La Plaine

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Yuimen
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La Plaine

Message par Yuimen » sam. 6 janv. 2018 11:28

La plaine

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Au nord ouest de Pohélis s’étend une large plaine qui contourne un lac important. Le relief n’est pas particulièrement régulier mais c’est assez plat dans l’ensemble, bien que certaines dépressions permettent de cacher un homme accroupi. La plaine est parsemée de buissons, voire de bosquets, mais il est rare de croiser un arbre plus grand que deux hommes et il n’y a rien qui puisse ressembler même de loin à une forêt.

En hiver, tout est recouvert par la neige rendant les abords du lac dangereux car il est difficile de savoir où est la berge. En été, de l’herbe bien grasse pousse de partout attirant des troupeaux de différents herbivores. De nombreux bergers possèdent des cheptels de bêtes qu’ils peuvent nourrir facilement durant toute la belle saison. Mais ça, c’était avant la guerre.

Lieux particuliers :

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Arkalan
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Re: La Plaine

Message par Arkalan » dim. 20 mars 2022 13:59

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Des couvertures, une cape épaisse, une tente de fortune, une carte et même des provisions. Voilà ce que me rapporte mon sauveur, des cadeaux bienvenus que je refuse toutefois de me faire offrir. Je ne veux rien devoir à personne et je lui dois déjà un service de trop. Je lui cède donc les Yus que j’estime suffisants pour rembourser les biens qu’il m’amène après une rapide inspection. Je le remercie ensuite et déroule la carte pour décider du chemin à parcourir.

Je ne manque pas de pousser un soupir las quand je m’aperçois qu’il faut traverser la moitié du continent. Je me trouve tout à l’ouest et je dois me rendre plein est, ça au moins c’est facile. En revanche je remarque que j’ai deux fleuves à traverser et j’ignore si les ponts sont nombreux. Pour l’instant le plus sage est de suivre la côte jusqu’à tomber sur le fleuve Napp’a. Une fois franchi je devrai traverser la plaine en évitant de me rapprocher de Pohélis. Qui sait sur quels créatures je pourrais tomber près de ce fief d’Oaxaca. Le mieux serait de tomber sur le lac qui me paraît si immense que je soupçonne la carte de ne pas être à l’échelle. Je devrais ensuite traverser un second fleuve qui ne porte pas de nom, il ne me restera ensuite plus qu’à longer la forêt sombre et une fois au nord de celle-ci je devrais apercevoir l’académie. Un voyage long et surtout pénible m’attend. D’autant plus si le temps continue de décliner. Je décide de partir immédiatement malgré le vent qui se lève. Je ne peux de toute manière pas me réfugier en ville et je peux au moins profiter des maigres rayons du soleil pour me réchauffer.

Les semaines passées à la commanderie ne m’ont pas rouillés et je reprends vite les habitudes de la survie même dans ce genre d’environnement inhospitalier. Cependant le froid reste mordant et la température me paraît descendre de jour en jour. Je marche plusieurs jours en gardant l’océan sur ma droite, méditant le strict nécessaire à l’abri du vent avant de repartir pour ne pas laisser le froid m’emporter. J’engouffre des quantités inattendues de nourriture afin de garder assez de calories pour combattre le vent glacé. Assez pour me faire craindre de ne pas avoir assez de vivres.

Heureusement même dans un désert de glace il y a des ressources. En me rapprochant de la mer je parviens à trouver quelques crustacés sous des pierres ou encore des lapins à la fourrure blanche dans les plaines. De quoi tenir jusqu’à atteindre le premier réel obstacle. Le fleuve. Un cours d’eau qui m’oblige à remonter vers le nord pendant plusieurs jours avec la mauvaise surprise de tomber sur un pont détruit. Je poursuis ma route, remontant le fleuve jusqu’à un passage plus étroit et avec une couche de glace assez épaisse pour pouvoir traverser.

Je continue encore, bravant le vent et les chutes de neige vers l’est. Par chance, je découvre un hameau abandonné aux maisons en sale états alors qu’un blizzard commence. Je m’abrite dans l’une, qui comporte encore quatre murs et un toit, où reposent des squelettes aux crânes fendus. Les victimes malencontreuses d’un raid j’imagine. Je m’installe, comblant les fenêtres brisés avec les couvertures glacées de la masure. Brise quelques meubles pour avoir du petit bois et démarre difficilement un feu dans la cheminée. Un répit réconfortant alors que le vent hurle contre les murs. Je me rapproche des flammes et de la chaleur, certain que la fumée ne sera pas aperçu dans ce déferlement de neige et que personne n’est assez fou pour visiter des ruines par ce temps. Je peux alors me reposer convenablement pendant plusieurs heures une fois certain que mon feu sera assez fort pour résister au froid.

Une fois le temps éclairci, mon corps réchauffé et reposé je regagne l’extérieur pour découvrir un paysage bien loin de celui que j’ai traversé ces dernières semaines. Un épais manteau blanc s’étend jusqu’à l’horizon, réfléchissant les rayons du soleil qui n’est plus atténué par un ciel gris. Le ciel est dégagé, d’un bleu apaisant, et bien que la luminosité agresse mes yeux de Shaakts j’apprécie tout de même la caresse chaleureuse sur mon visage. Je remarque également un ponton de bois que je ne voyais pas hier, qui semble s’avancer pour aller nulle part. Je comprends qu’il est simplement prit dans l’eau gelée et couverte de neige du lac et ça me rassure sur la route que j’empreinte. Je dresse ma main en pare soleil pour voir au loin sans être ébloui, distinguant de la fumée qui s’élève d’autres habitations. Le lac étant une source d’eau et de nourriture, des villages se sont évidemment établis. Je décide de les éviter, ne sachant pas la réaction que les habitants pourraient avoir en m’apercevant. Je continue vers l’est avec plusieurs jours de temps plus agréables avant qu’à nouveau le vent, le froid et la neige ne se mettent sur ma route.

Je réussi tout de même à atteindre le second fleuve sans perdre le bout de mes doigts, de mes oreilles ou de mon nez et trouve rapidement un moyen de passer sur une couche de glace assez épaisse. Voilà plus d’un mois que je voyage et je n’ai pas encore croisé une seule personne. Les vieilles habitudes liées à la solitude me revienne. Je me parle tout seul, répondant à une voix qui s’exprime dans mon crâne. J’entends des bruits que je ne suis pas censé entendre. Des bruits de vagues, de cloches, de chants. Heureusement je sais quand mon esprit divague et je continue simplement mon chemin, bien conscient que le réel et l’imaginaire sont proches mais séparés.

J’atteins finalement la forêt que j’espérais atteindre rapidement. Un endroit où je peux m’abriter et trouver de quoi me nourrir. Je me donne dix jours sur place pour me construire un abri, chasser du gibier pour en fumer la viande, de quoi me faire des provisions pour le reste du voyage. Cependant je décide de quitter plus rapidement mon campement quand je repère des traces d’une présence étrangère qui n’est pas animal accompagné de la sale impression d’être observé. Je longe la lisière de la forêt avec une angoisse croissante jusqu’à atteindre l’extrémité nord face au montagne.

Enfin, je distingue à l’horizon la silhouette d’une forteresse, sans nulle doute l’académie des sciences vers laquelle j’entame les derniers kilomètres.

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Huyïn
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Re: La Plaine

Message par Huyïn » sam. 29 juin 2024 20:10

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Suivre le soleil levant
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Le groupe que le Tigre a rejoint n'a rien à voir avec la troupe saltimbanque dont il a fait partie ces dernières années. Ici, tous les membres de la meute ont un air aguerri. L'elfe noir aux traits carrés, et aux cheveux d'une teinte plus cendrée que la neige entourant le convoi, guide le cheval trapu tirant la carriole en gardant une main gantée sur sa bride. Assis sur la banquette du véhicule, c'est un humain que le Woran pense être de sang fenris, aux cheveux clairs longs et d'un teint très pâle sous capuche beige qui tient les rênes. À gauche des roues, un garzok semblant porter l'intégralité du matériel martial sur ses épaules et arborant un masque argenté sur la majeure partie du visage, marche d'un bon pas. Les armes courtes, moyennes et à distance, ne font pas le moindre bruit malgré leur proximité les unes avec les autres. Derrière le véhicule, se chamaillant comme au moment de la rencontre par le Félin, un archer masqué et sous capuchon vert injurie son voisin au teint hâlé portant turban et ensemble beige, lui aussi masqué et aux épaules couvertes par des protections en forme de visages hurlants.

Huyïn s'ébroue un instant, faisant bouger la laisse que l'un des acteurs de sa vengeance tient en main. Le jeune homme jette un regard par-dessus son épaule, mettant en évidence ses tatouages faciaux à la pommette et à la lèvre inférieure contrastant grandement avec sa peau coloris neige. Difficile en voyant son sourire amusé, légèrement gonflé à cause du coup de poing reçu un peu plus tôt dans la rue, que ce garçon applique la pensée du 'œil pour œil, dent pour dent aussi longtemps que j'suis pas satisfait'. Le Woran n'a qu'à fermer les yeux un instant pour revoir le corps de cet elfe sombre qui avait poignardé le tigreau humain, et avait reçu quarante fois le même coup dans le ventre en retour. Ce pion pâle porte le nom de Arrluk, et s'est joint à cette expédition après avoir tué des hommes de main d'une autorité de l'ombre locale. Sous ses dehors sveltes et sa chevelure à la longueur indescriptible car soit tressée soit taillée à la dague, il masque une force physique surprenante. Un jeune homme semblant encore dans l'âge de l'innocence, et pourtant à la fois un bon acteur, un habile improvisateur et un bagarreur à ne pas sous-estimer. Il est le seul ici à être conscient du rôle que se donne le Félin, et avoir eu l'honneur de connaître son nom. L'estime que Huyïn lui porte est d'ailleurs suffisante pour qu'il fasse lui-même l'effort de retenir le sien.

Le Tigre tire sur la sangle de son précieux luth et le positionne entre ses bras, faisant tinter l'une des cordes.

"N'essaie même pas !", invective la voix du dernier membre de cette infortunée tribu.

Huyïn n'accorde aucune attention à l'humain de grande taille qui le talonne. L'individu, attifé des frusques bien trop colorées pour être discrètes de l'ancien maitre du Félin, est l'actuelle épine dans les coussinets de ce dernier. Suspicieux, l'homme au visage lourdement balafré et aux yeux vairons semble s'être donné pour mission de faire tomber le masque de sa cible, comme s'il savait que celle-ci faisait semblant d'être une bête dressée bien docile malgré sa carrure. Le Tigre ne peut pas se le permettre dans l'immédiat. Il a vécu près de vingt années à proximité de non-worans, il sait comment réagissent ceux qui craignent ou détestent l'inhabituel. Jouer les animaux juste assez intelligent pour taper des cordes de luth dans un rythme accidentellement agréable le met temporairement à l'abri de qui voudrait lui mettre les griffes dessus. Pour l'étudier. Pour le montrer comme curiosité. Pour le faire combattre contre d'autres bêtes à la faible intelligence dans quelque ruine isolée s'il laissait deviner la moindre aptitude à la violence physique.

Un bref à-coup de la queue noire témoigne de l'agacement que l'idée lui confère. Se salir les griffes ou risquer de s'abîmer les doigts en prenant un coup dessus pendant une vulgaire rixe ? Impensable. Et à présent qu'il s'est défait de son boulet de propriétaire, il a toute latitude pour développer son don du vent. La lettre que le jeune humain tatoué conserve précieusement pour lui servira à appuyer son histoire une fois la destination atteinte : l'Académie des Sciences. D'après la missive de rejet de l'Université des Glaces, ceux qui disposent d'une affinité avec d'autres éléments que le froid y seront les bienvenus. Le Tigre est patient et prudent. Il l'a déjà maniée auparavant et sait donc ne pas se faire duper par cette lame à double tranchant qu'est l'espoir.

Son indifférence aux invectives du balafré et ses notes joueuses faites au luth font partir Arrluk dans un éclat de rire sonore. Huyïn garde la tête baissée dans une posture soumise, sans rien manquer de ce qui se passe autour de lui. Après plusieurs dizaines de minutes, le jeune humain avise le conducteur du véhicule.

"Au fait, maint'nant qu'on est chauds et bien lancés, c'quoi l'plan ? J'devais pas être du voyage, ça va pas gêner, hein ?"

Les oreilles du Félin s'agitent brièvement vers la gauche quand c'est le garzok qui répond.

"Évidemment que ça fait chier. Les imprévus, y'a rien de meilleur pour te mettre dans le crâne que non, t'as vraiment pas demandé assez cher au client. T'occupe, t'es pas le premier à venir parasiter la meute. Pendant le solide mois qu'on va devoir se farcir sur la neige, on va passer par deux ou trois patelins qu'on connait. On troquera des bibelots ou les soins de l'étoile encapuchonnée qui se la coule douce là-haut si besoin."

Un souffle indéfinissable émane du conducteur.

"Attends, un mois ? T'as dit un mois ?"

"Oais."

"À crapahuter dans la neige ? À pioncer dans l'froid ? À n'voir aucune aut'tronche qu'les vôtres ?!"

"T'es pas content ? Tu peux encore retourner à Pohélis."

"Oais. Nan. Pour le coup, j'm'y f'rais r'froidir plus vite qu'ici. Mais eh, j'y pense. Pourquoi qu'vous allez jusque là-bas, vous ?"

"Contrat."

"Mais encore ?"

"Pas tes oignons."

Arrluk farfouille dans l'une de ses poches et en sort un yû tout simple. Il le fait sauter dans sa paume libre puis fait un petit geste. Du coin de l’œil, le Tigre perçoit l'éclat de l'objet passer au-dessus du chariot et être intercepté par l'homme conduisant le véhicule. Le temps de quelques notes passe puis le yû est de nouveau dans les airs, attrapé cette fois par le garzok.

"Livraison d'un coffret scellé."

Un temps d'attente puis autre pièce suit le même chemin.

"Envoi depuis l'Université des Glaces."

Une troisième fois, un bout de métal rond vole dans l'air frais.

"Copie d'une copie d'un traité, perdue lors de son expédition par voie maritime."

Le Tigre ne prête plus du tout attention au manège qui se déroule devant lui, ayant trouvé un accord qui lui plait grandement.

"Seconde moitié du paiement à la réception."

Huyïn fait tinter une corde en boucle, cassant le rythme qu'il commençait à jouer naturellement. Mémoriser la trouvaille pour la rejouer plus tard, ne pas exposer le fait qu'il est en recherche consciente de quelque son appréciable. Il n'a pas besoin de regarder ce qui se passe devant lui pour deviner qu'une autre rondelle métallique a suivi le même chemin.

"C'est tout."

"Alors rends-moi ma pièce."

"Quelle pièce ? Vérifie le fond de ta poche. C'est toujours par là qu'elles se font la malle. Maintenant arrête de faire chier à jacasser et marche."

Arrluk ricane, lançant un 'enfoiré' sur le côté. Huyïn garde la tête baissée, mettant docilement les pattes dans les empreintes de son guide. La neige, restée intouchée jusque-là, crisse sous les bottes, pattes et roues du convoi. Rares sont les éléments remarquables venant casser la monotonie de la plaine, tels des rochers, des dépressions remplies d'une eau gelée, de petits buissons rachitiques et rendus squelettiques par le froid dont certains rameaux sont prélevés au passage. La truffe du Félin lui amène l'odeur vivifiante d'une terre sauvage se profilant à l'horizon. Ce n'est pas la première fois qu'il traverse cette plaine, mais cela remonte à bien trop longtemps. Les odeurs corporelles, de crasse et de négligence dans Pohélis forment un air très particulier auquel le Tigre s'est habitué, mais qu'il n'a jamais trouvé appréciable pour autant. Ici, une brise délicate joue avec les crins entourant son visage en lui apportant un parfum frais. Il ouvre la bouche et halète, se délectant de cet air nouveau à la fois familier et pas du tout.

La première journée de voyage se passe sans incident, la voie suivie se trouvant encore proche des itinéraires empruntés par les patrouilles de la cité quittée. Le groupe identifie un versant légèrement surélevé contre lequel sont placés les éléments du campement. Le cheval trapu est attaché à la charrette et gratte le sol à la recherche de quelque brin d'herbe oublié par le givre, recevant sa pitance d'un sac ouvert par le conducteur. Des tentes sont installées, en nombre inférieur aux présents. Plusieurs voix grondent et s'invectivent à cause de pieux mal positionnés, ou de toile faisant face à la mauvaise direction. Huyïn ne lève pas le petit doigt pour se montrer utile, imitant l'animal de trait en restant docile et à sa place. Il se contente de jouer quelques notes, observant sans en avoir l'air la façon dont l'elfe sombre assemble le feu de camp. Les températures étaient douces lors de sa première traversée, ne nécessitant pas toutes les préparations auxquelles le shaakt s'adonne. Il creuse une fosse dans la neige, profonde, et pourtant pas suffisante pour atteindre le sol gelé. Il jette un coup d’œil et semble compter les présents, puis sa sorte de pagaie en bois élargit la fosse d'une poignée de mètres. Huyïn ne relève pas la tête quand l'individu fait des allez-retours entre la charrette et le trou, mais il demeure rudement attentif et intéressé. L'elfe revient les bras chargés de branches encore vertes qu'il place à côté de lui puis qui sont disposées méticuleusement au fond de la fosse sur la neige qu'il a tassé. Il y empile de beaux rondins, puis de plus petits et finalement des brindilles. Il fait claquer deux pierres, l'étincelle tombant sur le bois sec, qui fume et s'embrase tranquillement.

Le Woran se retourne et imite vaguement les gestes, ouvrant une zone dans la neige qu'il tasse ensuite, créant un arc-de-cercle ouvert sur le foyer. Il ramasse d'une patte le surplus de bois vert et le dispose pour tapisser l'endroit. Le Félin ne rend pas son regard à son modèle, même s'il le devine insistant. À la place, il s'assoit sur sa couche improvisée et câline son instrument en enroulant bras, jambes et queue autour, frottant sa joue contre l'un des montants. Le feu prend lentement un peu plus, sa chaleur venant petit à petit jusqu'à lui.

"Bordel, enfin un peu de silence. Dire qu'il va falloir se taper tous ses foutus bruits pendant un mois !", s'agace le balafré.

"Pourquoi tu ne lui prends pas son truc à cordes, là ? T'es son propriétaire ou pas ?"

Le Tigre n'en laisse rien paraitre, mais il se montre particulièrement vigilant à l'écoute de la conversation. Après tout ce temps à planifier la venue de l'instrument entre ses pattes, il est hors de question que quiconque pose plus qu'un regard dessus.

"Il m'est tombé sur le dos sans prévenir. Si j'avais eu mon mot à dire, jamais j'aurais accepté de récupérer ce... Ce..."

"Chat. L'mot qu'tu cherches, c'est chat.", intervient Arrluk. "Et c'pas une bonne idée de vouloir lui enlever son jouet. T'imagine si quelqu'un voulait te piquer l'une des armes que tu portes, vieux ?", ajoute-t-il à l'adresse du garzok alourdi de métal.

"Mes armes ne sont *pas* des jouets."

"C'pas là où j'voulais en v'nir."

"Ta gueule. Et t'avise plus de parler de mes armes comme ça."

"Ouuuuh. Susceptible.", ajoute le jeune homme avant de venir s'accroupir à côté du Tigre, de lui retirer sa laisse d'un geste maîtrisé et sans lui accorder le moindre regard. "Sinon, qui fait à bouffer ?", demande-t-il en roulant la corde et la posant dans le creux du Tigre.

La main de l'être au turban se lève, et le reste du groupe se tourne comme un seul homme vers lui. Les oreilles du Félin oscillent à la soudaine lourdeur présente dans l'air. Il frotte lentement sa pommette vers le haut du luth, jetant un bref et discret regard vert grisé à la scène. Non seulement l'air s'est chargé de menace, mais la plupart des membres du groupe ont tiré leur arme ou tendu leur arc en direction de l'individu.

"Plus ja-mais.", fait l'archer, son arc vide tremblant un peu.

"J'te vois faire *un* pas vers le chaudron, j'te coupe les pieds en tranche et j'te les fais bouffer par les narines.", enchérit le garzok avant de faire signe au shaakt, qui vient récupérer de quoi préparer le repas.

À côté de lui, Arrluk a posé le coude contre son genou et placé sa tête sur sa paume. Il ricane avec le sourcil levé, cherchant brièvement le regard du Tigre, en vain. Huyïn devine la sollicitation et n'y répond pas. Il ferme les yeux, se détendant après cette journée de marche. Autour de lui, le calme revient alors que le camp s'organise. L'elfe se reposera le premier puis assurera la surveillance le reste de la nuit, les autres devant se relayer pour l'accompagner. Il met à réchauffer un bouillon épais, ajoutant quelques morceaux de viande séchée dedans, qu'il partage à la ronde. Un bol est aussi passé au Tigre qui le tient comme gauchement et en lape le contenu docilement, sans laisser une seule goutte se perdre. Il va jusqu'à lécher le bois poli, causant un raclement audible à cause de sa langue hérissée.

Repu, satisfait, le Félin s'étire en tendant les pattes avant vers le ciel, s'ébroue puis regarde dans les flammes. Le bois sec apporté par la troupe claque sur un rythme de moins en moins aléatoire. Les pattes du Woran font se mouvoir son instrument, l'amenant à reproduire le tempo des craquements en n'utilisant que la même corde, tout en ne prêtant aucune attention aux conversations proches dès qu'elles partent en injures et plaintes en tous genres. De temps en temps, comme par accident, il varie la note sur deux ou trois mesures, puis reprend de plus belle. À côté de lui, Arrluk fredonne le rythme de façon inconsciente, tout en écoutant et intervenant dans ce qui se dit alentour. Finalement, fatigué, le musicien à vibrisses pousse un bâillement sonore dévoilant sa dentition pointue et se lève. Il se retourne lentement, observe l'espace dans lequel il avait pris place, l'arpente brièvement en sens contraire puis s'allonge sur son matelas improvisé et face au feu. Le luth demeure niché entre ses bras alors qu'il replie ses jambes et s'enroule autour de l'instrument. Le parfum du bois lui évoque la forêt de son enfance. Brièvement, il se demande si ceux qui ont constitué sa famille se terrent toujours dans les profondeurs sombres, avant de chasser cette pensée. Époque révolue qui ne mérite pas son attention.

Ses oreilles pointues s'agitent brièvement aux différents sons qui l'entourent.

"Tu n'vas pas dormir là, quand même ? Ton lit f'rait honte à une paillasse poussiéreuse éparpillée par les rongeurs. Tu vas t'geler.", lâche Arrluk en se penchant au-dessus de lui, créant une ombre en masquant partiellement la lueur du foyer. Le Woran entrouvre imperceptiblement les paupières, distinguant la main du jeune homme hésitant à proximité de lui.

"L'approche pas. Il a fait son trou, qu'il y crève si ça lui chante.", persiffle le balafré.

"Et si à moi ça m'chante pas ?"

"Ben c'est ton problème ! Non mais vas-y, fais ce que tu veux ! Prends-le dans tes petits bras musclés et va le border, tant qu'à faire. Mais ce sera sans moi. Et t'as pas intérêt à m'approcher si tu pues le matou."

Les pas lourds de l'homme s'éloignent et une tente proche est rageusement ouverte puis refermée. Arrluk pousse un grognement énervé et se relève abruptement.

"Vous regardez quoi, vous ? Bonne putain de nuit, fermez-la et faites pas les cons avec les rondes !"

Il emboîte le pas à sa connaissance, sous les ricanements du reste du groupe. Huyïn bâille de nouveau et s'enfouit un peu plus dans son nid, bien décidé à parfaitement ignorer ce qui vient de se passer. Mais pas à l'oublier pour autant. Il demeure parfaitement détendu quand une autre personne l'approche et le surplombe. L'individu reste silencieux, immobile, puis il part à son tour dans une tente opposée. Laissé seul avec le garzok et l'humain au turban comme seule compagnie trop occupée à surveiller les alentours, le Tigre se sent satisfait. Les membres de la meute sont visiblement familiers les uns des autres mais elle n'est pas spécialement soudée. Certains individus ont des travers déjà bien identifiés ou des rancunes pas mal ancrées qui peuvent potentiellement servir. Ne jamais négliger les points faibles des possibles pions qui vous entourent, car ils peuvent créer la différence et faire tourner un vent possiblement mauvais dans une autre direction.

Huyïn frotte légèrement sa pommette contre son instrument et se laisse aller à son habituel sommeil léger.




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Modifié en dernier par Huyïn le sam. 6 juil. 2024 16:24, modifié 2 fois.

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Huyïn
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Re: La Plaine

Message par Huyïn » dim. 30 juin 2024 18:35

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Trois autres jours se déroulent de la même façon, à une cadence tranquille qui fait grogner le garzok la trouvant bien trop lente et qui se fait entendre à chaque repos devant être pris. Les deux encapuchonnés à l'arrière continuent de tromper leur ennui à coup d'injures et parfois de neige tassée qu'ils s'envoient à la figure. Ils cessent toutefois leur étrange occupation quand l'un des projectiles décrit un arc-de-cercle inattendu et vient percuter le haut du dos de Arrluk, qui leur rend la pareille. La différence étant que ses sphères de neige sont constituées de pierres roulées dans une pellicule blanche, et qu'il vise délibérément les rotules. Ce n'est qu'après avoir été menacés par l'orc d'être laissés derrière eux s'ils deviennent incapables de marcher qu'ils se contentent de se lancer des regards mauvais. Chaque soir, Huyïn pratique sa musique discordante, ne travaillant en réalité que quelques accords précis qu'il dissimule dans un brouhaha aléatoire. Il ne se laisse toutefois pas aller à dormir avant que la silhouette qui vient le regarder de longues minutes ne finisse par s'éloigner. Ce n'est pas être observé qui l'intrigue, c'est la raison qui pousse l'individu à le faire. Aucune tentative de contact, aucune parole ni essai pour envahir son espace. Une possible évaluation avant de passer à l'attaque ? Dans quel but ? Et si ce n'est pas pour une raison dangereuse, quelle est-elle ? Le Woran ne s'en inquiète pas. Ce que son admirateur a en tête finira par être dévoilé au cours du voyage. Dans le cas contraire, cela signifie que rien de néfaste ne se sera produit.

Au cinquième jour, après une matinée relativement tranquille, des rafales continues commencent à frapper le convoi. Immédiatement, shaakt, garzok et conducteur font s'immobiliser le véhicule et lèvent le nez au ciel. Le Tigre n'en manifeste rien, mais il a aussi instinctivement perçu monter un air lourd puis portant une odeur marine qui n'a rien à faire si loin dans les terres. Et exposés comme ils le sont sur la plaine, prendre les devants pour s'en protéger est une évidence. Le véhicule est disposé pour faire barrage aux bourrasques et certaines tentes sont employées comme paravent au-dessus ainsi que sur les côtés pour offrir une protection supplémentaire, des pierres lestant les extrémités. La température commence à baisser, les courants aériens charriant des particules glacées autour d'eux. L'archer s'attelle d'ailleurs à créer un petit feu cerné de pierres, prenant juste à temps pour contrer la soudaine pénombre apportée par la tempête. La bête de somme est délestée de son harnais et placée près du groupe, relativement à l'abri et offrant sa carrure trapue comme autre source de chaleur. Le garzok et le conducteur prennent d'ailleurs place tout contre l'animal, le shaakt un peu plus loin, faisant barrage entre les deux querelleurs à côté du balafré. Arrluk et Huyïn leur font face, le Félin lissant une corde du doigt, imitant la tonalité parfois sifflante du vent qui agite la toile les jouxtant.

"Déjà qu'on se traîne, maintenant on se tape un temps de merde.", grogne le garzok en détachant une arme courte de son torse et en lissant le fil de celle-ci.

"Bah, ça pourrait être pire. C'est que du vent, c'est pas dangereux.", intervient l'humain au turban.

"T'as déjà pris une salve de grêle en pleine gueule ?"

"Nan. Mais c'est bien ce que je dis. De tous les trucs naturels, le vent, c'est de la pisse de sekteg comparé aux autres éléments. Le feu, ça te crame. La glace, ça t'gèle sur place. La foudre, bzzt ! Un éboulement et crouic ! Alors que le vent... Si t'as rien contre quoi te cogner ou que les rafales ne portent pas des caillasses ou de la merde qui peuvent t'en mettre une, t'as rien à craindre. À part te faire un peu sécher les yeux si t'es mal tourné."

La queue du Félin fait un bref à-coup. Il a beau être question du vent en général, Huyïn réprime difficilement le geste instinctif de faire sonner une corde faussement. D'ordinaire indifférent à ce genre de railleries, il perçoit tout de même un peu de désapprobation. Toutefois, cela l'amène à réfléchir et à réaliser que l'humain n'a pas tout à fait tort. Le don du Woran lui permet de générer du vent, cependant il doit bel et bien y avoir un obstacle pour que la cible en souffre. Une brise ou un courant d'air ne causent en effet aucun dégât par eux-mêmes. Les seuls dangers sont le transport de débris ou de différences en température. Mais cela concerne le vent naturel dont il se sert depuis toujours de modèle. Peut-être que le don qui l'accompagne depuis l'enfance a un potentiel qu'il ignore ? Il peut appeler la force venteuse en puisant en lui-même et la faire naître en un endroit en étant dénué, causant une réalité qui n'existait pas en ce point quelques instants plus tôt. Peut-il le manipuler à ses fins ? En faire plus qu'une vulgaire bourrasque tout juste bonne à repousser les capuches ? Son don a-t-il la possibilité de causer des dégâts par lui-même et pas en mettant simplement en relation une cible et une arme improvisée ? Si la chose était possible, elle serait parfaite pour prendre au dépourvu quiconque sous-estimerait l'utilité de son don.

Les oreilles du Félin papillonnent deux fois d'affilée quand il se rend compte que les conversations ont cessé autour de lui. Nul besoin de lever le museau pour deviner les regards dans sa direction, ni de s'interroger longuement pour se rendre compte qu'il a joué plusieurs accords audibles sur un même rythme. Autrement dit, brièvement perdu dans ses pensées, il a inconsciemment joué normalement. Il prend la décision éclair de revenir par une transition fluide au début des accords, les répétant en boucle, comme si cela n'avait été que son habituel tapage mais étendu à des accords plutôt que des notes.

"Bah c'est dommage, ça partait bien.", lâche l'enturbanné.

"Au moins, cette fois, il n'a pas l'air de s'être juste coincé une griffe sous une corde."

"Il avait pas intérêt. Parce que déjà qu'être bloqué là, ça m'emmerde, alors si j'avais du en plus entendre son tintamarre, j'aurais ramassé son foutu truc et..."

"Et rien du tout.", intervient le tigreau humain. "Faut l'dire combien d'fois qu'ce s'rait une idée d'merde ?"

"Et tu le sais parce que ?"

"Parce que vu c'qu'est arrivé à son dernier maître...", commence-t-il, se faisant interrompre par le tintement désagréable d'une corde. Il ne demeure muet qu'un très court instant. "J'disais, parce que c'luth porte la poisse à ceux qui d'vraient pas y toucher. T'avise pas d'essayer s'tu veux pas qu'il t'arrive une crasse."

"Moais. Je ne suis pas convaincu.", fait l'archer.

Un mouvement proche se fait pendant que le Félin jongle avec les accords, et bientôt une main entre dans son champ de vision, se dirigeant vers son instrument. Visiblement inattentif ou n'ayant pas même compris ce qui se passe, le Woran continue de jouer. Son attention est toutefois dirigée vers l'une des pierres lestant la protection, et quand la main basanée de l'humain au turban touche l'instrument, Huyïn laisse libre cours à son don. Un déplacement d'air inattendu se fait dans l'abri, poussant l'intrus sur le côté et le déséquilibrant. Cri de surprise puis grognement irrité quand il prend appui sur l'une des pierres brulantes du feu de camp pour ne pas choir, retirant prestement sa main de la proximité des flammes dès qu'il retrouve son équilibre.

"Putain ! Il s'est passé quoi, là ?!"

"J't'avais prév'nu."

"Mais réponds, oh !", revient l'humain à la charge, tentant d'empoigner le col du Félin.

Un bond en arrière l'empêche de justesse de recevoir un rayon de lumière dans le torse. Une brève accalmie à l'extérieur accompagne le silence étrange régnant dans l'abri, à peine perturbé par les accords joués. Une voix calme s'élève, que le Woran n'a pratiquement pas entendue de tout le trajet jusqu'ici.

"Ôte tes pattes dégoutantes du chat."

"Mais t'es un grand malade ! Préviens au moins ! T'as failli me cramer la couenne, l'étoile !"

Un nouveau sifflement, et la lame courte du garzok l'oblige à reculer encore vivement, se plantant dans le sol là où il se trouvait la seconde d'avant.

"D'une, tu l'écoutes. De deux, tu le respectes. De trois, tu t'avises plus *jamais* de l'appeler comme ça. Pigé ? Maintenant fais passer ma dague et après, assis. Crois-moi, t'as pas envie que je me lève parce que celle que je viendrais te coller te coucherait pour un moment."

À l'extérieur, la tempête reprend de plus belle, coupant court à toute conversation. Le Félin n'entendant plus vraiment ce qu'il joue décide de cajoler son instrument à la place, les yeux clos. Il revient sur cette histoire de vent capable de blesser par lui-même. Il a pu voir que son sort a à peine repoussé l'importun, mais que sans le feu à proximité, il n'aurait rien eu. Faut-il qu'il contienne son don jusqu'à le faire charger ? Le matérialiser en continu ? Ou le manier d'une façon à laquelle il ne pense pas encore ? La question mérite réflexion et lui donnera de quoi s'occuper l'esprit en traversant ces plaines un peu monotones.



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Huyïn
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Re: La Plaine

Message par Huyïn » dim. 14 juil. 2024 10:54

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La tempête dure une bonne demie-journée et laisse le groupe quelque peu irrité. Elle a eu toutefois le bon goût de ne pas trop influer sur les repères suivis par le garzok et le conducteur, qui les orientent vers un petit village. Les habitants, connaissant visiblement les meneurs de la troupe, y sont d'une résistance intrigante, aussi bien physiquement que par le mental. Toute mésaventure y est perçue comme une opportunité. Une tête de bétail est morte en mettant bas ? Une portion de plus à conserver. Une personne de trop a laissé trainer sa corvée de bois ? Le village au complet se réunit dans le bâtiment communal pour y passer la nuit au chaud. Des visiteurs pas revus depuis la bonne saison arrivent ? C'est l'occasion de prendre des nouvelles du monde et d'échanger leur force de travail contre les vivres dont ils ont besoin pour la suite du trajet. C'est du moins ce qui attend les hommes du groupe, les assimilés animaux restant tranquillement dans l'enceinte de la localité, non loin de la grange où tous passeront la nuit. Huyïn soutient brièvement le regard de Arrluk, qui fait de son mieux pour contenir son hilarité en attachant la laisse à la charrette sous un porche de bois. Il ricane beaucoup moins lorsqu'il est désigné volontaire pour aller tirer l'un des traineaux destinés à acheminer des rondins depuis un bosquet proche.

Le Tigre s'adosse contre le mur face à la charrette, abrité, son luth inerte posé contre son torse. Ignorant les regards intrigués ou suspicieux qui lui sont lancés quand les passants se rendent compte de sa présence, il se concentre sur son don. Maintenant qu'il a un peu de temps devant lui, ni pris par la marche ni par l'attention qu'il doit discrètement porter aux alentours, il peut poursuivre son œuvre. Rendre le vent aussi intrinsèquement dangereux que le feu ou la foudre. Il suit sa première idée, à savoir comprimer ses courants intérieurement autant que possible puis les relâcher sur une cible. La première chose qu'il fait est de prendre une inspiration profonde puis une expiration qui l'est autant, se mettant en harmonie avec la note que produit son don dans le bas de son sternum. Lorsqu'il perçoit le mouvement fluide de ce dernier en lui, il l'amène gentiment entre ses paumes se faisant face. Sauf qu'au lieu de le relâcher là où son attention se porte en un sort bien connu, il le bloque et le contraint à rester aux portes de sa manifestation. Comme si après avoir respiré normalement, il venait de se mettre en apnée. Il patiente, percevant son don tourner dans cette zone restreinte, s'accumuler, grimper en pression. Le Woran est contraint de relâcher son effort quand ses mains se crispent soudainement, comme mordues à l'intérieur par ce pouvoir bridé.

Il fait jouer ses pattes, ravivant sa circulation. Sans doute a-t-il trop attendu et son pouvoir s'est donc retourné contre lui parce qu'il n'a pas ouvert la porte métaphorique à la bête n'attendant que de prendre la fuite. Assagi par cette conclusion, il se remet à la tâche. Cette fois, il relâche prématurément la pression, le tout se dissipant sans avoir le moindre effet. Il n'a guère causé plus que le mouvement d'air induit par celui de ses propres mains. Patient, le Félin réitère l'opération. La pression semble bonne, son don n'attendant que de se manifester, ce que le Tigre lui laisse la chance de faire. Un bruit d'éclatement suivi d'un autre discordant résonnent sous le toit et la queue de Huyïn fait un vif mouvement de surprise, auquel il met consciemment un terme. Il jette un bref regard à sa main lui apportant une sensation désagréable et pas du tout prévue. Entre ses paumes, l'air s'est accumulé correctement, sauf qu'au moment où il l'a manifesté, une sorte de bulle tournoyante s'est générée et a repoussé ses deux mains de part et d'autre du phénomène. L'une d'elle a cogné contre le luth, lui causant une brève douleur. Mais absolument aucune sensation similaire à leur surface. Autrement dit, le souffle n'était qu'un mouvement d'air, pas la sorte d'arme à laquelle il souhaite aboutir. Le problème vient-il du fait qu'il génère son pouvoir entre deux surfaces qui se contrent mutuellement ?

Huyïn lèche puis secoue légèrement sa main et reprend sa position, accumulant son don dans ses paumes encore une fois. Peut-être qu'en relâchant la pression d'un côté puis de l'autre ? Il met son idée à l'épreuve. Sa patte gauche est repoussée vivement sur le côté. Par réflexe, il tente de retenir son avant-bras pour éviter un autre choc contre son instrument, causant un à-coup surprenant qui lui fait lâcher prise sur son don maintenu au bout dudit membre. Un souffle désagréable le percute en plein museau, fouettant son visage à cause des crins emportés en même temps. Le Félin passe sa langue brièvement sur ses lèvres sombres, percevant la sensation du coup perdurer. Mauvaise démarche semble-t-il. Le Woran inspecte sa main brièvement et, ne décelant rien de particulier, revient à ses pensées. Il essaie encore une fois en tendant ses deux paumes devant lui et vers le bas, retenant la leçon désagréablement inculquée. Lorsqu'il laisse son don naître, ce dernier tape le sol en envoyant voltiger la poussière qui s'y trouve. En inspectant minutieusement la surface, Huyïn ne décèle pas la moindre lésion ou trace d'une attaque d'ordre magique. Le résultat est le même que s'il avait soufflé par lui-même. Il ferme les yeux un instant, sa queue sombre faisant quelques mouvements parasites attestant d'un bref élan désappointé. Cela passe vite quand il admet que cela a au moins servi à rayer cette hypothèse de la liste.

Il s'ébroue brièvement puis porte son attention un peu au-delà du porche, sur un petit empilement de boules de neige de différentes tailles. Voilà qui lui servira de cible pour la suite. Si maintenir puis relâcher ne donne pas le résultat attendu, peut-être que faire souffler les bourrasques en continu jusqu'à ce qu'elles deviennent une arme en elles-mêmes fonctionnera ? Le Woran tend ses deux pattes vers l'avant et projette son don dans cette direction. Il le manifeste, observant la neige en surface se désolidariser un peu, mais pas comme si elle prenait des coups. Peut-être parce que la zone de souffle est trop large ? Huyïn rapproche ses mains pour concentrer le flux. Il regarde et regarde encore et encore. Est-ce un trait de vent qui vient de marquer la boule du milieu ? Il persiste, se penchant en avant, tendu, attentif. Soudain, il est contraint de mettre un terme à l'exercice à cause d'une brutale fatigue. Le Félin prend appui d'une main contre la paroi, un étourdissement lui faisant secouer la tête. Il est lui-même à bout de souffle, comme s'il avait utilisé ses propres poumons comme réservoir pour l'air déplacé. Sa langue émet un claquement léger lorsqu'il tente de communier avec son don, et n'en perçoit qu'une trace trop faible pour poursuivre. Visiblement, ses tentatives doivent se clore là pour la journée. Sa queue fait un vif mouvement latéral à la frustration qu'il éprouve. Ce n'est pas la première fois que cela lui arrive, mais cela n'en demeure pas moins agaçant.

"Eh, t'en tires une gueule. Ca va ? T'as la crinière toute en bordel."

Huyïn jette un bref coup d'oeil en direction de la voix, découvrant Arrluk en appui contre la charrette. Le jeune homme s'avance, levant la main comme pour remettre ses crins en place. Il y renonce lorsque le Woran se redresse de toute sa taille, posant froidement son regard sur les doigts pâles qui repartent en sens contraire. Arrluk lève les deux mains en signe de reddition puis il se tourne.

"Ça a été un peu chiant, mais z'ont accepté qu'tu puisses te joindre à nous dans la salle commune.", dit-il en travaillant sur le nœud de la laisse. "Fais comme d'habitude et personne devrait t'faire chier."

Le Tigre s'ébroue nonchalamment et emboîte le pas à son guide. Le bâtiment de bois sombre et de pierre accueille une large fosse rectangulaire au milieu, contenant quelques-unes des bûches acheminées plus tôt. Autour, des tables et des tabourets sont dressés. L'air est chargé d'une odeur de cuisson, sans que le Félin distingue la nature des aliments. Plusieurs habitants du village de tous âges sont réunis, discutant avec le groupe ou déjà à table, voire en train de s'occuper de broches. Arrluk guide le Woran jusqu'à un banc placé contre le mur gauche, juste à côté de l'entrée et retire la laisse. Huyïn prend docilement place, ses oreilles en pointe tournant de temps en temps vers des bribes de conversation.

L'ennui commence à le gagner quand un mouvement général se fait et que chacun s'assoit à table. Des écuelles sont servies, contenant une épaisse soupe dans laquelle flotte une viande émincée. Des échanges se font, laissant entendre que la chair provient d'un mammouth isolé, visiblement grièvement blessé et venu mourir au bord du fleuve gelé. Grognements et anecdotes se poursuivent, attestant de la difficulté de dépecer et déplacer l'ensemble, mais qu'ainsi le village ne va pas devoir se contenter de gruau ou de restes séchés. Brièvement, entre deux lampées de son repas, les yeux du Félin parcourent l'assemblée, lui apportant par exemple la vision du balafré auprès duquel une humaine d'âge mûr est presque lovée. Elle tâte le tissu coloré de sa tunique, contrariée de sa légèreté. Elle refuse d'entendre ce que son interlocuteur lui dit, promettant de lui amener les habits chauds de feu son époux. Le garzok exhibe l'une de ses armes à côté d'un homme large et bourru, qui fait de même avec un couteau pâle. Le reste du groupe mange en discutant, sauf l'humain au turban qui se tient debout près de quelques jeunes et fait de grands gestes, invectivant l'archer qui lui rend la pareille.

Arrluk est tourné à moitié vers lui lorsque le Félin pose son écuelle impeccable sur le banc. Un sourire espiègle trône sur ses traits, et bien vite le Woran comprend pourquoi. Tenant la manche d'un adulte, un enfant de quelques années le fixe sans cligner des yeux. Non, ce n'est pas lui que le petit enfermé sous un tas de couches de peaux regarde. C'est son luth. Non loin, la question est posée au balafré concernant l'instrument de la bête qui les accompagne.

"Ne perdez pas votre temps à lui demander un air. D'abord il ferait exprès de ne pas comprendre, et après il vous casserait les oreilles."

La voix irritée est coupée par le bruit d'un tintement. À l'hilarité générale, le petit garçon vient de faire tomber un yû dans l'écuelle vide. Huyïn met un point d'honneur à l'ignorer. Il ne peut cependant qu'être brièvement intrigué quand, au lieu d'appendre de son erreur et de se tenir tranquille, l'enfant va subtiliser quelques pièces auprès des adultes et revient en toute hâte pour les laisser tomber dans le récipient. Cinq pièces au total. Les yeux gris du petit se posent sur lui, cherchant son regard. Le Woran n'y réagit pas, entendant vaguement que l'enfant fait toujours la même chose dès que quelqu'un ressemblant peu ou prou à un ménestrel passe par la localité. Les yeux vert grisé du Félin descendent lentement sur le paiement puis il se redresse de toute sa taille, causant un bref élan de crainte aux villageois proches. Certains se lèvent, cherchant visiblement à mettre l'enfant à l'abri. Ne prêtant pas du tout attention à eux, le Tigre positionne son luth contre lui. Il échauffe ses doigts, puis se met à jouer un air au tempo oscillant entre moyen et rapide. Ses griffes font tinter les cordes et tapent un rythme d'appui contre le corps de l'instrument. Lentement, il passe d'un pied sur l'autre, sa queue noire se balançant derrière lui en contrepoids.

La crainte laisse place à de l'incrédulité et des murmures auxquels Huyïn n'accorde pas la plus brève pensée. Cela fait des jours qu'il a envie de véritablement faire chanter son instrument. Maintenant qu'il peut assumer son rôle de bête rodée à un numéro un peu plus avancé que de tourner sur lui-même à l'écoute d'une commande, il n'a pas l'intention de se retenir. Ses oreilles papillonnent, percevant vaguement le claquement des doigts de Arrluk battant la mesure lorsque la mélodie adopte un motif plus régulier. Entre la tablée et lui, le petit garçon se penche d'un côté puis de l'autre en rythme. Il est rejoint par d'autres enfants de quelques années de plus, qui se prennent les mains et les balancent de gauche à droite, passant aussi d'un pied sur l'autre. Ils finissent par s'imiter tacitement, prenant exemple sur le Félin et tanguant au même rythme que lui. Ceux qui s'étaient levés se rassoient, ceux qui tournaient le dos lui font à moitié face, ceux qui occupent la salle sont totalement occultés de l'esprit du Tigre qui n'a d'attention que pour son luth.

Lorsque la mélodie s'achève, le Félin reprend place sur son banc et ferme les yeux, la joue en appui contre l'un des montants de son instrument. Quelques sifflements et des éclats de voix se font, parfois des bruits d'applaudissement. Huyïn y demeure indifférent.

"Bah merde alors. Il sait vraiment jouer ?", demande l'humain au turban.

"Faut croire."

"Alors pourquoi il nous casse les tympans avec ses fausses notes ?"

Arrluk ricane, le bruit attestant qu'il se tourne vers l'humain.

"Tu l'as payé comme il s'doit ? Bah alors t'as d'la musique merdique. Cherche pas plus loin."

"Et pourquoi je devrais payer pour que tout le monde en profite ? Ca va pas, non ?"

"Radin."

"Pimbêche !"

"Eh !"

La dispute en devenir est stoppée nette par le raclement de gorge du garzok, puis par l'éclat de rire général lorsque le petit garçon récupère le contenu de l'écuelle pour le faire tomber dedans une nouvelle fois. Rire amplifié quand le Woran entrouve un oeil, avise le récipient et le referme.

"Il en a dans la caboche, c'petit !", dit Arrluk en se levant et en venant placer trois yus de plus dans le bol.

Le regard du Tigre croise brièvement celui de son camarade de voyage, dont la silhouette le protège de l'attention des convives. Le tigreau humain fait un petit signe de tête.

"Allez, c'ma tournée. On mérite bien d'se détendre d'temps en temps, pas vrai ?"

Sur ce, il retourne s'asseoir à demi tourné vers le Tigre, la pommette en appui contre son poing. Ce dernier laisse passer de longues secondes, comme s'il n'allait pas reprendre son luth en main. Mais il finit par le faire, s'orientant vers son mécène comme par accident. Il n'a pas tort. Après ses tentatives manquées plus tôt dans la manipulation de son don, se changer les idées ne peut que l'aider à retrouver le bon état d'esprit.



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Huyïn
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Re: La Plaine

Message par Huyïn » mar. 23 juil. 2024 19:55

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La meute passe deux jours au village à rendre de menus services, profiter du feu, se renseigner sur les abords immédiats de l'itinéraire. Huyïn pratique également son don, mais il demeure dans une impasse. Il a la certitude qu'il est à deux doigts de trouver l'idée qui permettrait de le sortir de cette situation, mais elle lui échappe. Le groupe reprend la route de bon matin, la plupart des membres jugés mal préparés recevant des habits plus chauds et des outres de bouillon épais. Ils ont quitté l'enceinte depuis moins d'une heure quand une pointe croissante d'irritabilité se met à étreindre le Félin, même s'il n'en laisse évidemment rien paraître. Depuis qu'il a joué proprement, l'humain au turban ne cesse de s'intéresser à lui, le solliciter, lui tourner autour comme un insecte. Malgré ses années d'expérience en la matière, la patience et le sang-froid du Woran commencent à s'effilocher. L'humain va jusqu'à talonner Arrluk et tenter de lui chiper la laisse à plusieurs reprises. Quand il voit que cela ne fonctionne pas, il réduit son allure pour marcher au même rythme que Huyïn, le dévisageant sans chercher à se cacher. Il est tout juste toléré quand il fait un écart pour pousser du biceps la forme du Tigre, même si ce dernier se doit d'imaginer l'envoyer bouler plutôt que de céder à la tentation de plus en plus fréquente de réellement le faire.

Arrivés au moment du bivouac, l'homme continue de l'importuner en se mettant sur son chemin, en l'incitant à jouer, en lui parlant de façon infantile ou parfaitement irrespectueuse pour le faire réagir. Ce n'est que lorsqu'il lève la main pour lui donner une tape contre le museau qu'une réaction se fait. L'enturbanné reçoit un violent trait de lumière dans le flanc et fait quelques pas de côté avant de tomber assis dans la neige.

"Ouaillleuuuh ! Putain ça brûle ! Ah l'enflure ! Pourquoi t'as fait ça ?!"

Le conducteur avance pas après pas vers eux, se plaçant entre le Félin et la victime.

"Je t'ai défendu de poser tes pattes sur le chat. Tu l'as cherché."

"C'est pas une raison pour réduire mes boyaux en cendres ! T'as du bol que..."

"Silence. Ne me fais pas regretter d'avoir retenu mon geste."

"Ah ?! T'as fais preuve de retenue ? C'est ça, oais ! À d'autres ! Et comment tu fais pour que ton petit rayon qui brille fasse plus d'effets qu'un putain de coup de poing ?!"

"Je pourrais t'expliquer, si tu avais la cervelle assez développée pour comprendre."

"Oh ça va !", fait l'humain en se relevant et en massant son flanc. "Essaie. Je n'suis pas si con !"

Le conducteur croise les bras, son regard manquant de peu croiser celui du Tigre. Il demeure muet un moment avant de reporter son attention sur sa victime.

"Alors écoute. Le principe est simple. La lumière est intrinsèquement intangible, ce qui te permet de passer la main au travers sans ressentir grand-chose ou endommager ton corps. Mais il faut comprendre que la lumière quotidienne et la magie de lumière diffèrent par leur nature même. L'une est un élément naturel, l'autre est un potentiel que le mage peut modeler, comme un potier son argile. Si tu te contentes de voir ta magie comme sa forme profane, tu la limites grandement. Mais si tu la traites comme une extension de ta personne, alors les possibilités sont décuplées. Tu peux faire en sorte d'imaginer donner un coup à longue distance, et c'est ta magie mise en forme par ta volonté qui comblera ladite distance et cognera pour toi. Compris ?"

"..."

Le fenris prend une lente inspiration, laissant paraître toute sa lassitude en une poignée de secondes.

"À partir de quand as-tu lâché prise ?"

"... Intrèque ?"

Le conducteur se masse lentement le coin des yeux et est vite rejoint par le garzok qui lui met une main sur l'épaule. Il l'entraine avec lui pour prendre une collation, laissant l'enturbanné leur bondir après, gueulant qu'il veut comprendre et qu'il va faire un effort. Des ricanements et des souffles ennuyés se font entendre un peu partout dans la meute. Mais Huyïn n'en a cure. Ses yeux clignent lentement, ayant la sensation que la cale empêchant la roue de ses pensées de tourner proprement vient d'être délogée. Modeler. Percevoir ses capacités autrement qu'une manifestation naturelle qu'il peut vaguement guider. C'est vrai. Lors de ses tentatives précédentes, il est parti du postulat que son don était un souffle de vent classique, simplement contenu en lui, et qui réagissait comme son pendant naturel. Mais s'il obéit aux même règles, alors Huyïn peut le façonner de sorte à lui donner des caractéristiques précises avant de le matérialiser.

C'est aidé par ce nouveau savoir que le Tigre aborde son entrainement sous un autre angle. Il ne le met pas immédiatement à profit, préférant attendre le soir pour qu'un nombre réduit d'importuns lui prête attention. Il se contente de petites choses au premier abord pour tester son contrôle, mais force est de constater que cela lui demande beaucoup trop de concentration. Il renonce à s'exercer quand Arrluk le fait accidentellement sursauter deux fois en passant dans son dos. La précision n'étant pas pour le moment dans ses cordes, il revient à son idée première de frappes de vent. Lors des jours de voyage suivant, il réfléchit à comment matérialiser son don et quelle forme lui donner. Le conducteur concentre son rai de lumière comme un coup de poing direct, mais cela apparait trop primaire et bien trop anticipable. Un trait magique allant des mains du lanceur à la cible ? Trop direct, inélégant. Huyïn préfère quelque chose de plus subtil et implacable, mais quoi ?

Le trajet se poursuit dans une forme de routine qui peut se résumer à : des nuages gris, de la neige à perte de vue, deux rochers perdus, un lièvre blanc coursé par un renard du même ton, et quelques vagues silhouettes lointaines de mammouths en déplacement. C'est tout du moins ce qui se passe lors de la première semaine après l'arrêt au village, jusqu'à une fin de matinée où le groupe doit faire une halte.

"Alors ? Franchissable ?", demande le fenris conducteur.

"Trois bons mètres de large, quatre rebonds quand tu lâches une pierre dedans et pas de bruit de fond. Donc, non."

Le Tigre jette un regard à l'obstacle imprévu. Une crevasse gigantesque dans la glace, comme si quelque chose avait étiré le sol de part et d'autre et causé une rupture profonde. Les deux bords ne sont même pas à un niveau équivalent, celui d'en face davantage affaissé que le leur. Non seulement la faille est bien trop large pour être traversée, mais elle semble s'étirer de part et d'autre de leur position comme une fêlure dans une céramique, bifurquant vers la direction de leur arrivée sur la droite. Autrement dit, la contourner par le sud reviendrait à revenir sur leurs pas.

"Il s'est passé quoi pour faire ça ?"

"Une grotte souterraine qui s'effondre ? De la flotte congelée qui a fait péter le sol ? Des putains de mages qui se sont foutus sur la gueule ? Qu'est-ce que j'en sais, moi ? Et en quoi ça va nous aider, tes questions débiles ?!"

"Allons. Ne commence pas à t'énerver. On va la contourner par le nord le temps qu'il faudra."

Conducteur et garzok échangent un bref regard. Le porteur d'armes croise les bras et claque audiblement de la langue.

"Putain ! Jamais possible de s'en tenir à un itinéraire prévu ! Ça va encore nous retarder, cette histoire à la con !"

En y repensant, le Félin se demande si des agents de l’Équilibre ne se trouvaient pas dans les parages aux paroles du garzok, car si le groupe parvient à contourner la faille après deux bonnes journées de marche, il est contraint de s'arrêter lorsqu'une tempête de neige leur fond dessus sans prévenir. Leur seule chance est d'avoir trouvé l'unique relief leur offrant un semblant d'abri à la ronde. Une première journée d'attente passe, puis une autre, et une troisième. Sous prétexte que la meute n'avance pas et n'en a donc pas besoin, les repas se font plus légers. Une sorte de fièvre de la tente prend aussi place, car à force de se regarder dans le blanc des yeux sans rien faire, certains s'ennuient ou s'agacent au point de pratiquement en venir aux mains. Huyïn s'abstient de jouer de son luth, conscient que cela risque de provoquer l'un des individus les plus irrités et que ce dernier s'en prenne à l'instrument. Les sujets de conversation tournent vite en rond également. Même le Félin a hâte de reprendre la route pour échapper à cette tension désagréable.

Fort heureusement, les vents violents s'apaisent dans la nuit du quatrième jour et la meute peut enfin reprendre son chemin. Le groupe s'égare une demie-journée à cause du surplus de neige avant que le garzok identifie une formation rocheuse indiquant qu'ils sont allés trop loin vers le nord, et doivent emprunter une piste vers le sud-est pour revenir sur le parcours prévu. La chose n'arrange pas son humeur, et il prend les devants, trottant à grandes enjambées pour ouvrir la voie en éclaireur.

"J'l'ai jamais vu faire autant la gueule.", siffle Arrluk en le regardant partir.

"Il a une sainte horreur de l'imprévu. Celui qui ne lui rapporte rien, en tous cas."

"Il s'calme vite ?"

"Pas toujours. Cela ira mieux quand nous aurons atteint le prochain village et qu'il profitera d'un moment de détente."

"Y'en a pour long ?"

"Dur à dire puisque nous avons fait fausse route. Peut-être encore une solide demie-journée ? Le seul qui pourrait te répondre est devant nous."

"Mouais. Eh ben qu'il y reste. L'est un peu trop bardé d'armes pour que j'veuille l'emmerder avec ça."

"Sage décision."

Le Tigre marche à la suite du jeune humain sans chercher à jouer de son instrument. Ces derniers jours ont été fatigants, chose qui n'a pas été arrangée par la frugalité des repas. Des plaintes se sont bien entendues faites entendre, mais elles ont rapidement cessé sous les coups bien placés d'un garzok irrité. Si une localité se montre bientôt, cela arrangera effectivement beaucoup les choses.



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Modifié en dernier par Huyïn le sam. 17 août 2024 18:04, modifié 1 fois.

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Huyïn
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Re: La Plaine

Message par Huyïn » sam. 17 août 2024 17:11

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"C'quand même bizarre.", lâche Arrluk en s'arrêtant, obligeant le Tigre à faire de même. "On s'les caille et pourtant y'a pas d'fumée dans l'ciel."

Le Félin jette discrètement un œil à l'étendue grisée qui les recouvre. La chose est en effet étrange et un renouveau de circonspection étreint la meute lors du brusque retour du garzok auprès d'eux.

"Y'a personne."

"Comment ça, personne ?"

Grognant et refusant de se répéter, le porteur des armes fait volte-face et indique d'un geste irrité de le suivre. Le Tigre et Arrluk échangent un bref regard avant de se mettre en route également. Une poignée de minutes plus tard, la meute atteint les rondins de bois faisant office d'enceinte. Les grands battants de bois sont ouverts, claquant légèrement sous l'action d'une brise. Les yeux clairs du Félin scrutent le sol, la neige n'arborant que les empreintes du garzok. Le reste de l'endroit a l'air désert, le sol blanc intact comme une paroi lisse. Armes au clair, l'ensemble s'avance dans la localité. Pas un bruit en-dehors du vent passant entre les habitations intactes, le mouvement de portes grinçant sur leurs gonds, le pas des arrivants dans la neige vierge. Pas non plus le moindre commentaire du groupe. Un échange de signes et les membres se séparent en duos et trios, explorant le village.

Prudent comme le reste, Huyïn suit Arrluk et le balafré. Ils observent et fouillent. Des luges encore porteuses de rondins qu'on acheminait vers un stockage et qui sont couvertes de neige, une petite forge froide dont le foyer contient un échantillon de métal oublié dans les flammes, et d'autres objets insolites indiquant une activité quotidienne semblant s'être subitement interrompue. Et pourtant, nulle trace de violence, de corps ensevelis sous la matière froide. Le temps semble s'être tout bonnement stoppé et les habitants volatilisés. Les différents groupes se retrouvent devant le bâtiment communal, une pression croissante l'étreignant. C'est après tout le dernier lieu qui n'a pas été fouillé. Si les locaux ont été rassemblés et tués, ce ne peut être qu'ici. Le Tigre se sent un peu tendu également, mais à peu près certain qu'ils ne trouveront rien. Son flair ne lui apporte aucun relent sanguin ou de décomposition. Mais peut-être le froid est-il à l’œuvre et contient les relents putrides ? Un massacre sans trace extérieure lui parait peu probable.

Les grandes portes sont poussées sans aucune précaution par le garzok qui pousse un râle en chargeant la pièce, suivi de près par le conducteur, l'elfe, l'archer et l'enturbanné. Le balafré et Arrluk se montrent plus prudents, jetant un regard à la pièce et la trouvant comme le Félin, vide. Circonspects, ils avancent également. Les oreilles du Félin se tendent, à la recherche du moindre son suspect. Rien. Personne. Les tables sont dressées comme pour accueillir des convives, mais nulle denrée dans les écuelles ou les paniers. Pas de cruches ou de carafes pleines. Un bac à feu froid et vide, les bûches dedans consumées dans leur intégralité comme laissées sans surveillance. Inexplicable.

"On fait quoi ?", demande Arrluk pour briser le silence oppressant.

"On fouille. On fait gaffe. On gueule si ça ne va pas."

Huyïn les regarde se disperser dans la salle et leur tourne en partie le dos, orientant son regard vers la place gelée. Curieux, il se demande comment toute une population peut disparaitre sans trace. Un discret mouvement attire son attention, une tache sombre sur le sol. Plus il la regarde, plus il a l'impression qu'elle gagne en taille. Le Tigre jette un regard dans la pièce puis de nouveau dehors, comprenant que la marque n'est pas par terre, mais en train de flotter. Et elle se modifie, s'élargissant et se modifiant comme... Une sorte de... Siphon ? Instinctivement, le Tigre tente de reculer, constatant que l'anomalie gagne encore en taille. Ce n'est que quand ses coussinets entrent en contact avec la neige qu'il comprend son erreur. Ce n'est pas la marque qui croît, c'est lui qui est attiré vers elle. Huyïn fait volte-face, agrippant l'anneau de métal du battant par instinct. Le lourd panneau de bois décoré suit, provoquant un son se répercutant dans tout le bâtiment en rencontrant le chambranle.

Sa mâchoire se serre à la sensation que quelque chose l'agrippe et l'attire inexorablement. Le Félin tente de résister, mettant tout son savoir de grimpe aux arbres à profit pour tenir bon. Il perçoit les cris des autres membres du groupe, l'impact d'un corps contre le battant et visualise la main de Arrluk cherchant à sécuriser son bras. Les yeux du Tigre tombent sur ceux du jeune humain, mais quand il se décide à lâcher partiellement prise pour attraper la paume tendue, l'aspiration se fait irrésistible. Sa main glisse et cède, le faisant choir à genoux dans l'étendue glacée. Le Woran regarde par-dessus son épaule, ses pattes ripant sur le sol enneigé et charriant d'énormes brassées froides avec lui. Il griffe, crispe ses cuisses, tente de prendre appui sur le moindre élément du terrain. En vain. Il est comme tracté par une puissance incompréhensible. Mû par un sursaut d'orgueil, Huyïn parvient à basculer sur sa hanche et faire pratiquement face au tunnel dans les airs alors que ce dernier l'avale, sous les cris stupéfaits des membres du groupe témoins.



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Ezak
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Re: La Plaine

Message par Ezak » dim. 25 août 2024 21:09

Nous fûmes enfin libérés de cette ville maudite. Comment qualifier autrement une ville dirigée par l’un des Treize ? Enfin, ce qu’il en restait. Puisque cette entité ne vivait plus en tant que telle, leur reine ayant été vaincue.

Nous prîmes donc la direction ouest-nord-ouest pour nous diriger vers Lehber grâce aux montures fournies par l’Académie pour voyager sur le continent. Nous avions convenu de les laisser à Lehber. Ensuite, nous continuerions notre route à pied. Une dizaine de jours de voyage nous attendait, au bas mot, nous avions donc du temps à tuer.

S’il y avait bien une chose qui m’impressionna chez Freida, outre sa force de caractère, c’était son talent pour le pistage. Je lui demandai donc de m’apprendre et c’est ainsi que, durant les premiers jours de voyage, elle interpréta à haute voix les traces laissées dans la neige pour tenter de m’inculquer son savoir. Alors que le soleil commençait à doucement décliner, quelque chose attira mon attention dans le sol neigeux.

« Ah ! Là ! Des empreintes de loups. Une meute ! »

Elle observa les traces que je montrai d’un œil expert.

« Non. Plutôt un loup solitaire. L’empreinte est régulière, la même. Il semble avoir tourné sur lui-même pendant longtemps, sans doute en reniflant une piste. »
Je soufflai d’exaspération.

« Je n’y arriverai jamais. »

Elle me sourit, affichant une mine encourageante.

« Ça viendra. On n’arpente pas une montagne en un jour. »

Mais alors qu’elle détourna son regard pour observer les alentours, sa mine se renfrogna.

« Ne traînons pas. »

Intrigué, je poussai ma monture à avancer à sa suite.

« Qu’est-ce qui ne va pas ? »

« Je n’en suis pas encore sûre, mais je crois que nous sommes suivis. »

Je me tournai pour regarder derrière moi, sur la plaine. Rien ne m’indiquait que nous étions suivis.

« Qu’est-ce qui te fait dire ça ? »

« Depuis que l’on a quitté Pohelis, j’ai cette sensation. Je n’en étais pas sûre, mais le vent vient de tourner, il vient de dos et ça sent… le loup, justement. »

« Ils nous traqueraient ? »

« Je ne sais pas. Mais après tant de lieues, cela me paraît fait avec un peu trop de détermination pour des bêtes sauvages… Peut-être des montures. »

Je réfléchis un instant.

« Hmmm… Si tu as raison, je préfère prendre les devants. Il faut les surprendre. Plus loin, regarde ! Il y a un énorme rocher en plein milieu de la plaine. Il est assez grand pour nous cacher. Allons-y. »


Elle acquiesça, la mine grave, et nous allâmes nous serrer derrière le rocher. Nous n’eûmes pas besoin d’attendre longtemps pour voir apparaître au loin quatre silhouettes massives : des garzoks bien armés montés sur des loups. Je jurai à cette vue. J’attendis qu’ils soient assez proches et je sortis de ma cachette en tenant fermement ma monture, la tenant prête à toute éventualité.

« Hé là ! Vos terres se trouvent de l’autre côté, sales peaux vertes. Je doute que vous ayez quoi que ce soit à faire en direction de Lehber. »

Le groupe sembla surpris, ils se jetèrent des regards avant que l’un d’eux ne prenne la parole dans un rire gras.

« Ezak d’Arkasse ! Vous voyez les gars, je ne vous avais pas menti ! Je me disais bien que j’avais aperçu cette saloperie sortir de l’armurerie. »

Je levai un sourcil.

« Oh ! Je suis célèbre jusqu’ici, on dirait. Quel honneur ! »

« Non ! On s’est croisé sur le champ de bataille et je n’oublierai jamais ta tronche de sale traître. »

J’éclatai d’un rire faux.

« Je vous ai bien traumatisés, on dirait ! On a du mal à digérer la défaite ? »

« Je la digérerai bien lorsque je ramènerai ta tête à… »

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase que je saisis « Oaxaca » et l’envoyai droit en direction de son torse avec une précision extrême. La pointe alla se planter dans le cœur du garzok qui s’écroula dans un cri ignoble, un cri d’âme qui ne trouverait jamais le repos, à jamais détruite. De quoi me tirer un sourire sadique.

« Je n’ai pas compris. Tu disais ? »

Il n’en fallut pas plus pour qu’ils s’élancent contre nous en hurlant de rage. Je fis de même en sortant Mongoor et Lassiria de leur fourreau. Je passai entre deux des garzoks, évitant de justesse un coup de hache qui passa au-dessus de ma tête en me baissant. J’opérai un demi-tour pour constater que j’avais réussi à attirer les deux à moi tandis que l’autre alla s’en prendre à Freida. Je devais faire vite pour pouvoir l’aider. Je fonçai à nouveau vers les deux peaux vertes qui, de concert, s’élancèrent vers moi. Encore une fois, je tentai de passer entre les deux pour les blesser de mes lames. Si je réussis à frapper l’armure du garzok de droite avec la hache, celui de gauche, armé d’une lance, m’attrapa à l’épaule. Je manquai de chuter et je dus me raccrocher fort aux rênes pour ne pas tomber, ce qui ne plut pas à mon cheval qui vira totalement de bord en sentant une pression sur son mors. Je mis quelques secondes à reprendre une position confortable. Nous nous étions bien éloignés de Freida et de l’autre garzok que je ne voyais plus, leur vue m’étant cachée derrière le rocher qui nous abritait quelques instants auparavant. Je devais faire vite.

Pour la troisième fois, j’opérai de nouveau un demi-tour. Les garzoks et leurs montures étaient sur mes talons. Cette fois-ci, j’évitai la lance qui vint une nouvelle fois pour me cueillir. L’autre garzok, arrivant derrière avec non moins de vitesse, frappa de sa hache horizontalement et assez bas pour que je ne puisse pas éviter en me baissant sur ma selle. Je me laissai tomber sur le côté de mon cheval, tenant les rênes d’une main ferme et, de l’autre, frappant les pattes de la monture qui, à une telle vitesse, alla s’écraser contre le sol avec son cavalier. Néanmoins, ma monture prêtée par les académiciens, non habituée à la bataille et à ce genre de manœuvre, n’aima pas ce nouveau tirage pas très orthodoxe et se secoua vivement pour m’envoyer sur le sol. Je me retrouvai donc face au garzok à la hache qui prit du temps à se relever de sa lourde chute. Je pris donc l’initiative, mais, bon guerrier, il parvint à parer mes premiers assauts. Nous commençâmes à échanger des coups sans parvenir à passer la défense de l’un ou de l’autre, mais la situation devint difficile quand l’autre peau verte, toujours bien assis sur sa monture, fonça vers nous pour tenter de me planter. J’évitai le coup d’une roulade, mais ce petit moment de déconcentration fit que je me pris un coup de manche du garzok à pied sur le coin du casque.

Cela devenait compliqué de gérer un ennemi à pied et un à dos de loup en étant moi-même sur mes jambes. Un peu sonné, je tentai de m’éloigner de quelques pas, mais le bruit des lourdes pattes de la monture revenant vers moi me força à agir vite. D’un coup de pied dans le torse, j’éloignai mon ennemi pédestre et je me retournai prestement pour tenter d’empaler, avec force, le loup, comme j’avais tenté de l’apprendre durant le voyage dans les monts. Loin de se planter dans le corps de l’animal, j’éraflai tout de même lourdement le corps de la bête qui gémit sur le coup, mais je fus obligé de relâcher Mongoor qui m’échappa des mains tant le choc était puissant. Malheureusement, j’avais échoué l'empalement. Je n’eus pas le temps de reprendre mon souffle que mon autre ennemi à pied vint m’attaquer. Avec Lassiria en main, je me protégeai de ces lourds coups de hache qui s’abattaient sur moi. Avec beaucoup de réussite, j’arrivai à résister, mais voilà que le cavalier revenait à la charge.

Fichtre ! lâchai-je, surpris. J’utilisai le pouvoir de Lassiria pour effectuer un bond surhumain et sortir de la trajectoire. Mes deux ennemis, surpris, s’emmêlèrent les pinceaux. Le Garzok à pied trébucha, déséquilibré par son allié cavalier. Celui-ci eut à peine le temps de se retourner pour chercher mon point de chute que je retombai lourdement sur lui, mettant toute ma force et ma précision pour tenter un nouvel empalement, mais cette fois par le haut, avec mon sabre. Le choc fut rude et nous tombâmes tous : homme, monture et Garzok. Ce dernier, empalé à l’épaule de part en part, ne se releva pas.

Je n’avais plus d’armes en main, puisque mon épée était solidement plantée dans le corps du cavalier, et je devais maintenant faire face au dernier Garzok, qui m’envoya un énorme coup de hache au torse, qui m’aurait découpé en deux si je n’avais pas eu une si bonne armure. Sans réfléchir, j’attrapai mon fléau d'armes et frappai vers le Garzok, qui l’évita et m’envoya une mandale tellement puissante que j’en vis trouble. Enragé par ce contact ignoble de la peau d’un Garzok avec la mienne, je contre-attaquai sans réfléchir, sans précision, tentant de lâcher un coup colossal comme j’avais tenté de le faire bien des fois contre l’esprit de glace, un coup colossal que j’envoyai avec force dans son crâne. Avec un bruit d’os qui se brisa de manière impressionnante, il s’écroula, raide mort.

Me rappelant que Freida était aux prises avec le dernier, je courus vers elle pour constater qu’elle avait réussi à maîtriser son Garzok et le tenait en respect avec sa lance enfoncée solidement dans son épaule. Lui était étendu par terre, elle, le surplombant en tenant fermement la pointe de l’arme dans sa chair pour le maintenir. J’allai la rejoindre, repoussant du pied les armes du Garzok.

« Ne le tue pas. »

Je m’approchai de lui, le regard plein de colère.

« Tu vas retourner d’où tu viens, et tu iras dire à tes semblables qu’à chaque fois qu’ils auront la mauvaise idée de s’attaquer à moi, ils rentreront les pieds devant ! J’en ai fini avec chacun d’entre vous, mais si vous insistez, je n’aurai aucun mal à vous rappeler pourquoi, après avoir affronté nombre d’entre vous, ils ont fini par me surnommer le Sanguinaire »
, dis-je en ponctuant ma phrase d’un petit coup de lame qui lui découpa l’oreille. La peau verte hurla en proférant de nombreuses menaces.

« Arrête de chouiner ! Tu aurais pu être mort. Maintenant, pars ! » dis-je alors que Freida le laissa partir pour rejoindre sa monture.

« Non ! À pied ! » lâchai-je avec autorité, le laissant prendre la direction de Pohelis, tout en se tenant l’oreille et en me maudissant. Je n’allais quand même pas lui laisser la chance de partir prévenir des alliés et revenir en nombre. Prendre un peu d’avance était une question de sécurité.

....

Le reste du voyage se passa bien. Plus de Garzoks pour nous empêcher d’atteindre notre objectif. Et je continuai à apprendre de Freida et de ses techniques de pistage. Le dernier soir, alors que Lehber nous tendait ses bras, autour du feu, elle posa une question qui devait lui trotter dans la tête depuis longtemps :

« D’où te vient cette haine pour les Garzoks ? »[

Je la regardai un instant, cherchant à lire dans son expression s’il y avait du jugement pour mes actes.

« Je vais te raconter des centaines d’années d’Histoire. Celle de mes peuples, d’Ynorie, de Kendra-Kâr… Une histoire qui coule aussi dans tes veines et qui a condamné le village de tes ancêtres, détruit par cette même engeance. Et quand j’en aurai fini, je te raconterai la mienne. Celle qui fit de moi un prisonnier, puis un témoin des exactions de cette engeance maudite et de leurs maîtres. Et après ça, tu comprendras pourquoi il y a entre ces peaux vertes et moi quelque chose de délétère et de profond.Cette histoire commence… »
Et je passai la nuit à lui conter tout ce que je savais sur moi et sur l’Histoire, grâce à mon instruction.


HRP : Suite des tentatives d’apprentissage de la CC Empalement ( I Vers la fin du post ) et de la CC coup colossal ( I II )

Capa RP du Maître d'armes : "Apprentissage des techniques : Fendu à l'art de la guerre, le maître d'armes apprend rapidement et facilement les techniques de combat. Si bien que les maîtres les lui font payer moitié moins cher que le commun des mortels."


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