La Mer Verte

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Yuimen
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La Mer Verte

Message par Yuimen » sam. 3 nov. 2018 19:26

Mer verte


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La mer verte est une curiosité de la nature. C’est en effet le seul endroit connu de Yuimen où l’on peut trouver de la veule. C’est une plante envahissante qui a la propriété de retenir énormément d’humidité qui se condense sous la forme de petites gouttes. La Mer verte se trouve entre la côte et le lac de Nostyla, ce qui lui fournit une position idéale, coincée entre deux très grandes sources d'humidité. La veule est très fine ce qui ne gêne pas les déplacements comme de l’eau, ondulant au gré du vent comme des vagues. On a donc réellement l’impression de marcher dans une mer végétale, d’où vient son nom.
La sensation étrange que procure la veule éloigne la plupart des animaux terrestres imposants, alors que les petits y voient un havre de paix. C’est également un vivier très propice pour les animaux amphibiens tels que les sauriens type crocodiles.
Une route a été aménagée et relie Oranan à Bouhen et comporte une unique étape-relai en plein milieu de la mer. Seule construction civilisée, son entretien ainsi que celui de la route est conséquent pour empêcher la veule d’envahir la route et de saper les fondations du bâtiment de par son humidité. C’est cet entretien conséquent et l’impossibilité de pouvoir cultiver à cause de l’invasivité de la veule qui rend l’installation de paysans compliqué, surtout lorsque les autres terres ynoriennes sont très fertiles. Vous y trouverez néanmoins un accueil des plus chaleureux, dans la plus pure tradition Ynorienne.

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Daemon
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Re: La Mer Verte

Message par Daemon » jeu. 28 mars 2019 19:31

- I -

Loin des chemins et des sentiers, Azra et Daemon voyageaient à la faveur de la nuit. Ils traversaient la grande plaine d'Oranan en traçant un sillon unique dans l'étendue d’herbe, seulement éclairée par une lune gibbeuse. Les flancs boisés des montagnes à l'est les surplombaient, offrant une perspective aussi gigantesque que lointaine. Ils suivaient le lent dénivelé qui coulait vers les basses terres, où se reflétait sur l’étendue noire de Nostyla le scintillement lointain et timide des étoiles. Ils progressaient depuis déjà deux jours et la marche forcée du voyage de l’autre côté de la porte, à travers les terres sauvages d’Aliaénon, avaient contribué à inscrire une fatigue constante chez le semi-elfe. La liche qui l’accompagnait n’avait cependant pas ce problème et elle se plaisait à le lui rappeler, soucieuse de souligner les commodités de son immortalité.

« Je maintiens qu'acheter des montures était une bonne idée. J’en ai plein des bottes... Tu n’aurais pas du pousser un rire pareil devant le palefrenier, ni le traiter de pauvre mortel... »

Un souffle glacial lui répondit, amère et hautain, qu’il n’aimait guère les moins que rien qui proposaient des prix honteux pour des bêtes moitié mortes. Il était apparemment dur en affaire et cela n’arrangeait pas les siennes, même si, au demeurant, Daemon n'avait pas réellement pensé à sa destination. Une certaine inquiétude l'investissait progressivement à l'idée de retrouver le domaine d'Endor.

« Je dois avouer ne pas avoir été tout à fait honnête avec toi, Premier Messager. » dit-il avec un tact qui ne lui était pas habituel. « Je n’ai pas quitté Endor avec les bonnes grâces de l’ordre… en réalité… hum, comment dire. Il y a eu quelques vagues. »

Azra eut un moment de réflexion assez lourd, puis il demanda si ces vagues n’avaient pas un lien avec une jeune femme aux cheveux noirs nommé Zéphanie d’Endor.

« Non, pas du tout. Inconnue au bataillon ! Sauf si cette jeune femme faisait un mètre trente et avait une grosse barbe rousse. »

Son compère eut l’air surpris et répondit qu’il n’y aurait bientôt plus de problème. Il était surtout curieux d’en entendre davantage sur les croyances et les rites pratiqués par les Messagers du Corbeau, et il voulait en savoir plus sur leurs dirigeants, les fameux Lords.

« J’y viens, j’y viens. Laisse moi finir mon histoire ! » rétorqua Daemon qui avait retrouvé sa fougue.

« J’ai servi de bourreau. Korben, mon ami, fut exécuté de mes propres mains en accord avec nos préceptes, et ce fut une véritable délivrance au regard de ses tourments. Cependant, je ne sais pas comment, la ferveur s’est inversée et Korben est devenu un martyr.

Dire que je me suis porté volontaire envers le dégoût que m'ont inspiré mes frères… à se bousculer avec leurs gueules veules pour mettre un terme au traitre. Ces même gens qui m’ont accusé par la suite. Même la dame blanche, Kadria, la plus influente des Lords et dont j’avais les bonnes grâces, ne s’est pas manifestée pour me venir en aide… C’est à ne rien y comprendre.

Bref. J’ai du fuir et la nécromancienne Merilian m’a aidé. Elle m’a exhorté de retrouver le Premier Messager pour résoudre le conflit naissant et ainsi me permettre de retrouver une place dans la guilde. »


Azra l’avait écouté avec attention. Il se fit plus pragmatique et ôta ses illusions sur le fait que sa seule apparition résoudrait tous les problèmes. Il avait peut-être tué un traitre, mais ce n’était pas l’avis de tous.

« Peu importe. » dit-il en dressant son poing ganté. « Avec ou sans toi, je suis déterminé à réintégrer la guilde et cela même si elle doit se résumer à un tas de cadavres. »

Le nécromancien loua sa volonté et l’invita à la cultiver, redoutant cependant qu’elle ne prenne le pas sur sa prudence.

« J’ai déjà trop attendu mon heure. » répondit Daemon en plissant les yeux vers les hauteurs. « Bien qu'il semblerait que la prudence soit de mise. »

Au dessous des montagnes, au loin, des ombres se détachaient de l’orée de la forêt. Ils s’accroupirent dans les hautes herbes pour se dissimuler. Le grondement des sabots sur le sol se fit entendre, puis des hennissements, et ils durent se rendre à l’évidence : ils étaient encerclés.


- III -
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Daemon
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Re: La Mer Verte

Message par Daemon » jeu. 28 mars 2019 19:32

- II -

Tapis dans les hautes herbes, Daemon ne pouvait voir que les étoiles. Le bruit des sabots se fit entendre et l’idée d’une rencontre au cœur de la nuit et au milieu de nulle part ne lui disait rien qui vaille. Il adressa un regard à Azra, avant de lever les yeux au ciel, moitié moins craintif qu’exaspéré.
Le vent porta des voix mesurés, jusqu’à ce qu’une éclate plus fort et sans retenue : « Ils sont là ! » et, répondant à l’invitation, ils se dressèrent au dessus des hautes herbes. Ils étaient au centre d’un cercle de cavaliers. La malice se lisait dans les regards brillants des nouveaux arrivants et déjà des lames scintillaient sous la lune. Des piaillements montèrent ça et là, et un sinistre cavalier coiffé d’un large chapeau en osier sortit du lot, sa stature imposant immédiatement le silence.

« Toute fuite sera vaine et vous n’avez nulle part où vous cacher. Cette plaine est mienne et seul des inconscients la traverse si loin des routes, même s’il est évident que vous n’êtes pas originaires de ces terres. Alors, voyageurs, qu’est ce qui vous amène ici ? »

Sa voix était grave et montait comme un grondement. De plus près, Daemon put constater que son cheval était bien plus grand que la normale et à la mesure de celui qui le montait. Une épée crantée qui avait apparemment bien servi pendait sur le flanc de la bête.

« Nous sommes en voyage de noce, cela me paraît évident. » répondit Daemon en se dandinant.

Son impudence fit ricaner le chef des bandits, et ses sbires l’imitèrent. Il descendit alors de sa monture et le silence ce fit de nouveau, mais cette fois-ci ce n’était pas une marque de respect, mais un silence attentif et plein d’excitation. Il saisit son arme de la main gauche et vint surplomber Daemon de toute sa taille.

« Tu es un drôle toi. Je suis d’humeur généreuse et je ne manque jamais une distraction. Alors vas y, fait moi rire et je t’épargnerai. »

Des encouragements fusèrent tout autour, chacun des hommes se demandant à quel moment sa tête se décrocherait de ses épaules. Daemon préféra les ignorer et après avoir consulté Azra du regard, qui restait évidemment muet comme une tombe avec son air de « tu cherches les noises, alors débrouille toi », il décida de continuer sur sa lancée comique.

« Puisque nous sommes des hommes courtois et de bonnes manières... » Il s’approcha sensiblement du mastodonte pour le toiser bien d’en dessous, et poursuivit. « Je te laisse une chance de faire demi-tour, de poser ton cul sur ton canasson et de partir avant que je t’ouvre en deux, toi et tes jolies copines. »

Des rires et des hoquets montèrent, se tarirent et reprirent, sans parvenir à se maintenir sans une réaction claire du chef, qui était resté stoïque, quoique parcourut de quelques spasmes. Soudain, il empoigna Daemon à la gorge et le souleva comme un fétu de paille. Une ovation monta et Azra plaqua une main désespérée sur son masque.

« Je dois avouer qu’elle est bien bonne celle là ! Je ne m’y attendais pas, si ce n’est qu’elle m’a aussi donné envie de t’ouvrir en deux ! »

Il brandit alors le semi-elfe aussi haut qu’il put et écarta son épée pleine de crans, prête à frapper. Daemon arrêta aussitôt sa comédie et planta les griffes de son gantelet. Le misérable hurla et lâcha prise sous la douleur insoutenable de Thimoros, avant de réaliser qu’il s’apprêtait à lui porter un coup. Daemon eut à peine le temps de se réceptionner et se courber en arrière pour voir l’acier passer devant ses yeux. L’herbe amortit sa chute, ce qui lui permit de réagir assez promptement lorsque la lame s’abattit sur lui.

Le chef des bandits était peut-être imposant, mais loin d’être ventripotent. Ses assauts étaient brutaux et décisifs, révélateurs d’une expérience évidente. Aussi, la réflexion était un fardeau pour celui qui avait la force et l’allonge nécessaire pour ne souffrir d’aucun complexe ; son bras s’abattait avant même qu’il n’y songe, mû par le simple et pur désir de tailler en pièces son adversaire. Mais pour l’instant, il taillait seulement de l'herbe, tandis que Daemon esquivait avec des roulades paniquées, mais calculées.

Quand il en eut l’occasion, il glissa entre ses jambes et resta dans son ombre. Le bandit souleva alors son sabre à deux mains en hurlant, et ce fut l’instant que Daemon choisit pour bondir et disloquer sa mâchoire d’un uppercut. Le chapeau se décrocha sous l’impact, et le colosse tomba lourdement en arrière.

Les acclamations s’éteignirent et un silence pensant s’installa. Les maraudeurs attendaient surement le réveil de leur maitre.

Un cri retentit alors. Un moustachu coiffé d’un chignon ridicule accourut sabre levé pour rétablir l’ordre des choses. Daemon se détourna subitement et plongea un regard haineux dans le sien. L’homme se figea, paralysé, les yeux écarquillés et il se mit à hurler de plus belle, avant que, d’un coup de griffe, sa gorge se disloque en un jet de pulpes sanguinolentes.

« Deux chevaux nous suffirons. Vous pouvez partir. »

La rage bouillonna dans l’assemblé et ils chargèrent tout azimut. A peine avait-il esquivé des sabots furieux que d’autres arrivaient en transversale, accompagnés de tailles toujours plus proches. Un cavalier finit par perdre patiente et lui sauta dessus. Daemon put lui décrocher une droite faite maison avant de le balancer par terre, quand une charge le surprit. Il eut à peine le temps de parer la lame avec son bras ganté, se protégeant ainsi de la coupure, mais pas du choc. Une fulgurance étreignit son poignet et il n’eut d’autre choix que de battre en retraite vers son compère qui… restait parfaitement immobile au milieu de l’agitation.

Un bandit vint barrer sa route, puis un second, et rapidement cinq hommes le maintinrent en respect…


- IV -
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Daemon
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Re: La Mer Verte

Message par Daemon » jeu. 28 mars 2019 19:33

- III -

Confiné à un espace restreint, Daemon se tournait et se retournait en adressant des regards furieux à ses assaillants. Une douleur aiguë montait de son poignet, qu’il tâchât de ne pas montrer, car même dans un cas de figure comme celui-ci, révéler ses faiblesses était une très mauvaise idée. Autour du cercle, d’autres hommes sur leurs chevaux décrivaient une large et hâtive circonvolution, prêt à l’intercepter à la moindre dérobade de sa part.

Alors, des félicitations montèrent au dessus du tumulte. Azra le congratula de si bien jouer avec sa mort, et les autres, oublieux de sa présence, eurent le sang glacé par sa voix d’outre-tombe. Le nécromancien évolua lentement vers le chef des bandits, délaissé dans sa pâmoison, et il tira une dague dont, même à distance, Daemon pu constater son anormalité. Il ajouta sur le ton du maitre qui donnait sa leçon que pour accomplir la volonté de Phaïtos, il était nécessaire de savoir rendre la justice de la mort. Les âmes tumultueuses qui semaient la souffrance ne devaient pas rester en ce monde, car leurs victimes gêneront le travail de leur dieu.
Si les circonstances avaient été différentes, Daemon aurait levé les yeux au ciel devant une énième tirade qu’il eut pu entendre des dizaines de fois au château. Mais cette fois-ci il en était plus que reconnaissant. Azra plongea alors sa dague dans la poitrine du brigand, et, lorsqu’il la retira, sous les yeux horrifiés de l’assistance, elle captura avec voracité une effluve bleuté émanant du cadavre. Il expliqua que son âme n’ira ainsi pas en enfer, mais le servirait dans une cause plus noble.
Des bandits fondirent aussitôt sur lui. D’un jeu de passe avec sa main libre, Azra fit jaillir des mains squelettiques du sol qui lacérèrent et précipitèrent homme et chevaux à terre. Les ennemis n’en démordirent point et furent accueillis par la dague, qui, à la surprise de Daemon, était magnée à la perfection. Trois hommes furent mis hors d’état de nuire avant qu’il n’ait eu le temps de dire ouf. Azra saisit alors son bâton et le brandit vers le ciel, et les trois victimes se relevèrent. Une véritable vague d’effroi investit les maraudeurs qui hurlèrent à l’abomination, tandis que d’autres tournaient déjà bride vers l’horizon. Azra réagit promptement et Rendrak, son compagnon liykor, sortit du sol et hurla à la lune, mettant en déroute les chevaux.

Daemon n’eut cependant pas le loisir d’en voir davantage. Il évita de justesse la pointe d’une lance et, profitant de la confusion générale, il roula hors du cercle. Un bandit qui n’avait pas l’intention de l’oublier le prit en chasse, avant de négliger l’aspect hâve et claudiquant d’un de ses ancien camarade. Daemon le regarda se faire déchiqueter sans trop savoir quoi penser, puis, songeant que l’occasion était trop bonne, il retourna dans la mêlée se saisir des montures dont les rennes étaient libres. Après avoir réussit à subtiliser deux chevaux, non sans douleurs avec son poignet en feu, il rejoignit son compère qui supervisait les finissions à distance avec son invocation.

« Pff… Merci bien. Même si ce fut un peu tardif. »

Le liykor squelette, lugubre créature aux orbites vides et à la cage thoracique béante, les rejoignit en trainant un prisonnier au bout de sa chaine.

« Bonsoir Rendrak. Ca fait longtemps. »

La créature lui renvoya l’amabilité, puis balança le captif aux pieds de son maitre. Azra soupçonnait quelque chose et le pressa de questions. Le bandit émit des mugissements étouffés et desserra les anneaux qui enserraient son cou. Après quelques balbutiements, il parvint à expliquer qu’une voix avait parlé dans leur tête. Certains avaient cru voir une dame blanche, mais pas lui. Elle leur aurait demandé de retrouver un semi-shaakt qui voyagerait sur ces contrés, mort ou vif, et ceux qui l’accompagnaient. Il jura ne pas en savoir plus et les supplia d’épargner sa vie.

Azra lui fit alors la morale (comme d’habitude, pensa Daemon), et relâcha le malheureux. Une fois qu’il fut assez loin, il proposa de charger leurs affaires sur les chevaux, tout en le félicitant pour sa prestation. Daemon acquiesça, se désista de ses quelques vivres pour les charger dans la sacoche qui pendait de la selle.

« Il a parlé d’un semi-shaakt… Il n’y a pas de doute à avoir, c’est moi qu’ils cherchaient. La dame blanche, je la connais et je t’en parlais juste avant. Il s’agit de Kadria, la plus puissante des Lords. »

Il se fit réflexif, se demandant comment elle avait pu savoir qu’il était dans les environs. C’est alors qu’il se souvint d’un élément non négligeable.

« Comment ai-je pu l’oublier !? » Son cheval hennit et tira sur la bride sous la surprise. « MORGOTH ! MORGOTH MONTRE TOI ! »

Il resta un instant immobile, puis une perle noire frémissante se détacha de son ombre. Elle virevolta autour de lui, grossissant à vue d’œil, et deux yeux d’un blanc immaculé apparurent, puis quatre pattes et une queue. Sa faera matérialisée sous sa forme de chaton lui fit face.

« C'est maintenant que tu te soucies de moi ? » dit-elle avec sa petite voix triste.

« Je t’ai appelé de nombreuses fois, sans aucun signe de ta part… »

Le ton de sa voix avait perdu toute agressivité, partagé entre le doute et le plaisir de retrouver son compagnon. Il n’avait plus eu de nouvelles depuis des semaines, alors que le chaton fantastique ne se dérangeait pas, à son habitude, d'émerger régulièrement pour se jouer de lui.

« Tu es parti arpenter un monde aux fluides instables. Si je sortais de ta relique, d’une manière ou d’une autre, je risquais de me disloquer ou que sais-je encore… »

Daemon voulut objecter, mais il dut admettre que les fluides se comportaient de manière imprévisible en Aliaénon. Il revoyait encore le déluge de flammes au dessus de Treeof.

« D’accord, d’accord. Mais dis moi, tu entretiens de bonnes relations avec le cygne de Kadria. Tu lui as parlé de notre venue ? »

Le chaton fit un signe de dénégation.

« Non, non. Pourquoi cela ? »

Evidemment, Morgoth feignait de ne pas savoir pourquoi. Il n’attendait pas de réponse et invoquait déjà ses bulles d’eau en suspension pour jouer avec, tel des pelotes de laine.
Daemon se tourna vers Azra et conclu.

« Elle nous attend. »


- V -
Modifié en dernier par Daemon le jeu. 7 janv. 2021 23:52, modifié 3 fois.

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Daemon
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Re: La Mer Verte

Message par Daemon » sam. 13 avr. 2019 13:53

- IV -

Daemon savait que son chaton magique n'était pas un chaton comme les autres. Il parlait dans sa tête, changeait de forme au gré de ses envies, et surtout, il était toujours de bon conseil. Il parlait généralement par énigme et il ne dévoilait jamais le fond de sa pensée. Il avait su intriguer le semi-elfe qui lui portait une confiance aveugle, jusqu’à maintenant…

Le chaton continua à jouer avec ses bulles. Azra l’observait avec insistance avant de se perdre dans ses pensées, ce que cru Daemon, car il conversait en réalité avec une quatrième entité. A ses côtés apparut alors une aldryde, ou ce qui s’apparentait à une aldryde : une minuscule femme aux ailes de corbeau.
Elle s’adressa à Morgoth sans préambule et s’arrêta un instant sur son nouveau nom, car c’est à l’attribution d'un nom qu’une faera s’associe à mortel. Mais son intérêt se porta sur Morwen, le cygne de Kadria, qui était censé préparer la venue du Premier Messager. Elle souligna alors l’inconstance coutumière de cette dernière, qui les desservait encore.

Azra paraissait ne pas comprendre la situation et perdait patience. Apparemment, il ignorait que sa faera et celle de Daemon, ainsi que Morwen, étaient en contact depuis bien longtemps… bien avant sa venue, à Endor, depuis le temps des premiers Lords, et bien avant encore, à l’aube du monde, aux côtés de Phaïtos…

« Morwen est un cygne noir. Il se dissimule toujours dans l’ombre de la dame blanche. » ajouta Daemon, dans l’espoir d’atténuer la frustration de son compère.

Au milieu de ses bulles d’eau en suspension, le félin jouait avec distance et ne répondit pas immédiatement à l’assertion de la femme corbeau. Il glissa d’une bulle à l'autre et se laissa tomber dans l’herbe fraiche. Les chevaux s'étaient calmés et tiraient sur leurs brides pour brouter paisiblement.

« La confiance de Morwen est toute relative. Mais tu ne vois pas assez loin. Son influence s’est déjà immiscée dans les possibles et elle compte bien éprouver ce que tu tiens pour acquis. »

Comme son maitre, la femme corbeau était contrariée. Elle s’indigna des manigances du cygne, qu’elle jugeait indignes de leur grande tâche. Azra prit alors sa faera à parti et lui demanda des explications.

Daemon aussi était en proie au doute. Il se tenait le menton en adressant un regard soupçonneux à son chaton, sourcils froncés, avant de s’exclamer haut et fort :

« Je savais bien que tu lui avait parlé ! Vilain le chat ! Vilain ! »


- VI -
Modifié en dernier par Daemon le jeu. 7 janv. 2021 22:38, modifié 1 fois.

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Nhaundar
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Re: La Mer Verte

Message par Nhaundar » dim. 6 oct. 2019 15:02

VI.19 Un présent peu ordinaire.

La nuit tombe sur la plaine d’Ynorie. La lumière blanche de la lune, se posant sur la myriade de gouttes d’eau sur les herbes de cette vaste terre, forme la mer d’ordinaire verte, en une multitude d’ondes d’argent. Nous bivouaquons éclairés par cette lueur irréelle, mangeant le reste de nos vivres qui commencent dangereusement à se tarir. Economisant un maximum ses forces, Sylve se contraint de ne pas pratiquer ses exercices habituelles. Tandis qu’elle s’occupe de nourrir notre nouvelle monture, je profite d’un de ces instants pour m’exercer à la magie, qui elle ne demande pas de ressources physiques.

(Il est temps de combler ma plus grande faiblesse. Si je possède assez de mana pour lancer plusieurs sorts au maximum de mes capacités, je suis complètement démunis lorsque ceux-ci m’échappent. La gardienne m’a affirmé qu’il est possible de régénérer sa magie. Issu du pouvoir des chamanes, ceux-ci ont développé un sort pour faire appel aux esprits environnants et récupérer leurs ressources magiques. Faisons de même !)

J’ai déjà réfléchit à ce sort depuis que nous sommes partis. Avant d’être capable de retrouver ma magie au travers des esprits, il est important de les sentir. A l’image du sort que j’ai utilisé contre cet homme dans les ruines, il me faut ouvrir mon esprit à d’autres horizons, loin des sorts particuliers des éléments primordiaux. Je mobilise mes fluides et les rassemblent en moi, tentant d’accentuer ma capacité sensorielle. Je concentre ma magie dans mon odorat, ma vue, mon goût, mon audition et sur l’ensemble de ma peau. Je cherche des traces de ces fameux esprits, mais je ne parviens pas à les percevoir et je coupe l’afflux de mana.

(Bon je m’y prends mal, il n’y a pas à tergiverser ! Je cherche à les percevoir par mes sens, mais cela n’est peut-être pas utile. Je dois probablement les sentir par le biais de ma magie.)

Je rassemble une nouvelle fois ma magie et au lieu de la concentrer en moi j’envoie des langues de fluides comme j’aime le faire pour brûler les armes de mes adversaires. Usant un minimum de mana, mes émissions de mana s’extirpent de moi, telles des tentacules guettant la moindre proie qui passerait dans mon rayon d’emprise. Soudainement je sens un contacte, une présence composée de fluide touche un de mes tentacules et cette sensation est si nouvelle, si surprenante que je coupe malgré moi le sort.

La satisfaction de ma réussite, même si elle n’a pas encore aboutie, se mêle à l’exaltation de ce contact. Je calme mon esprit alors que l’impatience de recommencer s’agite dans tout mon être. Je sais par expérience que la précipitation est un fléau lorsqu’il s’agit de magie. Une fois que ma respiration reprend un rythme plus régulier, je relance mes tentacules magiques. Il ne me faut guère de temps pour ressentir à nouveau ce contact. Je focalise tous mes sens sur ce toucher magiques et mon but étant de rassembler mes forces magiques, j’attire la magie de l’esprit jusqu’à moi. Mes sens ouverts, je ressens une vive douleur, presque un cri de souffrance provenant de l’esprit. Bien que je sente mes réserves magiques se renouveler, je ne peux accepter de faire souffrir des créatures ou des êtres qu’ils soient vivants ou fait de pure magie. Je romps une nouvelle fois le contact pour ne pas faire souffrir davantage l’esprit.

(Qu’ai-je fais ? Dans mon désir de regagner ma magie, ma soif de découvrir une nouvelle magie, j’ai engendré la souffrance. Comment peut-on créer un sort tel que celui-ci ? Sauf si quelque chose cloche dans mon entreprise. Pourrais-je être capable de recouvrer mes forces sans avoir à blesser les esprits ?)

Il n’y a qu’un moyen de le découvrir. L’utilisation de cette magie consomme plus de mana que d’ordinaire et il ne me reste assez de ressources pour une dernière tentative. De nouveau j’émets mes tentacules de fluides et cherche à atteindre un esprit. Encore une fois un contact se créé, mais au lieu de forcer l’absorption des fluides qui l’animent, j’aspire très légèrement la magie de l’être. Cette fois-ci aucune douleur ne semble l’assaillir, au contraire je sens mon moi intérieur être mobilisé au travers de mes tentacules magiques, comme si en échange de la magie de l’être je lui offrais mes émotions. Cherchant les souvenirs les plus forts, comme ma première rencontre avec Sylve, ce tout premier repas, la liberté offerte par le conseil d’Oranan en échange de service ou encore les remerciements que j’ai reçus après avoir sauvé un enfant. Alors que mon cœur se souvient de ces moments forts, les émotions que je transmets s’accentuent de même que la magie que je parviens à recevoir. Mon sort initial se coupe avec le tarissement des énergies magiques que j’ai rassemblées pour l’animer. Je sens mon corps être secoué et ouvre les yeux pour faire face à une semi-elfe inquiète.

"Qu’est ce qu’il t’es arrivé ?"

"Pourquoi cette question ?" Je lui demande, incapable d’effacer la satisfaction de ma réussite.

"Ton corps il était…je saurais pas le décrire, mais c’était vraiment flippant !" Me répond-elle.

"Rassure-toi, je vais on ne peut mieux !" Dis-je en essayant de la rassurer.

"Oui et bien en attendant repose-toi !" M’ordonne-t-elle. "On a encore une longue route à faire avant d‘atteindre Oranan et nous devons être les plus rapides !"

VI.21 Comme vous avez de grandes dents !
Modifié en dernier par Nhaundar le dim. 6 oct. 2019 15:06, modifié 1 fois.

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Nhaundar
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Re: La Mer Verte

Message par Nhaundar » dim. 6 oct. 2019 15:06

VI.20 Esprit es-tu là ?

Une fois ma méditation terminée je prends la suite de la surveillance, le temps que Sylve se repose un maximum. Afin de lui ajouter un peu de confort, je fais monter la température de notre petit bivouaque. Nous sommes tout ce qu’il y a de plus seul en ces lieux, quelques oiseaux nocturnes survolent la zone, mais nous devons être des proies un peu trop importantes pour les créatures qui vont s’attarder sur de petits mammifères. Je profite de cet instant pour lire mes recueils magiques, surveillant de temps à autre la vue quasi dégagée que nous offre une plaine sans arbres. Le temps file en même temps que les pages de mon ouvrage, lorsque j’entends quelque chose qui me dérange. Je scrute les alentours grâce à ma vision nocturne, mais je ne perçois rien avec ces herbes hautes. Malgré la courte nuit, je décide de réveiller ma camarade en la tapant du bout du pied.

"Quoi ? On est attaqué ?" S’inquiète-t-elle.

"Je ne sais pas je…je crois avoir entendu comme un… comme un grognement, mais je n’ai rien vu." Lui dis-je.

Lentement Sylve s’éveille en même temps qu’elle saisit ses lames à proximité. Quant à moi je génère une petite flamme du bout des doigts. Si nous sommes la proie d’une créature, il est préférable que la guerrière soit également capable de voir notre ennemi, l’astre lunaire pouvant être traître avec les nuages. Je manipule mes fluides pour générer une flamme froide autour de ma main et observe les alentours. Rapidement, deux points lumineux attirent mon attention. Ces points bougent soudainement, se transformant en deux yeux maléfiques et d’une gueule ouverte, remplie de crocs peu accueillants me concernant. D’instinct, je rassemble un minimum de fluide pour lancer une boule de feu sur la créature. Celle-ci touche sans difficulté, mais ne semble pas être d’une quelconque gêne pour le molosse qui se rue sur moi. Complètement désarmé, je le vois fondre dans ma direction sans pouvoir me défendre. Je dois mon salue à la semi-elfe qui vient percuter la bête sur son flanc droit avec son bouclier. Elle profite d’un instant de faiblesse de notre ennemi pour le frapper, mais la lame ne pénètre pas sa peau, visiblement trop épaisse. Le chien s’enfonce dans les hautes herbes, mais Sylve reste sur le qui-vive.

"Il est toujours là, il nous tourne autour ! Bon sang, mais c’est quoi ce truc ?" Me demande-t-elle.

"Un chien de Meno." Lui dis-je. "Il y en a beaucoup en Omyrie, puisqu’ils sont nourris pour former une sorte de première ligne de défense en cas d’attaque. Je n’en ai jamais affronté, mais ma boule de feu ne semble pas lui avoir fait le moindre mal."

"Parce qu’il est affilié à Meno tu penses ? Dans ce cas il nous faut quoi ?" Redemande-t-elle.

Je me tourne vivement à l’écoute d’un bruit révélant la présence de chien, mais rien ne vient. J’en profite pour répondre à la semi-elfe.

"Contre du feu ? Idéalement de la glace. Tu as quelque chose qui peut nous aider ?"

"Ho oui bien sûr tu penses ! J’ai toute une panoplie d’arme de glace, malheureusement je les ai laissées à la maison, juste à côté des affaires de mon poney volant !" Ironise-t-elle.

Etrangement l’humour ne prend pas dans ce genre de situation. Si la bête rôde autour de nous parmi les hautes herbes, je peux faire confiance en ma camarade pour connaître son emplacement sans grande difficulté grâce à son ouïe si fine. Elle se met de nouveau en avant lorsque le chien de Meno se rue de nouveau sur nous. Elle stoppe sa course à l’aide de son bouclier et la frappe de sa lame, malheureusement le monstre est solide et la lame ne pénètre pas la chair ou trop peu pour nous sortir de ce guêpier. Intelligente, la bête disparaît encore dans les hautes herbes.

"Une suggestion peut-être ?" Me demande la guerrière alors qu’elle continue de tourner en suivant son audition.

"Ha oui, évite de te blesser ! Il nous reste du chemin à parcourir et nous ne serons pas capables de survivre si l’un de nous subit une blessure infectée." Fais-je à mon tour, ironisant qu’à moitié.

(Je possède une majorité de fluide de feu. Avant d’abandonner face à une éventuelle résistance de cet élément, je me dois de m’assurer de tout tenter. De plus il me restera encore mon élément de terre ainsi qu’un autre atout en manche.)

La semi-elfe réagit à une nouvelle charge et je me place derrière elle, légèrement de côté pour pouvoir frapper également. Le monstre surgit soudainement et nous prend de court en bondissant bien avant ce que nous avons pensé. Finalement je me ravise et rassemble toute ma magie terrestre pour frapper notre adversaire. Une colonne de terre vient s’abattre sur sa gueule et la puissance du sort laisse sa nuque dégagée. La guerrière profite de cette occasion pour frapper à cet endroit avec une terrible précision. Cette fois-ci la lame pénètre la chair et je me prends de plein fouet la bête qui termine sa course sur moi. Un coup de bouclier l’envoie valser au loin et une main tendue m’aide à me relever rapidement.

"La peau de sa nuque est moins résistante, c’est là qu’il faut frapper !" Déclare Sylve qui tient à distance la bête qui perd patience.

"Je pense pouvoir te donner l’occasion dont tu as besoin. Tiens-toi prête !" Lui dis-je confiant.

Je me recule et use d’un minimum de magie pour projeter mes fluides vers cette aura psychique qui émane des êtres. Comme lors de notre affrontement avec l’un des hommes de l’intendant Kayeko, je perçois l’aura psychique de la créature et projette mon mana pour sectionner l’une de ses pattes avant, au moment où le molosse s’appuie de tout son poids sur ses membres antérieures. Je m’attends à ce que la guerrière abatte son arme sur notre adversaire démuni, mais il n’en est rien. Délaissant son bouclier pour ouvrir sa garde et inciter le chien de Meno à l’attaquer, elle ne pensait pas s’exposer sans que ma magie ne vienne à son aide. Tombant avec son adversaire, elle ne doit son salue qu’à la lame qu’elle parvient à placer entre elle et lui. Celui-ci attrape l’arme dans la gueule et tandis qu’elle parvient à s’extraire de la menace en projetant le monstre plus loin. Elle y perd son arme que la bête recrache, un peu gênée pour mordre, ainsi que son bouclier resté au sol dans la lutte. Il ne serait pas difficile de le ramasser, mais elle s’exposerait ainsi à une menace sans être capable de se défendre pleinement.

"C’est quand tu veux !" Grogne-t-elle à mon intention alors qu’elle dégaine une dague dans son dos.

Notre situation commence à devenir assez tendue. Si nous en sommes sortis avec aucune blessure grave, nous n’avons pas non plus été en mesure de blesser suffisamment le chien de Meno pour le faire fuir. Sylve a perdu l’avantage de son allonge ainsi que son bouclier au sol. Si proche et pourtant il semble hors de portée avec la menace devant nous. Quant à moi je suis en plein désarrois. Loin d’avoir manqué ma cible, c’est le sort qui m’a échappé à sa conception même. Quelque chose m’a manqué et je vais avoir besoin de trouver rapidement la raison.

(J’ai senti cette aura, j’ai puisé dans ma magie pour générer une lame de mana et je l’ai abattue. Peut-être n’était-elle pas assez fine pour trancher les liaisons de l’esprit, faisant croire au corps qu’un membre n’est plus présent ? A moins que je n’ai été trop impulsif, trop rapide dans l’exécution de la magie !)

Je n’arrive pas à mettre le doigt sur ce qui me manque et je n’ai malheureusement pas le loisir d’investiguer davantage. Le monstre entame sa charge, la guerrière est prête à le recevoir et moi je plonge dans mes forces magiques. J’use de mes fluides pour sentir cette aura particulière chez les êtres et matérialise une lame magique. Je la forme aussi fine et dense que possible et alors que le monstre s’apprête à s’appuyer de tout son poids sur ses pattes avant, je tranche l’une des pattes de ma lame. Cette fois-ci mon sort fonctionne. Le chien ne s’appuie que d’une patte et flanche complètement. Si aucune blessure de l’esprit ne se répercute sur le corps, c’est afin de laisser une ouverture que j’ai utilisé cette magie. Sa nuque ouverte et dans l’incapacité temporaire de se défendre, la semi-elfe abat sa lame qui pénètre le cou et la fait pivoter pour maximiser les dégâts internes. Le molosse s’extirpe pour finalement succomber rapidement peu après.

"Je suis exténué. Que fait-on ?" Dis-je à ma camarade.

"On est bien réveillé maintenant, donc on range les affaires, on mange un bout vite fais et on décampe rapidement. Tu as l’air d’avoir utilisé pas mal de magie, tu te sens capable de te défendre si on nous attaque à nouveau ?" Me demande-t-elle.

"Dans mon état, je ne suis même plus capable de vaincre un papillon !" Fais-je avec un mince sourire.

"Et moi qui craignait la magie avant de te rencontrer !" Me lance-t-elle sarcastique avant d’éloigner le corps de la bête le temps de manger un peu.

VI.22 Entre amitié et animosité.
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Nhaundar
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Re: La Mer Verte

Message par Nhaundar » mer. 25 déc. 2019 17:40

VI.21 Comme vous avez de grandes dents !

"Nous devons trouvez un lieu pour reposer le…le renne !" Déclare Sylve qui ne s’est toujours pas habituée à une telle monture.

Cela fait plusieurs jours que nous foulons la mer verte en direction d’Oranan, en suivant le sens d’orientation de la semi-elfe qui connaît bien les terres d’Ynorie. Alors que nous guettons un endroit pour poser un camp rapide avant de repartir, la guerrière fixe l’horizon sur notre droite. En nous rapprochant sous l’insistance de la guerrière nous découvrons deux humains, un homme et une femme avec les traits de visages typiquement Ynorien. Les chevaux attachés avec les rênes et un encrage au sol, la femme elle se trouve en retrait se tenant prête à envoyer un message avec son arc, en cas d’agression. Message qu’elle a rapidement griffonné en nous voyant arriver. Epée et bouclier pour l’un, arc et flèches pour l’autre, ils s’attendent visiblement à un affrontement, mais alors que nous descendons de notre monture, ils semblent déstabilisés lorsque nous les saluons.

"Sylve ?" S’exclame l’archère.

"Ayuni, Ganeshi !" Enchaîne l’intéressée qui se rend vers les deux humains.

Alors que je reste en retrait près de notre monture, je vois Sylve accoler chaleureusement ce qui semble être de très bonnes connaissances. Les petites piques taquines vont bon train jusqu’à ce que l’attention se porte sur le Shaakt de service.

"Voici Nhaundar. N’ayez crainte il fait partie de la milice Oranaise." Me présente ma camarade alors que j’exhibe fièrement mon tabard de la milice.

"Un shaakt œuvrant pour la milice ? Je crois que j’aurais tout vu ! Et toi que fais-tu si loin au sud de ta zone habituelle ?" Interroge l’homme à son tour.

"Moi je ne suis là que pour surveillez ses actes et attestez au conseil qu’ils ont eu raison de lui faire confiance ! Je l’ai croisé durant une surveillance et croyez-moi ou non, mais je lui dois la vie. S’il ne m’avait pas emmené jusqu’à Oranan je serais morte !" Relate la semi-elfe.

"Effectivement je ne te crois pas ! C’est trop…improbable !" Fait Ganeshi.

"Ecoute pas cet idiot, on te crois sur parole. Cependant il est vrai que c’est peu commun. En tout cas les choses auraient été différentes si cela s’était passer en ce moment !" Déclare la Ayuni.

"Que veux-tu dire par là ?" S’inquiète Sylve.

"Quoi tu n’est pas au courant ?" Répond l’archère. "Les éclaireurs ont rapporté des informations visiblement assez sensibles pour faire déplacer les troupes Oranaises au nord. C’est clairement pas une zone à cueillir des champignons quand on est un Shaakt si tu vois ce que je veux dire !"

"Une attaque par le sud ? Mais de qui Oranan pourrait craindre un assaut ?" Fais-je assez interloqué par la remarque.

Les deux guetteurs me regardent fixement, ne sachant s’ils peuvent me faire confiance ou non. Au vu de la crispation de leur mâchoire et des regards qu’ils jettent à Sylve, elle est clairement une aide pour dénouer les tensions présentes.

"Les Garzokcs !" Lâche enfin la femme. "Les troupes se sont rassemblées au nord et des éclaireurs ont été postés ici en prévision d’un assaut surprise par le sud."

"Je vois." Dis-je pensif avant de continuer. "Les stratèges ont disposé des éclaireurs craignant une manœuvre de diversion, un sage mesure de précaution. Je suppose que la majorité des troupes se situe au nord !" L’absence de réponse semble me conforter dans mon idée. "L’assaut doit être important pour devoir forcer les généraux à disposer autant de leurs forces en un même endroit."

"Il en sait beaucoup trop !" S’inquiète Ganeshi qui reporte son arme dans ma direction. "S’il part vendre ses informations, des troupes seront stationnées immédiatement au sud, affaiblissant le front principal."

"Ganeshi arrête tes bêtise, je te dis que c’est un ami !" S’offusque Sylve qui se dresse devant moi pour me protéger.

"Il a raison, nous devrions partir !" Je pose une main calme sur l’épaule de ma camarade. "Non seulement ta connaissance du terrain peut-être un atout pour l’armée, mais il est clair que je ne suis pas le bienvenu ici et ce n’est pas à Oranan que je risque de vendre une quelconque information."

"A moins qu’il y ait des espions au sein même de la cité. Se ne serait pas la première fois ! Mieux vaut attacher cette peau noire par mesure de précaution !" Reprend encore le soldat laissant ouvertement transparaître son animosité envers moi.

(Ce type commence à me taper sur les nerfs !)

"Jusque-là je suis resté courtois, par égare pour la milice Oranaise que je sers, mais aussi pour Sylve. Cependant si vous poser les mains sur moi avec de mauvaise intentions, je serais dans l’obligation de vous rôtir le cul le bridé !" Fais-je alors que je m’écarte de la protection de la guerrière pour laisser le champ libre à mes manifestations magiques.

"J’aimerais bien voir ça le troglodyte !" Surenchérie Ganeshi.

"Assez !" Intervient Ayuni en criant. "Si Sylve dit que c’est un ami alors je l’a crois. Oranan est trop loin encore pour poursuivre dans votre état, donc vous dormirez ce soir avec nous. Et le premier qui l’ouvre un peu trop à mon goût ne pourra plus poser ses fesses sans ressentir la blessure d’une pointe de flèche ! C’est clair pour tous les deux ?"

"Tu n’oserais pas !" Rétorque Ganeshi inquiet comme s’il connaissait déjà la réponse.

"Toi plus que n’importe qui tu devrais savoir que j’en suis capable !" Répond-elle d’un calme froid avant de revenir à Sylve en souriant. "Installe-toi et raconte-moi tes dernières aventures. Commence par me dire comment vous avez eu ce…ce rêne."

VI.23 Un échange de bon procédé.
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Nhaundar
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Re: La Mer Verte

Message par Nhaundar » mer. 25 déc. 2019 18:01

VI.22 Entre amitié et animosité.

Notre habituel duo devenu quatuor s’installe pour la nuit. Tout en préparant un campement plus important pour moi et la semi-elfe, cette dernière relate les évènements depuis notre rencontre. Elle fait état de certaines choses que je préfère passer sous silence, notamment mon courage face à un traqueur obscur, qui est en réalité une manifestation heureuse de mes pouvoirs incontrôlables à l’époque. Bien qu’elle fasse l’apologie de certains de mes faits, Ganeshi reste toujours méfiant à mon égard et au fur et à mesure que le temps passe, je préfère laisser ma camarade savourer ce moment sans que ma présence ne soit une gêne.

Alors que le repas touche à sa fin, je prétexte un besoin primaire pour ensuite étudier mon recueil de magie à la lueur d’une petite flamme froide autour de ma main droite. Après notre dernier combat face à un chien de Méno, une idée m’est venue en tête. Disons plutôt que ma peur du feu s’est réveillée et m’a bloqué l’espace d’un instant. Avec mes nouveaux pouvoirs de psychomancien je devrais être en mesure d’exploiter cette faiblesse. Selon toute logique, si la peur réside dans la mémoire des êtres qui gardent un souvenir fort et très marqué en lui. Malheureusement il me faudrait non seulement connaître la peur de quelqu’un pour l’exploiter, mais sans quelqu’un qui me serve de sujet d’expérimentation, cela va être assez compliqué à réaliser. Si je ne sais pas où je vais, il va me falloir explorer chaque parcelle du cerveau de mes…victimes. C’est le mot le plus adéquate pour le préjudice que je vais faire endurer.

"Salut !" Me surprend Ayuni alors que je suis en pleine étude. Son arrivée m’a complètement surpris et j’envoie valser mon livre à un bon mètre de là. "Excuse-moi, je ne pensais pas tu faire peur à ce point. Pourquoi tu ne restes pas avec nous ?" Demande-t-elle finalement.

"Sylve passe un bon moment avec ses amis et il est clair que ma présence ne plaît pas à tout le monde." Lui dis-je, sachant qu’elle insisterait pour savoir.

"Je ne suis pas d’accord, je…" Commence-t-elle avant que je ne lui jette un regard lui disant que ce n’est pas la peine de mentir.

"Ce n’est pas grave, je commence à m’y habituer." Fais-je pour la rassurer. "C’est ma première mission pour la milice Oranaise, alors peut-être que les choses seront différentes une fois que cela sera terminée. Pour le moment je préfère m’isoler pour étudier la magie plutôt que de déranger !"

"Je vois." Dit-elle avant de s’asseoir à mes côtés. "Qu’est-ce que tu fais au juste ?"

Cette soudaine proximité est déstabilisante, voir gênante moi qui n’est l’habitude que de Sylve, mais comment puis-je le dire à une personne aussi gentille sans qu’elle ne le prenne mal. Je préfère finalement me taire et préfère lui expliquer mes travaux actuels.

"Dernièrement, nous avons eu affaire à un chien de Meno avec Sylve. Peut-être est-ce le rapport avec le dieu du feu, mais cela à ravivé de vieux souvenirs assez…douloureux, des peurs même. Je me demandais s’il m’était possible d’influencer mes adversaires avec leurs propres peurs."

"C’est plutôt bien vu ! Mais comment tu comptes t’y prendre ? J’ai déjà vu des mages capables d’apprendre des sorts de magie sans l’aide de parchemin, mais la plupart du temps ils ont souvent eu recours à des novices en échange de l’enseignement qu’ils leurs prodiguaient." M’interroge-t-elle.

"Un échange de bon procédé ? C’est intéressant, même si je plains les malheureux apprentis. J’y songerais le jour où quelqu’un acceptera que je lui enseigne la magie." Fais-je sans trop y croire.

"Et pourquoi pas moi ?" Déclare-t-elle soudainement alors que je l’a regarde comme si des ailes de poulet lui avaient poussé sur le dos. "Ne me regarde pas comme ça, j’utilise moi aussi la magie tu sais. Je possède majoritairement des fluides de terre mais je connais également des sorts de soins de lumière, même si je me bats souvent avec un arc. Je peux te servir de cobaye en échange d’un savoir magique. Donnant-donnant !"

"C’est gentil de te proposer, mais je ne connais que majoritairement des sorts de feu et une technique de base de terre que tu dois sûrement connaître !" Lui dis-je avant de penser à une possibilité. "Quoiqu’à la réflexion, il y a toujours ce sortilège pour capter la mana des esprits. N’importe qui devrait en être capable."

"Comment ?" S’exclame-t-elle. "Tu es capable de régénérer ta propre magie, sans l’aide de potion ?"

"Oui dit ainsi ça paraît impossible, pourtant c’est bien le cas !" Finis-je par concéder.

"C’est incroyable ! Apprend-moi !" S’excite-t-elle.

Voyant son excitation, je m’écarte d’elle et commence mon tout premier enseignement.

"D’accord. Dans un premier temps il faut sentir la présence des esprits alors ferme les yeux. Ressens ce qui t’entoure avec tes autres sens. Ecoute le murmure du vent, ressent la brise sur ta peau." Elle semble suivre à la lettre mes indications tant sa concentration se perçoit. "Bien maintenant écarte les bras et envoie ta magie en différent endroits, comme si tu créais des tentacules magiques. Il est important de garder cette capacité à voir ton environnement sans tes yeux, car tu va devoir faire de même avec ces tentacules magiques."

"Ha ! J’ai senti quelque chose !" Déclare-t-elle brusquement en interrompant sa concentration.

"Qu’as-tu senti ?" Je lui demande en voulant m’assurer qu’elle aille dans la bonne voie.

"C’était bref, mais intense. Comme si je touchais une surface très froide !" Me détaille-t-elle.

(Bien, maintenant passons à la partie plus délicate et voyons si elle a le cœur noble.)

Gardant un ton calme, je continue de lui expliquer la marche à suivre.

"Ce que tu as touché était un esprit ambiant. Il y en a partout et ils peuvent te procurer une partie de ton mana manquant. Maintenant je veux que tu recommences, mais cette-fois essaye de garder le contacte."

Elle écarte de nouveau ses bras et replonge dans sa concentration.

"Ca y est, je…j’ai gardé le contact."

"Bien, maintenant aspire la mana de l’esprit." Lui dis-je observant attentivement sa réaction à venir.

Celle-ci ne tarde pas. Alors que je la vois lentement tirer une chose invisible avec ses bras pour faciliter la matérialisation de sa volonté, elle s’arrête brusquement.

"Mais…mais qu’est-ce que tu m’as fait faire ? Je lui ai fait du mal ! Je ne veux pas en apprendre plus si c’est pour faire souffrir !" Commence-t-elle à s’affoler.

(Elle a véritablement bon cœur. Pas étonnant que Sylve l’apprécie.)

J’écarte les bras pour capter son attention au milieu de son bouleversement émotionnel.

"Du calme, du calme. Je suis passé par là moi aussi. Il existe cependant un moyen plus simple que la souffrance. Aie confiance en moi et recommence. Je ne sais pas si cela est possible, mais nous allons mêler nos magies ensemble."

J’use de ma magie pour lancer moi-même le sort et capter un esprit. Je garde le contacte sans chercher à ponctionner sa mana et attends de ressentir la magie d’Ayuni. Elle semble hésiter à me suivre puisque j’attends un peu avant de ressentir la présence de sa manifestation magique.

"Je sens ta magie alors que présume qu’il en est de même pour toi. Les esprits sont des êtres qui ne ressentent plus d’émotions. La souffrance que tu as causée vient de la ponction de mana sans rien en retour. Plonge dans tes souvenirs et fais ressurgir des moments forts en bonnes énergies. Fais comme moi et lentement tu vas offrir ces émotions et ponctionner du mana en retour."

Petit à petit je sens sa magie œuvrer en percevant le mana s’extraire de l’esprit. Je commence à ressentir de bonnes énergies, voir à percevoir les souvenirs d’Ayuni. Ce transfert étant assez intime, je préfère rompre le sortilège et la laisser seule. Je la regarde faire en voyant son visage afficher de mignons petits sourires.

"Waouh c’était…je ne sais pas comment le décrire. En tout cas merci. Je crois que j’ai compris l’essentiel, même s’il va me falloir m’exercer davantage pour parvenir à y arriver." Me déclare-t-elle en s’inclinant, toujours assise, après avoir ouvert les yeux.

"Ne me remercie pas, je suis content que tu ne te sois pas arrêtée à la facilité." Lui dis-je en m’inclinant à mon tour.

"Maintenant à ton tour." Lance-t-elle simplement.

"Non je ne peux pas te demander ça ! Il n’est pas question de percevoir simplement la peur, mais de la faire ressurgir en l’amplifiant. C’est une sorte de torture mentale à laquelle je me refuse à te faire subir." Fais-je en déclinant sa proposition.

"C’est complètement stupide !" Déclare-t-elle soudainement. "Imagine que demain des Garzocks débarquent ici. Si l’un d’eux nous pose problème avec sa magie, nous auront besoin d’une capacité comme celle-ci ! De plus nous avons conclu un accord, tu m’insulterais en ne le respectant pas !"

"Au moindre problème on arrête tout !" Lui dis-je.

"Ca c’est à moi d’en décider !" Me répond-elle sans me laisser visiblement le choix.

"Comme tu veux." Finis-je par concéder. "Installe-toi face à moi. J’ai besoin de te coucher la tête pour faciliter la progression de ma magie."

La jeune femme obéit à mes ordres et me regarde opérer tandis que je me fonds dans ma magie. J’use de mes fluides, peut importe l’élément, pour plonger dans son corps comme je l’ai fait avec mon sort torture mentale. A nouveau, je perçois le corps que j’observe à l’aide de ma magie en une myriade d’étoiles reliées les unes aux autres. Je concentre mon attention sur la partie cérébrale en quête de l’emplacement de la peur. Je cherche inlassablement, mais je dois avouer que je fais chou blanc. Je romps ma magie et reviens à la réalité. Peut-être qu’en provoquant la peur je serais en mesure de localiser le bon endroit.

"J’ai une question pour toi et si tu ne souhaites pas répondre ne le fais pas. Qu’elle est ta plus grande peur ?"

"Ma plus grande peur ? Qu’Oranan soit ravagée par les Garzocks. Et toi ?" Me demande-t-elle en retour.

J’hésite un instant avant de lui révéler.

"Autrefois j’avais un peur panique du feu, mais j’ai été en mesure de la dompter. Je ne sais pas ce qui m’effraie le plus aujourd’hui. Mon passé peut-être. Tu pourrais te concentrer sur tes peurs un instant ?"

De nouveau j’use de ma magie pour sonder sa tête. Je garde la peur en mémoire et use de mes fluides pour trouver une résonnance à cette même peur et ainsi découvrir la zone qui gère les troubles émotionnels.

(C’est étrange, deux zones semblent réagir au stimulus. Ai-je en plus trouvé la mémoire ?)

Gardant le contrôle sur ma capacité à sonder la tête d’Ayuni, je lui fais une nouvelle demande pour déterminer qu’elle est la zone de la mémoire.

"Autre question : qu’as-tu mangé ce matin ?"

"Pardon ?" Sursaute la jeune femme prise au dépourvu. "Une petite caille et des champignons. Tu sais que tes questions sont étranges ?"

Visualisant cette information, je parviens à trouver la zone du cerveau qui stock la mémoire. Si les deux ne sont pas complètement aux mêmes endroits, cela doit s’expliquer par la nature du souvenir. Réel et récent pour l’un, fictif et profond pour l’autre. Cela me permet de déterminer avec certitude la partie qui traite les peurs.

(Bien, maintenant que j’ai localisé ma zone d’étude, je vais enfin pouvoir travailler sur le sort en question.)

Dans un premier temps j’insère mon mana dans cette partie pour saturer de mes fluides et augmenter son activité cérébrale.

"J’ai tenté quelque chose, comment tu sens-tu ?" Dis-je afin de vérifier la réaction de mon sujet d’étude.

"Pas très bien en réalité, mais on dirait plus une gène qu’autre chose." Me répond-elle presque déçue.

(Je crois que dans un sens ça a marché, mais ce n’est pas suffisant. Je devrais avoir un meilleur résultat en associant mon sort avec la mémoire.)

De nouveau je plonge ma magie dans la tête de la jeune fille et relie la zone de la mémoire avec celle de la peur. Une fois reliées ensembles je les sature de magie et amplifie l’activité cérébrale à nouveau.

"Maintenant, comment est-ce ?" Fais-je à nouveau.

"Des images de mes peurs refont surface, comme ce rêve où je vois Oranan en cendre. Mais je me bats chaque jours contre cette peur, c’est pour cela que je fais partie de l’armée Oranaise. Pour le moment rien n’est une réelle entrave !" Me détaille-t-elle.

"Donc tant que la personne peut surmonter sa peur, mon sortilège sera inefficace ! Je dois donc trouver un autre moyen de perturber l’esprit ciblé." Dis-je pour moi-même. "Il faudrait quelque chose contre laquelle personne ne peut lutter, une faiblesse particulière comme…" Je laisse la phrase en suspend espérant arriver à mettre le doigt sur quelque chose qui m’échappe.

"Comme un secret enfouit !" Termine Ayuni.

Mes yeux s’écarquillent devant l’idée de la jeune femme et je reprends de plus belle.

"Oui, un sombre secret. En parvenant à l’amplifier je mettrais à genoux n’importe qui !"

"Allez essaie pour voir !" Me lance la jeune femme. Je m’apprête à opposé mon véto, mais elle trouve le moyen de piquer ma curiosité. "Je ne suis pas contre, si toi tu te sens-tu capable d’un tel défie. Trouve-le secret auquel je pense et nous verrons bien !"

Touché dans mon orgueil de mage, je lance à nouveau mes fluides à l’assaut de sa tête. Les secrets sont liés en partie à la mémoire vécue ainsi qu’à la peur. Cette fois-ci au lieu d’utiliser la peur comme la source de travail, je vais me focaliser sur la mémoire. Malheureusement pour moi il m’est impossible de trouver quoique ce soit. Il m’est impossible de sonder avec efficacité la mémoire d’une personne. C’est dommage, cela m’aurait été utile pour connaître les informations que recèle une personne, sans le besoin de la torturer.

"Alors on abandonne ?" Se moque la jeune femme.

Pour seule réponse je me projette à nouveau dans sa tête, à l’assaut d’une nouvelle tentative.

(La mémoire est trop dense pour être sondée de la sorte. Sans un fil conducteur ou un vaisseau pour me guider, je n’arriverais à rien ! Un tel secret devrait posséder une frayeur minimale de le voir être dévoiler. Peut-être que la peur est un moyen d’accéder à lui ?)

Cette fois-ci je relie la mémoire à la zone régulant la peur, mais opère différemment du protocole initial. Au lieu d’user de la mémoire pour générer de la peur, je vais user de la peur pour trouver le souvenir qui m’intéresse. Je progresse plus rapidement de cette manière et je tombe rapidement sur un souvenir. Ayuni était en chasse d’un voleur, mais lorsqu’elle a découvert qu’il s’agissait d’une jeune enfant ayant dérobé de la nourriture, elle a préféré la cacher plutôt que de la dénoncer. Un secret idiot, mais qui peut avoir de graves conséquences.

(Il me déplaît d’agir ainsi face à quelqu’un avec une âme aussi noble, mais il me reste une dernière étape avant de m’assurer de la finalité du sort.)

Maintenant que je sais où se situe les secrets enfuis dans la mémoire, il ne me reste plus qu’à l’amplifier. J’use des dernières parcelles de magie qu’il me reste pour faire ressurgir tout cela et faire croire que tous sont au courant sur Yuimen. La réaction ne se fait pas attendre. Loin de se moquer, Ayuni se cambre comme si elle venait de recevoir une bassine d’eau froide en plein été. Elle fait une importante respiration ressemblant à ceux qui sont restés trop longtemps sous l’eau. Il lui faut quelques instants pour se remettre durant lesquelles je l’a pousse à marcher un peu pour évacuer les tensions.

"C’était véritablement effrayant !" Finit-elle par concéder. "Ca ne t’embête pas qu’on en reste là ?"

Je lui pose la main sur l’épaule pour la rassurer.

"Non c’est finis ! Je n’ai plus une parcelle de magie, mais quand bien même je ne t’aurais pas forcée. Grâce à toi je sais comment faire désormais !"

"En tout cas je plains le prochain qui subira ça !" Déclare-t-elle alors que nous rejoignons Sylve et Ganeshi.

VI.24 Tradition de No-Hell.
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Re: La Mer Verte

Message par Nhaundar » mer. 25 déc. 2019 20:35

VI.23 Un échange de bon procédé.

Nous retrouvons nos deux camarades en plein échange armé. Bien que la défense de l’homme et son bouclier soit efficace, il semble démuni face à Sylve qui fait preuve d’une adresse démente en combattant avec deux armes à la fois. Je ne l’avais encore jamais vu se battre ainsi, mais le spectacle vaut le détour. Après une feinte, l’une des pointes de la guerrière se loge sous la gorge de son opposant, achevant le duel par une victoire de la semi-elfe.

"Vous n’avez pas perdu de temps à ce que je vois. Toujours ce même jeu ?" Demande Ayuni.

"Exactement ! On en est à trente-sept victoires pour moi et combien pour toi ?" Taquine amicalement ma camarade.

"Ho tu sais je ne m’intéresse pas à ce genre de détail !" Répond Ganeshi.

"On peut traduire ça par : « pas beaucoup »" Ricane Ayuni à mon attention.

"Que faisiez-vous…tous seuls ?" Demande Sylve, alors que je perçois dans sa mâchoire une certaine contrariété.

(Un isolement avec une femme l’aurait contrarié ? Non, elle n’est pas du genre jalouse et il ne s’est rien passée ! Je suis en train de me faire des histoires.)

"De la magie !" S’exclame l’intéressée. "Nhaundar est un très bon professeur !" Termine-t-elle en me prenant le bras.

Les traits de colère s’accentue sur la mâchoire de la guerrière tandis qu’elle range, avec une exaspération que je parviens à percevoir, ses lames dans les fourreaux.

"Ayuni m’a également été utile pour mon apprentissage magique, même si cela a été un peu douloureux. D’ailleurs, j’ai quelque chose pour me faire pardonner !" Fais-je alors que je me rends vers mon sac pour en sortir…

"Une boule à neige !" S’exclame Ayuni. "Comment t’es-tu procuré une telle chose ?"

"Avec Sylve nous avons fait la rencontre d’un esprit qui nous a légué quelques biens ! Mais je suis surpris que tu saches quelque chose à son sujet. Normalement en retournant l’objet, on peut voir de bon souvenirs." Lui dis-je en tendant l’objet pour qu’elle l’utilise.

"Chaque année avec mes parents on fêtait l’arrivée du Père No-Hell. On chantait et notre père nous racontait des histoires sur lui et ses innombrables lutins qui parcourraient tout Yuimen pour distribuer des cadeaux à ceux qui en ont fait la demande cette nuit-là ! Une des histoires parle d’une boule à neige magique. Si on la retourne on peut voir des moments heureux !" Explique-t-elle en secouant l’objet dans ses mains.

La neige à l’intérieur exécute une danse de petits flocons et laisse entrevoir une image que nous pouvons tous percevoir. A l’intérieur d’une maison, une jeune fille ressemblant à Ayuni, se tient sur les genoux de son père tandis qu’un garçon plus âgé reste auprès de sa mère. Tous sont réunis alors que la jeune fille lit une histoire à la famille.

"Je me souviens maintenant, j’avais encore cette coupe de cheveux ! Cela remonte à tant d’années !" Pleure la jeune femme qui s’essuie ses larmes. "C’est typiquement le genre de soirée que l’on passait avec mes parents. Etant jeune j’adorais ces moments en famille." Puis elle tend l’objet à son compagnon de voyage. "A ton tour Ganeshi !"

Un peu gêné par la proposition, l’homme ne peut cependant pas lutter face à la pression que nous exerçons sur lui. Contraint et forcé, il secoue la boule à neige qui laisse entrevoir Ayuni et Ganeshi sortant d’Oranan à cheval. N’ayant pas de son, nous demandons avec nos yeux des explications.

"C’était ma toute première mission officielle. Mon père était si fier de moi alors que ma mère était inquiète. Elle m’avait brodé un petit linge avec un mot d’encouragement si je venais à perdre le moral !" Explique-t-il.

"Mais ce n’est pas ce même jour où nous avons été assigné ensemble ?" Interroge la jeune femme.

"Heu…oui, je crois. Mais ça n’a aucun rapport !" Rétorque-t-il gêné.

"Non je demande parce qu’à aucun moment je ne vois ni ton père ni ta mère." Se moque sa camarade.

"Ne te méprend pas, j’avais peur d’être avec Kirito. Je ne peux pas supporter ce type ! Ce jour a été un vrai soulagement !" Répond le soldat, même si je perçois qu’il ne révèle pas l’entièreté de la vérité. Il est clair qu’il ressent quelque chose pour la jeune fille. "A toi Sylve !"

Elle s’exécute et l’image qui apparaît montre Sylve en compagnie d’un Oranais. Celui-ci pose un genou à terre et offre une bague. Tout comme maintenant, je vois Sylve pleurer comme elle le fait dans la boule, à la différence qu’elle y embrasse l’homme. Il doit être le fameux fiancé qu’elle a perdu. J’ignore quoi dire dans ces moments-là, mais si la boule dévoile des moments heureux, alors je préfère ne pas déranger la semi-elfe dans ce moment qui lui appartient.

"Merci ! A ton tour Nhaundar !" Me dit-elle les yeux pleins de larmes.

"Allez ne te fais pas prier !" Renchérie Ayuni.

Je regarde Ganeshi, mais je n’ai qu’un hochement d’épaule pour simple soutient. Je me résigne à faire de même et la boule à neige laisse place à une scène étrange pour les autres. Je suis ligoté à un arbre tandis que Sylve me donne un bout de viande sur une pique.

"Heu…c’est ça ton souvenir heureux ?" Doute Ayuni.

"Pour moi oui. Autrefois j’étais un esclave et je ne connaissais que la peur et la douleur. Ce jour est ma première rencontre avec la personne qui a changé ma vie !" Dis-je en regardant l’intéressée dont les joues rougissent rapidement !

"Oui et bien on devrait allez se coucher il se fait tard !" Déclare Sylve désireuse de changer rapidement le sujet de conversation.

"Cet esprit t’as offert un merveilleux cadeau !" Me fait Ayuni.

"Ho mais ce n’est pas le seul. Il y a ceci aussi, tu sais ce que c’est ?" Lui dis-je.

"Nooon ! C’est une chaussette du Père No-Hell lui-même. La nuit de No-Hell tu peux demander un cadeau, mais avec cette chaussette accrochée à une cheminée, tu es sûr qu’il passera pour y déposer un autre cadeau. Et No-Hell c’est ce soir même !" S’exclame Ayuni.

"Tu oublies une chose ma grande, il n’y a pas le moindre pet de cheminée dans le coin !" Rétorque Ganeshi.

"No-Hell est ce soir et tu peux être sûr que je vais tout faire pour respecter la tradition !" Lui répond-elle.

Elle retrousse ses manches et pose ses mains à même le sol. Elle se concentre sur sa magie un bon moment pour rassembler les fluides ambiants. Du sol, un monticule s’élève pour former un important dôme de terre. La jeune femme ne s’arrête pas là. Elle puisse à nouveau dans les fluides ambiants pour modifier la structure de son dôme pour le rendre plus malléable et creuser à l’aide de ses propres mains. Il ne lui reste plus que le final. A l’aide d’une seule main, elle sculpte avec adresse les détailles jusqu’à nous offrir une cheminée de terre avec de somptueux ornements.

"Et voilà le travail môssieur le Grincheux !" Se vante-t-elle de son œuvre. "Maintenant amasse une partie du bois qui nous reste, à l’intérieur de la cheminée." Ordonne-t-elle à Ganeshi puis de se tourner vers moi. "Toi tu t’occuperas de faire du feu. Sylve m’a racontée que tu as quelques compétences dans ce domaine."

En moins d’une demi-heure de travail, une cheminée se dresse dans la mer verte, là où il n’y avait que de l’herbe.

"Parfait, maintenant Nhaundar accroche ta chaussette, j’ai réalisé un petit crochet pour ça. Ensuite, nous allons chacun notre tour faire un vœu devant la cheminée." Nous dit-elle en joignant le geste à la parole.

Chacun s’avance vers la cheminée et fait son propre vœu silencieux. Alors qu‘arrive à mon tour, je me place devant elle et cherche ce dont je peux souhaiter.

(Que pourrais-je bien demander ? De plus grand pouvoirs, des parchemins de sortilèges, des fluides ? Non je peux avoir tout ça en travaillant assidument et je ne veux pas de la facilité.)

Je m’approche du petit foyer et murmure en espérant que le Père No-Hell m‘entendra.

"Père No-Helle je voudrais…s’il te plaît je voudrais avoir le pouvoir de protéger ceux qui me sont cher !"

Alors que nous mangeons tous ensemble accompagnés des souvenirs d’Ayuni durant les fêtes de No-Hell, je sors un dernier cadeau de mon sac. J’ai hésité à le mettre, mais l’ambiance est bonne et il ne peut que raviver la joie de cette nuit. Je mets sur ma tête le bonnet du Père No-Hell et retrouve les autres comme si de rien n’était. L’hilarité de mes trois camarades ne se fait pas prier tant mon ridicule est important. D’après eux je serais une sorte de grand lutin qui aurait passé trop de temps au soleil. Ganeshi oublie ma nature Shaakt et Sylve elle-même rit aux éclats devant moi pour la toute première fois. Un rire si sincère et tellement mignon à la fois que je garde ce bonnet jusqu’à ce que tout le monde se couche.

Nous terminons la soirée rapidement après ce petit rituel, Ayuni prétextant que le Père No-Hell ne viendrait pas si nous ne dormons pas. Pourtant Sylve et Ganeshi insistent pour des tours de gardes, la mer verte n’étant pas sûr. Après ma méditation reposante, je prends le second tour de garde alors que Ganeshi s’endort. La nuit est belle même si des nuages viennent perturber le ciel. Alors que le vent me murmure à l’oreille sa plainte habituelle, un étrange tintement attirer mon attention. Je regarde autour de moi, mais ne parviens pas à déterminer la localisation du bruit. C’est comme s’il venait de partout à la fois tout en étant nulle part. J’entends Scrooge s’ébrouer puis regarder le ciel. Je fais de même et admire un spectacle époustouflant. Dans un ciel un traineau sillonne les nuages. Tiré par une horde d’équidés, l’objet laisse derrière-lui une sorte de poussière doré dans son sillage tandis qu’une voix d’élève dans le ciel.

"Ho ho ho ! Joyeux No-Hell !"

Est-ce le fameux Père No-Hell ? Je voudrais vérifier l’état de la cheminée, mais cela gâcherait le plaisir de tout le monde et il serait idiot de tous les réveiller pour vérifier que je n’ai pas halluciné. Non, attendons le lendemain matin.

VI.25 Un No-Hell tumultueux.
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Re: La Mer Verte

Message par Gamemaster6 » sam. 28 déc. 2019 00:24

Intervention du Père No-Hell pour Nhaundar

Tu attends le réveil de tes compagnons de voyage pour regarder dans ta chaussette si quelque chose est apparu. Et, de fait, il y a bien quelque chose, plusieurs choses à vrai dire. Une première, une boule emplie de brume semblable à la boule à neige que tu possèdes déjà, tout en étant fondamentalement différente. La brume blanche à l'intérieur ne semble pas réagir pour le moment et tu poses l'objet pour dévoiler le deuxième, une petite clochette argentée à la sonorité cristalline.
Le moment de quiétude est agréable tandis que tes compagnons reçoivent également de curieux présents. Et tandis que l'ambiance est à la fête, l'orbe scintille légèrement, sa brume se colorant d'un jaune doré. Puisses-tu protéger ceux qui te sont chers et vivre heureux, Nhaundar.


Orbe émotive : La brume contenue dans l'orbe se colore en fonction des sentiments ressenties par son porteur. Curieusement, les émotions les plus négatives semblent s'adoucir au contact de cet orbe de verre tandis que les émotions les plus douces et joyeuses semblent s'épanouir par sa seule présence. Elle ne fait que réagir aux émotions de son propriétaire, elle ne peut modifier son humeur.

Clochette protectrice : Lorsqu'un être cher à proximité est en danger, la clochette tinte alors, avertissant son porteur d'un danger imminent qu'il peut encore empêcher. Elle ne tinte pas pour le porteur, uniquement pour ceux qu'il souhaite ardemment protéger de sa vie, quitte à risquer la sienne.
Image

Quand on l'appelle, il apparaît !!
Et il reste, alors gare !

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Re: La Mer Verte

Message par Nhaundar » dim. 16 févr. 2020 15:37

VI.24 Tradition de No-Hell.

Alors que tout le petit monde de réveille, l’intérêt se porte rapidement sur les éventuels cadeaux que nous avons reçus durant la nuit. Je sais que nous avons reçu de la visite cette nuit, mais je me garde de tous commentaires qui pourraient gâcher la surprise. Affublé de mon ridicule bonnet, je reste dans mon coin et observe Sylve qui reçoit en cadeau un jeu de trois billes. Alors qu’elle les fait tourner dans sa main je la vois ailleurs, comme si son attention était portée ailleurs. Pour ma part, je regarde dans ma chaussette et y trouve deux objets. Le premier est une orbe ressemblant fortement à ma boule à neige et à son contact celle-ci se colore en un vert brillant. Le second est une petite clochette que je peine à faire tinter en la secouant. Lorsque j‘observe plus attentivement ces deux objets dans le creux de mes mains, une voix mentale pénètre mon esprit.

(Le porteur de l’orbe émotive verras l’orbe se teinter d’une couleur, en fonction de l’humeur de celui qui l’a possède. Elle peut aider à comprendre les sentiments des êtres qui parfois, ne comprennent pas ce qu’ils ressentent. La clochette protectrice permettra à son porteur d’être averti lorsqu’un être cher à proximité est en danger, lui laissant l’opportunité d’agir quitte à mettre sa propre vie en jeu.)

Des objets bien étranges, mais qui me seront certainement d’une grande utilité. Sylve s’approche de moi et me montre ce qu’elle a reçu.

"Ces trois billes sont capables d’apaiser l’esprit en revivant de bon souvenirs, comme si on y était. Il suffit de les faire tourner dans sa main. Et toi ?" Me demande-t-elle.

"Ceci." Dis-je en tendant l’orbe émotive. "Il semblerait qu’elle change de couleur en fonction des émotions de son porteur." Elle saisie l’orbe et celle-ci se teinte d’un bleu profond. "Cette clochette devrait me prévenir lorsque près de moi, un être cher sera en grand danger. Je serai en mesure de te porter secours à temps avec ça !"

Alors que la semi-elfe rougie en me regardant, l’orbe qu’elle tient dans sa main se teinte d’un rose très doux. Nos regards se croisent et se confondent l’un dans l’autre, dans un moment qui semble une éternité. Soudain, ses iris se rétrécissent et son regard se fige dans une mine qui devient de plus en plus sévère. Un bref regard à l’orbe m’indique qu’un courant de couleur rouge foncé prend rapidement le dessus sur la teinte précédente.

"Des chevaux !" Lâche-t-elle dans un murmure que je parviens à percevoir. "Des chevaux !" Crie-t-elle à l’attention de tout le monde.

La formation militaire des Oranais les font réagir rapidement à l’alerte. Ils se précipitent vers leurs armes et sont prêts lorsque les chevaux arrivent sur nous. Ceux-ci ont profité que nous soyons tous concentrés sur ce moment de partage pour se rapprocher de nous. Un premier cavalier arrive armé d’un sabre, mais est rapidement détourné par Ganeshi qui s’est équipé d’une arme d’hast. Un second fonce sur moi avec une lance et Sylve s’interpose et dévie le coup grâce à son bouclier. Un troisième arrive, équipé d’un arc, mais la monture de celui-ci reçoit une flèche envoyée par Ayuni. La monture tombe au sol et entraîne son cavalier avec elle qui ne peut décocher sa flèche à temps. Je me précipite pour me saisir de mon bâton de magie. Même si je suis capable de générer ma magie sans, il me permet de canaliser mes sorts et de les rendre plus puissants. Les deux premiers cavaliers arrivent rapidement au niveau du troisième pour s’assurer que nous nous ne profiterons pas de sa chute et mettent pied-à-terre. Parmi eux, j’en reconnais un qui était présent lorsqu’ils ont capturé Ashiro.

Alors que j’entends une de leurs voix crier "Mage !" lorsque je me saisis de mon bâton, un pic de glace arrive sur moi. Je n’ai pas le temps d’éviter le projectile qui arrive trop vite. Je serre les dents, mais une pluie d’étincelles glacées apparaît autour de moi tandis que mon bonnet luit d’une faible lumière.

(Comment ?)

Plus loin j’aperçois un homme à cheval avec un large chapeau et son bâton tendu dans ma direction. Tout comme moi c’est un magicien et à sa mine déconfite il ne semble pas très content de lui. Nos regards se croisent, nos armes se tendent l’un vers l’autre et nos magies s’activent. J’use du minimum de mes fluides de feu pour faire émerger une boule embrasée dans sa direction. Un nouveau pic de glace arrive sur moi et cette fois-ci, je le vois disparaître sous mes yeux, alors qu’à nouveau, mon bonnet émet cette même lueur. Mon adversaire quant à lui se prend la boule de feu en plein ventre, mais bien qu’il tombe au sol perdant son couvre-chef, il semble encore en état de combattre.

"Ce scélérat est immunisé à ma magie !" Hurle le magicien.

Un homme aux prises avec Sylve la repousse et me regarde l’espace d’une seconde.

"Oublie-le et laisse plume s’occuper de ce gland !"

(Pardon ? Ce gland ? Plume ?)

Pour toute réponse, un rapace s’agrippe à mon épaule et enfonce son bec dans ma nuque. Je me roule au sol, forçant la bête à lâcher prise et prendre de l’altitude.

(L’un d’eux a dressé un animal ailé ! C’est comme ça qu’ils sont parvenus à nous tomber dessus au pire moment !)

L’oiseau charge une nouvelle fois sur moi et je lui envoie me plus faible boule de feu qui lui rôtie une aile et le rend quasi inoffensif.

"Nhaundar ! J’ai besoin d’un coup de main !" Me lance Ayuni.

Il ne me faut pas longtemps pour me rendre compte qu’elle se débat contre le mage et le propriétaire du rapace, esquivant les attaques à distance sans avoir la possibilité de contrer. Je me déplace pour me mettre entre le mage de glace et Ayuni, afin de rendre ses sorts inefficaces.

"On s’occupe de l’archer en priorité !" Lui dis-je arrivant à son niveau.

"Nhaundar, il faut vraiment que tu poses ce bonnet tu as l’air ridicule !" Me fait-elle alors qu’elle tir pour déstabiliser l’archer, mais il semblerait que mon bonnet lui soit une réelle gêne. Le mage dirige son attention sur les combattants aux corps-à-corps, mais la proximité avec ses propres alliés semble lui poser problème.

"Ne ridicule ne tue pas, les pics de glace si !" Lui dis-je alors que je concentre mon attention sur l’arme de l’archer.

Mes fluides s’élancent sur l’arme comme des tentacules et l’un d’eux touche ma cible, créant un pont magique entre moi et l’objet. Il ne me reste qu’à accroître la température jusqu’à ce qu’elle soit assez importante pour provoquer des dégâts. Bien que je pourrais augmenter la durée du sort, les ressources qui me sont nécessaires sont trop précieuses pour les gâcher. L’arc chauffe, forçant son propriétaire à la lâcher. Il hurle une première fois de surprise, puis une seconde lorsqu’une flèche lui traverse la cuisse. A ce moment-là je pense que le combat tourne en notre faveur. C’est sans compter sur les ressources du magicien adverse. Un arc électrique m’atteint et se propage à Ayuni. La douleur est immense et je ne parviens plus à penser l’espace d’un instant. Lorsque je recouvre mes capacités, je suis à genoux les mains au sol.

(Ce salaud a attendu que nous soyons réunis pour frapper plus efficacement !)

La douleur est forte, mais reste encore supportable. Près de l’archère je peux la protéger des attaques de glace, mais nous nous rendons ainsi vulnérable à sa magie foudroyante. Pourtant ce n’est pas ce qui m’inquiète le plus dans l’immédiat. Non, la source même du tourment qui s’installe en moi, est ma capacité à user de la magie sur le long terme. Mes ressources magiques naturelles ne me permettent qu’à quatre sorts à pleine puissance et seulement deux magies de zones de même intensité. Je ne dispose même pas de potion de mana qui pourrait me sauver la mise. Je dois rapidement mettre un terme à tout cela et je le fais savoir à la jeune Oranaise.

"Ayuni couvre-moi ! Je me charge du mage avant qu’il ne soit une trop grande menace."

Je focalise mon attention sur le mage et use de mes fluides pour pénétrer en lui. Ils me cherchent et veulent surtout m’empêcher d’atteindre Oranan. Au vu de ma rencontre avec leur meneur et ce que je lui ai fait subir, ils doivent avoir une crainte certaine de l’échec. Je manipule mes fluides pour atteindre les zones du cerveau responsables de la peur et de la mémoire. J’infiltre ma magie dans ces deux parties pour faire ressurgir un souvenir d’une forte réprimande, l’amplifier et l’associer à notre situation actuelle. Mon but étant de stimuler suffisamment sa peur d’un échec pour qu’il soit complètement désarçonné et incapable de se concentrer pour utiliser ses techniques. L’effet semble fonctionner. J’aperçois le mage qui tend son bâton vers nous, mais soit il use d’une magie invisible, soit il est incapable de manier sa magie et en voyant son visage crispé je pencherais pour la seconde hypothèse.

Un cri de douleur autant que de surprise s’extrait de ma bouche, lorsqu’une flèche me touche à la cuisse. L’archer a récupéré son arme et s’emploie à nous montrer sa hargne. L’intensité du combat est-elle que je parviens à passer outre la douleur qui me submerge, tant l’adrénaline coule dans mes veines. De concert nous frappons, Ayuni et moi, l’archer qui évite ma frappe du golem mais pas la flèche de l’archère. Le projectile s’enfonce dans la chair de son épaule, ce qui va lui rendre la tâche de se battre bien plus difficile désormais.

Le mage désormais inoffensif, je n’ai plus de raison de rester près de la jeune femme. N’ayant utilisé qu’un minimum de magie pour mon sort de terre, il me reste suffisamment de fluide en moi pour user de ma technique de récupération. Avec les dernières ressources qu’il me reste, j’émets des tentacules de mana pour capter les esprits environnants afin de récupérer mes forces. Mon sortilège fonctionne et je parviens à augmenter mon mana, même si je ne suis qu’à la moitié de mes maigres capacités. Tandis qu’Ayuni multiplie les tirs sur le mage démuni, je concentre mon attention sur le combat au corps-à-corps. Sylve et Ganeshi peinent contre leurs adversaires. Equipé de son hallebarde, l’homme parvient à tenir à distance un adversaire équipé d’une épée à deux mains, tandis que Sylve est à égalité dans un duel où s’affrontent lames et boucliers. Les deux opposants sont équipés d’armures légères qui permettent des déplacements plus aisés qu’une protection plus importante. Je connais les prouesses martiales de la semi-elfe et elle est clairement loin d’user toutes ses capacités. Quelque chose la retient, mais quoi ?

"Ayuni !" Hurle son camarade d’arme qui, perdant sa concentration, reçoit une large blessure aux bras.

De mon côté je vois l’archer qui brandit son bras électrifié, alors qu’un éclair s’abat sur la jeune fille qui tombe au sol. Je m’avance à son chevet pour la secourir et envoie de nouveau une colonne de terre s’abattre sur l’archer, avec la dernière parcelle de magie de terre qu’il me reste. Le coup le frappe en pleine tête et semble l’assommer puisqu’il ne réagit pas après être tombé. J’examine le corps de la jeune femme qui est parsemé de multiples brûlures.

"Mais comment est-ce possible ? Je suis persuadé que la magie n’a pas été émise par la main, mais bien avant ? C’est comme s’il n’avait pas incanté de magie et que la source de son sortilège résidait avant sa propre main ! C’est techniquement impossible sans l’utilisation d’une arme magique. Mais si tel est vraiment le cas, alors ils auraient stocké un sort dans une partie d’équipement pour le lancer par la suite ? Cela imposerait quelques contraintes, mais tellement de possibilités. Se serait tout bonnement prodigieux !" Fais-je sans être capable de cacher mon excitation face à cette éventualité.

"Contente que cela te ravisse, mais je crois qu’il y a d’autres priorités à commencer par t’enlever de ma main !" Grogne la jeune fille.

Je m’exécute, lui laissant enfin la possibilité d’utiliser la magie afin de soigner son bras gauche, dont les vêtements doivent cacher une blessure plus importante. Le mage est désormais criblé de flèches et l’archer doit être hors combat vu l’absence de réaction.

"Je vais aider les autres et mettre fin à cette mascarade. Tu vas tenir le coup ?" Fais-je à Ayuni.

"Je vais beaucoup mieux maintenant, mais je doute être capable de me battre pour le moment."
Me répond-elle. "Attends tu vas avoir besoin de retirer ça !"

Elle se saisit de la flèche dans ma cuisse et m’arrache le projectile ainsi qu’un hurlement de douleur. La souffrance est rapidement atténuée lorsqu’elle appose sa magie de guérison. Je la remercie d’un signe de la tête et me relève prestement.

Je la quitte et rejoints le combat de lames et d’épées non sans m’assurer que l’archer ennemi ne s’est toujours pas relevé. De leurs côtés, les deux duels ont tourné court à notre désavantage. Ashiro a subi une nouvelle blessure grave qui a obligé Sylve à s’interposer et fait désormais face à deux adversaires. Elle fait preuve d’une véritable adresse avec son bouclier, mais ses opposants savent visiblement se battre ensemble et ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle ne cède. Il me reste assez de mana pour un sort simple avant de recouvrer à nouveau ma magie. Je concentre mes fluides de feu sur l’homme à droite de la guerrière et insuffle ma magie de feu dans son épée à deux mains pour la chauffer. L’apparition soudaine d’une forte chaleur le surprend et l’oblige à lâcher son arme, permettant à la semi-elfe de focaliser son attention sur le dernier adversaire armé.

Il est temps pour moi de recouvrer mes fluides. A nouveau je me sers de ma magie pour lancer des tentacules de fluides pour atteindre les esprits. Peut-être que notre combat a fini par éloigner ces êtres magiques, car je ne suis capable d’établir une connexion avec aucun d‘entre eux. J’essaie d’augmenter la portée de mon sort, mais le manque de ressources cesse toute activité magique, arrêtant net mon sortilège. Je suis à nouveau sans magie, sans potion de mana, incapable d’incanter le moindre sort pour assister ma camarade. C’est à ce moment, alors que je n’ai plus la possibilité de me battre que la clochette tinte et m’annonce que l’être qui m’est le plus cher est sous le poids d’une menace imminente. Devant moi, l’homme qui a laissé tomber son imposante épée s’est équipé d’une lame dissimulée, sans attirer la méfiance de la guerrière. L’espace d’un instant la perte d’un être proche me tétanise, mais lorsque je comprends qu’il s’agit réellement de Sylve, mon corps se meut de lui-même. Courant malgré les blessures, afin de réduire la distance qui me sépare encore du combat, je me jette en avant lorsque ce sournois félon abat sa maudite lame.

Les yeux de la semi-elfe s’agrandissent de stupeur. Son regard horrifié descend vers une tâche de sang au niveau de son abdomen. Ma soudaine apparition a provoqué la surprise des deux adversaires de la guerrière, mais je dois admettre que la lame qui me transperce le corps fait bien plus mal que je ne l’aurais cru. La douleur a été si intense que je n’ai pas été capable d’émettre le moindre son lorsque j’ai été frappé dans le dos. Cependant il faut croire que j’ai une endurance à toutes épreuves car rapidement la douleur diminue et ne laisse place qu’à une envie folle de m’allonger au sol, aidé par un manque soudain de tonus dans les jambes. J’ignore comment mais je fini allongé au sol, perdant par moment conscience avec la réalité. Des nuages que je ne perçois pas, assombrissent pourtant le ciel, pourtant si vierge d’une quelconque présence il y a peu. Un homme arrive vers moi. C’est Ganeshi. Il semble affolé et sa voix m’atteint difficilement, comme s’il me parlait au travers d’un mur d’eau. Je voudrais le rassurer, lui dire que je n’ai besoin que d’un peu de repos, mais un spasme incontrôlé de mon corps lui crache au visage. Son faciès arbore désormais une teinte sombre. En réalité, écarlate serait plus exacte. A la réflexion, on dirait du sang. Non, il s’agit certainement de mon sang. Je commence à me souvenir. Oui. Sylve était en danger. Je me suis interposé. Il y a eu ce fouet et Ashiro qui a été enlevé. Non, ça c’était il y a des jours après que nous ayons rencontré l’esprit. L’esprit et ce bonnet ridicule que j’ai reçu. Ha oui le bonnet. Et la boule à neige. C’était un bon moment aussi. Et le sucre d’orge.

(Le sucre d’orge ?)

Je fixe le guerrier, mais ne parviens pas à attirer son attention. Je tends donc mon bras pour l’attraper au col. Il attrape mon poignet, comme pour soutenir une personne malade, ou mourante. Mais je ne suis pas mort, pas encore. Je le tire à moi et bien que mes forces me manquent, il doit penser à une dernière volonté, ce qui est tout aussi bien. Alors qu’il tend son oreille vers ma bouche, me laissant l’opportunité de parler. Enfin si j’y arrive.

"Suc…e orge. Ma…ique."

Il s’éloigne de mon visage et me regarde avec un air abattu. Il n’a vraisemblablement pas compris. Je sens mon inconscient repartir, alors j’use de mes dernières forces qu’il me reste pour une dernière tentative. Quelque chose de simple.

Et puis c’est le tourbillon mental. Je ne sais pas si je suis parvenu à parler. Mais à ce moment-là je n’ai plus conscience de mon être. Alors les dernières minutes passées deviennent un concept flou. Je sens ma conscience perdre ses repères, comme le serait un papillon au milieu d’un banc de luciole, incapable de savoir quelle lumière suivre. Je n’ai désormais plus mal. C’est une bonne chose de ne plus souffrir inutilement. En revanche j’ai froid. Je devrais mettre mon bonnet. Je ne me souviens pas l’avoir enlevé. Ma tête tombe sur le côté. J’aperçois sur le sol vert, une multitude de brins d’herbes rouges. Une couleur étrange pour de l’herbe non ? C’est vrai. C’est mon sang. Il y en a beaucoup dis donc. Alors je vais mourir ? Je ne veux pas. J’ai trop de choses que je souhaite apprendre. Des choses que je veux voir. Même des choses que je veux manger. J’ai froid. Je veux vivre. J’ai peur. Mais pour le moment, j’ai sommeil et mes yeux se ferment.

VI.26 Séparation.
Modifié en dernier par Nhaundar le dim. 16 févr. 2020 15:48, modifié 1 fois.

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Re: La Mer Verte

Message par Nhaundar » dim. 16 févr. 2020 15:46

VI.25 Un No-Hell tumultueux.

Sucré. C’est la première sensation qui me vient lorsque j’émerge à nouveau. Quelque chose dans la bouche me gêne, mais en même temps cela me laisse un goût agréable et une sensation revigorante dans le corps. J’ouvre les yeux et je vois Ganeshi juste au-dessus de moi, affichant un fort sentiment de soulagement. Je m’essaye à bouger, mais cette fois-ci je ressens toute l’étendue des blessures, en particulier celle qui me traverse de part en part au niveau de l’abdomen et me fait serrer les dents de douleurs comme jamais. Pourtant loin d’être affligé par un tel supplice, ma souffrance s’amenuise petit à petit. Je cherche à comprendre ce qui m’arrive en tâtant mon corps, mais pour toute réponse, Ganeshi me montre le sucre d’orge magique.

(Ca me revient, je l’ai envoyé chercher la seule chose qui pouvait me sauver la vie. Donc j’ai réussi à faire passer le message.)

"Et les jautres ?" Dis-je, gêné par le morceau dans ma bouche.

"Ayuni va bien grâce à sa magie de soin, cependant on ne peut plus compter sur sa capacité à guérir pour le moment. Le magicien s’est pris une flèche au cœur et l’archer a frappé une pierre en tombant. Il est mort sur le coup. Pour Sylve je l’ignore. Je crois qu’elle va bien, en tout cas, bien mieux que les deux hommes contre qui elle a fait face." Me répond-il.

"Deux jommes ? A elle cheule ?" Fais-je surpris. Je connais et reconnais sa maîtrise de l’épée, mais à ce point !

"C’est arrivé après que tu te sois fais transpercer le corps. Elle est entrée dans une rage folle et a affronté les hommes avec une lame dans chaque main. C’était époustouflant, même pour moi !" M’explique-t-il.

Les blessures et la douleur diminuent à mesure que le morceau de sucre d’orge se dissout dans ma bouche. Aidé de Ganeshi je me lève et vois le dos de la guerrière bouger au rythme de sa respiration. Un genou à terre, elle se tient sur les pommeaux de deux lames plantées dans le sol.

"Chylve ?" Fais-je aussi fort que possible, mais si la semi-elfe m’a entendu, c’est certainement grâce à son ouïe développée vu ma faible voix.

La jeune femme se retourne vivement lorsqu’elle entend ma voix et se rue à mon chevet. La satisfaction de la voir en vie me procure un soulagement rapidement balayé par son visage plein de sang.

"Tu es bléchée ?" Fais-je inquiète en posant une main sur sa joue.

"Non je vais bien, c’est leur sang que j’ai répandu. Mais et toi ? Je te croyais mort ! Personne ne peut survivre après un tel coup sans soins !" Me répond-elle.

"Parche que tu penches encore que je chuis n’importe qui ? Je chuis Nhaundar Janakfein, protecteur d’Oranan, défencheur de la veuve, de l’orphelin et des blondaches chans chervelle !" Dis-je avec un sourire narquois.

"J’ai bien compris…blondasse sans cervelle ? Au quatrième oulà j’arrêterai le supplice pour te laisser la possibilité de m’expliquer comment tu as réalisé ce prodige." Clame-t-elle alors que je ne comprends pas ses propos.

Elle passe sa main sur mon ventre et atteignant la blessure qui ne s’est toujours pas refermée, commence légèrement à appuyer dessus.

"Oulà, oulà, oulà, oulà !" Fais-je accablé par la douleur avant qu’elle ne s’arrête lorsque Sylve retire sa main. Je place le morceau de sucre dans la joue pour mieux m’exprimer. "D’accord je vais parler. Tu te souviens de l’esprit ? Il nous avait offert plusieurs cadeaux et parmi eux, un sucre d’orge qui peut guérir toutes les blessures. Vous feriez mieux d’en prendre vous aussi, on ne sait pas ce qui peut nous tomber dessus."

"Vu la quantité qu’il a fallu, je dirais qu’il y en a au moins pour deux utilisations." Explique Ganeshi montrant le précieux produit.

"Pas la peine. Nos blessures sont gênantes, mais rien que l’on ne puisse surmonter. Je préfère que l’on conserve un tel objet dans les cas extrêmes !" Déclare la guerrière avant de reprendre. "Ces hommes sont ceux que l’on a rencontrés dans les ruines. J’en reconnais au moins un avec certitude. Espérons que c’était le groupe le plus rapide. Nous devons regagner au plus vite Oranan. Ganeshi, à quelle distance sommes-nous de la cité ?"

"En forçant sur les montures ? A la condition de vous laisser un cheval, vous pourriez-être arrivées demain avant midi." Répond Ayuni qui s’est jointe à nous.

"Vous ne venez pas ?" Lui dis-je alors que sucre d’orge est sur le point de se désagréger complètement.

"Des hommes sont à vos trousses et ils ont un civil avec eux. Notre devoir est de vous aider dans votre tâche, alors je vais prévenir les éclaireurs des alentours pour faire des rondes. Ca leurs prendra plus de temps pour atteindre Oranan et vous permettra d’arrêter le commanditaire." Explique-t-elle.

La réponse me fait mal autant qu’elle m’apaise. Je ne m’attendais pas à disposer ainsi des forces armées d’Oranan, mais un point me pèse sur le cœur.

"Alors nos chemins se séparent ?"

"Vu le combat que nous avons mené, nous allons certainement être remplacés après avoir transmis les informations. Donc on se reverra très prochainement. D’ici là, prenez soin de vous. D’ailleurs Nhaundar j’ai un conseil à te donner. Tes vêtements ne sont pas fait pour le combat. Bien qu’ils soient tâchés de sang, ceux du magicien ne lui seront plus d’une grande utilité !" Déclare-t-elle.

"Et puis tu es facilement repérable avec ton accoutrement de gueux." Lance Sylve avec un sourire en coin. Une petite vengeance pour "la blondasse sans cervelle !"

J’acquiesce à la proposition et va voir le corps du malheureux. Je me dépêche de le dévêtir car je veux prendre le temps d’une accolade avec mes nouveaux amis. Même si cela me répugne, j’enlève les flèches de son corps une à une avant de retirer une sorte de grande chemise bleutée arrivant juste en dessous du bassin. Entre les trous des projectiles et la marque de ma boule de feu, un tour chez un tailleur ne sera pas du luxe. En espérant qu’ils puissent faire quelque chose ! Je retire également son pantalon marron ainsi que sa ceinture. Je suppose que nous ne faisons pas la même taille et je ne voudrais pas me retrouver à courir avec, tombant à mes chevilles. Je commence à me vêtir de mes nouveaux équipements et à première vu, l’homme était plus petit et plus rondouillard que moi. Ses mains sont protégées par une paire de gants blancs en tissus doublé. Ce n’est peut-être qu’un détail, mais en cas d’escalade je risquerais moins de me faire mal, même si à première vue, mes doigts sont plus grands que les siens. Je possède bien un bonnet magique qui est extrêmement efficace contre la magie de glace, mais d’après certains propos il est aussi efficace contre les relations sociales. Je ferais mieux de le garder dans un coin plutôt que de le porter en permanence. Je me vêtis de son couvre-chef pourpre avec une grande pointe en son centre. Une fois la mission à son terme je tâcherai de prendre le temps de m’équiper avec des couleurs un peu plus unies. En attendant, je place le tabard de la milice bien en vue.

Alors que Sylve m’appelle pour partir, je prends le temps de ramasser son bâton. Un long manche jaune robuste dont l’extrémité se termine par une sorte de gros rubis. L’éclat me paraît un peu terne, mais je prendrais quelques instants pour m’assurer que les propriétés magiques soient intactes. En revanche il m’est difficile de le manier avec une seule main comme mon bâton. Je ne pourrais donc les utiliser ensemble. N’ayant pas le temps de tout regarder, je prends également son sac et ferais l’inventaire de son contenu plus tard. Peut-être que des vivres alléchantes s’y trouvent ! Je reviens vers le reste du groupe. Sylve et Ayuni s’affaire à charger les montures de juste ce qu’il faut de vivre pour atteindre Oranan, tandis que Ganeshi est auprès des corps que Sylve a massacrés seule.

"C’est bon je suis prêt !" Leur dis-je.

J’ai droit à de longs regards de la part de la gente féminine qui critique des yeux mon nouvel accoutrement. A leur tête ça ne semble pas à leurs goûts.

"Ma fois, soit cet homme avait très mauvais goût…" Commence Ayuni.

"…soit il a ramassé ça sur d’autres individus !" Termine Sylve. "Bon pressons, ne perdons pas plus de temps !"

Alors que les deux jeunes femmes se prennent dans les bras l’une de l’autre, Ganeshi arrive avec d’étranges équipements avec lui. Il me présente une dague magnifiquement ouvragée ainsi qu’une paire de gants renforcés.

"Tiens c’est pour toi !" Offre le soldat.

"Pour moi, mais pourquoi ? Je veux dire c’est très gentil, mais je serai incapable de manier une telle chose, quant à ces gants, ils sont un peu lourds pour moi." Dis-je en essayant de ne pas le vexer.

"Non ne t’inquiètes pas, je le sais parfaitement. Cependant ce genre d’équipement peut se revendre une bonne somme, les forgerons sont toujours en quête de matériel à fondre ou même à revendre ! Je t’aurais bien donné l’épée à deux mains, mais je crains qu’elle ne te ralentisse trop et les gants sont peut-être la seule chose que Sylve n’a pas endommagée. C’est aussi ton butin de guerre alors prends-le !" Explique Ganeshi.

Avant de prendre les objets en mains j’enlace le soldat. Encore hier j’étais un étranger qui inspirait plus que de la méfiance et aujourd’hui je quitte deux personnes, non…deux amis. Je relâche l’étreinte et prends les cadeaux.

"Merci. J’apprécie énormément le…haaaaa !"

Le poids des gants me surprend au point où je manque de les laisser tomber. La lame de la dague luit d’une belle clarté à la lumière du soleil et le maintient du pommeau est assurée par de nombreuses bandelettes de cuir. Les gants quant à eux sont lourds, seule des mains musclées seraient capables de les manier. Une épaisse couche de métal protège le dos de la main, tandis que sur les doigts semblent particulièrement solides. Le forgeron qui les a modelés a particulièrement mis tous son savoir-faire dans cette partie. Solide tout en restant maniable. J’ajoute ces objets à mon sac et m’en vais serrer l’archère dans mes bras.

"Il y a encore quelques sorts que je veux tester, j’espère que mon cobaye sera vite disponible !" Fais-je en ricanant.

"Pourquoi pas ! J’ai moi aussi envie de m’entraîner à tirer sur une cible mouvante !" Se moque-t-elle.

Nous montons à cheval, Sylve prenant la monture d’un des soldats pour aller plus vite. Je me retourne une dernière fois après avoir fait quelques mètres.

"Prenez soin de vous !"

VI.27 Retour à Oranan.

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Cromax
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Re: La Mer Verte

Message par Cromax » dim. 31 janv. 2021 14:24

La Fin d’une Ere
(Mission « Mer Verte » (Yliria, Kiyoheiki, Jorus, Tobias))



Le Comte Ybelinor approuve le rapport de son capitaine désigné pour le groupe des Ruines de Nayssan, et laisse le groupe s’en aller vers de nouvelles aventures peuplées de combats terrifiants, de mystérieux secrets, d’obscurs pouvoirs et de narration légendaire (#orgueil). Tous quatre juchés sur leur monture, ils quittèrent le camp de l’armée kendrane en direction desdites ruines, pénétrant au bout de quelques heures de trot dans la fameuse Mer Verte. Pendant cette première partie du trajet, Yliria apprend à manier sa vieille carne docile avec facilité. Tobias a été avisé de choisir un canasson au caractère si doux, et la semi-shaakt se débrouille comme un chef pour l’apprivoiser. De même, les autres chevaux, dressés par l’armée pour ceux qui en ont emprunté, ne posent aucun souci d’obéissance.

S’ensuivent deux journées complètes de voyage à travers ce paysage vert et humide, sans incident majeur si ce n’est d’apercevoir au loin quelques exemples de la faune locale, comme de gros alligators se fondant dans l’herbe moite. Quelques bruits étranges, la nuit, coassements et autres grognements lointains, mais rien qui puisse empêcher les aventuriers de prendre du repos.

Vers la fin de l’après-midi de la seconde journée de marche, ils arrivèrent enfin en vue du lieu-dit des « Ruines de Nayssan ». De visu, et de loin, il n’y avait pas l’air d’y avoir grand-chose d’exceptionnel là : une arche de pierres blanches surplombait la route, et quelques vieux résidus de ruines naissaient çà et là du sol. Aucun bâtiment intact ou même indice de vie sur place. Ni aucun mort-vivant à vue.

Le groupe devait donc décider quoi faire : Pénétrer directement sur ces ruines, attendre la nuit pour le faire, dormir une nuit à distance et observer ce qui se tramait sans s’y aventurer plus avant et n’aller les visiter que le lendemain ? Ou toute autre action possible comme la stratégie préférée des groupes dans un films horrifique : se séparer et partager les tâches entre les différents membres. Seule chose notable : un silence de mort régnait sur les lieux. Fi des crocodiles et autres batraciens : il n’y avait dans le coin aucune faune visible ou audible.




[HJ : Vous pouvez RP le trajet avec tous les apartés que vous souhaitez, et terminer par votre choix éclairé.

XP :
Yliria : 0,5xp (adieux avec Cherock) + 2xp (expériences avec le mort-vivant) + 0,5xp (discussion de groupe sur la créature) + 0,5xp (réunion et préparation)
Tobias : 0,5xp (discussion avec le Comte) + 0,5xp (discussion de groupe sur la créature) + 0,5xp (réunion et préparation)
Kiyoheiki : 2xp (expérience et meurtre avec le mort-vivant) + 0,5xp (discussion de groupe sur la créature) + 0,5xp (réunion et préparation)
Jorus : 0,5xp (discussion avec le soldat traumatisé) + 0,5xp (discussion de groupe sur la créature) + 1xp (expérience et meurtre avec la créature) + 0,5xp (réunion et préparation). Bonus : tu reçois la rune Vi (j’ai explosé de rire à plusieurs reprises en lisant ton post)]

Byrnisson
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Re: La Mer Verte

Message par Byrnisson » sam. 6 févr. 2021 20:10

Chapitre III - Selle ou poivre [Précédent chapitre ici ]


Je quitte l’enceinte du camp, la tête résonnant encore des cris de la créature agonisante. Nous chevauchons pendant une petite heure à travers le Val, reléguant le tumulte du camp à une vague et lointaine rumeur. Je jette régulièrement un coup d’œil à ma carte pour m’assurer que nous empruntons le bon itinéraire. J’estime que notre chevauchée devrait durer environ deux jours, ce qui devrait nous permettre de commencer à échafauder un plan.

(Faudrait-il encore que j’en connaisse un peu plus sur mes compagnons.)

Une fois assuré que nous sommes engagés sur la bonne voie, je me désintéresse de ma carte pour m’adresser à la troupe. L’épreuve me parait bien plus abordable maintenant que le comte ne me darde plus de son regard dur et inquisiteur.

« Hem... s'il vous plaît ? Peut-être, pourrions-nous mettre à profit notre temps pour en apprendre un peu plus les uns sur les autres ? Si vous me le permettez, je souhaiterais débuter ; il me tient à cœur de clarifier certaines choses. »

Personne ne bronche, j’entame les présentations et en profite pour lâcher ce qui me trotte dans la tête depuis une bonne demi-heure.

« Je suis simple soldat, au service du duché de Luminion. En son académie, j'ai appris à me battre, à évoluer en terrain ennemi et les bases de la stratégie. Je suis conscient de n'avoir de capitaine que le titre, plus encore au regard d'aventuriers qui ne doivent aucun compte à l'armée. Mais je suis militaire, j'assumerai donc mes responsabilités. Pour l'heure, je ne demande pas l'obéissance, juste votre confiance. »

Pas de réaction en face. J’espère avoir savamment pesé mes mots et que mes intentions sont claires. J’accomplirai mon office, parce que ce sont les ordres. Mais je compte bien le faire à ma façon et sûrement pas « d’une main de fer », comme l’entendait le Comte. Mon auditoire demeure perplexe, sans doute ai-je déclamé d’un phrasé indigeste. Conséquence de quoi, la causerie tarde à démarrer. J’en profite pour évoquer mes modestes facultés magiques ; après tout, l’information pourrait leur être utile.

« Par ailleurs, je suis capable de produire cette chose - je tends ma main droite et me concentre pour reproduire les effets que je me suis entraîné à réaliser, des jours durant, en voyageant depuis le duché. Je fais apparaître une brève lueur blanche à l’extrémité de mes doigts puis commente cette fugace apparition - je suppose que c'est ce que vous appelez les fluides lumineux ».
Je laisse ma main retomber sur mon flanc et conclus en balayant le groupe du regard.

« Voilà pour ce qui concerne mes capacités. Qu'en est-il de vous ? ».
Jorus prend la parole et se décrit en quelques mots. Il vient du royaume d’Eniod, que je saurais situer sur une carte du continent d’Imiftil. Il me semble que le climat y est chaud et humide, sûrement bien différent des montagnes au milieu desquelles j’ai grandi. Il se décrit comme étant spécialiste du combat rapproché et déclare disposer d’une technique qui pourrait nous être utile pour évoluer une fois la nuit tombée. Il n’entre pas vraiment dans les détails, mais je garde en tête sa proposition. Il nous montre également une sorte d’artefact magique produisant de la chaleur, avec un avantage indéniable sur le traditionnel feu de camps : la discrétion.

(Ça c’est concret, et très intéressant ; il faudra que je lui en reparle plus tard…)

Le sergent Kiyoheiki poursuit. C’est un natif d’Oranan, qui affirme maîtriser la science des herbes et la magie de guérison. Une aubaine pour moi qui escomptait développer la maîtrise de mon don.

(Je pourrais probablement apprendre de nouvelles choses en l’observant user de sa magie.)

Son ton est froid mais cordial. Il déclare en effet être enclin à coopérer avec moi pour peu que je le traite décemment. Manquer de respect à mes seuls alliés m’apparaît inconcevable ; sa condition ne me semble pas contraignante.

Yliria termine les présentations. Elle a partagé sa jeunesse entre Gwadh, que je ne connais pas et Tulorim, capitale de la fédération de Wheil, également localisée sur le continent d’Imiftil. A l’écoute de ces noms exotiques, j’envie un peu la vie de ces aventuriers. Quels paysages, quelles ethnies et autres merveilleuses richesses ont-ils découvert au cours de leurs errances ? N’ayant jamais quitté le massif des deux jumeaux, la seule vision que j’ai du monde extérieur est limitée aux contes et à mes lectures ; le tout enjolivé par mon imagination.

(A mon retour, peut être pourrais je déposer une requête pour être affecté dans une autre province ? Ainsi, je visiterai d’autres lieux… et Tobias Arthès fera démonstration de ses talents dans tout le royaume!)

D’un effort brutal, je m’extirpe de ma rêverie. Je reprends le fil du discours d’Yliria suffisamment tôt pour comprendre qu’elle a combattu des créatures similaires à celle que nous avons observées il y a quelques heures. C’est un atout précieux, tout autant que sa maîtrise multiple du corps-à-corps et de la magie. Elle conclut en se déclarant favorable à ce que nous travaillons en équipe.

Au final, les réponses de mes coéquipiers s’apparentent à un « oui » de principe ; j’en suis immensément rassuré. J’acquiesce d’un mouvement de tête à chaque prise de parole et ne développe pas plus longuement ce premier contact. Les réponses de chacun ont éveillé ma curiosité mais je préfère m’adresser individuellement à chacun d’entre eux. Je laisse passer quelques minutes puis ralenti progressivement ma monture pour venir me positionner à hauteur du sergent elfe.

« Sergent Kiyoeiki, pardonnez mon indiscrétion mais je comprends que certains de vos proches résidents à Oranan. Avez-vous reçu des nouvelles de ces derniers récemment. Sont-ils sains et saufs ? »

En parlant, je me rends compte que ma monture ralentit un peu trop et m’efforce, sans succès de lui faire rattraper le retard qu’elle a pris. De toute évidence, le grand étalon du sergent n’apprécie pas la proximité de ma jument. Je réalise un peu tard que ma question est extrêmement intrusive et ajoute.

« Ne vous sentez pas obligé de répondre, évidemment ! »

Le sergent me répond, avec une pointe d’agacement.

« Laissez-moi vous donner un conseil, Capitaine Arthès. Une question est semblable à un coup. Il est préférable, soit d'assumer pleinement son acte, soit de s'en abstenir si d'aucun doit le regretter par la suite. »

La remarque me fait tourner au rouge tomate.

(Et voilà, Tobias récidive et se met à dos tout le monde avec ses questions indiscrètes.)

Je détourne le regard, honteux, prêt à prendre congé du sergent. Étonnamment ce dernier répond tout de même à ma question.

« Ma famille s'y trouve encore. Je n'ai nul moyen d'être certain de leur sécurité, si ce n'est... Par le pressentiment que rien de tragique ne leur est pour le moment arrivé. »

Je n’ose imaginer l’inquiétude du sergent. Et pourtant, son attitude reflète une grande maîtrise de ses émotions. Je devine également une grande constance dans son comportement comme dans ses prises de paroles. Il me rappelle ces grands stratèges que j’ai eus l’occasion de lire. Sa remontrance me rappelle un paragraphe, sur les techniques d’escarmouches…

(Mouche…)

Je réponds au sergent, l’air grave, tentant de lui exprimer toute ma compassion.

« Espérons que nos actions permettront de préserver vos proches des funestes desseins de nos ennemis. »

Je ne résiste pas à l’envie de répondre à sa remarque avec un sourire amical.

« Avec un peu de recul, je comparerais plutôt mes questions à la piqûre d'un moustique. Elles dérangent, elles irritent, et leur émissaire reçoit régulièrement d'une tance en retour. En survivant, il s'octroie néanmoins la possibilité d'essayer un autre angle d'approche.
Merci pour cet échange, sergent Kiyoheiki. »


Je m’incline légèrement en signe de respect et tire la bride de ma jument pour la calquer à quelques mètres derrière le sergent. La journée avance vite ; mon esprit se perd dans la marée végétale qui borde la route. Elle est constituée majoritairement d’une plante curieuse, la veule, si mes souvenirs sont bons. Naturellement gorgée d’humidité, son battement au rythme du vent donne l’impression de contempler un vaste plan d’eau. Lorsque la mi-journée approche, j’engloutis un petit en-cas composé essentiellement de graines et de légumes séchés.

Je m’approche ensuite d’Yliria pour vérifier que tout se passe pour le mieux avec la jument que je lui ai dégotée. Je me positionne à sa hauteur, constate que jument et cavalière paraissent calmes puis demande, mal assuré :

« Heu... tout se passe bien ? »

Mon intervention la surprend mais elle décoche un hochement de tête accompagné d’un sourire.

« Dans l'ensemble, oui. Ginko est parfaite, ça rend les choses faciles contrairement à ce que je craignais. »

Elle fixe le sergent brièvement puis s’adresse à moi.

« Vous me permettez d'être franche ? »

(Holala, ça sent le reproche à plein nez ça ! Le sergent a dû lui parler. Ou alors c’est ma déclaration de ce matin !)

Instinctivement, ma respiration se bloque et je suis pris d’un hoquet. Je tente de me calmer puis lui répond. « Oui oui, évidemment, je vous en prie. »

Ma réaction la fait sourire. « Pas besoin d'être si nerveux, vous savez, je ne mords pas. »

Je me détends sur ma selle, tandis qu’elle reprend sont sérieux et poursuit.

« Je pense que vous prenez ce rôle de chef et de capitaine trop à cœur. Je ne suis pas soldat et, pour être honnête, suivre les ordres n'a jamais été mon point fort, alors votre grade donné par le Comte ne change rien pour moi. Cela étant, je n'ai rien contre vous et vous avez visiblement subi la chose tout comme nous. Je suis sûr que les autres en ont conscience également. Donc si vous avez besoin de mon aide, n'hésitez pas à la demander. »

Sa remarque me déstabilise car elle transcrit cruellement bien la vérité de ma situation. Mon regard se perd dans le vague, à la recherche d’un point imaginaire tandis que mes pensées parcourent le fil de mes idées. Ce qu’elle a dit ne fait que confirmer que la posture que j’ai choisi d’adopter est la bonne. Je lui réponds, sûr de moi.

« Merci. Je comprends votre point de vue, même si je ne peux y adhérer pleinement. Le Co... – je me reprends car blâmer directement mon supérieur serait indigne - J'ai été mis dans une position inconfortable lorsqu'on m’a désigné à ce grade. Mon sens du devoir m'incite à me conformer à cet ordre. La raison me dicte que mon grade n'a aucun sens au sein d'un groupe de chevronnés et d'indépendants. En toute franchise, j'ai tiré l'épée pour la première fois contre un réel ennemi il y a deux semaines à peine. Néanmoins, après réflexion, j'espère, en tant que profane, apporter un point de vue différent sur les situations qui nous attendent et surtout, pouvoir vous décharger des tâches les moins reluisantes de cette mission, en m'occupant par exemple des aspects logistiques, ou en fournissant notre rapport au comte. Pas très gratifiant, mais c'est toujours mieux que curer les latrines du camp ; et j'aurai respecté mes ordres. »

Ne souhaitant pas prendre le risque de chambouler mes convictions, je lui adresse un sourire et tente d’éluder le sujet « Puis je vous poser une question personnelle ? »

Elle nie de la tête et réplique « Nous sommes une équipe, nous partageons les tâches. Tuer n'est pas plus gratifiant que préparer le repas, à choisir je préfère le deuxième... ».

Yliria pousse ensuite un soupir mais m’invite tout de même à poser ma question.

(Ça y est, la question qui gratte de Tobias, c’est pour bientôt.)

Je clos le sujet précédent en déclarant « J'ai un petit détail à régler à ce sujet, mais permettez-moi de m'occuper de la pitance ce soir ; ce n'est pas une corvée pour moi, mais un plaisir. – ce qui semble la mettre de bonne humeur. Ma question en revanche semble couper court à sa bonne humeur - Je pêche par mon ignorance mais je ne connais pas Gwadh. Où est-ce situé ? »

« Gwadh... C'est une ville shaakte en Nosvéris. Je ne sais pas où c'est exactement, je ne me suis jamais ennuyée à la chercher sur une carte après en être partie. N'y allez pas, jamais, c'est tout ce que je peux vous dire. »

Je fronce les sourcils, réceptif à sa soudaine saute d’humeur. « Je ne souhaitais pas éveiller des souvenirs difficiles. »

(Étrange, elle aurait renié ses pairs ?)

J’hésite à la questionner plus sur ses origines, au risque de la chagriner plus encore. Je me repositionne sur ma selle joue nerveusement avec la bride de Friponne puis me lance.

« Vous êtes-vous même Shaakte, non ? ».

« Vous ne pouviez pas savoir, ne vous en faites pas. Et je suis une semi-shaakte, mon père était humain. Je ressemble bien plus à une shaakte qu'à une humaine, donc les gens ne cherchent pas plus loin, en général. Les gens détestent les shaakts ».

Je la vois incliner sa tête sur le côté, manifestement curieuse.

« Vous ne semblez pas être de ceux-là ».

Je réfléchis un instant. Il est vrai que mon attitude dévie du Luminéen moyen.

« J'ai grandi dans un village isolé, au sein du massif des jumeaux. Ma connaissance des autres peuples se limitait aux contes et légendes colportées par de rares visiteurs étrangers. Il me semble donc plus sage de construire mon opinion en me basant sur mon expérience. Jusqu'ici, elle n'a rien de déplaisant. »

« J'en suis heureuse. Je ne voudrais pas vous fâcher avec les autres races, même si je vous conseillerai toujours de vous méfier des shaakts. Par prudence. – Cette fois, c’est elle qui change de sujet, après avoir détaillé mon épée. - Pourquoi être devenu soldat ? »

Le sujet est encore plus épineux que le début de notre conversation. Je détourne le regard et passe ma main nerveusement dans la crinière de Friponne, cherchant une manière de formuler une réponse pas trop désavantageuse. Inutile de mentionner ma maladresse chronique, qui a conduit ma famille à douter sérieusement de mon utilité à la ferme. Mes coéquipiers pourraient également remettre en cause ma légitimité si j’en faisais mention. D’autant plus que j’ai l’impression de faire moins de bourdes depuis que je cherche à développer mon pouvoir. (Y aurait-il une sorte de symbiose ?)

J’opte pour une demi-vérité. Celle d’un adolescent quittant sa ferme, pétrit d’ambition.

« J'ai considéré pour vraie une partie des légendes qui ont bercé mon enfance. Celle qui parle d'honneur, de héros et de chevalerie... En pratique, c'est plus complexe que ce que j'idéalisais. Mais j'ai l'impression d'être utile ici. »

Yliria médite quelques instants mes mots qui répond calmement.

« Si c'est votre voie, j'espère qu'elle vous mènera là où vous souhaitez vous rendre. Peut-être qu'un jour, après tout ça, j'entendrai parler du héros Tobias Arthès. »

Elle accompagne ces derniers mots d’un sourire ponctué d’iris pétillants.

Dans ma tête, c’est un déferlement d’images. Mon départ de la ferme, il y a presque deux ans déjà ; mes rêves abreuvés par des légendes héroïques ; la dure réalité du métier de soldat, et pourtant : je prends par aujourd’hui à une mission de premier plan. (Un héros, peut-être oui, d’ici quelques missions de ce type…)

Je ne peux réprimer un grand sourire tandis que je me redresse sur sa monture, droit comme un I. Je balbutie une réponse, incapable de faire le tri dans mes pensées.

« Merci, Yliria. Je l'espère. Enfin, si je m'en montre digne... Je vais jeter un œil à l'itinéraire, si vous le voulez bien. Merci pour ... Euh ... votre temps. A plus tard. »

Elle hoche la tête poliment et j’éloigne un peu ma monture, l’air sérieux, détaillant le contenu de ma besace à la recherche de ma carte. Je m’acharne pendant de longues secondes pour finalement me rendre compte que je la tiens roulée dans ma main. Descendre de mon envolée émotionnelle me demande une bonne heure, après quoi je décide de m’adresser à Jorus au sujet de son étrange artefact magique.

« Excusez-moi, accepteriez-vous de m'expliquer un peu plus en détail, le fonctionnement de votre broche ? »

L’homme me regarde, l’air sceptique, avant de porter son attention sur sa broche.

« En fait je ne sais pas trop. Elle a été activée avec ma f... – il interrompt brutalement sa phrase, cherchant probablement une formulation adéquate puis reprend - avec ma force de volonté ! – Son visage se détend. - C'est avec ma volonté que j'arrive à générer une source de chaleur. Je ne comprends pas trop ces trucs magiques, le mieux reste encore de l'essayer ! »
Il me tend la broche. Je le remercie et la saisis avec d’immenses précautions. L’objet a certainement une immense valeur et je ne souhaite pas faire un mouvement qui pourrait l’abîmer. Je fixe intensément l’objet, tentant de lui communiquer ma force de volonté.

(Chauffe !)

Pas de réaction. Je passe de longues minutes à essayer de faire fonctionner l’objet en lui commandant de manifester son pouvoir. Pas de résultat. Face à cet échec, je change d’approche. J’imagine la broche comme un prolongement de ma main, comme une griffe par exemple, mais ayant une fonction différente. Avec cette représentation, ce n’est plus à la broche, mais à mon corps que je demande de chauffer. La broche émet une imperceptible vibration puis soudainement une chaleur agréable irradie mon visage.

« Oh ! Fascinant... »

Ma main qui tient la broche ne ressent aucune chaleur, aucune brûlure, comme si elle en était protégée. Et pourtant, de mon autre main je peux sentir une chaleur agréable, pareille à un feu de cheminé, presque brûlante lorsque je l’approche suffisamment.

(Avec de la pratique, je pourrais probablement m’en servir pour cuisiner…)

Je rends sa broche à Jorus, « Pourriez-vous me la confier ce soir, une fois le campement établi ? Je souhaiterais l'utiliser pour préparer notre repas. Je vous promets d'y faire grandement attention. »

Il semble trouver ma proposition alléchante. « Ho vous savez cuisiner ? Si cela peut me permettre d'éviter de manger trop cuite, trop fade, ou simplement trop mauvais, je vous la confie avec grand plaisir. Je ne pensais pas utiliser la broche de cette manière, mais je doute que la chaleur soit suffisante. Nous ne prendrons rien à essayer cependant ! »

Je remercie Jorus puis prends congé de lui pour réfléchir au menu du soir. Je fais un rapide tour mental du stock que j’ai constitué au camp et choisi un plat adapté.

Une fois le bivouac monté, je m’attèle rapidement à la préparation des légumes. Je découpe carottes et pommes de terre très finement, afin de faciliter leur cuisson. J’extirpe ma casserole de mon paquetage, la pose à cheval sur plusieurs pierres et y laisse choir quelques épices et quatre fines tranches de lard de sanglier fumé. Je demande sa broche à Jorus, qui me la prête volontiers. Je reproduis l’état méditatif de l’après-midi et obtient rapidement une douce chaleur. S’engage alors une véritable gymnastique mentale pour tenter concentrer la chaleur sur la casserole. Je bataille une bonne demi-heure, sans succès : pas moyen de faire monter la pitance en température. Je demande au groupe s’ils voient un inconvénient à ce que je fasse un feu, vu que nous sommes encore éloignés des ruines.


Yliria, qui a dû observer mon manège s’approche soudain et produit de petites flammes qui viennent se loger sous ma casserole. Je bredouille un vague « Merci, mais j’avais un bri… » puis me précipite sur mon paquetage pour en sortir de petites buchettes avant que les flammèches ne s’estompent. Ma casserole chauffe, les pierres autour de la gamelle montent en température et le lard commence à grésiller. J’ajoute mes légumes puis profite de la cuisson pour observer Yliria et Kiyoheiki qui se livrent à quelques passes d’armes un peu à l’écart du campement. Leur maîtrise est impressionnante. Vingt minutes plus tard, j’obtiens une poêlée des plus appétissante, que je saupoudre d’un peu d’herbe royale. Je rends sa broche à Jorus, puis invite mes équipiers à me présenter leurs gamelles.
La nuit et le reste du voyage se passent dans encombres. Nous atteignons les ruines en fin de journée et nous mettons d’accord pour ne pas les approcher immédiatement. Nous attendons que la nuit tombe et nous postons en observation. Debout à côté de ma monture, j’attends impatiemment qu’une présence se manifeste parmi les ruines ; peut-être les lueurs dont nous avons entendu parler.

Suite
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Jorus Kayne
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Re: La Mer Verte

Message par Jorus Kayne » sam. 6 févr. 2021 20:55

Je retrouve le reste du groupe au point de départ prévu. Avant de prendre la route, je tiens à tenir informé pour ceux qui l’ignorent, la mort de la créature et ce qui va arriver à son corps.

"Finalement nous nous sommes occupés de la créature avec...heu..."

(Kiyo-he-iki !)

"…Kiyoheiki ! J'ai demandé aux gardes de préparer l'inhumation, mais ça n'a pas semblé être leurs priorités. Je n'ai malheureusement pu en informer le frère du soldat mort, la fatigue a eu raison de lui. J'espère qu'il aura la possibilité d'être présent avant qu'il ne soit trop tard !"

Nous quittons le camp sur nos montures en direction de notre objectif. Au bout d’une heure, alors que notre fier capitaine scrute la carte comme s’il craignait qu’on se détourne du chemin pour arriver à Bouhen, ce qui serait cocasse, il finit par proposer que l’on se présente tous. Une idée pas idiote et je sens que l’aura du comte qui s’éloigne le détend un peu.

"Je suis simple soldat, au service du duché de Luminion. En son académie, j'ai appris à me battre, à évoluer en terrain ennemi et les bases de la stratégie. Je suis conscient de n'avoir de capitaine que le titre, plus encore au regard d'aventuriers qui ne doivent aucun compte à l'armée. Mais je suis militaire, j'assumerai donc mes responsabilités. Pour l'heure, je ne demande pas l'obéissance, juste votre confiance."

(Bon déjà, pour un soldat, il monte dans mon estime !)

Puis il enchaîne en montrant sa capacité à manier les fluides, en générant une petite lueur blanche dans le creux de sa main et il nous invite à faire de même. Je me racle la gorge, tant pour attirer l’attention que pour éviter de bafouiller un truc stupide.

(C’est vrai que ce n’est pas ton genre !)

Je balaye mentalement la remarque de ma faéra pour enchaîner avec l’esprit libre.

"Je me nomme Jorus. Je suis un pur produit des quartiers pauvres d’Eniod. Autant vous dire qu’entre le comte et moi il y a un abîme que même son mépris ne saurait combler. Je suis dépourvu de magie et pour le peu que j’en ai vu, ce n’est pas plus mal ! Non je préfère me battre au corps-à-corps en usant d’habiles pirouettes dont j’ai le secret ! Si nous avons à agir durant la nuit, j’ai récemment rencontré un Sindel, durant mon séjour au Naora, qui m’a enseigné une technique intéressante en jouant avec l’obscurité ambiante. Nous verrons bien ce que cela va donner. En parlant du Naora, j’ai également reçu un cadeau étrange." Je détache ma broche pour la présenter au reste du groupe. "Ceci permet de générer une chaleur comparable à un feu. Nous pourrions ainsi rester au chaud lorsque nous monterons le camp et ce, sans avoir à craindre de se faire repérer avec un feu de camp ! Bon après je vous avoue ne l’avoir jamais essayé en condition réelle donc nous verrons bien."

Pensant avoir fait le tour de mes maigres capacités, je laisse à qui le veut le soin d’enchaîner.

(Quoi que je n’ai pas précisé que j’ai une horrible voix agaçante dans ma tête !)

(Tiens j’entends comme un bourdonnement moi ?)

C’est avec un bref salut du corps que Kiyoheiki entame sa propre présentation avec un ton particulièrement neutre.

"Sergent D'Esh Elvohk Kiyoheiki, en la milice d'Oranan. Natif de cette même cité, herboriste et guérisseur de quartier. Mage blanc." Il se redresse et poursuit. "Coopérer avec vous est nécessaire en cette crise sans précédent. Mais l'expérience m'a appris à être prudent quant à la confiance que j'accorde. Œuvrons de concert et je vous offrirai mon appui, tant que vous ne ferez ni ne direz quelque chose de... Déplacé."

(C’est moi où il est coincé du cul ?)

(Vu sa façon de parler, il aurait commandé une truite chez un poissonnier c’était du pareil au même ! Au moins il a conscience que la confiance ne s’accorde pas à n’importe qui !)

Puis c’est à celle qui m’intrigue le plus de finir cette série de présentation.

"Je m'appelle Yliria Varnaan'tha, née à Gwadh, réfugiée à Tulorim. Contrairement aux sous entendu de cet... du Comte, je n'y connais rien aux arts obscurs, mais je m'en suis prémunie définitivement et j'ai déjà affronté toutes sortes de créatures issues de la nécromancie. Cela ne fait pas de moi une experte, mais j'ai un peu d'expérience dans ce domaine et c'est pourquoi je me suis portée volontaire. Je combats autant au corps-à-corps qu'avec de la magie, de feu et de lumière. J'ai l'habitude de me débrouiller seule, pas vraiment de travailler en équipe, mais je ferai de mon mieux. Quant à la confiance...je me fie aux actes plutôt qu'aux apparences et aux discours."

(Mais cette quoi cette histoire de confiance là ? On est envoyé par le roi de Kendra Kâr pour se battre contre les forces du mal. Si on se fait pas un minimum confiance, notre groupe est assez mal barré !)

(Peut-être ont-ils des passifs douloureux ?)

(Des quoi ?)

(Ce que je veux dire c’est qu’ils ont probablement donné leur confiance à quelqu’un qui les a trahis. Pense à Yürlüngür !)

(J’avoue que tu marques un point là !)

Durant le trajet Yliria arrive vers moi, elle souhaite visiblement me parler. A notre dernière conversation elle est partie avec une colère bien visible et sachant qu’elle est hiérarchiquement au-dessus de moi dans l’ordre de l’Opale, je ne suis pas très rassuré par son approche. Elle paraît avoir du mal à cheval, mais davantage pour ce qui est de s’adresser à moi afin de s’excuser de son comportement de tout à l’heure. Légèrement détendu en connaissant la raison de son approche, je n’en reste pas moins droit comme un « I » sur ma monture comme si nous n’étions qu’un seul et même être.

"Ce n'est rien madame. Nous avons chacun nos points de vues et je respecte le vôtre. Il n'y a pas d'excuse à formuler. Je me doute que vous avez agis pour une raison qui vous est propre et non personnellement contre moi."

Elle comprend parfaitement mes propos, mais tenait tout de même à ne pas créer une tension dans entre nous deux. Elle me demande de l’appeler Yliria et non madame. Comme c’est une gradée, c’est sorti instinctivement. Quelques instants passent, durant lesquelles je me demande si ce n’est pas un nouveau test concernant le titre que je dois lui donner, puis elle me demande depuis combien de temps je suis membre des danseurs et pourquoi je ne me suis pas manifesté avant. A la mention de l'ordre de l'Opale, je baisse d'un ton pour éviter qu'on nous entende. Des fois qu'un membre du clergé Sindel viendrait à m'entendre malgré l'océan qui nous sépare.

"Non madame Yliria. En réalité je n'ai intégré l'ordre qu'après les évènements concernant les Rakhaunens et les Eruïons. Le voyage de retour depuis la cité naine avec Sibelle a été un facteur important je pense."

Encore une fois elle m’invite à l’appeler par son prénom.

(Mince j’ai encore échoué !)

Elle dit être contente de voir un autre membre des Danseurs et que cela la rassure. Elle se racle la gorge avant de demander comment était la situation à mon départ.

(Le test ? Ha non, elle veut que je lui donne les détails de mon échec. Je vais encore passer pour un blaireau !)

(Non je te rassure, pour ça, tu y arrives très bien tout seul. Elle faisait référence à la guerre entre les nains cendrés, les elfes bruns et les Sindeldi. Elle n’était plus là lorsque tu es revenu avec Sibelle !)

Un peu rassuré par ma faéra, je rassemble mes souvenirs pour faire un résumé aussi concis que possible.

"Les Rakhaunens ont assiégé Nessima avec l’aide des Eruïons. Heureusement avec Sibelle nous avions prévenu de l’arrivée d’une importante armée en approche, ce qui a permis d’éviter un important bain de sang. Leur plan était de passer sous la ville via les galeries, mais ils en ont été empêchés après la découverte de quelques-uns sous Nessima. Incapable de passer les murs de la cité ils sont restés en dehors, le temps de trouver une solution, mais elle est venue des Sindeldi. Un prince exilé, héritier du trône est venu avec l’un des Ithil Aenor les plus influents du royaume et…ils ont entamé les pourparlers ! Les Eruïons ont été rapidement convaincus car en échange de l’arrêt des raids, le prince a promis la sécurité pour les elfes bruns, au grand dam des Rakhaunens qui ne vivaient que pour leurs vengeances. Avec la venue de renfort des Sindeldi, les nains cendrés ont été contraints de rentrer chez eux et se sont enfermés dans leurs montagnes." Je m’arrête là avant de me rappeler les changements concernant notre mandataire. "Ha et commandante Yliria, Sylënn'tar IIhil est devenu générale et gouverneure de Nessima à la place de son prédécesseur, déchu pour incompétence ! Un moment particulièrement délectable !"

Je souris en attendant que les nouvelles que j'apporte sont particulièrement bonnes, mais lorsqu'Yliria fait mention de ma façon de l'appeler par son prénom, je perds vite mon assurance.

"Heu...oui...par...pardon madam'zelle...heu...Yliria !"

Vu la tournure de la conversation et la honte qui rougit mes joues, j'adopte la technique du : regard intensément l'horizon et je me tais avant de raconter une énième bêtise.

(Heureusement que le ridicule ne tue pas, tu n’aurais pas assez de vie de chat en une seule semaine !)

"Si vous ne voulez pas répondre, ce n'est pas grave, mais pourquoi avoir rejoins l'Opale ?" Fait Yliria qui brise ma grande concentration.

Pour changer, je prends le temps de réfléchir à mes mots avant de m’exprimer.

"Les évènements de Naora ! J’avais…des envies idylliques. Je pense que les différents peuples peuvent vivre ensemble, enfin sauf ces sales rats de bourgeois de mes fesses d’Eniod !" Je passe une main derrière la nuque après mon emportement. "Pardon ! Cette volonté…je pense sincèrement qu’elle est réalisable, mais pas seul. C’est dans cette optique que j’ai rejoint l’Opale, car ce n’est qu’en nous unissant que je pourrais atteindre ce but !"

"C'est un but difficile que vous vous êtes fixés, mais je respecte votre volonté d'y parvenir. J'espère que vous réussirez à changer les choses, ne serait-ce qu'un peu."

"Les choses ont évolué positivement au Naora. La suite sur ma liste c'est botter le cul de l'armée d'Omyre et ensuite ceux des bourgeois !"

Je termine avec un large sourire et Yliria me répond que je peux compter sur elle contre Omyre et qu’elle est contente que je sois à ses côtés. Cette simple phrase me donne de l’énergie. C’est dingue ce qu’un compliment féminin à d’effet sur moi ! En tout cas après cette conversation, elle aussi parait plus sereine en reprenant la fin du convoi.

Notre groupe poursuit sa route et Tobias semble s’intéresser individuellement à chacun de nous. Après s’être entretenue avec les deux elfes, il arrive vers moi en fin de journée.

(Le meilleur pour la fin sans doute.)

J’ai combattu un dragon, survécu à un Titan, découvert une race naine vieille de plusieurs millénaires dans les montagnes du Naora et lui il ne s’intéresse qu’à ma broche.

(C’est pas comme s’il était au courant non plus !)

Je regarde le soldat avec une pointe d'incrédulité avant de porter mon attention sur mon bijou.

"En fait je ne sais pas trop. Elle a été activée avec ma f..."

(Hop hop hop !)


(De quoi ? Non j’allais pas parler de toi !)

(Ha oui ? Je suis curieuse de savoir quoi alors !)

( Je parlais de ma…ma…)

"...avec ma force de volonté !" Un léger apaisement apparaît sur mon visage.

(Prends-moi pour une truffe !)

"C'est avec ma volonté que j'arrive à générer une source de chaleur. Je ne comprends pas trop ces trucs magiques, le mieux reste encore de l'essayer !"

Je détache ma broche et la tends vers Tobias qui me remercie et s’atelle à activer la magie de la broche. Il lui faut de longues minutes d’efforts pour parvenir enfin à générer la chaleur et passe sa main dessus pour la ressentir. Il me demande ensuite de la lui confier et de s’en servir pour préparer le repas du soir et promet d’en prendre soin. Je regarde le soldat, tantôt curieux tantôt amusé par sa tentative de faire fonctionner la magie contenue dans la broche. Je reprends mon bijou et lorsqu'il évoque une utilisation pour la cuisine, j'ai les yeux ronds comme des billes.

"Ho vous savez cuisiner ? Si cela peut me permettre d'éviter de manger trop cuite, trop fade, ou simplement trop mauvais, je vous la confie avec grand plaisir. Je ne pensais pas utiliser la broche de cette manière, mais je doute que la chaleur soit suffisante. Nous ne prendrons rien à essayer cependant !"

Il me remercie et son sourire et ses yeux expriment une grande sincérité. Lorsque nous nous arrêtons pour la nuit, me demande à nouveau ma broche que je lui cède avec appétit en le voyant préparer le repas. Hélas, la chaleur générée ne suffit pas pour cuisiner. Yliria génère un feu grâce à sa magie et ma faim martelant mon ventre, j’en ai presque oublié de monter ma tente. Les deux elfes viennent à s’affronter. Rien de grave, juste des échanges amicaux, enfin au début. Les coups vont et viennent et je suis content de ne l’avoir pas ouverte pour participer ! Je préfère les regarder et surtout jauger de l’emploi de l’arme étrange de Kolékiki.

La nuit se passe sans accrocs et nous reprenons notre route en nous rapprochant des ruines. Nous sommes tous d’accord pour prendre le temps d’observer nous-mêmes les étranges manifestations lumineuses et pour cela, nous cherchons un point d’observation pour la nuit. Même si les évènements lumineux doivent valoir le coup d'oeil, je garde à l'esprit de surveiller de temps à autre les alentours, au cas où on en profiterai pour nous sauter dessus.

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Re: La Mer Verte

Message par Yliria » sam. 6 févr. 2021 22:51

<< Précédemment

L'attente ne fut heureusement pas très longue et les trois autres me rejoignirent à la sortie du camp, chacun sur leur cheval. Jorus, qui arriva un peu après les autres, prévint que la créature était morte, et que Kiyoheiki et lui-même s'en étaient chargés sans l'aide du frère du défunt. Je l'observai alors qu'il espérait à voix haute que le frère pourrait assister à l’inhumation malgré sa fatigue. Avait-il suivi mon conseil ou c'était-il seul rendu compte à quel point une telle expérience pouvait être dévastatrice pour quelqu'un. Une réponse valant l'autre, je me contentai de hocher la tête sans rien dire de plus. Je me tournai vers la petite jument et retint de justesse un soupir en m'en approchant. Elle n'avait pas bougé et dressait ses oreilles alors que je m'approchai. Imitant les cavaliers que j'avais aperçu au cours de ma vie, je mis un pied à l'étrier et bondis sur le dos de la jument en passant mon autre jambe sur son flanc. Ginko ne bougea pas et l'essai fut concluant puisque je pus m'installer sans me retrouver les fesses sur le sol ou le dos en compote contre la terre. Un bon début donc.

Après une heure de trajet environ, Tobias prit soudainement la parole, me faisant relever la tête, mon regard restant fixement braqué sur ma monture pour être certaine de ne pas faire n'importe quoi. Il voulait apparemment qu'on en apprenne un peu sur les autres membres du groupe et se présenta le premier en tant que soldat de Luminion. Peu d'expérience mais la volonté de bien faire, ajouter à une affinité avec la magie de lumière. Il ne semblait pas être un mauvais bougre, loin de là. Un raclement de gorge de Jorus précéda sa prise de parole et sa présentation. Lui venait d'Eniod, que je ne situais absolument pas et était dépourvu de magie, bien qu'apparemment versé dans l'art de la cabriole. Il termina en présentant une broche qui aurait apparemment le pouvoir de dégager de la chaleur. Je haussai les sourcils à ce dernier élément, mais me gardai bien du moindre commentaire. En tant que pyromancienne, se réchauffer ce n'était pas vraiment une difficulté. Vint finalement le tour de Kiyoheiki qui resta trèsdistant ens e présentant en tant que herboriste et mage blanc et formula globalement la même phrase qu'à notre rencontre : sa confiance se gagnait. Après les présentations de chacun, je pris à mon tour la parole, pas vraiment surprise par l'austérité des paroles du sergent Kiyoheiki.

- Je m'appelle Yliria Varnaan'tha, née à Gwadh, réfugiée à Tulorim. Contrairement aux sous entendu de cet... du Comte, je n'y connais rien aux arts obscurs, mais je m'en suis prémunie définitivement et j'ai déjà affronté toutes sortes de créatures issues de la nécromancie. Cela ne fait pas de moi une experte, mais j'ai un peu d'expérience dans ce domaine et c'est pourquoi je me suis portée volontaire. Je combats autant au corps-à-corps qu'avec de la magie, de feu et de lumière.

J'hésitai une seconde, puis ajoutai.

- J'ai l'habitude de me débrouiller seule, pas vraiment de travailler en équipe, mais je ferai de mon mieux. Quant à la confiance...je me fie aux actes plutôt qu'aux apparences et aux discours.

Cela conclut les présentations et le voyage se poursuivit dans la même veine. Les heures suivantes furent moins difficiles que je ne l'aurai cru. L'étalon de Kiyoheiki cherchait visiblement à s'imposer face aux autres, marchant d'un pas fier et, si ma jument était à la traîne à l'arrière, c'était plus dû à ma prudence qu'autre chose.Je n'osais pas faire plus que la faire marcher au pas et, même si cela semblait lui convenir parfaitement, cela n'allait pas nous faire arriver rapidement aux ruines. Ce fut lors d'un arrêt pour satisfaire un besoin naturel que je compris surtout le contrecoup de voyager à cheval. En descendant, je sentis toute la raideur de mon bassin, contrairement à mes fesses que je ne sentais plus du tout, et j'avais l'impression de marcher bizarrement à cause de cela, faisant bien rire Alyah alors que je me dirigeais vers des fourrés proches.

(Bienvenue dans le monde des cavaliers ! Un peu de galop et tu marcheras comme un manchot sur la banquise. Les chutes en moins. Encore que...Comme un phoque bientôt !)

(Hilarant... mais j'ai rien compris)

Elle pouffa et je roulai des yeux, exaspérée. Malgré ces quelques désagréments et les remarques moqueuses de cette peste d'Alyah, c'était plutôt agréable de voyager en cette belle journée et on aurait presque pu oublier la raison de cette chevauchée. Presque. À la mi-journée, sous mon regard un peu surpris, le nouvellement nommé capitaine se plaça à côté de ma monture, son regard passant de moi à Ginka avant de demander si tout allait bien d'un ton quelque peu hésitant. Je l'avais brièvement vu discuter avec Kiyoheki et vu l'expression de son visage suite à la conversation, il devait appréhender celle-ci. Ne souhaitant pas le mettre plus mal à l'aise que cela, je hochai la tête en lui souriant, ma main flattant la petite jument qu'il m'avait trouvée.

- Dans l'ensemble, oui. Ginko est parfaite, ça rend les choses faciles contrairement à ce que je craignais

Je fixai un instant le dos de Kiyoheiki qui gardait un maintien droit. Il allait falloir que tous s'entendent si nous voulions réussir cette mission et rentrer en un seul morceau. J'inspirai en tournant à nouveau le regard vers Tobias.

- Vous me permettez d'être franche ?

Je ne pus m'empêcher de sourire lorsqu'il manqua s'étrangler, visiblement très nerveux face à ma demande.

- Pas besoin d'être si nerveux, vous savez, je ne mords pas.

Je repris mon sérieux avant d'enchaîner, ravie de voir qu'il s'était détendue face à mon sourire et ma petite pique amusée.

- Je pense que vous prenez ce rôle de chef et de capitaine trop à cœur. Je ne suis pas soldat et, pour être honnête, suivre les ordres n'a jamais été mon point fort, alors votre grade donné par le Comte ne change rien pour moi. Cela étant, je n'ai rien contre vous et vous avez visiblement subi la chose tout comme nous. Je suis sûre que les autres en ont conscience également. Donc si vous avez besoin de mon aide, n'hésitez pas à la demander.

Son regard se perdit un instant et je crus avoir fait une bourde avant qu'il ne prenne la parole, assurant que cela, même si ça avait été imposé, restait son devoir. Il avoua son inexpérience, ce que j'accueillis d'un haussement d'épaules. On commençait tous en ne sachant rien, je n'allais pas lui en vouloir pour ça. Lorsqu'il évoqua le fait de s'occuper lui même des tâches plus ingrates comme le repas ou la logistique, je secouai la tête, assurant qu'une équipe partageait les tâches. Il insista pourtant et je hochai la tête. Mieux valait lui que moi pour s'occuper du repas de toute façon, je ne voulais pas empoisonner l'équipe.

- Puis-je vous poser une question personnelle ?

Un peu surprise, je l'invitai néanmoins à le faire en souriant. Sourire qui se fana lorsqu'il me demanda où se situait Gwadh, ma ville natale.

- Gwadh... C'est une ville shaakte en Nosvéris. Je ne sais pas où c'est exactement, je ne me suis jamais ennuyée à la chercher sur une carte après en être partie. N'y allez pas, jamais, c'est tout ce que je peux vous dire.

Sentant probablement avoir touché un sujet sensible, il s'excusa, mais je le rassurais. Il ne pouvait pas savoir. Lorsqu'il voulu s'assurer que j'étais bien une shaakte, je le détrompai, lui faisant bien comprendre que je n'en avais que l'apparence et non une origine pure, même si cela suffisait généralement aux gens pour me catégoriser en tant que membre de cette race qu'ils détestaient. Je penchai néanmoins la tête sur le côté, un peu curieuse.

- Vous ne semblez pas de ceux-là.

Sa connaissance des autres races venant de contes, légendes et récits d'étrangers, je compris mieux pourquoi il ne semblait pas vraiment hostile. Il comptait se forger sa propre opinion et je ne pus que l'encourager à cela, lui disant pourtant de rester méfiants envers les elfes noirs. J'en avais assez côtoyé pour savoir que peu étaient dignes de confiance. Il avoua que c'étaient ces légendes sur les héros, l'honneur et la chevalerie qui l'avaient poussé à s'engager en tant que soldat lorsque je lui posais la question. J'avais du mal à comprendre, n'ayant que rarement été témoin de l'honneur et de l'héroïsme conté dans les vieux récits aux auteurs depuis longtemps disparus. Je n'allais pas le décourager pourtant, affichant un sourire sincère auquel il répondit..

- Si c'est votre voie, j'espère qu'elle vous mènera là où vous souhaitez vous rendre. Peut-être qu'un jour, après tout ça, j'entendrai parler du héros Tobias Arthès.

- Merci, Yliria. Je l'espère. Enfin, si je m'en montre digne... Je vais jeter un oeil à l'itinéraire, si vous le voulez bien. Merci pour ... Euh ... votre temps. A plus tard.

Je le regardai s'éloigner après un hochement de tête et soupirai. Héros hein ? Dans les histoires, le Héros est toujours celui qui souffrait le plus, au final. Quel intérêt de gagner si on n'a plus rien après ? Alyah claqua la langue dans mon esprit en entendant cela.

(Voilà une façon bien négative de voir les choses.)

(Tu n'as pas dit qu'elle était fausse.)

Elle resta muette et je me perdis un instant dans la contemplation du paysage verdoyant à perte de vue. Au loin on pouvait apercevoir la silhouette de montagnes, mais nous n'allions pas vers elle, nous restions non loin de la côté et je pouvais toujours sentir l'air marin, devenu si familier avec le temps. Lorsque je terminai de me perdre dans mes pensées, je fit prudemment accélérer Ginko pour me porter à hauteur de Jorus. Je cherchai mes mots un moment avant d'inspirer, encouragée par Alyah.

- Jorus je... je tenais à vous présenter mes excuses pour m'être emportée tout à l'heure. J'aurai pas dû m'énerver de la sorte je... je suis désolée.

Visiblement nerveux à mon approche, il se détendit à mes excuses, assurant poliment qu'il n'y avait rien à pardonner, que je n'avais fait que donner mon avis. Je le fixai et soupirai, intérieurement soulagée. Par contre il m'avait appelé madame... Pourquoi ils s'acharnaient à m'appeler comme ça exactement ?

- C'est vrai, mais je tenais tout de même à ce que ça ne crée pas de malaise. Je n'ai pas été très diplomate. Et appelez-moi Yliria, pas madame, s'il vous plaît, ça ne me correspond vraiment pas.

Je laissai passer quelques instants, cherchant mes mots avec soin.

- Vous... Cela fait longtemps que vous faites partie des Danseurs ? Vous ne vous étiez pas manifesté quand nous étions au Naora

Je fronçai le nez à l'entendre une fois de plus m'appeler madame. Je faisais si vieille que ça maintenant ? En revanche je dressai l'oreille à la suite de ses paroles. Il avait rejoins l'Opale après ce qu'il s'était passé ?

- Pas de madame, Yliria suffira. C'est toujours plaisant d'avoir un autre Danseur dans les parages, c'est rassurant.

Je me raclai la gorge, un peu mal à l'aise.

- Que.. Comment était la situation sur place à votre départ?

J'écoutai Jorus en silence raconter les derniers événements auxquels je n'avais pas pu assister suite à mon départ. La situation s'était apparemment calmée, la guerre presque évitée, les Eruïons plus libres qu'ils ne l'avaient jamais été te le Prince de retour au pays. Je soupirai de soulagement, un poids s'évaporant enfin de mes épaules. Lorsqu'il ajouta que Sylënn avait été nommée gouverneure et Générale de Nessima, je restai bouche bée, mais sourit finalement, soulagée de ce dénouement.

- Merci Jorus, j'avais besoin de savoir et ce sont de meilleures nouvelles que j'espérai. Par contre...

Une chose m'ennuyait. Voilà qu'il m'appelait commandante maintenant...

- Jorus, pour l'amour de Sithi, Yliria suffira. Je ne suis pas une commandante, mais second et j'ai juste dit ça pour rabattre le caquet du garde, pas pour jouer les supérieures. Vous n'avez pas à m'appeler comme ça, ou à m'obéir ou.. ou je ne sais quoi. D'accord ?

Je souris en l'entendant bafouiller et en voyant ses joues se colorer légèrement alors qu'il acquiesçait et utilisait enfin mon prénom normalement. Je restai silencieuse un instant avant d’enchaîner.

- Si vous ne voulez pas répondre, ce n'est pas grave, mais pourquoi avoir rejoins l'Opale ?

Je l'écoutai à nouveau après son temps de réflexion. Il parla d'unir les peuples, s'emporta en parlant des bourgeois d'Eniod et s'excusa pour ce fait, étirant un sourire amusé sur mes lèvres. Lui avait rejoint l'Opale pour atteindre cet objectif et je l'observai d'un œil nouveau. Je ne pouvais qu'approuver cette idée.

- C'est un but difficile que vous vous êtes fixé, mais je respecte votre volonté d'y parvenir. J'espère que vous réussirez à changer les choses, ne serait-ce qu'un peu.

Je lui rendis le large sourire peint sur son visage lorsqu'il parla de botter les fesses d'Omyre, puis ceux des bourgeois d'Eniod.

- Vous pouvez compter sur mon aide contre Omyre, dans tous les cas. Je suis contente de vous avoir à mes côtés.

Après un salut, je le laissai tranquille et reprit ma place à l'arrière. Les bonnes nouvelles pouvaient surgir de n'importe où, finalement et je me sentis aussitôt plus sereine en connaissant le fin mot de l'histoire au Naora. Je fermai les yeux et inspirai longuement, savourant la quiétude du moment, les rayons du Soleil sur ma peau et le léger vent qui chargeait toujours les embruns venus de l'océan. La journée passa ainsi, avant que le jour ne commence à décliner et qu'un bivouac fut décider. J'installai ma tente avant d'aider Tobias avec le feu. Il avait apparemment eu une étrange idée avec la broche de Jorus, mais faire un feu n'allait pas s'avérer dangereux si loin de Nayssan. Du coin de l’œil, je vis Kiyoheiki s'exercer avec son arme atypique et m'approchai, curieuse. Après l'avoir un peu observer, je proposai de faire quelques passes et il accepta. Parler de nos capacités magiques, c'était bien, mais savoir concrètement ce que l'autre pouvait faire c'était bien mieux.

Il se posta face à moi, son arme à l'horizontal et légèrement tendu devant lui. Je me mis en position, de profil avec mon bouclier tendu, cachant ainsi ma rapière derrière. J'observe un instant sa position, ne voyant pas de faille exploitable dans sa garde. Son arme étrange, faite d'un croissant d'un côté et d'un genre de pelle de l'autre, me laissait perplexe et je ne savais pas vraiment comment il allait réagir. Je décidai de voir son utilisation de mes propres yeux en attaquant soudainement, feintant une attaque vers la droit. Lorsqu'il entama le mouvement pour me contrer, je tournai brusquement mon poignet pour viser son bras gauche. Rapide, il réagit à temps et frappa ma lame d'un coup vertical. Je reculai d'un bond, peu à l'aise à l'idée d'être dans la zone d'action de son arme. Cela allait être encore plus corsé que je ne l'imaginai.

Je repartis rapidement à l'assaut avec l'optique de frapper avec mon bouclier cette fois. Mais son étrange lame ressemblant à un pelle percuta Solarhyss et le rabattit vers ma tête si violemment que je manquai de peu de ma le prendre dans le visage. Je forçai à peine une seconde contre sa lame avant de reculer. Dans un duel de force, j'étais clairement désavantagée face à lui, autant ne pas faire durer un combat de ce genre. Il baissa finalement son arme, et me proposa de discuter de l'échange qui venait d'avoir lieu. Je hochai la tête, abaissant mes armes à mon tour.

- Mon Fang Bian Chan a une grande allonge comme une arme d'hast classique, mais elle est double. Je peux donc contrer votre assaut et riposter en prenant votre côté non offensif pour cible.

Il explicita la chose en reprenant le mouvement qu'il avait fait pour contrer ma seconde attaque et je hochai la tête, attentive. L'écouter me donner des conseils sur comment percer sa gade en profitant du fait d'avoir deux équipements contre un seul était instructif. Utiliser son désavantage et ses appuis fragiles après un mouvement. Des idées réellement intéressantes et je ne pus que constater qu'il était bien plus expérimenté que moi sur ce terrain. Lorsqu'il me demanda si je voulais réessayer, je hochai la tête, partante pour tenter quelque chose.

- Je crois avoir saisi. Votre arme est un peu surprenante donc j'ai préféré rester prudente. Je veux bien essayer.

Je repris ma position face à lui et, sans attendre, chargeai, ma lame fusant vers lui. Sa lame en croissant pertuta la mienne et je la redressai aussitpôt pour ne pas qu'il en profite pour la glisser vers moi. La partie évasée de son arme fonça vers mon épaule et je la parai de justesse avec mon bouclier. Je pliai de plus en plus face à la pression qu'il exerçait de ce côté. Je résistai un instant avant de finalement laisser tomber. Je cessai la résistance de ce côté et pivotai, évitant de justesse l'arme qui balaya le vide. Profitant e mon mouvement,je donnai un coup dans le tibia du sergent, cherchant à le faire tomber. Il plia le genou, mais le manche de soorme me percuta en plein torse et m'envoya au sol avec souffle coupé. J'utilisai l'élan de ma chute pour faire une roulade en arrière et me relevai d'un bond, le souffle court.

-Je suppose que cela nous fait une égalité. Bien pensé, Yliria.

Je levai les yeux vers lui tout en me massant le torse douloureux de mon poing. Un discret sourire ornait ses lèvres et un similaire apparut sur mon visage.

- Merci, même si vous avez réagi de manière complètement imprévue pour moi. Vous êtes vraiment fort, je n'arrive pas à passer votre garde comme je le voudrais, je n'arrive pas à trouver de faille suffisamment exploitable.

J'expirai longuement pour récupérer mon souffle.

- Votre arme, c'est ynorien ? Je n'ai jamais vu quelque chose qui s'en approche.

Il m'expliqua, une tendresse nouvelle dans les yeux, que c'était une ancienne arme lié aux religieux itinérants ynorien. Servant à la fois d'arme et de pelle pour enterrer les malheureux morts sur les routes, l'objet avait perdu de son utilisation, les soldats lui préférant lance et naginata. Celui-là avait été dessiné puis commandé par son père. Je l'écoutai en silence, comprenant bien qu'il garde un attachement profond à une telle arme. Je rengainai mes propres armes avant d'enchaîner.

- Vous devez y tenir... Merci pour l'entraînement, en tout cas, c'était très instructif, de même que votre explication.

- Je vous en prie. J'ai été honoré de cette passe d'armes, Yliria.

Je ne pus m'empêcher de sourire. J'étais curieuse d'en apprendre plus sur sa culture et pourquoi pas refaire quelques passes à l'occasion. Sur un ton presque mélancolique, il espéra en avoir la possibilité à nouveau. Il fixa un instant la direction dans laquelle nous nous rendions et je fis de même avant de terminer.

- Il y en aura. On fera en sorte qu'il y en ait.

Peut-être présomptueux de ma part, mais j'y croyais vraiment. Notre petit duel n'était pas passé inaperçu et je surpris le regard de Jorus alors que nous revenions vers le bivouac pour manger un plat délicieux, avec légumes et lard grillés qui je dévore en complimentant et remerciant Tobias. Ce n'était pas tous les jours que je pouvais manger un tel festin en voyage. Je m'installai finalement pour la nuit après le repas, l'estomac plein et le bassin encore un peu raide. Les chevaux paissaient paisiblement non loin et Ginko semblait ne pas vouloir bouger, ce qui était rassurant.

(Pas si horrible finalement, hmm?)

(C'est vrai, mais je préfère quand même marcher.)

(Et perdre des jours entiers... je ne te comprendrai jamais sur ce point. M'enfin, têtue comme tu es je ne vais pas essayer de te convaincre de faire autrement. Peine perdue.)

(Si tu le dis... Alyah?)

(Hmm ? Nerveuse?)

(Évidemment. J'ai le sentiment que c'est plus dangereux que ce qu'on imagine...)

(Tu ne pourras pas le savoir avant d'en être témoin. Promets-moi juste de ne pas foncer tête baissée comme tu le fais d'habitude.)

(Je ne ferai pas ça.)

(Ah oui ? C'est nouveau. Pourquoi?)

(Je ne suis pas la seule qui en pâtirait cette fois.)

Elle ne répondit pas tout de suite, puis me conseilla de faire le vide avant de dormir. Je supposai mon explication suffisante. Je fermai les yeux et me vidai l'esprit avant de sombrer dans le sommeil. Réveillée à l'aube, j'aidai les autres à lever le camp, jetant un peu de terre sur les restes du feu avant de reprendre la route avec le même paysage vert qui s'étalait à perte de vue dans toutes les directions. Ce jour fut plus silencieux et je sentis la pression monter lorsque nous approchâmes finalement le lieu de notre mission. Il fut décidé d'attendre la nuit et d'observer les ruines à bonne distance. Sur le qui-vive, la main sur la garde de ma rapière, j'observai au loin les quelques restes de ce qui avait été une ville il fut un temps. Je n'étais pas tranquille et surveillai les alentours régulièrement. Tout pouvait arriver et nous étions trop peu informés pour être sereins. Et l'attente débuta ainsi, tendue, alors que le jour déclinait.

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Kiyoheiki
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Re: La Mer Verte

Message par Kiyoheiki » sam. 6 févr. 2021 23:42

~Auparavant~

~12~

Une fois mon percheron retrouvé, je rejoins Yliria à la sortie du camp. Peu après, le ser Jorus Kayne et le Capitaine Arthès nous rattrapent. Le premier des deux humains s'adresse au groupe, indiquant que lui et moi nous sommes chargés de la créature. Il a demandé aux gardes de l'inhumer quand bien même cela n'est pas leur priorité. Il n'a pas pu en informer le frère du défunt trop terrassé de fatigue, et espère simplement qu'il sera assez remis pour assister aux funérailles. Je me contente de hocher la tête, regardant mes compagnons de voyage se mettre en selle, aussi bien sur des chevaux au port noble que sur de douces juments dociles. Je tapote l'encolure de mon gigantesque étalon et agrippe la base de sa crinière lorsqu'il abaisse la tête. Après m'être penché contre son encolure, je bloque mon souffle et me donne de l'élan en poussant sur mes jambes. Ganko fournit le reste de l'effort en se redressant, jouant de sa puissante musculature pour me propulser en selle. Ma main gratte énergiquement sa crinière en récompense. Il nous aura fallu du temps pour mettre cette technique au point, mais elle me permet de monter mon gigantesque étalon sans requérir un marchepied ou de l'aide. Le percheron piaffe impatiemment, sentant sans doute le départ imminent. Il met d'ailleurs un point d'honneur à faire deux pas pour défier mon autorité avant que je change de position pour lui signifier mon désaccord et de se tenir tranquille.

Je jette un regard au tout jeune promu, qui se perd brièvement dans une carte. Ensuite, la direction décidée, nous nous mettons en route. Les sonorités de l'armée présente me font me sentir brièvement insignifiant. J'ai déjà participé à des batailles, à des guerres, mais jamais je ne suis en mesure de m'habituer à tout ceci. Quand mes pensées se tournent vers les divers acteurs de cette terrible bataille à venir, je frissonne. Les Treize sont réputés redoutables, et contrairement à nos forces, semblent étroitement unis sous la bannière de la Dame Sombre. J'essaie de penser à un nom de général ou une personnalité capable de rivaliser avec ne serait-ce que l'un d'entre eux, mais j'en suis incapable. Yeux clos, je pense aux Déesses et Dieux de notre monde, espérant de tout cœur qu'ils trouvent une façon même détournée de venir en aide aux mortels que leur acte de rejet envers Oaxaca expose à un funeste destin. J'ai foi en l'importance qu'ils accordent à la vie peuplant Yuimen. Ouvrant les yeux puis ma sacoche, j'examine la statuette polie de Gaïa qui s'y trouve. Je prie. Je supplie silencieusement la Lumineuse de ne pas laisser le froid de la Mort balayer l'Espoir. Il nous faut si ce n'est triompher au moins tenir. Que puisse un jour venir l'ère de paix et d'égalité à laquelle aspire la République d'Ynorie.

Ganko trottine puis adopte de rapides foulées assurées. Je sens sa musculature rouler comme s'il voulait partir dans une allure plus vive, mais je le retiens. La route sera longue, et si endurant soit-il, je refuse de le laisser aller à bride abattue. C'est d'ailleurs une petite heure après avoir quitté le camp que les premiers échanges se font. Le jeune humain aux épaules bien frêles pour porter le fardeau du commandement interrompt le silence, proposant de se présenter afin d'en apprendre un peu plus les uns sur les autres. Humblement, il se présente comme simple soldat, servant le duché de Luminion, et issu de son académie militaire. Il assure avoir conscience de n'avoir de capitaine que le titre, surtout auprès d'aventuriers visiblement plus expérimentés que lui. Toutefois, il ne remet pas en question la décision du comte et s'il ne demande pas notre obéissance, au moins le fait-il quant à notre confiance. Je fronce légèrement les sourcils. Il ajoute vivement, démonstration à l'appui, posséder des fluides de lumière.

À son tour, le ser Jorus Kayne émet un bruit de gorge pour attirer l'attention à lui. Venant des quartiers pauvres d'Eniod, il met un point d'honneur à commenter sur le fossé séparant le froid comte Ybelinor de sa propre personne. Pas de magie, une préférence pour le combat au corps-à-corps faisant la part belle à son agilité naturelle et une propension certaine à s'épancher un peu trop. Ainsi, il n'hésite pas à mentionner un enseignant Sindel du Naora lui ayant appris à jouer avec l'obscurité, ni à masquer les propriétés de sa broche enchantée. Un artefact permettant de créer une zone de chaleur sans avoir besoin de feu. Je peux comprendre l'utilité d'un tel objet dans des contrées plus froides, mais sur nos terres ? Quoique, la Mer Verte est réputée pour être particulièrement humide. Une source de chaleur stable peut s'avérer utile, si l'on fait fi de l'hésitation du ser Kayne tandis qu'il évoque son absence d'utilisation en conditions réelles.

Je leur lance à chacun un regard, puis m'incline avec mon habituelle politesse ynorienne. Contrairement à eux, je ne fais pas preuve d'un enthousiasme particulier ni d'une volonté d'exposer toutes mes capacités. Je leur réponds poliment, mais avec le strict nécessaire.

"Sergent D'Esh Elvohk Kiyoheiki, en la milice d'Oranan. Natif de cette même cité, herboriste et guérisseur de quartier. Mage blanc."

Je reprends ma posture droite et poursuis de façon neutre.

"Coopérer avec vous est nécessaire dans cette crise sans précédent."

Mes sourcils se froncent imperceptiblement.

"Mais l'expérience m'a appris à être prudent quant à la confiance que j'accorde. Œuvrons de concert et je vous offrirai mon appui, tant que vous ne ferez ni ne direz quelque chose de... Déplacé."

Une poignée d'instants s'écoule en silence avant qu'Yliria ne décline à son tour son identité. Yliria Varnaan'tha, de Gwad et réfugiée en Tulorim. Je me contente de souffler du nez quand elle laisse paraitre son offense dans son ton en parlant des sous-entendus du comte concernant les arts obscurs. Expérimentée contre des mort-vivants, elle est adepte du combat au corps-à-corps, et à l'usage de fluides de feu et lumière. Plutôt du genre solitaire, elle promets faire de son mieux pour travailler avec nous. Elle aussi se fie davantage aux actes qu'aux paroles en matière de confiance. Au moins, aucune tension ne semble pour le moment se faire dans le groupe.

Peu après, nous poursuivons notre route. La nervosité subite de mon étalon précède la sensation d'être approché. Et en effet, le jeune gradé amène sa monture au niveau de la mienne. Ganko émet un souffle puissant, faisant exprès de rester une demie-foulée au-devant de son congénère. Lorsque le Capitaine Arthès m'interpelle c'est pour parler de mes proches résidant en Oranan, et si j'avais reçu des nouvelles de ces derniers. S'ils étaient sauf. À peine a-t-il posé sa question qu'il se montre intimidé, ajoutant vivement que je ne suis pas obligé de lui répondre. Mes yeux violets passent brièvement sur son expression tandis que je tapote l'encolure de ma monture. Ce côté affable est appréciable en société, mais pour qui détient le commandement, c'est faire preuve d'un manque de confiance flagrant. Un autre que moi aurait probablement sauté sur l'occasion pour l'envoyer paître. Je me contente en premier lieu d'un trait de sagesse.

"Laissez-moi vous donner un conseil, Capitaine Arthès. Une question est semblable à un coup. Il est préférable soit d'assumer pleinement son acte soit de s'en abstenir si d'aucun doit le regretter par la suite."

Je le devine légèrement s'empourprer et lui épargne le poids de mon regard en l'orientant droit devant nous, en direction du trajet emprunté. Je marque un instant de pause puis reprends la parole. Il a fait l'effort de me tendre la main, après tout. Dommage pour lui, je suis ynorien. Les gestes de cette nature ne me sont pas instinctifs. Je n'ai cependant pas de véritables raisons de lui refuser une réponse.

"Ma famille s'y trouve encore. Je n'ai nul moyen d'être certain de leur sécurité, si ce n'est... Par le pressentiment que rien de tragique ne leur est pour le moment arrivé."

Il me répond, espérant que nos actions puissent les préserver d'un destin funeste. Du coin de l’œil, je le vois esquisser un sourire timide et parler un peu plus bas. Il compare alors ses questions non pas à un coup porté mais à la piqûre d'un moustique. Dérangeantes, irritantes, causant à leur émissaire de possibles roustes en retour. En y survivant, il s'octroie la possibilité de réessayer autrement. Il me remercie et fait ralentir sa monture. Quel singulier soldat tout de même. Un simple trait d'esprit de ma part en a engendré un de la sienne plutôt qu'une réaction négative. Je me rends alors compte qu'il est encore bien jeune et a toujours cette capacité à apprendre et accepter. À l'avenir, je m'efforcerai de me montrer un peu plus souple avec lui.

Nous poursuivons rapidement le voyage, ne faisant des pauses que pour laisser aux chevaux et à nous-même le temps de s'alimenter un peu. À mesure que nous progressons, l'air se fait plus frais et humide. Nous entrons dans la zone de la Mer Verte, et je reconnais immédiatement des dizaines de spécimens de veule. Le souvenir d'Oncle Masaya me fait sourire. Il aimait me raconter ses premières impressions émerveillées concernant la zone, le long parcours qu'il y avait fait avec des amis, avant de se rendre compte qu'aucune plante utile ou rare ne pouvait rivaliser avec la veule dans la colonisation de cet endroit. Il avait comparé la pénibilité de cette découverte à la douleur d'une illusion détruite, juste avant de proposer d'ouvrir une bouteille de saké pour oublier.

Alors que le jour décline, le groupe fait halte pour la nuit, préparant le bivouac. Je retire la selle de mon étalon et l'étrille vigoureusement, veillant à ce que sa robe soit le plus sec possible. Le Capitaine Arthès se charge visiblement de préparer le repas du soir, le ser Kayne se tenant non loin de lui. Après cette journée de voyage, je prends le parti de me détendre en effectuant quelques-unes des formes liées au maniement de mon arme. Partir d'une position bras tendus devant moi, lentement amener mon Fang Bian Chan à la verticale, puis effectuer des mouvements lents et circulaires avec. Je porte un coup vif et bref aux jambes d'un adversaire fictif, puis utilise l'autre lame en revers pour porter un coup en hauteur. Je fais glisser la hampe, frappant derrière moi puis ramenant mon arme d'un geste rapide pour porter un coup d'estoc devant moi avant de ramener l'arme à la position de base.

Concentré, j'entends approcher quelqu'un et me tourne vers Yliria qui semble encline à faire quelques passes d'armes avec moi. Mon Fang Bian Chan semble l'intriguer, et c'est avec plaisir que j'accepte cet entrainement. Bouclier et épée pour elle, absence de magie, un échange traité avec sérieux. Je suis curieux de voir comment elle se débrouille en combat rapproché contre mon allonge. Je reprends ma position de base, l'arme à l'horizontal et les jambes souples, montrant ma décision de fermement lui barrer le passage. Quelques secondes s'écoulent, qu'elle met à profit pour étudier ma posture. Ensuite, elle se place de profil, masquée par son bouclier et sa main armée derrière elle. Vive, son épée semble filer vers mon bras droit. Je pousse mon arme, amorçant une parade de ce côté. Son poignet pivote soudain, amenant son épée vers mon autre bras. Feinté ! Réflexe, instinct. Ramenant vivement mon bras droit, je fais décrire à mon arme longue un mouvement circulaire, cherchant à heurter et relever le bras d'attaque adverse.

Contact bref. Coup paré. Yliria recule d'un bond, laps de temps court qui me permet de replacer mon Fang Bian Chan à l'horizontal. Elle se sert de son nouvel appui pour relancer un assaut. Cette fois, tranche de son bouclier en avant. Pesant sur ma jambe droite, je fais brutalement pivoter la lame plate. Idée : utiliser la surface et la force du mouvement pour rabattre la protection vers le torse de mon adversaire, et faire pression en continu pour qu'elle ne puisse pas se rapprocher de moi. Surprise ou force ? Le bouclier est rabattu si vite que Yliria manque de peu en faire les frais. Elle recule prudemment, sourcils froncés, et reprenant sa position initiale. Je devine aisément un brin de frustration. Nous sommes là pour nous exercer, et j'estime qu'il est temps d'échanger verbalement. Je ramène mon arme à la verticale, laissant la lame plate effleurer le sol.

"Voulez-vous discuter de certains points, Yliria ?"

À son discret signe de tête approbateur, je prends la décision de lui parler de mon arme et de quelques-unes de ses caractéristiques. Je pointe les divers éléments auxquels je fais référence à mesure que j'en parle.

"Mon Fang Bian Chan a une grande allonge comme une arme d'hast classique, mais elle est double. Je peux donc contrer votre assaut et riposter en prenant votre côté non offensif pour cible. "

Je réitère mon geste lors de la parade de son bouclier puis change mes appuis pour porter vivement un coup du côté opposé. Et possiblement exposé d'un adversaire. Je désigne son équipement, le mien puis mes jambes.

"Mais là où vous avez l'avantage, c'est que je n'ai qu'une arme et vous deux équipements. Et une fois la mienne engagée de l'autre côté en riposte, mes appuis ne sont plus aussi idéaux pour réitérer le mouvement rapidement de l'autre côté. Si vous parvenez à provoquer ma parade, par exemple en encaissant avec votre bouclier, puis ma riposte avec votre lame, vous devriez avoir une courte ouverture pour vous rapprocher. Voulez-vous réessayer cette attaque ?"

Yliria se montre particulièrement attentive, avouant qu'elle a préféré rester prudente étant donné le côté surprenant de mon arme. J'ai du mal à masquer un petit sourire. Si son attitude était jusque-là prudente, j'ignore à quoi ressemblent ses offensives. Je hoche la tête, reprenant ma position gardienne. La jeune combattante charge, lame en avant, portant un coup d'estoc. Faisant rapidement glisser la hampe dans ma main, je raccourcis mon allonge, utilisant la lame en croissant pour chercher à dévier et repousser l'arme vers l'extérieur. Aussitôt le contact établi, je cherche à riposter avec l'autre extrémité de mon Fang Bian Chan. La lame en croissant crisse et ripe légèrement sous le mouvement. Intuitive, Yliria redresse sa lame, cherchant à bloquer l'arc de la mienne, et donne de l'élan à son bouclier. Elle fait pression pour repousser le manche, vraisemblablement pour ouvrir une faille dans ma garde.

Son arme et la mienne sont bloquées. Nous mettons tous deux une énergie identique pour qu'elles restent accolées. Pour la dégager, il me faut presser davantage l'autre côté. Je fais glisser mon pied au sol, portant davantage de poids sur ma jambe droite. De fait, je fais pression contre sa protection et l'oblige à répondre de la même manière. De façon imperceptible, la jeune femme cède progressivement du terrain. Bras ou corps reculant à peine, légers crissements de la matière mise à mal. Nous sommes coincés dans cet affrontement où j'ai pour le moment le dessus, puisque obligeant ma partenaire d'entrainement à réagir plutôt que de prendre l'initiative.

Subitement, Yliria relâche la pression dans son bouclier. La guerrière utilise ma force contre elle pour pivoter. Nos armes se désengagent, la soudaine absence de résistance me fait prolonger mon geste dans le vide et m'expose. Ma camarade utilise son mouvement involontaire à son profit. Elle se jette au sol. Vicieusement, le plat de sa semelle entre en contact avec mon tibia. Brièvement surpris, je ne résiste pas à l'attaque et laisse ma jambe partir en arrière. Je plie vivement l'autre, compensant de justesse pour ne finir qu'un genou à terre. Ajustant ma prise sur mon Fang Bian Chan, j'agrippe la hampe par-dessous. Balayage circulaire. Le manche de mon Fang Bian Chan percute le thorax d'Yliria avec suffisamment de puissance pour la repousser sur le dos. Agile, la demie-elfe effectue une roulade pour s'éloigner puis un saut la remettant d'aplomb. Son souffle est un peu court, mais j'ignore si c'est à cause de la percussion ou de l'énergie que nous avons mis dans cet échange. Je prends mon temps pour me relever et tapote le sol du pied, cherchant à dissiper la sensation désagréable de mon tibia. Je chasse quelques brins d'herbe de mes genoux puis esquisse un discret sourire.

"Je suppose que cela nous fait une égalité. Bien pensé, Yliria."

Nous faisons brièvement le point sur l'échange que nous venons d'avoir et les surprises que nous nous sommes respectivement faites. Je suis satisfait d'avoir pu lui permettre de s'exercer contre une arme de ce calibre et également d'avoir pu constater sa réactivité et son instinct en combat. La voir contre le drakarn était une chose, l'affronter même amicalement en est une autre. Pendant qu'elle reprend son souffle, elle me fait part de sa curiosité quant à mon arme. Je regarde celle-ci avec affection. Peu de gens s'y intéressent, ce qui me pousse à lui répondre avec un peu plus de mots que d'habitude.

"Un vestige de l'Ynorie traditionnelle en effet, principalement utilisée autrefois par les religieux itinérants. La lame évasée était une pelle, employée pour creuser les tombes de malheureux ayant perdu la vie sur les routes ou dans des recoins isolés."

Je me remémore le jour où je l'ai reçue. Le poids qu'elle faisait dans mes mains encore maladroites, puis celles, adultes, les guidant patiemment pour leur donner davantage d'assurance. Ces mains si sombres et parcourues de multiples cicatrices. Je cligne des yeux lentement, refoulant ce souvenir que je conserve précieusement. Je marque une brève pause puis poursuis, passant d'une offre d'information à un point plus personnel.

"Il n'est plus guère en utilisation actuellement, les rites actuels préférant la crémation aux enterrements. Quant à son usage militaire, on lui préfère la lance ou le naginata. Plus simples à produire et équilibrer. Celui-ci... Est unique. Une commande passée par Père, élaborée sur un dessin fait de sa propre main."

Nous échangeons cordialement quelques mots, et je lui fais part de l'honneur d'avoir pu faire ces quelques passes d'arme avec elle. À sa curiosité concernant ma culture, en en réservant le partage pour le moment où les choses le permettront, je me fais pensif. Je tourne mon regard vers la direction que nous allons suivre le lendemain.

"Puissions-nous avoir de telles occasions à l'avenir."

J'écoute son ton assuré ou en tous cas vibrant d'espoir que nous ferons en sorte que de tels moments existeront. De concert, nous approchons des deux autres membres du groupe. Le Capitaine Arthès nous invite à donner nos écuelles et j'admets être surpris de me voir servir un repas chaud et complet. Je ne semble être guère le seul. Je suis le premier à me reposer, ma nature elfique me permettant de monter la garde le restant de la nuit après ma méditation.

Le jour suivant, la tension monte d'un cran à mesure que nous approchons de notre destination. En fin d'après-midi, les ruines apparaissent devant nous, a contrario d'éléments remarquables et pourtant anticipés. Pas de mort-vivants en vadrouille, pas de troupes en patrouille, absence totale de bruits d'animaux hormis quelques batraciens. Bien que l'idée ne me réjouisse guère, je m'accorde à la décision d'attendre le soir. J'aurais aimé faire un repérage de la zone et de possible chausses-trappes installées dans les environs, mais je n'ai aucune expérience en la matière. Au mieux je ne les aurais pas vues, au pire j'en aurais fait les frais.

Observant les ruines proches, attendant l'apparition des fameuses lueurs, plusieurs possibilités me viennent. Soit ceux qui s'y trouvent s'attendent à ce que d'autres troupes de reconnaissance viennent s'informer quant à la disparition de la précédente, soit ils estiment avoir suffisamment fait le ménage pour ne pas être inquiétés et l'absence d'une de leurs engeances leur apparait comme une simple erreur sans gravité, soit ils ont délibérément laissé filer la créature pour s'assurer de la venue d'autres possibles cobayes. Il nous faut être très prudents. D'un côté, nous avons toutes nos chances de ne pas être attendus.

De l'autre, nous nous dirigeons droit dans la toile de l'araignée.

Modifié en dernier par Kiyoheiki le sam. 13 févr. 2021 12:47, modifié 1 fois.

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Cromax
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Re: La Mer Verte

Message par Cromax » lun. 8 févr. 2021 15:10

La Fin d’une Ere
(Mission « Mer Verte » (Yliria, Kiyoheiki, Jorus, Tobias))



La nuit tomba sans que rien ne bouge. Les aventuriers aux aguets ne purent apercevoir de changement que lorsqu’elle fut totalement sombre, sans plus aucune trace crépusculaire à l’horizon lointain. Là, d’étranges volutes de lumières bleu-verte semblaient irradier des ruines, comme émises par le sol. Via le sous-sol, peut-être. Une brume monta, portant ces lueurs inquiétantes et empruntes de magie sombre. Alors, plusieurs silhouettes apparurent, en provenance des ruines, sans que nul ne sache d’où ils étaient sortis précisément. Quatre silhouettes décharnées au pas hésitant, errant dans une marche funèbre nocturne dans les alentours. Ils ne semblaient pas avoir repéré les envoyés de Kendra Kâr…


Image



Les rumeurs sur cet endroit semblaient fondées. Les éléments en leur possession pouvaient se rassembler : quelque chose se passait bien ici ; et leur devoir était de l’arrêter. Mais comment ?



[HJ : Indiquez-moi votre marche à suivre. Si vous chuchotez entre vous, ils ne vous entendront pas.

XP :
Tobias : 0,5 (discussion de groupe) + 0,5 (discussion avec Yliria) + 0,5 (courtes interactions, campement, voyage).
Jorus : 0,5 (discussion de groupe) + 0,5 (discussion avec Yliria) + 0,5 (courtes interactions, voyage)
Yliria : 0,5 (discussion de groupe) + 0,5 (discussion avec Tobias) + 0,5 (discussion avec Jorus) + 1 (entraînement avec Kiyo) + 0,5 (voyage, pensées)
Kiyoheiki : 0,5 (discussion de groupe) + 1 (entraînement avec Yliria) + 0,5 (voyage, courtes interactions)]

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Re: La Mer Verte

Message par Yliria » jeu. 11 févr. 2021 17:50

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Sinistres Lueurs

Patientant silencieusement sous la faible brise, je fixai depuis quelques temps les ruines, lorsque les choses bougèrent soudainement. D'étranges volutes oscillant entre le bleu et le vert semblèrent sortir du sol et se propager dans les ruines, les recouvrant d'une sorte de brouillard lugubre et leur donnant une atmosphère encore plus macabre. J'observai le phénomène, perplexe, sans parvenir à déterminer d'où cela pouvait venir ni ce que c'était. Malgré avoir déjà combattu mages noirs et nécromanciens, jamais je n'avais vu une telle chose et Alyah ne me fut d'aucune aide, restant toute aussi perplexe que moi face à cette étrange brume, ajoutant que la magie sombre, ce n'était pas du tout son rayon. Et encore moins cette brume verdâtre.

Brume qui ne vint pas seule. Au milieu des ruines, quatre silhouettes apparurent, comme soudainement nées de la brume. Décharnés et titubantes, elles avançaient au hasard au milieu de ce qui fut la ville de Nayssan, ne semblant pas faire autre chose qu'errer sans but. Je les observai un moment, la main serrer sur la poignée de mon arme, prête à agir. Rien ne survint et le silence restait tel que rien ne semblait vivre à des kilomètres à la ronde, nous exceptés. Sans trouver une logique dans leurs déambulations, je me tournai finalement vers les autres. Il nous fallait explorer les ruines tant que cet étrange phénomène y était encore, mais pour cela, il fallait se débarrasser de ces choses. Et ne pas en attirer d'autres. Je murmurai alors aux autres, parlant aussi bas que possible pour qu'eux seuls m'entendent.

- Je propose d'agir maintenant.

J'attendis que les trois autres me regardent avant d'enchaîner. Il fallait faire vite. Sans savoir ce qui se cachait dans les ruines, mieux valait ne pas prendre de trop grands risques, ni trop de temps. Il fallait frapper rapidement. Je désignai les silhouettes du doigt.

- Chacun attaque le sien, le plus silencieusement possible. Pas de cris, pas de magie, pas de lumière si on peut l'éviter. Je n'ai pas souvenir d'avoir jamais vu ces choses, mais je sais que les morts-vivants peuvent être très bruyants pour attirer leurs congénères, il faudrait éviter ça. Si vous n'avez pas le choix tant pis, notre survie reste tout de même la priorité.

Je balayai un instant les ruines du regard, repérai un tas de pierres enveloppé par la végétation, qui pouvait être plus repérable que le reste. Je le pointai du doigt.

- Lorsque c'est fait, on se rejoint à cet endroit. Si vous avez des difficultés, foncez là, qu'on s'entraide. Si jamais l'une de ces choses fait trop de bruit, je préfère qu'on se replie ici au plus vite, pour éviter de prendre le risque d'être submergé si d'autres commencent à sortir de nulle part. Quelques zombies passent encore, mais une horde de ces horreurs, des goules, des banshee ou des golems, c'est autre chose. Cela vous va ?

Chacun leur tour, il acquiescèrent et désignèrent leur cible. J'inspirai et hochai la tête, un peu surprise que tout le monde, même Kiyoheiki, approuve ce plan. Il n'était pas sans faille, loin de là, mais, vu la situation, je préférai éliminer la menace la plus visible au plus vite. Qui pouvait savoir ce que cachaient ces ruines ? Après un dernier hochement de tête, chacun parti vers sa cible. Tirant ma lame dans son fourreau sombre, je m'approchai alors des ruines, bouclier dans l'autre main. La discrétion n'était pas mon point fort, mais je fis de mon mieux, marchant aussi silencieusement que possible. Je me retins d'utiliser ma magie et m'approchai d'une des créatures avec la ferme intention d'en finir au plus vite. Un coup d'estoc pour lui percer le crâne en un seul coup et le tuer instantanément. Sens en éveil, cœur battant à mes tempes dans un boucan qui me faisait presque craindre d'être repérée, j'approchai, la main serrée sur mon arme.
***

HRp : attaque simple sur un des trucs mort et moche

Byrnisson
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Re: La Mer Verte

Message par Byrnisson » jeu. 11 févr. 2021 23:08

Chapitre IV - Lame au clair, clair de lune - Précédemment

Mon estomac se noue lorsque soudain, au sein des ruines, apparaissent d’étranges volutes vertes. Une épaisse brume recouvre la scène, exacerbant l’aspect mystérieux de la scène qui nous fait face. Une fois le décor posé, quatre silhouettes décharnées apparaissent, immondes marionnettes amorçant l’intrigue d’un sinistre spectacle de pupi. Elles progressent d’un pas saccadé, et suivent une trajectoire erratique, sans but apparent. J’observe ce balai macabre pétrifié, la main crispée sur le pommeau de mon épée.

(C’est le moment qu’une valeureuse troupe de héros devrait choisir pour faire son entrée).

J’observe mes compagnons du regard ; je n’aperçois que l’esquisse de leurs visages, découpée par l’aura verdâtre émanant des ruines. Leur présence et leur sérénité apparente me rassure. D’un chuchotement, Yliria rompt le silence en nous proposant de passer à l’action. Son plan est d’une banale simplicité mais compte tenu du peu d’information dont nous disposons je ne conçois pas de moyen plus efficace pour poursuivre notre investigation. Nous approcherons chacun un de ces êtres de cauchemar, le plus discrètement possible afin de pouvoir les neutraliser sans leur donner une chance d’alerter d’hypothétiques renforts. Nous convenons de nous rejoindre au niveau d’un amas de pierre facilement repérable, sitôt notre tâche achevée ou dans le cas ou l’un d’entre nous rencontrerait un problème avec la créature qui lui est attribuée.

J’approuve la proposition de la demi-shaakte d’un signe de tête, puis dégaine lentement ma vielle épée, prêt à passer à l’action. Je devrais être terrorisé, tourner prestement les talons et prendre mes jambes à mon cou. Pourtant, une présence apaisante pulse en moi, semblant faisant écho aux battements de peur qui m’assaillent. J’accueille cette énergie bienfaisante car je la reconnais, pour l’avoir manipulée mainte et mainte fois ces derniers jours. Mon entraînement semble avoir developpé mes pouvoirs ; leur étendue est peut-être bien plus vaste que ce que j’imaginais. Je laisse l’énergie envahir mon corps et prendre le dessus sur mes émotions. Je m’élance dans l’obscurité en direction de ma cible, tâchant de garder un œil sur les trois autres créatures. J’avance progressivement, me cache de temps en temps derrière une roche ou un buisson, tente d’anticiper du mieux possible les déplacements des créatures.

Lorsqu’enfin ma proie n’est plus qu’à quelques mètres, je manœuvre entre les ruines pour l’approcher de dos. Je mobilise toutes mes forces, empoigne mon épée à deux mains et amorce lentement les prémices d’un puissant mouvement de taille avec mon épée.

(HRP : tentative d’attaque de dos sur un pas beau 😊)

Suite
Modifié en dernier par Byrnisson le lun. 5 juil. 2021 19:05, modifié 3 fois.

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Kiyoheiki
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Re: La Mer Verte

Message par Kiyoheiki » sam. 13 févr. 2021 12:46

~Auparavant~

~13~


Le petit groupe demeure aux aguets pendant les longues heures précédant la fin du jour. Aucune activité n'est décelable pendant ce temps, à croire que les ruines ne sont bel et bien que des vestiges inertes. Je ne suis jamais venu ici auparavant, ni dans certaines parties de l'Ynorie. À la veille d'un événement terrible pour mon peuple, j'en viens brièvement à le regretter. Si les paroles d'Yliria atténuent la chose, je ne peux m'empêcher de me demander si j'aurai la chance de rectifier cela lorsque cette guerre aura prit fin. Mes yeux violets sont attirés par les premières lueurs bleu-vertes semblant venir des ruines, ou peut-être d'en-dessous pour être plus précis. La luminosité se reflète dans l'humidité de la brume nocturne, ce qui expliquerait l'étrangeté des volutes observées par les autres. Je me demande brièvement si les auteurs de ces effets ont conscience de la visibilité de leurs pratiques, et si oui s'ils sont assez confiants pour s'en moquer.

Bientôt, quatre silhouettes apparaissent dans la plaine. Elles semblent provenir des ruines, mais je n'ai pas remarqué d'où exactement. Une béance dans le sol ? Une porte camouflée ? Un escalier impossible à voir depuis notre position ? Toujours est-il que le quatuor de créatures ressemble fort à des victimes de nécromanciens, décharnées, hésitantes dans leurs déplacements, et à première vie dans la pénombre dotées de lambeaux d'habits impossibles à identifier de loin. La voix de l'autre demie-elfe me fait tourner la tête dans sa direction tandis qu'elle propose d'agir, chacun d'entre nous chargé d'éliminer l'une de ces possibles sentinelles. Pas de cris ou de magie qui pourrait attirer l'attention, pas de lumière si possible. Elle désigne ensuite un tas de pierres, en faisant le point de ralliement du groupe une fois la tâche accomplie. Le lieu indiqué sera peut-être un peu plus défendable qu'un espace ouvert si l'une des créatures donne l'alerte. Si elles sont aussi vocales que le capitaine d'escouade mutilé, le risque est avéré.

J'acquiesce et indique la cible que je compte prendre, l'une de celles les plus éloignées. Je plaque la main contre la pierre bleutée de mon casque quand bien même les lueurs déjà présentes pourraient la rendre insignifiante, utilisant l'autre pour tenir mon arme. J'évalue le trajet possible, essayant de passer d'obstacles à débris permettant de couvrir mon approche. Régulièrement, je vérifie l'attitude et la position de ma cible, demeurant immobile si elle est tournée vers moi. Elle a beau avoir l'air amorphe, mes expériences avec le mort-vivant en cage m'ont prouvé que ce n'était possiblement qu'un état passager.

Je m'approche le plus possible, essayant de l'attaquer dans le dos de façon descendante avec ma lame en croissant. Au mieux l'impact l'empalera avec assez de violence pour la clouer contre le sol et possiblement étouffer un de ses cris dans les herbes humides, au pire j'y aurais mis assez de force pour qu'elle soit neutralisée d'un seul coup. Je retire vivement ma main de mon casque, empoigne mon Fang Bian Chan fermement et frappe.

(Tout pareil que les autres sur une de ces pauvres créatures)
Modifié en dernier par Kiyoheiki le dim. 21 févr. 2021 00:22, modifié 1 fois.

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Jorus Kayne
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Re: La Mer Verte

Message par Jorus Kayne » sam. 13 févr. 2021 15:45

La nuit vient et avec elle, la promesse d’une soirée à réveiller les morts. Alors que nous surveillons les alentours, dès les dernières protections solaires éclipsées par la noirceur, un ballet de lumières bleu-vertes émanent des ruines avec l’impression que la terre elle-même les expulse. Ce spectacle aurait pu être agréable à regarder si d’autres spectateurs n’avaient pas profité de ce moment pour un dernier passage chez les vivants. Quatre créatures, ressemblant à celle que nous avons croisée au camp de l’armée Kendranne, se tiennent là, déambulant comme un marin le matin, après une soirée d’escale dans tous les lieux de débauches et d’ivresse d’une grande ville. Leurs mouvements paraissent sans objectifs particuliers et laissent entrevoir la forte probabilité que nous ne soyons pas encore détectés.

Tandis que nous observons religieusement cette exposition morbide, Yliria nous soumet ce que nous n’osions pas proposer. Nous sommes en nombre égal. Chacun aura la possibilité de mettre définitivement à mort sa propre créature, sans cri, sans magie et avec le moins de lumière possible. Elle fait référence à la capacité des morts de pouvoir être bruyant pour attirer d’autres des leurs et nous invite à éviter ce moment dès que possible. Un lieu de rendez-vous est instauré par la présence d’un monticule de pierre légèrement couvert par la flore. Que notre entreprise soit couverte de succès ou quelle nécessite l’aide d’une tierce personne, nous devrons nous rendre à ce point et évaluer la situation.

Nous sommes tous d’accord et désignons chacun nos cibles. Le silence nocturne est dérangé par le bruit que font nos lames en les dégainant. Pour une fois, je me dis que l’étrange arme du protecteur d’Ynorie se prête bien à l’atmosphère, une pelle pour enterrer définitivement ces choses. Comme un seul homme, nous avançons jusqu’à nos cibles respectives à pas feutrés.

(Fait attention à toi Jorus !)

(Tu es inquiète ? Ce n’est pas la première fois que je suis contre des créatures mortes pourtant !)

(Il est clair que la magie les attire et tu es le seul à en être dépourvu. Tu vas devoir être particulièrement efficace sur ce coup-là ! Tobias et Kiyoheiki possèdent tous deux des fluides de lumière, mais celle qui m’inquiète c’est Yliria. Sa magie est…différente. Si d’autres créatures sont dans les parages, elle pourrait bien toutes les attirer si elle devait la libérer.)

(Elle est si puissante ?)

(Ce n’est pas une question de puissance elle est…unique. C’est comme si l’astre solaire était présent et tu te rappelles comment ces créatures réagissent !)

(Elles pourraient lui tomber dessus, entendu. Je crois que cette nuit est le meilleur moyen de voir si j’ai bien retenu mes leçons concernant le camouflage d’ombre !)

Je m’avance lentement vers la créature que j’ai choisie. Je fais taire mon énergie pour diminuer ma présence et m’enivre de l’obscurité pour ne faire qu’un avec les ombres. Espérons que la nuit nous soit favorable !
Je m'avance vers ma cible et me prépare à utiliser en cas de besoin
Cabriole : Peut à volonté sacrifier un tour complet sans attaquer pour faire une acrobatie et doubler artificiellement son niveau dans la formule d'attaque adverse pour le tour en cours. Le tour suivant, il pourra placer une attaque avec un bonus de 10 au jet.

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Yūgure Kuranashi
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Re: La Mer Verte

Message par Yūgure Kuranashi » mar. 23 févr. 2021 11:52

Précédemment.

Comme prévu, Imilfed et Yūgure quittèrent l’auberge dans laquelle ils avaient résidé aux premières lueurs de l’aube. Le début du voyage n’occasionna pas grande discussion entre eux puisque Yūgure peinait à se remettre de son ivresse de la veille. L’elfe semblait lui largement mieux habitué, avançant d’un pas joyeux et prenant plaisir à commenter tout ce qui se présentait à lui avec optimisme. Alors que le soleil atteignait son zénith, les deux compagnons parvinrent aux abords de la Mer Verte. Ils se tenaient sur une haute colline surplombant la vaste étendue végétale qui se présentait à eux. Imilfed avait, plus tôt dans la matinée, parlé à Yūgure de cet endroit. Le semi-elfe comprit instantanément d’où il tenait son nom lorsqu’il observa le spectacle singulier qui s’offrait à lui. Une flore épaisse s’étendait à perte de vue et elle était semblable à une mer calme que les rayons du soleil faisait briller d’émeraude. L’ensemble se mouvait harmonieusement au gré des brises et paraissait presque vivant. Seule la grand route qui coupait la zone en deux digressait quelque peu avec le reste de l’environnement. Décidément, Yūgure en vit plus en quelques jours que ce qu’il avait pu découvrir en quelques quarante ans d’existence. Chaque nouveau lieu, chaque nouveau spectacle l’inspirait profondément et lui insufflait à chaque fois un peu plus de vitalité. Constatant l’émerveillement de son nouvel ami, Imilfed, plus enjoué que jamais, dit alors :

« Plutôt pas mal comme vue, n’est-ce pas ? Je propose que nous nous rassasions ici ! Nous pourrons ainsi en profiter. »

« Bien, mais tâchons de ne pas trop tarder. J’apprécie certes le spectacle mais j’aimerais parvenir à destination au plus vite. D’ailleurs, quand penses-tu que nous arriverons à Viskori ? »

« Si nous nous hâtons et que nous terminons le trajet de nuit, ce qui ne devrait pas poser quelque problème, nous y serons sûrement demain, en début d'après-midi. Allons, prenons tout de même le temps de profiter du déjeuner, histoire d’avoir les forces nécessaires. »

Une fois qu’ils eurent prit leur repas, les deux voyageurs entamèrent la traversée de la Mer Verte. Ils progressaient alors en plein milieu de cette vaste étendue de veule et Yūgure constata les nombreuses gouttelettes qui telles des perles ornaient ce grand ensemble végétal. Pour autant, il ne s’attarda pas à les contempler et avançait à une cadence rapide et constante. Même s’il appréciait de découvrir tant de merveilles naturelles, il était de plus en plus obsédé par le fait d’atteindre Yorinobu, espérant que celui-ci puisse donner un sens à sa vie. Cependant, il n’allait pas être si aisé de s’approcher du chef du clan Juryoku et le semi-elfe était conscient qu’il devrait élaborer un plan complexe une fois parvenu à Viskori. Quelque-chose revint alors à l’esprit de Yūgure. Il se souvint de cette voix qu’il avait cru entendre dans le sanctuaire des Cimes Sifflantes et qui l’avait encouragé à tout faire pour s’échapper.

(Sacrée coïncidence, tout de même… C’est arrivé juste avant l’attaque des garozks, comme si tout cela avait été prémédité.)

Cependant, cette voix ne s’était pas de nouveau manifestée depuis la fuite du sanctuaire, ce qui rendait l’histoire d’autant plus mystérieuse. Le semi-elfe, qui ne parvenait pas à trouver une solution, décida tout simplement d’arrêter d’y penser. Il interpella alors son camarade :

« Dis, Imilfed ! Si je me souviens bien, tu es apprenti forgeron n’est-ce pas ? »

« En effet ! Et bientôt, j’espère pouvoir obtenir l’approbation de mon maître et le devenir à mon tour. » Lui répondit l’elfe.

« Je me disais que j’aurais bien besoin d’une nouvelle lame… La mienne est d’une qualité plus que douteuse et je pense qu’elle ne fera pas long feu. »

« Ah, ça… Mon maître saura certes te forger une lame de qualité, mais… Pour être tout à fait honnête, je ne pense pas que tu aies les moyens. »

Yūgure ne répondit pas. A vrai dire, il n’avait aucune idée de combien pouvait bien valoir une lame forgée par un artisan expérimenté. Imilfed se gratta alors la tête, le regard tourné vers le ciel. Il était pensif. Finalement, il retourna son regard vers le semi-elfe et reprit :

« Cela dit, il y a bien une affaire dont tu pourrais t’occuper pour mon maître. Si tu y parviens, peut-être consentira-t-il à te faire don d’une lame de sa confection ! »

« Et en quoi consiste cette tâche ? » Demanda alors Yūgure, intrigué.

« Il vaut mieux que ce soit directement lui qui t’en fasse part, je ne voudrais pas créer un malentendu. »

Yūgure répondit par l’affirmative d’un hochement de la tête et tous deux continuèrent leur route. Il s’agissait pour eux de la dernière ligne droite jusqu’à Viskori et le semi-elfe, s’impatientant de voir les choses se préciser, se hâtait de plus en plus. Imilfed, qui n’avait guère l’habitude de se presser de la sorte, n’avait d’autre choix que de suivre la cadence.

Suite.

Byrnisson
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Re: La Mer Verte

Message par Byrnisson » ven. 2 juil. 2021 19:32

Partie IV : Le siège d'Oranan

Chapitre I : Les négociateurs

L’improbable assemblée ayant trouvé un accord, Herle Krishock conclut notre discussion en déclarant sobrement :

« Alors nous attendrons ici même de vos nouvelles. »

Soudainement plus détendu, j’acquiesce silencieusement et jette un œil à mon bras libéré de l’étreinte chaleureuse de Ssussun. Aucune trace de ma blessure. Je le remercie d’un hochement de tête. Puis, je m’élance dans la direction pointée par Herle. Nous passons devant les deux nécromants et le prince Elfe. Malgré l’absence de douleur, je passe nerveusement la main sur mon bras en croisant le regard de Gadory. Une façon de lui exprimer que je n’ai pas oublié son lancer sournois.

(Une chance que l’élève dépende encore de son maître ; l’issue de notre conversation eut été plus malheureuse).

Sous les lueurs verdâtres projetées par les statues, nous traversons l’assemblée de squelettes, figée, comme autant de compagnons aux quatre colosses de pierre qui nous surplombent. Au sortir de la salle, nous tombons nez à nez avec l’effroyable cohorte que nous avions contemplée quelques heures plus tôt depuis les hauteurs. Ma peau se hérisse lorsque nous approchons des créatures. Pas une seule ne réagit, mais il suffirait d’un mot, peut-être même une simple pensée des nécromants pour mettre en œuvre leur redoutable attirail de griffes, d’épées et d’os.

Nous passons notre chemin en silence, et retrouvons l’embranchement au niveau duquel nous avions bifurqué, toujours constellé de lueurs. Je réalise que l’insupportable étau et la sensation de chaleur produits par les âmes sont à présent estompés, un peu comme si les nécromants nous avaient graciés à leur égard.
Le gentâme est lui aussi toujours présent. Je le dépasse en affichant un air satisfait. Au final, nous avons trouvé une façon de déjouer le rituel dépassant ses capacités de prédictions. Lui, nous laisse passer en silence.

(Quelle que soit la valeur de ses informations, le prix qu’auront à payer mes compagnons n’en sera que trop élevé... puisse-t-il rester à jamais dans cette galerie obscure sans plus jamais recevoir de visite.)

Au sortir des ruines, la mer verte est baignée d’une timide lumière annonçant l’arrivée de l’aube. Nos ombres dansent au rythme régulier des tiges de veules qui tapissent le sol. A peine avons-nous parcourus quelques pas vers nos montures qu’une intense clarté jaillit dans notre dos. Le soleil s’élève, déployant ses ailes lumineuses. Mon corps s’agite, ranimé par une douce chaleur. Nous n’avons pas dormi depuis la veille et malgré tout ce que nous avons accompli, l’ampleur de notre tâche est écrasante. Je me retourne pour contempler le lever du jour et gorger mon visage d’énergie. Mes yeux s’attardent alors sur Yliria dont la peau a une curieuse façon de de refléter le soleil. Plus qu’un reflet, c’est comme si la demie shaakte produisait sa propre lumière, un flux radiant intense, qui se superpose à l’éclat du soleil. Je contemple ce spectacle ébahis, m’attendant à une nouvelle manifestation magique, par exemple un puissant sort qui nous gorgerait d’une vigueur nouvelle en vue de la longue chevauchée à venir. Plusieurs minutes passent et le phénomène s’estompe, sans autre effet que de nous avoir envouté. Perplexe, je m’apprête à interroger Yliria quand le souvenir de notre échange avec le gentâme me revient soudainement à l'esprit.

« Il nous faut rallier le campement de toute urgence. Selon les indications du gentâme, le roi est en danger de mort. »

Nos montures n’ont pas bougé d’un pouce. Nous remontons en selle et trottons dans la mer verte en direction du camp. Nous adoptons une allure modérée pour ne pas épuiser les chevaux qui vont devoir encaisser deux journées de chevauchée. Notre colonne fend la mer végétale, la veule s’écarte dans un bruissement sur notre passage, communiquant de proche en proche le mouvement aux plantes voisines. Une petite vague nous précède, se propageant à l’infini autour de nous. Les effets du sort d’Yliria s’estompent et je ressens les effets de la fatigue. Je succombe aux bruissements apaisants de la végétation et ferme les yeux. Mon corps suit instinctivement les mouvements de la monture, je m’affaisse un peu sur l’encolure et laisse divaguer ma conscience. Je ne parviens pas à trouver le sommeil, mais j’arrive au moins à soulager mes paupières qui commencent à picoter. Ma tête, elle, ressasse sans cesse les dernières paroles d’Herle, la voix caverneuse du gentâme et le cliquetis dérangeant du gardien mort vivant aux mille pattes.

Le trot ralentis, j'ouvre les yeux. Les montures ont repéré une masse sombre qui se déplace à plusieurs centaines de mètres. Vu la direction prise par la colonne et le nuage de poussière qui l’entoure, ce ne peut être que l’armée Kendrane. Je soupire de soulagement car nos chances de déjouer l’attentat viennent de s'accroître. Nous accélérons notre course. Les étendards maintenant visibles confirment mon hypothèse. Arrivés à hauteur de la procession, je m’informe auprès d’un soldat de l’état de santé du roi.

« Qu'est-ce que j’en sais moi, j’suis pas son mire. Cela dit je voudrais bien m’occuper de la princesse. - la jeune recrue accompagne cette dernière phrase d’un grand sourire édenté, puis ajoute, l’air suspicieux - D’où tu viens avec tes copains basanés ? »

Son ton familier me met mal à l’aise. Je trépigne sur ma selle et réponds simplement :

« Mission de reconnaissance, pour le Comte d’Ybelinor. Savez-vous où il se trouve ? »

« L'état-major est derrière, salut monsieur l’important. - Il me tourne le dos et reprend sa route. »

Le comte n’est visiblement pas pressé d’entendre de nos nouvelles car nous devons encore attendre que l’armée fasse une pause pour pouvoir le rencontrer. L’attente me parait d’abord insupportable, mais sitôt mon cheval calé au pas dans la colonne, je m’assoupis sur ma selle. Je ne sais pas combien d’heures ont passées quand on me tire finalement de mon sommeil pour nous conduire devant le comte. J’ai l’esprit un peu plus clair après ce court repos, et suis même surexcité. Notre troupe, rentre d’un grand péril, avec d’excellentes nouvelles pour la bataille à venir et une proposition d’accord de la part du camp adverse. Une mission accomplie avec succès, sous la direction de votre humble capitaine. C’est donc l’esprit léger que je prends la parole.

« Cher Comte, Sold... Capitaine de troupe Tobias Arthès. Moi et mes compagnons revenons de nos investigations dans les ruines de Nayssan. Nous sommes porteurs d'un message qui requiert l'ouverture de pourparlers avec le roi. Nous sollicitons une audience. »

« Fort bien, capitaine. Faites-moi le rapport de vos découvertes, et soyez assurés que j'en informerai sitôt sa majesté. »

Postée à mon côté, Yliria semble agitée. Je me souviens qu’elle paraissait déjà tendue lors du briefing avec le Comte ; probablement ce ton condescendant dont l’homme use un peu trop fréquemment. La demie shaakte l’avertit de la menace d’attentat pesant sur le roi et réitère ma demande d’audience en insistant sur l’importance du message que nous avons à transmettre et des répercussions qu’il pourrait avoir sur la guerre, voire sur le royaume entier. Sans se départir de son air supérieur, le Comte rétorque :

« Je me demande bien comment vous pouvez être au courant de ça. La tentative a eu lieu, et nous l'avons maîtrisée. Vous comprendrez donc que nous ne pouvons pas faire rencontrer n'importe qui à sa Majesté. »

« N’importe qui » ; l’expression m’interpelle et j’ouvre de grands yeux. Notre groupe est certes hétéroclite mais je suis quand même un soldat du royaume. Je serais malgré cela indigne de confiance ?

Le comte reporte son regard sur moi et me presse de lui fournir mon rapport. Autour de nous, de nombreux soldats et officiers s’affairent, discutent, ou prennent une pause méritée. Dévoiler la totalité des informations que nous avons recueillies sur place me gêne un peu. Tant par leur portée politique que militaire ces informations sont confidentielles et mon rapport devrait être délivré en comité restreint. Et pourtant, en dépit de nos avertissements, en dépit même de ses propres consignes, car le Comte lui-même avait qualifié notre mission de “secrète”, il me demande de déclamer mon rapport au milieu d’un parterre de soldats dégustant leurs sandwichs.
Je lui présente donc un rapport aussi édulcoré que possible et lui rappelle timidement les procédures basiques de cloisonnement de l’information :

« Oui, à vos ordres. Nous avons pénétré au cœur des ruines en attendant la tombée du soleil pour observer les lueurs rapportées par les témoignages. Ces lueurs sont en réalité les âmes des anciens habitants de ce lieux. Elles y sont retenues par une antique malédiction. Leur éveil était lié à la présence de deux mages manipulant la magie d'ombre. Nous les avons rencontrés alors qu'ils s’apprêtaient à accomplir un rituel visant à lever la malédiction des ruines. En échange de leur libération, les âmes s'engageaient à réaliser une ultime tâche : constituer une armée de morts vivants qui viendrait renforcer l'armée ennemie lors de la bataille à venir.
Nous avons toutefois réussi à négocier une trêve. L'armée ennemie ne disposera donc pas immédiatement de cette force de frappe mort-vivante. Nous nous sommes engagés en retour à adresser au roi une demande. Si le roi y répond favorablement, les mages abandonneront définitivement leurs plans. Dans le cas contraire, ils lèveront l'armée de mort et la déchaîneront sur le royaume. Compte tenu des enjeux, déjà esquissés par ailleurs par Yliria, vous comprendrez notre volonté de transmettre cette demande et l'identité des requérant, en toute discrétion. Enfin ... la procédure
- j'insiste sur ce mot - préconise qu'un message d'une telle importance soit directement délivré à son destinataire pour limiter au maximum le risque d'en dénaturer le sens – je prononce ces derniers mots sur un ton monocorde tel un enfant récitant sa leçon. Les mages attendent en ce moment même une réponse, l'affaire est donc urgente. »

Pas mécontent de mon rapport, je laisse le comte digérer l’information et patiente, le cœur palpitant, qu'il nous fournisse une réponse. C’est sans compter sur Jorus qui lui coupe la chique en se prosternant littéralement à ses pieds. Il commence par révéler les noms des deux mages, Herle Krishok et Gadory, ce qui ruine complètement mes efforts de discrétion. Je ne peux pas vraiment lui en vouloir car lui-même rappelle ne pas être un militaire. La suite de son discours, en revanche, me prend telle un blob au travers de la gorge et m’arrache un hoquet de stupeur :

« Il y a effectivement eu un échange où l’accord que Tobias vous a énoncé a été conclu. Cependant, il élude certains points. D’une part, ils étaient en plein rituel magique et donc plus vulnérable à un assaut. Je pense que cet accord de trêve n’était là que pour nous amadouer et permettant ainsi à ces mages maudits de poursuivre leur sordide rituel. D’autre part, je m’étais préparé à affronter des adeptes de cette répugnante magie noire, en préparant en amont de la brise-magie. Mon arme possède une capacité particulière, qui aggrave les blessures au fur et à mesure du temps. Non seulement une simple estafilade aurait anéanti le pouvoir magique du maître nécromant, mais sans ses pouvoirs, elle lui aurait été fatale. Mon seigneur, nous avions l’opportunité de mettre un terme définitif à la vie de la pire engeance que les mages noirs aient pu compter…et nous l’avons sottement perdue. »

Poursuivant son élan théâtral, Jorus nous regarde l’un après l’autre puis continue de distiller son venin au comte qui en engloutit ma moindre goutte. Jorus nous décrit ainsi comme des traitres, soulignant les origines shaakte d'Yliria et du sergent pour déprécier notre fiabilité. Il affirme qu’en notre absence le rituel sera achevé et que notre mission est un échec. Il désigne enfin Yliria et Kiyoheiki ostensible en déclarant au comte :

« Votre seul tord a été de faire confiance aux mauvais individus ! ».

Après s’être pavé d'un sublime rouge tomate, mon visage blêmis lorsqu’Yliria prend la parole. J’ai subitement l’impression d’avoir été lâché au cœur d’un orage. Naturellement blessée d’être qualifiée de traîtresse, la demie-shaakte déverse sur Jorus un déluge d’invectives, le qualifie de prétentieux et argue que nous n’étions pas de taille pour vaincre deux adversaires aussi puissants. Elle lui demande ensuite de restituer le pendentif qu’il porte autour du cou. Effaré, je me ratatine sur place à chaque intonation tant la riposte est violente. Surprenant, venant d’une créature dépassant difficilement le mètre soixante. Je profite d’une accalmie pour tenter de rallier le comte à ma cause ; c’est du moins ce que ses coups d’oeil réprobateurs m’incitent à faire. Je fais fis des accusations de traitrise de Jorus et essaie de justifier tant que possible nos décisions :

« Cher Comte, - je dégaine en même temps mon épée réglementaire et l'exhibe humblement - mon arme ne dispose pas de qualité particulière, si ce n'est de celui qui la manie ; et je sors tout juste de l’académie. Nos décisions ont été motivées par le constat qu'Yliria a exposé : nous n'escomptions pas rivaliser de puissance avec deux des treize et la cohorte qui les accompagnait. Les généraux ont eu la décence de nous accorder un délai, l'envoi d'un simple éclaireur pourra confirmer ce point, et de formuler leurs termes - La bienséance exige que nous délivrions leur requête à son destinataire et que nous leurs répondions. - Je jette des regards nerveux aux alentours, espérant que notre discussion ne s’ébruite pas trop - Pourriez-vous, je vous prie en informer sa majesté ? ».

J’éprouve un élan de gratitude envers le sergent Kiyoheiki lorsque ce dernier s’avance à mon côté pour appuyer mes propos.

« Notre mission était d'enquêter sur les lueurs décelées dans les ruines, d'en apprendre l'origine et d'y mettre un terme. La mission est accomplie, au moins pour la durée du conflit à venir ».

Il ajoute ensuite que les nécromants nous auraient tout simplement éliminés, voire ajoutés à leurs troupes s’ils avaient eu l’intention de nous nuire. Il déplore enfin l’attitude de Jorus, qui, n’ayant pas manifesté d’opinion contraire lors de notre prise de décision, sème à présent la discorde dans notre groupe. Malgré tout, Jorus s’entête et, après avoir restitué le mystérieux pendentif à Yliria, réaffirme ses propos. Ces règlements de comptes passés, le comte s’adresse à nous, bouillonnant :

« Si... je résume bien la situation : Vous avez laissé deux nécromants surpuissants et clairement identifiés comme nos ennemis œuvrer librement à des rituels pouvant faire tourner l'avantage de la bataille à venir en leur faveur contre une simple promesse orale qu'ils n'en feront rien, et ce dans le but de sauver votre propre peau ».

Je meure d’envie de rétorquer tant l’accusation du Comte est injuste, mais ce dernier ne m’en laisse pas l’occasion :

« Si vous étiez des soldats de l'armée, vous seriez sur le champ exécutés pour haute trahison au Royaume et à la Couronne - Je tressaille en réalisant que je suis pour ma part membre de l’armée -. Puisque vous n'êtes que des aventuriers, et je déplore encore davantage la décision de vous faire confiance pour ces tâches majeures, je vais juste vous congédier CÉANT des alentours de cette armée ».

« Soldat Arthès - dit-il, et je remarque qu’il insiste fortement sur le premier mot - Je transmettrai votre rapport à Sa Majesté au plus vite. Quant à vous, et puisque les exécutions au sein de l'armée sont temporairement abolies par le Roi, vous aurez pour ordre de vous rendre en première ligne d'une section de fantassins pour la bataille à venir ».

Plus que l’annonce de ma remise de peine – je n’avais à vrai dire même pas imaginé que nos actions pourraient nous valoir des accusations de traitrise - l’annonce du retrait de mon grade me procure un certain soulagement. Véritable fardeau, ce titre indument acquis me mettait dans une position inconfortable depuis le début de notre mission. Face à Kiyoheiki il n’était qu’une gêne, une insulte pour le sergent méritant qu’il était. Face à Jorus et Yliria, il était insignifiant, autant que mon expérience devait l’être à leurs yeux. Ma déchéance a donc au moins de positif, qu’elle devrait améliorer mes relations avec mes futurs ex-compagnons.

Le comte assure ensuite que le roi aura vent de notre traitrise et que nous devrons en répondre après la bataille, si j'y survis, puisque j'y serai affecté à la piétaille. Étrangement, Jorus insiste pour rapporter lui-même les faits au roi mais se fait débouter par le Comte, qui nous congédie ensuite d’un geste de dédaigneux. Comme si, au final, nos actions, et les faits que nous venons de lui rapporter étaient sans intérêt. En me remémorant ma première conversation avec le comte, désastreuse, ses manières ostensiblement haineuses envers Yliria et Kiyoheiki, je prends conscience de ma naïveté. Le comte n’avait probablement aucun crédit pour notre groupe, dès le départ. Sans doute aurait -t-il préféré une troupe de soldats Kendrans expérimentés. Ainsi nous a-t-il considéré d’office comme une gêne et espérait-il ne jamais nous voir revenir de ces ruines.

La voix d’Yliria me tire de mon songe. Elle annonce vouloir quitter le camp et déclare qu’elle a apprécié notre collaboration. Je souris, et acquiesce silencieusement lorsqu’elle me conseille de développer mon don pour la magie. Cette idée me taraude depuis plusieurs jours en effet, puisque je meurs d’envie de reprendre les expérimentations entreprises lors de mon trajet depuis Luminion. Je doute néanmoins d’avoir l’occasion de m’exercer lorsque je serais en première ligne au cœur de la bataille.

(Ceci dit, le Comte m’a relevé de mes fonctions avant de me donner son ordre. Etant à présent rattaché à l’armée de Luminion je ne dépends plus de lui… d’autant qu’il n’a aucun grade militaire. Et puis il ne pas dit dans quelle armée je devais combattre).

J’adresse un dernier mot au Comte, pour lui exposer mes projets en toute transparence.

« Je me tiendrai naturellement à votre disposition pour adresser la requête des deux nécromants, si le roi désire la recevoir. Étant congédié de la fonction de capitaine de cette troupe, j'irai prendre mes ordres auprès de l'armée de Luminion, à laquelle je suis rattachée. »

Aucune réaction. Je prends son indifférence pour approbation et m’éloigne vers l’extérieur de la colonne armée, le regard planté dans le sol, et avec la sensation que les quatre derniers jours que j’ai vécus n’ont été qu’une immense perte de temps. Par ailleurs, l’image d’Herle Kirshok attendant patiemment notre retour aux côtés de son autel revient sans cesse dans mon esprit.

« Ser Arthès – intervient le sergent kiyoheiki en se postant à ma hauteur - j'ignore quelles sont vos pensées, mais oyez les miennes. Je ne puis tolérer voir le résultat de nos efforts réduit à néant par le caprice d'un tiers. Rattrapons Yliria. Nous ne devons pas en rester là. »

En relevant la tête, je réalise que je tiens toujours mon épée dans ma main, qui commence à être un peu engourdie. La remettant maladroitement au fourreau je réponds :

« Je pense... je pense que Gadory se gausserait de notre échange avec le Comte, et que sa conclusion n'est pas à la hauteur du sacrifice que vous autres avez consentis auprès du gentâme. »

Le simple fait d’exprimer ma pensée m’enseigne que j’ai peut-être baissé les bras un peu tôt.

« Si vous pensez qu'autre chose peut être fait, je vous suis, sergent ».

Yliria ne nous devance que de quelques pas. Le sergent la rattrape et lui demande de lui accorder un instant, ce qu’Yliria accepte. Nous nous écartons de l’état-major du comte. A quelques mètres de nous, une troupe de soldats se livre gaiment à une partie de dés improvisée. La voix de Kiyoheiki se pose discrètement par-dessus le tumulte. Il déplore la désinvolture du Comte, le fait que son jugement soit brouillé par ses idées préconçues sur les Shaaktes et doute que notre rapport soit un jour remis au roi. Malgré tout, le sergent souhaite que nous trouvions un autre moyen de faire parvenir notre message. Yliria évoque alors les autres généraux présents lors du briefing mais ne se rappelle plus de leurs noms, ce sur quoi je rebondis :

« Bogast ou Andelys. Selon mes souvenirs, les deux sont généraux du roi. »

Une idée me traverse l’esprit, j’en fais part à mes compagnons :

« L'armée de Luminion n'est pas ici ; je m'apprêtais d'ailleurs à la rejoindre. J'avoue même avoir songé à faire un détour par les ruines pour informer les mages de notre échec ».

Repensant au commentaire du sergent sur le Comte, j’ajoute :

« Je réalise que le jugement du comte était biaisé, parasité par sa haine, aveugle de toute raison. J'ai honte qu'un tel homme représente mon peuple. Notre mission vise justement à faire évoluer les mentalités. On doit essayer autre chose.
Je pourrais me faire passer pour un messager de Luminion et solliciter un entretien auprès des généraux dont je vous ai parlés. Ce serait crédible car mon blason porte les couleurs des unités de logistique. Nous pourrions même préparer un message écrit à leur transmettre, au cas où. »


« Je serai bien incapable de différencier un blason d'un autre, donc j'imagine qu'on peut te laisser t'occuper de ça. il faut faire vite, cela dit. Si le comte décide de raconter sa version des faits au Roi, ce sera terminé... – Yliria semble avoir une courte absence puis poursuit - Essayons de contacter Andelys- il faudrait demander où on peut le trouver ».

Nous suivons la demi shaakte vers l’extérieur de la colonne, pensant que cette dernière a une idée en tête. A quelques mètres, nous apercevons une silhouette, un peu à l’écart et assise au beau milieu de la veule. Nous approchons. Etrange coup du hasard car il s’agit de Jorus, le teint cireux, une dague pointée sur son coup. En un temps record, Yliria fond sur le jeune homme, écarte sa dague et lui assène un violent coup de poing au visage pour lui faire reprendre ses esprits. Elle y met un peu plus d’entrain que nécessaire et Jorus se retrouve projeté au sol et sommé par la demi-shaakte d’expliquer tant son comportement que son élan suicidaire. Jorus s’exprime alors d’une voix monocorde :

« Cette sale merde ne pouvait pas sentir Tobias, alors qu’il était membre d’un corps d’armée. Alors deux semi-shaakt et un humain de basse extraction, argumentant sur la bonne fois d’un maître nécromant ennemis, promettant la paix en échange de certaines conditions vis-à-vis des possesseurs de fluides sombres…c’était voué à l’échec avant même de commencer. C’est ce dont j’étais persuadé. Alors j’ai agi ainsi, non pas contre mes compagnons, mais contre des shaakts et leurs arguments pacifiques concernant les fluides noirs. Je pensais m’attirer une forme de sympathie du comte afin qu’il m’emmène voir le roi, le laissant penser que l’ouverture d’esprit de son souverain qu’il ne partage pas était une erreur et que j’en portais la preuve. Mais face au roi, je comptais délivrer un tout autre discours et l’aurais incité à vous entendre pour appuyer mes dires. Cependant rien ne s’est déroulé comme je le pensais. Pire même, j’ai donné à cette raclure plus d’arguments contre ceux qu’il méprise. J’ai trahi la promesse de Tobias au lieu de la porter, j’ai trahi le courage Kiyoheïki au lieu de nourrir le mien, j’ai trahi ceux qui me tendaient la main, ne demandant simplement en retour que je poursuive mes idéaux. Je me suis trahi moi-même et tout ce pourquoi je me suis battu jusqu’à aujourd’hui. »

Dévasté par la honte, l’homme était ainsi sur le point de mettre fin à ses jours. A voir les trait tirés et l’air abattu de cet homme, que je trouvais jusqu’ici plutôt jovial, je n’ai aucun doute quant à la véracité de ses paroles. Yliria non plus d’ailleurs puisque la demie shaakte s’agenouille même pour réconforter le pauvre Jorus.

« T'es un idiot, Jorus. Je suis habituée à ce genre de comportement de la part des humains et j'imagine que Kiyoheiki aussi, on aurait trouvé une solution ensemble pour passer outre cet imbécile obtus de comte. Et au lieu de vouloir te punir pour une faute, essaie plutôt de la corriger pour t'en amender. Et si tu veux mon pardon, t'as intérêt à lever tes fesses d'ici et nous aider. Enfin, si c'est bon pour vous deux ».

Je meurs d’envie de clamer ma confiance envers Jorus. Il n’empêche que la prise d’initiative de Jorus nous a fortement pénalisée lors de notre échange avec le comte et je compte bien le lui faire comprendre. Je m’avance jusqu’à lui résolument et il me semble plus facile de lui adresser la parole maintenant que je suis débarrassé de mon pseudo titre d’autorité.

« Cela n’engage que moi, mais je vais te croire Jorus, et considérer que cet échec est partagé. Nous aurions peut-être dû nous concerter avant de rencontrer le comte, mais j’imaginais que notre requête serait prise en compte sans difficulté car le protocole l’exige, et ce malgré ton intervention ».
Je tourne les talons en direction de la sortie de la tente. Je n’ai finalement pas osé exprimer totalement mon avis.


(Oh et puis merde, Tobias. Te ratatiner face au comte c’est une chose, mais fais honneur à tes camarades en leur livrant le fond de ta pensée).

J’opère un et demi-tour et ajoute :

« Néanmoins, si je puis t’adresser un conseil en tant que compagnon d’arme à présent, la prochaine fois, préviens-nous avant de prendre ce genre d’initiative... Enfin non, pas la prochaine fois, celle d’après. La prochaine fois, je suis d’avis que tu te taises. »

Une heure plus tard, alors que l’armée a repris sa marche, nous nous présentons au général Andelys. Il m’aura fallu questionner quelques soldats, en prétendant vouloir délivrer un message au général, mais ce dernier s’est laissé approcher sans grande difficulté. Je pose un pied à terre, salue mon supérieur et lui fait part du fait que nous sommes la troupe qui était en charge d’explorer les ruines de Nayssan et que nous revenons porteurs d’un message pour le roi. Je ne lui cache pas que le Comte d’Ybelinor nous a débouté, mais prends soin d’éluder cet épisode fâcheux. Andelys écoute attentivement le rapport succinct que nous lui donnons et demande que nous lui en livrions tous les détails pour qu’il puisse jauger si notre demande est suffisamment urgente pour solliciter une audience car le roi est placé sous haute sécurité. Son attitude bienveillance nous incite à lui révéler jusqu’à l’identité des deux mages que nous avons rencontrés et la nature du message que nous devons transmettre au roi. A la fin de notre intervention, Andelys pince des lèvres, préoccupé puis clame que nous avons au moins le mérite d’avoir fait gagner du temps à notre camp. Il s’accorde sur l’urgence de la situation et accepte de nous mener au roi.

Il lance ensuite son cheval au trot, me contraignant à remonter en selle. Nous rejoignons une troupe de chevaliers d’élite menée par le général Bolgast. Lorsqu’Andelys demande à voir le roi, l’un des hommes d’armes relève son heaume dévoilant le visage du roi. Pris au dépourvu, j’écarquille grand les yeux en croisant le regard du roi et devinant le subterfuge, me contente de lui adresser un salut militaire réglementaire tout en articulant « majesté » du bout des lèvres.

« Par Gaïa, qu'est-ce que cela signifie ? ».

Le comte d’Ybelinor choisit le pire moment pour pointer le bout de son nez et nous a manifestement reconnus. Je trépigne sur ma monture et, dans la panique, lance un regard effaré à mes compagnons. Andelys intervient immédiatement en notre faveur :

« Sire, ces aventuriers sont revenus de mission et ont une affaire des plus urgentes à aborder. Il semblerait que le Comte Ybelinor n'ait pas entièrement saisi la nature de ce qui se joue ici. Sauf votre respect, Comte ».

Ybelinor tourne au rouge mais le roi coupe court à une éventuelle explosion :

« J'écouterai ce qu'ils ont à me dire. »

Nous y sommes. Ce moment est une petite victoire, tant nous avons dû redoubler d’efforts pour obtenir cette audience. Il ne reste plus qu’à rapporter les faits à mon souverain, rien de moins, et pas question de cacher la vérité. Je me racle légèrement la gorge.

(J’aurais dû prendre la peine de boire un peu avant de venir faire le pitre devant le roi. Tant pis).

J’élève timidement ma voix au-dessus des claquements de sabot et me lance dans un récit détaillé, d’une voix chevrotante.

« Sire – je désigne mon équipée – voici D'Esh Elvohk Kiyoheiki, sergent de la milice d’Oranan, Yliria Varnaan'tha, Jorus Kayne, et je suis Tobias Arthès, soldat du Dûché de Luminion.
Nous revenons des ruines de Nayssan avec des informations cruciales, mais accordez-moi, je vous prie, quelques instants pour vous en exposer les circonstances. »


Deux phrases seulement, et j’ai écoulé mes dernières réserves d’eau en tapissant l’arrière de ma chemise d’une belle auréole. Je m’accroche à ce qu’il me reste de courage pour poursuivre.

« A notre arrivée, nous avons constaté la présence d’étranges lueurs, en surface, lesquelles se sont fait de plus en plus nombreuses après que nous eûme atteint le cœur des ruines, situé sous la surface. Nous l’avons appris plus tard, au cours de notre exploration, mais ces lueurs étaient en fait les âmes des anciens habitants de ces ruines, séquestrées en ces lieux par une antique malédiction. A notre arrivée, ces âmes semblaient hostiles à notre présence, pas violentes mais disons qu’elles provoquaient une sensation désagréable, oppressante pour le corps comme pour l’esprit. J’y reviendrai plus tard car ce détail est important, tout comme le fait que ces âmes ont été éveillées par un rituel auxquels deux mages s’adonnaient. »

Dans ma lancée, je prends confiance et le ton de ma voix devient plus posé. C’est avec une relative sérénité que je poursuis.

« Nous nous sommes frayé un chemin dans ces ruines, usant de passages détournés pour éviter de nous confronter aux gardiens que les deux mages avaient postés sur le chemin conduisant à la salle où ils accomplissaient leur rituel. Je parle ici, de dizaines de créatures sachant que plusieurs d’entre nous ont écopés de sérieuses blessures en nous confrontant à moins d'une dizaine d’entre elles et de loin les moins puissantes, si j’en crois les apparences.
Arrivés au cœur des ruines, nous avons rencontré les auteurs du rituel, Herle Kirshock et Gadory, accompagnés d’une garde rapprochée, un seigneur elfe ressuscité ainsi qu’une cohorte de chevaliers morts vivants. Dissimulant notre identité, nous avons pu découvrir celle des deux mages ainsi que leurs desseins. Ces derniers souhaitaient lever la malédiction pesant sur les ruines, et libérer les âmes défuntes en l’échange d’un service. En retour, elles devaient constituer une armée de mort et marcher sur Oranan pour servir de renfort aux troupes d’Oaxaca ».


Parler si longuement n’est pas dans mes habitudes et je peine à gérer ma respiration. Plutôt que d’entrecouper mes phrases de petites pauses en m’appuyant sur les ponctuations, je débite le tout en longues séances d’apnée. J’inspire longuement et plonge de nouveau dans mon récit.

« Une fois, les plans des deux mages connus, nous avons entrepris d’y mettre fin. – je baisse les yeux, car la suite de mon récit n’a pas été accueilli favorablement par Ybelinor. Je prie pour que cet auditoire soit plus ouvert que le Comte - Majesté, je n’ai aucune honte à le dire, mon bras n’est pas assez vif pour croiser le fer avec un seigneur ressuscité et sa garde rapprochée ; encore moins sous le feu de mages dont je ne conçois même pas la puissance. J'ai eu peur là-bas c’est certain, mais je n’ai pas agi par crainte de mourir. Ma crainte était de voir une armée de mort déferler sur nos troupes si je rendais l’âme au fond de ces maudites ruines en livrant un combat perdu d’avance. Et je pense que c’est pour des raisons similaires que mes camarades ont choisi, tout comme moi, de trouver une issue pacifiste à cette situation. Or, Herle Kirshock était ouvert à une solution diplomatique, et ce, même après que nous ayons décliné tant notre identité que notre désapprobation quant à leur projet ».

Plus que quelques phrases et je serai débarrassé de ma mission. Quelques phrases pour expliquer nos actions et exprimer mes convictions. Je fixe le Comte d’Ybelinor, qui nous darde d’un regard désapprobateur, puis me tourne vers mes compagnons, cherchant leur regard. Ils sont là. Je ressens du soutien dans leur regard, suffisamment pour terminer ma tirade.

« Herle Kirshok est un nécromancien, manipulateur de la magie d’ombre. Il considère sa magie comme un art, puissant et noble et déplore qu’elle soit l’objet de craintes de par sa seule nature, indépendamment de celui qui la manipule.

Selon lui, on ne devrait pas bannir, voir exécuter les détenteurs d’un tel pouvoir, ces derniers l’ayant parfois acquis sans le vouloir à la naissance. Libérer les âmes de Nayssan est un moyen pour lui de démontrer le bien-fondé de son pouvoir, en levant une malédiction pesant sur des milliers d’âmes depuis des millénaires. Je partage sa vision dans une moindre mesure car je connais les bienfaits dont est capable un sorcier lorsqu’il transmet les dernières paroles d’un défunt à sa famille, ou encore quand il libère un foyer de l’emprise d’une âme contrariée.

Nous avons convaincu Herle de prouver que ses intentions étaient louables et d’épargner notre armée. Il a interrompu le rituel et son armée de morts ne combattra pas lors de la bataille à venir. En échange, nous nous sommes engagés à transmettre une requête. »


Je fixe le roi dans les yeux, sans ciller.

« Majesté, Herle Kirshok vous demande de lever l’interdiction d’usage de la magie ombre et de la nécromancie dans le royaume. Si vous acceptez, il abandonnera définitivement ses plans. Sinon, il terminera son rituel ultérieurement pour user de son armée contre le royaume.
En ce moment même, Herle attend une réponse dans les ruines.
Je finirai par un dernier point, pour qui nous moquerai et clamerait que nous avons été floués. Herle et Gadory avaient amplement les moyens de nous éliminer sans prendre le risque de nous laisser sortir de ces ruines. Par ailleurs, après que nous ayons passé notre accord, l’influence oppressante des âmes, les lueurs dont je vous ai parlées, s’est estompée, comme si elles étaient apaisées. J’y vois un signe que le rituel a bel et bien été suspendu. »


Je me tourne encore une fois vers mes compagnons, cette fois pour les inviter à s’exprimer et Yliria prend la parole.

« Si vous permettez, j’aimerais ajouter quelque chose. Je ne suis pas particulièrement friande de la magie d’obscurité, mais la magie, quelle qu’elle soit, n’est qu’un outil tout comme l’est un couteau ou une hache et son utilisation dépend entièrement de celui qui la manie. Je comprends parfaitement la méfiance vis-à-vis de la magie sombre, mais ils sont peu nombreux à en user et probablement que les éduquer et les entraîner au nom du Royaume éviterait que des nécromanciens solitaires ne cherchent à faire des recherches clandestines en attaquant qui que ce soit. La demande ne concernait que l’autorisation de pratiquer la magie et la fin de la traque systématique, vous pouvez parfaitement poser certaines conditions. »

Après un regard vers le Comte, elle continue :

« Si je connais les mages noirs et les nécromanciens ce n’est, contrairement à ce que certains peuvent penser, pas parce que je les côtoie, mais parce que j’ai une certaine expérience dans le fait de les combattre, eux et leurs créations. Ils sont toujours seuls et rejetés quand ce ne sont pas des servants d’oaxaca. Peut-être qu’en leur laissant la chance de travailler à un but commun qui bénéficierait à votre royaume, vous en tireriez plus de bénéfices qu’en les traquant. Herle Krishok a pris un risque en ouvrant le dialogue, parce qu’il a clairement été contre les ordres de la Déesse Noire en ne lui fournissant pas cette armée qui aurait pris les vôtres à revers. Ce n’est que l’avis d’une simple aventurière, mais je trouverai ça dommage de ne pas y répondre et trouver un accord. Et si vous doutez de sa parole, rappelez vous simplement qu’il aurait pu nous tuer et vous n’auriez jamais entendu parler de cette armée qui serait alors sortie des ruines, probablement au pire moment. »

Notre rapport terminé, le Roi interroge Andelys et Ybelinor du regard. Ce dernier saute sur l’occasion pour déverser un torrent d’accusations :

« Sire, ces... mercenaires ont passé un pacte avec l'ennemi sans aucun accord préalable de notre part, et m'avaient même caché la nature de ce qu'ils projetaient de vous dire. J'allais par conséquent vous faire rapport de ces aveux, quand ils m'ont devancé avec l'aide du Général Andelys, qui n'était pas en charge de cette mission. J'exige par ailleurs réparation face à ce passe-droit. »

La réponse d’Andelys est cinglante. Il nous défend bec et ongle, jugeant que notre message devait être transmis directement au roi. Je ne cille pas, tout ce qui m’importe maintenant est la réponse du souverain. Ce dernier soupire et met fin au débat entre ses deux fidèles conseillers :

« Je ne tolérerai pas davantage de discours de dispute de la part de mes plus proches conseillers, surtout pas la veille d'une Bataille qui requerra de notre part à tous la plus grande unité. Qu'importe qui ait raison ou non parmi vous deux, ce qui est fait est fait. Concernant cette histoire, maintenant... »

Il pose son regarde de monarque sur nous. Un frisson me parcoure le dos.

« Je comprends que vous ayez pu voir une opportunité, d'abord pour le Royaume, puis pour votre survie, dans les mots de Herle Krishok. Sachez toutefois que cet accord ressemble hélas pour moi beaucoup à du chantage de leur part. Et qu'un tel chantage est malvenu de la part d'ennemis si puissants et ouvertement hostiles à la veille de cette bataille. »

Il nous jauge un instant et ajoute :

« J'entends votre défense de la magie noire, et regrette qu'une telle demande n'ait pas été formulée de leur part avant d'en arriver à cette situation. Sachez cependant que c'est bien la nature même de la magie d'obscurité, et non ses possibles utilisations, qui est proscrite dans le Royaume : elle fait usage des âmes défuntes de nos ancêtres pour faire couler sa puissance, et c'est tout simplement impensable. De plus, je ne peux me permettre de prendre une décision, dans un sens ou dans l'autre, dans l'immédiat. C'est une question qui demande analyse, discussions et réflexion. Vous comprendrez que je n'ai pas la tête à ça, alors que nous sommes au sein de la plus grande campagne militaire de mon règne. Vous m'en voyez désolés, aventuriers, mais je ne peux accéder à leur demande pour l'instant. Qu'ils prennent patience, si leur but est de s'intégrer dans notre société. Ma décision sera sans doute influencée par cette bataille et leur comportement au sein de celle-ci. »

La décision du roi était prévisible. Changer la loi demande du temps et de la réflexion, surtout quand il s’agit de légaliser une pratique réprouvée depuis des siècles. J’acquiesce aux mots du monarque et lui demande s’il souhaite adresser officiellement sa réponse, à Herle Kirshok, ce dernier ayant précisé qu’il nous attendrait dans les ruines. Yliria se porte volontaire pour transmettre le message et je lui propose mon aide.

« Soit, alors. Soyez porteur de mon message. Mais n'en changez guère le sens. Nous ne nous positionnons pas ici en victimes apeurées, mais en décisionnaires fermes ».

J’opine du chef, imperméable aux palabres du Comte qui réagit à une pique lancée par Ylirira. Il nous reste plus qu’à retourner dans ces ruines sordides, après quoi je pourrais rallier les troupes de Luminion. Il faudra au préalable que je me renseigne sur la position exacte du commandant Perrussac, puis me faufiler entre les différentes armées qui font marche sur Oranan.

(Oh ! D’ailleurs… le gentâme nous avait fourni des informations précieuses. Je ne suis pas sûr de pouvoir me rappeler de l’intégralité mais ça vaut le coup d’en informer l’état-major.)

« Sire, nous avons également récolté des informations stratégiques concernant la bataille qui s'annonce. Vous le savez peut-être déjà mais le port d'Oranan est aux prises de l'ennemi. Par ailleurs... – je me fais violence pour me remémorer les mots du gentâme - des renforts ennemis viendront de plusieurs directions. Du nord viendront les troupes d'Oaxaca; de l'est, les armées de Khynt et Crean Lorener . A l'ouest, des troupes de Liykors noirs sont menés par… - je ne suis pas sûr de ce nom-là, alors je tente un truc - un certain Karsiflar. Oaxaca comptait aussi sur le concours des shaaktes par le nord mais ces derniers devraient leur faire défaut. »

« Ce sont de précieuses informations stratégiques que vous nous donnez là. Mais à quel point sont-elles fiables ? Avez-vous le moindre pouvoir de divination ? D'où les tenez-vous ? »


« Nous les tenons d’une créature rencontrée dans les ruines, un être que je n'avais encore jamais rencontré, un gentâme. Cette même créature nous a dévoilé l’existence d’un passage détourné permettant de nous confronter aux gros des troupes postées par les nécromants. Jusqu’ici, ses paroles se sont évérées exactes. Ces informations, et notamment celles que je viens de vous signifier ont été obtenues à prix d’or par mes camarades, - je désigne successivement Jorus, Yliria, et le Sergent Kiyoheiki - la créature ayant demandé à mes camarades de sacrifier une part de leur espérance de vie en échange.
J’estimais nécessaire de vous communiquer ces données pour que leur sacrifice ne soit pas vain.

Merci de nous avoir reçus, majesté »


Ybelinor remet en cause la fiabilité de mes informations au motif que le gentâme est une créature d’ombre, indigne de confiance. Il dénigre ensuite le sacrifice de mes compagnons en déclarant qu’aucune personne saine d’esprit ne pactiserait avec un tel être. Evidemment, la remarque blesse Yliria, qui se fend d’une tirade bien sentie envers le Comte. Bien que je n’en laisse rien paraître, je suis de tout cœur avec elle et me réjouis de le voir prendre une leçon de respect de la part de la demie shaakte sans pouvoir répliquer, car le roi coupe court aux discussions puis nous congédie. Le général Andelys nous signifie par un geste assez peu discret qu’il serait opportun d’obéir au monarque.

Je salue respectueusement l’assemblée puis me tourne vers le général Andelys pour lui faire part de mes projets :

« Général, je vous remercie d’avoir accédé à notre requête. Après avoir délivré la réponse du roi, je souhaiterais rejoindre l'armée du Commandant de Perrussac. Accepteriez vous de me laisser cette monture – je désigne en même temps mon cheval - que j’ai empruntée avant de faire route pour Nayssan, afin que je puisse les rejoindre à temps pour la bataille ? »

« Bien entendu. Cette monture n'a pas manqué jusqu'ici, libre à vous de la garder. »

Et le Comte Ybelinor de préciser : « Un prêt de l'armée, non une nouvelle possession. »

Avant de quitter la colonne de soldats, je prends soin de me renseigner sur la position de l’armée du commandant Perussac et adresse un au revoir au sergent Kiyoheiki en lui souhaitant que le siège d'Oranan tourne en notre faveur.


Le lendemain matin, après avoir bivouaqué un peu à l’écart des ruines de Nayssan, je chevauche en direction des troupes de Luminion. J’ai hâte de retrouver mes frères d’armes en particulier Bernas et Tessy avec qui j’ai fait mes classes. Alors que, chemin faisant, Friponne arrache quelques touffes de veule en guise de repas, je repense à notre dernier échange avec Herle Kirshok. Comme promis celui-ci avait stoppé le rituel et s’était posté à l’entrée des ruines pour en garder l’entrée. Apparaissant de nulle part, il nous a demandé quelle avait été la réponse du roi.

« Le roi a refusé de répondre dans l’immédiat – lui ai-je dis - arguant qu’une telle décision ne peut-être prise tant dans la précipitation qu’en réponse à une menace, celle de voir déferler une armée de mort sur son royaume.
Il accepte néanmoins de reconsidérer cette question une fois que le conflit en cours sera résolu. Nous avons exposé votre vision de la magie noire et il n’a pas exclut la possibilité d’intégrer ses utilisateurs dans la société Kendrane.
Il a souligné que les actions perpétrées pendant la bataille qui s’annonce pourront influencer sa décision finale. »


Un peu honteux de n’apporter qu’une demi-réponse, j'ai baissé la la tête avant d'ajouter :

« Votre attitude, depuis de notre première rencontre vous honore, et je m’en estime redevable. Je ferai tout mon possible pour rappeler au roi que cette question doit être tranchée, quoi que vous décidiez après la bataille ».

Herle n’a pas paru surpris et a assuré qu’il tiendrait sa promesse. L’armée de morts resterait bien endormie pendant la bataille ; ce qui lui vaudrait les foudres d’Oaxaca, le bannissement au mieux, pire peut être si les agents de la reine noire lui mettaient la main dessus. Il se tiendrait donc à l’écart de la bataille, empêchant quiconque de les approcher et comptant reprendre le rituel si le roi n’accédait pas à sa demande par la suite. Sa sincérité et son sacrifice m’ont touché sur le moment. Herle Kirshock semblait réellement croire à la possibilité de reconnaître sa magie comme bénéfique et j’ai également eu envie d’y croire. C’est pourquoi j’ai exprimé à demi-mots mon intention de contribuer à cette cause à Yliria.

« Il a perdu énormément, en faisant ce pari. On ne saurait douter de sa sincérité. Et je pense qu'il pourrait invoquer le droit d'asile. Enfin, tout cela devra être remis à l'après bataille. Où comptez-vous vous rendre à présent ? »

Yliria m’a gentiment conseillé de ne pas trop faire d’illusion, selon elle, le roi n’accèdera probablement à sa demande. Qu’il propose l’asile à Kirshoke, était encore moins probable. Quant à sa prochaine destination, Yliria est restée énigmatique, se contentant de dire qu’elle resterait dans les parages des ruines.

« Tâchez de survivre, capitaine » - a-t-elle ajoutée.

« Pour le moment, et pour vous surtout, c’est simplement Tobias. Et puis, il me faudra bien plus que ce grade pour peser dans la balance, la prochaine fois. Au revoir Yliria, c’était une chance de vous avoir à nos côtés. » - ai-je répondu en souriant.

Je flatte vigoureusement l’encolure de Friponne en pensant à la tournure des événements. Notre escarmouche dans les ruines a finalement pris l’allure d’une mission diplomatique. Et j’y ai plutôt pris goût. Au final, le destin héroïque de Tobias Arthès ne se résume peut-être pas à trancher d’immondes créatures au tréfonds de ruines sordides. « Tobias, le diplomate », cela sonne plutôt bien ! Et, en tant que membre du corps logistique, j’ai toutes les chances d’y prétendre si je fais mes preuves. Je compte bel et bien survivre à cette bataille, puis je reprendrai ma tâche là où je l’ai laissée.

« Je te retrouverai Herle Kirshok. Je m’en vais occire quelques créatures pour prendre du galon, après quoi, je défendrai de nouveau ta cause, auprès du commandant de Perussac d’abord, car il sera sensible à la parole du plus brillant de ses soldats et auprès du roi de nouveau ! ».

Je n'ai pour unique réponse que le coassement narquois d'une volée de corbeau faisant route vers le futur champs de bataille.

Suite

(hrp: Se rend dans l'armée du commandant de perussac en première ligne.)

XP : Rapport au comte : 1xp Rapport au Roi : 1xp Discussion du groupe et trahison de Jorus : 1xp Discussion avec Herle : 0,5xp

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