La Crique

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Yuimen
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La Crique

Message par Yuimen » ven. 5 janv. 2018 11:07

La crique

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Endroit idéal pour aller méditer, propice pour les amoureux qui veulent passer un moment romantique à l'abri de la foule de la ville, voici la crique de Tulorim.

Située un peu plus loin après les quais, on y voit parfois un bateau amarré ou coulé sous les attaques des pilleurs.

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Syelsa
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Re: La Crique

Message par Syelsa » ven. 20 août 2021 20:30

Les dents de la mer


Visage face au vent, je profite enfin des vrais embruns offerts par l’océan, sans les odeurs qui émanent de la ville. Le petit bateau file vers l’est, droit vers les falaises qui bordent le littoral et où Halatir connaître un coin tranquille pour que je puisse aller chercher mes plantes. Il m’apprend que son père, l’auteur du dicton que je trouve inspiré, est lui a pêcheur. Une sorte de tradition familiale que je trouve sympathique, ce qui le fait réagir alors que je laisse ma main trainer dans l’eau sur laquelle nous glissons.

- Sympathique ? Non. C’est … autre chose. L’océan donne et prend, il est calme et déchaîné. Je pense que c’est son caractère qui attire les marins. Ça et son immensité, l’idée que, au-delà de l’horizon ou loin sous la coque… il y a encore quelque chose à découvrir. T’as jamais vu autre chose qu’Imiftil j’imagine ?

- Hmmmm... je crois comprendre, la forêt a quelque chose de similaire en elle, même si elle cache l'horizon et que les découvertes se situent tout autour de nous. Et non, jamais encore. Un jour, oui, car cela fait partie de mon initiation, mais le temps n'est pas encore venu... J'ai beaucoup appris grâce aux livres, donc je connais un peu le monde même sans avoir voyagé

- Sans blague ? Vous avez des bouquins dans la forêt ? J’pensais que c’était plus tradition orale chez vous.

Son rire me vexe un peu. Les miens ne sont pas des sauvages incultes !

- Mon peuple passe ses traditions oralement, oui, mais il y a bien longtemps que je n'ai pas arpenté les sentiers de ma forêt natale ou que j'ai vu un des miens. Mais la connaissance est à ce prix. Comment en savez-vous tant sur mon peuple ? Il n'est guère habituel d'en croiser si j'ai bien compris.

- Oh bah tu sais… Il se raconte des trucs. Parait que d’ordinaire vous vous baladez plutôt à poil aussi.

- A poil ... ? Demandé-je en fronçant les sourcils avant de comprendre. Oh, nu ? Pas exactement. Mais nous n'avons pas de honte à montrer notre peau. La pudeur est une notion bien plus ancrée chez vous.

- J’sais pas si c’est de la pudeur. Se balader la bite à l’air c’est pas ce qui a de plus pratique faut dire.

- Peut-être, mais vos habits sont loin d'être pratiques, surtout ceux de vos femmes. Sans parler de vos chausses.

Il semble parfaitement d’accord avec moi sur ce point et je remarque avec un sourir qu’il ne porte plus ses chausses qui sont posées à côté de ses pieds. Finalement, il dit que nous arrivons et je me redresse tandis qu’il manœuvre pour nous arrêter.

- Il est trop tôt pour que les amoureux viennent profiter du coucher de soleil alors on devrait être tranquille. Normalement y a pas trop de trucs dangereux non plus…

Il détache la voile pour la remonter, laissant le navire glisser de plus en plus lentement sur l’eau avant de jeter une ancre, puis me tend une corde que je prends..

- Tiens. Si tu as le moindre problème tu tires là-dessus. Je viendrais te chercher.

Il extirpe ensuite un vieux harpon de la cale et quand il perçoit mon regard un peu surpris, il rétorque.

- On est jamais trop prudent en mer.

Je hoche la tête et attache la corde à ma cheville droite, puis entreprends de me déshabiller. Je pose mon chapeau sur le pont puis fais passer ma robe par-dessus ma tête pour ensuite la poser à côté, avec mes gants. Je frissonne un instant en sentant le vent frais caresser ma peau nue, puis me reprends et récupère la serpe que j’ai achetée avant de me mettre près du bord, prête à sauter.

- Je ne devrais pas en avoir pour très longtemps.

Puis je plonge tête la première. Sous moi se dévoile le monde sous-marin, coloré, scintillant sous la lumière du jour. Des poissons s’éloignent en vitesse quand d’autres paressent juste sous la surface. Je bats des pieds pour descendre, repérant sans mal les plantes que je suis venue chercher et commence à en couper quelques-unes. L’eau rend la coupe difficile et je commence bien vite à manquer d’air. Me ramassant sur moi-même, je me propulse vers le haut et ressors en happant de l’air à grandes goulées en m’appuyant au bateau après avoir passé les quelques herbes par-dessus le bord du bateau. J’ai les poumons en feu et les yeux qui me piquent à cause du sel et je ne peux m’empêcher de dire à voix haute ce que je pense en reprenant mon souffle.

- C'est... plus difficile... que je ne le pensais

- Prends le temps de bien reprendre ton souffle, on n’est pas pressés. Tu risques de perdre la boule si tu montes et descends trop rapidement. Les marins appellent ça l’ivresse des profondeurs.

Je hoche la tête et suis son conseil, restant de longue minutes la tête hors de l’eau, collée au bateau, le temps de retrouver un souffle stable. Une fois sûre que tout va bien, je préviens Halatir et plonge à nouveau, récupérant les mêmes plantes en m’appliquant à ne pas attaquer les racines pour leur laisser la possibilité de croître à nouveau. Je n’ai pas besoin des racines, seulement de la plante en forme de tube. En me projetant pour remonter, mon pied s’écorche sur un rocher et je grimace en sentant la brûlure de l’entaille ajoutée au sel marin et fixe une petite seconde mon pied d’où s’échappe un petit filet de sang. Heureusement ce n’est que superficiel et sur le côté, non pas sur la plante des pieds, sinon j’aurais eu du mal à marcher après ça. Je remonte à la surface et recommence mon petit manège pour reprendre mon souffle.

- Encore un tour... et ça ira...

Il y a largement de quoi remplir nos réserves avec ce que je vais ramener. Les zostères ne servent que dans une seule décoction absolument immonde dont Isqua ne se sert presque jamais et qui aide seulement une certaine plante à supporter un parasite très rare. Autant dire que nous n’en avons pas besoin tous les jours. Je reprends mon souffle et savoure la fraîcheur de l’eau lorsque que quelque chose me frôle la jambe. Je ne réagis pas vraiment, il a beaucoup de poissons dans ces eaux, ce n’est pas étonnant que l’un me frôle. Mais la sensation recommence, plus longue cette fois, et me fait pousser un cri avant que je ne repère une silhouette bien trop grande pour être un poisson. Sans chercher à comprendre ce que c’est, je tire sur mes bras pour me hisser sur le bateau, mais quelque chose enserre ma jambe et tire violemment, m’entrainant sous l’eau. J’ai à peine le temps de prendre une goulée d’air avant de sombrer. Un long serpent à la gueule ornée de dents pointues s’est accroché à moi et m’entraîne vers le bas. Je cherche à remonter, mais il est plus fort que moi et m’entraîne, me mordant le mollet au passage, m’arrachant un cri qui laisse s’échapper une flopée de bulle d’air. Par chance, Halatir plonge, harpon en main et perce la peau de l’animal qui lâche prise en s’éloignant. Le manque d’air devient difficile et je cherche à remonter, finalement aidée par Halatir qui est bien plu à l’aise et qui parvient sans mal à me hisser à la surface, puis sur le bateau.

La douleur de ma jambe me force un pousser un gémissement quand je m’écroule sur le bateau. Halatir, lui, me rejoint et entreprend de me rassurer en me couvrant d’un linge pour que je me réchauffe. Je me rends compte que je tremble violemment, comme si mon corps craignait encore quelque chose. Le froid n’est pas si gênant que ça, après tout. Je soupire, ferme les yeux un instant pour les rouvrir aussitôt lorsque le bateau tangue un peu. J’ai à peine le temps d’être surprise que la gueule du serpent sorti de l’eau attrape le bras du pêcheur et le fait basculer par-dessus bord. Je me lance à sa poursuite et plonge à nouveau pour attaquer le serpent avec la faucille que j’ai gardé. Entaillé, il rue furieusement et sa queue me percute le torse, son épine traçant un sillon douloureux sur mes côtes tout en vidant l’air de mes poumons. Je manque d’air. Dois remonter. Vite. Dans un dernier geste, je relire la corde que j’avais à la cheville et la donne à Halatir pour qu’il s’y accroche.

Je remonte en vitesse, toussant et crachant de l’eau, mais me hisse à bord du bateau pour aussitôt voir que la corde se tend. Sans réfléchir, je prends le linge qui était destiné à me sécher et l’enroule autour de mes mains avant de prendre la corde et de tirer aussi fort que je le peux. Malgré le linge, je sens ma peau chauffer sous le mouvement de la corde, mais je continue de tirer jusqu’à ce qu’enfin je hisse peu à peu le poids vers le bateau. Je tire une dernière fois et me retrouve nez à nez avec la tête du serpent qui pend lamentablement, la gorge étrangement arrachée. Surprise, je crie et lâche la corde en glissant. Où est Halatir ? Sans attendre, je saute à l’eau pour rencontrer aussitôt son visage étonné. Soulagée, je hoche la tête lorsqu'il me pointe le bateau et remonte avec lui, l’aidant à se hisser sur le bateau à cause de son bras blessé. Sans perdre de temps, je l’aide à s’allonger et farfouille vite dans ma sacoche.

- Enlevez vos affaires, il faut vite traiter vos blessures, et séchez vous aussi.

Sortant un bol et un pilon de ma sacoche, je malaxe les herbes en y ajoutant un peu d’eau et une baie pour épaissir et former une pâte d’un vert sombre à l’odeur forte. Puis je déchire un linge blanc en longues bandes avant d’approcher Halatir et de luiappliquer la pâte sur ses plaies avant de bander le tout à l'aide du linge que j’ai déchiré, en serrant assez fort pour que cela tienne. Je lui tends ensuite une outre d’eau, il doit s’hydrater.

- Buvez de l'eau claire, sinon vous allez vous dessécher. Avez-vous mal ailleurs qu'au bras ?

- Non, non… Ça va ! Ça va !

- Je suis sincèrement désolée que vous ayez été blessé par ma faute.

- C’est bon. C’est rien… Ce sera sans doute pas la dernière. T’as eu du bol. Rien de grave de ton côté ? T’as assez de plantes c’est bon ?

Il a remonté son pantalon pour me montrer une autre blessure et je commence à la traiter tandis qu’il pousse la carcasse du serpent dans l’eau après en avoir détaché la corde.

- J'ai ce qu'il faut. Et même si je n'en avais pas assez, je n'y retournerais pas en vous laissant dans cet état.

Comme pour la première blessure, j’étale la pâte verte sur les plaies et les bande avec un linge propre avant de lui donner quelques conseils en vérifiant qu’il n’a pas de fièvre et que son cœur bat à un rythme normal. Je suis soulagée que tout semble être en ordre en dehors de ses blessures.

- Cela va probablement laisser une cicatrice, mais ça ne va pas s'infecter grâce au sel et au baume que j'ai appliqué et la douleur devrait diminuer d'ici une quinzaine de minute. Cela ne veut pas dire que c'est guéri, alors ménagez-vous pendant au moins une semaine. Deux seraient même préférables.

Il m’assure que ça ira et me remercie tandis que je m’occupe de ma propre blessure. Les marques sont nettes et je les nettoie rapidement avant d’appliquer le baume et de bander le tout comme je l’ai fait pour lui. Je me sens déjà rassurée avant d’entendre son ton gêné.

- Est-ce que tu peux te rhabiller maintenant ?

Je le fixe un instant et baisse les yeux sur mon corps entièrement nu, ne retenant pas un léger rire.

- Ah oui, pardon, j'avais oublié. Navrée si je vous ai gêné. J'ai croisé peu de représentant du sexe opposé ces soixante dernières années

Je m’habille en disant cela et il marmonne que ce n’est pas grave, même si je vois bien air gêné jusqu’à ce que ma robe et mon chapeau aient repris leurs places. Je vérifie que ses bandages tiennent et affirme que nous pouvons partir lorsqu’il me le demande. J’insiste même pour l’aider, il doit ménager son corps après avoir été blesser de la sorte. Bien sûr il grogne, mais accepte et m’explique comment hisser la voile. Une fois le bateau en train de glisser sur l’eau je m’installe pour allonger mes jambes et lui reste près de la barre pour le diriger si besoin.

- Vous avez un endroit sûr et sain où dormir ce soir ?

- Tu veux savoir pour moi ou pour toi ?

- Pour vous, vous devez vous reposer. Je n'ai pas besoin de dormir comme vous, vous savez.

- Ça ira pour moi. Arrête de t’inquiéter. Et non je l’ignorais.

- C'est un peu ma faute si vous êtes dans cet état.

- Ça c’est certain. C’est pas de moi même que j’aurais l’idée de plonger pour un peu de persil.

- Si le persil pouvait empêcher une plaie de mort vivant de s'infecter, vous auriez peut-être plongé

- Beaucoup de morts vivants dans la forêt ?

- Depuis quelques temps oui... Je ne sais pas pourquoi mais quelque chose les a réveillés, non loin. La terre est corrompue, malade et ils arpentent les terres alentours. Je préfère ne pas prendre de risque.

Il me parle alors de la légende du chariot des trépassés, qui serait établi à l’Ouest d’ici. J’en ai entendu parler dans les contes qu’Isqua me racontait et qu'il fasse le lien ne me surprend guère, je l'ai fait, moi aussi. Je ne suis pas surprise non plus que les gens d’ici connaissent son existence, c’est une création abominable qui sévit sur ces terres depuis des temps lointains. L’idée qu’il soit responsable de ce qui arrive à notre Bois…

- J'espère qu'il n'est pas responsable, sinon ma forêt ne connaîtra plus jamais de printemps fleuri...

Et je donnerai n’importe quoi pour empêcher cela, n’importe quoi.

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