Le Manoir des Brumes

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Yuimen
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Le Manoir des Brumes

Message par Yuimen » ven. 5 janv. 2018 11:11

Manoir des Brumes

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Non loin de la côte bordant Tulorim s’élève un vieux Manoir. Abandonné depuis quelques années, mais épargné par les miséreux plus craintifs que désireux de s’y aventurer. Il se murmure en effet que les lieux sont hantés, et que parfois la nuit on peut entendre les anciennes armures inanimées faire grincer les joints de leurs plaques sur le sol de marbre. On raconte aussi que les plus téméraires n’en sont jamais revenus, ou du moins pas sains d’esprit. Mais peut-on s’y aventurer seul la nuit, si l'on est sain d’esprit?

Quant à la source de cette magie sombre, les légendes urbaines varient d’un passant à l’autre. Parfois l’on parle d’une dame blanche, sacrifiée ici en des temps anciens. D’autres soumettent les propos plus hasardeux d’un monstre buveur de sang, qui attirerait ses victimes à lui.

Toujours est-il que personne n’ira plus vérifier, du moins pas s’il veut en sortir sans maux...

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Yliria
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Re: Le Manoir des Brumes

Message par Yliria » lun. 30 mars 2020 19:16

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Traverser la ville de nuit me rappela quelques souvenirs. Aucun n'était vraiment bon, sans surprise. Il y avait cette atmosphère oppressante une fois le soleil couché, la sensation froide et morbide que n'importe quoi pouvait surgir de l'ombre et me happer pour m'entraîner loin de la lumière. Je n'avais jamais été très encline à apprécier l'obscurité. Je n'en avais pas peur, mais je me sentais mieux en plein jour, en pleine lumière. Pour moi, l'obscurité renfermait ce qui pouvait me faire du mal. Peut-être était-ce dû à mon enfance, ou peut-être au fait que mon père m'avait toujours appris à me méfier des choses que je ne pouvais pas voir. Toujours était-il que j'avais inconsciemment développé une attirance nette pour la lumière et une certaine détestation des ombres. Les nuits sans lune, comme celle de ce soir, me donnaient un sentiment de malaise que je ne pouvais pas expliquer.

En tournant dans une rue, je sursautai en sentant un courant d'air me caresser la nuque. Je frissonnai en me massant l'arrière du cou, la désagréable sensation d'être épiée me frappant aussitôt. Je tournai la tête mais ne perçus rien et repris lentement ma marche, me retournant par moment. Il y avait quelque chose de risible à voir une shaakte craindre la nuit noire et apprécier la lumière du soleil. Ça avait de quoi surprendre, après tout, mais je n'allais pas faire semblant. Le soleil était synonyme de chaleur et de lumière, de protection et d’apaisement, tout ce que j'appréciais, tout ce dont j'avais besoin. Mais face au ciel sombre, nul réconfort et je commençai à me dire que j'aurais pu attendre le jour au lieu d'y aller de nuit.

J'étais déjà à la sortie de la ville lorsque cette solution me vint et je soupirai. J'étais prête, je m'étais mentalement préparée, autant aller au bout sans chercher à gagner du temps. Il me restait quatre jours et, même si je ne pensais pas que la fouille me prendrait autant de temps, je préférai ne pas traîner. Si cet endroit était vraiment hanté, alors j'allais croiser des saletés qui allaient probablement me faire perdre un temps précieux. Dans le cas contraire... Et bien j'en serais quitte pour quelques frayeurs, mais au moins je n'aurais plus cette épée au-dessus de ma tête. Pas question de rebrousser chemin. Plus vite j'en aurai terminé, plus vite je serais débarrassée de tout ça et retournerai à un quotidien plus calme, sans la pègre sur le dos.

(Jusqu'à la prochaine mésaventure...)

(Si encore je pouvais me dire que tu as tort...)

Elle ricana, amusée, alors que je mettais enfin le pied en dehors de la ville. L'obscurité y était encore plus tenace, la ville avait encore quelques torches allumées çà et là et des fenêtres laissaient parfois filtrer un peu de lumière. Mais après la limite de la ville, rien, le noir complet. Seul avantage d'avoir du sang shaakt, je voyais parfaitement, mais la vision de nuit faisait perdre toute couleur et rendait la vie... grise ? Terne en tout cas et étrangement angoissante quand les rares bruits de la ville n'étaient qu'un murmure de moins en moins audible à mesure que je m'en éloignais. Pour la énième fois, je pensai à rebrousser chemin avant de me raviser et de continuer à mettre un pied devant l'autre, scrutant les ténèbres avec attention et une certaine crainte.

Il apparut finalement. Une demeure ancienne à n'en pas douter, cernée par un jardin abandonné depuis aussi longtemps qu'elle, laissant les plantes ramper sur l'allée de gravier qui menait jusqu'à la lourde porte d'entrée. Il était immense, de mon point de vue. Deux étages, et plus de fenêtres que je n'avais de doigts. Chaque pas sur le gravier les faisait crisser et pouvait à tout moment avertir un potentiel habitant, mais tout semblait mort. Aucune lumière ne filtrait à travers les fenêtres, mais ça ne voulait pas dire que rien ne logeait ici. Trop peu attentive à l'endroit où je mettais les pieds, je me pris la cheville dans des ronces et grommelai en les retirant avant que quelque chose n'attire mon regard en me relevant. Au deuxième étage, collée à la vitre, une silhouette blanche semblait me fixer, déclenchant aussitôt un incontrôlable frisson dans mon échine. A peine avais-je cligné des yeux qu'elle avait disparu et j'en venais à douter de la vision que je venais d'avoir. Pourtant la sensation d'être épiée ne me quitta plus jusqu'à ce que j'atteigne la porte.

(Tu crois que c'est vrai?)

(Que ce lieu est hanté ? J'ai vu beaucoup de choses depuis que j'arpente Yuimen, ces derniers siècles. Tout est possible.)

(Tu étais supposée me rassurer en disant non, tu sais.)

(Depuis quand tu te voiles la face?)

(Depuis que cet endroit me file la chair de poule. Quelque chose cloche, mais je n'arrive pas à savoir quoi.)

(Tu vas renoncer alors ? Si tu as peur...)

(Ce ne sont pas quelques esprits qui vont me faire peur...)

(Permets moi d'en douter... Cela fait longtemps que tu n'as pas croisé de morts-vivants.)

(Et je préférerais que ça reste ainsi, crois moi. Bon... c'est parti.)

Poussant la lourde porte avec les deux mains, elle s'ouvrit en grinçant, libérant une odeur de renfermé si forte que je faillis vomir. La pestilence de l'endroit me rappela autre chose de putride et je me tournai en inspirant de l'air frais non vicié avant de porter mon regard à l'intérieur. Un vaste hall plongé dans la pénombre amenant à un escalier impressionnant qui grimpait à l'étage supérieur. Je tirai mon arme et empoignai mon bouclier avant d'avancer, attentive au moindre bruit environnant. Seul le bruit étouffé de mes pas sur les tapis poussiéreux me parvenait. Puis un grincement survint et, comme pour m'empêcher de repartir, la porte se referma derrière moi, claquant avec violence en libérant un nuage de poussière.

(Et beh... ça c'est de l'accueil!)


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Yliria
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Re: Le Manoir des Brumes

Message par Yliria » mar. 31 mars 2020 01:38

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Premières frayeurs

Figée au milieu du hall, je tournai mon regard tout autour de moi, m'attendant à une apparition quelconque. Rien, absolument rien ne bougea. L'antique lustre que le courant d'air avait fait vaciller tintait légèrement en grinçant. La poussière soulevée par la fermeture de la porte retombait lentement tout autour de moi, me chatouillant le nez d'une manière désagréable. Lame au clair, je commençai à avancer, lentement. J'imaginais que des choses allaient surgir à tout instant, mais le silence qui régnait était presque plus oppressant que le bruit d'un ennemi en marche. Un bruit provenant d'une fenêtre me fit sursauter avant que je ne me rende compte que ce n'était que la branche d'un arbre poussée par le vent. J'inspirai profondément et me raisonnai. Je devais me calmer.

Je devais procéder avec méthode. Le plus logique était de fouiller le rez-de-chaussé puis de monter ainsi en fouillant chaque pièce pour trouver ce fameux voleur. Si toutefois il était bel et bien ici, ce dont je commençais à douter. Pour moi, personne n'était venu là depuis des lustres, au vu de la quantité de poussière. Je me secouai et observai les alentours directs. Il y avait quatre portes en plus de celle de l'entrée. Deux à l'étage, de part et d'autre de l'escalier et deux de chaque côté du hall, opposées. Ne sachant par où commencer, je pris au hasard la direction de gauche. En m'approchant du mur, je remarquai d'anciens tableaux. La peinture était écaillée et même si abîmée par endroit qu'il était difficile de reconnaître quoi que ce soit. Une famille ? Probablement les anciens propriétaires. Ce manoir n'avait pas surgi de nulle part, après tout.

Je tournai la poignée de la porte et ouvrit, découvrant un sombre couloir tapissé de dalles et non de tapis. Plusieurs portes se trouvaient de chaque côté ainsi qu'une dernière au fond, face à moi. La première porte sur la gauche était une simple cuisine envahie par les toiles d'araignées et aux ustensiles couverts de rouille. Par acquis de conscience j'y jetais plus qu'un œil, mais à part une rencontre avec une araignée de la taille de ma paume qui me fit une belle frayeur en descendant du plafond, je n'eus aucune mauvaise surprise. Je laissai la porte ouverte derrière moi, histoire de ne pas me mettre à visiter plusieurs fois la même pièce, et continuai. La seconde semblait être une salle à manger,mais bien trop modeste pour être la salle à manger principale. Celle des serviteurs peut-être ?

(Je doute que tu trouves quoi que ce soit ici.)

(J'en doute aussi.)

Je ne jetai qu'un rapide coup d’œil avant de passer à la pièce suivante, tout aussi inintéressante, le garde manger. Je commençai à me dire que c'était l'aile des serviteurs et que j'avais probablement mieux à faire que fouiller tout ça, mais négliger une pièce n'allait certainement pas m'aider à trouver ce que je cherchais. Comme prévu, rien d'intéressant, mais il me restait encore une pièce, et une autre porte tout au fond. La dernière pièce était un simple lieu de vie, avec des restes de lits à moitié rongés et une commode. Rien sous les lits ou dans le meuble, évidemment. C'était plus vide qu'un puits en saison sèche. Soupirant, j'ouvris la dernière porte. Ou du moins essayai, car elle était fermée et impossible de l'ouvrir. J'eus beau forcer, donner des coups d'épaules à me la déboîter, rien à faire, elle restait définitivement close. C'était comme si le manoir entier me disait « C'est là ! » en me narguant.

Un hurlement soudain me fit faire volte-face, les yeux écarquillés. Il résonna un instant dans les couloirs du manoir avant de s'éteindre. Il ne ressemblait à rien de ce que j'avais déjà entendu, c'était... indescriptible, mais je pouvais sentir la chair de poule sur mes bras et le duvet de ma nuque se hérisser en l'entendant. Je déglutis, certaine à présent de ne pas être seule ici. Cela n'avait absolument rien de rassurant. Je me rendis compte qu'être bloquée dans ce couloir était une très mauvaise idée et je m'éloignai en vitesse de la porte close, réticente à combattre quoi que ce soit dans un espace aussi restreint. Mais quand le sort souhaitait s'acharner.

(Oh Meno... C'est quoi cette horreur?)

Une femme, ou du moins ça en avait probablement été une, un jour. Une peau couleur de cendre collée à un corps si maigre qu'il était presque squelettique. Des volutes néfastes s'étalaient tout autour de l'apparition qui semblait à mi-chemin entre matériel et immatériel, flottant au dessus du sol comme si elle n'avait aucun poids. Ses yeux sans vie me fixaient, emplis d'autant de douleur que de haine et elle pointa ses mains aux doigts crochus vers moi avant de hurler. Un hurlement si horrible que l'envie irrépressible de foutre le camp me prit. Sans que je sache d'où venait cette certitude, j'étais convaincue que cette chose me maudissait ou me promettait un sort atroce. J'avais le souffle court et les jambes flageolantes, mon palpitant cognant si fort dans ma poitrine que ça en devenait douloureux.

(Yliria!)

Je raffermis la prise de ma main sur mon arme. Cette chose ne devrait pas exister, et j'allais la renvoyer au royaume des morts, là où elle aurait dû être en paix, pour de bon.

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Yliria
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Re: Le Manoir des Brumes

Message par Yliria » mar. 31 mars 2020 03:23

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L'entité spectrale me fixait toujours, ses cheveux ternes flottant dans un souffle de vent inexistant. Lentement, je me mis en position. Je n'avais aucune certitude concernant cette apparition. Mes armes et protections allaient-elles avoir le moindre effet contre cette abomination ? J'en doutais et n'avais guère envie de vérifier. Comme Alyah me le rappela gentiment, j'avais des fluides de lumière et j'allais m'en servir. La clarté blanche imbiba ma lame, faisant réagir la créature qui hurla à nouveau, me vrillant les tympans, avant de se ruer vers moi à une vitesse effarante. Je me jetai par la porte ouverte à ma droite, entendant nettement le crissement de ses doigts sur le mur près duquel ma tête se trouvait une fraction de seconde avant. D'une roulade, je me relevai dans le garde-manger. C'était bien ma veine, elle était vide et sans autre issue que la porte où se tenait le spectre.

(Calme-toi, respire.)

(J'essaie ! Mais qui a créé cette... chose ?)

(Un nécromancien, sans doute... même si celui derrière leur création c'est Tal'Raban.)

(Qui?)

(Plus tard, concentre-toi!)

J'inspirai et me remis en place avant d'accumuler mes fluides et des les relâcher. Ce fut... étonnamment facile de créer cette aura de feu, comme si ma magie était plus facile à contrôler. A croire que l'incrustation de ces runes n'avait pas été vaine. Ainsi parée, je me sentis davantage sereine. Le feu en protection, la lumière en attaque. J'allais me sortir de là et accorder la paix à cette chose. Elle chargea à nouveau, bras tendus. J'inspirai et fit un pas en arrière en stabilisant mon appui avant d'envoyer ma lame directement dans la poitrine du spectre. Ma rapière la transperça sans difficulté, mais ses mains m'attrapèrent à la gorge. Elles étaient froides comme la mort et j'eus le réflexe d'enfoncer davantage mon arme dans le spectre qui hurla à nouveau.

Je me sentis quitter le sol et heurtai le mur derrière moi en grognant de douleur, un mal de tête me vrillant les tympans. Difficile de dire si c'était le cri ou le choc, mais mes oreilles sifflaient et j'avais du mal à garder mon équilibre en me redressant. Le spectre, lui, semblait devenu fou, hurlant à m'en exploser les tympans. Grimaçante, je laissai à nouveau agir ma magie, et une aura de lumière m'entoura à son tour, faisant tourner les yeux de la créature vers moi. Elle ouvrit à nouveau la bouche mais je ne lui laissai pas le temps cette fois, perçant sa gorge. Il y eut un silence avant que l'apparition ne se délite. Difficile de décrire un tel phénomène, mais c'était comme si elle tombait en poussière tout en s'évaporant, ne laissant derrière elle rien de plus qu'un petit tas de cendre qui se dispersèrent d'elles-même.

Merci

Je fouillai la pièce du regard en entendant ces voix. Était-ce la créature ? J'en doutais, comment aurait-elle pu ? Je me frottai la gorge, encore un peu choquée par ce que je venais de voir et vivre. Plus de peur que de mal, à en juger par mon état, mais je n'avais nullement envie de renouveler une telle expérience. J'affrontai des choses dont je ne connaissais rien et même si ce spectre n'était au final pas une aussi lourde menace que j'avais pu le croire, sa seule présence m'avait presque fait perdre mes moyens. Je jetai un œil aux restes et sortis sans précipitation de la pièce, vérifiant les alentours avec attention, peu désireuse de retomber sur quelque chose du même acabit. Il était bel et bien hanté ce satané manoir.

(Bon, tu m'expliques pour Tar Blablan?)

(Tal'Raban ! Un des 13 lieutenants d'Oaxaca, ça te dit quelque chose?)

(Oaxaca oui, les Treize.. vaguement. Je sais qu'ils la servent aveuglément. Tal'...Raban ? C'est un nécromant j'imagine.)

(Le plus grand d'entre eux apparemment. J'en ai plusieurs fois entendu parler et beaucoup de morts vivants ou créatures liées à la mort et à l'ombre ont été créées de ses mains, à la base.)

(Encore un qui aurait mieux fait de rester couché au lieu d'avoir des idées saugrenues... Et cette chose?)

(Une banshee... je te passe les détails sur sa création, je ne les connais pas tous moi même, mais à l'origine.. elle était vivante. Et ce n'est pas n'importe quel nécromancien qui peut en créer ou en contrôler. Elle était faible, avec un peu de chance son créateur a disparu depuis longtemps.)

(Espérons-le.)

Je retournai rapidement dans le hall et refermai la porte du couloir derrière moi. Difficile de dire depuis combien de temps j'étais là, mais j'avais l'impression que cela faisait à la fois une éternité et une poignée de secondes. Je me dirigeai rapidement vers la porte opposée. Celle-ci était plus large et plus haute, sur deux battants avec des poignées ouvragées. Nul doute qu'elle menait à un lieu plus intéressant que l'aile des serviteurs. J'allais vraiment devoir tout fouiller. En plus de la tenue, je devais trouver un moyen d'ouvrir cette porte, dans l'autre couloir. En espérant que cela ne mène pas dans l'antre d'une quelconque horreur.


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Yliria
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Re: Le Manoir des Brumes

Message par Yliria » mer. 1 avr. 2020 02:39

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La lourde porte à deux battants menait finalement à une immense salle à manger. Au centre trônait une imposante table d'un bois qui avait dû être lustré. Recouverte d'une large couche de poussière, elle était cernée par sept chaises de chaque côté, plus une plus grande et haute que les autres à l'opposée de la porte. Je réprimai un frisson en voyant une silhouette installée sur la chaise et portai ma main sur la poignée de ma rapière. Pas le moindre mouvement visible, ni même le bruit diffus d'une respiration. Prudemment, je fis quelques pas dans la pièce, mais rien ne bougea. Je détaillai davantage l'intérieur, apercevant une imposante cheminée sur le mur droit. Les incontournables tableaux décoraient les murs et un lustre se trouvait suspendu au plafond. Les fenêtres, dont une brisée, étaient agrémentées des restes rapiécés et moisis de ce qui avait dû être des rideaux coûteux, d'une couleur proche du rouge. L'ensemble sentait le renfermé et le moisi, comme dans le reste du manoir.

(Notre hôte ne nous invite donc pas à sa table?)

(Alyah... Dommage, sa cuisine doit être à tomber raide.)

Elle pouffa et je la suivis, retenant un rire nerveux du mieux que je pouvais en essuyant mes yeux embués. Je repris mon sérieux en expirant, la remerciant doucement, sentant une vague de chaleur réconfortante en retour. Je fis le tour de la pièce, marchant aussi doucement que possible, comme si je craignais de réveiller la silhouette. En m'approchant, je l'examinai de plus près et retins un haut-le-cœur. C'étaient les restes à demi momifié de quelqu'un. Et cela me suffit pour m'en écarter rapidement. Je n'avais pas envie d'avoir d'autres mauvaises surprises. Fort heureusement il resta parfaitement immobile comme tout bon mort qui se respectait et je pus fouiller la pièce sans être dérangée. Il y avait quelques meubles décoratifs ne renfermant rien de probant. Un peu d'argenterie, quelques babioles et une curieuse statuette qui me rappelait vaguement quelque chose sans que je ne puisse en déterminer l'origine.

(Gaïa. Enfin une de ses représentations.)

(Curieux de voir ça ici... Enfin, je ne suis pas venue pour piller les morts.)

Je la reposai à sa place et refermai le meuble, laissant échapper un léger cliquetis. Je me redressai et allais voir un autre meuble lorsque le cliquetis recommença. Je jetai un œil au meuble qui n'avait pas bougé avant de l'entendre une troisième fois, ainsi que le bruit caractéristique d'un vêtement frotter contre une surface dure. Je tournai la tête vers le seul endroit d'où pouvaient provenir les sons. Lentement, le corps pourtant mort se redressait avant de se figer et, dans un mouvement vif qui fit craquer ses os et me glaça le sang, tourna la tête vers moi, la mâchoire du bas se détachant comme pour crier sans qu'aucun son ne sorte de sa bouche. Je jurai entre mes dents avant de détaler vers la porte. Un violent bruit me fit ralentir et bien m'en pris puisque la chaise s'écrasa juste avant la porte. Éberluée, je fis volte-face et vis le cadavre se tenir debout avant de tirer deux énormes épées de sous la table. Je tirai ma rapière et me mis en position, mon bouclier devant moi. Un mort usant d'armes... cela n'allait pas m'arrêter. Comme pour me narguer, ses lames s'imbibèrent de magie. Une s'enflamma et l'autre se couvrit d'une brume d'un violet sombre.

J'eus à peine le temps d'enflammer ma propre arme qu'il me fonça dessus, abattant ses deux lames sur moi. Je bondis sur le côté, utilisant la table pour me projeter loin de lui. D'un coup ascendant de ses deux lames, il la pulvérisa, envoyant des éclats de bois en tout sens, avant d'abattre violemment sa lame d'obscurité. Je l'évitai d'un pas sur le côté et elle s'écrasa sur le sol, laissant une profonde marque dans les dalles. Il fit un arc de cercle en la relevant et je me pliai en deux, la faisant passer au-dessus de moi. La magie sombre m'effleura et je roulai aussitôt en arrière pour éviter que sa lame de feu ne m'écrase sur le sol. Elle s'y encastra à son tour et je reculai en inspirant. Il était rapide et violent, je n'avais même pas un moment de répit. Il croisa ses armes devant lui en se tournant face à moi tandis que je reprenais mon souffle. Je l'examinai un instant, essayant de comprendre ce qu'il cherchait à faire.

La réponse me vint sous la forme d'une imposante boule de feu qui me fonça dessus. J'eus tout juste le temps de dresser un bouclier magique d'urgence qu'elle se fracassait dessus. Elle le pulvérisa et le souffle me projeta en arrière. Heureusement, la majeure partie de la puissance magique avait été atténuée par mon bouclier et malgré quelques brûlures superficielles, je m'en tirais bien. Il resta immobile alors que je me relevais d'un bond. Profitant de ce moment, une aura de lumière m'entoura et je me préparai à lui foncer dessus lorsqu'une chose impensable se produisit. A ses côtés, son double parfait, mais fait de volutes d'ombres, venait d'apparaître. Je restai bouche bée et réagis trop tard lorsqu'il me fonça dessus. Il m'agrippa le bras d'une main et se prépara à me frapper avec l'autre et me retins alors que l'original brandissait ses deux lames. J'usais de toutes mes forces pour dévier la lame imbibée de flammes avec mon bouclier, mais celle couverte d'ombre me frappa dans les côtes avec violence. Je hoquetai sous le choc et valsai un peu plus loin en crachotant trop de sang pour me dire que la blessure était légère. Ce que j'avais mal !

(Yliria!)

Je roulai sur le côté pour éviter sa nouvelle attaque et une douce lueur illumina ma main que je posai sur mon flanc. La douleur reflua sans disparaître, mais au moins je pouvais respirer normalement et bouger sans souffrir le martyr. Une fois de plus il croisa ses lames devant lui et je lui fonçai dessus, perçant sa défense en lui transperçant le bras et le torse qui se trouvait derrière. Il ne réagit absolument pas et sa lame de feu sembla s'embraser encore davantage. Je compris et dressai aussitôt un bouclier devant moi en reculant. Il frappa le sol de sa lame et une vague de flamme surgit aussitôt et me fonça dessus. Le bouclier en absorba une partie, mais la douleur des brûlures me prit sur tout le corps et je ne pus retenir une gémissement en tombant à genoux. Je n'avais pas le choix et m'enveloppai complètement de lumière pour soigner mon corps entier. La douleur disparut en même temps que mon sort d'aura. Seule ma lame resta enflammée. Je ne pouvais pas encaisser une nouvelle attaque de ce genre, je devais agir au plus vite.

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Re: Le Manoir des Brumes

Message par Yliria » mer. 1 avr. 2020 17:47

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J'avais beau avoir les capacités pour éviter d'être sans défense contre bien des choses, des fois je n'arrivais tout simplement pas à suivre le rythme. Cette chose était rapide, violente et sa magie puissante, une vraie plaie. Je me redressai en essuyant la sueur qui coulait sur mon front. J'avais l'impression que les flammes sur sa lame avaient diminué, mais difficile à dire. J'avais du mal à reprendre un souffle stable et mon cœur tambourinait trop fort dans ma poitrine, je le sentais jusque dans mes tempes. Je devais me calmer si je voulais trouver une solution. Mais cette chose ne m'en laissa pas le temps et repassa à l'attaque d'un bond. Il abattit ses deux lames que j'évitai en sautant en arrière avant de passer par dessus la table pour la tenir entre nous deux, le temps de trouver un souffle, ou une idée.

(La table ne l'a pas vraiment arrêté tout à l'heure.)

Et elle ne l'arrêta pas davantage cette fois-ci. La moitié encore intacte fut complètement hachée par les deux lames et ne ralentit mon adversaire que de quelques secondes à peine. Les éclats de bois volèrent en tout sens alors que les flammes de son épée léchaient ma gorge lorsque je reculai. Je déviai sa lame d'ombre d'un mouvement de mon poignet pour la faire ricocher sur mon bouclier et me stabilisai pour percer son torse de ma lame. Elle s'y enfonça jusqu'à la garde, brûlant légèrement la robe miteuse qui le recouvrait. Je retirai ma lame et bondis sur le côté pour éviter un coup ascendant de sa lame d'ombre. Le coup de taille de sa lame de flamme rencontra mon bouclier et je sentis mon bras demander grâce en subissant le choc de plein fouet. Rien de brisé, mais un autre coup de ce genre et je pouvais lui dire adieu.

Je reculai à nouveau. Je devais changer de stratégie. En trouver une, au moins. J'étais coupée de ma magie pour le moment, l'ayant trop sollicitée avec le sort de guérison. Seule ma lame pouvait faire la différence. J'inspirai en changeant de posture. Je n'étais pas certaine de prendre la meilleure décision, mais mes options étaient grandement limitées et c'était ma seule idée dans cette situation. Je l'avais utilisée avec un succès mitigé dans le désert et depuis je m'étais entraînée, mais sans Tanaëth ce n'était pas aussi évident. Je stabilisai mes appuis et adaptai un peu ma posture. Avant j'utilisais une arme tranchante. Ma rapière m'obligeait à adapter la danse avec ses uniques coups d'estoc. J'allais devoir être mobile et rapide pour espérer vaincre cette entité.

Elle revint à la charge et je sautai sur le côté, utilisant les restes des tables et chaises pour me déplacer en espérant la gêner. Je fis brusquement volte-face et feintai une attaque en éclipsant mon arme de mon bouclier. J'évitai son coup de taille d'une vrille sur le côté et dessinai une parabole horizontale de ma lame avant de lui percer le flanc. Sans attendre, je reculai en inspirant profondément. Je ne devais pas calquer mes mouvements à la perfection sur ce que j'avais appris, juste les adapter. Il bondit, lame croisées et une boule de feu fusa vers moi. Je roulai sur le côté et utilisai l'élan pour me jeter plus loin alors que ses deux lames fracassaient le sol à l'endroit où je me trouvai juste avant, projetant débris et flammèches en tout sens. Je me relevai et repris ma posture en expirant lentement. Il se redressa également et leva sa lame d'ombre devant son visage. Aussitôt, son jumeau d'ombre apparut de nouveau et se jeta sur moi. Cette fois je n'étais pas surprise et évitai l'attaque en lui fonçant dessus.

Il balaya l'espace devant lui de ses deux lames, me stoppant net. Je détendis mon bras pour le transpercer, mais ratai, pour finalement tourner sur le côté en évitant sa lame d'ombre me tombant sur la tête. Le coup d'estoc de sa lame de feu rencontra mon bouclier et, d'une ellipse, je perçai son poignet de ma lame dans l'espoir de le désarmer. Sans succès, hélas et je reculai d'un bond avant de revenir à l'assaut. Je cachai mon arme en utilisant les restes d'une chaise pour frapper vers sa gorge d'un mouvement circulaire ascendant. Je la frôlai avant de devoir éviter ses attaques de tailles. Si mon bouclier en absorba une, sa lame d'ombre me frappa dans l'épaule. Le choc me fit reculer mais par chance mes protections avaient parfaitement empli leur office et je m'en sortis sans mal. Je constatai que le combat devenait plus égal et je persévérai. Je voulus avancer vers lui mais il leva son épée de feu et la fracassa violemment sur le sol. Une ligne de flamme fonça depuis le bout de sa lame et je me jetai sur le côté pour l'éviter.

Coupant la pièce en deux, un mur de flammes se dressait sur ma droite. La chaleur des flammes me fit m'en éloigner et j'aperçus les restes des meubles prendre feu à leur tour. L'entité me faisait face, les lames pendant au bout de ses bras malingres. Je me demandai comment il pouvait porter des armes pareilles. C'étaient clairement des armes faites pour être maniées à deux mains et il s'en servait comme si elles ne pesaient rien. J'inspirai et me remis en garde, cachant ma lame derrière mon dos, mon bouclier pointé vers mon adversaire. Je me ruai sur lui et il fit de même, abattant ses lames dans un ensemble parfait. Je vrillai sur le côté en donnant un coup en tournant, lui perçant le bras. Depuis tout à l'heure j’enchaînais les attaques mais il ne semblait pas réagir. Changeant de fluides, ma lame devint d'un blanc radieux et cela sembla le faire réagir. Il tournoya en balayant l'espace autour de lui de ses lames, creusant des sillons dans le mur derrière moi. Je l'évitai en me jetant au sol avant de bondir pour me relever et percer sa défense d'une parabole, trouvant l'endroit où son cœur devait se tenir. Il se figea lorsque ma lame le perfora de part en part, mais je compris vite que ce n'était pas suffisant. Je reculai d'un bond alors que sa lame d'ombre me frôlai. Je chargeai à nouveau, feintai une attaque sur sa gauche en attirant sa lame enflammée pour finalement partir sur la droite et bondir pour atteindre sa tête. Je perçai sa tête au niveau de son œil au moment où sa lame d'ombre me frappait dans le bassin. Je criai de douleur et retombai au sol en laissant mon arme plantée dans sa tête. L'une après l'autre, ses deux lames s'éteignirent avant de choir au sol. L'entité resta immobile quelques secondes, la tête transpercée, avant de s'effondrer à son tour, heurtant violemment le sol sur le dos.

Je roulai sur le dos, à bout de souffle, le corps épuisé et douloureux. Quoi que cette chose était, elle m'avait donné du fil à retordre et j'étais à bout. Mon bassin me faisait un mal de chien et malgré mon sort de soin, je sentais encore quelques zones faire les frais des brûlures infligées par la vague de flammes. J'inspirai et tentai tant bien que mal de retrouver mon calme. Une fois hors de danger, je pus me concentrer davantage et peu à peu utiliser à nouveau mes fluides pour me soigner. Ce n'était pas parfait et ça ne retirait pas la fatigue, mais au moins je pouvais bouger sans craindre de me casser quelque chose ou d'imaginer une blessure interne. Utiliser la Danse de l'Eclipse pour me mouvoir et prendre l'ennemi par surprise avait finalement payé, j'en étais contente. Enfin... satisfaite, et vivante, ce qui me suffisait amplement.

(Comment tu te sens?)

(Comme traînée par un cheval avant qu'il me piétine, mais ça va. Je vais me poser quelques minutes.)

(Fais donc. Je préfère ça que te voir foncer au devant du danger.)

Je lui répondis d'un sourire. Elle n'avait pas tort, mais là j'en avais bavé. Je jetai un œil au corps étendu en m'adossant au mur. La pièce était en ruine à présent. Des traces de brûlures et d'impacts jonchaient le sol aux côtés des restes calcinés de la table et des chaises. D'un point de vue étranger, ça devait ressembler à un champ de bataille en intérieur. Je soupirai en fermant les yeux. Juste deux minutes.
***
Tentaive d'apprentissage de la Posture "Danse de l'Eclipse" commencée ici, , encore ici et enfin .

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Yliria
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Re: Le Manoir des Brumes

Message par Yliria » mer. 1 avr. 2020 22:41

<< Précédemment

Je restai finalement bien plus longtemps que cela adossée au mur. Un temps que je ne pouvais calculer, mais Alyah m'informa que j'étais restée une bonne heure ainsi, plus calme. Je me redressai en m'étirant, ravie de constater que mes sorts avaient tout de même fait leur petit effet. Je me sentais encore ankylosée et étais convaincue d'avoir des bleus à des endroits incongrus, mais je pouvais reprendre l'exploration. A commencer pas les restes de la chose qui m'en avait tant fait baver. Contente d'avoir des gants, j'examinai la dépouille. Difficile de déterminer depuis combien de temps il était dans un tel état de décrépitude, mais il était probablement là bien avant ma naissance. J'examinai les deux lames. Elles étaient d'un métal ordinaire qui avait clairement subis les affres du temps. Pas étonnant qu'elles ne coupent pas, mais écrasent, elles étaient complètement émoussées, mais leur poids seul les rendait dangereuses.

J'en soulevai une, constatant le poids non négligeable d'une telle arme, avant de la reposer au sol. Nul inscription ou rune, la magie venait visiblement du propriétaire et ce n'étaient pas des artefacts. La robe qu'il portait avait dû être coûteuse, je pouvais y voir des fils dorés, mais le tissu était en lambeaux et brûlé par endroit, là où j'avais frappé. La seule chose qui m'intriguait était l'espèce de blason qu'il portait au niveau de la poitrine, mais impossible de le déchiffrer au vu de l'état du tissu. La seule chose restante était le diadème finement ouvragé qu'il portait sur la tête. Je le retirai délicatement et l'examinai. Il était tout à fait normal, sans aucune rune ou résidu magique, mais, en le retournant, je pus lire une inscription, malheureusement incompréhensible. Pour moi du moins.

(C'est de l'Hinïon. « Sully-Vän, Premier des Derniers-Nés.»)

(Une idée de ce que ça signifie ?)

(Pas la moindre.)

Cela me laissa perplexe et j'hésitai sur la marche à suivre. Est-ce que je prenais l'objet ou le laissais là, à son propriétaire. Je n'étais pas sûre qu'il me serve un jour. Je le pris malgré tout, gardant en tête de le remettre à sa place si jamais il ne s'avérait pas utile. Cet homme avait assez souffert d'être transformé en mort-vivant sans qu'en plus je pille sa dépouille. Je récupérai ma lame et examinai la pièce, ou du moins le carnage qu'elle était devenue. Le peu qui avait résisté n'avait rien d'intéressant et je ressortis pour retourner dans le hall après m'être assurée qu'il n'y avait rien d'autre.

Je faisais désormais face à l'imposant escalier menant au premier étage et hésitai un moment sur la marche à suivre. Continuer de nuit ou attendre que le jour se lève pour continuer d'explorer l'intérieur en espérant que les éventuelles horreurs seraient inertes une fois le soleil levé. La deuxième option me parut clairement plus avantageuse et Alyah était totalement d'accord avec moi, et même étonnée que je pense à cette solution, finalement.

(Je suis agréablement surprise. Je pensais que tu foncerais tête baissée.)

(La nuit me met mal à l'aise. Et je ne suis pas inconsciente. Vu le combat que je viens de faire, si des choses plus puissantes se cachent dans ce manoir, je dois éviter de leur donner un avantage en les laissant en pleine possession de leurs moyens.)

(Bien, très bien. Bon, et bien installe-toi pour la nuit, tu en as encore pour quelques heures.)

Ce que je fis, déballant mes affaires dans un coin du hall. J'allumai une torche, enfin, soupirant de bien-être en sentant la chaleur diffuse des flammes. J'installai mon couchage avant de remarquer un curieux sac. Je le sortis et l'examinai, comprenant aussitôt ce que c'était. En l'ouvrant, je découvris des cendres. J'en pris une pincée et le jetai sur la torche. Les flammes ondulèrent puis semblèrent prendre vie. Captivée, je fixai mon regard sur les formes qui se dessinaient, reconnaissant mon père et moi-même, bien plus jeune. Postée sur ses épaules, je riais comme une bienheureuse avant qu'il ne me pose au sol en s'accroupissant face à moi.

« Sais-tu quel jour on est aujourd'hui, Ssinjin Ssussun ? »

« Euuuuh... le huit ? »

« Oui, aussi, mais c'est surtout... ton anniversaire ! Tiens, c'est pour toi. »

Je vis la jeune moi fondre en larmes en recevant l'objet avant de se jeter dans les bras de l'homme qui riait. Je portai la main à mes cheveux et en détachai le serre-tête doré qui l'ornait et le caressai en souriant. Je n'avais jamais su comment il avait pu se procurer un tel bijou, mais jamais il ne m'avait quitté depuis. Il ne semblait jamais s'oxyder malgré les années et les déboires qu'il avait connu et il était le seul objet qu'il me restait de lui.

(Ssinjin Ssussun ... Douce lumière. Pourquoi ce surnom, en shaakt qui plus est?)

(Selon lui j'étais la seule chose qui illuminait ses journées. Il n'a jamais voulu me le dire, mais je pense qu'il ne voulait pas que je haïsse la part shaakte que je possède. Il voulait que je me sente normale, j'imagine.)

(C'était un bon père...)

(Oui...il était parfait...)

Les images redevinrent de simples flammes et les bruits les habituels crépitements. Je soupirai en essuyant mes yeux avant de remettre mon serre-tête en place, rabattant mes cheveux vers l'arrière pour laisser mon visage découvert, seule la mèche sombre retombant légèrement sur mon front, comme d'habitude. Je n'avais toujours pas pris le temps d'aller sur sa tombe... j'allais me rattraper et m'excuser pour le retard. Je ne me sentais pas capable d'y retourner après le Naora, mais revoir ces images m'en avait donné l'envie. Juste une envie de parler, même si jamais il ne me répondrait. Décidée à patienter jusqu'aux lueurs de l'aube, je m'installai aussi confortablement que je pouvais l'être et me préparai à fermer les yeux. Le grincement aiguë caractéristique de l'ouverture de la grande porte d'entrée jeta mon idée de repos aux oubliettes et je me relevai aussitôt en empoignant mes armes. Une silhouette entra, toute de noir vêtue. Même son casque sombre le rendait impossible à identifier et, comme pour moi plus tôt, la porte se referma sèchement, soulevant un nuage de poussière. La silhouette tourna la tête à droite et à gauche avant de poser les yeux sur moi. Le bruit caractéristique d'une lame quittant son fourreau me parvint et je grimaçai. Au temps pour le repos...

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Re: Le Manoir des Brumes

Message par Yliria » ven. 3 avr. 2020 10:47

<<Précédemment
Une lueur dans les ténèbres


L'inconnu se tenant face à moi ne bougea plus lorsque je me relevai en tirant ma lame à demi. Difficile de savoir s'il hésitait en me voyant ou s'il cherchait une quelconque faille. Finalement il rangea sa lame en s'époussetant et me tourna le dos sans rien dire avant de se diriger vers la droite, droit vers la salle où j'avais vaincu l'épéiste de flammes et d'ombre. Je restai immobile, circonspecte et décidai de rester sur mes gardes, incertaine de ce que cette personne voulait. Elle ne tarda pas à revenir et vint directement vers moi, sans montrer une quelconque agressivité. Sa voix, grave et étouffée par son casque intégral d'un noir de jais, fut presque réconfortante dans tout ce silence oppressant.

- C'est ton œuvre ?

Il désignait la grande salle à manger et je hochai la tête, toujours sur mes gardes. Sa tête resta fixée dans ma direction et je compris qu'il m'étudiait. J'allais lui demander ce qu'il fabriquait avant qu'il ne tourne à nouveau les talons et ne se rende dans le couloir de gauche. Je me gardai bien de lui dire qu'il n'y avait rien. Mieux valait qu'il le découvre de lui-même. Il ne semblait pas hostile à mon égard, aussi me posai-je à nouveau sur le sol pour examiner la tiare récupérée. L'examen me permettait surtout de garder mon esprit loin des pensées concernant le manoir et me focaliser sur quelque chose était ce dont j'avais besoin, actuellement.

En manipulant le fragile objet, j'en détachai une partie et jurai, avant de reconnaître une rune. Je la mis devant mon visage pour l'examiner, mais je n'en connaissais pas le signification. Je voulus prendre le temps d'en savoir plus, mais l'étrange personnage refit son apparition, marchant d'un pas vif en refermant la porte derrière lui. Il vint vers moi et je rangeai en vitesse la pierre de pouvoir, peu encline à montrer ce genre d'objets précieux à un inconnu. Il me scruta à nouveau quelques secondes et j'en profitai pour faire de même. Il portait une armure légère en cuir renforcée d'un métal noir comme la nuit. Il mesurait au bas mot un mètre quatre-vingt-dix et semblait taillé par les combats si j'en jugeais par sa posture, jamais vraiment détendue.

- Que fais-tu là ?

Je plissai les yeux. Lui donner la vraie raison n'avait rien d'idéal, cela risquait surtout de me créer des ennuis si c'était un mercenaire envoyé par la pègre. J'optai pour une semi-vérité, plus arrangeante, omettant simplement de parler de la pègre et de tout ce qui avait un rapport avec elle.

- Je cherche un objet, donc je fouille l'endroit.

- Ce n'est pas un lieu pour s'amuser.

(Parce que j'ai clairement l'air de passer un bon moment, évidemment!)

(Yliria. Cet homme est puissant, il a une quantité impressionnante de fluides de lumière. Ça ne doit pas être n'importe qui.)

- Je ne m'amuse pas, je prenais une pause après avoir battu l'autre.. truc. Et vous, pourquoi êtes-vous là ?

- J'ai entendu dire qu'il y avait des morts-vivants ici...

- Vous êtes quoi ? Un exterminateur ?

Je ne sus ce qu'il allait répondre, car un hurlement glaçant se fit entendre dans tout le manoir. Il se réverbéra sur tous les murs et je crus même entendre les vitres trembler avant qu'il ne disparaisse totalement, laissant le silence encore plus oppressant qu'avant. D'instinct, j'avais saisi ma rapière et l'avait imbibée de lumière en me levant d'un bond. L'homme, lui, scrutait le premier étage avec attention. Les ombres portées par la lumière de ma lame durent l'avertir car il se tourna vers moi et baissa la tête vers mon arme avant de remonter sa tête vers mon visage. Impossible de savoir à quoi il pouvait penser, mais il reprit comme si de rien n'était.

- Un exterminateur... on peut dire ça. Ce manoir est infesté, je vais le purger.

- Je vous accompagne.

- Je n'ai pas besoin que tu me gênes.

- Je ne vous gênerai pas, je peux parfaitement me débrouiller seule, mais je n'ai pas envie de perdre du temps et cela ira plus vite à deux. J'ai nettoyé le rez-de-chaussé, preuve que je peux m'en sortir, non ?

Il resta silencieux un moment, comme s'il évaluait la chose, pesant le pour et le contre. Finalement il haussa les épaules et se dirigea rapidement vers l'escalier. Je remballai mes affaires en vitesse, laissant mon sac en ne prenant que le nécessaire et le rattrapai lorsqu'il arrivait en haut de l'escalier.

- Je m'appelle Yliria, au fait.

- Derek.

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Re: Le Manoir des Brumes

Message par Yliria » sam. 4 avr. 2020 12:44

<< Précédemment

Sans hésiter plus d'une demi seconde, Derek prit aussitôt à gauche en haut de l'escalier et ouvrit la porte. Elle menait à un nouveau couloir bardé de portes de chaque côté. Je fis la moue. Ce manoir semblait décidément fait pour me faire perdre un maximum de temps avec l'obligation de fouiller chaque pièce. A ce rythme j'allais en avoir pour des jours à fouiller l'intégralité du domaine. Dereck ne fit aucun commentaire et avança dans le couloir. Il était étonnamment silencieux pour quelqu'un qui avait autant de métal sur le dos et je le suivis en étant la plus discrète possible, bien que cela ne soit pas vraiment ma spécialité.

Une première porte sur la droite. Il s'en approcha, sembla vérifier quelque chose avant de l'ouvrir. Une chambre. Un lit qui avait dû être magnifique autrefois se tenait dans le coin gauche opposé, près d'une fenêtre aux rideaux en lambeaux. Une commode d'un bois terni par les années lui faisait face. Derek examina rapidement l'intérieur, mais j'entrai et fouillai plus intégralement la pièce, décrochant même le tableau couvert de poussière qui se trouvait sur le mur, au dessus de la tête de lit. Rien, évidemment.

En me retournant, j'aperçus Derek, accroupi sur le sol. Il semblait examiner des traces, que j'estimai être faites par des griffes, qui avaient profondément entamées le parquet couvert de poussière. Impossible de déchiffrer son expression avec son casque, mais je l'imaginais sans mal être pensif face à ses griffures qui n'avaient, selon moi, rien à faire ici, surtout dans une pièce fermée.

Il se redressa en examinant à nouveau les alentours sans rien trouver de probant puisqu'il ressortit aussitôt. Je le suivis avant de refermer la porte. Dans le doute, je traçai une marque à l'aide d'une flammèche sur mon doigt, pour marquer la porte. Jamais trop prudente. Il se dirigea sans attendre vers la porte suivante, mais, au moment de l'ouvrir, il se figea et tourna la tête en la penchant légèrement, comme s'il écoutait. Je fis de même, cessant presque de respirer. Un bruit, infime, se fit entendre. Une sorte de raclement, comme si on traînait quelque chose sur le sol. Derek tendit la main sur le côté et, sous mes yeux ébahis, une lame d'une lumière radieuse se matérialisa dans sa main. Il ouvrit ensuite la porte avant de reculer d'un bond.

Sortant en s'entassant les uns sur les autres, des trépassés dégueulaient littéralement par la porte qu'il venait d'ouvrir, s'écroulant sur le sol en poussant des gémissements. Derek recula vers moi d'un pas prudent mais vif. Ce n'était certes pas le moment de bêtement glisser et de tomber face à cette marée de chair gémissante qui se dirigeait vers nous, lentement, mais inévitablement. L'odeur qui se dégageait de l'affreuse procession était immonde et je me demandai pourquoi je n'avais pas pu la sentir plus tôt. L'odeur du manoir en lui-même était déjà forte, peut-être que je n'y avais pas prêté attention et que la diffusion soudaine de l'air d'une pièce fermée remplie de cadavres était bien trop pour mon pauvre odorat déjà malmené.

La vue n'était pas mieux lotie face à cette horde de cadavre en putréfaction. Certains semblaient plus frais que d'autres qui n'avaient pour ainsi dire plus que la peau, et encore, sur les os. Certains dégoulinaient sur le sol, certains rampaient, faute de membres inférieurs, le tout dans une cacophonie de grognements et de gémissement immondes à vous soulever le cœur. J'avais envie de vomir, de fuir cette horreur nauséabonde. Je me retins de justesse de régurgiter mon repas du soir et fis de mon mieux pour ne pas inspirer trop fort pour ne pas empirer les choses. Si la horde était affreuse, elle n'était pas aussi horrible que le hurlement de la banshee.

Derek n'avait pas perdu son temps et déjà deux d'entre eux gisaient, morts pour de bon. Mais la horde se mit à avancer et il recula rapidement, me faisant signe de déguerpir en vitesse. J'obéis et bien m'en pris parce que les premiers se mirent à nous charger de manière chaotique, se rebondissant les uns sur les autres et sur les murs en tenant leurs bras décharnés devant eux. Je sortis en trombe du couloir, Derek sur mes talons. Il referma la porte qui trembla sous la charge des morts avant de complètement exploser, étalant la masse grouillante putride juste devant nous. Ceux qui étaient encore à la traîne rejoignirent la traque en nous apercevant.

Sans perdre une seconde, j'en transperçai un qui s’approchait trop avant de reculer alors que la horde s'entrechoquait pour nous atteindre. Derek en tua deux d'une boule de lumière avant qu'une lance de lumière n'apparaissent dans sa main gauche et n'en embroche deux de plus, les tuant sur le coup. J'en frappai un de la tranche de mon bouclier, lui explosant le crâne dans un bruit écœurant, avant que l'exterminateur ne me dise de reculer. Je m’exécutai en vitesse avant qu'une vague de lumière n'emplisse la zone. D'un seul coup, tout se calma, certains morts tombèrent même, définitivement hors de combat. Je regardai les morts rester figés, sans aucune envie de leur faire du mal. Je ne comprenais pas et me tournai vers Derek qui descendait les escalier.

- Pacifisme. Ça ne va pas durer longtemps, mais ça nous fait gagner du temps.

- Vous saviez qu'ils étaient là ? Vous avez vérifié la porte, pourquoi vous avez ouvert ?

- Pour les purger.

Il était complètement cinglé ?! Il semblait se préparer à les recevoir, mais je n'avais aucune envie de les affronter de front. Je devais trouver une autre solution. Derek avait sorti deux fioles et examinai la pièce avec attention. Finalement l'effet du sort se dissipa et peu à peu, les grognements reprirent de plus belle. Ils se remirent à nous foncer dessus, certains tombant dans les escaliers, d'autres passant par dessus la balustrade de l'étage pour s'écraser au rez-de-chaussée. Une marée de morts qui nous fonçait droit dessus et je ne savais absolument pas comment les endiguer.

(Ah bordel, j'aurai mieux fait de le laisser se démerder...)

(Tu serais intervenue de toute façon...)

(Oui.. Bon... on va les accueillir.)

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Re: Le Manoir des Brumes

Message par Yliria » sam. 4 avr. 2020 12:55

<< Précédemment

Si les trépassés n'étaient visiblement pas une menace sérieuse, pris individuellement, la horde qui dévalait les escaliers, elle, me filait une frousse monumentale. Imperturbable, Derek semblait attendre quelque chose avant d'agir, mais il n'allait falloir que quelques secondes à ces horreurs pour nous tomber dessus et complètement nous submerger. L'un des plus motivés s'embrocha sur ma lame, se tuant sur le coup. Je n'avais pas beaucoup de temps, mais visiblement je sous estimais Derek et sa façon de fonctionner. Je le vis donner un coup d'épée et l'immense lustre qui surplombait le hall chuta, s'écrasant dans un bruit de fin du monde en aplatissant les horreurs qui se trouvaient dessous, bloquant en partie les autres.

- Allez, on nettoie tout ça.

Son corps se mit brusquement à scintiller, comme s'il était saturé de magie de lumière, et il s'avança avant de lancer les deux fioles qu'il avait préparées. Si la première se contenta de recouvrir les morts proches d'un genre de liquide proche d'une bouillie, la seconde eut un effet étrange et il agirent comme s'ils se faisaient violemment électrocutés, tuant plusieurs d'entre eux sur le coup, leurs corps parcourus de spasmes. Il commença à tuer sans aucune pitié ceux qui étaient encore en train de bouger, tandis que d'autres, tombés de la balustrade, convergeaient vers moi. Avec plus ou moins d'entrain, dépendant de l'état de leurs membres.

Ma lame imbibée de lumière, j'avançai au devant du premier que j'abattis sans difficulté. Le problème c'est qu'ils étaient encore quelques-uns et me faire attraper signifiait une mort particulièrement atroce et douloureuse. J'utilisais toute ma mobilité pour leur échapper, les tuant un par un, sautant en arrière en permanence, montant sur la rampe de l'escalier pour les surplomber et m'éloigner d'un bond, les empêchant de m'atteindre. Je devais forcément viser le crâne, les embrocher au niveau de l’œil, sinon ils ne mourraient pas. J'eus ce constat au troisième que je transperçait au niveau du cœur et qui continuait à avancer en essayant de me saisir. Je n'osais utiliser ma magie qui nécessitait trop de temps pour être efficace, et de toute façon enflammer un mort qui essayait de m'agripper ne me tentait guère.

(Yliria, derrière!)

Je me retournai pour voir un cadavre bondir mollement dans ma direction. J'eus le réflexe idiot de rouler pour me mettre hors de portée et me retrouvai entourée de trois d'entre eux. Je jurai et en embrochai aussitôt un, ma lame passant part sa bouche en traversant son crâne. Il tomba raide, mais les deux autres étaient trop proches. Je pulvérisai le genou de l'un deux d'un coup de bouclier avant que les ongles démesurément longs du troisième ne ripent sur ma broigne en Xiulh. Celui au sol m'attrapa la cheville et je faillis tomber en tentant de me dégager d'un mouvement brusque, parvenant malgré tout à conserver mon équilibre. J'étais heureuse de ne pas pouvoir sentir la main putréfiée sur ma peau. Je me délivrai d'un balancement de cheville, arrachant sa main dans le processus.

Je reculai d'un bond en me débarrassant de l'abject membre sans pouvoir réprimer une grimace de dégoût. Qui pouvait bien créer ce genre d'abominations ? Avec ces horreurs, la subtilité n'était visiblement pas utile, aussi je me contentai de mouvements brusques et rapides, sans chercher à feinter ou autre, sachant pertinemment que ces choses ne voyaient de toute façon pas la différence. J'en repoussai un d'un coup de pied, le faisant basculer par dessus la rampe de l'escalier avant d'en transpercer un autre. J'avais le souffle court et de chaque inspiration remontait l'odeur pestilentielle des cadavres, me donnant la nausée.

Finalement, après ce qui me parut être une heure, le dernier qui me menaçait s'effondra enfin. Pliée en deux, les mains sur les genoux, j'inspirai lentement pour reprendre mon souffle avant de contempler ce qui ressemblait à un monstrueux carnage. Des corps, partout, une odeur immonde et un lustre effondré au beau milieu du charnier. Derek, lui, avait visiblement terminé de son côté et semblait examiner quelque chose. Je m'approchai de lui. Il était couvert de sang et de fluides en tout genre et je grimaçai en constatant que mon armure, notamment les jambes, étaient plus ou moins couvertes des mêmes horreurs.

- Vous m'expliquez ce qui vous a pris d'ouvrir cette porte ? On aurait pu y passer.

- Peu de chance... Et ils seraient tôt ou tard sortis, je préférais m'en occuper tant que c'était la seule menace. Celui qui les contrôle ne pourra pas s'en servir, comme ça.

- Prévenez au moins, la prochaine fois !

- Je croyais que tu te débrouillais toute seule ?

J'inspirai en retenant la moutarde qui me montait au nez. Non mais il se prenait pour qui ce type ? Je me détournai sans rien ajouter. Je refusai de travailler une seconde de plus avec cet ahuri. Exterminateur mon œil, il était juste complètement siphonné du bulbe ! Il savait que cette horde était derrière la porte et avait ouvert, il était cinglé ! Qu'il veuille tuer les morts une bonne fois pour toute, d'accord, mais s'il pouvait être en mesure de ne pas mettre en danger les vivants autour, ce serait vraiment apprécié. Je retournai vers mon sac et entrepris de nettoyer mes armes et pièces d'armure avec mes gourdes d'eau. J'en avais trois, je pouvais bien en utiliser une pour ça. Ce n'était pas optimale, mais au moins ça n'aurait pas le temps de sécher et je n'allais pas sentir la charogne en sortant d'ici, une bonne chose. Sans un regard pour Derek, je grimpai de nouveau à l'étage. J'avais toujours des pièces à fouiller.

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Re: Le Manoir des Brumes

Message par Yliria » sam. 4 avr. 2020 13:00

<< Précédemment

J'avais un mal fou à me retenir. C'était immonde. L'odeur de cette pièce était ce qu'il y avait de pire dans toute cette exploration pour le moment. Je m'étais rendue rapidement à l'étage pour fouiller la pièce d'où était sortie la horde. J'avais achevé deux trépassés sur le chemin, qui rampaient, leurs membres inférieurs étant restés dans la pièce. Et quelle pièce... Je désespérai de trouver quoi que ce soit, mais en plus l'odeur était si infâme que j'étais à chaque seconde sur le point de vomir tout ce que j'avais dans l'estomac. Si seulement il existait un moyen de filtrer les odeurs, je l'aurai équipé immédiatement. Mais non, j'étais coincée avec l'odeur de dizaines de cadavres en putréfaction coincés dans une pièce depuis Meno seul savait combien de temps. Et c'était sans compter les « restes » qui jonchaient le sol.

- C'est étonnant.

Je tournai le regard vers l'embrasure de la porte. Derek se tenait là, accolé à la porte et me regardait à travers les fentes de son casque. Comme visiblement cette pièce était aussi vide que le reste de ce que j'avais déjà visité, je sortis en vitesse pour reprendre un peu d'air moins vicié. J'expirai et inspirai pour faire partir l'odeur de mes sinus avant de me tourner vers Derek. Il me fixait toujours, l'air nonchalant, mais en regardant de plus près, je pouvais voir qu'il était toujours sur ses gardes, en permanence. Je me demandai ce qui avait pu le conduire à venir jusqu'ici pour éliminer une menace dont la ville la plus proche se fichait complètement, vu l'ancienneté des cadavres du coin.

- Qu'est-ce qui est étonnant ?

- Une Shaakte, ici, avec des fluides de lumière, qui combat des morts.

On en revenait toujours à cela... Je me contentai de le fixer avant de soupirer. Quoique je puisse faire, j'étais une shaakte aux yeux des gens, et c'était le seul élément qu'ils retenaient. Comme si ça changeait quoi que ce soit.

- Et ? Vous détestez les Shaakts et vous voulez que je parte ?

- Tant que tu ne me gênes pas je n'ai rien contre toi. J'étais juste surpris, les tiens sont rarement des adeptes de la Lumière.

Je me contentai de hausser les épaules. C'était parfaitement vrai, les Shaakts n'aimaient pas la lumière et probablement qu'ils n'aimaient guère ceux qui la manipulaient, mais n'étant qu'une semi-shaakte, le carcan inhérent à la condition de ce peuple ne me concernait nullement, et heureusement. Quoi de plus agréable que de profiter d'une journée ensoleillée ? J'avais si hâte d'en finir avec tout ça et de m'allonger dans l'herbe pour profiter des beaux jours qui s'annonçaient...

(Oui, bon.. concentre-toi quand même. Tu n'es pas encore sortie)

Je maugréai intérieurement, mais dus me rendre à l'évidence, la nuit était loin d'être terminée et je n'avais toujours pas le moindre indice sur la localisation de ce que j'étais venue trouver ici. Sans compter la porte fermée à l'étage inférieur. Tomber sur d'autres horreurs de ce genre ne me donnait guère envie d'avancer, mais je me fis violence et recommençai à mettre un pied devant l'autre pour aller fouiller le reste de l'étage. Les quelques pièces qui restaient dans ce couloir n'abritaient nulle entité maléfique ou à moitié décomposée, et j'en fus très heureuse. Ce n'étaient que de simples pièces à vivre, toutes dans un état de décrépitude avancé, mais parfaitement vides de toute menace plus dangereuse que les araignées qui y vivaient probablement dans le plus parfait des bonheurs.

Derek avait également fouillé minutieusement la pièce où étaient rassemblés les trépassés, mais impossible de dire s'il avait trouvé ce qu'il cherchait. Il n'enlevait pas son casque et n'était guère bavard. Il se contenta de se diriger vers la seconde moitié de l'étage et je l'y suivis en essayant de ne pas imaginer ce qui pouvait une fois de plus nous attendre là. Il ouvrit la porte qui menait à un couloir, là aussi. Mais seulement deux portes se partageaient les murs, et on pouvait apercevoir un escalier en colimaçon à l'autre bout. Le problème qui se posait, c'était la silhouette de blanc vêtue qui se dessinait au beau milieu du corridor, une lanterne à la main. Elle avait le visage complètement voilé et pas le moindre centimètre de sa peau n'était visible, pas même sa main qui était gantée.

Comme si ce n'était pas assez étrange comme ça, elle ne bougeait absolument pas, mais le léger mouvement de son voile prouvait qu'elle respirait. Enfin quelque chose de vivant dans ce manoir. Derek, lui, ne bougeait pas davantage, mais il semblait à cran, comme s'il avait perçu quelque chose que je ne voyais pas. Il chargea ses fluides, mais un rire me fit tourner la tête vers la silhouette. Indubitablement féminin, le rire était à la fois doux et glacial. Un frisson me parcourut l'échine lorsque la femme bougea enfin, pointant un doigt ganté vers nous.

Soudainement, une épaisse brume noire envahit le couloir, nous bloquant la vue. Impossible de voir ne serait-ce que mes mains et je tâtonnai en cherchant la sortie, voulant échapper à une situation qui risquait de nous mettre dans de sales draps si quelque chose décidait d'attaquer. Je saisis enfin la poignée et ouvris aussitôt la porte en m'y engouffrant. Il y eut un instant de flottement tandis que j'écarquillai les yeux de stupeur et, il faut bien l'avouer, d'horreur.

(C'était pas la sortie...)

(Non... clairement pas... )

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Re: Le Manoir des Brumes

Message par Yliria » sam. 4 avr. 2020 19:31

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Ce manoir mettait mes nerfs à rude épreuve, mais pas seulement. Mon estomac commençait également à en avoir assez. Les autres pièces avaient la décence d'être abandonnées, anciennes et usées. Celle-ci, en revanche, était un cauchemar. Sol, mur et plafond étaient striées de larges éclaboussures de sang séché. Par endroit des restes de corps à moitié démembrés ou écrasés gisaient au sol, emplissant l'atmosphère d'une odeur répugnante. Épingler au mur par une lance, comme un insecte sur une toile par une aiguille, un cadavre récent pendait, la bouche ouverte en un dernier cri à jamais interrompu. Je reculai et me laissai finalement aller à vomir contre le mur. C'était trop, j'avais tenu jusque là, mais ça...

- Pathétique.. Et ça ose profaner cet endroit..

Je redressai la tête. Un être engoncé dans une armure dorée ternie se tenait là, debout, au milieu du carnage. D'un souple mouvement, il décrocha la lance du mur, le malheureux toujours empalé dessus. D'un mouvement ample, il décrocha le cadavre qui alla s'écraser plus loin, parmi les restes. Je déglutis tandis que, à travers son étrange masque modelé d'après un animal aux dents pointus, il m'observait, silencieux.

- Une Shaakte... veux-tu la connaissance ? Non... Tu n'es pas là pour ça... Tu es comme ces hommes, venue chercher quelque chose. Une intruse, une voleuse.

Il siffla et quelque chose s'anima. Un colosse, bardé d'une armure qui ne cachait pas un énorme ventre, portant un casque représentant un visage bouffi et un immense marteau qui devait être plus efficace pour écraser des bœufs que pour le combat. Il se contenta d'approcher près de l'autre, le surplombant largement, son immense marteau se posant sur le sol en fracassant à moitié ce dernier. L'autre pointa sa lance vers moi. Elle avait une lame bien plus longue que les lances conventionnelles et possédait une sorte de garde juste après la lame. Probablement pour éviter de trop l'enfoncer...

- Golem. Tue-la !

On pouvait difficilement faire plus clair. Sans attendre, je bondis en arrière en tirant ma lame alors que l'énorme type blindé me fonçait dessus. Il fit un large mouvement horizontal que j 'évitai en me jetant en arrière. Son marteau s'encastra violemment dans le mur, faisant tomber quelques débris tout en laissant un monstrueux impact. Un seul de ses coups et je finissais en bouillie ! Ma lame s'enflamma alors qu'une boule de feu apparaissait pour lui foncer dessus. Elle n'eut aucun effet mais sembla le déstabiliser suffisamment pour que je puisse approcher, passer sa garde et frapper, enfonçant ma lame dans son ventre. Elle passa son armure et, étonnamment, s'enfonça comme dans du beurre. Il n'eut pas l'air de beaucoup apprécier et je me reculai en vitesse avant de voir le manche du marteau frapper le sol là où j'étais juste avant.

- Tu vas être un problème...

Le type à la lance me fonça dessus. Il fut si rapide que j'eus à peine le temps de mettre ma garde en place qu'il frappait. Sous le choc, le bras tenant mon bouclier partit en arrière et il me frappa violemment avec le manche de sa lance, m'envoyant valdinguer plus loin. Je m'écrasai au sol, le souffle coupé et l'impression d'avoir la poitrine enfoncée. Je peinai à reprendre de l'air et lançai aussitôt un sort de soin, sans succès. La douleur m'empêchait de me concentrer suffisamment et je ne fis que cracher un peu de sang sur le côté alors qu'il s’approchait, levant sa lance. Je cherchai à me redresser, sans grand succès, levant mon bouclier en désespoir de cause.

Un intense lumière passa au dessus de moi et frappa le lancier, l'envoyant rouler en arrière. La douleur finit par refluer et je tournai la tête pour voir Derek qui me tendait la main. Je la saisis et il me releva comme si je ne pesais rien. J'expirai en essayant de me calmer, le remerciant d'un signe de tête. Il était vraiment arrivé au bon moment. Un peu plus et … je préférai ne pas y penser. Je titubai un instant avant de faire face en roulant mon épaule endolorie par le choc. Ma poitrine n'était plus douloureuse, fort heureusement, respirer n'allait pas être un problème.

- Je croyais que tu te débrouillais seule ?

- C'est bon... Merci.

- Hmm. Occupes-toi du lancier, je m'occupe de ce gros sac.

Je hochai la tête, me demandant comment il allait s'occuper d'un truc pareil. Moi j'avais la chance d'être petite et agile, mais lui, avec son mètre quatre-vingt-dix, je n'étais pas sûre qu'il soit aussi rapide pour éviter ses attaques. Je reportai néanmoins mon attention sur le lancier qui s'était relevé et s'était mis en garde, le colosse à ses côtés.

(Il va moins faire le malin ! Casse-lui les dents!)

(Depuis quand t'es aussi violente?)

(Depuis qu'il était à deux doigts de te tuer ! Si je pouvais le massacrer moi-même je ne m'en priverai pas!)

Cela me tira un léger rictus amusé avant que je ne me concentre totalement sur mon adversaire. Il m'avait prise par surprise, je n'allais certainement pas lui faire ce plaisir une seconde fois.

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Re: Le Manoir des Brumes

Message par Yliria » lun. 6 avr. 2020 11:37

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A deux contre deux, le combat était plus équilibré. Derek chargea aussitôt le colosse et le lancier, qui se préparait à l'intercepter, esquiva de justesse une de mes boules de feu, portant alors son attention sur moi. Sa lance crépita d'éclairs avant qu'il ne s'élance vers moi d'un bond, abattant sa lance comme une masse sur le sol, là où je me trouvais juste avant. D'un souple mouvement, j'étais passée sur son flanc et, prenant appui sur ma jambe, m'élançai vers lui, pointe en avant. Il dévia l'attaque du manche de son arme, la repoussant vers le haut. Son arme tournoya entre ses mains, le manche venant me frapper sous l'aisselle. Je grimaçai sous le choc et reculai, mais rien de cassé à déplorer. Un mouvement sur ma droite me fit tourner le regard, juste à temps pour éviter un coup de marteau qui fracassa le sol, suivit d'un violente lumière qui le repoussa, Derek lui fonçant dessus, une lance de lumière en main.

Le lancier ne perdit pas de temps et, après avoir saisit son arme à deux mains, projeta un violent éclair depuis la pointe de sa lame. Je dressai aussitôt un bouclier magique, mais l'efficacité était limité et je sentis la morsure de la foudre parcourir tout mon corps, me faisant lâcher un gémissement de douleur. Il en profita pour me charger à nouveau et je déviai de justesse un coup qui m'aurait percé l'abdomen. Je ripostai en visant son avant bras directeur, perçant l'armure de ma lame enflammée. Il siffla de douleur et se dégagea, laissant une traînée de sang derrière lui. A nos côtés, le combat entre le golem et Derek prenant de l'ampleur, le colosse abattant son arme de plus en plus violemment que Derek esquivait avec aisance, répondant par des tirs de lumière qui faisaient tituber la créature avant qu'elle ne repasse à l'assaut.

Mon adversaire en eut probablement assez et Alyah me mit en garde, le sentant charger ses fluides de manière bien plus condensée qu'auparavant. Il bondit et, en touchant le sol, une onde de choc faite d'arcs électriques s'étala autour de lui. Je fus projetée en arrière en subissant la brûlure des éclairs. Je m'étalai sur le sol, le corps secoué de spasmes dus aux décharges. La lame s'abattit sur moi, bloquée par celle de Derek qui avait évité l'assaut électrique. Je me relevai d'un bond pour mieux me jeter au sol pour éviter le coup de marteau qui nous frôla tous les deux. La lourde masse s'écrasa ensuite sur le sol alors que je me relevai après une roulade. Sans vraiment réfléchir, je fonçai, prenant appui sur le lourd objet pour sauter sur le colosse, lame en avant, perçant son casque avant d'insuffler autant de fluides que possible pour enflammer l'intérieur de sa tête d'une boule de feu. Une gerbe de flamme et une immonde odeur de chair grillée suivirent et le colosse rugit. Je n'eus pas le temps d'éviter sa main. Elle me saisit et je m'enflammai pour le forcer à me lâcher. Il me jeta loin de lui et je m'écrasai au sol pour la deuxième fois, le souffle coupé.

Derek avait pendant ce temps-là mené la vie dure au lancier qui, acculé, refit le même sort que précédemment, forçant Derek, malgré son évidente supériorité, à reculer hors de portée de son attaque. Je l'avais visiblement largement sous estimé, ce type était une pointure, j'avais intérêt à l'observer pour en apprendre plus. Grimaçant, je me redressai, le dos endolori par la chute. Le golem semblait avoir du mal à se remettre de ce que j'avais fait et Derek, dans un spectacle son et lumière d'une intensité ahurissante, l'acheva. Je ne compris pas vraiment quel sort il utilisa, mais le géant s'écroula pour ne plus se relever. Cela sembla mettre le lancier dans une colère noire.

- Vous... Comment osez-vous...

A nouveau sa lance crépita d'éclairs et il la pointa sur Derek. Un mur d'éclairs l'entoura soudainement, puis le lancier me fonça dessus. Son coup frappa mon épaule et, s'il ne perça pas le métal, me fit reculer sous l'impact. Je répliquai, frappant son flanc, transperçant son corps de part en part. Il hoqueta sous la douleur mais me saisit le bras pour m'empêcher de me dégager. J'eus beau essayer, rien n'y faisait et je plissai les yeux en voyant de fines particules tomber en une pluie autour de lui. Elles explosèrent et la douleur fut si intense que je hurlai en lâchant mon arme avant de tomber au sol. L'effet ne dura pas longtemps mais la douleur resta vive. Puis un grand froid m'envahit lorsque je sentis une nouvelle douleur dans le torse. Je regardai, éberluée, la lance qui me transperçait, juste sous la poitrine. Il la retira et je hoquetai de douleur, sentant un liquide chaud se répandre sous mon armure.

(Yliria ! Yliria, soigne-toi tout de suite!)

- Et de une...

(Comme si j'allais mourir ici...)

Je dus m'y reprendre à deux fois, mais une intense lumière finit par illuminer mes mains que je posai sur ma blessure, la résorbant. J'attirai ainsi l'attention de mon adversaire qui s'était tourné vers Derek. Crachant un peu de sang, je me relevai. La blessure n'était pas guérie, loin de là, mais elle allait tenir le temps que je m'occupe de ce type. Je ramassai mon arme, qu'il avait négligemment laissé tomber après l'avoir retiré de sa blessure. Tout mon corps me faisait mal, je n'avais guéri qu'une seule blessure, mais je ne voulais pas lui laisser la moindre chance cette fois. J'inspirai et me mis en position avant qu'une orbe incandescente ne se mette à tourner autour de moi tandis que ma lame s'enflammait. Fou de rage, le lancier me chargea, son corps entier semblant crépiter d'éclairs.

Ce fut bref. J'inspirai en stabilisant ma position avant de brusquement m'abaisser, passant sous sa lame. Le feu follet le frappa, le repoussant légèrement et, détendant mon bras en y mettant tout mon élan, je frappai. Ma rapière perça sa mâchoire, ressortant par le haut de son crâne. Pendant quelques instants, plus rien ne bougea. Puis le son de la lance qui heurtait le sol me fit réagir. Je m'écartai, retirant ma lame en le regardant s'effondrer, une tache de sang s'étalant sous lui. Je respirai avec force avant de m'effondrer à moitié, tombant sur les fesses en lâchant mon arme dont les flammes s'éteignirent. J'avais encore tué, mais je n'en éprouvais aucun remord cette fois. Bien au contraire. J'étais juste soulagée.

- Tu t'es bien débrouillée.

- Vous êtes qui ? Vous vous êtes occupé de ce golem énorme presque sans difficulté.

- Juste quelqu'un qui veut éradiquer les morts-vivants, peu importe où ils se trouvent, et qui s'en donne les moyens.

La façon dont il l'avait dit, d'une voix grave et sombre, me suffit. Je me gardai bien de poser d'autres questions malgré l'envie qui me prenait et me contentai de hocher la tête. Finalement, ce fut lui qui, probablement après un moment d'hésitation, s'installa et retira finalement son casque pour boire une gorgée d'eau. Un visage dur, aux cheveux châtains et aux yeux verts se trouvait en dessous. Il me fixa un instant avant de se relever.

- Reste-là.

- Laissez-moi v...

- T'as du cran gamine, et du potentiel, mais ne te surestime pas. Repose-toi, je vais vérifier le reste de l'étage.

Il s'éloigna pour aller inspecter ce que je pensais être l'autre pièce et je retins un grognement désabusé. Il allait voir si j'étais une gamine...

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Re: Le Manoir des Brumes

Message par Yliria » mar. 7 avr. 2020 18:08

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Le prix du sang


Finalement prendre une pause fut plus que bénéfique. Je profitai de ce moment pour guérir la majeure partie des blessures qui parsemaient mon corps avant de prendre de longues gorgées d'eau et une grande potion de mana. Je me versai également un peu d'eau sur la tête, ce qui me fit un bien fou et nettoya un peu le sang qui maculait mon visage. Adossée au mur, mes affaires posées sur le côté, je contemplai le carnage qui s'était déroulé dans la salle. J'étais presque sûre que les corps démembrés qui jonchaient le col un peu partout étaient ceux des douze hommes envoyés par la pègre. Restait à savoir si le fameux voleur était parmi eux. Je n'avais pourtant guère envie de fouiller les petits tas de chair qui avaient été autrefois des êtres humains et je restai là à tenter de calmer mes muscles endoloris.

(Comment tu te sens ? Tu m'as fait peur!)

(Si ça peut te rassurer, j'ai probablement eu plus peur que toi. Enfin, heureusement que Derek était là.)

(Oui... Si j'avais su que tu croiserais le Purgateur...)

(Le quoi ? Tu le connais?)

(Le Purgateur. J'en ai seulement entendu parler. Un Maître Magicien qui voue sa vie à la destruction des morts-vivants, peu importe où ils se trouvent. J'avais des vues sur un mage qui lui vouait un vraie adoration... et puis je t'ai trouvé et j'ai complètement changé mes plans.)

Je restai muette, un peu perplexe. Un Maître Magicien ? Des pointures dans leur domaine d'après Alyah qui m'annonça en ricanant que j'avais déjà eu la chance d'en côtoyer une de très près pendant un certain temps. J'allais lui demander de qui elle parlait, mais la réponse me vint rapidement.

(Lichia... Elle n'a jamais mentionné cela !)

(Vu son caractère je pense qu'elle s'en fiche. Tu es une disciple d'une Maître Magicienne réputée dans tout Yuimen. Ça t'en bouches un coin, pas vrai?)

(Un peu... enfin c'est pas surprenant qu'elle en soit une cela dit.)

Derek réapparut sur ces entrefaites, signalant qu'il n'y avait rien de plus à cet étage. Il avait cependant trouvé une clé et je me demandai si ce n'était pas la clé de la porte fermée au rez-de-chaussée. Il acquiesça et la rangea précieusement avant d'examiner la salle où nous nous trouvions. Son casque le rendait impossible à déchiffrer, mais j'aurai juré qu'il s'était tendu un bref instant. Je me relevai et m'étirai avant de finalement le suivre jusqu'à l'escalier en colimaçon qui se trouvait au bout du couloir. Je jetai un rapide coup d’œil dans l'autre pièce qui était vide à l'exception de meubles, tables et fauteuils recouverts de draps. Nulle trace de l'étrange silhouette que nous avions croisée tout à l'heure.

L'escalier fait de bois grinçait à chacun de nos pas et je redoutai un peu qu'il ne s'effondre sous notre poids au vu du bois gémissant. Fort heureusement ce ne fut pas le cas et nous arrivâmes finalement au deuxième et dernier étage de ce manoir. Contrairement au reste du manoir, ici nul couloir ou porte, juste une immense pièce qui nous accueillit dans toute son horreur macabre. Sous la voûte composée d'arches croisées finement ouvragées se trouvait un autel. Ou du moins c'est l'impression que j'eus en voyant cette chose. Un carré d'un métal sombre, couvert de chaînes et de sang séché. Je vis Derek aussitôt se préparer, son corps se mettant à scintiller avant que ses fluides ne convergent en une grande lance de lumière.

- On n'a pas le temps pour des cours, mais concentre tes fluides pour augmenter ta magie et fait comme moi, gamine. Laisse-les prendre la forme qui te convient le mieux et créé-toi une arme en les concentrant autour de ta main.

Un rire féminin résonna dans la vaste pièce et une vague sombre nous percuta. Comme animée de sa propre volonté, ma cape m'entoura, empêchant les ténèbres de m'atteindre directement. Je fermai les yeux malgré tout avant de les rouvrir en ne sentant nulle douleur, soulagée. Un vrai bijou cette cape. Derek ne sembla pas plus affecté que cela non plus et tourna rapidement la tête vers moi, comme pour s'assurer que j'allais bien, avant d'avancer, pas à pas. Je l'avais vu utiliser ses sorts plusieurs fois, mais le faire à mon tour...

- Grouille-toi, gamine! 

Il en avait de belles lui ! Je fis exactement ce qu'il me dit, concentrant mes fluides de lumière dans tout mon corps. Comme pour augmenter ma puissance physique, je les laissais atteindre mes muscles, puis rebroussai chemin pour la concentrer différemment, au cœur de mes réserves magiques. Je sentis un picotement prendre place dans tout mon corps et aperçus un léger scintillement au niveau de ma peau. Sans perdre une seconde, je visualisai une arme et concentrai mes fluides saturés dans ma main. Ils jaillirent tout d'abord sans grande cohérence avant de se façonner. Une masse de lumière se forgea dans ma main et je haussai un sourcil, pas vraiment certaine d'avoir fait le bon choix.

Un rire, à la fois cristallin et macabre, s'éleva en retour. Je relevai la tête, braquant mon regard sur ce qui ressemblait à un trône au fond de la salle. Sur celui-ci, la silhouette blanche que nous avions aperçue peu avant attendait, assise. Elle tenait un orbe d'où semblaient s'échapper de sombres volutes. Un frisson me parcourut l'échine, mais ce n'était pas à cause d'elle. A mes côtés, Derek semblait soudainement menaçant. Je m'attardai un instant sur lui et faillis tourner de l’œil en percevant la colossale puissance magique qui émanait à présent de lui. Il se retenait tout ce temps ?

Face à nous, une sombre magie rampa sur le sol et sembla appeler à elle des dizaines de squelettes tandis qu'une autre silhouette émergeait derrière le trône, portant une grand cape et un sceptre. Mais ce fut le hurlement aiguë d'une créature blanchâtre couverte de sang qui retint mon attention. Elle tirait sur des chaînes solidement ancrée dans le mur, nous fixant d'un regard fou et envieux, ses longues dents claquant avec appétit. On aurait dit une goule, mais plus massive. Ses long doigts crochus fendaient l'air. Et soudainement, les chaînes la laissèrent libre. Elle tomba au sol avant de se redresser. Une fraction de seconde plus tard, elle nous fonçait dessus, gueule ouverte.
***
Apprentissage automatique des sorts "Exaltation rayonnante" et "Arme Magique" pour 2x500 = 1000 yus

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Re: Le Manoir des Brumes

Message par Yliria » mer. 8 avr. 2020 20:29

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Et dire que je pensais que ce truc était une goule. J'avais déjà combattu des goules, dans les profondeurs de Sanssitr et même si leur apparence était quelque peu semblable, la créature qui me fonçait dessus n'avait en réalité que peu en commun avec les cadavres faméliques, mais rapides, qu'étaient les goules. Et j'étais persuadée qu'elle me visait moi, et non pas Derek. J'eus raison lorsque je me décalai sur la gauche, parce qu'elle me suivit aussitôt alors que Derek fonçait en avant, au cœur de la nuée de squelettes. Je le vis seulement lancer un cataclysme magique sur les sac d'os avant que l'assaut de la créature ne m'accapare complètement.

Elle était rapide, vraiment rapide. Ses griffes fendaient l'air et j'avais juste le temps de reculer ou mettre mon bouclier devant pour éviter de finir balafrée. Elle ne semblait pas vouloir s'arrêter ou ralentir, enchaînant les assauts avec une férocité que je n'avais jamais expérimentée jusque là. Je finis par cogner le mur derrière moi et me laissai tomber au sol pour éviter un de ses coups qui laissa de profondes balafres dans le mur derrière moi. Ma masse de lumière frappa son flanc et elle rugit en reculant d'un bond, raclant vivement le sol de ses griffes avant de hurler comme une démente. Il y avait quelque chose d'horrible dans son cri, de la douleur mélangée à du désespoir et de la haine, accompagné de borborygmes à la fois graves et aiguës à me dresser les cheveux sur la tête. Cette créature n'était que haine et violence, ressentiment et désespoir, et elle avait tout dirigé contre moi.

Je me redressai alors qu'elle revenait à l'attaque. Je m'écartai du mur et lui encastrai la tranche de mon bouclier sur le côté du crâne alors que ses griffes entaillaient profondément le côté de ma tête, taillant en pièce ma protection. Je reculai en gémissant de douleur, sentant le sang couler et la douleur me vriller les tympans. La vue ou l'odeur du sang sembla l'exciter davantage et elle hurla à nouveau. J'appliquai rapidement un Souffle de soin, faisant se calmer la douleur, mais je sentais encore le sang battre contre ma tempe. De l'autre côté de la salle, des flashs de lumière d'une rare violence se heurtaient à des vagues sombres tout aussi brutales. Le combat faisait rage et j'étais coincée avec ce truc...

Évitant un nouvel assaut en tournoyant sur le côté, je frappai son dos de ma masse de lumière. Elle rugit et ma masse disparue, me laissant désarmée. Je jurai et reculai en sortant ma rapière, perdant un temps précieux que cette saleté mit à profit. Elle me chargea, me percuta violemment en m’entraînant au sol. Je lâchai mon arme à l'impact, mais évitai un coup qui m'aurait percé le crâne si j'avais eu moins de réflexes. Sans penser davantage, je chargeai mes fluides et m'enflammai, la faisant hésiter juste assez pour que je lui assène un violent coup de bouclier dans la mâchoire, lui brisant quelques dents. Elle rugit et se rua sur moi, tentant de me mordre la gorge. Elle ne fit que rencontrer mon bouclier, mon aura lui brûlant toujours la peau sans qu'elle n'ait l'air d'en avoir quelque chose à faire.

De ma main libre, je tâtonnais en cherchant ma rapière. Au moment où elle écarta mon bras protecteur avec violence, je refermai ma main sur la poignée et lui enfonçai violemment dans le crâne, d'une oreille à l'autre, la retirant tout aussi violemment. Elle se relâcha et tomba à la renverse, permettant de me dégager en roulant sur le côté, reprenant mon souffle, prostrée à quatre pattes, du sang gouttant toujours de ma plaie sur le côté de mon crâne. Je repris ma respiration et me redressai pour hurler de douleur lorsque les mâchoires de la créature se refermèrent sur ma clavicule. Elle me plaqua au sol. La douleur était atroce, le peur l'était tout autant et je me débattais de toutes mes forces sans parvenir à la faire lâcher prise.

De ma main bloquée sous son corps, je fis jaillir une boule de feu qui la fit hurler et cesser de me dévorer l'épaule. Je recommençai, encore, et encore, même lorsqu'elle recula, la peau noircie. Je me retournai en reculant avant de charger mes fluides, Alyah me hurlant d'arrêter. Une énorme sphère de flamme se forma au-dessus de moi avant de filer vers le plafond. J'avais paniqué, j'avais complètement paniqué et me rendis compte de mon erreur quand il était trop tard. Je dressai un bouclier magique, trop faible pour être vraiment efficace, et la sphère s'écrasa dans un bruit de fin du monde sur la créature. Une explosion sonore et brûlante eut lieu, couvrant son cri et le mien. Il ne restait plus grand chose du cadavre calciné qui resta là, s'écroulant enfin.

Gémissant de douleur sur le sol, je tâtonnai pour trouver mes gourdes. J'en ouvris une pour me soigner et versai le liquide directement sur la plaie. La sensation fut ignoble, mais la douleur reflua peu à peu. Je dus m'y reprendre à deux fois et boire à nouveau une potion de mana, mais ma magie de lumière termina de soigner la morsure hideuse, ne laissant qu'une cicatrice parmi les autres. Je restai là, allongée, la tête me tournant horriblement à cause de la perte de sang. J'en pouvais plus, mais les bruits du combat qui se déroulait à côté me firent relever la tête.

Il ne restait plus aucun squelette. A vrai dire il ne restait plus grand chose. Seule la femme en blanc était encore debout face à Derek. Elle ne riait plus et de sombres volutes tournoyaient autour d'elle, la drapant comme un manteau d'obscurité. L'apparition gisait au sol, juste devant Derek, et lui semblait rayonner, au sens propre. Bien qu'il soit vêtue de sombres vêtements, il irradiait de lumière dans un contraste saisissant. Il pulsait de magie, à tel point que je me demandais comment on pouvait arriver à une telle puissance.

- Mon maître te tuera, Impie ! Et je vivrai éternellement !

Les sombres volutes convergèrent vers Derek qui se contenta de les ignorer et d'avancer vers la femme en tirant sa lame. Il la transperça sans hésiter avant de lui trancher la tête alors qu'elle criait encore de douleur. Elle chuta au sol, lâchant son orbe qui roula et cessa d'émettre ses pulsations obscures. Seul le silence resta pendant quelques instants. Un silence assourdissant après le combat qui venait d'avoir lieu. C'était fini ?

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Yliria
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Re: Le Manoir des Brumes

Message par Yliria » jeu. 9 avr. 2020 13:24

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- Une idée de qui c'était et de qui elle parlait ?

- Aucune importance.

Je fis la moue avant de grimacer en bougeant mon épaule. Elle était guérie, mais j'avais encore une étrange sensation de gêne, probablement le temps que les muscles reprennent leurs habitudes. Après la mort de la nécromancienne, ou du moins ce que j'imaginais en être une, j'avais fouillé la pièce de fond en comble dans l'espoir de trouver ce que j'étais venue chercher. Et, joie, je l'avais trouvé ! Un sac, visiblement celui du voleur au vu du sang qui le maculait, était posé dans un coin et le vêtement en question s'y trouvait toujours. Visiblement la propriétaire des lieux n'avait pas jugé l'objet intéressant ou utile. Je l'examinai en détail, mais ne perçus aucun pouvoir, aucune rune et le matériau qui le composait, bien que léger et souple, n'avait rien de particulier. Cela me laissa perplexe, tout comme Alyah. Mais, après tout, mon rôle consistait à le retrouver et le ramener, rien de plus.

Le reste de la salle ne présentait aucune réel intérêt pour moi, mais Derek sembla étudier la stèle de métal sombre qui se trouvait en son centre et je l'entendis maugréer à propos d'un sacrifice tandis que je roulai le vêtement en boule pour le garder sous le bras, le temps de retourner à mon sac. Je m'approchai néanmoins de la chose qu'avait semblé invoquer la nécromancienne. Il ne restait plus grand chose à part un cadavre desséché, bouche ouverte et orbites creuses. Il y avait un sceptre avec une gemme à ses côtés et sa robe de mage d'une couleur verte sombre semblait appropriée pour une telle entité. Résolue, je fouillai rapidement en bloquant ma respiration, dégotant un étonnant carnet sur la nécromancienne décapitée. En l'ouvrant, je grimaçai aussitôt. Du Shaakt.

- Tu as trouvé quelque chose ?

Je sursautai en entendant la voix de Derek derrière moi. Je ne l'avais pas entendu approcher, toute concentrée que j'étais sur le carnet. Je le lui tendis et il le feuilleta rapidement avant de me le tendre à nouveau.

- Tu sais lire ça ?

- Oui, un instant, cela fait un moment...

Cela ressemblait à un genre de journal recensant des expérimentations censées apporter une aide au « Maître ». Les descriptions étaient... trop détaillées, et visiblement les choses duraient depuis un moment. Ce lieu abandonné servait de lieu d'étude à l'amélioration de la magie nécromante et à ses applications, notamment les rites oubliées et l'idée de créer des morts-vivants capable de réfléchir et agir comme des êtres vivants tout en étant parfaitement docile et asservis. L'idée me fit froid dans le dos et plus je lisais cette horreur, plus j'avais envie d'y mettre le feu, à lui et à ce satané manoir. Je faillis m'interrompre face à la description bien trop développée de la décomposition progressive d'un sujet nommé « 142 », mais je terminai malgré tout, l'estomac retourné.

Derek resta parfaitement stoïque et silencieux pendant toute la lecture. Pas un muscle ne bougea et comme il gardait son casque intégral, impossible de dire s'il avait la moindre expression face à tout cela. En refermant le carnet, j'inspirai lentement, essayant sans grand succès de chasser les images que les textes et les annotations avaient gravées dans mon esprit. Une chance qu'il n'y ait pas eu de croquis, j'avais assez vu ces choses pour le restant de ma vie. Il y eut un instant de flottement avant que Derek ne se décide finalement à sortir de cette pièce. Je le suivis, mon regard fouillant une dernière fois l'endroit pour être sûre que rien ne se relevait. Comment être sûr que tout était définitivement mort ? Rien ne disait qu'il n'y avait que cette femme qui utilisait la nécromancie.

- Brûle-le.

Je posai mon regard sur Derek qui fixait à nouveau le carnet que j'avais toujours en main. Je hochai la tête et y mit le feu après l'avoir lâché sur le sol. Il se consuma en toute hâte. Je soupirai de soulagement en le voyant se consumer. Quelque part, je me disais que ces recherches n'aboutiraient jamais, mais j'avais la sensation que ce n'était pas le seul endroit sur Yuimen où ces expérimentations se déroulaient. Qui que puisse être ce « Maître », probablement que lui aussi menait de terribles expériences et manipulait d'horribles sorts pour améliorer les morts-vivants. Même si ça avait été par hasard et que Derek s'en serait sorti sans mon aide, j'étais quand même contente d'avoir mis un terme à ce qui se passait ici. Au moins pour le moment.

En quittant la pièce, la lumière rosée du lever de soleil perça à travers les fenêtres poussiéreuses et les rideaux en lambeaux. La nuit était enfin finie... mais il restait encore une pièce à voir et je comptais bien m'y intéresser également. Pas question qu'une quelconque horreur enfouie sorte et fasse un carnage en ville, maintenant que celle qui était à l'origine de sa création était morte pour de bon. Je suivis Derek jusqu'au rez-de-chaussée, repassant, en bloquant ma respiration, au travers de la masse inerte des trépassés qui jonchaient toujours le sol. Cette nuit resterait assurément dans ma mémoire et j'étais juste rassurée de voir les rayons du soleil percer enfin la toile sombre du ciel. En passant dans le hall, je récupérai mon sac, y rangeai le vêtement à l'origine de ma présence ici et suivis Derek qui se retourna dans le couloir.

- N'as-tu pas trouvé ce qu'il te fallait ?

- Si, mais je ne vais pas laisser un travail inachevé. Je vous accompagne.

Il n'ajouta rien de plus, se contentant de prendre la direction de la porte close, tirant la clé de sa ceinture. Je devais être à moitié folle pour continuer...

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Yliria
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Re: Le Manoir des Brumes

Message par Yliria » dim. 12 avr. 2020 17:59

<< Précédemment

C'était un sentiment étrange. Un mélange entre l'excitation et l'angoisse, la peur et l'envie de découvrir ce que cette porte cachait, ce que la pièce derrière pouvait renfermer. La clé tourna dans la serrure et ouvrit la porte sur ce que j'appellerais une vraie déception. Ce n'était qu'une salle de stockage. Faisant la moue, j'entrai à la suite de Derek, marchant sur le tapis poussiéreux qui protégeait le sol. Des meubles de stockage, tous vides ou accueillant quelques araignées. Je fouillai rapidement, sans grand enthousiasme, et ne dénichai effectivement rien, ne retenant pas un soupir de déception. Alyah restait pensive et Derek quittait la salle lorsque j'eus un doute en regardant le sol. Ce n'était qu'une simple salle de stockage... alors pourquoi y mettre un tapis ?

Le tapis était lourd et tellement recouvert de poussière que le soulever fit voler un nuage autour de moi, me faisant tousser en attirant l'attention de Derek alors qu'il sortait. Il me fixa à travers les fentes de son casque tandis que j'essayai de tirer le tapis sur le côté. C'était plus lourd que je n'aurai cru, mais je finis par le pousser suffisamment sur le côté pour voir ce qu'il y avait dessous. Des dalles, rien de plus. Je m'attendais à une trappe, mais rien de tout cela. Je m'accroupis néanmoins, fouillant le sol des yeux, posant finalement le doigt sur quelque chose. Un minuscule interstice courait le long d'une des dalles, faisant le tour de celle-ci. Je ne voyais pourtant rien pour la soulever.

- Il doit bien y avoir un moyen de soulever cette dalle...

Impossible d'y mettre un doigt. Je cherchai un quelconque résidu magique, mais rien de concluant là non plus. A moins d'avoir un levier assez fin et résistant, je ne voyais pas comment déplacer cette grosse dalle. J'avais déjà fouillé la pièce, mais je jetai de nouveau un coup d’œil aux alentours, dans l'espoir d'apercevoir un quelconque indice. Si seulement j'avais un moyen de faire disparaître cette dalle... j'étais persuadée qu'on pouvait l'ouvrir...

- Écarte-toi.

Je m'exécutai et la dalle, après un lourd bruit provenant d'en dessous, bascula, révélant un boyau étroit avec une échelle descendant dans ce qui semblait être un sous-sol. Je ne pus m'empêcher de sourire triomphalement en découvrant cette cache.

- Comment vous avez...

Il pointa du doigt un bougeoir fixé au mur. Il était penché, comme s'il avait tiré dessus. Je hochai la tête et me hâtai de mettre les pieds sur l'échelle pour la descendre. Le boyau était relativement étroit. Pas un problème pour moi et ma corpulence fine, cela dit.

(Ouais, une crevette quoi.)

(Je vais grandir!)

(Ce n'est pas le mot que j'aurai employé...)

Je maugréai contre l'impertinente qui me servait de faera et d'amie et continuai de descendre jusqu'à atteindre le sol. Le lieu ressemblait à une cave aménagée, mais sans la moindre trace d'humidité et avec un plafond étonnamment haut. J'allumai un brasero placé là et observai les alentours en laissant Derek descendre à son tour, l'entendant se cogner contre les parois du boyau menant au sous-sol. La salle dans laquelle je venais de descendre était large, spacieuse et remplie de meubles. Des étagères emplie de fioles et bocaux, des croquis accrochés aux murs, des rouleaux de parchemins entassés çà et là, dans une désordre relatif. Je ne m'attardai guère sur les contenus et dessins, tous étaient liés à l'intérieur des corps d'êtres vivants et je n'avais pas envie d'en voir plus que cela.

A la place je fouillais les placards, tombant sur d'autres fioles contenant des liquides aux couleurs ou vapeurs étranges que je ne me risquai pas à ouvrir pour en vérifier le contenu. Je tombai sur une fiole de poudre sombre que Derek s'empressa de récupérer, parlant de poudre d'olath et je continuai à fouiller, trouvant çà et là des croquis qui me faisaient froid dans le dos. Derek commença à en rassembler une grande partie dans un coin, sans doute pour les faire disparaître par les flammes, tandis que je jetai un œil sur le grand bureau situé au fond de la pièce. Allumant la lanterne qui y étais posée, je fouillai du regard le bois terni par le temps. Un œil me fixa, me faisant sursauter avant de soupirer. Un simple bocal... ce lieu était vraiment immonde. Je me hâtai de fouiller, avant d'entendre un bruit sur le sol. Curieuse, je me baissai et ramassai une pierre. D'un noir profond, l'octaèdre que je pris dans la main était glacial et semblait absorber la lumière faiblarde de la lanterne posée non loin. Je le fourrai dans mon sac en me relevant, fouillant le reste sans trouver grand chose d'intéressant.

- Fini ?

Je hochai la tête et remontai à la suite de Derek, un peu déçue de n'avoir rien trouvé de probant. Pas fâchée de sortir de cet endroit, cependant, je me sentais plus légère, bien que fourbue par les combats et la fatigue. Une fois remontée, je m'étirai et emboîtai le pas de Derek en imaginant déjà le bonheur de sortir d'ici pour retourner sous le soleil. Puis Derek s'arrêta et me fis signe de ne pas faire de bruit. Je fronçai les sourcils et tendis l'oreille. Des vois me parvinrent et je me mis aussitôt en position, la main sur ma rapière. Derek avait fait de même et nous progressâmes en silence dans le couloir jusqu'au hall. La porte était fermée et les voix nous parvenaient sans que nous n'en comprenions le sens. Il y en avait plusieurs et cela ne m'enchantait guère.

Des bruits de pas se mirent alors à se diriger vers nous et je fus tenter de passer par la fenêtre de la pièce adjacente pour nous enfuir, mais Derek n'avait visiblement pas cette intention. Rien ne disait que c'étaient des morts-vivants ou des nécromanciens ou que savais-je encore, mais j'imaginais que, dans le doute, il préférait vérifier pour ne rien laisser. Il ouvrit brutalement la porte et un cri de douleur se fit entendre, ainsi qu'un bruit de chute. Je m'élançai avec lui, tirant à demi ma lame avant de heurter son dos. Il s'était brusquement arrêté et son épée n'avait pas quitté son fourreau.

- Pas un geste! Qu'est-ce que vous fichez ici ?

Je me décalai pour apercevoir la scène. Au sol, se tenant le nez en grognant, un milicien de Tulorim. Et dans le hall, une demi-douzaine d'autres, tous armés et visiblement stupéfaits. Je rengainai aussitôt mon arme, ne voulant pas créer d'incident avec la milice en plus de ça. Je me demandai tout de même ce qu'ils faisaient là, à ce moment précis. C'était tout de même une sacrée coïncidence qu'ils débarquent maintenant. Je commençai à me méfier avant qu'un autre groupe n'entre finalement et qu'une voix, tout aussi stupéfaite que les visages de ses collègues, n'attire mon regard et ne me fasse lâcher un rictus entre le sourire et la gêne.

- Yliria ?!

- Oh... Bonjour Charles. Ça fait longtemps...

La première personne à avoir eu de la compassion et avoir essayé de m'aider après la mort de mon père avait été Charles. Il avait fait en sorte que j'aie de quoi manger et un toit sur ma tête avant que je ne m'embarque dans l'aventure avec Fylyarina et les autres. Je l'avais revu pendant l'incident avec la pègre, mais je ne m'attendais certainement pas à le recroiser dans une telle situation. Et lui non plus, visiblement. Il me regardait avec des yeux ébahis et ses collègues ne semblaient pas comprendre ce qui était en train de se passer. Derek ne disait rien et avait soigneusement mis ses mains loin de ses armes, probablement pour ne pas éveiller de soupçons. Enfin, avec Charles présent, je me disais que les risques étaient minimes, même si quelques regards n'avaient rien de très amicaux.

- Que fais-tu ici ?! Ça fait longtemps que tu es revenue en ville ?

- Oh.. euh.. quinze jours ? Et je... je fouillais l'endroit avec Derek ici présent.

L'intéressé se contenta de hocher la tête sans rien ajouter. Vraiment, il ne m'aidait pas là. Les miliciens eurent tous la même réaction, à savoir un froncement de sourcils accompagné d'un air étonné ou suspicieux.

- Tu fouillais ?

- Oui, on a dû massacrer pas mal de morts-vivants et leur créatrice... Enfin vous pouvez vérifier. Pourquoi vous êtes là ?

- Des habitants ont vu des flashs de lumière et ont fait tout un ramdam pour qu'on dépêche quelques gars, et nous voilà. J'imagine que la lumière c'était vous deux ?

Je hochai la tête. Je n'en étais pas certaine, mais c'était probable de toute façon. Les miliciens se déployèrent et commencèrent à fouiller en vitesse, comme s'ils étaient pressés de quitter l'endroit. La vue des trépassés gisant dans le hall ne les avait pas mis en joie, et le reste ne les rassura pas davantage, mais au moins leur tour des lieux fut rapide. Je restai avec Charles et Derek. Charles voulut en savoir plus sur mes raisons, mais je restai vague, parlant seulement d'un objet à récupérer. Il insista, mais finit par lâcher l'affaire lorsque je lui montrai le vêtement. Visiblement il pensait que je me fichais de lui, qui irait risquer sa vie pour cette frusque ? Une bonne poire comme moi, qui d'autre ?

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