Le Village d'Ishikawa

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Yuimen
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Le Village d'Ishikawa

Message par Yuimen » jeu. 4 janv. 2018 15:56

Village d'Ishikawa


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Petit village traditionnel à une vingtaine de kilomètres au Sud de la capitale, Ishikawa est composé d'une douzaine de maisons dont les habitants s'occupent de faire pousser leurs cultures. Juste le nécessaire pour vivre correctement et vendre les surplus à Oranan.
Au sein du village se trouve un temple, dédié à Rana, Yuimen, Moura et Zewen. Un seul prêtre se charge généralement de tous les cultes, s'occupant majoritairement de l'entretien du bâtiment et des autels. Des prêtres de plus haut niveau, propres à chaque religion, descendent au village lors des évènements le nécessitant.

Enfin, dans le village, se trouve un dojo. Traditionnellement, il sert à éduquer les enfants du village, garçons et filles, aux arts militaires. Le maître, ancien soldat ayant déjà lutté plus d'une fois contre Oaxaca a gagné la paix lors d'un fait d'armes qu'il garde pour lui.

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Faëlis
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Re: Le Village d'Ishikawa

Message par Faëlis » sam. 30 mars 2019 15:33

Il avait fallu de longues semaines de trajet pour traverser Bouhen, puis s'enfoncer dans les terres de la république d'Ynorie. Aliéna n'était pas sereine, car cette nation était l'une des plus féroces ennemies d'Oaxaca, et elle avait déjà eu à la combattre. Mais Faëlis était déterminé à continuer : il lui fallait trouver le palais de la Roseraie de la Soie, où il espérait enfin rejoindre Cromax. Ils se dirigeaient donc vers Oranan, la capitale, dans l'espoir d'y trouver des informations.

Ils étaient cependant fourbus par ce long voyage, au point de n'avoir même plus la force de se disputer ! Aussi, lorsque apparut un petit village à l'horizon, l'elfe proposa d'y trouver un gîte pour se remettre un peu d'aplomb. Le cadre avait l'air sympathique et un cours d'eau permettrait de se laver convenablement. Car, pour Faëlis, hors de question de rentrer en ville sans s'être au préalable rendu présentable !

L'après-midi était bien avancé quand ils se présentèrent à l'entrée pour demander l'hospitalité. Il n'y avait qu'une poignée de maisons, et la plupart des gens devaient travailler dans les cultures alentour, mais il y avait tout de même quelques hommes et femmes ici et là, et surtout des enfants qui s'approchèrent avec quelques hésitations.

« Bien le bonjour, salua l'elfe. Je suis Faëlis, de Cuilnen. Je suis à la recherche d'une auberge, pouvez-vous m'aider ? »

Les gamins s'empressèrent d'expliquer qu'il n'y avait pas d'auberge, le village était trop petit. Mais il y avait monsieur Iwanaga qui pouvait offrir le gîte aux voyageurs. De plus, ils tombaient bien, car il n'avait justement pas de visiteurs aujourd'hui !

« Allons-y, ça nous fera du bien d'avoir un toit... » déclara Aliéna.

« Il ne faudra sans doute pas s'attendre à un grand confort... » tempéra Faëlis.

« Et quoi ? Après toutes ces nuits passées dehors, tu vas te plaindre du confort d'une maison de paysan ? »


« Dehors, c'est dehors, expliqua doctement Faëlis. La nature est telle qu'elle est, mais une maison, c'est différent, c'est... euh... »

« Dedans ? »

« Euh... oui, et... »

« Et dedans c'est dedans ? »

L'elfe baissa piteusement les yeux. Il avait déjà remarqué qu'Aliéna avait l'apparence d'une femme délicate et le comportement d'une brute. Mais, comme il le constatait maintenant, son esprit savait se faire aiguisé pour tout ce qui touchait de près ou de loin à lui casser les pieds. Il préféra se taire et rejoindre la maison en question.

Le dénommé Iwanaga était absent. Aussi, ce fut une petite femme discrète qui les accueillit. Elle les informa qu'ils n'avaient pas le droit d'entrer tant que son mari n'était pas là, mais elle alla chercher de quoi les installer en extérieur et leur apporta du thé ynorien, spécialité du pays qui connaissait un nombre incroyable de déclinaison. Goûtant avec soin, Faëlis identifia avec succès que le thé avait été mélangé avec des mûres sauvages alcoolisées. L'ensemble était un peu déroutant, mais délicieux et rafraîchissant. Aliéna fit un peu la tête au début, mais la perspective d'avoir enfin autre chose en bouche que des rations de voyage la convainquis d'éviter tout commentaire.

L'époux revint bien assez vite pour accueillir les voyageurs. C'était un ynorien aux tempes grisonnantes, travailleur marqué par le grand air qui leur offrit l'hospitalité avec la fierté proverbiale des ynoriens, bien qu'il semblât un peu surpris tant ses visiteurs paraissaient de bonne famille.

« Mon nom est Iwanaga, et pour aujourd'hui et la nuit à venir, mon toit est vôtre, mes seigneurs. »

« Bien le bonjour. Je suis Faëlis Nyris'Kassilian, en chemin pour Oranan. »

L'homme leva un sourcil ce qui, compte-tenu de son flegme évident, équivalait à un sursaut de surprise.

« Quelle étrange plaisanterie du destin est-ce là ? Mon hôte précédent était un elfe blanc du même nom ! »

Surpris, le jeune homme haussa les sourcils :

« Faëlis est un nom assurément très rare pour mon peuple... »

« Il n'y a pas que le prénom, messire. Il s'est aussi présenté avec votre nom de famille. Un grand jeune homme blond, quoiqu'un peu plus petit. »

Faëlis échangea un regard stupéfait avec l'homme, puis avec Aliéna. Ils le regardaient d'un air insistant. Tous semblaient attendre une réponse qu'il n'avait pas. Cela ressemblait fort à une plaisanterie ! Pourtant, l'homme était manifestement sérieux, et il n'avait pas, à priori, de raison de ne pas l'être... alors d'où pouvait provenir cette étrange histoire ?

Ils prirent quelques heures de repos avant d'aller se promener en ville. Il n'y avait pas grand-chose de remarquable, par ici, il fallait le reconnaître, mais le jeune homme était tout de même heureux de découvrir enfin un pittoresque village de ce lointain pays qu'était l'Ynorie. Le plus surprenant, ici, était qu'il avait du mal à voir quoi améliorer sur le plan esthétique. Non parce que le village était vraiment beau, mais parce que sa conception architecturale était si radicalement différente à ce qu'il connaissait qu'il était impensable de pouvoir l'améliorer sans en avoir d'abord compris les codes.

Au centre de la ville, se trouvait un lieu qui, apprit-il, s'appelait le dojo. Ici, un vétéran de l'armée Ynorienne apprenait aux jeunes et aux moins jeunes à se défendre. C'était un homme à la mine ouverte, assez sympathique, qui accueillit les voyageurs avec le sourire. Intéressé, Faëlis proposa de s'entraîner un peu avec lui. Ils échangèrent quelques passes d'armes, et l'homme lui montra même une technique surprenante. Voyant que le jeune homme était doué à l'arc et en magie, il lui expliqua comment des archers-messagers ynoriens transmettaient des messages à l'aide de petits origamis enchantés. Lui-même ne maîtrisait que la théorie, mais il avait beaucoup appris d'un de ses compagnons d'armes. Aidé de ses conseils, Faëlis comprit plus ou moins la technique, même si ses premiers essais se révélèrent peu concluants. Lorsqu'il parvint enfin à infuser correctement sa magie dans un oiseau de papier, celui-ci se contenta de lui sauter au visage avant de retomber, ce qui déclencha l'hilarité d'Aliéna. Il décida donc de remettre la suite de l'entraînement à plus tard.

Il en profita également pour interroger l'homme sur le passage du précédent « Faëlis ». Le vétéran en avait connaissance : l'elfe n'était pas très discret et était venu s'entraîner ici, lui aussi. Il était ensuite reparti vers Oranan.

« Je crois qu'il comptait se rendre au terrain d'entraînement. Notez que ça pourrait vous être profitable aussi, jeune homme ! Le maître Aïlayon Jeesan pourrait vous apprendre bien plus que moi sur l'archerie. Dites-lui que vous venez de ma part, il me connaît ! »

Faëlis le remercia de ses conseils et se retira. Alors qu'il revenait vers la maison de leur hôte pour la nuit, il sentait le regard d'Aliéna posé sur lui. Elle avait des interrogations, et elle n'était pas la seule. L'elfe comptait bien se rendre à Oranan, mais pas seulement pour visiter le terrain d’entraînement. Il comptait bien retrouver la trace de ce curieux imposteur !

Après une nuit de sommeil et un bon décrassage, ils remercièrent leur hôte, payèrent le bref séjour et reprirent le chemin d'Oranan.

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Phyress
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Re: Le Village d'Ishikawa

Message par Phyress » sam. 3 avr. 2021 03:43

De fil en aiguille


Phyress était de celles et ceux qui pensaient naïvement que lorsqu'on se réveille soudain en frissonnant, c'est qu'un fantôme passe sur notre corps. Elle se réveillait, grelottante un jour de fête. La jeune femme grelottait, elle n'avait encore aucun moyen de percevoir l'immensité du malheur qui allait lui tomber dessus, mais elle restait là, immobile, à regarder le vide comme si elle apercevait quelque chose de noir, une ombre malveillante.

A son réveil il faisait encore nuit, plus précisément encore, c'était l'heure la plus sombre. Juste avant l'aube, lorsque les chandelles et les torches se sont consumées et que les premiers rayons du soleil n'ont pas encore percé les fentes des volets. Mais ce n'était pas la froideur de cette nuit de printemps qui la faisait frissonner. Au contraire, elle avait dormi dans une grange si surpeuplée qu'il lui était impossible de sentir le moindre courant d'air.

Chaque paillasse, chaque coin, n'importe quel espace au sol était pris par quelqu'un, le village avait reçu la veille son lot de voyageurs et de civils fuyant la guerre. L'air était rendu lourd et malodorant à cause des pets, des rots et de la puanteur des estomacs aigres de bière.

(" Tu sais. Quand je t'ai trouvée pour la première fois, à tomber tout les cent mètres dans des flaques de boue et à avoir peur des citrouilles ? ")
(" Quoi encore ? ") Grommela Phyress, encore abrutie du manque de sommeil. Elle s'étirait en poussant un léger miaulement. A côté d'elle, un vieil homme grognait et gesticulait, donnant un coup de coude dans les côtes de son voisin. Ce petit monde grouillait comme la Divine Charogne.
(" Rien du tout en fait. Je pensais que nous aurions des histoires plus importantes à raconter que la fois où tu t'es réveillée en sentant le pet de tes voisins. ")

Roulant des yeux en signe de désapprobation, Phyress grinçait des dents, elle savait que cette situation était temporaire, mais Lys aimait lui rappeler sa condition de paysanne à chaque fois qu'elle le pouvait.

La jeune femme quitta la grange en prenant une précaution infinie à n'écraser personne, les corps roulaient entre ses jambes maladroites et à de nombreuses reprises elle manqua de chuter sur un malheureux endormi.

(" Et bien... On dirait que tu n'es pas en grande forme. ")

La jeune femme avait marché la veille sous une pluie glacée et faisant face à un vent coulis. Les maigres foyers qu'elle avait vu n'étaient pas assez forts pour qu'elle puisse s'y sécher correctement et il aurait fallu qu'elle se débarrasse entièrement de sa combinaison de cuir, elle n'avait pas osé se dévêtir devant les regards appuyés que lui portaient certains hommes.

(" Non, je me suis cramponnée à mes affaires, j'avais peur que quelqu'un ne fouille dedans. ")

Et comme on dort assez mal en enlaçant son arc et sa besace, Phyress avait des fourmillements dans la cuisse et la nuque raide. Le soleil apparaissait doucement au loin, et la journée de fête commençait dans un frémissement maladif. Enveloppée dans une brume de fine pluie, Phyress observait le coq en attendant son chant qui réveillerait les autres voyageurs. Mais le coq ne chanta pas ce matin, il n'avait pas reconnu l'aube. Les oiseaux étaient silencieux. Les rares fermiers du village qui se croisaient en se rendant à la traite ou s'en allant sortir les animaux faisaient semblant que le temps ne durerait pas. Tous avaient un air jovial, comme s'ils pensaient que la fête serait aussi belle que les années précédentes même si selon la jeune femme, aucun ne semblait y croire réellement.

Le silence était de mauvais augure, les gens écoutaient au loin, espérant ne pas entendre un résonnement annonçant que la guerre approchait. Phyress avança de la grange jusqu'à l'auberge sous une pluie devenue battante. Malgré l'heure, celle-ci était déjà pleine, à croire que ceux qui dormaient dans l'auberge s'étaient tous réveillés en même temps pour discuter. La jeune femme arriva en pleine conversation agitée.

" C'est dit ! Nous l'enterrerons avec des entraves de fer. " Le grand aubergiste avait un air satisfait comme si cette première phrase arrivant aux oreilles de la jeune archère était l'aboutissement d'une conversation commencée plus tôt.
" Oui ! Le fer contiendra la magie. C'est une matière puissante et solide, faute d'avoir un métal enchanté par les temps qui courent, le fer fera l'affaire !"
" Mais si on lui met une bride, elle ne pourra plus proférer de formules magiques. "
" Mais... Si ça ne suffisait pas, et si elle sortait de terre en pleine nuit pour venir nous chercher ? " Disait un jeune homme, il observait la porte d'entrée, Phyress toujours sur le côté croisa son regard. Il avait peur, ses yeux avaient fixé la porte comme s'il s'attendait à voir une ombre qui grattait déjà derrière celle-ci.
" On ne pourrait pas lui enfoncer un pieu de fer ou de bois dans le corps une fois en terre ? Afin qu'elle ne puisse pas se relever ? " Hasardait-il.

(" Ils parlent... D'une femme ? ")
(" On dirait bien, ils sont verts de peur. On dirait que les morts dans ce village ne le restent pas bien longtemps. ")

La foule contesta la remarque du jeune homme. Un grand roux dégarni frappa du poing sur la table, secouant dans le même temps tout ce qui était posé dessus.
" Tidieu mon garçon ! Te porteras-tu volontaire pour pareille besogne ? "
Le jeune homme secoua la tête avec beaucoup de crainte, comme s'il se voyait déjà recevoir entre les mains le fameux pieu.

" Bon... " Repris l'aubergiste après avoir longuement observé les hommes et les femmes voûtés sur leurs bancs. Il se tourna vers la Phyress et lui dit : " Veux-tu fermer le loquet, ma fille ? "
La jeune femme s'exécuta sans broncher, elle était trop curieuse pour chercher à quitter les lieux. La jeune femme actionna le lourd loquet de bronze et verrouilla la porte de l'auberge dont les volets étaient déjà complètement clos. Eclairés de la simple lueur des bougies, les visages donnaient un aspect repoussant, comme s'ils étaient hantés. L'aubergiste reprit parole.

" Il faudra régler cette histoire aujourd'hui. Avant la tombée de la nuit. Affronter cette... Chose en plein jour est déjà assez terrifiant, mais lui faire face de nuit, à la lueur d'une chandelle ? Il y a de quoi liquéfier les boyaux des plus braves. Et je vous le dis, après vingt-trois ans de mariage, je me fais plus grande illusion de ma bravoure. "

Quelques rires amusés éclatèrent dans la salle mais ils s'étouffèrent très vite sous le couvert de la menace qui pesait sur le village.

Une voix forte tonna au fond de la salle. Phyress vit un grand homme dont le séant débordait du banc, il portait un tablier de cuir brûlé, un forgeron très probablement d'ailleurs, le seul forgeron du village.
" Passez lui la bride et ligotez la ! Une fois fermement entravée et recouverte de terre, j'enfoncerai un pieu de fer dans le sol, ça devrait faire l'affaire. " Il se gratta le nez du dos de la main et ajouta " Je le ferai à la tombée du soir pour emprisonner son esprit dans la tombe quand il commencera à s'élever, elle n'en sortira plus. "

(" Si tu veux t'instruire des belles théories paysanne, je pense que nous sommes au bon endroit. ")
(" Je ne comprends rien. A la base je voulais juste manger quelque chose. ")
(" Ecoute attentivement, ils parlent de morts qui se relèvent. Peut-être l'œuvre d'un nécromancien. Après tout c'est la guerre et les mages noirs n'ont aucune raison de rester cachés. Ce n'est pas rare d'en voir s'entraîner dans de petits villages, généralement les paysans ont trop peur et pas assez de moyen pour faire appel aux chasseurs de monstres et règlent le problème tout seul. Le problème maintenant... C'est que nous sommes étrangère à ce village, et qu'il ne faudrait pas trop tarder avant d'être accusée de sorcellerie par quelques paysans délirants et de finir comme... Peu importe qui elle est d'ailleurs. Au fond d'une tombe. Sans nom avec un pieu dans les tripes. ") Appuyait Lys d'un air cassant. La petite Faera de glace et de lumière avait glacé l'esprit de Phyress.

Un autre homme prit une rasade de bière et dit plus fort que le forgeron : " Ma mère disait que le seul moyen était de lui trancher la tête avec une pelle de fossoyeur ! "
" C'est pour les liches ça ! Ce n'est pas une liche voyons. " L'objection venait d'une vieille femme qui avait au long de sa vie, entendu son lot de superstitions.

" Qui sait ce qu'elle deviendra une fois morte !" Répliqua le forgeron.

(" Pourquoi ne pas la brûler ? ")
(" Probablement des bas de plafond qui pensent que le feu détruira l'âme et qu'elle doit bien aller quelque part. ")

" Le Prêtre il saura quoi faire ! " S'obstinait la vieille femme.

" Oui, et il est mort... Vous avez oublié ? La guerre a été gourmande et a demandé nos jeunes, mais nous autres, on ne vivra pas longtemps si on ne parviens pas à résoudre cette histoire aujourd'hui. Ce n'est pas quand les morts hanteront nos maisons et mangeront nous bêtes qu'on pourra faire quelque chose, il sera trop tard ! On pourrait aller chercher de l'aide à Oranan mais on dit que les troupes de la Reine Noire sont sur le point de brûler la ville. Il faut qu'on règle ça avant de penser à nos défenses. "

La salle éclata dans une agitation incroyable, on entendait des objections comme quoi il valait mieux un mort vivant plutôt que des centaines de Garzoks, d'autres craignaient pour le repos de leur âme et préféraient mourir à la guerre que de savoir leur corps tourmenté par un nécromancien.

(" Et voilà... Dans deux secondes on assistera impuissante à des lancers de cruches. ") Railla Lys tandis que Phyress se demandait s'il ne valait pas mieux quitter les lieux immédiatement avant d'être prise entre deux fronts. Mais l'aubergiste instaura de nouveau le silence.

" Oui, chaque heure de vie la rend plus forte ! C'est décidé ! Elle sera enterrée vive avec la bride. Et une fois morte, Luk enfoncera un pieu de fer dans sa tombe. La seule chose qui reste à décider, c'est qui posera la bride. " Il parcourut la pièce des yeux, espérant voir quelqu'un se dévouer mais personne ne croisa son regard.

(" Il a dit vive ? ")
(" Oui, vive. Et baisse les yeux il va... Ah bah BRAVO. Il nous a vu. ")

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Phyress
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Re: Le Village d'Ishikawa

Message par Phyress » sam. 3 avr. 2021 17:17

C'est ainsi que commença son histoire. La jeune Phyress avait reçu pour mission de mettre la bride de fer à la femme qui serait exécutée au soir. Elle n'en revenait toujours pas que l'on jette pareille mission sur le dos d'une inconnue. Mais Lys soulevait un point intéressant, en ces temps difficiles, Oranan et Kendra Kar œuvraient de concert pour contenir la déferlante d'Omyre. Il n'était pas aberrant de voir une Kendranne porter assistance à son prochain, de plus, Phyress portait une tenue de cuir et un arc de bonne qualité, les villageois auraient-ils vu en elle une aide soudaine et inattendue ? Quoiqu'ils virent, ils ne souhaitaient pas laisser passer cette occasion de régler leur problème.

Le tavernier lui offrit un brouet d'avoine pour la remercier et une place au feu où elle resta assise en silence, mangeant lentement, la conversation lui avait quelque peu couper l'appétit. Elle n'en revenait pas d'envoyer une femme à la mort de cette façon. L'âtre dans son dos ronflait et sa tenue commençait littéralement à fumer, réchauffant le corps transit de la jeune Kendranne. Lys quant à elle relativisait :
(" D'un côté... Il faut voir la vérité en face. Si c'est une mourante condamnée par un sortilège, la tuer ne ferait soulever aucune malédiction, déjà mais en plus ça abrègerait ses souffrances.")
(" Mais... Un prêtre de Gaïa pourrait la secourir. Ou inverser le mal. ")
(" Non.") Sentenca Lys d'une voix stricte. (" Le prêtre est mort et Oranan est en état de siège, de plus, je ne suis pas persuadée que le clergé de Gaïa autorise un prêtre à venir dans cette zone qui sera bientôt dévastée si on en croit les rumeurs. Je pense qu'il est temps de prolonger notre voyage et d'aller ailleurs, là où on sera plus en sécurité. Si on peut récupérer quelques sous pour rendre ce service, on aura un peu d'avance et on ne mourra pas de faim en route... Enfin... TU ne mourra pas. ") Rappelant son immortalité à Phyress, elle essayait de la raisonner et de l'encourager à prendre la seule bonne résolution. Mais Phyress était pleine de convictions et de doutes, la simple perspective de plonger une femme vivante dans la tombe, fusse-t-elle condamnée et gravement malade, la terrifait.

(" Et si ça se trouve, on n'en sait rien, c'est peut-être ce qu'elle veut. ")
(" Hm ?") Songeait Phyress en rêvant dos au foyer.
(" Si ça se trouve, la femme en question supplie à l'heure qu'on l'achève. Elle est peut-être verte de maladie, creusée comme un squelette, gisant sans une mare de pisse où flottes quelques excréments nauséabonds à implorer qu'on termine son existence. ")

Laissant tomber la cuillère de bois dans le reste de son avoine, Phyress perdit définitivement son appétit. Elle se leva encore fumante de vapeur et quitta l'auberge d'une humeur exécrable.

Dehors, la fête battait son plein, un cochon avait été embroché sur un pieu et rôtissait à la flamme. La fumée alléchante flottait dans l'air humide. Un solide gaillard tournait la broche avec beaucoup de précaution, donnant des coups de bâtons aux chiens curieux rendus fous par l'odeur. Les villageois découpaient de gros morceaux sur des tables et déchiraient les filets avec leurs dents, même les plus vieux dont les chicots moisis ne leur permettait pas de mâcher correctement se joignaient à la fête, ils suçaient le gras qui coulait le long des mentons ridés. Une telle abondance de viande fraiche devait être rare à en juger la précipitation que les gens avaient. Il y avait des jongleurs, des enfants qui courraient pieds nus dans la boue, bousculant les adultes bavards. Quelques jeunes batifolaient dans l'herbe humide sous le regard sévère des doyens du village.

(" On a pas l'impression que la guerre est à quelques kilomètres plus loin... ")
(" Je pense qu'ils en profitent, les occasions de fêter quelque chose vont se faire rare. Regarde les. Ils sympathisent mais à la première heure sombre, ils seront tous prêts à se poignarder dans le dos pour une poignée de fèves. ")

Une main caleuse se posa sur l'épaule de la jeune femme. C'était le Forgeron, Luk. Il la regardait d'un air grave, derrière lui un jeune homme armé d'une pelle attendait. Elle comprit rien qu'à son regard que le forgeron ne souhaitait plus attendre la tombée de la nuit. A sa ceinture, un long pieu de fer dont le bout brillait pendait à côté d'un grand marteau noir.

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Phyress
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Re: Le Village d'Ishikawa

Message par Phyress » sam. 3 avr. 2021 20:46

Luk fit savoir à Phyress que la maison de la femme qu'ils allaient enterrer se trouvait à quelques heures de marche du village. La jeune femme pensait qu'il s'agissait d'une habitante du village mais Luk secoua la tête tout en chargeant la charrette. Il y jeta son pieu de fer qui fit un boucan de tout les diables, un sac de toile, le jeune homme y envoya à son tour la lourde pelle et Phyress s'installa à l'arrière, juste derrière Luk et le jeune homme.

" C'est mon jeune voisin, Landru. Il est ramoneur et s'occupe des cheminées. "
(" Avec un prénom pareil, il était prédestiné.")
(" Hm ?")
(" Rien.")

Luk fouetta pour faire avancer le cheval et ils se mirent en route. Pour crever cet énorme abcès de silence, ce fut Luk qui prit la parole.
" Alors ma fille, tu es de quel régiment ? "

Phyress secoua la tête avec véhémence, comme si elle venait d'entendre une énormité. " Je ne suis pas militaire, je suis juste une chasseuse. Je viens d'un petit village à l'ombre de Kendra Kar. "

Landru lança un regard morne par dessus son épaule, presque bovin.

" D'où te vient ton équipement alors ? Tu ne l'as pas volé, rassure moi ? " Sa voix venait de gronder, comme s'il proférait une menace pesante sur la jeune archère.
" Nooon. Non vraiment pas. Disons... " Elle hésita à un moment à parler d'Izuria, mais elle se ravisa au grand soulagement de Lys qui était sûre et certaine que mentionner un monde parallèle à ces paysans l'enverrait tout droit dans la tombe avec la femme qu'ils allaient voir. " Mon père est dans la garde de Kendra Kar. Je n'ai plus de nouvelles de lui depuis longtemps maintenant. "

Luk et Landru restèrent silencieux. Ils avaient vu nombre de leurs amis d'enfance et enfants partir aussi pour ce conflit avide de vies.
" Sois fière ma fille, si ton père combat les monstres d'Omyre, il peut marcher sur ce monde ou dans l'autre en héros. "

Son ton avait été apaisant, Phyress n'appréciait pas qu'on lui rappelle l'éventualité que son père puisse mourir dans ce conflit mais elle sentait que derrière cet air bourru et sobre, Luk avait de la sympathie pour Phyress.

" Cette femme... Je ne sais rien sur elle, qui est-elle au juste ? "

Landru relança un regard par dessus son épaule, il avait vraiment un air de veau d'abattoir.

" C'était la guérisseuse. Mais pas une fervente de Gaïa, ma fille. Une femme de la forêt qui préparait des breuvages et soulageait les maux de qui pouvait lui faire une offrande. Mais son esprit a été empoisonné par un nécromancien. C'est une honte qu'on ai confié à cette femme nos enfants et nos bêtes, elle qui n'a pas su voir venir le mal qui l'habite et la corrompt. "

(" Alors ça, c'est quand même assez typique des bouseux élevés au grain. Ils ont un guérisseur sous le coude pour évacuer les bébés non voulus à coup de sauge, calmer un herpès grumeleux avec un onguent d'avoine, crever des kystes gros comme des œufs d'oie dans le dos et si un jour, un des bouseux se réveille avec une verrue après avoir bu un philtre de vigueur, il est alors persuadé qu'on lui jette un mauvais sort et le guérisseur se retrouve alors avec tout le village qui lui tombe dessus à gourdin raccourcis. ")
(" Mais ça veut dire qu'elle n'a rien fait de mal ? ")
(" Heu... Ca veut dire plein de choses en fait. Si ça se trouve cette histoire de nécromancien c'est vrai, mais il y a des cadavres plein le sol quand on sait où chercher, je trouve ça curieux qu'un nécromant s'intéresse à quelqu'un de vivant. ")
(" Mais alors ça voudrait dire qu'elle peut-être victime d'une malédiction ?")
(" Mais ça veut TOUT dire et RIEN dire en fait, on ne sait pas, aucun d'eux ne semble guérisseur ou avoir la moindre notion de quoique ce soit, à part des cheminées peut-être. Si ça se trouve elle a juste une maladie grave qui la fait délirer et comme elle n'alignait pas des choses très claires, elle est prise pour maléfique et sera expédiée dans la tombe avec ton aide en plus.")

Phyress déglutit et essaya de prendre son ton le plus ferme et convaincant.

" Vous savez, avant de l'enterrer vive, on devrait essayer de la rassurer et de savoir si elle est effectivement frappée par un nécromancien ? "
Luk ne dit rien un instant, il battit la bride et fit avancer le cheval à une allure plus hâtive. Le ciel gris pesait une chape de plomb sur leurs têtes, il dit après quelques instants :
" Ma fille... Crois-moi, on fait ça pour elle et pour le village. Un magicien ne laissera pas sa création le trahir et on devrait l'enterrer dès qu'on arrive, sinon elle pourrait nous maudire ou nous jeter un mauvais sort."

Landru s'agita et prit parole pour la première fois, Phyress comprenait pourquoi il était silencieux en l'entendant buter sur les mots et bégayer en envoyant un nuage de postillons devant lui : " S'-p-p-p-our s-s-s-s-ûr. M-m-ê-me qu'-m-m-on gr-and oncle... "
" Ca va, ça va ! Je vais lui raconter sinon on y sera encore au chemin du retour. L'oncle de L-l-l-l-l-l-andru a été maudit par une femme. Il voulait faire comme toi ma fille, discuter et être sûr de pas faire quelque chose de mal. Quand il est rentré chez lui, ses bêtes étaient tombées malades et sa femme était partie. Et dans l'année, le grain avait été moisi par le midiou et on l'a retrouvé pendu dans les bois. "
(" C'est pas une maléfice de demi-baguette, ça... ")

Phyress eut un frisson glacé lui parcourir l'échine. Elle rentra le cou dans son armure et serra ses genoux entre ses bras, ainsi elle serait au chaud pour le reste du voyage. Les deux hommes restèrent silencieux jusqu'à ce qu'ils arrivent à quelques dizaines de mètres de la maison de la guérisseuse.

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Phyress
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Re: Le Village d'Ishikawa

Message par Phyress » mer. 7 avr. 2021 18:28

La chaumière de la guérisseuse était petite et ronde, dénuée de fenêtres et située en haut d'une montée couverte d'arbres. Elle semblait bâtie avec des pierres récupérées au bord de la ravine qu'ils venaient de grimper, le tout simplement agrémenté d'un toit de chaume et de roseaux. La porte était grande ouverte, seul un rideau de cuir empêchait d'en distinguer l'intérieur. Dehors, quelques poules picoraient parmi les herbes du jardin. La pluie commençait à tomber et les goutes chantaient sur les feuilles des pruneliers et d'un vieux sorbier. Les baies rouges de l'arbre dénotaient avec ce havre verdoyant.

Phyress, Luk et Landru s'arrêtèrent à portée de vue. Le cheval renifla et commença à brouter l'herbe qu'il trouvait en abondance. Luk et Landru préparèrent le matériel. Le forgeron se pencha sur ses deux complices, il parlait à voix basse comme s'il craignait être entendu malgré la bonne distance. Il envoya Landru creuser une fosse à l'aide de sa pelle et posa sur Phyress un regard insistant. La jeune femme ne savait toujours pas si elle réalisait une bonne action ou si elle commettait un crime odieux. " Tu devrais aller la voir déjà, elle ne craindra pas une jeune femme seule. Je serai derrière et je la porterai jusqu... Jusqu'à Landru."

Elle sentait qu'il n'avait pas voulu mentionner la tombe ou la fosse, il semblait ménager la jeune archère. Elle réfléchissait à ses actes, fallait-il protéger le village d'une menace d'outre tombe ou s'il fallait essayer de convaincre Luk que le mal dont elle était victime n'était pas ce qu'ils croyaient. Faute de plus d'information, elle prit une profonde respiration et avança jusqu'à la maisonnée. Luk était à quelques mètres derrière elle, il tenait un grand sac de chanvre qui contenait quelque chose de lourd, Phyress n'avait pas pensé à regarder ce qui s'y trouvait pendant le voyage et elle espérait qu'il ne tienne pas là quelque chose pour assommer la guérisseuse ou lui faire du mal. Quelque part, Phyress acceptait déjà cette hideuse mission avec le seul espoir de ne pas la voir souffrir davantage.

Quelle ne fut sa surprise lorsqu'elle écarta le rideau. L'intérieur était presque vide, pour tout mobilier une paillasse à même le sol et deux tabourets au raz du sol autour d'un foyer primaire composé d'un cercle de pierres dépassant du sol. Une femme semblait être allongée au fond de la seule et unique pièce mais elle était entourée de trois enfants. Les petits garçons virent à sa rencontre, l'un d'eux portait une petite figurine de roseaux tressés.

Horrifiée, elle se tourna vers Luk : " Mais... Il y a des enfants !"
Le forgeron fronça les sourcils comme s'il feignait l'ignorance mais préféra reprendre son air bourru, secoua ses épaules et poussa Phyress du revers de la main pour observer à son tour derrière le rideau de cuir.
" Ca ne change rien. Ils sont aussi en danger si on ne fait rien. Descend avec eux jusqu'au chariot, on va les ramener au village. "

Phyress sentait la patience lui manquer. Elle ne comprenait pas pourquoi il était aussi obstiné à remplir pareille besogne alors qu'il s'agissait d'une mère et que ses enfants auraient besoin d'elle. " Mais non ! Je vais pas les conduire jusqu'à... Jusqu'à ce que fait Landru ! Ils n'ont pas à voir ça et je trouve qu'on devrait s'arrêter pour réfléchir à ce qu'on doit faire. " Luk se tourna et lui adressa un regard noir. Il laissa tomber son sac qui émit un bruit métallique et saisi la jeune femme par les épaules.
" On ira jusqu'au bout ! Il faut qu'on protège le village. "

Elle se dégagea tant bien que mal des mains du forgeron qui serraient ses frêles épaules d'un étau de fer. Il relâcha la pression et laissa la femme se retourner face au sorbier, les bras croisés. Elle boudait, d'une humeur mauvaise elle n'en revenait pas de s'être fait embarquer dans pareille mission. Les enfants évitèrent le forgeron et se dispersaient dans le jardin, jouant à courir derrière les poules, visiblement peu intimidés par les visiteurs imprévus.
(" Faut dire... Les petits pères... Ils doivent en voir passer du monde avec ce qu'exerce leur mère. Je me demande s'ils sont du même père. ")
Face à cette remarque, Phyress tempêta (" Quelle importance ? On va tueur leur mère devant eux et tout ce que tu te demandes c'est s'ils sont du même père ? On en sait rien, si ça se trouve comme tu dis, la mère est délirante de fièvre dans ses fluides depuis des jours et les petits n'ont rien à manger.")

La jeune archère laissa le forgeron entrer à sa place, elle préféra se pencher devant un des enfants et passa sa main dans les cheveux du petit garçon.
" Dis moi, mon chou, tu as un nom ? "

Le petit garçon la regardait avec de grands yeux clairs. Il avait de beaux traits, un peu sale mais à force de jouer dans la poussière il n'y avait rien de surprenant. Il ne répondit rien à Phyress, à la place, il lui tendit sa figurine en osier qu'elle prit entre ses doigts.
" Tu me la prêtes ? C'est un chevalier ? Un héro ? "

Il leva les épaules en pinçant ses lèvres. La jeune Kendranne fronça les sourcils se demandant s'il était muet. Les autres enfants poussaient des rires étincelants, ils jouaient avec le bois et les poules affolées qui couraient dans toutes les directions laissant dans leur sillage autant de fiente que de plumes.

" Je m'appelle Phyress. Et toi ? " Insista l'archère mais l'enfant prit la fuite sans rien dire. Il s'en était retourné dans la maison où il entendait un bruit étouffé. Phyress le rattrapa par le poignet avant qu'il ne puisse rentrer et le serra fort contre sa poitrine.
" Je suis désolée mon chéri, mais ta maman... Elle est très malade. Le grand monsieur et moi on va... On va la conduire chez un magicien. Un magicien avec de grands pouvoirs."

Le petit garçon leva ses yeux implorants et articula :
" Maman... Elle a quoi ? "

Derrière elle, les autres marmots cessèrent de jouer, comme s'ils étaient resté attentifs à ce que faisait ce couple inconnu. Les deux autres enfants se joignirent à Phyress et au premier enfant qu'elle serrait toujours contre elle.
" Ta maman ? Elle est malade, c'est dangereux pour vous de rester avec elle. Elle a peur de vous empoisonner avec sa maladie. Alors... Elle a demandé aux papillons de venir me trouver et de tout me raconter. "

Devant les yeux émerveillés des enfants qui se regardèrent, elle continua.

" Pas n'importe quels papillons. Des papillons magiques qui vont veiller sur vous. Les deux messieurs, ils vont vous trouver une nouvelle maison dans un joli village en attendant que maman aille mieux. Et quand ce sera le cas, elle viendra vous retrouver et vous reviendrez ici pour y couler des jours magnifiques. "

Derrière Phyress, Luk passait la porte avec la mère des enfants, elle entendait des cris étouffés sous un sac et le grognement du forgeron qui trainait la femme par dessous les aisselles, à l'oreille elle comprenait qu'il avait le pas lourd et déglingué comme un corbeau portant un terrible fardeau. Elle captiva l'attention des enfants.

" Et sous savez de qui le magicien tient le pouvoir qui guérira votre maman ? " Devant les yeux pétillants des trois marmots, elle eut un grand sourire, à la fois ravie et soulagée qu'ils n'aient pas vu leur mère se faire traîner dehors. " Du soleil lui même ! Vous savez que le soleil, grâce à sa magie et sa lumière fait pousser les arbres et s'ouvrir les fleurs ? Et bien le soleil peut aussi réchauffer les mains glacées par l'hiver et soulager les frissons du vent, mais il guérira votre maman grâce à Gaïa et au soleil. Dans toute sa bonté, Gaïa a entendu parler de votre histoire et a ordonné au magicien de mettre toute sa magie en œuvre pour guérir votre maman à tout jamais !"

Les marmots aux visages angéliques se serrèrent autour de Phyress et la prirent dans leurs petits bras en mal d'amour tout en gazouillant des remerciements. La jeune femme se pinça l'arrête du nez pour ne pas éclater en sanglot. Après un moment à ressentir la douce chaleur que diffusait les enfants en son coeur, Phyress leur serra les petites joues de ses mains et leur promis de leur acheter un bon repas lors de leur arrivée au village. Elle se voyait déjà protéger ces petits bonhommes pour pardonner ce qu'elle allait commettre car déjà, Luk l'appelait du contrebas de la montée.

Phyress ravala sa morve, manquant de s'étrangler et essuya ses yeux brouillés de larmes pour conduire les enfants à l'intérieur de la maison. " Allez mes trésors, surtout vous restez ici jusqu'à ce que je vienne vous chercher, votre maman va bien. Maman va bien. " Avait-elle répété, plongeant sans s'en rendre compte dans ses propres souvenirs. Elle qui avait laissé sa mère pour une partie de chasse et n'était jamais revenue. Était-elle morte de chagrin à l'ombre de Kendra Kar ? D'un geste de la main, elle balaya ses souvenirs sensibles et descendit la crète jusqu'à arriver jusqu'à Luk.

Landru avait creusé ce qu'on pourrait tout juste considérer comme une fosse pour enterrer quelques poulets, il y avait une demi jambe de profondeur et il restait là, appuyé sur sa pelle de fossoyeur à observer Luk qui maintenait la guérisseuse, la tête toujours enfermée dans un sac en toile qui se débattait faiblement. Elle raclait le sol boueux de ses talons dans un geste désespéré de pouvoir échapper à son ravisseur. Luk fit un geste du menton, désignant la bride de fer qui attendait Phyress. La jeune femme ne pouvait plus se retourner, il y avait les enfants à préserver et plus vite elle aurait fait sa sordide mission, plus vite elle pourrait s'occuper de les placer à l'abris.

" Est-ce qu'on sait au moins ce qu'elle a ? " Demanda Phyress, la bride pendant à ses mains.
" Le mal est déjà trop loin. Elle ne pourra guérir. Elle n'a pas pu se soigner et c'est la seule guérisseuse à des kilomètres. " Dit-il tout bas, entre ses mains, la guérisseuse s'agitait de plus en plus avec la force du désespoir.

Comme si ce que disait Luk devait la convaincre, Phyress fermait un instant les yeux, elle n'était pas riche en solution et chaque seconde la poussait encore un peu vers l'irréparable. Elle entendit le bruissement des arbres, le souffle de la forêt et... Un ricanement ? Phyress observait la canopée et les taillis comme si elle cherchait un intrus hilare se railler d'elle et lui annoncer que tout ceci n'était qu'une farce. Mais à part un éventuel lapin ahuri dans un buisson, il n'y avait personne.

Phyress glissa la bride directement sur le sac, sur ce qui semblait vraisemblablement être la bouche de la femme et la resserra sous ses spasmes alertés. La femme ne pouvait plus crier et presque immédiatement, Luk la souleva par dessus son épaule et la laissa tomber de toute sa hauteur directement dans la tombe. Le bruit mat du corps échoué dans la terre meuble irrita encore plus Phyress.
" C'était nécessaire ?! La pauvre n'a pas besoin de souffrir davantage !" La jeune archère fronçait les sourcils mais elle savait parfaitement que Luk n'était pas impressionné par la petite femme aux joues rouges devant lui. Landru commença à laisser tomber sur elle de grosses pelletées de terre meuble parmi lesquelles on trouvait racines, vers étonnés et feuilles mortes.

(" Un magnifique ouvrage... Je suis prête à parier que d'ici la nuit, un renard aura pu la déterrer et commencera à lui grignoter le jarret. ")

L'imagination de Phyress fit le reste du travail et elle ferma les yeux lorsque Luk s'approcha avec le long pieu de fer. Quelques coups de marteau et le crissement de la petite caillasse contre le fer - à moins qu'il ne s'agisse d'un os - et un grand frisson glacé lui traversa le dos. Lorsqu'elle ouvrit de nouveau les yeux, Landru fit un excès de zèle et frappa du tranchant de la pelle là où se trouvait la gorge à plusieurs reprise. La terre labourée se retrouvait baignée dans un encre noire aux relents de fer. Elle manqua de défaillir et s'assis contre le chariot en reprenant sa respiration.

" Qu'est-ce que j'ai fait... " Soupira-t-elle.

Dans les buissons, un lapin fit bouger une branche et plus loin, dans les taillis, un ricanement plus clair.

" Vous avez entendu ? "

Mais les deux hommes étaient trop occupés, les yeux rivés sur la tombe pour prêter attention à Phyress. Elle balayait la forêt des yeux, cherchant quelque chose qui pouvait sortir du décor. (" Phyress... ")

Lys ne l'avait encore jamais appelée par son prénom, face à cette situation alarmante, la jeune archère fit glisser son arc de son épaule et caressait du bout des doigts une flèche... Ses yeux bleus cherchaient, ses oreilles cherchaient le moindre bruit suspect... Mais il n'y avait rien. Le crissement plaintif des branches, la caresse des feuillages mais les oiseaux, eux, s'étaient tus comme si la forêt retenait son souffle ou essayait de faire taire ses habitants pour que les trois puissent entendre la menace qui couvait.

(" Il y a quelque chose... ")

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Re: Le Village d'Ishikawa

Message par Phyress » mer. 7 avr. 2021 18:56

[:attention:] Sujet sensible [:attention:]



La jeune femme resta longtemps en alerte à scruter les bois, les deux hommes eux restaient observer le tas de terre en partie sanguinolente en se grattant le crâne. Peut-être réalisaient-ils maintenant qu'il était trop tard, ou pensaient-ils aux enfants quelques mètres plus haut qui rêvaient de ce magicien qui prendrait soin de leur mère qui gisait déjà à quelques centimètres du sol. Phyress contempla le tas de terre en laissant sa flèche tranquille et émit l'idée de couvrir la tombe avec des branches que les enfants ne voient pas ce qu'il était advenu de leur mère.

Landru secoua les épaules et s'exécuta, Luk quant à lui donna un petit coup du bout de sa botte dans le pieu de fer qui était si enfoncé qu'il ne bougeait pas d'un pouce. " On a fait le bon choix, ma fille. La guerre approche, il était trop dangereux de la laisser vivre... On va couvrir la fosse et aller chercher les enfants... Ils ont mérité un bon repas. "

La jeune femme sentait son nez picoter, elle faisait de son mieux pour retenir ses larmes et se sentait infiniment impuissante en apprenant que c'était là le prix d'une mère... Un bon repas. La jeune archère se maudissait d'avoir croisé le regard de l'aubergiste, car voilà qu'elle se voyait déjà protéger ces marmots qu'elle ne connaissait pas de peur qu'ils ne soient mis de côté pour une raison aussi ridicule que d'être trois petites bouches à nourrir en temps de guerre. Elle inspecta sa bourse à sa ceinture, mais le cuir mou qui ployait sans résistance dans sa main lui laissait entendre qu'elle n'avait pas de quoi subvenir à ses propres besoins, alors s'ajouter la lourde charge de trois enfants... Elle réalisa ce que le monde vivait en ces temps troublés.

Luk prit Phyress sous son épaule et lui dit à quel point elle avait été courageuse et clairvoyante avec les enfants. Contrairement à ce qu'il disait, elle se sentait honteuse, mauvaise, cruelle d'avoir menti à trois bambins tandis qu'elle assassinait leur mère. Ses pleurs montaient de plus en plus, troublant son visage grave et éteint alors qu'elle s'imaginait déjà voir les enfants faire bon accueil à l'assassin de leur maman.

Un ricanement plus net se fit entendre. Phyress tourna la tête et entendit un claquement suivi d'un sifflement fendant l'air. Landru était au dessus de la fosse à la couvrir de branches, il chancela et posa un genou dans la terre ensanglantée. Une flèche noire venait de se ficher dans son épaule. Phyress ne put retenir un cri d'effroi en voyant les créatures sortir des buissons. Petits êtres verts aux membres aussi fins que des enfants mal nourris, ils portaient des pièces d'armure cabossées et dépareillées, certains armés de lance, de massue ou encore d'arc. L'un d'eux avait fait mouche mais la seconde flèche passa largement au dessus de Landru qui se relevait en toute hâte.

" Des gobelins ! " Vociféra Luk en repoussa Phyress derrière lui. La jeune femme tendit son arc et chercha une flèche de son autre main, se perdant entre les plumes et ses doigts tremblants. Luk fondit vers Landru armé du marteau qui avait servi à enfoncer le pieu, les gobelins se séparaient, Phyress en comptait une quinzaine. Trois suivirent Landru et les autres fondaient sur le cheval encore attaché à la charrette, la bête hennît en cherchant à échapper à ses monstres mais le poids de la charge était trop grand, la dernière chose que Phyress vit, ce fut le cheval entièrement recouvert des gobelins qui sautaient et s'agrippaient à la monture qui chancelait sous les coups reçus.

La jeune femme décocha une flèche mais elle manqua ses cibles pour se perdre derrière les buissons, hors de portée. Luk envoya un fantastique coup de marteau dans la mâchoire d'un gobelin qui en perdit ses dents ainsi que l'équilibre. La créature hideuse roula à terre mais encore invaincue, elle se releva en tenant le reste de sa mâchoire brisée entre ses doigts crochus et sifflait de rage. Landru tenait son épaule, vert de peur et avançait péniblement sur les quelques mètres qui le séparait de Phyress. La jeune archère reculait sans même s'en rendre compte, elle était déjà sur le seuil de la maison, dominant tout ce terrain devenu un lieu de guerre. Le cheval tué, la douzaine de gobelins joignirent les autres. Une autre flèche vint traverser la gorge de Landru tandis que trois autres se perdirent jusque dans le toit en chaume de la maison.

Luk regarda son ami s'échouer sans un bruit et resta silencieux, interdit pendant une demi-seconde qui semblait durer des lustres. Phyress décocha une nouvelle flèche avec plus de succès puisqu'elle vint se ficher dans le col de l'armure d'un gobelin - pas celui qu'elle visait mais c'était un bon début. Dans un couinement plaintif, le gobelin tomba à la renverse et agitait ses membres comme une araignée en détresse.

Ses sens s'affutaient, Phyress plissait les yeux pour s'assurer de toucher ses cibles, comme si elle ne cherchait qu'à voir les ombres glissantes des Sektegs. Elle décocha de nouveau une flèche qui se perdit dans l'herbe. Ses mains tremblaient, ses épaules parsemées de spasmes, ses jambes cotonneuses, la jeune archère faisait là son premier combat armé et n'avait pas le mental de fer des soldats. Ses mouvements étaient gauches, ses tirs peu précis, Landru la repoussa à l'intérieur de la maison et Phyress perdit l'équilibre. Son carcois se détacha et tomba à terre, perdant toutes les flèches de la femme sur la terre battue. Luk allait passer la porte, sa grande stature prenait presque tout le pas de porte et tandis qu'elle l'observait, comme un géant prêt à la protéger, Phyress reçu un liquide chaud au visage, il collait sa peau et dégageait une odeur puissante, celle du fer et de la mort. Une flèche venait de perforer le ventre de Luk, se sachant condamné et peut-être voulant expier les fautes de son existence, il recula d'un pas et claqua lourdement la porte.

Phyress, toujours sur les fesses se releva comme propulsé par un spasme de panique et sans même réfléchir à la condition de Luk, bloqua la porte en renversant une étagère devant. Le geste était risible, la frêle étagère d'osier n'opposerait pas une résistance suffisante à qui voudrait ouvrir la porte, et bien que les gobelins ne semblent pas massifs, ils étaient une quinzaine et trouveraient un moyen de venir terminer le travail.

Phyress tournait le dos à la porte, elle tenait sa tête entre ses mains et tâcha de faire abstraction des hurlements de Luk derrière la porte. Devant elle, les trois enfants se tenaient par la main, leurs grands yeux apeurés devant la jeune femme.
(" Phyress !") Clama la Faera !
(" Je n'arrive pas à penser ! Qu'est ce qu'on va faire ! Qu'est ce qu'on va faire ! ") En proie à la panique la plus totale, elle se jeta dans les bras des enfants et les serra fort contre elle. Leurs petites mains se collaient contre son dos, glacé de sueur et dans ses cheveux blonds. Les marmots tremblaient mais restaient dans un profond silence, comme s'ils venaient de comprendre.
(" Phyress... Tu as perdu ton carquois. ") Dit la Faera d'un ton grave et glacé.

La pulsation d'adrénaline manqua de faire défaillir son coeur, elle se releva immédiatement sans prévenir les enfants qui, étonnés, reculèrent pour mieux s'agglutiner les uns aux autres pour se protéger mutuellement. Elle palpa sa ceinture, là où se trouvait son carquois mais n'y trouva que sa cuisse. Les flèches avaient disparues, il n'en restait que quelques unes éparpillées à l'entrée. " Restez là mes trésors, je.. J'arrive. "

L'archère se pencha derrière la porte, Luk avait arrêté de crier et déjà les gobelins grattaient la porte comme des prédateurs monstrueux, prêts à déferler et tuer tout le monde. Phyress ramassa ses flèches, elle n'en comptait que quatre qu'elle planta au sol, bien alignées devant la porte, prête à tirer.
(" Peut-être que si je tue le premier, il bouchera l'entrée et ainsi de suite, ça me donnera un peu de temps. ") Face à cet espoir délirant, la Faera de glace se montra plus clairvoyante.
(" Non ma Douce... Ce n'est pas envisageable. Tu ne pourras pas protéger les enfants. Ils vont rentrer, tôt ou tard. On sait toutes deux comment ça va finir. ")

Phyress baissa son arc et sanglota. De grosses larmes brillantes dévalaient ses joues rougies et tombaient sur la terre poussiéreuse de la maisonnée. Elle se tourna vers les enfants, laissant tomber son arc. Elle n'en avait plus besoin, s'il fallait attendre que la mort daigne passer la porte, pourquoi lui résister ? C'était là le prix à payer pour avoir tué une guérisseuse ?

" Mes chéris... Je suis désolée, il va falloir être très courageux... Comme de preux chevaliers. Il y a de vilaines créatures, mais... "
Un des marmots ne lui laissa pas terminer. " Mais, et le magicien ? Pourquoi il nous protège pas ? "

Phyress renifla un glaire salé et écrasait les petites joues dodues du marmot entre ses mains et fit pleuvoir des baisers humides sur sa bouille ahurie.
" Il va nous protéger... Le magicien va nous protéger mais il veut que je fasse quelque chose d'abord. "
(" Oh... ") Mentionna Lys, elle qui venait de comprendre l'idée qui germait dans l'esprit de Phyress la trouva à la fois très noble, courageuse... Et cruelle.
" Le magicien va venir, mais il est très secret... Il veut.. Il m'a demandé que vous vous tourniez chacun face à un mur. Il faudra ensuite se boucher les oreilles car il ne faut pas que vous reteniez ses formules magiques, elles sont très anciennes... " Un craquement de la porte alarma davantage la jeune femme, il lui fallait faire vite. Phyress avait été contrainte de faire un acte de " bienveillance " pour la mère, voilà qu'elle se faisait un devoir sacré de protéger les enfants des gobelins, et face à cette situation désespérante, elle entreprit de les placer chacun face à un mur et leur demanda de se boucher les oreilles et fermer les yeux aussi fort qu'ils le pouvaient.

Elle ramassa son arc. La porte tambourinait puis cessa un instant. La jeune femme aux yeux brouillés de larmes comprit très vite pourquoi ils cessaient de cogner la porte, un nuage de fumée piquante commençait à tomber de la toiture. Phyress pointa la flèche rivée sur la corde tendue dans le dos du premier enfant.

Elle tomba à genou en même temps que lui, laissant son arc et ses flèches restantes s'échapper de ses mains qu'elle colla à son visage. Essuyant les flots de larmes et son nez qui faisait s'écouler la morve jusque dans sa bouche. Phyress se mordait la langue pour ne pas crier, le goût du sang de Luk et le sel de ses larmes se mélangeait à l'amertume infinie que lui infligeait de tuer des enfants. Se ressaisissant, elle banda une seconde flèche sur le second garçon. Et enfin le troisième.

Assise à même la poussière, elle ne pleurait plus. Au dessus d'elle, la chaume et l'osier crépitait et tombaient en une pluie nonchalante de cendre incandescente. L'air était lourd mais les pluies récentes avaient rendu la toiture humide et le feu n'avait pas pris comme les gobelins l'espérait. C'était ce qui sauva Phyress ce jour là.

De nouveau, les bruits répétés à l'extérieur retentissaient jusqu'à ses oreilles, des bruits sourds et violents comme si de rage les gobelins se battaient entre eux et cherchaient à défaire la pierre en cognant dessus. La porte reçut un puissant choc. " Ils ont du prendre un rondin et faire un bélier... C'est fini. " Dit-elle tout bas en se relevant.

Une migraine douloureuse lui barrait le front, le stress, les larmes, le profond désespoir avaient eu raison de sa bonne volonté et de son courage jusque là infini. Elle avança jusqu'à un bambin, derrière elle une latte de porte craqua douloureusement. Elle caressait les cheveux du petit bonhomme mort face à la poussière. Phyress se rassurait en se disant que c'était là un destin bien plus enviable que de mourir de la mains des gobelins, l'horreur à jamais gravée dans ses derniers souvenirs. Là, il semblait dormir paisiblement, la tête pleine de magnifiques rêves où les magiciens sauvaient les opprimés.

Elle posa sa main autour de la flèche plantée entre ses omoplates, le pouce et l'index enfermaient la flèche qu'elle tira de sa seconde main. Un chuintement de chair et d'os fragiles, un peu de sang. C'était là une vie qui tombait dans le néant.

Si on devait lui demander ce qui passa alors dans son esprit, Phyress serait probablement incapable de l'expliquer, mais pour la première fois depuis longtemps, son coeur noircit de colère et elle se tenait devant la porte, le visage grave avec la profonde envie de tuer le plus de Sektegs possible avant de rejoindre à son tour le monde merveilleux qui germait dans les esprits des enfants.

Si leurs âmes s'étaient déjà détachées, avaient-ils compris ? Pouvait-elle espérer leur pardon ?

Dehors, le vacarme était assourdissant et au dessus d'elle, la toiture crépitait et la fumée grise devenait plus opaque, noire, irrespirable et âcre jusque dans le fond de sa gorge.

La porte fut heurtée une fois encore, puis une seconde, suivie d'une troisième et lorsqu'elle s'ouvrit en grand, l'appel d'air fit un éclair de flammes au dessus du palier, aveuglant la jeune femme. Elle décocha sa flèche sur l'ombre qui se tenait devant la porte. (" Attend !") Tenta d'intervenir Lys mais trop tard, la flèche volait jusqu'à une forme bipède bien trop haute et large pour appartenir à un gobelin. Alors qu'elle fantasmait l'idée folle que Luk ait survécu, ses yeux rouges de larmes et de fumée distinguèrent une armure complète, la flèche ne parvint pas à la traverser et rebondit sur le plastron de l'homme armé d'un grand sabre.

C'était un des guerriers d'Oranan, un Samouraï. Phyress n'en revenait pas... Les bruits du dehors n'étaient ceux des gobelins qui attaquaient la maison, mais celui des Samouraïs qui étaient tombés sur les gobelins. L'armure approcha d'un pas lourd face à une Phyress complètement déboussolée, il lui arracha son arc des mains et la souleva sur son épaule pour la conduire à l'extérieur.

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Re: Le Village d'Ishikawa

Message par Gamemaster5 » sam. 10 avr. 2021 15:40

Intervention GMique pour Phyress


Sans ménagement, la jeune femme est déposée au milieu de ce qui a été le petit jardin de la guérisseuse et qui est désormais également son dernier lieu de repos. Autour d'elles, les cadavres des Sektegs baignent dans leur propre sang et celui de Luk, atrocement épinglé et lacéré au mur de la maison. Les petits êtres l'ont mis en pièces, et l'un d'eux est même mort d'une large entaille dans le dos, mais toujours la main refermée sur la courte épée qu'il enfonçait dans la cuisse du pauvre villageois. Un homme, grand, armé d'un nodachi, écarte alors le Sekteg pour traîner à l'écart des flammes le corps du malheureux, avec une relative aisance témoignant d'une grande force. Il dépose le cadavre et referme les paupières de ce dernier, avant de se tourner vers l'archère désarmée. Un regard froid, sans émotion, professionnel. Mais qui se crispe quand ses yeux passent dans son dos pour se concentrer sur son collègue, extrayant en hâte les corps de deux des enfants morts. Bien l'en prend de sortir si vite car juste après, le bois gémit et rompt, faisant s'écrouler la maison dans un fracas de bois, d'échardes ardentes et de cendres aériennes. Les deux bambins sont allongés à côté du villageois, proches de la tombe de leur mère, ironiquement.

Autour, le village est entré en mouvement. On s'écrit, on réveille, on rassemble seaux et bassines pour les remplir d'eau et endiguer un maximum les flammes et empêcher le feu de se propager aux autres habitations. Un troisième soldat oranais émerge alors. Son armure de plates est comme les autres vertes et grises, aux couleurs de la république Ynorienne, mais la sienne a en plus des épaulettes décorées : sans doute un gradé. A la ceinture, un sabre court pend ainsi qu'un carquois à moitié remplis de carreaux. Il est d'ailleurs en train d'armer son arbalète de poing tout en rejoignant ses deux comparses.

"Je me suis occupé du rat vert fuyard. Hoshino, Taram, c'est ce qu'il y avait dans la maison ? demande le nouveau venu en pointant du doigt les deux petits corps.

- Oui sergent. Morts. Je sais pas si y avait d'autres personnes, trop de fumée et la maison allait s'effondrer.

- Misère...

- Il y a autre chose, sergent. ajoute le soldat en pointant la jeune femme du doigt à son tour. Elle était à l'intérieur de la maison. Avec un arc. Et ça... C'est pas des blessures de flèches Sektegs."

Il retourne le corps en douceur, dévoilant le dos ensanglanté du petit garçon. Les trois hommes se concertent du regard, puis se tournent vers Phyress. Les regards ont beau être inexpressifs, les mains qui se resserrent sur les poignées de leurs armes respectives sont suffisamment équivoques.

"Vous là. Que s'est-il passé ?"
Allez, viens mon copain ! Si tu as des questions n'hésite pas !



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Re: Le Village d'Ishikawa

Message par Phyress » lun. 12 avr. 2021 18:27

Sans ménagement, aucun, Phyress s'était retrouvée échouée à même le sol. Les soldats commençaient à évacuer les morts en vitesse avant que la fumée de chaume ne fasse une brouillard aussi opaque que toxique. Luk avait été mis en pièce, elle avait beau vouloir fermer les yeux de toutes ses forces, Phyress n'avait pu résister à cette curiosité morbide et avait vu le forgeron en pièce, compoté par les nombreux gobelins qui l'avaient dépassé en nombre et en force. Mais ces derniers avaient manifestement été surpris, trop occupés à déchiqueter le forgeron et vouloir entrer dans la maison, l'un d'eux était mort en enfonçant son épée dans la cuisse de Luk. Les monstres n'avaient pas vu les soldats arriver, malgré leur armures épaisses, ils semblaient être d'une grande discrétion et le tapis d'herbe avait étouffé leur arrivée.

A peine un des Samouraï sorti de la maison, les deux corps d'enfants sous le bras, celle-ci s'affaissa lourdement et de grandes gerbes d'étincelles dansaient dans les volutes de fumée grises qui tournaient peu à peu au noir. Là où les alentours s'activaient pour contenir le foyer naissant, un autre soldat d'Oranan apparut. Il portait une armure aux couleurs des autres soldats mais un détail coloré le distinguait, à son arrivée, les hommes semblaient prêter attention à ce qu'il disait, Phyress estimait que ce devait être lui le commandant de la troupe.

Les fesses humides dans l'herbe fraiche, la jeune femme se recroquevillait et entoura ses genoux de ses bras, posant sa tête ses rotules et se balançait d'avant en arrière comme pour se bercer et oublier ce qu'elle venait de vivre. La fumée piquait ses yeux et sa gorge était aussi sèche qu'un sabot de golem. Des larmes coulaient sur ses joues, déjà grisées par la cendre et la poussière. Dans cet état lamentable, elle observait fébrilement le Samouraï recharger une arbalète tandis qu'il affirmait à ses hommes que le derniers des Sektegs n'avait pu aller au bout de sa fuite.

Celui qui avait extrait les enfants de la chaumière interpella les autres hommes sur les blessures qu'ils avaient. Avec une précaution extrême, comme un père aimant, ils manipulaient les petits hommes qui semblaient dormir pour inspecter les blessures. Celles de Phyress. Tous s'échangèrent des regards concernés et l'un d'eux se tourna pour exiger des explications.

Elle ne vit pas les mains tendues sur les sabres, elle ne croisa que leur regard froid et s'effondra. Elle sanglota lourdement la tête enfoncée dans ses genoux, en proie à un désespoir total. Jamais la jeune femme ne s'était sentie aussi seule depuis qu'elle avait quitté son village en quête d'aventures, la voilà potentiellement accusée de meurtre sur des enfants sans défense.

C'est la cloche au nez et la morve lui collant jusqu'aux lèvres, le visage hagard, traversé de larmes qui creusaient des sillons dans la poussière et la suie sur ses joues.
" Ils étaient si petits... Sans défense... Je voulais pas que les monstres les mangent. " Elle renifla et manqua de s'étouffer sur son glaire, les yeux brouillés de larmes, elle continua : " J'ai perdu mes flèches, je voulais pas qu'ils soient terrorisés. Je leur ai chanté une chanson et j'ai voulu les préserver de ce monde si cruel. "

S'enfonçant une nouvelle fois la tête dans les genoux, Phyress toussait à s'en dérailler la voix, prise d'une crise d'angoisse accentuée d'une grande détresse et de la panique, le stress de cette situation catastrophique devenait insurmontable pour la jeune femme.

La voix saccadée, elle peinait à s'exprimer, s'arrêtant à de nombreuses reprises pour reprendre son souffle :
" Ils étaient... sans défense. Et les monstres. Ils grattaient. Et le feu au dessus de nos têtes... Je voulais pas qu'ils meurent de leur mains. Je voulais pas qu'ils touchent à leur petits corps et en fassent des trophées. Je voulais qu'il parte en paix et l'esprit léger. J'ai raconté une histoire, chanté une petite chanson... Derrière la porte ils voulaient entrer. Ils voulaient nous tuer. J'ai eu si peur... Je croyais mourir. Leurs cris... Ces monstres ricanaient. Ils riaient ! Ils riaient.. "

Dans une dernière grimace, elle toussa, les larmes ne coulaient plus de ses yeux rougis d'avoir tant versé de désespoir. Elle aurait bien voulu implorer la pitié des hommes, ils allaient devoir décider du sort de la jeune femme. Elle ne parvenait pas à penser ni à aligner deux idées claires. Elle ne réalisait même pas que son discours était à peine compréhensible à cause de ses crises de larmes. La jeune femme s'enfonça encore plus dans sa position défense, comme si elle souhaitait disparaître sur elle même. Peut-être se réveillerait-elle dans son lit, dans son petit village à l'ombre de Kendra Kâr.

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Re: Le Village d'Ishikawa

Message par Gamemaster5 » mar. 20 avr. 2021 22:48

Intervention GMique pour Phyress


Les explications de l'archère laissent interdits les soldats, alors que les pièces du puzzle se mettent lentement en place dans leur tête à mesure qu'ils assimilent les paroles confuses de la jeune femme. A part le crépitement des flammes et le chuintement de celles qui s'éteignent sous les assauts répétés des villageois, le silence règne, dans ce jardin devenu tombeau. Puis, l'un d'eux s'avance. C'est celui qui porte le naginata, et il a l'air décidé à faire justice pour les pauvres enfants. Il ève bien haut son arme, s'apprête à l'abattre... Quand un solide bras cuirassé vient crocheter le bras armé. Le gradé empêche son subordonné d'exécuter Phyress, et le résonne.

"Taram. Arrête ça tout de suite. demande le nouveau venu en pointant du doigt les deux petits corps.

- Sergent...! Cette Kendrane, elle a assassinée des enfants ! Les a abattus comme des chiens !

- Taram, c'est un ordre."

Le regard emplis de colère et de haine se fiche dans les prunelles de la jeune femme, avant de se détourner et de partir d'un pas rageur, arguant qu'il va monter la garde, pour ne pas que d'autres Sektegs fassent surface. Le sergent se tourne quant à lui vers l'accusée et si ses yeux ne sont pas aussi hostiles que ceux Taram, il n'exprime pas pour autant de la compassion.

"Si ce n'était pour la présence évidente de remords et de désespoir, commence-t-il en surveillant d'un coup d'oeil son autre subordonné resté immobile, je l'aurais laissé vous trancher la gorge sans remords. Vous avez été motivé par de... Bonnes... Intentions. Et pour ça, vous avez la vie sauve. Pour l'instant."

Du pouce, il montre les villageois : si la plupart s'évertuent encore à contenir l'incendie, d'autres te fixent avec attention. Et la flamme qui brûle dans leurs yeux n'est pas que le reflet de la maison ardente.

"Vous allez devoir choisir, Kendrane. Laisser le village décider de votre sort, ou vous constituer prisonnière et être jugée par le Magistrat Glacial. Puisse le sagesse de Rana vous aider à faire votre choix."

La dernière partie semble être une phrase rituelle qu'il prononce avec assez peu de conviction : s'il croit effectivement en la Sagesse de sa déesse tutélaire, il n'est pas sûr de savoir si Phyress la mérite.
Allez, viens mon copain ! Si tu as des questions n'hésite pas !



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Re: Le Village d'Ishikawa

Message par Phyress » sam. 24 avr. 2021 16:39

A peine venait-elle de donner sa défense, ses maigres explications, Phyress se sentait déjà condamnée. Elle essayait de présenter une réponse valable aux interrogations des soldats mais elle même n'était pas sûre d'avoir fait le bon choix. Elle observait à la dérobée le corps étendu des enfants dans l'herbe fraîche, son cerveau envoyait des messages d'alerte pour protéger sa santé mentale, elle se faisait violence pour ne pas regarder les petits corps sans vie, et encore plus d'effort lui était nécessaire pour simplement se convaincre qu'elle avait fait le bon choix. Malgré ça, l'ombre impitoyable du remord planait, laissant sa simple présence ici une preuve flagrante que tous auraient pu s'en tirer si elle n'avait pas décidé de les abattre

Un des hommes avança vers elle en tirant son arme. Phyress leva les yeux sur cet homme au regard noir, le clair de son sabre luisait dans le brouillard que vomissait les flammes derrière eux. Dans cette vision funeste, Phyress recula en se trainant en arrière, comme un animal apeuré, fermant les yeux et plaçant son avant bras devant son visage dans un futile espoir d'en réchapper ou de ne pas voir le coup arriver. Mais un bruit de métal froissé résonna, un choc, un bras entravé d'une armure complète venait d'arrêter le coup meurtrier. Phyress était encore sous le choc mais prêta attention, ses sens affûtés par une effroyable peur de mourir.

L'officier venait d'arrêter la mise à mort, manifestement celui-ci avait cru comprendre la petite flamme si fragile, cette émotion que Phyress avait voulu leur transmettre, mais cette petite flamme si fragile, presque indéfendable n'avait pas eu la lueur nécessaire pour animer la compassion du dénommé Taram qui voyait en elle le monstre qu'elle souhaitait ne jamais être.

Après les délibérés, le soldat se congédia pour faire la ronde, prétextant inspecter les lieux en cas de nouveau gobelin.

Le supérieur quant à lui gardait cet aspect froid, impénétrable comme le métal de son armure. Il expliqua à la jeune femme que ses intentions étaient nobles malgré les conséquences funestes. Un feu d'artifice d'adrénaline éclatait dans sa poitrine. Mais compte tenu du crime abject de trois enfants, elle devait malgré tout répondre de ses actes. Aussi il se montra fort magnanime et lui offrit de décider de son sort.

(" Alors... Aussi étonnant que ça puisse paraître. Je recommande pas du tout les villageois. ")
(" Par Gaïa non, ils vont me tuer sur place... Le Sénateur comment ? ")
(" Magistrat. Glacial. A force de rien écouter tu vas finir par avoir des problèmes. ")
(" Je crois que j'en ai déjà bien assez. Je vais choisir le sénateur. ")
(" MAGISTRAT.")

La bouche tremblante du stress et de nervosité, Phyress parvint à articuler ces quelques mots : " Je m'en remets à vous... Pitiez... Me laissez pas dans ce village... Ils vont me tuer. "

Ses larmes roulaient le long des joues, longeant la courbe de son petit nez et se mêla à sa morve luisante qu'elle essuya d'un revers de manche.

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