Le Fleuve des Crapotards

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Yuimen
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Le Fleuve des Crapotards

Message par Yuimen » mar. 30 oct. 2018 00:08

Le fleuve des Crapotards

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Ce fleuve est l'unique voie qui traverse la jungle de Nélys. Sauvage et regorgeant de Crapotards très territoriaux qui donnent leur nom à la rivière, ceux-ci restent cependant peu agressifs tant qu'on ne s'approche pas trop d'eux et qu'on signale son intention de seulement passer. Mais les dangers de la jungle sont nombreux, entre les nombreuses bêtes sauvages et les parasites qui pullulent dans ces eaux. À intervalles réguliers, des débarcadères de pierre ont été aménagés, simplement afin de permettre aux voyageurs d'attacher leur embarcation pour la nuit ou pour une virée à terre. Et si cette voie maritime est peu usitée, certains rares mages de terre continuent, chaque année, d'acheter une barque pour essayer de remonter le fleuve jusqu'au mythique temple de Terre situé dans les monts cyclopéens.

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Earnar
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Enregistré le : dim. 30 déc. 2018 20:46

Re: Le Fleuve des Crapotards

Message par Earnar » dim. 16 juin 2019 17:12

Ses paupières fermées remuaient sporadiquement, signe que l'earion rêvait ou plutôt méditait selon le langage elfique. Prisonnier de ce cocon fait de souvenirs entrelacés, bons et mauvais, Earnar Corail était libre de parcourir l'intégralité de sa vie en un battement de cils. Les elfes avaient une excellente mémoire dans l'ensemble, mais son peuple dépassait toutes les attentes en la matière. Si son esprit vagabondait parmi ses souvenirs du monde d'Elysian, son corps dérivait, porté par le courant du fleuve des Crapotards près du comté indépendant de Nélys. Ses souvenirs ramenaient l'assassin là où pour la première fois de sa vie il avait eu l'occasion non seulement de voyager dans un autre monde parallèle au leur, mais également le droit de voir des earions d'un autre peuple et leurs gardiens, les solennels et puissants Aigails. Ces derniers avaient gardé leur apparence de triton d'autrefois, alors que les earions de Yuimen tout comme ceux sur Elysian avaient fini par arborer des traits plus humains au fil des siècles. Plusieurs visages lui apparaissaient alors qu'il méditait, tout d'abord ceux de sa défunte femme, mais également la princesse d'Elivagar, Cihuatl et sa sœur diplomate Ixtli. Si l'assassin considérait cette dernière comme une sœur, telle n'était pas le cas de la belle Cihuatl envers qui il avait porté un certain intérêt lors de sa mission de diplomate sur Elysian.

Toutefois, il y avait un visage qui surpassait tous les autres, un souvenir qui imprégnait fortemment son âme : son moment passé avec Meriarvi, la déesse des Flots Déchaînés, sa Mère sur Elysian. Elle était Moura sans l'être totalement et sa disparition avait empli son coeur d'une abysalle mélancolie. Leur rencontre avait signifié la disparition complète de Meriarvi sur ce nouveau monde et à présent, il comprenait l'angoisse qu'avait ressenti pendant plusieurs siècles le mari earion de cette déesse. Ses sentiments à l'égard de sa Mère, qu'elle porte le nom de Meriarvi ou de Moura, étaient empreints de douceur et d'une profondeur émotionnelle jamais inégalée depuis lors. Face à l'intensité de ses sentiments, il se réveilla, son corps telle une planche dérivant le long du fleuve.

Ledit fleuve portait merveilleusement bien son nom car Earnar vit des crapotards sur la berge à plusieurs dizaines de mètre de lui. Ces étranges créatures bipèdes, vertes et ressemblant à s'y méprendre à des batraciens ne faisaient que l'observer tranquillement, l'earion ne constituait nullement un danger pour elles et il faisait garde de ne pas entrer sur leur terrain de chasse.

Aidé de ses mains et doigts palmés, il descendait sur le dos le fleuve qui prenait embouchure sur la mer et au plus loin sur l'Aéronland. Le soleil qui n'était caché que par de rares cumulonimbus faisait étinceler ses écailles bleutées. Le long de la traversée, de petits poissons venaient jouer avec lui, le frôlant sans heurt et sans crainte du serviteur de Moura. Les créatures aquatiques n'avaient rien à craindre de lui si tant est qu'il n'était pas obligé de les tuer pour se nourrir ou se défendre. L'eau claire et chaude venait détendre ses muscles endoloris par son retour sur Yuimen. Ses retrouvailles avec ce monde avaient en premier lieu teintées de méfiance et de peur à l'idée que le groupe d'assassin au sein duquel il orchestrait dans le plus grand secret à Kendra Kar ne retrouve sa trace. Un mois s'était écoulé depuis et aucune menace n'était venue toquer à sa porte. Il ne se faisait pourtant aucune illusion, un jour ils…

- Je savais que je te trouverai ici, lança une voix rocailleuse et faible.

Les propos de l'étranger interrompirent le cours de ses pensées et vivement, il se mit en position, ses mouvements provoquant des remous qui ne tardèrent pas à chasser la faune sous-marine. Ses yeux bleus rencontèrent ceux bleus marine du vieil earion. Ses sourcils se levèrent sous l'étonnante apparition.

- J'ai entendu dire que tu étais de retour, lâcha le vieil earion qui n'arrivait pas à dissimuler le léger sourire qui étirait ses lippes à présent.

Earnar sortit de l'eau, le fluide glissant le long de ses écailles et il détailla l'apparition. Il était comme dans ses souvenirs, plutôt grand, vieux avec ses cheveux blanchissant et ses yeux devenus vitreux malgré un regard encore vif pour son âge. Son visage taillé à la serpe, son corps fin mais musclé, sa peau dont les écailles tiraient vers le vert sombre et ses doigts noueux qui serraient un baton couvert de coquillages divers et variés ainsi que la tunique ternie par le temps et décousue ne permettaient plus de douter de l'indentité de l'earion.

- Mon oncle, sourit Earnar en s'avançant avant de gémir de douleur.

Son oncle lui avait asséné un léger coup de baton sur le haut de son crâne avant de le fixer à nouveau, un sourire encore plus large étirant ses lèvres.

- Était-ce vraiment nécessaire, mon oncle ?

Pour toute réponse, il enlaça son neveu et le serra fort. Il possédait encore une certaine force en dépit de son âge avancé. Earnar lui rendit la pareille avant d'interrompre l'accolade pour lui présenter de s'asseoir près de la rive pendant que l'assassin ajustait son équipement sur son corps et vérifiait que ses griffes rétractables et que la lame de Meriarvi coulissaient sans problème dans leur gaine respective. Il finit par s'asseoir près du vieillard et un silence gênant s'installa. Son oncle n'était pas plus bavard que lui et ne l'avait jamais été d'ailleurs. N'ayant jamais connu ses parents, Earnar avait passé la majorité de son existence auprès de la communauté d'earions du comté de Nélys. Son départ à la suite de l'assassinat de sa femme par des humains et sa défection vis-à-vis du clan avaient éloigné les deux earions.

- Pourquoi es-tu de retour, Earnar Corail ?

La question sans détour posée solennellement par son oncle le fit légèrement baisser la tête par honte, mais la surprise prit le dessus alors qu'il sentit la main moite et noueuse de son oncle recouvrant la sienne.

- Ta haine des humains t'a emporté loin des tiens et pourtant je sens que tu renoues avec Moura, que tu portes en toi une part d'elle.

Son oncle pointa du doigt tout en s'adressant à lui le pendentif bleuté qui pendait nonchalament à son cou. Earnar avait presque oublié que son oncle avait été prêtre de Moura et que c'était le genre d'individu à ressentir ce genre de chose. Pour la première fois depuis des siècles, ils se regardèrent de nouveau dans les yeux et Earnar commença son récit du monde d'Elysian. Plusieurs heures passèrent au cours desquelles l'ancien prêtre de Moura n'osa l'interrompre que pour demander d'amples explications. L'étonnement se lisait sur son visage alors qu'il lui raconta qu'une autre communauté d'earions existait sur cet autre monde et qu'il avait rencontré Meriarvi en personne. Il finit son histoire en lui montrant son pendentif, la lame de Meriarvi qui s'était tue depuis sa disparition et le tatouage de Drakarn qu'il arborait sur son bras. Le silence retomba par la suite, laissant son oncle ingérer l'afflux massif d'informations qu'il lui délivrait. Peu de personne était au courant de l'existence de plusieurs mondes,mais pourtant son oncle le crut sans problème et se releva lentement en s'aidant de son baton.

- Ta haine des humains t'a emporté loin des tiens, répéta-t-il avant de compléter son propos, mais aujourd'hui tu es à nouveau un fidèle de Moura et peut-être bien plus à ce qu'il semblerait. Nous ne pouvons rattraper le temps perdu, néanmoins profitons de ton retour, car tu vas nous aider à préparer la cérémonie.

Earnar plongea un instant son regard avec émotion dans celui de son mentor, de son père de substitution. A sa fin, il le pardonnait et lui donnait une seconde chance. Il avait toujours une famille qui l'accueillait en son sein.

- Avec plaisir mon oncle, lui répondit-il en se relevant à son tour.

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