Le Mausolée des Valeureux

Répondre
Avatar du membre
Yuimen
Messages : 2483
Enregistré le : mar. 26 déc. 2017 19:17

Le Mausolée des Valeureux

Message par Yuimen » mer. 27 déc. 2017 16:43

Le Mausolée des Valeureux



Image


A juste quelques kilomètres des remparts de la ville se trouve, juste après le fleuve, le "Mausolée des Valeureux". Ce monument impressionnant, vestige de l'âge d'or passé du royaume, a été construit à l'initiative des citoyens de la région pour rendre hommage au légendaire roi Humanis Ier dit "Le Dévoué" qui, dit-on, fut à l'origine d'évolutions époustouflantes dans le social, la modernisation des routes, des villes et des armées, la diplomatie et la législation. Il jouissait aussi d'un charisme et d'une sagesse vivace et audacieuse qui finit d'accroître l'admiration et la reconnaissance du peuple entier. De plus, au contraire de nombreux rois, celui-ci n'hésitait pas à prendre les armes, diriger lui-même ses armées au front et s'enliser au plus profond des combats. Cette attitude lui valut son surnom et le plébiscite de toute la nation. Cependant, sa popularité gigantesque ne put le sauver de la flèche qui lui fut plantée en plein cœur par un sombre éradicateur d'une secte secrète d'anarchistes de Thimoros alors qu'il assistait à une importante course à l'hippodrome.

Au fil du temps, le monument ne devint plus sa demeure funèbre exclusive mais le cimetière officiel de toute la royauté de Kendra Kâr et des personnages ayant marqué l'histoire de la ville de par leur loyauté, leur bravoure ou encore leur sacrifice.

Le voyageur s'aventurant dans les lieux, après avoir passé le "Pont des Statues", passe devant de fidèles et solides soldats du royaume qui gardent l'entrée ouverte la journée et fermée la nuit. Une fois passé à l'intérieur, le voyageur se retrouve au premier étage du "Mausolée Majestueux". S'étendant sur trois étages à balcons intérieurs, cette salle ronde gigantesque est le théâtre de gisants d'or, d'argent, de bronze et d'acier scellés et levés verticalement dans lesquels reposent les dépouilles de tout les rois de Kendra Kâr.

Au niveau inférieur de la salle, trois entrées pour des salles moins importantes s'offrent à vous. La première vous mènera au "Mausolée des Héros" dans lequel vous trouverez les tombes de héros de guerre et autres gladiateurs légendaires qui reposent avec leurs armes et leurs armures. La seconde vous mènera au "Mausolée des Salvateurs" dans lequel vous trouverez nombre de tombes de prêtres, de médecins, de diplomates et autres sages qui, grâce à leur zèle et leur courage en temps de guerre, d'épidémies et autres fléaux, ont permis à la sauvegarde de nombreuses vies. Et enfin la troisième salle, le "Mausolée des Artistes" dans lequel vous trouverez les dépouilles de peintres, sculpteurs, bardes, bouffons et autres artistes ayant marqué l'histoire du royaume auprès d'une de leurs œuvres.

Ne pensez même pas à profaner l'endroit ; il n'existe qu'une seule entrée, cet endroit grouille jour et nuit de gardes vigilants et nombreuses sont les tombes qui, en plus d'avoir été scellés par l'acier, l'ont aussi été par la magie.

Avatar du membre
Akihito
Messages : 304
Enregistré le : mar. 29 janv. 2019 14:26

Re: Le Mausolée des Valeureux

Message par Akihito » sam. 28 mars 2020 19:59

Dans le chapitre précédent...
Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre

Chapitre XLIX : Le secret du Mausolée


« Tu es sûr de toi ?

- Mais oui vas-y, on a déjà testé sans moi, mais il faut bien que je sois sûr que je suis protégé moi aussi ! »

Le soleil brillait haut dans la fraîcheur printanière de Kendra-Kâr. Les deux Oranais se trouvaient au bord du chemin et Akihiko défiait du regard Anthelia, les bras écartés. Dans un soupir, la jeune femme matérialisa un obus de flammes au-dessus d’elle. Elle hésita avant d’exprimer une dernière fois ses inquiétudes.

« Tu as bien le sucre d’orge ? »

Pour toute réponse, Akihiko lui montra la sucrerie régénératrice qu’il gardait sur lui. Un dernier soupir précéda l’envol de la sphère de feu avant qu’elle ne s’écrase violemment… Sur Akihiko. L’explosion de flammes de plusieurs mètres de diamètre carbonisa instantanément l’herbe et la tatoueuse ne put réprimer un cri de surprise, avant qu’un rire ne s’échappe du brasier.

« Ahah ! Ca marche ! »

Émergeant des flammes, l’enchanteur apparut complètement intact, sans la moindre flammèche ni brûlure sur lui. Un sourire presque enfantin barrait son visage alors qu’il rejoignait la jeune femme qui essayait tant bien que mal d’arrêter les battements frénétiques de son cœur.

« Tu vois ? Je t’avais dit que ça marcherait ! déclara Akihiko avant de recevoir un coup de poing sur l’épaule.

- Pfff, et il fallait bien entendu que tu t’empresses de tester ton nouveau manteau.

- Évidemment, sinon comment être sûr de ses propriétés ? Bon, j'ai eu un peu chaud parce que ça ne doit pas protéger de la chaleur pour autant, mais je ne vais pas faire la fine bouche.

- Tu aurais pu demander à quelqu’un d’autre que moi, crétin ! »

Le dépassant d’un pas contrarié, Anthelia se dirigea vers l’immense bâtiment qu’ils voyaient déjà après une heure de marche. Akihiko la rattrapa et l’enserra dans ses bras par-derrière, la forçant à s’arrêter.

« Je te l’ai demandé parce que je te fais confiance, tu le sais bien. »

Elle grogna pour toute réponse, mais ce dernier s’étouffa bien vite quand son amant d’enchanteur déposa un long baiser sur sa joue, en guise de pardon. Finalement, ils repartirent tout deux d’un bon pas, clôturant l’événement sur une réussite. En marchant, Akihiko ne put s’empêcher de jeter un œil aux quatre symboles runiques rougeoyants à l’intérieur du col de son manteau.

Ba – Dai – Aov – Ni.

L’incrustation de la veille avait marché au-delà de ses espérances. La phrase runique avait parfaitement ignifugé le manteau, qui non seulement résistait au feu, mais prêtait également ses propriétés à Akihiko tant qu’il le portait. C’est ainsi qu’il put encaisser sans le moindre mal l’obus enflammé d’Anthelia, après plusieurs essais sur le vêtement seul. Extrêmement satisfait de ces résultats, Akihiko et Anthelia avaient quitté le vieux Moboutou pour rejoindre le temple de Gaïa où le guérisseur qui l’avait soigné quelques jours plus tôt le regarda arriver avec un air navré avant de s’occuper de terminer de soigner leurs blessures, bien stabilisées par les soins du guérisseur de guerre. Akihiko le remercia une nouvelle fois de plus en déposant un don au temple, puis ils étaient ensuite rentrés dans leur auberge où ils avaient pris le temps de manger, discuter, tatouer et dormir en toute quiétude. La dernière activité avait été évidemment la plus appréciée puisque faite ensemble, mais Akihiko avait passé un temps considérable à s’entraîner également, munis de ses nouvelles aiguilles qui suscitaient de la jalousie chez la jeune femme, bien malgré elle. Et c’est donc après un long moment de repos qu’ils se remirent en route, cette fois-ci vers le Mausolée des Valeureux.

Peu avant midi, ils arrivèrent devant le parvis de marbre massif qui menaient à un pont colossal : le Pont des Statues. Qui n’avait pas usurpé son nom, puisque de gigantesques statues de pierre encadraient de part et d’autre le pont, à intervalles réguliers. Toutes, sans exceptions, représentaient un soldat armé de différentes armes, allant de la lance à l’épée en passant par la hallebarde. Chaque statue avait une posture digne, le visage du soldat, visible derrière son heaume, regardait dans le lointain en agrippant fermement la garde de son arme à la ceinture ou tendue au-dessus du tablier du pont pour les armes de hast. Et, au pied de chacune de ces silhouettes de pierre, un garde portant la même arme que son homonyme de pierre surveillait les allés et venus des passants.
Et il devait bien y avoir une trentaine de statues sur ce pont enjambant le fleuve, et donc tout autant de soldats. En foulant le pont, Akihiko sentit instantanément les regards de plusieurs d’entre eux se braquer sur lui. Avec un tel équipement, difficile de passer inaperçu devant des gardes. À leurs poses et leurs infimes mouvements de poignets pour se préparer à frapper, l’enchanteur sut immédiatement qu’il n’avait pas à faire à de la bleusaille : la couronne Kendrane ne lésinait pas sur la sécurité du tombeau de ses plus illustres représentants. Akihiko estimait qu’il pourrait en affronter un voire peut-être deux, mais qu’il ne ferait pas long feu. De plus, Amy lui indiqua que plusieurs d’entre eux maîtrisaient en sus des fluides. Aucun n’était un magicien accompli, mais dans leur métier, nul besoin de connaître une pléthore de sorts.

Akihiko progressa en compagnie d’Anthelia sur le pont, ne montrant aucun signe d’hostilité ou de volonté de troubler l’atmosphère du pont. Peu à peu, les gardes se détendirent et cessèrent de le surveiller directement, se contentant de le garder dans leur champ de vision tout le long de sa traversée. Il fallait dire qu’il n’était pas très difficile de les louper : peu de civils se trouvaient sur le pont. Les nouvelles de Luminion, parvenue la veille dans la soirée, avaient tôt fait de doucher les envies des kendrans : Luminion était presque tombée sous l’assaut de l’armée d’Omyre, mais n’avait dû son salut qu’à l’intervention inattendue de l’armée thorkine de Mertar. On murmurait même que les Thorkins, non content de libérer Luminion au bord de sombrer, revendiquaient comme leur possession le duché. Rien n’était encore sûr et les rumeurs allaient bon train, mais tout cela participait à l’humeur morose des habitants, qui étaient par conséquent moins désireux de visiter le Mausolée.

Du moins, c’était ce que supposait Anthelia et jusqu’à présent, rien n’avait démenti ses hypothèses, comme les visages particulièrement fermés de tous les militaires qu’ils avaient rencontré depuis le début de la journée. Alors, à part quelque rares badauds et un petit groupe de SInaris qui se trouvait curieusement là, c’était essentiellement les hommes engoncés dans leurs armures rutilantes azur et blanche qui leur tenaient compagnie. Le pont franchi, ils arrivèrent devant les imposantes doubles portes de bois massifs entièrement blanches en cheveu de Gaïa. Là aussi, plusieurs gardes étaient postés à l’entrée, contrôlant d’un œil sévère les personnes entrant et sortant du Mausolée. Ils jetèrent un œil à Akihiko, son équipement, puis le laissèrent entrer en le déconseillant bien de faire quoi que ce soit de profanatoire, ce que Akihiko s’empressa de confirmer. Il était certes venu à la recherche des bottes de Foudre, mais s'il devait pour cela fracturer le cercueil de Silverberg ou Trish Jiila, il renoncerait instantanément à cette entreprise.

(Bien que je doute que ce soit le cas.) pensa Akihiko alors qu’il pénétrait dans le premier étage du bâtiment, qui n’était qu’une seule et immense pièce circulaire extrêmement vaste. Le long des parois, d’innombrables cercueils de pierre, recouverts d’une statue de métal plus ou moins rares représentants les rois s’étant succédés sur le trône, étaient installés les uns à côté des autres. Bien évidemment, aucun nom ne parlait à Akihiko, et il se contentait d’observer les visages des rois qui avaient dirigé le pays. Certains morts à un âge avancés, d’autres au sommet de leur gloire et dans la fleur de l’âge. Disposés en arc de cercle, les cercueils occupaient une bonne moitié de la bordure de la pièce.

(A ton avis, quand ils auront fait le tour, comment vont-ils faire pour les suivants ?)

(Ah ça, je le sais : dans le futur, les architectes ont bâti une coursive au-dessus, pour permettre de loger plus de tombes. Pour économiser la place et donner un peu plus d’impact, ils ont également décidé de murer les dépouilles et de relever les gisants pour en faire des statues.)

Akihiko se contenta de hocher la tête : il ne s’attendait pas à une réponse aussi précise et n’en avait pas besoin, mais c’était toujours intéressant à savoir. Ne s’attardant pas dans la salle, il suivit Anthelia dans un large escalier en hélice les menant à l’étage inférieur. Dans ce même escalier, ils croisèrent une patrouille de gardes qui remontaient. Ils leur accordèrent un simple regard avant de poursuivre leur ronde, imperturbable. Akihiko ne put s’empêcher de soupirer : quoi qu’il allait faire près de la tombe de Trish Jiila, il allait devoir composer avec les troupes de soldats qui allaient et venaient dans Mausolée.
Une fois arrivés en bas, dans une petite pièce carrée, dallée de marbre et éclairée par un large lustre de San-Divyna, Anthelia lui expliqua l’organisation de la pièce.

« Nous voilà dans l’antichambre des Valeureux et comme tu peux le voir, trois entrées s’offrent à nous. À gauche, le Mausolée des Guerriers où reposent les plus illustres combattants Kendrans, qu’on enterre avec armes et armures. Nul doute que la tombe de Porem s’y trouve.

- Et donc, peut-être les bottes ?

- Peut-être, mais il faudrait réussir à forcer son cercueil de pierre, et crois moi ils sont bien plus protégés que tu ne le crois.

- Des enchantements magiques, hein ? Je les ais ressentis vaguement près des cercueils des rois. Ca avait l’air bien costaud.

- Certes. Ensuite, en face de nous, le Mausolée des Sages. Là, on y trouve les prêtres, diplomates et autres intellectuels qui ont contribués à l’essor du Royaume. L’enchanteur Silverberg s’y trouve s’il a été enterré au Mausolée. Enfin la troisième entrée, le Mausolée des Artistes et bon, nul besoin de t’expliquer qui y ont enterrés. La tailleuse Trish se trouve dans cette partie.

- Allons-y donc. »

Leurs pas claquèrent sur les dalles de pierre quand ils entrèrent dans le troisième Mausolée. Là, la présence était très réduite : peu de personnes semblaient s’intéresser à l’art en ce jour-là. La structure de la pièce était radicalement différente de celle plus haut : au lieu d’avoir une vaste salle circulaire, on avait un long couloir ouvert à de nombreuses reprises sur les côtés en autant d’alcôves. Dans chacune d’elle, une tombe à demi enfoncée, une statue la surplombant et un objet y trônait. Chaque objet était une réplique ou parfois un original représentant une des œuvres majeures de l’artiste. Un peintre célèbre, dont la statue représentait un homme petit, à la moustache soignée et équipé d’un pinceau, penchait son regard strict en biais sur la droite, en direction d’un grand tableau d’une femme porteuse d’un mystérieux sourire. L’alcôve suivante abritait elle semblait-il un musicien, dont la statue était figée dans un dernier mouvement de luth et où l’instrument était un vrai et non de pierre.

(Sûrement le luth que ce… Jamie Endriss utilisait de son vivant.)

Les premières statues étaient, malgré le soin évident apporté par les personnes en charge du lieu, quelque peu abîmées par le temps. Plus on s’enfonçait dans le couloir et plus on s’approchait d’artistes morts récemment. Selon les dires d’Anthelia, le bâtiment avait presque mille ans : ce qui faisait que pour chercher la tombe de Trish, il fallait au moins s’avancer pour dépasser la moitié des statues. Akihiko passa donc devant nombre d’alcôves en jetant des coups d’œil autant à sa gauche qu’à sa droite, à la recherche tout d’abord d’une statue de femme. Si c’en n’était pas une, il passait directement à la suivante. Dans le cas contraire, il s’arrêtait un instant pour lire la plaque sur la tombe, à la recherche du nom de la tatoueuse.

Au bout de quelques minutes de recherche dans un silence presque religieux à n’avoir croisé qu’un seul et unique kendran en pleine méditation devant la statue d’un peintre, ils trouvèrent enfin la sépulture de la tailleuse. La statue qui la surplombait montrait une femme étonnement jeune, aux cheveux courts et au visage doux. Dans ses mains, elle tenait une longue aiguille et une bobine de fil, symboles incontestables de sa profession. Mais là où les autres artistes semblaient plus statiques, solennels, cette dernière avait une posture dynamique, comme si elle s’élançait en avant dans les plis de sa robe rocheuse flottant dans un vent invisible. Sur la plaque enchâssée dans le granit rosé de son cercueil, on pouvait lire :

« Trish Jiila.
Tailleuse de génie,
Créatrice des Bottes de foudre,
Emportée par la maladie,
Au sommet de son art de coudre. »

« Sa mort prématurée est peut-être la raison de cette statue… Elle a disparu en plein élan de son art, au sommet de sa gloire.

- Quelle tristesse. »

Comme tous les autres artistes, Trish Jiila reposait à côté d’un de ses chefs d’œuvres, qui n’était autres que les Bottes, ou du moins une des paires qui ne furent jamais enchantées comme celles en possession de Lilo. Akihiko s’en assura en essayant de détecter un quelconque enchantement à travers la paroi de verre épais qui protégeait la relique et n’en trouva évidemment aucun. Une patrouille de gardes passa à proximité à ce moment-là, remonta jusqu’au bout le couloir avant de revenir sur leurs pas, attentifs à toute activité qui aurait pu être suspecte. S'ils s’attardèrent quelque peu sur l’unique duo de la salle, un simple et innocent sourire de la jeune femme sembla les satisfaire et ils continuèrent leur ronde. Quoi qu’il devait trouver ici, il allait devoir le faire entre deux passages de la patrouille. Il se mit donc à compter, patiemment, tout en faisant mine d’observer tel tableau, tel manuscrit, telle statue. Au bout de ce qui lui sembla être une quinzaine de minutes, il entendit de nouveau les claquements des bottes sur cloutées et renforcées sur les dalles de granit. La troupe armée repassa puis s’en alla de nouveau. Un quart d’heure était donc la limite qu’il avait pour trouver quelque chose.

Sa première action, une fois les gardes disparus, fut de placer sa main sur le cercueil de pierre. Il ferma les yeux et se concentra pour en analyser les fluides et tenter de sonder l’intérieur, à la recherche d’une éventuelle trace des artefacts. Cependant, l’enchantement qui scellait le cercueil de pierre était très puissant, si bien qu’il parasitait toute tentative d’inspection de son contenu.

(Pas bien grave, on cherche un tunnel sous cette tombe.)

(peut-être faut-il passer par l’intérieur du cercueil ?) supposa Amy.

(Et donc sur le dernier lieu de repos de celle qu’il aimait ? Non, l’enchanteur Silverberg voulait que quelqu’un "de digne" puisse récupérer ces bottes. Jamais il n’aurait mis le moyen d’accès par là. Il doit y avoir un autre moyen.)

Akihiko murmura donc à l’oreille d’Anthelia de l’aider à trouver un quelconque mécanisme, une trappe, une porte dérobée, n’importe quoi qui pourrait dissimuler un passage vers le fameux tunnel. Chacun de leur côté, les tatoueurs commencèrent à inspecter minutieusement la statue, les gravures courant le long du cercueil, les parois de l’alcôve. Sans succès. La statue ne portait aucune aspérité suspecte, les gravures, aucune moulure louche, pas plus que les parois ne comportaient de pierre anormale. Les dalles, elles aussi, étaient toutes semblables. Les soldats choisirent ce moment pour venir et les Ynoriens s’empressèrent de s’éloigner pour se faire face, comme s'ils étaient en pleine discussion. Ce qui n’était pas tout à fait faux.

« Tu n’as rien trouvé toi ?

- Rien. La statue n’a rien donné.

- Rien du côté du cercueil ni des parois non plus.

- Et si tu utilisais ton truc ? Tu sais, ton pouvoir qui t’as permis de trouver le mécanisme au manoir. »

Akihiko se frappa le front d’hébétement. Comment pouvait-il ne pas y avoir pensé plus tôt ?! Embrassant avec plaisir la jeune femme pour son idée brillante, il ferma de nouveau les yeux une fois les soldats partis. Il eu alors deux plaisantes surprises : la première, c’est qu’il sentait que ses sens, sa maîtrise de ses fluides, s’étaient de nouveau améliorés. Il percevait avec plus de distinction et dans une zone plus grande toutes les traces de métaux basiques. La seconde, c’est qu’Anthelia avait raison : il y avait bien quelque chose de suspect, un mécanisme. Juste derrière la statue, une dalle était dotée d’un fond pour le moins étrange : non seulement, il percevait quelque chose qui ressemblait pour le moins à une échelle, mais aussi quatre tiges métalliques qui s’enfonçaient chacune dans une des dalles adjacentes, verrouillant ainsi solidement la dalle pour qu’on ne puisse pas la déloger par la force aisément. Le fulguromancien s’accroupit et rapprocha sa main de la dalle pour lui donner une analyse plus précise de ces barres d’acier. La main balaya lentement la pierre, la touchant presque pendant que les fluides de foudre tourbillonnaient au creux de sa paume, projetant des vagues de magnétisme dans l’attente des réponses du métal, quelques centimètres plus bas. L’enchanteur se fit rapidement à l’idée que si l’échelle se trouvait en dessous, c’est qu’il y avait bien un moyen de déloger la pierre.

(Silverberg était un fulguromancien, comme moi. Il a sûrement bloqué l’issu comme un manipulateur de foudre le ferait.)

L’Ynorien se mit donc à réfléchir. Qu’avait bien voulu faire Silverberg en plaçant les barres métalliques de cette façon ? Ancrer et souder les dalles ensemble, bien entendu. Mais si la dalle pouvait s’arrimer à ces voisines, il était possible également de l’en décrocher et donc les barres, d’une manière ou d’une autre, ne plus bloquer la trappe. Or… Le métal, c’était ce que pouvait faire bouger à distance un fulguromancien. Akihiko n’était pas sûr de pouvoir faire bouger des tiges d’acier qu’il ne voyait pas et ne faisait que ressentir ; il essaya tout de même car il n’avait guère d’autre choix. L’index et le majeur tendu, il pointa de ces deux doigts l’extrémité d’une des tiges et lentement, déplaça sa main dans le but de libérer la trappe. Ce qui ne fonctionna pas, la tige rencontrant rapidement une résistance qu’elle ne pouvait pas franchir. En fronçant les sourcils, l’enchanteur fit parcourir le chemin inverse à ses doigts et au contraire, tenta de faire intégrer complètement la tige dans la trappe rocheuse. Ce chemin, malgré le crissement étouffé de l’acier contre la roche, s’avéra être le bon. Une des quatre barres ne retenait plus la dalle.
Akihiko releva la tête vers Anthelia, qui s’occupait elle de monter la garde tout en lui jetant de temps en temps des coups d’œil, s’assurant que tout se passait bien.

« J’ai trouvé le moyen d’ouvrir la trappe, expliqua-t-il à voix basse à la jeune femme.

- Bien joué. Dépêche-toi, il ne nous reste que quelques minutes avant le retour de la patrouille. » répondit d’une voix douce et tout aussi bas Anthelia.

Akihiko se mit donc à l’œuvre et une à une, les barres d’acier coulissèrent vers le centre de la dalle, la désolidarisant des autres. Cependant, aucune poignée, aucun trou ou aspérité quelconque ne permettait de soulever la lourde dalle. Qu’à cela ne tienne : Akihiko se mit en position accroupie paume vers la dalle et convoqua de nouveau ses fluides pour attirer à lui les tiges d’acier, prisonnières de la roche. Dans un nouveau crissement accompagné d’un craquement, la dalle de pierre, soulevée par l’attraction que Akihiko exerçait sur l’acier, se déchaussa et dévoila enfin un trou circulaire à peine moins large que la dalle.

« Theli… Vite ! L’échelle ! »

La concernée le rejoignit vite d’un mouvement félin, alluma une petite flamme dans sa main et se glissa dans le trou obscur, ouvrant la voie. Akihiko lui emboîta le pas tout en manipulant toujours la dalle. Des gouttes de sueurs commençaient à perler sur son front, la rune devant avoisiner le poids de ce que ses pouvoirs lui permettaient de déplacer. Avec minutie, il replaça lentement la dalle au-dessus de sa tête, enfermant les deux amants dans les entrailles du Mausolée, dans une zone que nul ne connaissait : à partir de maintenant, ils allaient devoir se débrouiller réellement seuls.
C’est donc après avoir brièvement reprit son souffle que Akihiko entama sa descente, dans l’obscurité faiblement dispersée par la flamme, solitaire, de la tatoueuse qui l’attendait en bas.


Avatar du membre
Akihito
Messages : 304
Enregistré le : mar. 29 janv. 2019 14:26

Re: Le Mausolée des Valeureux

Message par Akihito » sam. 28 mars 2020 20:08

Dans le chapitre précédent...
Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre

Chapitre L.1 : Montagne mouvante.


L’échelle était rouillée sous ses doigts. Il pouvait sentir les couches de métal s’effriter sous ses doigts, l’odeur de la mousse sur les parois, le grincement du métal gémissant sous le poids d’un individu, lui qui n’en avait supporté aucun en plus de trois siècles. Mais Akihiko continua et lentement, il descendit la dizaine de mètres sur laquelle les barreaux rouillés s’enfonçaient dans la terre. Se souvenant de sa mésaventure dans les égouts d’Oranan, l’enchanteur avait pensé à attaché et son marteau et son sabre bien droit dans son dos pour ne pas gêner sa progression dans l’étroit boyau. Irrémédiablement, le manche de l’une des armes et l’extrémité de l’autre cogna contre la paroi plusieurs fois, mais sans gêner sa progression ni faire trop de bruit.

Le bruit que firent ses bottes en touchant le sol se réverbéra un long moment, preuve que la cavité cachée était loin d’être petite. Ses cheveux blonds cendrés éclairés par la lumière de sa flamme, Anthelia le regarda.

« Bien. Nous y voilà. Dire que je me trouve sous autant de morts… C’est une sensation bizarre tout de même.

- Maintenant que tu le dis, j’aurais préféré l’ignorer. Sauf qu’on est déjà là, alors autant poursuivre notre exploration.

- On va devoir faire ça avec les moyens du bord. J’ai bien trouvé une vieille torche abandonnée là, mais à mon avis elle ne va pas faire long feu, dit-elle dans un demi-sourire en lui tendant la torche en question.

- Content de voir que tu peux encore plaisanter, même ici. Allez, allume la moi. »

La jeune femme s’exécuta en lançant un regard amusé : ça le fit soupirer et elle gloussée, mais ce fut à la lumière de la torche qu’ils pénétrèrent dans une vaste caverne après une petite minute de marche. L’espace était large, bien trop large pour que la lueur de la torche seule puisse tout éclairer. Néanmoins, la caverne, malgré son aspect naturel, avait été travaillée par des artisans. Le sol était étonnamment plat, bien qu’ayant gardé les quelques irrégularités d’un sol naturel. En explorant un peu de gauche à droite, ils établirent que la pièce faisait environ une vingtaine de mètres de large. Pour la hauteur, la torche révélait un plafond réellement naturel lui et garni de stalactites environ trois à quatre mètres au-dessus de leur tête. Un espace assurément vaste… Pour le gardien dont avait parlé l’enchanteur dans sa dernière lettre. Qui – ou quoi ? – pouvait bien être ce mystérieux protecteur ? Akihiko avait d’abord pensé à une créature dressée, mais il ne connaissait aucune créature capable de rester autant de temps sous terre sans vraisemblablement se nourrir. Car se nourrir impliquait un accès à de la nourriture en abondance, donc sans doute un accès à la surface. Et donc, ruinait tout l’intérêt de cacher cette entrée.

(Il avait parlé que son rôle d’enchanteur y était pour quelque chose… Amy, une idée de ce que ça pourrait être ?)

(Non… J’ai beau me creuser la tête, je n’arrive plus à remettre le doigt sur ce que j’avais entendu dire à ce propos. Raaah, ça m’énerve.)

(Relax, on va y aller prudemment, comme toujours.)

Le rire franc de la Faëra éclata pour seule réponse, avant qu’il ne l’entende murmurer entre deux crises de rire « prudemment ». La laissant se calmer seule, il progressa armé de la torche et la main prête à envoyer un sort de foudre. Il ne mit que peu de temps avant d’atteindre le fond de la pièce, qui faisait donc elle aussi une vingtaine de mètres de long. Ce qu’il vit en premier, ce furent les reflets de la torche se réverbérer sur les dorures de deux objets. Deux objets qui s’avéraient être deux bottes de cuir à rivets. Elles étaient là, protégée derrière ce qui ressemblait à un cube de verre épais, protégé de toute agression naturelle, attendant que quelqu’un ne s’en empare pour les chausser. Était-ce les vrais ? Depuis sa mésaventure avec le faux marteau de Valyus, Akihiko se méfiait de ce genre de situation. Avant de les avoir en main, il ne pourrait être sûr de leur authenticité. La prison transparente était posée sur un petit piédestal rocheux, ce qui lui rappelait vaguement l’environnement dans lequel il avait découvert la Kizoku. Sans la cascade d’où il fallait sauter, bien entendu. Mais avec les curieuses représentations rocheuses de mains qui encadraient le présentoir, comme deux lourdes extrémités de pierre abritant du vent une flamme. Ce qui était curieux, tout en étant en fin de compte assez symbolique. À mesure que l’enchanteur se rapprochait, Anthelia sur ses talons, la scène se fit plus précise. Les mains étaient prolongées par des sortes de bras rocheux, eux-mêmes rattachés à une.. Structure de pierre… ?

(Aaaah ! Ca y est ! Je me souviens ! Les enchanteurs, avec certaines recherches, j’ai entendu dire qu’ils pouvaient…)

(… Créer des géants de pierre ?)

(Oui c’est ça, des golems ! Mais attend, comment tu… Oh.)

Dans le craquement de la roche qui éclate petit à petit, un visage de granit tourna son visage vers les deux intrus. Deux gemmes bleues s’illuminèrent dans les orbites qui lui servaient d’yeux et le grondement s’intensifia alors que le colosse rocheux se dépliait de toute sa taille. Un être humanoïde dont la tête touchait presque le plafond, large de presque trois mètres et qui fit un pas pesant mais intimidant en direction de ceux qui avaient pénétré son sanctuaire, sa maison, ou quoi que pouvait être la caverne. Rapidement, Akihiko et Anthelia envoyèrent respectivement un éclair et une boule de feu qui frappèrent le poitrail de la créature. L’impact l’arrêta une demi-seconde, avant que les deux éclats froids bleutés de ses yeux traversent les flammèches résiduelles de la sphère enflammée. Lentement, une énorme paluche de granit arma un coup qui n’allait pas laisser grand-chose derrière, à part une purée de sanguinolente de chair et d’os broyé.

Ils sautèrent donc en arrière pour se mettre hors de sa portée et voir l’énorme main faire trembler le sol en le touchant, creusant la roche par la simple pression de son coup. La main se releva, laissant apparaître une marque épousant parfaitement la forme de ses doigts. Sidéré par la force titanesque, l’enchanteur fixa avec ébahissement le cratère qui avait remplacé sa position. Il aurait juré avoir vu les empreintes digitales des doigts, mais il se ressaisit vite et lança un barrage de munitions de foudre, espérant compenser la force par la quantité. Anthelia ne fut pas en reste et plusieurs jets d’eau à haute pression fusèrent également, creusant des sillons dans la roche là où les éclairs de Akihiko s’écrasaient sans causer le moindre dégât apparent. Et malgré le furieux assaut magique, le golem continua sa progression inexorable. Akihiko jura, donna sa torche à sa compagne et dégaina son marteau. Les fluides s’accumulèrent dans ses mains, se transmirent dans le marteau qui amplifia le processus grâce à ses runes et déchargea une violente trombe d’éclair, celle-là même qui avait fait vaciller FIlor la veille.
Mais Filor n’était pas un titan de pierre de près de cinq mètres et de milliers de kilos : c’est pourquoi, après avoir encaissé le coup qui eu au moins l’effet de le stopper une poignée de secondes, le colosse fit un pas de plus.

« Theli… On se tire de là.

- Je suis déjà partie. »

Les deux humains tournèrent les talons et se mirent à courir vers le tunnel, bien plus étroit et où le golem ne pouvait pas les atteindre. Visiblement conscient de cela, le Golem ne s’acharna pas à les poursuivre et se contenta de se replacer à sa position, cette fois en fixant de ses yeux bien visibles l’entrée de la cavité.

« Sacré gardien, en effet… Comment on passe un monstre pareil au juste ?

- Pas la moindre idée… Et si on le bombardait de là ?

- Tu as bien vu que nos attaques magiques à bout portant lui infligeaient que peu de dégâts : on l’attaquerait directement avec une cuillère que cela serait plus efficace que de le bombarder d’ici. Sans compter que les sorts de zones risqueraient d’abîmer irrémédiablement les bottes. Silverberg était un malin : il faut combattre ce truc au corps-à-corps si on veut espérer mettre la main sur les bottes.

- Ah, la poisse… Et on peut pas tout simplement le distraire pendant que l’un de nous les récupèrent ?

- C’est un plan envisageable… Mais on va déjà se renseigner sur ce truc, ce golem. Il doit bien avoir des failles, des points faibles.

- On pourrait passer à la Corporation ? suggéra Anthelia en embrasant sa main, voyant que la torche visiblement très fatiguée s’éteignait de seconde en seconde.

- Je préférerai des méthodes plus conventionnelles et moins coûteuses… Il y a une bibliothèque à Kendra-Kâr ?

- À ton avis ?

- Pff, l’ego Kendran… se moqua Akihiko avant de jeter un œil au Golem, qui n’avait pour l’instant pas bougé. Bon, va pour la bibliothèque.

- Il y a aussi la Tour de Thaumaturgie, un édifice entièrement tourné vers les arts magiques. À mon avis, on pourra y trouver quelques petites choses intéressantes là-bas également.

- On verra. Déjà, sortons de ce trou avant que notre ami caillou ne change d’avis et nous réduise en purée. »

Les deux compères rebroussèrent chemin avant d’arriver de nouveau devant l’échelle et ce fut Akihiko qui ouvrit la voie cette fois-ci. Il la remonta et arrivé juste au-dessus de la plaque, pris une profonde inspiration avant de faire bourdonner les fluides dans sa main, à la recherche de métal. Il fit rapidement abstraction de ce qui l’entourait immédiatement comme la trappe, l’échelle ou son propre équipement. Non, ce qu’il cherchait, il finit par le trouver au bout de plusieurs minutes : la réponse très faible mais bien réelle d’un grand nombre de pièces métalliques, à une dizaine de mètres de lui. C’était l’armure des gardes qui faisaient leur ronde et qui donc répondaient à la détection métallique de Akihiko, qui ne tenait pas vraiment à émerger devant des gardes d’un souterrain dont ils n’avaient certainement pas connaissance. S’il n’était pas sûr de leur réaction, l’enchanteur était en revanche certain qu’ils n’allaient pas apprécier et que cela allait irrémédiablement leur attirer des ennuis.

Les soldats finirent par sortir du périmètre de détection du fulguromancien qui attendit une petite minute pour être sûr, avant d’ouvrir de nouveau la trappe. S’en extirpant rapidement, il attendit qu’Anthelia sorte à sa suite visiblement heureuse de sentir l’air frais à pleins poumons. Après un instant de réflexion, décision fut prise de replacer au moins une des barres d’acier pour sceller le passage à l’aide du magnétisme.

(On ne sait jamais.)

(Tu as bien raison ; tu ne perds rien à être trop prudent.) approuva la Faëra.

(Tu penses que ce sont les bonnes bottes ?)

(Honnêtement ? Oui. Le golem ne serait pas là pour protéger une simple réplique. Ou alors, Silverberg est un sacré tordu pour faire un leurre pareil.)

L’air de rien, le duo sorti du monument. Les différents soldats ne firent que les suivre du regard avant de s’occuper des autres rares visiteurs et autres Kendrans de passage. Le soleil n’avait pas beaucoup progressé dans le ciel et en se basant sur le temps mis pour faire l’aller, ils jaugèrent qu’ils seraient de retour vers midi. Le temps de manger un morceau et ils pourraient alors se pencher sur la pêche aux informations.



Avatar du membre
Akihito
Messages : 304
Enregistré le : mar. 29 janv. 2019 14:26

Re: Le Mausolée des Valeureux

Message par Akihito » sam. 28 mars 2020 21:05

Dans le chapitre précédent...

Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre

Chapitre LI : Le fracas de la roche...


Dans un silence troublé uniquement par le bruit de ses pieds touchant le sol, Akihiko se réceptionna sur le sol de pierre. L’obscurité fut rapidement dispersée par la flamme qui apparut dans la main d’Anthelia, révélant les parois à peine dégrossies du tunnel de roche dans lequel ils se trouvaient de nouveau. Tromper la vigilance de la patrouille de gardes s’était fait sans problème, d’autant plus puisqu’elle était composée de gardes différents de la dernière fois et qui n’étaient donc pas suspicieux de les voir de nouveau devant la même tombe. Le visage de la jeune femme se révéla à l’enchanteur, qui y lut une détermination mêlée d’appréhension.

« Ca va aller.

- Je sais… Enfin, j’ai envie que ça se passe bien. Mais je ne suis pas sûr que le vouloir suffise. »

Le jeune homme tendit une main et caressa la joue de la jeune femme qu’il aimait désormais, avant de l’attirer à lui pour l’embrasser doucement. Elle se laissa faire et Akihiko se sentit alors rattrapé par la nuit passée qui faisait écho à ce doux contact. La troisième nuit, déjà, qu’ils passaient ensemble. Une nuit qui avait été pleine de douceur, reposant leurs esprits échauffés par les livres qu’ils avaient dû parcourir et l’enseignement du vieux mage Aldémire qui avait suivi et laissé Akihiko mentalement épuisé. Malgré son apparence frappée par l’âge, Aldémire n’avait rien perdu de son énergie et avait avec grand enthousiasme apprit à Akihiko la méthode pour rompre l’enchantement. Il n’était pas sûr de pouvoir le reproduire comme la formation express qu’il avait reçu, sauf qu’il n’avait plus trop le choix : le capitaine Croane repartait dans l’après-midi, avec ou sans eux. S’il parvenait à extraire ce fameux Cœur, tant mieux ; sinon, tant pis, mais ça n’allait pas le retarder dans son voyage qui déjà avait pris beaucoup de retard.

Leur baiser se rompit et Akihiko observa avec un plaisir non feint les joues rougies d’Anthelia ainsi que ses yeux brillants. Ca aussi, cela le renvoyait quelques heures en arrière… Mais il n’avait pas vraiment le luxe de se laisser aller à ces souvenirs, si agréables soient-ils.

« Tu ne crains rien, je te demande juste de me couvrir et de m’éclairer pour pas que je me prenne de mauvais coup.

- C’est pour toi que je m’inquiète, crétin de blondinet, » bougonna Anthelia en levant les yeux au plafond.

Akihiko embrassa son front avant de se tourner vers son combat à venir, la concentration creusant son visage. Aldémire et Elyë l’avaient averti sur quelque chose qu'il savait déjà : contre un Golem, il n’y avait pas de droit à l’erreur. Le moindre contact direct revenait à se prendre un coup ou se faire écraser par plusieurs tonnes de roche, ce qui ne laissait que peu de chance de survie. et il doutait que même le sucre d’Anthelia puisse le sauver de pareils dégâts s’il était toujours vivant après un ça.

Fuuuu…

Il prit une profonde inspiration et déposa la Kizoku contre le mur, près de l’échelle. Il ne pesait pas grand-chose, mais il n’allait lui servir à rien contre une montagne de roche, alors autant maximiser sa mobilité. Il se sépara également de ses gantelets d’écailles pour la même raison, le moindre soupçon de vitesse pouvant faire la différence entre la vie et les deux jambes broyées. Enfin délesté de tout ce qui pouvait le gêner, il entra dans la grande caverne. La flamme d’Anthelia ne suffisait pas à en éclairer parfaitement la totalité, mais les proportions simplement colossales de son adversaire rendaient cet éclairage parcellaire largement suffisant. La première étape allait être la plus dangereuse : délaissant son marteau, il créa un arc électrique dans sa main pour bénéficier lui aussi de sa propre source de lumière et s’approcha lentement de la montagne de roche mouvante qui ne tarda pas à se mouvoir à son arrivée. L’enchanteur allait dans un premier temps observer les mouvements de son adversaire et tenter de repérer les emplacements des différentes runes tant qu’il était le plus agile possible : une fois armé de son marteau, il ne pourrait plus bénéficier de cette célérité pour observer et débusquer ses cibles.

Le Golem se releva de toute sa hauteur, dominant de plus de trois mètres le jeune homme qui se sentit tout de suite moins confiant, se figeant presque sur place. Il se reprit au dernier moment en plongeant sur le côté pour éviter le pied pesant qui écrasa le vide là où il se tenait précédemment. La secousse qui en résulta vit trembler Akihiko sur ses appuis, qui n’eut que le temps de rouler de nouveau pour esquiver une autre attaque lourde et mortelle. Un poing de la taille d’une petite commode s’abattit, laissant un cratère près de son pied. Désormais dans son dos, Akihiko se mit à chercher frénétiquement les runes qui rendaient ces mouvements destructeurs possibles. Il repéra une première phrase runique composée de plusieurs symboles qu’il ne connaissait pas sur le bras droit qui venait de s’abattre, à l’emplacement du coude. Les lettres runiques, gravées dans la roche, luisaient si faiblement qu'il fallait les avoir repérer pour voir leur lueur. L’atteindre allait demander d’attendre un nouveau coup au sol, mais n’était pas spécialement difficile. Il allait simplement demander du timing.

Une seconde phrase se révéla elle aussi, située derrière le genou gauche. Bien plus accessible, cela rassura Akihiko. Mais déjà, le titan se retournait vers lui et Akihiko dut prendre de la distance et se recula, plaçant le Golem dos à l’entrée de la salle et donc à la tatoueuse. Le visage inexpressif de roche focalisa ses prunelles de saphir sur lui et fit mine d’avancer.

« THELI ! GENOU GAUCHE ARRIÈRE, COUDE DROIT ! hurla Akihiko à travers la salle, sa voix se réverbérant dans le grand espace de roche.

- COMPRIS ! »

La magicienne que Akihiko pouvait apercevoir de sa position entre les deux piliers de pierre qui faisaient office de jambes arma dans sa main un javelot d’eau compressée. Elle prit quelque pas d’élan et dans un gracieux arc de cercle, projeta son immense aiguille d’eau. L’autre main tenant la flamme décrivit la même forme parabollique mais opposée à la première, laissant une traînée de flammes qui formèrent elles aussi une javeline qui fusa dans l’air peu de temps après. Le projectile aqueux manqua de précision et passa largement au dessus du Golem, s’écrasant contre une stalactite et explosant en de multiples gouttelettes. Le second projectile, en revanche, toucha sa cible… Mais le trait de feu ne toucha pas l’endroit prévu.

« THELI ! L’AUTRE GENOU GAUCHE, TA GAUCHE ! »

Il ne s’occupa pas de sa réponse et fit un bon en arrière, sentant la pression de l’air déplacé lui ébouriffé les cheveux pendant qu’une gigantesque main balayait l’espace devant lui. Un autre balayage du revers de la main dans le vide lui colla des sueurs froides dans le dos, le faisant reculer un peu plus. Le pas pesant et lourd du Golem l’accula petit à petit dans un coin, jusqu’à ce qu’une des javelines touche enfin sa cible. Un javelot d’eau sous pression frappa le coude droit du monstre de pierre pendant que ce dernier s’apprêtait à abattre sa main sur le sol en un poing fermé et ravageur. Le choc de la magie pétrifia momentanément le Golem qui pour la première fois, poussa un son. Une sorte de grognement guttural, comme si un torrent de rocaille se déversait sur une route pavée. L’enchanteur profita de l’occasion et sprinta sous son bras levé, s’extirpant de ce confinement qui avait presque faillit lui coûter la vie. Un bref regard en l’air lui apprit que bien que le coup ai fait mouche, les symboles runiques étaient toujours présents. Les attaques magiques à distance allaient s’avérer inutiles. La bonne nouvelle, c’est qu’il repéra la seconde phrase runique puisqu’elle se trouvait littéralement au-dessus de sa tête quand il passa. Approcher l’éclair dansant dans sa main donna une scène des plus étrange si observée de loin, mais Akihiko avait à ce moment-là d’autres préoccupations.

« FESSE DROITE ! SA DROITE !! »

Puis il courut se replacer au centre de la pièce, attendant son titanesque adversaire de le rejoindre. Il approcha d’un pas lourd qui faisait trembler le sol, les murs, le plafond. Le bruit de cailloux plus ou moins grands percutant le sol commença à se faire entendre, avant qu’une stalactite entière de la taille d’un petit enfant ne se décroche et vienne exploser en milles morceaux sur la gauche du Golem. Blême, Akihiko risqua un regard au plafond : des dizaines de stalactites, et autant de pieux rocheux qui pouvaient lui tomber dessus.

(Le combat a pas intérêt à durer...)

(Alors bouge toi ! Allez, du nerf !) l’exhorta Amy. Une nouvelle série de roulades plaça Akihiko sur le flanc gauche du Golem, qui venait tout juste de réduire les débris d’une stalactite à l’état de poussière. Et alors que Akihiko pensait avoir le temps d’observer son adversaire à la recherche de la dernière marque, il perçut avec urgence un mouvement venir de sa gauche. Sans se retourner, le géant balaya de sa main grande ouverte l’espace de trouvant dans son dos, avec Akihiko en plein milieu de sa trajectoire. Ce dernier se jeta désespérément en arrière, évitant de justesse le coup qui ne fit presque que le pousser et le fit rouler sur le sol. La manœuvre d’urgence n’avait pas pour but de lui épargner une chute si bien que même s’il n’avait subi aucun dommage, le cri d’Anthelia résonna dans la caverne et une grosse boule de feu vint s’écraser sur la poitrine de pierre. Parfaitement insensible aux flammes, le titan se tourna vers Akihiko qui se relevait, faisant signe à sa compagne que tout allait bien. Les flammes, s’éteignant peu à peu, eurent l’avantage de révéler la dernière phrase runique : sur son épaule gauche.

Fesse droite. Coude droit. Genou gauche. Épaule gauche. Ses quatre cibles étaient désignées.

La main de l’enchanteur se referma, étouffant les éclairs et le plongeant dans la pénombre. Le pied droit de pierre, large comme une armoire, s’écrasa à quelques centimètres de lui et lui ouvrit une porte de sortie vers le tunnel près duquel se trouvait son marteau. Il fonça le saisir puis se retourna dans un mouvement fluide vers le protecteur des bottes qui le fixaient toujours de ses yeux bleus et luminescents alors qu’il approchait. La sueur collait le tissu à sa peau, sa respiration s’était grandement accélérée, et il pouvait clairement sentir son sang faire tambouriner ses tempes. La phase de recherche et d’observation était finie, place désormais à la seconde partie : la démolition.



Avatar du membre
Akihito
Messages : 304
Enregistré le : mar. 29 janv. 2019 14:26

Re: Le Mausolée des Valeureux

Message par Akihito » sam. 28 mars 2020 21:15

Dans le chapitre précédent...
Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre

Chapitre LII : … Et le fracas du marteau.


« Theli, tu peux toujours me couvrir ?

- J’ai encore quelques réserves de fluides, dit-elle en engloutissant une fiole qui sans aucun doute devait lui rendre quelques forces magiques. Mais sans ton éclairage, ça risque d’être plus compliqué de le toucher. Et mes attaques ne lui font presque rien…

- Désolé, mais j’ai besoin de mes deux mains pour manipuler le marteau. Et tes attaques sont plus utiles que tu ne le…. Ouaaah ! »

Le colosse de pierre était sans aucun doute doué d’une intelligence plus que limité, mais il savait néanmoins faire preuve d’inventivité. Comme il venait de le prouver en détachant une énorme stalactite pendant au-dessus de sa tête pour leur lancer dessus. Les multiples éclats qui résultèrent de l’explosion du projectile improvisés provoquèrent de multiples entailles sans gravité sur les deux humains. Avec la menace de voir le plafond lui tomber sur le crâne, Akihiko augmenta la cadence. Il courut vers le Golem qui arma son poing pour l’abattre sur lui. Il s’était habitué au rythme de ses attaques et c’est pour quoi il put passer entre les jambes du géant avant que la masse de roche ne s’abatte sur son emplacement précédent. Freinant en tendant sa jambe gauche, l’enchanteur arma la masse de son marteau au plus près du sol pour prendre le maximum d’amplitude. Sa cible se trouvait à la hauteur de son visage, le genou gauche. Ses muscles bandés firent se mouvoir la redoutable arme qui vint faire exploser la roche à l’emplacement de la phrase runique. Fort de son expérience dans les mines de Mertar, frapper un véritable mur rocheux ne lui causa qu’un engourdissement passager en contrecoup. La créature artificielle fut prise d’un frisson et tenta de faire bouger sans succès sa jambe gauche, désormais paralysée. Cela ne l’empêcha pas de tenter de frapper dans le même grognement rocailleux le moustique qui l’avait frappé. Une torsion de son torse de pierre lui permit de balayer l’espace derrière lui et Akihiko du encaisser l’assaut d’un doigt épais comme son torse avec le manche de son artefact. L’impact fut rude, mais ne fit que le faire reculer de plusieurs pas. Il recula encore, se mettant dos à la paroi à couvert de l’obscurité pour prendre la pleine mesure des dégâts qu’il avait infligé.

Avec difficulté, le Golem se tourna vers lui, sa jambe gauche désormais inutile. Il exposa son épaule gauche et Anthelia profita de l’occasion pour déchaîner un barrage de sorts dans l’espoir de détruire la phrase runique. Sans plus de résultats que de distraire le titan qui stoppa sa rotation pour tourner son visage minéral vers la tatoueuse. Pris en tenaille, il fit de nouveau preuve d’une ingéniosité surprenante : son poing droit décrivit un arc de cercle depuis le sol et vint percuter le plafond, ce qui déclencha une pluie de stalactites. Incapable de prédire les multiples épieux rocheux qui tombaient autour de lui, l’enchanteur se recroquevilla et protégea son crâne de ses mains. L’apocalypse de pierre se déchaîna autour de lui, projetant des fragments rocheux en tous sens et multipliant les entailles. Un éclat plus gros que les autres vint se ficher dans son bras, dénudé de toute protection, ce qui le fit se questionner sur le bien-fondé de son geste, mais il n’avait pas le temps pour ça car déjà, le bras du Golem s’armait pour déclencher un nouvel assaut. Akihiko se releva, arracha le morceau de pierre dans son bras en serrant les dents et se rua vers le dangereux membre de roc. Le poing racla contre le sol de la caverne, provoquant un crissement des plus désagréable. L’enchanteur arriva juste à temps pour voir la phrase runique sur son coude lentement s’élever ; en conséquence, il sauta au milieu de sa course, fit une torsion de ses hanches pour envoyer le maximum de force dans son coup. Contrairement au coup précédent, il n’eut pas le temps de relâcher légèrement sa prise sur le manche pour encaisser plus facilement le retour de force et bien qu’il pulvérisa littéralement le coude, il eu le douloureux privilège de sentir son coude se déboîter et se ré-emboiter en moins d’une seconde.

Akihiko se rattrapa tant bien que mal mais finit néanmoins par tomber en roulant sur des débris des stalactites tombés précédemment. Anthelia l’aida à se relever, malgré la vilaine plaie qui faisait couler du sang dans son œil. Elle avait maintenu tant bien que mal son charme de feu qui parvenait à éclairer la caverne, aussi n’eut-il aucun mal à voir qu’elle était somme toute encore intacte.

« Dur combat hein ?

- T’es un vrai aimant à emmerdes, et je suis folle à lier de te suivre dedans.

- Ahah, l’amour nous rend abruti, plaisanta Akihiko en buvant une gorgée de sa gourde, où la potion de soin de base referma sans problème sa plaie au bras.

- Espèce de… Bon, au moins il est moins dangereux, maintenant qu’il ne peut plus utiliser son bras. »

Le bras en question, une partie du coude arrachée, pendait pitoyablement le long de son corps pendant que le Golem se tournait lentement vers les deux intrus. Son visage figé dans la même expression, à peine éclairé par Anthelia, lui donnait cette impression de menace toujours présente. Malgré son assurance affichée, l’Ynorien savait que le combat n’était pas encore fini ; la douleur était sans aucun doute un concept étranger au titan rocailleux qui continuerait à se battre tant qu’il pouvait bouger.

(Je vais en finir vite.)

(Bravo Sherlock, c’est le mieux pour toi.)

(Sherlock ?)

(C’est… Laisse tomber. Dépêche-toi avant qu’il ne vous balance une autre stalactite dans le coin de la figure.)

Bien qu’il se demandait ce que pouvait bien être un sherlock, il obéit à sa Faëra et se jeta de nouveau sur le Golem, nimbé d’ombres. Faisant appel à ses fluides et au marteau, il lança plusieurs globes de foudre en se rapprochant, appuyé par les boules de feu et les shurikens d’eau qui pleuvaient sur le colosse. Sous le déluge de magie, leur adversaire fut finalement ralenti, ce qui permit à Akihiko de se faufiler par la gauche, passant sous son bras désormais inutilisable. Dans son dos, il commença à armer son marteau pour immobiliser la deuxième jambe et avec, le Golem. Et il eut… Un mauvais pressentiment. Mauvais pressentiment qui se mua en crainte légitime quand il vit les pieds de roche lentement basculé en arrière.

( !! Cet enfoiré !! )

Il ne rêvait pas : la masse de pierre mouvante se laissait bel et bien tomber en arrière pour tenter de l’écraser. Akihiko se précipita sur le côté alors que la lumière de la flamme s’amenuisait peu à peu à mesure que l’ombre du Golem le recouvrait progressivement. Dans un bruit se rapprochant étrangement de la foudre frappant le sol, il s’écrasa en manquant in extremis Akihiko, projeté par la secousse qui fit tomber les rares stalactites encore accrochées au plafond. L’une d’elles tomba sur Akihiko mais ne parvint pas à percer sa cotte de maille, ne laissant à l’enchanteur le soin de n’encaisser que l’impact, peu agréable au demeurant. Craignant un autre assaut du titan, le jeune homme se força à se relever et à se mettre à une distance raisonnable. Allongé sur le dos, le Golem semblait incapable de se relever. Il commença lentement à se débattre, frappant de son talon le sol et de son poing le mur derrière lui, bien déterminé à enterré vivant les intrus avec lui. Évidemment, Akihiko ne pouvait le laisser faire ça.

La rune sur son postérieur désormais hors d’atteinte, il n’avait plus que le Cœur et l’épaule pour cible. Il progressa tant bien que mal vers son adversaire, avancée rendue difficile par les secousses provoquées par les spasmes du géant. Arrivé près de ce dernier, il dut esquiver le poing qui s’abattait sur lui, tel un immense marteau de pierre. Sa roulade l’amena près de son visage qui le fixait de ses yeux de saphir d’un bleu profond. Il remarqua les discrètes veines dorées dans les joyaux, ce qui le fit réviser son jugement : ce n’était pas des saphirs, mais des lapis-lazuli.

(TU CROIS QUE C’EST LE MOMENT ?!)

L’enchanteur reporta son attention sur la rune qui luisait sur l’épaule, au bout de laquelle un poing se levait déjà pour le frapper à nouveau. Il arma de nouveau son arme au-dessus de sa tête et dans un cri, envoya la tête blindée écraser la rune et la roche. Les runes explosèrent, dont une qu’il aurait juré être la rune « attaquer ». Le poing perdit de sa force et seul son élan initial vint frapper l’enchanteur. Un élan suffisant pour le mettre à terre le souffle coupé. Il sentait sous ses pieds le sol trembler, seule indication que le Golem continuait de le frapper de sa jambe valide. Le son avait été remplacé par un bourdonnement sourd qui emplissait ses oreilles et c’est donc privé d’un de ses sens qu’il se remit debout avant de grimper difficilement sur la poitrine de roche, secoué par les violents tremblements de la tentative désespéré du Golem. Sa peau rugueuse et tranchante écharpa ses doigts, ses avants bras, ses cuisses. Il finit difficilement par atteindre le plexus solaire, emplacement des Cœurs de Golem, et se remémora les paroles du vieil Aldémire.

« Un cœur de Golem, c’est un alliage de plusieurs minerais. Le plus simple serait de posséder des fluides de terre pour extraire directement le cœur, mais tous les enchanteurs n’en possèdent pas. Alors ce que font les enchanteurs, c’est d’utiliser leurs fluides pour faire adhérer leurs runes et leur Cœur à la masse de terre. En les gelant avec de la glace, en les fondant en ensemble pour les pyromanciens… Il faut donc trouver un moyen de rompre ce lien. C’est un lien artificiel puisque ces créatures sont bien trop complexes et les runes des puissances trop mystérieuses pour être employées correctement. C’est ce qui rend la rupture de la phrase runique possible pour ces choses, contrairement à une incrustation de runes qui est-elle bien plus sobre et donc stable.
Alors, pour un Golem créé par un fulguromancien, le lien qui va les unir est… »


(Magnétique.)

Akihiko apposa ses deux mains sur le Golem. La situation avait beau être urgente, il ne pouvait pas se permettre de brûler les étapes et gâcher du temps. Il analysa donc avec soin l’intérieur de la créature magique, sans rien entendre de ce qui se passait autour de lui. Ce n’était pas plus mal quelque part, les cris angoissés d’Anthelia n’allaient pas le déconcentrer et lui mettre la pression. Au bout d’un temps qui lui sembla bien trop long, il repéra le Cœur ainsi que la puissante magie de foudre qui maintenait le tout en un ensemble cohérent via le magnétisme. Cette force ne retenait pas que les runes : le Golem était en fait un amas de gravats maintenus ensemble par la puissance fluidique dégagée par le Cœur. La phrase runique était très complexe et il ne put reconnaître que deux runes : les runes Défendre et Renforcer, ce qui n’avait rien d’incohérent vu la fonction du Golem. Il insuffla donc sa magie, ses fluides dans le Cœur, pour qu’elle se retrouve expulser par la force magnétique. Sentant que quelque chose se tramait dans son organe, le titan de roche redoubla d’efforts pour se débattre, multipliant les secousses. L’enchanteur se cramponna de toutes ses forces aux fentes et aux prises qu’il avait trouvées et continua de tenter de rompre le charme magique, en vain.

Il tenta donc une autre approche : plutôt que de vouloir rompre le lien généré par le cœur, il s’attaqua directement à la phrase runique et commença à isoler une à une les runes pour déconstruire la phrase. Il commença par celles qu’il connaissait, la rune Pi Renforcer. Englobant la force magique de la rune de ses propres fluides, il l’isola peu à peu et parvint à la couper du Cœur. La présence de la rune s’effaça peu à peu et la phrase devint instable, de même que le Golem qui fut agité de spasmes incontrôlés. Les plaies sur ses mains s’agrandirent, mais il tint bon et s’attaqua à la seconde rune dont il savait la signification, la rune Défendre. C’était le cœur de la phrase et donc l’élément le plus attiré par le Cœur ; mais le trou dans cette dernière avait fragilisé le lien, si bien que Akihiko finit par là aussi couper le lien avec le Cœur en employant la moindre parcelle de fluide qu’il avait en lui. Privée de son élément central, la phrase runique s’effondra. Les fluides qui la tenaient depuis tant d’années, privés de leur but, s’échappèrent et se dispersèrent dans tout le corps du Golem. Akihiko s’en retrouva éjecté, une douloureuse sensation de brûlure envahissant ses doigts. Sonné, il se releva tant bien que mal, fatigué de toujours finir au sol au moindre affrontement. Et, évidemment, Anthelia se trouvait là.

« Tu ne sais décidément rien faire comme tout le monde…

- Par… Don ?

- Le plus terrifiant dans tout ça, c’est que je m’inquiéterai presque moins. Bois tes foutues potions de soins maintenant. »

Il s’exécuta et porta la gourde à ses lèvres, faisant fi de ses doigts écorchés et à vif. La grande potion de soin et son agréable goût sucré se déversa dans sa gorge, refermant peu à peu les multiples plaies qui ornaient ses membres. Pas assez puissante pour toutes les refermer, mais suffisante pour les rendre supportables.

Le Golem n’avait pas eu cette chance. Libéré de la puissance magique qui l’animait, sa surface rugueuse s’était fissurée pour laisser place à ce qu’était vraiment son corps : un ensemble de gravats. Avec un soupir de soulagement et sous les félicitations mentales d’Amy, Akihiko se releva. Il avait vaincu le Golem ; ne manquait plus qu’à récupérer son butin. Si la satisfaction de savoir s’il avait réussi à récupérer le Cœur intact l’attirait grandement, il avait une priorité encore plus grande sur le moment. Aidé d’Anthelia, qui éclairait toujours, il s’approcha du cube de verre qui protégeait les bottes de foudre. Le verre n’avait sans surprise pas résisté aux désastres naturels qui avaient ravagé la caverne. Malgré son épaisseur, plusieurs larges fissures ornaient les faces du cube, qui se brisa définitivement sous le marteau de Akihiko. Avec une excitation mêlée d’une pointe de crainte, il posa sa main sur la paire de bottes.



Avatar du membre
Akihito
Messages : 304
Enregistré le : mar. 29 janv. 2019 14:26

Re: Le Mausolée des Valeureux

Message par Akihito » mer. 1 avr. 2020 00:49

Dans le chapitre précédent...


Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre

Chapitre LIII : Pas de plume


Le simple contact du cuir sous ses doigts sensibles lui confirma que tous ces efforts n’avaient pas été en vain. Silencieusement, Akihiko retira un à un les débris de verre qui recouvraient les bottes de Foudre et étaient tombés dedans. Il s’appuya sur la table de pierre, retira ses jambières elfiques et ses bottes de voyage pour enfiler ses nouvelles acquisitions. Porem avait-il des pieds semblables aux siens pour que ces bottes soient aussi confortables, comme sur mesures pour lui ? Où était-ce qu’un enchantement d’adaptation à la taille du porteur était à l’œuvre ? Peu importait en réalité.

(Je me sens vraiment léger.)

L’enchanteur se remit debout et sautilla sur place : il ne s’était jamais senti aussi libre de ses mouvements, aussi rapide. Il prenait conscience des minuscules étincelles qui parcouraient ses pieds et qui lui donnaient une nouvelle impulsion à chaque petit saut et décida de courir jusqu’à ses affaires pour les récupérer, mais aussi pour tester. Il atteignit sans aucun effort ce qu’il estimait être son ancienne vitesse de pointe quand il courait à fond et dû freiner en urgence pour éviter de percuter la paroi de la caverne. Un sourire satisfait barrait son visage : une telle sensation de liberté et de vitesse, c’était réellement grisant. La Kizoku Rana rejoignit rapidement son flan ainsi que ses protections en écailles de Drakarn. Même ainsi, il se plut vif que jamais. Le plaisir de se sentir porter par ses jambes avec autant d’aise remplaçait aisément la fatigue du combat qui venait d’avoir lieu.

« J’imagine que je n’ai pas besoin de te demander si ce sont les bonnes, intervint Anthelia en le rejoignant.

- Ca me parait assez évident, oui. Tu as vu cette vitesse ? Et ce n’est même pas le maximum que je puisse atteindre ! J’ai hâte de les essayer dehors et de…

- Oui alors je t’arrête tout de suite : sors avec ça aux pieds et tu as la moitié de la garde du Mausolée qui te tombe dessus. Au final, on arrivera à s’en sortir parce qu’on n'aura rien profané mais ce serait bien d’éviter les ennuis tout de même, mmh ?

- C’pas faux. Qu’est-ce que je ferais sans toi ? dit Akihiko en l’embrassant fugacement.

- Encore une fois, pas grand-chose, » répondit-elle en lui rendant son baiser.

Les bottes furent retirées et remplacées par les anciennes le temps de sortir. Ils n’avaient pas de quoi les cachés sans leurs sacoches et sacs, aussi enroula-t-il les artefacts dans son manteau. Il allait presque partir lorsqu’il se rappela soudainement de la présence du Golem : dans sa précipitation, il avait purement et simplement oublié cette histoire de Cœur. Equipé de protections, déblayer les gravats fut bien plus facile. La première bonne surprise qu’il eut, ce fut la découverte d’un lapis-lazuli ; l’un des yeux du colosse avait survécu et mieux encore, un curieux symbole était engravé dans le centre bleuté : une rune ! Akihiko ignorait que les runes pouvaient aussi apparaître dans des pierres précieuses, mais il ne s’en plaignit pas. C’était une rune qu’il ne connaissait pas en prime, il avait hâte de trouver quelle était son sens.

(Sans doute que cela à un rapport avec le Golem.)

(N’en soit pas si sûr : les runes apparaissent un peu n’importe où et surtout sans raison distincte. Je ne serais pas surprise de voir une rune sans rapport aucun avec.) commenta Amy.

(Tu es bien pessimiste.)

(Simplement réaliste ; de toute façon, quelle que soit sa signification, c’est toujours une bonne chose.)

La seconde bonne surprise fut le Cœur du Golem. D’une part parce qu’il avait avec succès réussis à le conserver intact, mais également parce qu’il était d’une couleur vraiment incroyable. Non content d’être une pierre d’un bleu profond moucheté d’or éclatant, la gemme de la taille d’un poing pulsait d’une lueur tout simplement envoûtante. Le jeune homme comprit d’emblée pourquoi la pierre était si recherchée : elle n’était pas simplement rare, elle était aussi magnifique.

« Ca valait le coup d’aller voir ce vieux mage.

- Tu veux bien m’en faire un bijou ? demanda innocemment la tatoueuse, elle aussi sensible à la beauté du Cœur.

- Je croyais que c’était pas fait pour toi, les bijoux ?

- Je pourrais faire une exception pour lui.

- Voyez-vous ça ! Au fond, ton côté féminin finit par ressortir.

- Je crois que l’air humide ne te fais pas que du bien mon pauvre Akihiko ; sortons avant que tu ne continues de sortir plus d’absurdités. »

L’enchanteur en rit, puis se releva après avoir sondé une dernière fois s’il n’était pas passé à côté de quelque chose d’autre. Satisfait, il suivit Anthelia vers l’échelle qui les ramènerait vers la surface, en espérant que les gardes n’avaient pas entendus le Golem frappé comme un damné les parois et le plafond de sa caverne.


- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -


Ils arrivèrent à sortir du Mausolée aussi facilement qu’ils étaient rentrés, ce qui étonna un peu Akihiko quand il repensait au bruit cataclysmique du poing de roche contre le plafond garni de stalactites et la pluie de roc qui s’ensuivait. Mais il fallait croire que le silence du manque de personne n’avait pas été troublé. Akihiko avait tout de même pris le temps de se recueillir auprès de chacune des trois tombes ayant participées à la légende des Bottes. Il ne savait pas quoi leur dire et s’était simplement tenu quelques instants, silencieux, devant elles. Mais il se disait qu’il devait leur témoigner une certaine forme de respect, leur assurer que ces bottes étaient désormais entre de bonnes mains.

(Tu penses en être digne ? Tu n’es pas trop présomptueux dis moi.)

(Je suis pas être pas le plus digne, mais je peux au moins affirmer que ces bottes ne seront pas utilisées pour faire quelque chose de mal.)

(Ca va, je t’embête.)

(Sinon, c’est quoi un sherlock ?)

(Mmmh.. Pour faire simple dans le futur, ce sera une personne très perspicace qui résoudra beaucoup de crimes et de vols par son esprit vif et ingénieux.) expliqua Amy en lui projetant l’image d’un homme brun vêtu d’un curieux manteau.

(Ah. Donc tout à l’heure aussi, tu te foutais de moi ?)

(Bien vu Sherlock.)

Les deux amis se chamaillèrent ainsi pendant toute la sortie du Mausolée et la traversée du pont. Puis, lorsque les deux tatoueurs furent assez éloignés du pont pour ne pas être visibles, Akihiko enfila de nouveau ses bottes et confia ses affaires à Anthelia pour pouvoir courir en toute liberté sur la route. C’est ainsi qu’il commença à trottiner, atteignant une vitesse qui aurait fait pâlir un athlète de la courser à pied. Puis, il accéléra. Encore, et encore. Courant à la limite de ce que ses muscles lui permettaient, il atteignit une vitesse qu’un cheval de course aurait presque eu du mal à suivre, sur plusieurs centaines de mètres. Il s’arrêta finalement pour reprendre sa respiration, le souffle court, le rouge aux joues. Leur réputation n’était pas usurpée et Akihiko comprenait maintenant mieux pourquoi les militaires kendrans avaient tant insistés pour se procurer plus de ces bottes. Un excellent combattant, doté de ces bottes, devait être une plaie à affronter. Et l’enchanteur espérait, sans vouloir être arrogant, faire partie de ce genre de personnes.

La jeune femme blonde finit par le rejoindre, une poignée de minutes plus tard, pendant lesquelles Akihiko avait eu le temps de récupérer son souffle.

« Alors ? Heureux ?

- Si tu savais… Attends, je vais te montrer.

- Quoi ? Non mais att-aaaaaaah ! »

L’Ynorien passa ses bras autour de ses épaules et sous ses genoux, la souleva et sans lui laisser le temps de protester, parti comme une flèche. Elle s’agrippa à lui de toutes ses forces, enfonçant ses doigts dans les bras de son compagnon. Compagnon qui se rendit compte que, si Anthelia était loin d’être lourde, il ne pouvait pas atteindre la même vitesse délirante que quelques instants plus tôt. Mais le vent siffla néanmoins suffisamment dans leurs oreilles pour rendre l’expérience intéressante. Lorsqu’il la reposa elle lui jeta un regard noir, juchée sur des jambes encore tremblantes.

« Ne me refais plus jamais ça, » le menaça-t-elle, avant d’abandonner son masque d’hostilité pour admettre dans un demi-sourire qu’elle avait trouvé ça très excitant, mais qu’il avait intérêt à la prévenir la prochaine fois. Akihiko s’en amusa tout en se massant les mollets qui commençaient à le tirer. S’il voulait pouvoir utiliser cette célérité, il allait devoir renforcer ses jambes pour supporter l’effort qu’elles lui demandaient. C’est pourquoi il se contenta de marcher aux côtés d’Anthelia le restant du trajet.

« Eh bien, cette escale aura été des plus intenses.

- Ah bah ça… C’est le cas de le dire.

- Pas trop déçue de quitter tes parents ?

- Non, pas vraiment. J’ai été ravie de les voir, mais nous avons l’habitude de ne plus nous voir depuis que je suis partie. Ils comprennent ça bien et moi ça me va.

- J’imagine que mes parents doivent penser la même chose d’une certaine façon. Ils n'ont pas employé les mêmes mots, mais je suis presque sûr que ça devait être le même message.

- Oui. Puis ils savent que tu m’accompagnes alors ça les rassurent, dit-elle dans un sourire mystérieux qui lui fit soulever un sourcil.

- Tu leur as dit pour nous ?

- Oh arrête Aki, ils s’en sont douté dès le premier jour. Je ne leur ai rien dit parce que j’attendais que tu te décides à m’en parler, mais il a fallu que tu frôles la mort pour que tu te bouges.

- Tu attendais ? Mais, euh, bah, enfin, depuis combien de temps ?

- A peu près le moment où tu as sauté comme un idiot dans la mer pour aller sauver le petit Sam. J’espère que tu vas pas me faire passer par ce genre d’étapes à chaque fois qu’on devra aller plus loin dans notre relation.

- Hum… Bah, j’espère que moi aussi…

-Enfin, je reste avec toi en connaissance de cause. Estime-toi heureux, peu de femmes auraient ma patience. »

Anthelia glissa sa main dans la sienne et entrelaça ses doigts en lui décochant le sourire qu’elle ne faisait qu’à lui, celui où ses yeux verts forêt pétillaient et le coin de ses lèvres se creusaient en d’adorables fossettes. Le genre de sourire auquel il ne savait dire que oui, quoi que pouvait être sa demande. Mais cela n’empêcha pas de la taquiner en retour.

« T’es peut-être plus cinglée que moi dans ce cas.

- Eh ! »

Akihiko déposa un baiser sur sa joue avant de profiter de ses toutes nouvelles acquisitions pour filer comme le vent, distançant une Anthelia vociférante. Il s’arrêta au bord de la route et en profita, en attendant sa douce tatoueuse, pour sortir la rune dans le but de percer son sens. L’air sifflait dans ses oreilles. Il sentait l’air marin et celui de l’aventure qui allait se poursuivre.
Et, justement, il apercevait du coin de l’œil des nuages d’orage s’amonceler au-dessus de la mer. Là où d’autres y auraient vu un mauvais présage, c’en était toujours un bon pour Akihiko : tant de choses avaient commencé par un orage.

(Yuimen, qu’est ce que tu me réserves demain ?)

Il ferma les yeux en se concentrant sur la rune gravée dans le lapis-lazuli. Une question sans réponse, mais qu’importe : il avait hâte de la découvrir par lui-même.


Avatar du membre
Gamemaster6
Messages : 544
Enregistré le : lun. 2 sept. 2019 17:36
Localisation : Prêt à plonger

Re: Le Mausolée des Valeureux

Message par Gamemaster6 » mer. 1 avr. 2020 00:57

Intervention pour Cherock

En se concentrant pendant les minutes nécessaires à une Anthelia furibonde pour le rattraper, Cherock peut sentir le pouvoir de la pierre lui révéler son nom : Khu. Une rune qui signifie "Coffre".
Image

Quand on l'appelle, il apparaît !!
Et il reste, alors gare !

Avatar du membre
Ezak
Messages : 175
Enregistré le : mar. 22 déc. 2020 06:18

Re: Le Mausolée des Valeureux

Message par Ezak » mer. 26 janv. 2022 18:12

Précédemment

Lorsque vinrent les obsèques du Roi, son corps fut convoyé dès l’aube vers le Temple de Gaïa ou eut lieu une cérémonie. Comme il était de coutume à Kendra-Kâr, de nombreux hommes et femmes importants s’étaient déplacés pour dire adieu au Roi et avaient formé un cortège pour l’accompagne du Temple au Mausolée des Valeureux, le tombeau de la royauté kendranne. Je ne connaissais pas la plupart des personnes présentes, mais il y avait là tout le gratin de la noblesse. Le monde arborait une mine grave de circonstance. Les mots étaient chuchotés, minaudés, si bien qu'au-dessus de cette foule de gens importants, un chuintement continu semblait flotter sans cesse.

J’étais heureux que le corps de Solennel soit enfin renvoyé là où il devait être et mis sous scellé. Il ne fallait pas se méprendre, je n’avais rien contre cet homme, mais depuis Kôchii j’avais suivi son corps au pas, passé ensuite des jours enfermé sous le même toit que lui, et pour finir, je suivais un cortège pour l’accompagner hors de la ville jusqu’à sa dernière demeure. Ce corps avait tracté sur des kilomètres et des kilomètres tout un peuple, m’entrainant dans ce même sillage. Je pensais que l’on devait laisser Solennel se reposer, et qu’il nous rende notre liberté.

C’est pourquoi je vécus cela presque comme un soulagement quand le corps fut scellé avec ses armes d’apparats dans son gisant d’or en grande pompe. La vie kendranne pouvait enfin reprendre son cours, car la fin de l’ère Solennel IV était actée. Tous ceux présents, se relayèrent pour lui déposer des fleurs, comme l’exigeait encore la tradition. J’observais les visages, ces mines graves. Combien d’entre-elles étaient sincères ? Quels étaient ceux qui, déjà voyaient une opportunité d’élévation ? Je me rendais compte en étant si proche à quel point ce monde m’était malgré moi étranger. Depuis tout jeune, j’en avais été privé, si bien que je n’en maîtrisais aucun rouage. J’avais cette désagréable impression d’avoir été placé au milieu d’un jeu dont je ne connaissais aucune règle et sans personne pour me les apprendre. Cela aurait pu être mon père... Je repensai à lui avec émotion. Je lui en voulait, il m'avait déçu, couvert de honte, mais j’étais triste que notre relation en soit arrivé là. Je voulais qu’il soit fier, je voulais le faire pour les d’Arkasse, mais à quoi bon si j’étais le seul représentant de ma famille. Je me rendis compte que ce dont j’avais le plus manqué durant mes années de servitudes c’étaient mes liens. Cependant, à présent que j'évoluais au sein de ce monde dont je rêvais tant, je n'en avais pas plus.

Bouleversé pas ces pensées, je quittai la salle du Mausolée des Majestueux où était entreposé les dépouilles royales, pour rejoindre l’étage inférieur, cherchant un peu de distraction pour oublier mes regrets. Mes pas me menèrent dans le Mausolée des Héros, salle où reposaient les hommes à hauts faits de Kendra-Kâr. Je profitai de ce moment de calme pour laisser aller mon regard sur les tombeaux de ces grandes figures de Kendra-Kâr. Leur nom était gravé dans le marbre de leur sépulture. Ils avaient atteint la postérité, leur valeur était reconnu par leur communauté.

Intimement, j’espérais un jour être à leur place. Le plus tard possible bien entendu, mais oui, j’en rêvais d’avoir le prestige des plus grands héros, de nourrir des balades, des contes, que dis-je, des légendes. Quelle plus grande récompense pour un être ayant fait de la maîtrise des armes son art ? Alors que je rêvais devant l’un des tombeaux richement décoré, une voix me sortit de mes rêveries.

« C’est l’un de mes aieux.. »

Je tournai le regard vers l’homme qui m’avait interpelé. Il avait les cheveux noirs et des yeux d’un bleu éclatant. Son visage encore ferme mais qui commençait à éprouver la lâcheté du temps laissait deviner un homme quarantenaire. Il avait un air satisfait, les yeux fixés sur la tombe du héros face à moi.

« Pardon ? »

« Le tombeau que vous contemplez, c’est celui de Aldérik de Maisonneuve, mon arrière-grand-père. »

Mon regard s’attarda sur l’inscription, le nom correspondait effectivement.

« Votre famille doit en être fier. »

« Plutôt ! C’était un grand guerrier en son temps.» Après un temps, il poursuivit :

« Je ne crois pas vous connaître Messire, et je peux pourtant me vanter de connaître la majorité des gens composant le cortège. Je suis Xander de Maisonneuve.»

« Je pourrais me vanter de l’exact contraire. Ezak d’Arkasse. »

« Attendez ! d’Arkasse ? Celui qui est revenu de la guerre avec l’Etat-Major. »

Je ne pus cacher ma surprise devant ma publicité avérée.

« Vous avez entendu parler de moi ? »

« Comme je vous l’ai dit. Il y a peu de personnes que je ne connaisse pas. Les Maisonneuve ont le bras long, je suis plutôt au fait de ce qui se trame au sommet du Royaume... » rajouta t’il en gonflant le torse, plein de fierté, avant de se retourner et d’appeler un homme en discussion plus loin.

« Hey Corvus, regarde ça. C’est le petit d’Arkasse. »

Je fronçai les sourcils, goûtant fort peu cette appellation que je trouvais dégradante. En d’autres conditions, j’aurais fait sentir à ce Xander que je n’appréciais pas son parler, mais étant en présence de gens de la société, je ne pouvais me permettre ce genre d’incartade. Un homme plus vieux au crâne chauve et à la barbe blanche fournie se rapprocha de nous. Malgré son vieil âge, il disposait d’une belle carrure témoignant d’une ancienne activité physique.

«Le rejeton de Vandrak survivant de la bataille ? Tiens donc ! »

Il jeta sur moi un regard sévère, m’étudiant longuement pendant que Xander de Maisonneuve le présenta :

« D’Arkasse je vous présente Corvus Heinart. C’est un éminent Général des armées à la retraite. »

« Quel fiasco que cette bataille n’est-ce pas ? »

J’haussai les épaules.

« Ce n’était pas une bataille comme les autres alors…. »

L’ homme continua sans même me laisser finir ma phrase.

« Ah que j’aurais aimé avoir eu encore l’âge de mes exploits guerriers ! Si j’avais été à la tête de cette bataille je vous assure mon brave que vous auriez une mine plus victorieuse aujourd’hui ! Cette mauviette d’Andelys était un piètre choix pour ce poste, je l’ai toujours dit.»


Je fus estomaqué de m'être fait ainsi couper la parole et d’entendre tant d’inepties en si peu de phrases. Après avoir vécu ce que j’avais vécu la dernière chose dont j’avais besoin c’était d’écouter les conneries délirantes d’une grande gueule qui avait passé la guerre bien au chaud derrière les murailles de la ville. Je ne pus m’empêcher de répondre avec sarcasme :

« Oh oui, j’en suis sûr. Un homme de votre trempe aurait changé beaucoup de choses si vous étiez là. »

Le vieux me jeta un regard sévère à nouveau, avant de plisser les yeux et de les détourner sur le Sieur de Maisonneuve.

« Il me plait ce petit, il sait parler. Je vous laisse, je dois trouver le Comte Ybelinor. »

Je n’y croyais pas, il était si imbu de lui-même, qu’il ne vit même pas l'ironie de mes mots. Quand il s’éloigna, sous mon regard méprisant, le sieur de Maisonneuve se tourna vers moi.

« Ne lui en voulez pas ! Il a connu une tout autre époque, un tout autre Roi, et le monde change à grande vitesse sous ses yeux. Il peut paraître un peu... dur, mais c’est une bonne personne. »

Je n’en croyais pas un mot. C’était juste un connard comme un autre, trop bête pour comprendre des sous-entendus, mais je me gardai bien de faire savoir mon avis, alors je me contentai d’hocher la tête sans un mot. Il ajouta alors à voix basse, un sourire malicieux aux lèvres.

« Il a de l’influence, et ici c’est ce qui compte. »

« Je crois plutôt à cette version… »
me risquai-je à commenter sèchement, encore agacé par les mots de ce Heinart.

Il eut un petit rire.

« L’on raconte que vous serez fait bientôt Chevalier. Alors, un conseil d’Arkasse, dans ce monde-çi, choisissez vite et bien vos amis. C'est essentiel. » me dit-il en me lançant un regard entendu. Je l’observai en silence, ne sachant pas si j’avais à faire à un conseil amical, ou à une menace voilée. Honnêtement, ça aurait bien pu être les deux.

« Bien, je vous importune pas plus longtemps, alors je suis sûr que nous nous reverrons bientôt. »

Je le laissai partir après un signe de tête poli, rempli de frustration. Je n’aurais jamais cru pouvoir affirmer ça un jour, mais si les rapports violents d’Omyre ne me manqueraient pas, je regrettais leur simplicité. Ici, dans ce haut monde kendran - et avec ce Maisonneuve j’en avais l’exemple - j’avais le pressentiment que les apparats n’étaient pas forcément ce qu’ils semblaient être et les rapports n’en étaient que plus dangereux. Je le savais, il me faudrait faire beaucoup d’effort pour dompter mon caractère et m’adapter à ce genre de rapports.

Je restai encore quelques minutes dans le refuge du Mausolée des Héros profitant de sa relative quiétude, avant de remonter à l'étage superieur...

Suivant

Répondre

Retourner vers « Principauté de Kendra Kâr »