera du bien. »

Elle accepta sa main dans un timide sourire avant de le suivre jusqu'au feu. Cependant, c'était peut-être encore un peu tôt pour qu'elle s'ouvre à eux. Elle s'assit à l'autre extrémité du feu, les bras autour des genoux. Elle tenta d'entamer une discussion avec Fred en lui proposant son aide, mais il refusa poliment dans un sourire alors qu'il commençait à préparer dans une petite marmite en fonte un ragoût de légumes et de morceaux de viande séchée. Elle se tourna donc vers Hitomi.

« Vous... Vos bleus vont mieux ? J'ai fait ça un peu dans l'urgence, si vous avez toujours mal je peux vous soigner. 'fin si vous voulez...

- C'est gentil à toi de t'en faire pour moi Yliria, mais je vais bien, répondit avec un sourire maternel la femme. Mes bleus n'étaient que superficiels. Par contre, si tu peux t'occuper d’Akihito... Il est blessé à la jambe mais têtu comme il est, il n'a rien dit.

- M-maman ? Comment tu-

- Comme si tu pouvais cacher quoi que ce soit à ta mère. Allez, laisse un peu de place à Yliria. »

L'enchanteur capitula devant la clairvoyance de sa mère et se décala d'elle, en suivant le geste de sa main. Yliria hésita un peu avant de finalement venir s'installer entre eux d'eux. Lorsqu'elle tourna le dos à Hitomi, Akihito vit les yeux de l'ynorienne s'allumer alors que la jeune fille lui tournait le dos. Ses mains s'approchèrent de sa tête... De son cou... Puis se saisirent doucement des cheveux désorganisés de la semi-shaakte. Un sourire amusé et une fausse voix réprobatrice.

« Jeune fille, vous avez beau être une guerrière, une femme se doit de prendre soin de ses cheveux. Surtout quand ils sont aussi beaux. »

Akihito vit les yeux surpris et l'air interdit se peindre sur le visage d'Yliria, ne sachant pas comment réagir. Il vit aussi le rouge monter à ses joues et ne put s'empêcher d'éclater de rire. Cela faisait du bien depuis tout ce temps, et il reprit de plus belle quand la semi-shaakte lui jeta un regard outré qu'il se moque d'elle. Son rire se mua en sifflement de douleur étranglé par ses quintes d'hilarité. Yliria appuyait un peu plus que nécessaire sur la blessure laissée par une hache sur sa cuisse, mais il ne releva pas. C'était de bonne guerre, après tout. Elle finit par le soigner quand même, avant de se retrouver toute gênée par l'intention qu'on lui accordait.

« Je.. Euh... Ce sont juste des cheveux... J'ai pas le temps de m'en occuper... Puis je sais pas faire de toute façon.

- Eh bien il n'est jamais trop tard pour apprendre. »

Patiemment, Hitomi lui expliqua comment réaliser une tresse avec ses cheveux et les attacher avec un lien de cuir. Et si elle semblait réticente à l'idée, elle finit néanmoins par y montrer un certain intérêt en écoutant les conseils de l'Ynorienne.

« A une époque, mon mari avait les cheveux longs lui aussi. Et c'était un Samouraï, donc il se battait plus souvent que je l’aurais voulu. Mais il s'attachait les cheveux en un chignon pour éviter que ses cheveux tombent devant ses yeux. Je vois que tu as un serre-tête, mais le désavantage c'est que... »

Comme à son habitude une fois lancée sa mère était difficilement arrêtable. Yliria continuait cependant d'y montrer de l'intérêt, ce qui était pour elle un signe pour qu'elle continue. Akihito les laissa à leur discussion et s'approcha de Fred, avec qui il n'avait pas eu de réelle conversation depuis leur départ.

« Merci pour ton aide, Fred. Sans toi, on aurait eu un mal fou à s'extirper de là.

- Oh.. C'est, ce n’est rien vous savez m'sieur Akihito. Vous m'avez aussi aidé à prendre ma décision de partir de cet équipage de cinglés, alors quelque part... On est quitte ?

- Si tu le vois comme ça... Tu tiens toujours à vivre sur la mer ? demanda Akihito avant de sourire devant son hochement de tête affirmé. Dans ce cas, quand on aura atteint le port de Bouhen, attends là-bas un bateau appelé "La Slive". Dis que tu viens de ma part et le capitaine acceptera certainement de te prendre à son bord. C'est un équipage solide et fiable, je suis sûr que tu t'y plairas. »

Fred fut enchanté par la nouvelle et remercia bien plus qu'il ne le fallait. Le repas arriva juste ensuite et Akihito observa avec étonnement que les deux femmes discutaient toujours. De quoi, il ne savait pas, mais il préféra les laisser parler ensemble. Il raconta pour sa part à Fred les quelques semaines passées à bord de la Slive avant d'aller se poster un peu plus loin sur la plage. Il tenait à surveiller que personne ne vienne perturber leur nuit et surtout pas la première de liberté de sa mère.

(Tout est bien qui finit bien, n'est ce pas ?)

(Oui... Ca aurait pu déraper tellement de fois, que je ne souhaite pas vraiment en faire le compte.)

(Yliria a été d'une grande aide, il faut dire.)

(C'est vrai, reconnu l'enchanteur. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle soit si forte. Même moi je ne suis pas sûr de gagner en duel contre elle.)

(Sa magie est moins puissante, mais elle se débrouille bien mieux que toi au corps-à-corps. Et ses fluides de lumière lui donnent une grande endurance.)

(La duelliste ultime. L'affronter en combat singulier doit être une horreur.)

La discussion continua jusqu'à ce que des bruits de pas se fassent entendre dans le sable derrière lui. D'un regard, il aperçut une jeune fille coiffée d'une tresse tombant sur son épaule, et dont l'unique mèche noire tranchait agréablement sur les enchevêtrements réguliers nacrés.

« Ça te va bien, je trouve. » complimenta Akihito pour accueillir la jeune fille éclairée par la lune.

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Re: La Côte de la Baie des Grottes

Message par Akihito » ven. 8 janv. 2021 22:50

Dans le chapitre précédent...

Troisième Arc : Encre de feu, Ancre de sang.

Chapitre XII : Futur au clair de la lune.

« Euh.. je... tu.. enfin.. merci.. »

Yliria semblait plutôt nerveuse, et Akihito jugea qu'elle n'était tout simplement pas habituée à se faire complimenter.

« Ta mère était très enthousiaste... J'avais l'impression d'être une poupée, elle ne m'a pas vraiment laissé le choix. Elle voudrait même recommencer, visiblement...

- Sûrement parce qu'elle n'a jamais pu faire ça avec qui que ce soit, je suis son unique enfant. Et... C'est ça façon à elle d'oublier son chagrin. Toujours mettre les autres avant elle.

- Et maintenant ? On vogue vers Bouhen c'est ça ? Tu as un endroit où rentrer ?

- Je souhaite mettre ma mère en sécurité. J'ai des amis dans ma ville d'Oranan, ils pourront s'occuper d'elle. Moi, je ne sais pas ce que le destin me réserve alors je préfère la savoir avec des personnes qui sauront la protéger. »

Maintenant que tout était fini, il pensait à ceux qu'il avait laissé derrière. Frans bien sûr, mais surtout Anthelia. Elle devait se faire un sang d'encre, ce qui était un comble pour une tatoueuse. À moins qu'elle ne soit déjà à sa recherche et en train de retourner tout le continent à sa recherche pour lui dire le fond de sa pensée.

« Et toi ? Je ne t'ai pas demandé ce qui tu faisais en Nirtim. Tu as un endroit où aller ?

- Non, pas vraiment. J'ai peut-être un contact à Luminion, mais c'est loin, vraiment loin. À la base j'étais venue parce que Kisp cherchait un objet pour contrer ma magie de feu et je voulais le dénicher avant lui, mais maintenant qu'il est mort je ne sais pas trop, expliqua la jeune fille de manière évasive en s'asseyant à côté de lui. Peut-être que je vais retourner à Tulorim, chercher cette relique n'a plus trop d'intérêt et mon seul indice s'est envolé quand j'ai dû m'enfuir. Je doute que traîner seule dans cette partie du monde soit une bonne idée de toute façon, dit-elle avant de pousser un soupir. J'imagine que je vais aviser le moment venu. J'ai l'habitude.

- En attendant, tu peux rester avec nous. Les Shaaktes dans le coin, c'est assez compliqué, surtout qu'Oaxaca est particulièrement active alors la milice est sur les dents. Mais parle moi un peu de cet objet, comme tu peux le voir, je suis assez doué pour retrouver les trucs perdus depuis des décennies.

- Je... Vais y réfléchir. Sinon concernant l'objet, c'est une tunique qui appartenait à Tali'Zorah... Une fulguromancienne qui avait une dent contre les Sangs-Pourpre. Apparemment sa tenue l'immunisait au feu, d'où le fait que Kisp veuille mettre la main dessus. Je sais de source sûre qu'elle est dans la côte de la baie des grottes, mais apparemment c'est difficile à voir et encore plus difficile d'accès. Son bateau serait entre des récifs et des falaises abruptes, dans une crique. »

Tali'Zorah… Ce nom lui disait quelque chose, assurément. Et alors qu’il avait un peu de mal à se rappeler, sûrement à cause de la fatigue qu’il ressentait, Amy lui vint en aide.

(La sang pourpre dont tu voulais trouver la dépouille avec Vadokan et le capitaine Hertann.)

« Oh ! Oui ça me revient. Il y a quelques mois, je voulais moi aussi me mettre à la recherche de l'épave de Tali'Zorah ! Mais mes compagnons de l'époque ont disparu sans donner de nouvelles alors j'avais abandonné.

- Vraiment ? Je ne pensais pas son histoire aussi connue... Tu cherchais quelque chose en particulier ?

- Connue je n'irais pas jusque-là, je l'ai apprise uniquement par hasard en croisant un des anciens membres de son équipage, qui cuvait sa peine dans l'alcool. Et je ne cherchais rien de particulier ; c'était une fulguromancienne, alors elle devait bien avoir un ou deux objets qui pourrait m'intéresser. C'est surtout son histoire qui a attiré mon attention...

- C'est possible... Je me suis juste intéressée à sa tunique, je ne pourrais pas t'aider à ce sujet... »

Yliria finit par ne plus rien dire, et prit place à ses côtés. Ses mains, pour s'occuper, rassemblèrent une petite montagne de sable.

« Je pense que je vais quand même la chercher. Ça me changera les idées de faire une chasse au trésor. Je vous accompagne jusqu'à Bouhen, puis je me débrouillerai. Je suis pas vraiment la bienvenue là-bas de toute façon.

- Mmh... Tu sais, te laisser toute seule sur un continent qui ne te réservera pas un accueil chaleureux ne me plaît pas vraiment.

- C'est gentil Akihito, mais tu devrais penser à ta mère avant tout. J'aurai bien fait un bout de route avec vous, mais cela risque de vous attirer des ennuis, dit-elle dans un timide sourire.

- Je pense aussi à elle. Tu sais, quand j'ai cherché à trouver l'épave de Tali'Zorah, j'ai dû trouver un moyen d'aller dans les profondeurs sans me noyer comme un abruti. J'ai trouvé une aeromancienne qui pouvait m'aider en échange d'un service. Bon... Ledit service m'a envoyé en Naora où j'ai failli y laisser ma peau, mais elle me doit toujours cette aide dont je n'ai finalement pas eu besoin. Alors si tu le souhaites, tu peux nous accompagner à Oranan. Avec moi, tu ne risqueras pas grand-chose, et ça te laissera au moins quelques jours de calme pour décider ce que tu veux faire. »

Il posa une main sur son épaule et lui sourit gentiment.

« Encore une fois si je peux tenir ma mère entre mes bras ce soir, c'est en partie grâce à toi. Alors c'est la moindre des choses. »

L’enchanteresse sembla hésiter. Il la laissa en paix, peser le pour et le contre de suivre une personne qui n’était plus un parfait étranger, mais qui était aussi celui qui avait failli la livrer à son ennemi juré. Et elle finit par se décider après avoir pris une profonde inspiration.

« D'accord, je viens avec vous jusqu'à Oranan, j'aviserai une fois sur place. Merci de... D'être aussi gentil.

- Il n'y a pas de quoi. C'est un juste retour des choses. Va dormir si tu veux, je vais monter la garde. Prends juste la peine de bien éteindre le feu, je n’aimerai pas que la lumière ou la fumée nous trahisse maintenant que la nuit commence à tomber.

- D'accord. Réveille-moi au moindre problème, j'ai le sommeil plutôt léger. Bonne nuit, Akihito.

- Repose toi bien. »

Alors qu'elle s'éloignait, la semi-shaakte fit soudain demi-tour pour déposer une petite bourse à côté de lui.

« J'ai récupéré ça sur Kisp et ses hommes. Cela ne suffira sans doute pas mais... Une sépulture c'est coûteux et j'ai pensé... Enfin voilà, fais en ce que tu veux. A demain. »

Il la regarda avec un air étrange dans les yeux. Elle remuait le couteau dans la plaie sans le vouloir, et il savait bien que c'était simplement une tentative maladroite de se faire pardonner de quelque chose qu'elle se reprochait toute seule.

Le jeune homme resta un moment à regarder l'horizon, perdu dans ses pensées et le petit vide laissé par l'accomplissement de sa vengeance. C'était fini. Et comme l'avait prévu Yliria, il ne se sentait pas aussi satisfait qu'il l'aurait voulu. Du coin de l'oeil il vit la silhouette de sa mère se lever, et il la rejoignit rapidement pour l'installer dans la petite cabine du bateau. Sa besace lui servit d'oreiller et elle s'emmitoufla dans sa couverture de voyage.

« C'est pas le grand luxe, mais c'est tout ce que je peux faire pour toi maman.

- Je sais Akihito et cesse de t'inquiéter, je ne suis pas en sucre. Une nuit comme ça ne va pas me tuer.

- D accord. Je.. Je suis content de t'avoir retrouvé maman.

- et je suis heureuse d'avoir un fils aussi dévoué. »

Elle lui offrit le sourire qu'elle appelait le "spécial fils", et qu'elle n'adressait qu'à lui. Il lui rendit et lui souhaite bonne nuit en l'embrassant sur le front.
L’enchanteur retourna à son poste contre le petit rocher, et veilla jusqu'au petit matin, avant qu'une visiteuse impromptue ne vienne perturber la monotonie de la mer sombre léchant les vagues.

« Mmmh... Oh, c'est toi... Alyah, si je me souviens bien ? Que veux tu ? demanda l'enchanteur en frottant des yeux lourds de sommeil.

- C'est bien ça, Akihito. Je voulais simplement te remercier. Je n'ai pas eu l'occasion de le faire avant, garder l'esprit d'Yliria au calme a été un travail de tous les instants ces derniers temps. Donc, merci. Merci de l'avoir sauvé de ces enfoirés, merci de lui avoir permis de s'en sortir et de régler ses comptes avec Kisp. Et merci de lui tendre la main comme tu l'as fait. Tu as sans doute remarqué sa gêne et sa surprise, elle n'est pas très habituée à ce genre de geste venant d'inconnus et son état d'esprit du moment n'a certainement pas aidé à voir les choses différemment. J'ai même peur d'avoir perdu des mois entiers de progrès avec cette histoire... Je ne te demanderai pas de prendre soin d'elle, ça c'est mon boulot, mais j'aimerais simplement que tu sois patient avec elle. Elle a son caractère de cochon, est plus têtue qu'une mule et d'une timidité maladive, mais elle s'ouvrira si tu lui laisse une chance... Et un peu de temps.

- Oh... euh, et bien... »

C’était désormais à lui de chercher ses mots, pas vraiment à l'aise avec ce genre de remerciements.

« Ce n’est pas la peine de me remercier. Comme je l'ai déjà dit à Yliria, c'est grâce à elle que tout à bien pu se passer. Du peu que j'ai vu de la personnalité de Kisp, il serait passé menacer mon père tôt ou tard. Elle n'a fait que précipiter les choses. Tant qu'elle voudra de mon aide, je lui offrirai volontiers. Bon, je l'ai un peu forcée pour les prochains jours, mais une fois à Oranan je ne l'inciterai plus à rien, promis.

- Je te remercie pour lui avoir sauvé la vie et sa ... Disons sa dignité. Kisp ou un autre, ce n'est pas le sujet. Tu lui a sauvé la vie, et je t'en remercie, alors accepte ça et laissons le sujet clos. Quant à Oranan...

- Sa dignité.. Oui, laissons tout ça clos. »

Il sourit en même temps que la petite Faëra, qui affirmait que malgré ce qu’elle pouvait bien montrer, elle appréciait réellement Akihito. Sinon, jamais elle n’aurait si facilement accepter de le suivre : la semi-shaakte avait de bonnes raisons d’être méfiante.

« C'est vrai qu'elle a rapidement changé d'avis. Une bonne nouvelle alors. Je compte sur toi pour lui souffler qu'elle n'a pas à hésiter à demander quoi que ce soit.

- Non, tu peux le faire toi-même si tu es sincère à ce propos, et je sais que tu l'es. Bonne nuit Akihito. Et merci, du fond du cœur.

- La nuit, dit-il en baillant et en s'étirant, fini dans une petite heure tu sais. Espérons qu'elle aura permis à Yliria de bien se reposer, je vais piquer un petit somme quand on reprendra la mer. »

Il décrocha un rire espiègle à la Faëra qui disparut dans la clarté du jour naissant, laissant l’enchanteur terminer, tranquillement, sa garde.

Peu de temps après que la flamboyante Faëra soit partie, Yliria émergea de sa tente. Sous les premières lueurs de l'aube, il la regarda s'étirer, vêtu de son armure complète de métal rougeoyant. Akihito se demandait déjà bien pourquoi elle était dans cette tenue, mais il eut d'autant plus d'interrogations quand il la vit se mettre à faire des exercices musculaires. Pompes, travail pour les abdominaux, différents exercices de souplesses qui firent douter Akihito sur la réelle présence d'une colonne vertébrale chez la semi-shaakte.

(Elle s'entraîne juste, gros balourd.)

(Mmmh... Ca explique pourquoi son corps est aussi musclé et athlétique.)

(Tu devrais t'y mettre toi aussi, T aurais pas pris un peu des cuisses récemment ?)

(Avec ce que j'ai mangé sur le bateau ? Tu plaisantes !) S'insurgea le jeune homme. Ils se chamaillèrent un moment avant qu'un curieux événement n'attire l'attention de l'enchanteur. La jeune fille, alors qu'elle continuait à faire ses entraînements, était enveloppée d'un léger scintillement. Ce qui avait tout l'air d'être de la magie de lumière, selon lui. Une sorte de renforcement musculaire peut-être ?

(... Ca expliquerait aussi sa série de 150 pompes en armure.)

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Re: La Côte de la Baie des Grottes

Message par Akihito » ven. 8 janv. 2021 22:51

Dans le chapitre précédent...

Troisième Arc : Encre de feu, Ancre de sang.

Chapitre XIII : Sables d’entrainements.

Ayant visiblement fini avec ses divers exercices, Yliria se rapprocha de sa tente et se munit de son bouclier et de son arme, toujours aussi étranges à ses yeux. Un entraînement plus militaire s'enclencha alors, et il put observer avec une certaine admiration les mouvements gracieux et précis qui s'enchaînaient, taillant et perçants moult adversaires invisibles dans une chorégraphie impressionnante. Et si les renforcements musculaires n'étaient pas sa tasse de thé -et quoi que pouvait dire Amy, il était très satisfait de comment était bâti son corps- il était en revanche bien plus intéressé par un entraînement dans ce goût-là.

Akihito se leva, étira ses muscles endoloris par la position inconfortable de garde-adossé-à-un-rocher-toute-une-nuit et si dirigea tranquillement vers la jeune fille. Trop prise par son entraînement, elle ne fit pas attention à son arrivée et il crut la voir sursauter lorsqu'il l'interpella.

« Tu es bien matinale Yliria. Bien dormie ?

- Désolée pour ça... Je ne t'avais pas entendu, s’excusa la bretteuse après avoir fait un volteface dans une posture guerrière, surprise. Bien dormi... je dirais pas ça, non. Et toi ? Cela fait longtemps que tu... es là ?

- Tu as mal dormi ? Eh bien, je suppose que les conditions n'étaient pas terribles pour passer une bonne nuit de sommeil. La plage, tout ça... répondit le jeune homme avec une moue contrit. Et je suis resté là toute la nuit, alors j'ai eu tout le temps de voir ton entraînement. Très impressionnant, par ailleurs.

- Des cauchemars plus que la plage. Rien de vraiment surprenant.

- Si c'est des cauchemars, j'aurais peut-être un ou deux conseils quand tu auras le temps. Un vieux truc de quand j'étais gamin... »

Elle le remercia ensuite en rougissant pour son compliment, ce qui était particulièrement saisissant avec les reflets de l’aube sur sa peau mate. Et alors qu'elle restait muette après avoir affirmé son besoin de se défouler avec son entraînement comme son mentor lui avait appris... Il se pencha en avant pour rencontrer les yeux de la jeune fille qui semblait trouver subitement le sable très captivant.

« Tu veux qu'on s'entraîne un peu ensemble ? Bon, je suis loin d'avoir ton niveau d'escrime, mais j'ose espérer être meilleur qu'un adversaire imaginaire !

- Euh...Tu es sûr ? C'est vrai que d'habitude je ne m'entraîne pas seule, mais je... 'fin je voudrais pas que tu sois blessé.

- Eh, je suis peut-être meilleur mage qu'épéiste, mais ça ne va pas m'empêcher de te donner du fil à retordre ! »

Dans un sourire, Akihito se débarrassa de son marteau et du reste de ses affaires pour s'alléger un maximum. Il attrapa la Kizoku mais au lieu de la dégainer, pris le fourreau avec pour garder la lame protégée. Cela rendait l'arme un peu plus lourde que d'habitude, mais surtout bien moins létale. Enfin, pour motiver la jeune fille, il se permit une petite provocation avec un sourire cette fois narquois.

« A moins que tu ais peur d'affronter le puissant Akihito ?

- D'accord. Mais pas de magie, peu importe la forme. Ne bougez pas je reviens. »

Yliria entra dans son jeu malgré un retour du vouvoiement un peu étrange et après s'être elle aussi équipée pour ne pas le blesser, elle l'attaqua sans crier gare. Un coup d'estoc à la hanche, que Akihito trouvait bien trop annoncé pour être la véritable cible de l'assaut. Il fit un pas en arrière et bien lui en prit, car la pointe du fourreau effleura tout juste sa cuisse gauche. Première attaque et déjà une feinte ? Akihito comprit rapidement qu’il avait à faire à une adversaire retorse. Profitant de sa jambe d'appel droite encore en avant, il tente à son tour de frapper, mais le petit bouclier remplit son office et dévia sans mal son coup.

(Tsss. Match nul sur la première passe d'arme.)

(Akihito, fight !) Encouragea avec un certain amusement sa Faëra.

Il devait imposer son rythme, s'il souhaitait avoir une chance. Il se lança donc dans une succession d'attaques rapides avec sa technique des Cent lames dans le but de la mettre sur la défensive. Akihito se doutait bien qu'une technique comme la sienne était répandue. En revanche, il ne s'attendait pas à ce qu'Yliria l'utilise pour neutraliser la sienne. Une application intéressante à laquelle il n'avait jamais pensé. Commençant à s'exciter par le combat malgré la fatigue, il décida de tricher un peu en utilisant ses bottes. C'était un effet magique, certes, mais pas issu de ses fluides donc ca allait, non ? À la fin de l'enchaînement, il prit un profond appui au sol et en deux pas, surprit la bretteuse par sa vitesse en se retrouvant sur sa droite. Dans un geste descendant, il chercha à fouetter de son fourreau les hanches et le dos de sa partenaire d'entraînement.

(Fouetter son dos..?)

Au dernier moment, il modifia légèrement sa prise sur le sabre et se focalisa sur son flanc. Le coup toucha, mais avec une rapide roulade Yliria encaissa une bonne partie du choc. C'était tout au plus un peu douloureux pour elle, mais elle semblait prête à en découdre. Son bouclier en avant, lame pointée vers le sol derrière sa jambe, elle commença une curieuse chorégraphie qui faisait bouger ses bras en suivant des orbites très difficiles à anticiper, mais pourtant parfaitement synchronisées. Il l'avait vu la performer contre son adversaire invisible, mais l'avoir en face de soi était bien plus intimidant. Une rapide succession de coups s'abattit sur lui : l'allonge de la Kizoku lui donna d’abord un avantage, mais rapidement elle réduisit la distance et un premier coup de la tronche du bouclier secoua son bras. L'ouverture dans sa garde ne manqua pas à la jeune fille qui enfonça douloureusement son arme dans son ventre, près de ses côtes. Il grogna de douleur et décida d'employer sa carte maîtresse, à savoir la furie de Rana. À l'instar des Cent lames, la furie ne suivait pas une suite d'enchaînements précis : c'était la simple capacité de frapper comme le vent, et la rapière et le bouclier chitineux en prirent connaissance rapidement. Deux coups pour ébranler la garde, deux autres pour la faire sauter, et enfin deux derniers pour se défaire de l'adversaire. Sur le papier, c'était une bonne tactique. Mais contre Yliria...

L’assaut eu l'effet escompté, mais la dernière attaque, un coup de taille qui devait venir frapper ses côtes de nouveau, ne rencontra que le vide. Les yeux d’Akihito s'agrandir alors qu’il vit Yliria se pencher avec une souplesse déconcertante pour esquiver la lame. Cette seconde de distraction lui fut fatale, car elle disparut soudainement de son champ de vision. Pas fou, il se douta bien qu'elle était dans son dos mais n'eut simplement pas le temps de se retourner. Un premier coup le frappa juste sous l'omoplate et engourdit tout son bras d'arme, avant qu'un second coup ne le frappe au milieu du dos. Empruntant la célérité de ses bottes, il chercha à se dégager de quelques mètres mais le sable ralentit considérablement son accélération. Lorsqu'il se retourna, Yliria était déjà sur lui. Venait-elle vraiment de prévoir sa retraite ? Il leva les mains en signe de défaite tandis que la pointe de la rapière chatouillait légèrement sa pomme d’Adam ; il n'avait même pas eu le temps de remonter sa garde à cause de son bras engourdit.

« J'ai perdu, avoua-t-il en riant. Je m'y attendais, mais pas de manière aussi écrasante. Tu es sacrément douée.

- Merci ! Faut dire que je m'entraîne presque tous les jours depuis un moment. Enfin tu n'es pas impotent, loin de là ! Ta dernière technique était impressionnante, je n'avais jamais rien vu de tel. Et honnêtement je pense que j’aurais bien plus de mal si tu pouvais utiliser pleinement ta magie contre moi, je suis loin d'être optimiste sur l'issue d'un tel combat s'il devait avoir lieu. Si tu veux on peut s'entraîner ensemble de temps en temps en allant à Oranan. Je fais ça tous les jours habituellement, mais un entraînement de ce genre vaut mieux que des coups portés dans le vide.

- J'ai surtout emprunté les pouvoirs de mes artefacts pour compenser l'écart avec ton escrime argua l'épéiste. Mais j'ai moi-même pris conscience de mes lacunes arme en main, ce qui est un comble pour un enchanteur. Alors oui, si je devais utiliser ma magie le résultat serait complètement différent. Mais si je devais me retrouver face à un adversaire insensible à la foudre... Ma puissance serait vraiment diminuée. »

Yliria le rassura à raison en invoquant le fait que, des personnes immunisées à sa foudre, ça ne devait pas courir les rues. Pour l’escrime, en revanche, rien ne valait la pratique ou un bon maître d’escrime. Ou les deux.

« Mmh, mais on ne sait jamais. Tu ne pensais sûrement pas que quelqu'un comme moi pourrait complètement neutraliser ta magie de feu, et pourtant... Honnêtement, je sais que mon talent se trouve dans la fulguromancie. Et que ce sera toujours ma principale arme. Mais je ne veux pas me retrouver impuissant si elle ne m'est d'aucune utilité.

- Je ne savais pas tenir une arme il y a deux ans. Avec un peu de volonté, tu seras redoutable même sans ta foudre.

- Si madame veut bien se donner la peine de m'enseigner, dit-il avec une courbette exagérée, je serai ravi de suivre ses leçons d'escrime. »

Un instant carrément surpris par le refus catégorique de la jeune fille, Akihito se détendit en entendant ses explications : elle ne se sentait tout simplement pas l’âme d’une professeure d’escrime.

« Je n'en demandais pas tant Yliria, c'était juste une façon exagérée de te proposer de continuer les jours prochains ce genre d'entraînement. Et je suis sûr que toi aussi, tu te sous-estimes : tu auras sans aucun doute un ou deux conseils à me fournir.

- Ah... Je... Je n’avais pas compris. Oui bien sûr, on peut continuer ! Des conseils... Ne pas fixer ton adversaire, mais balader tes yeux pour percevoir ses mouvements et réagir plus vite. Et aussi... essayer d'être sous-estimé. Je l’ai souvent constaté, mais quand in te sous-estime, les prendre au dépourvu fait souvent gagner.

- Ahah, avec mon gabarit et mon marteau, on me sous-estime rarement. Mais je prends bonne note. Je vais m'arrêter là pour aujourd'hui personnellement. La journée ne sera pas de tout repos, et ma nuit n'a pas été courte : je préfère garder mes forces au cas où les limiers de Kisp soient toujours à nos trousses. »

Yliria acquiesça et après un rapide salut, partit faire ses ablutions. Akihito, de son côté, se laissa tomber au sol. Il avait fait le fier devant la jeune fille, mais il était bien plus épuisé qu'il ne l'avait laissé croire. Ses coups avaient été violents en plus, ce qui n'avait pas amélioré sa fatigue. Il se repassa le duel dans sa tête, prit en compte les remarques de la bretteuse, et tenta de se refaire le combat. Malheureusement, ça ne semblait toujours pas suffisant pour la mettre en défaut lame à la main. Si son père avait été là, il l'aurait moqué de s'être fait rosser de la sorte.

A l'évocation mentale de son père, un soupir filtra entre ses lèvres. Avoir pleuré la veille lui avait fait énormément de bien, mais il restait encore une petite boule au fond de sa poitrine. Comme un poids qui, s'il s'habituerait à vivre avec, ne partirait probablement pas avant de longues années.

(La mort fait partie de la vie des mortels, Aki.. Si cela peut te rassurer, les autres Porteurs ont eux aussi eu à passer ce genre d'épreuves. Et ça n'a jamais été facile.)

(Je doute que ça soit facile pour qui que ce soit,) Répliqua amèrement l'enchanteur.

(Ce n'est pas ce que je voulais dire... Accepte simplement cette douleur. Tu ne peux rien n'y faire, désormais. Alors ne la laisse pas obscurcir ton jugement. N'oublie pas, mais ne te laisse pas entraver par ce qui appartient désormais au passé.)

Les paroles de la Faëra, s'il n'était pas sûr d'en saisir tout le sens, entrèrent en écho avec la vue qu'il avait devant les yeux. Celle de sa mère s'étirant sur le pont, baignée dans la lumière de l'aube. Se morfondre n'allait pas l'aider à protéger la seule parente qui lui restait. S'il avait commencé à pouvoir faire son deuil en la sauvant, il pourrait achever de le faire en la ramenant en sécurité. Il alla donc à sa rencontre.

« Bonjour, tu as pu bien dormir ?

- Oh, te voilà Akihito. J'ai connu des nuits plus confortables, mais elle a été bien plus reposantes que celles de ces deux dernières semaines.

- Les ronflements de Fred ne t'ont pas dérangé ? s'amusa le jeune homme en pointant du doigt le marin qui commençait lui aussi à lentement émerger après une nuit passée sur le pont du bateau.

- Penses-tu, j'étais bien trop épuisée pour entendre quoi que ce soit. »

Mère et fils discutèrent tranquillement en attendant que la semi-shaakte les rejoignent et que le marin se réveille complètement. Un frugal petit déjeuner plus tard, ils étaient déjà répartis sur la mer. Bouhen n'était apparemment plus très loin, ils devaient arriver d'ici la fin de l'après-midi. Sous l'ordre catégorique de sa mère et en baillant à s'en décrocher la mâchoire, il alla piquer un somme une fois que le vent se mit à gonfler la voile de leur embarcation. Avant de fermer les yeux, bercé par la mer, il capta le regard d'Yliria qui le fixait, un petit sourire en coin. Pourquoi ? Il n'en savait trop rien. Il se promit de lui demander au réveil, mais cette promesse se dilua instantanément dans le sommeil qui l'emporta peu après.

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