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C’est au lever du jour que le port de Lebher est finalement en vue. Cité typiquement elfique entre la mer et la forêt. Ce serait beau à voir si le vent n’était pas si glacial et ce ciel au loin si menaçant. Le genre de tableau qui vous fait en effet croire que quelque chose de mauvais se trame.
Une turbulence agite l’aynore, rependant un court vent de panique à bord. En parlant de vent, je distingue aisément les bourrasques qui balaient la surface de l’eau sur le point de se geler. Le froid est à peine supportable alors que je m’emmitoufle dans les vêtements prit à la commanderie avant mon départ. La machine se pose difficilement et il nous est même conseillé de bien nous accrocher. Le voyage s’est trouvé être moins soumis aux regards inquisiteurs, comme si le fait de quitter l’archipel était vu comme un soulagement. Je ne m’en plaignais pas et j’en avais profité pour trouver un coin sûr à bord pour me reposer quelques heures. Me voilà maintenant sur le toit du monde, le continent glacé de Nosveris et tout commence pour le mieux.
« Halte ! Que faites vous à bord d’un Aynore venant de Tahelta ?! »
Les arcs et les regards des sentinelles locales se braquent vers moi avec ce jugement que ce court voyage m’avait épargné. Je lève doucement les mains, loin de mes armes tout en déclamant d’une voix calme, habitué.
« Je viens de Nessima. J’ai été remercié par le prince de Tahelta pour avoir défendu la cité. Je réponds maintenant à l’appel de l’académie des sciences. »
« Mensonges ! »
Grommelle un Hïnion au regard noir et aux mains prêtes à décocher une flèche.
« J’ai sur moi un document qui le prouve. »
« Il dit la vérité. »
S’exclame un elfe gris qui s’interpose entre moi et les projectiles mortels tout en poursuivant:
« Et je ne vous laisserai pas prendre la vie d’un elfe qui a trouvé grâce aux yeux de mon prince, qu’importe la couleur de sa peau. »
Les elfes présents l’observent avec un air surpris, moi le premier, ne m’attendant pas à ce genre de réaction. Les sentinelles se tournent ensuite vers le plus haut gradé dont le visage se tord en différentes expressions. La surprise, le mépris, la colère, l’hésitation, la méfiance puis la résignation face à la détermination de mon protecteur.
« Il est hors de question qu’il pénètre dans la cité ! »
Crache t-il finalement en baissant son arc.
« Je souhaite simplement poursuivre ma route vers l’académie des sciences. »
Le chef des gardes ricane en m’informant que m’abattre d’une flèche serait moins cruel avant de poursuivre sa ronde. Je l’observe s’éloigner avant de remercier l’elfe gris. Il me toise de toute sa hauteur avant d’avouer que le garde a raison.
« Attendez moi dans les parages. Je reviendrai avec le nécessaire pour votre voyage. Dont une carte. »
« Pourquoi vous feriez ça ? »
Rétorquais-je méfiant. Il extirpe alors un pendentif en forme de croissant de lune de son amas de couches de vêtements tout en déclarant :
« Car c’est par ma seule volonté que mes armes se meuvent. »
Je hausse un sourcil, certain d’avoir déjà entendu et vu cette devise il y a très peu de temps. Il se sert de ce moment de surprise de ma part pour poursuivre:
« Lyann n’allait pas vous laissez vous jeter dans les Elfes de Lebher. Elle a trouvé un moyen plus discret de vous aider. »
« Je vois. »
Dis-je un peu béatement. Elle connait sans doute mieux ce continent que moi et j’apprécie sa faculté à penser de manière masculine en prenant de bonnes décisions.
« Attendez moi, je n’en ai pas pour très longtemps. »
Je l’observe donc partir et m’éloigne à mon tour pour patienter hors du champs de vision des patrouilleurs.
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