Après la fin de notre briefing avec le général thorkin, celui-ci nous proposa de prendre un peu de repos, le temps pour eux de recharger nos vivres car nous avions encore deux à trois jours de route devant nous. D’un geste de la main il nous invita à quitter sa tente avant que le blond ne nous précise qu’il nous accompagnerait jusqu’à l’entrée du souterrain et qu’il participerait à l’attaque de distraction.
Il nous fit un signe à Faëlis et moi afin de nous séparer du reste du groupe pour discuter un peu plus et confirmer ce que j’avais facilement deviné dans ses propos. Faëlis fut donc le premier à ouvrir les hostilités.
- « Hors donc, vous souhaitiez nous parler loin de l'oreille du général ? Comptez-vous nous dire comment vous avez appris l'existence de ce passage ? »
Je profitai de la question de l'hinïon pour enchaîner avec une première question.
- « N'auriez-vous pas fait parti du groupe qui, à une certaine époque, occupait les lieux ? »
Puis repensant à ce passage secret dont il avait dit que j'étais la seule à connaître l'entrée, j'avais bien des doutes le concernant. Ce dont je voulus m'enquérir rapidement histoire de les dissiper.
- « Vous avez également attiré tous les regards vers moi en disant que j'étais celle qui pourrait nous mener à ce passage secret, le seul dont j'ai connaissance se trouve dans la montagne permettant d'arriver dans la vallée entourant le palais. Serait-ce une méprise de votre part ? »
Le beau-gosse se tourna d'abord vers Faëlis avec un sourire.
- « Je l'ai appris sur un plan du palais qui le mentionnait. »
Puis vers moi.
- « Vous devez avoir la mémoire courte. Ou moi. Vous ne connaissez donc pas le passage ? Mais oui, j'ai habité entre ces murs. Plus ou moins. »
Faëlis soupira.
- « Si j'aurais, sur le principe, grand plaisir à voir mes arrières surveillées par un regard digne du pinceau d'un artiste, vous comprenez bien qu'en la matière et avec nos vies en jeu, nous ne pouvons guère accepter les doutes inutiles. Auriez-vous l'amabilité de vous expliquer ? Si vous avez connu ces lieux, vous devriez savoir qu'il y a des raisons de craindre certains des gens qui y ont séjourné... »
Le blondinet secoua la tête calmement.
- « Et j'aurais grand plaisir à surveiller les arrières dignes d'un sculpteur de marbre blanc. Vous savez bien que vous ne risquez rien de la part de ceux qui ont vécu là. Leur esprit n'était pas leur." Il octroya un clin d’œil à l'elfe blanc. »
Écoutant les paroles dégoulinantes d'amour de deux mâles, je finis par répondre à l'humain.
- « Comment pouvons-nous faire alors pour trouver le tunnel que nous devons prendre, si ce n'est pas celui que je connais ? »
Il opine du chef.
- « J'étais persuadé que vous pourriez le faire. Vous faites bien de me dire que ce n'est pas le cas : je vous y mènerai. »
- Voilà qui est mieux ! Une fois sur place, j'ai les moyens de visualiser les lieux correctement. Et vous, vous pensez réussir à vous éclipser sans peine ?
- Je n'en ai aucun doute : je dois rejoindre la formation de Robert de Pérussac pour couvrir leur fuite. Qui sait, peut-être y resterai-je... »
Il envoie alors à Faëlis un sourire énigmatique. L'elfe fronça les sourcils.
- « Toute vie doit être protégée... Mais je compte sur vous pour subsister. Nous allons réussir... et vous, comme Perrussac et comme nous, serons des héros. Ces mots vous paraîtront étrange... ou peut-être pas, puisque vous connaissez certaines personnes qui ont vécu ici : une promesse de votre part en ce sens raviverait le moral de l'esthète que je suis, car un monde sans le plaisir d'admirer ce qu'il contient de beau et de noble ne vaut pas le coup d'être défendu.
- Je n'ai aucun doute que vous réussirez. Vous êtes plus que capables. Et je ferai tout mon possible pour sortir Pérussac et ses hommes vivants de cet assaut. Je vous le promets. »
Il s'approche alors de Faëlis et posa doucement sa main sur joue. La suite de leur échange semblait presque du domaine du privé mais les gestes et paroles qui furent échangés par la suite ne me concernait pas, ne concernait pas notre mission. Si Faëlis trouvait un peu de réconfort en papillonnant avec ce bel homme, qu’il en profite, cela n’allait pas arriver de ci-tôt. Finalement, l’hinïon recula et remarqua que je les fixais intensément.
- « Euh... veuillez m'excuser, vous aviez peut-être d'autres questions à poser avant que je n'accapare la discussion ? »
Je regardai la scène qui se déroulait devant moi quelque peu médusée par l'audace dont venait de faire preuve Faëlis. Si cet acte permettait à notre Sans-nom de rester en vie comme l'hinïon le souhaitait, pourquoi pas, on ne choisissait pas la personne vers laquelle notre désir allait.
- « Donc vous serez notre guide et vous garantirez notre sécurité, il vous faudra être d'autant plus vigilant pour retrouver les troupes de Perussac. Si nous ne devons pas mourir, votre tâche est de retourner à Kendra Kâr en un seul morceau pour que Faëlis puisse de nouveau vous faire les yeux doux et que nous puissions croiser le fer ensemble. »
Puis attrapant l'humain par le col, je l'approchai de moi pour que les paroles que j'allais prononcer s'ancrent bien dans sa tête.
- « Hors de question pour moi de supporter un hinïon larmoyant si nous apprenons que vous vous êtes fait raccourcir, me suis-je bien faite comprendre ? »
Il se débarrassa sèchement de l'étreinte, s'écartant de moi.
- « Vous prendrez bien plus de risques que moi, en pénétrant ce palais. Croyez-moi. N'ayez crainte de ma mort : elle n'arrivera pas de sitôt. »
Nous étions arrivés à un point d’accord, parfait. Je pris congés de ces messieurs et partis à la recherche du reste du groupe ne sachant pas si Faëlis voulait encore discuter avec l’humain. Regardant à droite et à gauche, mes yeux tombèrent rapidement sur les traces qu’avaient laissé un convoi composé d’une charrette et de plusieurs montures. Suivant les marques au sol, je tombai rapidement sur Xël qui s’affairait autour de notre matériel, des nains étaient d’ailleurs en train de ravitailler notre charrette.
Avisant un feu de camp et un fût de bière qu’un nain proposait au service, je fis un petit signe de la main à Xël pour signaler ma présence. Avec un sourire sur le visage, je lui indiquai de la tête le nain qui était de service afin d’en profiter pour nous détendre avant de reprendre la route. Nous avions un peu de temps devant nous, autant l’utiliser intelligemment. Arrivant à la hauteur du nain qui faisait office de tenancier, je lui demandai de nous servir deux verres et l’informai que deux amis allaient suivre dans peu de temps.
Je pris ensuite place sur un rondin de bois qui se trouvait autour du feu, m’assit dessus, allongeant mes jambes et me mis à siroter tranquillement une bonne bière bien fraîche comme les nains aimaient la déguster. Nous ne parlâmes pas, chacun perdu dans ses pensées, et à vrai dire, les miennes étaient bien étranges : entre la scène du balcon entre Faëlis et Sans-Nom et l’attitude hautaine du général nain envers moi, j’étais dans de beaux draps. Je n’avais qu’une envie reprendre la route rapidement et espérer que les nains qui nous accompagneront n’auront pas la même attitude que leur chef.
Le temps passa, l’ambiance se tendait, je pouvais le sentir, j’avais suffisamment pris la route pour partir en mission, vu suffisamment de campement en ébullition avant le départ. Mais contrairement à ce que je m’attendais de voir, ce n’était pas de courtes jambes qui s’affairaient autour de notre charrette mais bien des humains. Nous allions être escortés par une troupe d’humains fort bien armés, tous équipés de montures si je me fiai à ce que je voyais et entendait.
Terminant ma bière, je rendis ma chopine au nain qui m’avait servi en le remerciant et rejoignis ma propre monture. Je vérifiai les rennes, le chargement des sacoches, resserrai le tout pour que le cheval et moi passions un voyage des plus agréables et me mis en selle. Notre troupe d’une trentaine de soldats plus mes trois compagnons et Sans-Nom se mit alors en route en direction du Nord. Ce début de route se passa dans le calme et la discipline, comme je l’appréciai.
Lors du premier campement, je revins sur l’idée que j’avais évoqué durant notre réunion dans la tente du général nain. J’attendis que mes trois compagnons de mission soient près de moi pour leur en faire part.
- « Malgré la réunion qui ne s’est pas forcément très bien passé pour moi avec le général nain, je pense toujours qu’utiliser la magie pour couvrir l’arrivée de la Troupe menée par le comte de Perussac est une bonne idée. Comme nous allons nous séparer, attirer l’attention vers eux plutôt que vers nous, nous serons en terrain découvert, est une bonne solution. Nous disposons de quatre éléments différents dans notre arsenal magique, je pense tout de même que la foudre sera la plus utile, rien ne vaut l’effet de surprise d’un bon orage. Qu’en dites-vous ? »
Cherock approuva et se proposa d’enchanter une partie de notre équipement avec son sort de transfert magique afin de disposer gratuitement d’un sort pour le lancer au moment opportun. Un sort de foudre semblait le plus intéressant pour moi car j’en maîtrisai les rudiments. Afin d’éviter les interactions avec les protections magiques dont j’avais doté mes protections, je lui proposai de transférer dans un premier temps mon épée.
Après notre discussion, Faëlis se proposa d'alléger un peu l'ambiance avec ses pouvoirs de lumières en créant des manifestations lumineuses de faibles intensités : des lumières prismatiques, de brefs flamboiements... le tout ondulant délicatement dans les airs en un spectacle reposant. Faëlis jouait habillement avec ses apparitions lumineuses, dessinant dans l'air de ses mains habiles, jouant avec les faisant tourner autour de nous. Ce petit spectacle me redonna quelque peu le sourire l'espace d'un instant, oubliant un peu la situation dans laquelle nous nous trouvions.
« Ainsi chante, danse la lumière,
Jouant avec nos sens, loin de la peur.
Senteur de fleur, douce primevère,
Elle joue un air, qui mène au bonheur... »
Sa voix presque mélodieuse vint enrichir ce tableau de quelques vers, qui ne manquait ni de style ni de poésie, un peu de douceur dans un monde de brut. L'hinïon finit par lâcher un petit rire avant de s'adresser à nous en ces termes.
- « Mes improvisations ne valent pas grand chose, mais ces mots venaient du cœur et de mon humeur ! Puisse-t-il vous apporter un sommeil paisible. »
Je posai une main amicale sur son épaule avant de rejoindre ma couche, pour le remercier d'avoir détendu un peu l'atmosphère pesante du campement. Après une nuit courte, où je passai le plus clair de mon temps dans ma tente éveillée, prenant peu de repos car je n’en avais pas besoin, nous reprîmes la route et elle fut d’une folle monotonie. Nous ne croisâmes personnes, pas une seule âme, comme si la présence des troupes des Treize avait fait fuir tous les habitants des environs, la tension montait à mesure que nous approchions de notre objectif, quoi de plus naturel.
Le deuxième soir Cherock transféra le sort de magnétisation balistique sur mon bouclier, la possibilité de renvoyer des projectiles loin de moi moi, en combat, ça n’avait pas de prix. Ainsi donc la deuxième nuit se passa comme la première à ceci près que je réussis à dormir un peu plus, histoire d’engranger un peu plus de force avant d’arriver sur notre objectif, nous l’espérions le lendemain.
Après une nouvelle journée de route d’une morosité innommable et finalement nous arrivâmes en vue de notre objectif final à la tombée du jour. Nous nous cachâmes dans une ravine afin de voir sans être vue, j’en profitai pour sortir ma longue-vue afin de prendre des informations supplémentaires que je pourrais passer ensuite à mes compagnons. Sans-Nom nous expliqua que nous allions attendre la nuit pour attaquer, une très bonne idée car l’obscurité permettrait de couvrir l’attaque éclair.
Ainsi les troupes de Perussac allaient attaquer à cheval l’enclos des montures par le Sud de la ravine pendant que nous nous rendrions vers un bosquet au Nord de la ravine à pied. La distance serait plus longue pour nous à traverser, il nous faudrait probablement partir un peu en avance de la manière la plus silencieuse possible. Sans-Nom ajouta que c’était moi qui montrerai le passage à mes camarades, mais nous avions convenu deux jours plus tôt qu’il nous accompagnerait dans cette tâche. Je tus cette information par respect pour lui.
Attrapant la longue-vue que j’avais acheté au Val, j’entrepris de regarder en direction du campement ennemi. En hauteur, je pus distinguer le palais (…) entouré de tentes, de nombreux feux et torchères étaient allumés pour éclairer, les mouvements des ombres avaient plutôt tendance à monter vers la partie haute du camp. Des enclos à l'ouest avec des chevaux vraiment imposants, probablement la cible de Perussac, les effrayer était un plan parfait, le bruit cacherait notre progression. En bordure du campement non loin de quelques tentes, un bosquet et des arbres. J'avais une impression de déjà-vu.
(Crystallia, je ne me suis pas déjà posée dans le coin ?)
(C'est-à-dire ?)
(Après avoir découvert ta présence en passant dans un tunnel non loin de la forêt des fatras, nous avons terminé notre route à flanc du palais afin de préparer notre plan d'entrée. Ce ne serait pas derrière ce bosquet ?)
(C'est tout à fait juste. C'était bien là.)
Je terminai mon observation silencieuse par le palais de la Roseraie qui d'extérieur ne comportait absolument aucun dégât. Une bonne chose, car tout serait probablement à l'identique à l'intérieur, du moins je l'espérais très fort. Puis me tournant vers le reste de mes compagnons qui était non loin de moi, je leur dis ceci tout en refermant ma longue-vue.
- « Il y a un peu d’animation dans le campement mais rien d’inhabituel. Le palais n'est pas endommagé, en tout cas de ce que je vois. Notre plan est solide, notre magie secouera le calme apparent des animaux enfermés dans les enclos. Nous pouvons croire en nos chances si nous restons groupés au moment de notre traversée de la plaine. Nous devrons nous montrer prudent, des tentes se trouve non loin de notre objectif. »