Grandes Plaines du Royaume d'Exech

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Yuimen
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Grandes Plaines du Royaume d'Exech

Message par Yuimen » mer. 13 nov. 2019 23:42

Vert-Flétri, Grandes Plaines du Royaume d'Exech

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Ceux qui écoutent les histoires des ménestrels aux goûts morbides savent parfaitement à quoi s'attendre. Dans le Royaume d'Exech, le plus grand territoire sauvage n'est qu'une terre morte et désolée, témoin de bien plus de drames et de catastrophes que de miracles. Les voyageurs qui suivent la route depuis Melwasul en traversant le fleuve de l'Imive parcourent une route bien mal entretenue, jonchée d'irrégularités, de bosses et sans protection aucune. Ces plaines défraîchies portent le triste nom de Vert-flétri par les locaux qui savent pertinemment que l'herbe est plus verte ailleurs. Le fleuve descend des montagnes au sud jusque dans l'océan, le long de la frontière est du pays.

De jour, le soleil peine à éclaircir ce qui ne devrait pas l'être. La flore semble constamment à l'agonie, comme maintenue en vie par les cruelles lois de la nature. Il n'est que peu d'arbres vivants, de buissons touffus et de mousse sur la pierre dans cette immense étendue de pestilence. Les marais éphémères pullulent ici et là, dissimulés sous une herbe jaunie qui n'attend que le pied d'un inconscient pour l'emprisonner jusqu'aux hanches, là où il finira certainement ses jours. Au gré de leurs traversées, les voyageurs expérimentés ont appris à éviter de bivouaquer sur le chemin. En effet, il est quasiment impossible de trouver du bois pour alimenter un feu et même si elle reste discrète en journée, la faune est l'une des plus cruelles et sauvages du continent. Sans parler des nuées de moustiques et d'autres insectes qui n'ont de cesse de tourner autour de la moindre proie à vider de son sang.

Lorsque le ciel s'assombrit, personne ne devrait se trouver au dehors. Les hameaux et petits villages qui subsistent malgré les dures conditions de vies savent que la nuit doit être vécue entre quatre murs, solides de préférence. Chaque bruit, chaque ombre devient une menace potentielle et rares sont ceux qui reviennent de leurs investigations nocturnes après un réveil en sursaut. Ces terres sont le théâtre de multiples phénomènes paranormaux, même si les légendes qui en sont nés sont parfois des plus extravagantes.

Depuis peu, de nombreux trépassés errent dans les plaines et ses environs, s'attaquant à tous les vivants qu'ils rencontrent. Ils sont attirés par le bruit et le mouvement et chassent sans relâche des sons et des silhouettes qu'ils ont aperçu, formant ainsi des groupes toujours plus importants qui peuvent occasionnellement former des hordes. Les transports de marchandises à départ et destination d'Exech se font plus rares qu'auparavant et toujours sous bonne escorte.


Lieux particuliers :

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Gamemaster2
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Re: Grandes Plaines du Royaume d'Exech

Message par Gamemaster2 » dim. 19 avr. 2020 16:06

Intervention pour Adam et Eden


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Enfin. Le clapotis des sabots sur le pavé du chemin principal sonne comme un triomphe. Mais alors que les grilles du domaine se trouvent derrière eux, les chevaux ralentissent subitement avant de commencer à se disloquer. La Non-vie les quitte jusqu'à ce que les os qui les composent ne s'éparpillent sur le sol, laissant les aventuriers désemparés rouler sur quelques mètres en avalant terre et poussière. En se relevant avec difficulté, ils peuvent observer les alentours à la recherche de Valendro tout en constatant que leurs poursuivants sont toujours à leurs trousses. Après quelques minutes, Adam et Eden parviennent enfin à repérer le carrosse dans une position particulière, renversé sur le côté. En s'approchant, ils découvrent un Valendro coincé sous la masse de bois et de fer, les jambes et le bassin écrasés alors qu'il tente d'attraper l'air en grognant et vociférant à l'approche des vivants. L'homme n'est plus et semble avoir rejoint le camp adverse, désireux d'attraper un mollet qui se promène trop près de lui. Non loin de là, l'un de ses chevaux broute nonchalamment l'herbe au sol, son derrière et son flanc parcouru de quelques hématomes ici et là qui témoignent que la bête s'est certainement renversée avec le carrosse avant de parvenir à se défaire et s'échapper. Il hennit doucement d'inquiétude à l'approche des aventuriers, mais se laisse caresser et même monter sans problèmes. Cependant, aucune nouvelle du deuxième cheval qui a certainement réussi à s'enfuir lui aussi. Enfin, la bête emporte Adam et Eden sur son dos, loin des horreurs du Manoir maudit et de leurs poursuivants aisément semés qui s'éparpillent désormais sur les terres du Royaume.


><

Le soleil se lève à peine lorsque les survivants de l'expédition atteignent les murs d'Exech. Sur la zone d'embarcation, aucun visiteur, mais le service fonctionne. Les portes de la cité, elles, s'ouvrent tout juste et accueillent les nouveaux venus s'ils le souhaitent. En tout cas, ils pouvaient maintenant relâcher la pression et réfléchir calmement à la suite des événements.


Que décidez-vous, aventuriers ?


-------------------------------------------

Récompenses :
  • Adam = 3 (Fuite mouvementée du Manoir maudit) : 3 XP
  • Eden = 3 (Fuite mouvementée du Manoir maudit) + 2 (Apprentissage de "Trancheur" réussi") : 5 XP
"Bwaf Assistance, que puis-je faire pour vous ?"

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L'appel au standard "Bwaf Assistance" est taxé à hauteur de 90 Yus suivi d'une tarification de 25 Yus par minute. La discussion est susceptible d'être enregistrée s'il y a un os.

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Syelsa
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Re: Grandes Plaines du Royaume d'Exech

Message par Syelsa » dim. 1 nov. 2020 12:57

Premiers Pas

Vide et désolé. C'est ainsi que le monde s'ouvre devant moi, sous la forme de plaines immenses. Immenses et vides. La végétation rasante n'est qu'herbe brûlée ou morte et les rares arbres encore debout ne sont qu'ombres rachitiques, indignes d'être comparées aux magnifiques tours de bois et de feuilles qui ont bercées mon enfance, quand je vivais encore parmi les miens. C'est avec une certaine déception que mon regard balaie les étendues qui s'offrent à moi. Je me retourne, jette un œil à l'orée des bois. Il est encore temps de renoncer... je me secoue, pas question de décevoir ma mentor, j'ai dit que j'irai, alors je vais y aller. Même si je suis déçue, rien ne dit que cela ne va pas s'améliorer avec le temps.

Après une profonde inspiration, je descend la petite butte menant aux plaines et marche vers l'Est, comme me l'a conseillé Isqua. Plusieurs heures s'écoulent dans un étonnant silence à peine perturbé par le son du vent sifflant à mes oreilles. J'aperçois finalement la route, sorte de chemin à demi pavé et ensevelie sous la maigre végétation. Du bout du doigt, je frôle la pierre taillée par la main de ceux l'ayant créé et frissonne. Pieds nus, je préfère encore marcher sur le côté, choisissant l'étrange sensation des herbes cassantes plutôt que la froideur lisse d'une pierre qui n'est de toute façon pas assez égale pour couvrir tout le chemin. Des tronçons entiers semblent manquer ou disparaître sous la terre, mais il n'est pas difficile de suivre le chemin.

Je marche un moment, sans vraiment me presser, mais sans vraiment avoir quoique ce soit à observer, à mon plus grand regret. Tout est si vide que ça en devient presque triste. Je grignote quelques baies sauvages, la saveur légèrement acide me piquant la langue tandis que je ramasse une petite branche morte et joue avec tout en avançant, sans vraiment regarder où je vais avec attention, mais veillant tout de même à suivre le tracé sinueux du chemin vers l'Est. Le temps passe, monotone sous le ciel nuageux qui menace à chaque seconde de laisser tomber un déluge qui ne s'est pourtant toujours pas décidé à tomber.

Regardant autour de moi, je n'aperçois toujours rien et décide de m'asseoir dans l'herbe sèche pour m'arrêter quelques heures avant de repartir. Jambes croisées, ma sacoche au creux de mes genoux, je ferme les yeux et me laisse aller à cet état de sommeil sans rêve qui me redonne de l'énergie. C'est bien pour cela qu'aucun lit n'est présent dans la chaumière. À quoi bon lorsque l'on peut simplement s'asseoir deux heures pour être en forme. Et s'il m'arrive de dormir, rien ne vaut le sol moelleux tapissé d'herbe.

Cependant, lorsque j'ouvre les yeux, plutôt que le confort chaleureux de la chaumière, c'est une dizaine de paires d'yeux curieux qui me fixent. Petites créatures au poil de différentes nuances de bleu, la queue terminée par une petite boule alors que la tête, ronde et ornée de cornes, laisse apparaître une petite mâchoire, pour certains encore en train de mâchouiller je ne sais quelle plante qui doit pousser quelque part plus à distance de la route. La petite colonie de bouloums semblent me surveiller du regard. L'un d'eux, probablement un téméraire endurci, s'est même approché suffisamment pour presque me chatouiller les pieds.

- Si j'étais un prédateur je ne ferai qu'une bouchée de toi, tu devrais le savoir.

L'animal penche la tête sur le côté, comme s'il essayait de comprendre ce que je raconte, me tirant un sourire amusé. Ces petites bêtes sont mignonnes, mais un peu envahissantes d'après ma mentor qui, malgré son amour de la nature, n'aurait pas aimé voir une de leur colonie s'installer trop près de notre forêt. Lorsque je me lève, les petites créatures s'éparpillent en poussant des petits « loooouuum » adorables me tirant un sourire attendri. Seul le téméraire semble trop curieux pour avoir un instinct de survie et reste là à m'observer après avoir un peu reculé.

Un bruissement d'herbe l'alerte pourtant et le petit être tourne la tête vers l'origine du bruit. Je fais de même et l'entend simplement crier avant de disparaître dans les fourrés tandis qu'un renard en émerge. Il renifle un instant, me fixe avant de japper et de partir à la poursuite du petit bouloum probablement déjà terré sous terre, hors de portée des petites pattes du prédateur roux. Sans plus attendre, je reprends ma route, un peu rassérénée par ces rencontres. Si la nature parvient à continuer à prospérer ici, tout n'est peut-être pas aussi désolé que ces plaines. Plaines qui réservent finalement une surprise de taille lorsque la nuit commence à tomber.

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Syelsa
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Re: Grandes Plaines du Royaume d'Exech

Message par Syelsa » dim. 1 nov. 2020 12:59

Quelques feuilles

Je reste perplexe face à la vision qui s'offre à moi. Il y a des gens, des humains pour la plupart de ce que j'arrive à voir, qui sont au milieu de la route, entourées par des chariots. Il y a des cris et je peux voir des animaux au milieu du cercle formé par les chariots. Je reste immobile, observant la scène, curieuse. Je me demande ce qu'il se passe pour qu'ils soient en train de crier comme ça. Je finis par me décider et approche, profitant de l'obscurité pour atteindre les chariots. Une certaine agitation règne et je peux facilement passer la tête entre deux pour observer tout cela avec attention.

Au centre, un grand homme barbu et aux yeux bleus semble hurler sur un autre, plus petit et portant un casque. Le deuxième me tourne le dos et il m'est impossible de le voir correctement. Tout autour des gens semblent peinés ou effrayés et, plus loin, deux corps sont au sol, l'un inerte et l'autre bougeant avec difficulté. Haussant un sourcil, je fais le tour et me faufile entre deux chariots pour avoir une meilleure vue. Une femme est allongée, le visage en sueur crispée par la douleur. Sa jambe gauche est visiblement blessée. J'entends distinctement les mots « morts » et « morsure » dans la conversation des deux autres se hurlant dessus et comprends aussitôt le problème.

Je passe la barrière des chariots et avance vers la femme allongée auprès de laquelle je m'accroupis. Visiblement elle a été violemment mordue par l'autre corps allongée au sol et la plaie risque de s'infecter si rien n'est fait. J'entends des exclamations alors que je lui touche le front. Elle a de la fièvre et je doute qu'elle s'en sorte sans soin adéquats. J'entends un chuintement avant qu'une lame ne se présente devant mes yeux, me faisant loucher sur le métal froid. Je tourne la tête, rencontrant les yeux furibonds du grand type barbu qui tient une épée.

- Putain de merde t'es qui toi ?

Tous les regards sont tournés vers nous et je désigne la femme allongée au sol qui respirait avec difficulté alors que mon autre main pose ma sacoche sur le sol.

- Il me faut de la sauge, de la graisse, un bol et de l'eau chaude.

- Je t'ai posé une putain de question ! Edgart, chope la !

Un autre homme au teint buriné et aux yeux verts s'avança vers moi en tendant la main.Je fronçai les sourcils en comprenant son intention et laissait ma magie s'écouler soudainement en appelant les forces obscures à moi. Elle érupte violemment, frappant de plein fouet les deux hommes dont le teint devient livide. Le barbu lâche son arme tandis que le second tombe sur son derrière, les yeux emplis d'effroi. Le silence se fait tout autour et je prends à nouveau la parole.

- Je peux l'aider mais me faut ce que j'ai demandé. Sinon elle ne passera pas la nuit.

J'ai l'impression que personne ne bouge, mais c'est une vieille femme au large nez et aux sourcils broussailleux qui brise le silence en poussant quelques personnes, ramenant dans ses mains ce que j'ai demandé. Je lui offre un large sourire de gratitude et sort de la consoude de ma sacoche avant de commencer à la mâcher tandis que je mélange la graisse avec un peau d'eau pour y ajouter les feuilles broyées pour en faire une pâte un peu épaisse. J'entends le barbu reprendre son épée et sa voix se fait menaçante.

- Si tu lui fais du mal...

- Elle souffre déjà. Ce que je fais ne peut pas empirer son état.

Je n'ai pas le temps d'argumenter avec des ignorants. Une fois la mixture terminée, j'examine la plaie et grimace. Elle n'est pas belle et il va falloir que je me salisse un peu plus que prévu. J'ai horreur de ça en plus, même si c'est efficace et parfois indispensable.

- Quelqu'un peut lui lever un peu la jambe ? Et il me faudrait une gourde d'eau claire.

Deux hommes s'approchent. L'un soulève doucement tandis que le deuxième me tend la gourde. Je la débouche, prend une gorgée que j'utilise pour me rincer la bouche avant de la cracher au sol sous les regards surpris. La plaie commence à s'infecter, il faut que je retire au plus vite ce qui pourrait empirer son état. J'inspire avant de ventouser mes lèvres à la plaie sous les exclamations surprises. J'entends quelqu'un faire un pas, mais je termine d'aspirer et crache au sol le sang mélangé au pus, me rince la bouche et recommence. Le goût est atroce et il me faut une dizaine de succions pour que la plaie paraisse propre. Je me rince la bouche plusieurs fois une fois cela terminé et grimace avant de nettoyer la plaie à l'eau claire pour enfin y apposer le baume qui s'est épaissit suffisamment.

Une fois le baume posé sur la plaie, je mets la sauge dans l'eau chaude et attend qu'elle infuse suffisamment avant d'en faire boire quelques gorgées à la femme qui est parvenue, je ne sais comment, à rester plus ou moins consciente tout le long, gémissant plus ou moins fortement selon mes manipulations. Elle manque de s'étouffer mais finit par avaler et je peux finalement éloigner l'infusion de ses lèvres avant de me tourner vers le barbu dont l'épée, si elle n'est pas rengainée, est pointée vers le sol et non vers ma tête.

- Trempez un linge blanc dans l'infusion et posez le sur son front. Il faudrait aussi un linge propre pour bander sa plaie. Il lui faut du repos et du calme maintenant, le reste dépend d'elle.

Ils me regardent tous étrangement et il faut quelques secondes avant qu'ils ne se décident à bouger enfin. Je me relève, époussette ma robe avant que l'ombre du barbu ne me fasse relever les yeux vers lui. Il a rengainé son bout de métal coupant et me fixe un instant avant de me faire signe de le suivre. Je fais la moue mais obtempère. Visiblement la politesse ou la gratitude est une chose que les humains n'ont guère en abondance. Et dire que je suis encore loin de ma destination.

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Syelsa
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Re: Grandes Plaines du Royaume d'Exech

Message par Syelsa » dim. 1 nov. 2020 15:06

En caravane

- Merci.

Il me surprend, ce grand barbu, à me remercier à l'écart, comme s'il avait honte de le faire. Son visage marqué par le soulagement me fait m'interroger sur la relation qu'il a avec cette femme. Sa femme peut-être justement ? Ou une sœur ? Peut-être me suis-je trompée sur son compte, peut-être qu'il est simplement timide ou gêné de devoir remercier une complète étrangère. Je sens le haut de mes joues rosir alors qu'un sourire se dessine sur mes lèvres face à son remerciement. J'incline la tête en réponse et ouvre la bouche.

- Elle doit se reposer maintenant. D'ici une semaine elle devrait pouvoir bouger la jambe.

- Très bien. Nous l'emmènerons voir un guérisseur une fois en ville, mais la route est encore longue. Avec ces morts-vivants... tu n'y es pas liée, pas vrai ?

Je me disais aussi... Il doit se méfier après avoir vu mes fluides en action. Je hoche la tête, niant toute implication avec la prolifération de ces créatures sorties du repos éternel.

- Non, je n'ai pas appris les arcanes de la nécromancie, mais je sais qu'elles arpentent davantage ces lieux depuis quelques mois. Soyez prudents.

Je m'apprête à tourner les talons, mais il me demande d'attendre et me propose quelque chose que je n'avais pas envisagé.

- Je voudrais te remercier, tu as sauvé la vie d'une des nôtres. Dit-il en me tendant une bourse que j'examine avant de la prendre et de l'ouvrir. À l'intérieur, des morceaux ronds de métal. J'observe un instant la chose puis la referme et la lui rend, faisant face à un regard surpris. Que veut-il que je fasse de bouts de métal ?

- Je ne vois pas à quoi ça me servirait, mais merci. Je n'ai besoin de rien que vous possédez. Je vais reprendre la route, j'ai encore du chemin à faire. Puisse la route vous être paisible.

Il me fixe, encore surpris et je lui offre un sourire avant de faire demi-tour. Il ne me faut pas plus de quelques mètres avant qu'il ne m'interpelle à nouveau. Son insistance commence à devenir étrange et je me retourne à nouveau, plissant les yeux. Mais c'est une plutôt bonne offre qu'il me propose cette fois, et elle est difficile à refuser.

- Tu pars vers l'est, nous aussi. Joins-toi à nous. Tu iras plus vite qu'à pied et nous veillerons à ta sécurité pour te remercier. Qu'en dis-tu ?

Je n'hésite pas longtemps avant d'accepter et le suis jusqu'au centre du cercle de chariots pour qu'il informe la petite troupe de ma présence pendant les semaines à venir. On me remercie, me souhaite la bienvenue dans une étrange cacophonie. Des noms fusent, se perdent un peu au vu du nombre et je n'en retiens que bien peu sur la trentaine de personnes présentes. Et c'est donc au milieu du cercle que je passe ma première nuit de voyage, à voir s'alterner les gardes alors que l'obscurité emplit les plaines et que les dormeurs plongent dans le pays des songes.

Et c'est ainsi que, jours après jours, le voyage se passe bien plus rapidement que je ne l'avais espéré. La caravane, des marchands n'ayant pas les moyens d'aller en bateau, est en route vers Yarthiss, une ville à l'autre extrémité du continent et est lourdement protégée par une douzaine de gardes. Même les marchands sont armés. Il y a Edwart, qui est le chef des gardes, Wolfried, le barbu chef de la caravane et Filip, le cuisinier, dont je retiens rapidement le nom et le poste. D'autres discutent avec moi au fil des jours. La doyenne, Martha, qui est une marchande refusant de se poser dans une maison. Le guetteur, Reg, et son jumeau Fror, qui sont amusants et racontent souvent de petites histoires quand ils ne sont pas à balayer les alentours de leurs yeux perçants. Hildegarde, la responsable des provisions, qui surveille toujours Ferdinand, un colosse qui me semble plus large qu'un chêne et qui mange comme trois. Elina la douce femme du cuisinier qui chante des chansons pour apaiser les esprits. Ou encore Loric, celui qui gère les bœufs tirants les chariots de la caravane.

Toute cette petite troupe rend le voyage moins monotone et agréablement intéressant. Chacun à ses propres expériences à partager et, s'ils se montrent curieux à mon sujet, ils n'insistent jamais vraiment quand j'admets ne pouvoir leur répondre. Je ne peux risquer de divulguer quoi que ce soit sur ma mentor, à qui que ce soit. Je sais qu'elle s'est retirée du monde pour une raison et je ne veux pas que quelqu'un essaie de la trouver. Au lieu de quoi, je leur parle des légendes que j'ai apprises, des histoires qu'elle me contait étant plus jeune et leur donne quelques conseils sur l'utilisation des plantes, comme ce que j'ai fait le premier soir en les rencontrant et en sauvant la vie d'Agnès, la femme de Wolfried. Agnès qui, après une semaine de doute, a fini par ouvrir les yeux dénués de toute douleur ou presque. Tout le monde semblait ravi. Elle ne marche pas encore, mais sa jambe, que j'ai régulièrement continué à panser, ne met plus sa vie en danger. Elle gardera à vie les séquelles et boitera sans doute, mais au moins vivra-t-elle.

Les jours puis les semaines passent. A part quelques rencontres avec quelques trépassés, la route reste heureusement calme malgré les coups d’œil inquiets de Wolfried lors d'une nuit particulièrement orageuse. Rien n'est sorti de l'obscurité, mais il resta prudent tout le reste du trajet. Nous avons traversé quelques hameaux et un village plus conséquents où accueil chaleureux fut offert à la caravane qui échangea quelques biens avec les locaux. J'ai pu observé avec circonspection l'utilisation des fameux bouts de métal nommés yus et Agnès, amusée, s'évertua à m'expliquer l'intérêt de l'argent. Isqua n'en a jamais fait mention, probablement parce qu'elle a même oublié le principe. A quoi peut bien servir la monnaie lorsque la nature nous fournit tout ce dont on a besoin ?

C'est par un matin nuageux que la fameuse Tulorim est enfin apparut. Assise sur le chariot de tête, j'observe avec intérêt les bâtiment, les fumées s'en échappant et l'agitation que je peux percevoir même depuis le lointain. La caravane s'arrêtant quelques jours ici, je les quitte après de longs au revoir qui font verser quelques larmes. Agnès m'enlace longuement en me remerciant tant de fois que cela en devient presque gênant. Je reçois une tape sur l'épaule de Wolfried qui me souhaite de réussir ma cueillette et il glisse dans ma main la petite bourse qu'il a conservé depuis mon refus, en me faisant un clin d’œil.

- Tu aurais bien besoin de bottes, va-nu-pieds.

La remarque me fait rire et c'est ce sur ce petit échange que je les quitte, leur faisant de grands signes pour me diriger vers la grande ville proche de la mer. Ne me reste qu'à trouver où me renseigner et j'irai directement à Tuiles aux Rîmes. Simple comme la cueillette de baies !

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Syelsa
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Re: Grandes Plaines du Royaume d'Exech

Message par Syelsa » dim. 8 mai 2022 15:30

L’aigle blanc


Quitter la forêt si tôt après mon retour me laisse un sentiment étrange que je ne parviens pas à décrire. Isqua m’a serré dans ses bras pendant un long moment et j’ai eu le sentiment affreux que c’était un adieu définitif. Il a suffi qu’elle me dise attendre mon retour pour que la tension qui s’était installée dans ma poitrine ne se relâche et que je me sente plus légère. Isqua ne m’aurais jamais dit cela si elle imaginait le contraire. Alors même si je suis triste de la laisser seule dans un moment comme celui-ci, je suis le woran à la fourrure blanche jusqu’aux limites de la forêt où je me retourne, jetant un dernier regard au Bois qui m’a vu grandir. Une fois de plus, je ne sais pas pour combien de temps je pars et cela m’attriste.

- Il nous faut partir… j’aimerais avancer le plus possible avant la tombée de la nuit. Le coin n’est pas sûr.

Je le suis sans rechigner, malgré mon envie de retourner dans les bois. Décevoir Isqua et retourner auprès d’elle en ignorant la requête des Worans ne me traverse pas vraiment l’esprit tant cela me semble inconcevable. Elle serait forcée d’y aller à ma place et elle a besoin de repos, pas de voyager. Alors, comme il y a seulement quelques jours, je reprends un voyage vers l’Est, suivant la route chaotique qui serpente entre les plaines aux herbes brûles et aux collines dénuées de verdure qui forment les plaines aux abords du Bois. Le Woran n’est pas très bavard, en plus d’être rapide, me forçant à marcher plus vite, presque trottiner parfois. Malgré la protection de mon chapeau, je sens le soleil frapper durement et il ne me faut pas longtemps pour être essoufflée, pas habituée marcher si vite pendant si longtemps.

- On peut ralentir ?

Il se tourne vers moi et je peux voir son sourcil se hausser malgré la fourrure qui le recouvre. Il est à au moins trois mètres devant moi et ne semble pas du tout gêné par le soleil ou les kilomètres déjà parcouru à cette allure. Il me laisse venir à ses côtés et me tends une gourde. Reconnaissante, j’en prends quelques gorgées, profitant de la fraicheur de l’eau avant de la lui redonner en soupirant, retrouvant mon souffle peu à peu.

- Pas habituée à marcher autant, petite sorcière ?

- Pas à cette vitesse et par cette chaleur. Je profite généralement de la fraîcheur de la nuit pour avancer.

- Nous ne marcherons pas sans la lumière d'Utu pour nous guider.

- Ce serait pourtant plus facile.


Ce qui ne lui tire qu’un souffle de nez avant qu’il ne reprenne sa route. Il ralentit néanmoins, calquant ses pas sur les miens pour m’éviter de devoir lui courir après. La chaleur est toujours écrasante, mais le suivre n’est plus aussi difficile. Il semble attentionné malgré son allure et son énorme épée qu’il porte en travers du dos. Je remarque des cicatrices sur ses bras et qui zèbrent sa nuque. Il semble avoir connu de nombreux combats.

- Si tu as des questions, tu peux les poser, je ne vais pas te mordre.

Derrière son ton amusé, je note tout de même une certaine forme de défiance, comme s’il détestait que l’on pense cela. Comme s’il avait déjà eu à faire à ce genre de peurs. Je l’observe encore un instant avant d reporter mon regard devant moi et vers l’est, là où nous nous dirigeons. Foulant du pied le sol et l’herbe sèche qui borde la route, je laisse le silence s’installer quelques instants, le temps de réfléchir à mes propos.

- Je me demandais simplement depuis combien de temps Isqua aide les vôtres, rien de plus.

- Difficile à dire. J’ai entendu parler de la sorcière de la forêt quand j’étais encore un marmot. Elle est une des rares étrangères que les miens respectent et accueillent. Elle n’en a jamais parlé ?

Je lui signifie que non en secouant la tête. Isqua m’a toujours dit que ce serait à moi de me forger mes devoirs et de décider de mes actions et non pas de reprendre les siennes. Sans doute que si son état n’avait pas été aussi dégradé, elle aurait fait le voyage elle-même. Il faut que je finisse ceci au plus vite et que je retourne auprès d’elle pour l’aider à se rétablir. Qui sait ce qui peut se passer alors qu’elle est dans cet état ?
Lorsque le soleil commence à descendre, le woran s’arrête et commence à préparer un petit camp. De son sac, il sort tout un tas d’ustensiles dont il se sert pour allumer un feu et préparer un repas qui mijote bientôt dans une petite marmite qui laisse échapper une odeur alléchante. Le repas est délicieux, légèrement épicé et suffit à me rassasier dès la première écuelle là où il en faut trois pour que le woran se sente finalement repu et ne se prépare à dormir. Je garde un moment le nez levé vers la voute céleste qui s’obscurcit de plus en plus avant de fermer les yeux à mon tour, cherchant le repos en méditant.

Aux premières lueurs de l’aube, nous repartons et le voyage prend des allures de routine, bien que cela soit fort différent de quand je voyageais seul. Le woran, prénommée Fanänga, mais que je surnomme Sorno silma de par sa fourrure blanche et le pendentif en forme de tête d’aigle qu’il porte autour du cou, me raconte certaines choses sur son peuple, bien qu’il reste relativement secret à propos de certaines choses. Notamment les raisons de la requête de sa cheffe. Je n’insiste pas, sûre que j’aurai les réponses à mes questions en arrivant au camp. Les heures défilent ainsi et plus j’en apprends sur lui, plus je le trouve sympathique. Il aime la cuisine, a appris à se battre avant même de savoir parler et n’a jamais reculé devant el danger, peu importe la nature de celui-ci. Un courageux Woran du Clan de l’Aigle en somme. Lorsqu’il me demande de lui parler de moi, je m’y emploie à mon tour, même si je n’ai pas grand-chose à raconter.

- J’ai passé la plus grande partie de ma vie avec Isqua dans les Bois, à suivre son apprentissage. Je n’en suis sortie que très récemment, pour aller aider des lutins qui cherchaient de l’aide. A quelques jours près, je n’aurais pas été là à votre arrivée.

Et peut-être qu’Isqua ne serait pas aussi affaiblie et serait partie… Non, elle n’aurait pas laissé les Bois sans une présence. Même quand elle partait pendant un long moment, elle veillait à ce que je ne manque de rien en restant à l’abri de la chaumière et me dictait quoi faire avant de partir pour revenir aussi vite qu’elle le pouvait. Ce que je compte faire également. Elle m’a jugé apte à accéder à la requête des worans, je ferais en sorte de ne pas la décevoir.

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Sump
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Re: Grandes Plaines du Royaume d'Exech

Message par Sump » jeu. 23 mars 2023 23:33

Au Cœur des Ténèbres



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Sump émergea du sommeil ; bouche sèche, yeux lourds comme s‘il avait dormi des années. Il remua la terre sèche sans trouver d'insectes ; ses entrailles grondèrent comme le tonnerre au loin. La mine lasse, il reporta son attention sur la ville : Exech était une sombre excroissance au milieu des plaines malades et vers elle se traînait une file de paysans courbés par la chaleur et la faim. Un groupe de miliciens les attendait et paressait sous un auvent bricolé. Tous regardaient l’est où trois silhouettes se découpaient dans l’air immobile. Sump plissa les yeux ; il confondait paysans de la tourbe et trépassés qui partageaient la même démarche incertaine, la même apparence décharnée, le même regard mort. Parfois la même folie furieuse.
Un cor retentit et un homme à cape rouge se jucha sur le cheval qu’on lui apporta ; six cavaliers en armures hétéroclites l’entourèrent et ils chargèrent. Les paysans les acclamèrent puis se rapprochèrent des portes où ils furent repoussés par les miliciens restants. D'un œil morne, Sump assista aux deux mêlées.
La menace éliminée, les cavaliers revinrent ; des miséreux se ruèrent sur les carcasses. Cape-rouge démonta, jeta ses rennes à un sbire puis reprit place sous l’auvent de toile près des portes. Enchaîné, son chien frétilla et se colla à lui.

Des jours que Sump rassemblait son courage, qu’il guettait la moindre faille, qu'il révisait sa présentation mais le courage lui manquait toujours. Ses doigts se refermèrent sur le manche de sa dague ; les traits de son visage émacié se détendirent au contact lisse et délicat. Il sortit l’arme de son fourreau, la posa sur son bras et la caressa du regard : l’alliage unique de la relique dorée fit briller ses yeux noirs ; pour la millième fois il détailla les gravures et la courbure de la lame, son tranchant, le griffon furieux de la garde. Un rire mauvais brisa sa contemplation et reporta son attention sur Exech. Il se leva, s’épousseta et arrangea son large galurin de paille sur son crâne ; le contenu de son baluchon tinta et le décida davantage. Il abandonna la butte jaunie et l’arbuste rachitique qui l’abritaient depuis deux jours et rejoignit la piste. Les paysans le dévisagèrent. Sump mit son arme en évidence et carra les épaules. Il constata les haillons autour de lui et un sourire satisfait étira ses lèvres gercées.

« Pourquoi qu'tu prends cet air, sekteg ? Tu t'crois mieux qu'nous aut' ? »

Sump se figea, lèvres retroussées sur dents pointues. Le propriétaire de la voix abîmée avait posé son chariot et le fixait d’un unique œil ; l’autre était invisible, caché sous les plis d’un visage crispé et hirsute.

« Tu t’imagines qu’avec tes sapes et tes larcins ils t'laisseront entrer ? Founedieu ! L’problème n’est pas là, peau-verte. »

Le vieillard cracha un rire qui se transforma en quinte de toux. Il se redressa, passa un bras décharné sur son front dégarni et montra les lourdes portes de la ville d’un coup de menton :

« L’type avec la cape, c’est l’sergent Traster, d’la milice. Son clebs, cette teigne, on dit qu’il l’a eu en forniquant avec l'un des démons d’outre-terre ; ils sont aussi méchants l’un qu’ l’autre. Quand la caboche à nous-autres lui revient pas, et ça arrive souvent, il envoie ses gardes ou son clébard nous remuer les tics. Une aut’ quinzaine, t’aurais d’jà pas pu entrer mais avec eux ! avec eux-deux aux portes d’la ville ? Par Bek’Mor, c’est peine perdue ! »

Le visage de Sump se plissa de doute ; l’autre repartit dans un déluge de toux et de crachats.

« Moi c’est Rouêt, founier de mon état, m'en allant vendre ma foune en ville, reprit-il, t’as l’air d’avoir d’la maille et j’ai la race qui faut ; entendons-nous : tu paies ta place dans mon chariot et je te fais entrer. »

Sump considéra la grimace édentée que lui offrit le vieux puis secoua la tête. Il reprit son chemin sous les insultes, le manche de sa dague serré dans son poing. Plus il approchait des portes de la ville, plus la piste était encombrée d’errants. Autour de l’abri installé par les miliciens, un groupe d’humains espérait qu’on le laissât entrer ; Sump s’y mêla. Tous étaient rassemblés derrière un homme en toge sale et au cou pelé ; les breloques autour de ses poignets cliquetaient lorsqu’il levait les bras :

« Ô gardiens d'Exech, nous nous mettons à genoux ! Nous nous mettons à genoux dans la vase pour que vous nous accordiez le passage. Pauvres créatures que nous sommes, victimes de la tourbe, victimes des éléments ; de la sécheresse, des inondations, des maladies ; des chimeras, rois sauriens et autres gorgones ; à la merci du Todesrad et des trépassés. Nous nous entre-tuons pour une aubergine de la taille d’un pouce car rien ne croît dans ce désert où famille et entraide n’existent plus ; pour supporter le fardeau de notre vie nous nous suicidons à coup de pisse de foune, seules immondices à pousser ici. Les prédateurs sont les seuls à prospérer au sein de cette terre acide. Eux et notre protecteur et maître : Bek’Mor, roi des marais. »

Parmi la foule amassée autour du porte-parole, Sump croisa le regard d’un enfant de sa taille : son pagne dévoilait côtes saillantes et eczéma. Le prêtre des marais serra une amulette dans sa main aux ongles noirs et poursuivit :

« Laissez-nous entrer pour que la cité purge nos cœurs. Pour qu’elle nous offre son luxe, ses fruits, son confort ; laissez-la nous purifier ; laissez-nous profiter des milles facettes du diamant noir, si différent d’où nous venons. Laissez-lui nous donner la force dont nous aurons besoin lors de notre retour dans la tourbe. »

Les miliciens ricanaient ou bâillaient. Le fumet des grillades retournées sur un brasero rouillé fit saliver Sump. Le sergent Traster partageait une saucisse avec sa bête : de nerfs et de muscles, elle mastiquait de ses mâchoires énormes et grondait, ses yeux jaunes rivés sur la foule ; sa peau fripée et tavelée d’excroissances brunes luisait d’huile ; sa queue de rat frappait le siège de son maître et sa truffe rose s’agitait. Elle ne savait choisir entre s’asseoir, se coucher ou rester debout. Contaminé par la nervosité de l’animal, Sump préféra regarder ailleurs : la foule se tenait silencieuse sous le ciel bas. Le prêtre s’était tu. Aidé par son estomac, Sump inspira et fit un pas. Les yeux du sergent le survolèrent une première fois.
Lorsqu’ils revinrent sur le sekteg, il cracha sa saucisse et plongea vers la chaîne qui retenait son chien. Sump détala ; des coudes ou des dents, il s’extirpa de la forêt de jambes miteuses. Tous s’écartèrent : la charge du monstre de Traster palliait toutes velléités d'intervenir. Sump s’élança sur la piste en terre battue. Le son des pattes sur le sol sec s’intensifiait et l'effrayait. Accoudé à son chariot avec d’autres miséreux, Rouêt se marrait :

« Qu’est-ce que je t’avais dit, sekteg ? »

Au milieu d’acclamations glaireuses, Sump fut percuté et il roula dans la poussière avec la bête, Grifoniss lui échappa des mains et tomba quelque part. L’animal s’ébroua et se jeta sur lui alors qu'il peinait à se relever. Il brandit le petit bouclier rond attaché à son bras et la bête s’acharna dessus ; écrasé, Sump tomba une nouvelle fois. Un des paysans s’approcha mais le chien le repoussa de plusieurs coups de canines avant de revenir à sa proie qui essayait de le repousser avec ses jambes. Le molosse tira et Sump fut projeté en avant, le bouclier arraché de son bras ; il rampa sous l’animal et broya les testicules rosés entre ses doigts. Le chien couina si fort que Sump grimaça et ils se séparèrent. La dague dorée se trouvait à quelques mètres et une femme minuscule s’en approchait ; Sump claqua des mâchoires pour la faire reculer.

«Ils sont pareils !» s'esclaffa Rouêt.

Le chien vérifiait ses bourses avec sa truffe, le cou découvert. En un bond, Sump fut sur lui et l’égorgea. Pour échapper au jet de sang qui lui sauta au visage, il détourna la tête et vit avec stupeur que des cavaliers chargeaient dans sa direction. Il quitta la piste pour la savane marécageuse ; ses yeux affolés cherchèrent une issue tandis que les miliciens encourageaient leurs montures avec des cris et se rapprochaient. Sump bondit par-dessus des roseaux asséchés et entendit un juron, un hennissement paniqué et des éclaboussures. Son triomphe ne dura pas ; du coin de l’œil, il aperçut un autre cheval qu’un milicien fouettait avec une cravache. Sump dérapa dans la boue et reprit sa course dans une autre direction : il ne vit pas que le terrain descendait.
Il roula jusqu’au bas de la pente et se releva tant bien que mal. Devant lui une mare d’eau pourrie stagnait devant un trou circulaire condamné par une grille en fer. Derrière lui, deux miliciens démontaient et se morigénaient. Sump s’extirpa de la vase pour contourner la mare puante et dégaina son arme ; il montra les dents mais ni l’homme allongé sur une paillasse en tille ni les deux pêcheuses de grenouilles n’intervinrent malgré les imprécations de la milice :

« Par les anciens rois, attrapez-le ! »

Sump s'immergea jusqu'au menton et barbota jusqu’à se hisser en face de la grille. Souffle court, il passa son sac entre les barreaux et entreprit d’y glisser son corps mais la tête resta coincée. De l’eau gluante jusqu’à la taille, un des miliciens arrivait sur lui, épée dégainée. Sump se tordait le cou et se démenait, la main autour d’un barreau rouillé et mousseux ; avec un cri rauque, il parvint à se dégagea.

Il ramassa son sac et s’enfonça dans le tunnel.


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Sump
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Re: Grandes Plaines du Royaume d'Exech

Message par Sump » ven. 24 mars 2023 03:53

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2


Sump dévorait le rat des yeux : devant lui le rongeur luttait contre l’eau épaisse et couinait dans le boyau de pierre. La mélasse lui arrivait aux cuisses et les algues glissantes rendaient sa progression laborieuse. De sombres racines délogeaient les pavés, obstruaient le passage et ajoutaient à l’insidiosité du sol. Des rideaux de lierres le griffaient et limitaient sa vue ; les moustiques le harcelaient ; les crapauds moqueurs le crispaient. À la surface, des bouillons inconnus l’effrayaient. Arrivé à un carrefour, il regarda des deux côtés et tendit l’oreille : rien n’indiquait quel choix prendre. Quelle que fût la direction le souterrain et la vie qu'il contenait restaient hostiles.
Il choisit au hasard et sa progression fut arrêtée par une grille en fer au milieu du passage. Il hésita puis se faufila à travers les barreaux noirs. Des clapotis l’accompagnèrent devant une vaste salle dans laquelle un massif coffre en bois à demi-immergé le défiait et dont la serrure rouillée le séduisait. Entre eux : os rongés, eau pourrie et tonneaux. Les yeux brillants, il fit quelques pas.
Un ronflement le figea. Sur sa gauche, dos au mur, deux amas de chairs et de graisses pâles dormaient dans l’eau. Leurs têtes difformes étaient abaissées sur leurs larges poitrines, leurs griffes noires reposées sur leurs ventres proéminents striés de veines violacées. L’un d’eux gronda dans son rêve.

Il redoubla de prudence ; derrière chaque pan de pierre, il imaginait une nouvelle menace et lorsqu’un nouvel obstacle oxydé apparaissait, il faisait demi-tour sous les yeux rouges des chauves-souris nichées dans les coins. Des remous troublaient la surface huileuse et des ombres se mouvaient sous l’eau verdâtre ; des créatures gluantes se glissaient entre ses jambes. Mains serrée autour de sa dague, il se força à rester calme. Lorsqu’il fut bloqué par un autre cul-de-sac, il gémit et s'adossa à une racine. L'oreille près des pierres, il entendit des rats se battre et couiner dans les murs ; il leva le museau et huma la purulence, tria les odeurs et suivit la piste, collé à la paroi humide. L’urine, le musque et les phéromones le guidèrent ; les ébats et les couinements le rassurèrent. Lorsqu’il perdit ses congénères, il angoissa et rebroussa chemin jusqu’à les retrouver.
Il arriva à un carrefour en croix : un brouillard bloquait la vue à droite, à gauche c’était un tournant. En face, l’eau baissait et au-delà, le couloir continuait après une entrée dénuée de porte, torches éteintes accrochées aux murs. Il fit quelques pas lorsqu’une embouchure dans la paroi dévoila un groupe de rats sur une charogne. Son estomac émit un son curieux et il s’approcha, dague sortie. Parmi les rongeurs, un autre, gros comme un chien hérissé, s'avança, dos arrondi, museau plissé. Sump battit en retraite et fit face au couloir. À l'entrée et au milieu d’ un tas d’os, un crâne gisait, paisible.


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