Le Val d'Abondance

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Azra
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Re: Le Val d'Abondance

Message par Azra » jeu. 24 juin 2021 21:49

Après cela, Azra, fatigué, alla s'asseoir à côté d'Ezak :

« Bon... c'était assez dense. Le fait que je n'ai pas de muscle ne signifie pas que je ne me fatigue pas ! Dis-moi, tu poses beaucoup de questions à mon sujet, mais je ne sais presque rien de toi. Tu parles d'une famille tombée en disgrâce, mais ça fait quand même un bout de chemin, pour finir en lieutenant d'Omyre, non ? »

C'est ainsi qu'il en appris plus sur celui qu'il pensait kendran, et qui était en réalité à moitié ynorien. Décidément, il y avait beaucoup trop de demi-ynoriens dans ses fréquentations ! Il avait dû quitter le domaine parental à 17 ans pour devenir un mercenaire, finalement à peine plus vieux que lorsqu'Azra avait dû quitter la ferme de ses parents. Il avait vécu plusieurs aventures, avant d'attirer l'attention d'Omyre. Il avait été fait prisonnier dans une prison sordide qui lui avait permis d'exprimer toute la fureur qui grondait en lui, semant la mort jusqu'à parvenir aux treize et leur prêter allégeance.

Il se prit à rire en pensant à sa trahison savamment orchestrée. Comment il avait appris de ses « maîtres » à réfléchir à ce qu'il était et comment il avait finalement trouvé les moyens de frapper. Il était convaincu que leurs ennemis étaient morts et s'en extasiait, ce qui tira une crispation au nécromancien.

« Ne soit pas si sûr, au sujet de Silmeria. Je ne connais qu'une seule personne qui soit plus increvable qu'elle, et ce n'est pas quelqu'un que tu as envie de rencontrer... Elle trouvera un moyen, j'en suis sûr. Elle est de ces gens qui hanteront les ombres et nous inciterons longtemps à la vigilance. »

Il fit un geste négligeant de la main :

« Mais ne parlons plus de choses sinistres. Que pourrais-je bien t'apporter en paiement de l'enseignement que nous avons commencé aujourd'hui ? »

« En retour, apprends moi quelque chose, de guerrier à guerrier. »

« Je ne suis pas un guerrier, je suis un adepte de Phaïtos... j'embrasse la mort à chaque combat. »

Azra écarta les bras :

« Si tu penses pouvoir vaincre la mort, attaque-moi ! »

Saisissant son fourreau, il n'hésita guère avant de frapper. Azra devina le mouvement, et il se décala d'un pas agile, se précipitant vers l'avant. Alors que le mouvement réduisait l'impact, son autre main jaillit en avant pour se placer à quelques centimètres de la gorge de son adversaire.

« Bravo, tu m'as touché... et toi tu es mort. »

Il recula un peu :

« Quand on n'a pas peur de la mort, on n'a pas peur de se blesser non plus. De quoi prendre par surprise bien des adversaires. C'est une question de sang-froid autant que de technique. Alors, serais-tu prêt à embrasser la mort, toi aussi ? »

L'idée sembla l'intéresser. Azra commença donc à expliquer :

« L'idée est de ne pas chercher à esquiver complètement. Juste de réagir instantanément au mouvement ennemi. Non pour le bloquer ou l'éviter, mais pour l'atténuer. Il s'agit d'en profiter pour frapper à un endroit ou ton opposant pensera être en sécurité car couvert par son attaque. Il faut être totalement focalisé sur ces deux aspects : limiter les dégâts et frapper juste, et pour cela, parfaitement comprendre le coup qui va venir. Il faut penser bien et réagir vite. Cela demande de l'entraînement, mais pour un spécialiste des armes, ça ne devrait pas être trop compliqué ! »

Il fit quelques essais. Sans surprise pour un maître d'arme, il se débrouillait bien, mais manquait encore de précision dans l'exécution. Cependant, le soleil montait dans le ciel, et il allait falloir se mettre en route. Comme le disait Ezak, l'armée n'attendrait pas...

Ils se mirent en route, un voyage qui s'annonçait plus lent que prévu car Rendrak, enthousiasmé par l'idée d'apprendre une nouvelle technique, s'arrêtait sans cesse pour prendre à parti les hommes d'Ezak. Et, bien sûr, Azra se joignait bientôt à lui. Le fait d'avoir face à eux des militaires disciplinés et bien entraînés ne facilitait pas les choses. Ils se défendaient, devinaient à l'avance la « danse » que préparaient les deux mort-vivants et la contraient assez facilement. Mais cet apprentissage à la dur était aussi un excellent moyen de progresser rapidement. Sans se laisser abattre, Azra essayait, encore et encore, encouragé par le liykor qui, pour sa part, commençait même à trouver de nouveaux moyens d'utiliser sa chaîne. Plutôt que d'insister sur les mouvements de son corps, il faisait en sorte de balayer largement, dessinant une série de cercles sous des angles variables pour affiner sa précision. Le résultat était de plus en plus probant...

Puis, alors que midi approchait et qu'ils avaient repris une marche plus paisible, le nécromancien entendit des croassements au-dessus de lui. Des corbeaux filaient à travers le ciel :

« Trop de frères ! Trop de sœurs ! Tous à l'ouest ! Vers l'ouest, compagnons ! Vers l'ouest et l'autre armée ! Vers les montagnes ! Un autre festin nous attend ! »

Une autre armée ? Vers les montagnes ? Ils avaient sûrement de bonnes raisons d'envoyer une troupe dans cette direction... S'il y avait des ennemis dans les duchés, il fallait les déloger de là ! Résolu, le nécromancien alla trouver Ezak et déclara :

« J'ai bien peur que nos chemins se séparent. Une armée se dirige vers les duchés, ce qui signifie que des ennemis doivent se trouver là-bas. Je me dois de défendre le territoire qui abrite Endor. »

Le guerrier comprenait bien et, malgré quelques regrets, il l'accepta sans peine. Il ne restait plus au nécromancien qu'à savoir ce que comptait faire son turbulent compagnon. Il alla trouver Daemon et déclara :

« Les corbeaux m'ont parlé. La guerre se prépare dans les montagnes. Je parts défendre les duchés, viendras-tu avec moi ? »

Il devinait que c'était pour se présenter à l'armée de Luminion. Aussi, Azra hocha la tête :

« En effet : Nous allons montrer que nous sommes des alliés, et autant que possible des alliés de poids. La première étape du chemin de la grandeur est de ne pas accumuler trop d'ennemis... dans un premier temps. »

Il semblait hésitant, demandant ce qui allait arriver à Ezak.

« Il est au courant. Tout comme nous, il part défendre ce qui lui est cher. Mais je gage que, si Phaïtos ne le prends pas, nous le reverrons bientôt. »

Les jours se succédèrent, à suivre la piste qui partait vers les montagnes. À l'écart de la bataille principale, allait se jouer un autre combat, qui ne serait pas moins important. Car si une armée d'Omyre venait prendre celle de Kendra Kâr par le flanc, celle-ci se trouverait cruellement en difficulté. L'honneur des duchés allait se jouer et, plus important encore, celui des Messagers du Corbeau.

Azra le sentait : ce qu'il avait accompli pour l'instant n'était rien. Le moment déterminant était celui qui allait arriver bientôt. Bientôt, ils virent apparaître une vaste étendue, à la frontière de la plaine. Une armée plus nombreuse qu'il l'imaginait. Ils étaient clairement déployés pour accuillir un ennemi venu des montagnes. Azra vérifia que son masque était bien placé, puis se mit à la recherche de l'état-major de l'armée.


[XP : 0,5 (entraînement) + 0,5 (discussion)]

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Ezak
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Re: Le Val d'Abondance

Message par Ezak » mar. 29 juin 2021 21:57

La route se passa sans embûche. Fait étrange cependant, alors que je connaissais ces terres pour avoir fait le voyage aller et que j’avais déjà parcouru ce chemin, tout me paraissait d’une beauté nouvelle. J’étais bien loin de mon départ en trombe de l’Ynorie il y avait des années de cela pour tenter de trouver la fortune à Kendra-Kâr. À l’époque, avec le ressentiment qui parcourait chaque parcelle de mon être, je jetais un regard dédaigneux sur ces terres comme si elles m'avaient regurgitées À présent que je faisais le chemin inverse, je semblais goûter avec un extrême contentement la beauté des lieux. Tel un nouveau-né qui avait été jeté hors du ventre de sa génitrice, je renaissais en mon lieu, veillant de mes yeux neufs ce pays mien.

Sur les coups de midi, alors que nous prenions notre pause quotidienne, le Lord s’approcha de moi, pour m’annoncer une triste nouvelle. Il allait nous quitter. Selon lui, des troupes ennemies se dirigeaient vers les Duchés et il se devait d’y aller. J’étais triste de me séparer d’un élément fiable. De deux éléments…Puisque son suivant Daemon qui n’avait pas été très bavard jusque-là allait le suivre
.
« Bien...Tu défends ta terre. Je respecte ça. Va et abreuve le sol du sang impur de nos ennemis. » Lui lançai-je telle une bénédiction. À la suite de cela Deamon vint me trouver pour me remercier avant de partir avec son maître.

Je lui souriai amicalement :

« C’est moi qui doit vous remercier. Cette alliance entre nos groupes nous a permis de remporter une victoire totale en sauvant la tête de toutes les cibles. Sans vous, ce triomphe n’aurait pas été aussi éclatant... »

J’observai Azra qui préparait son départ un instant.

« Je suis triste de me séparer de d’alliés de votre valeur... Veille sur ton maître. Il a un bon fond, et c’est peut-être pour cela que je l’apprécie autant, mais c’est peut-être aussi ce qui le perdra. Nous sommes en guerre et il serait dangereux qu’il agisse comme sur l’Azurion où il aurait dû achever le Garzok quand il le pouvait. »

Puis en replongeant un regard déterminé dans les yeux de Daemon.

« N’aie aucune pitié pour eux ! Si Azra ne peut l’être, il faudra que tu sois son côté sombre. Il faut au moins ça pour vaincre Omyre. »

Il observa également son maître avant de confirmer mes propos. Arguant que le nécromancien se sert de la mort pour construire un monde meilleur. Le reste de ses paroles est tellement alambiqué que je ne suis pas sûr de comprendre ce qu’il essaye de me dire. Je fronce légèrement les sourcils avant qu’un sourire ne se dévoile sur mes lèvres.

« Décidément toi et ton maître avez l’art des paroles énigmatiques... Adieu Daemon. Nous nous reverrons. Espérons que ce ne sera pas en compagnie de votre dieu. »

Puis après une tape amicale dans le dos.

« Soyez forts. »

Alors la main du semi-shaakt vient se saisir de mon bras. Une emprise violente qui me surprit. Alors il déclama des inepties telle une diseuse de bonnes aventures. Il évoqua une ombre de la mort qui m’attendrait au Nord. Si je suis troublé un instant, plus par le geste que par le contenu des paroles, je repris vite contenance et mon masque de suffisance. Rougine, Azrael, Daemon… Les adorateurs de Phaïtos avaient en commun les présages futiles. Je me faisais déjà une joie de prouver la fausseté de tout ce charabia. C’est probablement pour quoi je me fis provocateur.

« On dit qu'on meurt deux fois. La première fois, quand on cesse de respirer, et la seconde, un peu plus tard, quand quelqu'un dit votre nom pour la dernière fois.... Qu’elle vienne ton ombre ! C’est en immortel que je ressortirais de cette guerre ! »
Conclus-je toutes dents dehors dans un sourire éclatant de confiance avant de me dégager et de l’observer longuement, dubitatif. « Est-ce que ça va ? »

« Tu attends cette bataille comme on attend le printemps suite à un long hiver. »

La réflexion me fit rire. Sans doute, avait-il raison. Cela faisait longtemps que j’attendais de pouvoir me venger. Trois longues années. Et bien que je compris le sens de sa phrase, j’y répondis avec la même confiance absurde, celle que j’aimais afficher, tout sourire.

« Quoi ? Tu n’aimes pas le printemps toi ? »

Deamon me fit alors un grand sourire vicieux avant d’envoyer son poing en direction de mon ventre. Même si je fus surpris, je parvint à esquiver le coup et je me change immédiatement en ombre pour le traverser et me retrouver dans son dos, à quelques centimètres. Premier avertissement. Je suis agacé par le cirque du semi-shaakt qui commence selon moi à trop durer, mais je ne répliquai pas. Inutile. Plus blasé, qu’en colère encore, je soupirai longuement avant de lâcher sèchement :

« Tu as fini ? »

« Presque aussi vif que Silmeria... »

Ineptie… Je pouvais difficilement être moins vif qu’une morte. Le semi-shaakt s’expliqua ensuite en prétendant avoir voulu me donner une leçon, car j’étais trop optimiste cependant, il avait oublié que j’étais un bon combattant. Je lui pardonna cet excès de confiance. Il me reprit la main, mais cette fois l’étreinte fus chaleureuse et nous nous séparèrent.

Le reste de la route se passa jusqu’au soir sans encombre. Comme la veille, nous arrêtâmes quelque temps avant que le jour ne passe son tour de garde à la nuit. Il nous restait juste assez de temps pour nous entraîner. J’étais obsédé par le fait d’être prêt pour la bataille. Et c’est grâce à cette force que je trouvais l’énergie de me dépenser, même après de longues journées de marche. Je partais de toute façon du principe que la guerre serait une affaire d’endurance. Alors autant se tailler une condition physique à toute épreuve. Pour le soir, je décidai donc d’entamer mon entraînement. Nous étions neufs alors je séparai la troupe en deux groupes. Entouré de quatre hommes, je repris le même entraînement qu’au matin, tentant de viser les attaches des protections de mes subordonnés. J’avais mélangé les groupes, pour ne pas me retrouver avec le même quatuor qu’au matin. Rester dans le confort était le meilleur moyen de ne pas progresser. Ainsi, face à des hommes de gabarits différents, avec des protections différentes, j’étais obligé de ne pas me reposer sur mes lauriers. Cependant, malgré ce changement abrupt, je me fis plus à l’exercice. Rapidement, je me mis dans le bain et après quelques touches infructueuses, j’arrivai à viser juste, la plupart du temps, lorsque mon coup n’était pas paré. Plus je recommençais et plus mes mouvements devenaient fluides, intentions et mouvements commençaient à devenir une seconde nature. Après de longues minutes, j’imposai un arrêt. J’allais corser le jeu.

« On recommence ! Mais maintenant en mouvement ! »

Et mes hommes se mirent à bouger. Alors toucher devenait cette fois plus difficile car il me fallait anticiper, pour viser juste. À présent que j’étais habitué à l’exercice, je m’y fis rapidement. Je frappais sans ordre prédéfini, laissant mes yeux guider mes bras. Je commençais à entrer dans cet état que je trouvais extatique. La transe du combattant. Celle où les mouvements semblent guidés par une entité supérieure. Et alors que j’approchais de la fin, quatre coups partirent ! Quatre coups qui furent portés parfaitement. C'était assez rare pour le souligner. Satisfait, j’imposai la fin de l’entraînement, sourire aux lèvres. Il semblait que j’arrivais enfin à être efficace sur ce mouvement. Ne manquait plus qu’une situation réelle pour l’acter.

Alors que nous nous apprêtions à nous installer pour la nuit, un bruit de galop attira notre attention…



HRP :

- Suite (et fin ?) de l'apprentissage de la CC Verrou caché : I
II


XP : 0.5 (Adieux avec les nécromants) + 2 (Apprentissage de Verrou caché)
Modifié en dernier par Ezak le sam. 3 juil. 2021 04:31, modifié 1 fois.

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Ezak
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Re: Le Val d'Abondance

Message par Ezak » jeu. 1 juil. 2021 05:27

Au loin, un cavalier seul arriva vers nous et lorsqu’il arriva à notre hauteur, nous pûmes constater que c’était un soldat de l’armée kendranne. L’homme s’arrêta à notre hauteur, flanqué de tout de son équipement. C’était un jeune guerrier, peut-être à peine plus vieux que je ne l’étais. Ses yeux bleus trahissaient un sentiment de panique. Même son corps, pourtant doté de muscles fermes semblait frémir sur place.

« S’il vous plaît ! J’ai besoin de votre aide ! »

« Que se passe-t-il ? »

« J’ai… Mon frère ! Il faut l’aider ! Son cheval à fait une chute et il est bloqué dessous. Je ne peux pas l’y sortir tout seul. Je n’ai pas assez de force. »

« Allons-y ! » Ordonnai-je simplement à l’attention de mes hommes…

Quand nous arrivèrent sur les lieux, après avoir suivi notre cavalier, nous trouvèrent effectivement une scène conforme à ce qu’il nous avait décrit. Un jeune homme ressemblant fortement à l’autre cavalier, mais plus jeune était coincé sous un cheval, les deux jambes bloquées sous le poids de l’animal mort. Son visage laissait transparaître une extrême souffrance mais là n’était pas la seule particularité de la scène. Certains détails avaient été omis. Le bête s’était écroulé car deux flèches perçaient sa chair. Un peu plus loin, trois hommes gisaient au sol, leurs armes encore à leurs côtés. Ceux-là, ne portaient pas d'équipement de soldat. Ils avaient plutôt l’air de bandits de grands chemins. Les flèches du carquois de l’un de ces cadavres correspondaient à ceux qui trônaient sur le corps de la la monture. Sacré tireur à en juger le positionnement des projectiles sur le cadavre de l’animal.


Avec l’aide de mes hommes, nous nous arrangèrent pour soulever le lourd cadavre de la bête et extraire le malheureux. Alors s’en suivit une scène larmoyante entre les deux frères qui avaient l’air d’avoir subit une grande mésaventure. Celui que nous avions sauvé se révéla avoir contracté une blessure assez grave à l’une de ses jambes. Non, je n’y connaissais rien, mais il n’y avait de toute façon pas besoin de savoir grand-chose pour se rendre compte que l’état de son membre était préoccupant. C’était le genre de blessure qui donnait envie de détourner le regard, si bien qu’il lui était même impossible de poser le pied à terre. Malgré tout, il montrait un désir ardent de reprendre la route, tempéré par son frère qui argumenta qu’il n’était de toute façon plus temps de marcher. Il avait raison. Le ciel s’était déjà bien assombri et bientôt nous ne vîmes plus grand-chose, cernés par le lourd manteau sombre de la nuit. J’ordonnai que nous la passions à cet endroit et lorsque voulant allumer un feu, le frère valide m’intima vivement de ne pas le faire, j’en fus surpris. Etait-il si traumatisé de son dernier combat qu’il craignait le moindre groupe de bandits, et cela, même entouré d’un solide groupe de guerriers ? Son visage transpirait l’inquiétude.


« Que vous est-il arrivé exactement ? »

Alors il me raconta comment ils furent attaqués par ces bandits sur la route qui avaient tendu une embuscade. Le tireur avait rapidement fait tomber la monture et son cavalier laissant l’autre, seul à se défendre.
Je hochai la tête admiratif.

«À trois, dont un archer, contre un et avec le désavantage de la surprise qui plus est. Vous vous en êtes bien sortis. Vous devez être un guerrier redoutable.»

« Oui… Mon frère l’est assurément » Commenta le jeune bléssé une certaine admiration dans le regard. Je lui souris doucement avant de reprendre.

« Ce que je comprends moins c’est comment cela a pu vous arriver. Que faîtes-vous seuls loin du reste de l’armée ? »

Les deux hommes se regardèrent un instant, avant que l’ainé ne reprenne la parole.

« Nous sommes… en mission. »

L’hésitation me laissa perplexe.

« Ah…. Quel genre de mission ? »

« Vous vous doutez bien que je ne peux vous en dire plus. Elle est d’une importance capitale. »
se ferma l’homme. J’hochai à nouveau la tête mais je n'en pensais pas moi. Cela cachait quelque chose.

« Certes…. Cependant, il semble que votre frère ne puisse pas continuer sa mission et si elle est aussi capitale que vous le dîtes vous risquez de perdre un temps précieux à vous occuper de lui. Peut-être que mes hommes et moi pourrions l’amener à l’armée pour qu’il se fasse soigner tandis que vous acquittez de votre tâche. Justement nous nous… »

« Non ! » cria l’homme en me coupant la parole.

Je levai un sourcil avant de plisser les yeux, surpris et un peu énervé de me faire lever la voix dessus. Il dut le voir à mon regard.

« Non… » reprit-il alors plus doucement. « Je vous remercie, mais ça ira. Nous allons continuer… jusqu’au bout. Pour… C’est notre devoir. Alors c’est à nous de le faire. » s’emmêla-t-il maladroitement.

Alors un grand silence vint s’installer lourdement sur l'endroit, s’en fut malaisant. J’observais les deux hommes dont le visage ne transpirait pas la tranquillité. Les regards étaient fuyants, et même certains de mes hommes se jetaient des regards interrogatifs devant l’étrange attitude de ces soldats.
J’en doutai même un instant qu’ils le furent vraiment et je fus rapidement gagné par ma paranoïa habituelle. Etait-ce déjà la réponse d'Omyre ? Ils venaient pour moi ? Non, je n'y croyais pas. Pas si vite. Alors je les dévisageai. Ils avaient pourtant des traits bien Kendrans, et leur gabarit laissait deviner un entraînement physique de soldats. Et alors que le regard du jeune frère se releva vers moi, j’y lu une peur qui me déclencha comme déclic… Tout devint clair pour moi. Ma voix, alla briser le silence.

« J’y crois pas ! Vous êtes des putains de déserteurs… »

Les deux hommes ouvrirent grands les yeux, et se figèrent, signe de leur culpabilité.

« Ecoutez… Je vous remercie pour votre aide. Et… »

« Ne te fatigue pas à me livrer tes comptines, lâche ! »

« Bon… He bien, je crois que nous allons devoir nous séparer ici. » dit-il en se levant et en allant vers son frère comme pour l’aider à se relever. Alors je sortis mes lames, tout de suite imité par mes hommes.

« Vous nirez nulle part. Votre cavale s’arrête ici. »

Les deux hommes se figèrent un instant avant que le plus âgé ne se révolte. Il sortit sa lame !

« J’en ai vaincu trois tout seul. Vous avez vu ! Alors prenez garde ! Je mourrais peut-être, mais j’en emmènerais quelques-uns dans la tombe avec moi. Choisissez bien ! Est-ce que vous pensez que ça vaut le coup ?»

« Justement ! Votre bras aurait été infiniment utile à vos frères d’armes. Au lieu de ça vous allez vous terrer loin de la bataille comme les lâches que vous êtes. »

« Mais qu’est-ce que ça peut bien vous faire ? Vous n’êtes pas de l’armée ! Cessez de nous juger, vous ne pouvez pas comprendre ! »

« Je vous conseille de lâcher votre arme. »


"Venez la prendre"

Je tournai ma tête vers Isham dont l’arc était bandé, je lui fis un signe bref et sa flèche alla se ficher dans le haut de la cuisse de l’homme qui hurla de douleur pendant que mes hommes se jetèrent sur lui pour le désarmer. S’en suivit une résistance des deux hommes, mais elle ne dura pas bien longtemps. En infériorité numérique et blessés, ils n’avaient aucune chance.

« Mettez-les à genoux. »

« Quoi ? Sérieusement ? Une exécution ? » S’offusqua le plus jeune.

« À quoi vous vous attendiez ? Vous avez déserté en temps de guerre sur le chemin vous amenant à la bataille. C’est votre Roi lui-même qui menait ses troupes et vous lui avez tourné le dos. C’est un crime grave assortis de circonstances aggravantes.»

« Mais vous n’avez aucun droit de nous condamner à mort ! Ce n’est pas à vous de prendre cette décision ! Vous n’êtes pas de l’armée ! »

«Je doute que vous retourniez vous rendre si je vous laisse partir et peu importe qui rend cette sentence ! Ce n’est pas seulement devant l’armée que vous êtes redevables. Vous l’êtes devant notre peuple tout entier. La grandeur de Kendrà-Kâr s’est bâti par l’intermédiaire de fiers conquérants pas sur des actes de lâcheté comme les vôtres. Vous faites honte à votre patrie."

« Tout ça, c’est de la merde ! »

« SILENCE ! » hurlai-je. Puis à mes hommes : « Maintenez les biens ! »

« Vous n’êtes pas des justiciers ! Juste des meurtriers ! Des salauds de meurtriers ! Meurtrieeeers ! »

« Attendez ! Je sais qui vous êtes ! Les autres disaient que vous portiez des écailles noirs. Vous êtes cet enfoiré de d’Arkasse qui était au camp de Viskory. J’y crois pas ! Vous êtes un traître et vous vous permettez de nous faire des leçons ! Allez-vous faire foutre ! »

Mes yeux se plissèrent en deux fentes devant les provocations de l’homme. J’étais à présent en colère.

« Répète ça ! »

Et il hurla de nouveau ses insultes, encore et encore et je commençais à me rapprocher de lui.

« Vous voulez vous faire passer pour un modèle de vertu pourtant, vous n’avez rien de noble. Vous êtes un traitre ! Traître à Kendra-Kâr pour avoir servi Oaxaca. Traître à Omyre pour l’avoir trahi. Vous n’êtes qu’un pauvre type dont la parole vaut moins qu’un yus, bien en deçà des principes que vous semblez porter en bandoulière. »

Explosant cette fois, je l’attrapai sans ménagement par les cheveux lui tordant presque le cou et le forçant à me regarder de face. Il devait être reconnaissant que des gens comme moi prennent la peine de se battre pour des incapables comme lui.

« Fermes là ! Tu ne sais pas de quoi tu parles ! »

« C’est exactement ce que je vous ai répondu quand vous m’avez traité de lâche. Pourtant, vous avez continué à nous condamner ! Vous n’échapperez pas à la vérité ! Vous n’êtes qu’une saleté de traître ! »

S’en était trop ! Je levai le poing prêt à l’abattre de multiples fois sur la crâne de l’homme. J’allais lui casser les dents jusqu’à ce qu’il ne puisse plus articuler correctement. J’allais laisser aller ma bestialité, passer ma frustration sur sa face jusqu’ à ce que mort s’en suive. Du moins, c’était probablement ce que j’aurais fait quelques semaines plus tôt, à Omyre. Jamais je n’aurais laissé quelqu’un me parler de la sorte, fut-t-il humain, fut-t-il kendran ou ynorien. Cependant, alors que mes yeux affrontaient le regard haineux de l’homme, je ne pus échapper à mon reflet, celui que je renvoyais pour certains. J’étais touché au plus profond de mon être. Ces mots… Rarement, des paroles ne m’avaient pas fait aussi mal. C’était comme pour l’ardoise évoquée par Andelys. J’étais déchiré. Voilà donc ce que je renvoyais à mon propre peuple… Voilà donc comme Oaxaca s’était approprié ma vie. Depuis le jour où ses Généraux avaient jeté leur dévolu sur moi, j’avais été pris dans ses griffes si acérés que je n’avais pas encore pu totalement m’y extirper. Ma haine pour Omyre s’amplifia de plus belle.

Je relâchai alors les cheveux du déserteur décidé à ne pas agir comme un barbare, car ce serait lui donner raison. Et j’étais ce genre d’homme qui aimait à l’avoir. Et encore, seuls mes ennemis méritaient ma sauvagerie. Ceux-là, bien que lâches, étaient kendrans et si je voulais prétendre à être le défenseur de notre héritage, à être la lame sombre de mon peuple, je devais me montrer exemplaire envers lui. Ici, nous n’étions plus à Omyre. Ici, il fallait donner un sens à tout ce que j’allais faire. Je ne pouvais réprimer totalement cette part de moi, mais je ne pouvais pas non plus être son esclave. Je devais la contrôler apprendre à m’en servir. Le face-à-face avec cet homme venait de me le faire cruellement comprendre ; il était temps de grandir.

Alors que j’écoutais mon désarroi l’homme continua à déverser sa haine, m’insultant de tous les sobriquets injurieux possibles, jetant malédictions sur ma personne et ma descendance, et il cracha encore tant d’autres choses inutiles à rapporter ici. Après de longues secondes à le laisser faire, j’intervins enfin.

« Ecoutez… Vous pouvez continuer à hurler, je ne changerais pas d’avis. Vous avez sciemment tourné le dos au Royaume. Je ferais ce qui est juste en temps de guerre. Cela ne vous convient pas ? Peu importe, car vous n'êtes pas du bon côté de la lame aujourd'hui... Cependant, sachez que ce sont là les dernières impressions que vous laisserez en ce monde. Ne rendons pas la chose encore plus gênante qu’elle ne l’est déjà. Mourrez au moins avec un semblant dignité. »

Alors il se tu, acceptant son sort. Ils se dirent adieu et attendirent à genoux leur sentence. Pour que l’un ou l’autre n’ai pas à souffrir de se voir mourir mutuellement, Mérédor m’accompagna dans l’exécution. Nous fîmes chacun tomber leur tête de concert. Comme sur la jonque, comme sur l’Azurion, je ne pris aucun plaisir à faire couler mon sang et comme ce fut le cas après le massacre des marins je m’empressai d’aller nettoyer mes fers et ma chair du sang de mes victimes. Je n’en supportais pas le contact sur ma peau. Je trouvais cela sale, ignoble, barbare, inhumain. Pour la deuxième fois de ma vie j’avais fait couler du sang Kendran. La première fois au nom d’Oaxaca et cette fois au nom de Kendra-Kâr, ou était-ce simplement pour moi. Maisce qui me marqua le plus dans cette mauvaise nuit que j’allais passer, c’étaient les mots des exécutés. Toute ma bonne humeur de ces derniers jours s’était envolée. Cette nuit-là, j’eus assez de mal à trouver le sommeil et je perdis mon sourire. C’est Daemon qui aurait été content, d’enfin me voir faire la tête, lui qui semblait si dérangé par ma légéreté.

XP 0.5 (Discussions) + 1 (Juge et bourreau)

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Ezak
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Re: Le Val d'Abondance

Message par Ezak » ven. 2 juil. 2021 09:58

Le matin je fis grise-mine en repensant aux événements de la veille. Plus fermé que les jours précédents, je me montrai un peu plus sec qu’à l’accoutumée avec mes hommes lorsque je les houspillai pour leur mollesse supposée. Pour remède j’imposai un entrainement que je voulais plus physique. J’entrepris de m’entraîner sur le mouvement que m’avait appris Azra. Étant d’une humeur plus vindicative que les jours précédant, j’en oubliai cette fois mon instinct de survie, si bien que par rapport à la veille, j’avais déjà progressé. Je n’avais plus aucun mal à me jeter sous l’arme adverse pour pouvoir placer mon attaque mortelle. Mais c’était bien là le problème, je me jetais. Si bien, que lorsque je me déplaçai sur le coup adverse pour en réduire l’impact, je provoquais l’effet inverse. Lors de mes essais successifs, je pris de sales coups, une multitude de mauvais même. À la tête, au torse, sur le flanc… Il ne devait pas rester beaucoup de parties de mon corps qui n’avaient pas eu à souffrir de ma témérité exagérée. J’étais sur la mauvaise voie, mais le feu de mon esprit nourrit par les évènements de la veille m’empêcha de le voir. D’un point de vue extérieur, je devais avoir l’air de vouloir me tuer avec un tel surplus engagement. Bientôt, lassé d’avoir mal, je mis fin à la perfection de ce mouvement, pour me lancer dans un autre sous les regards médusés de certains hommes qui me voyaient suer et haleter. Mobn esprit n’était pas encore assez vide.

Pour la suite, je me mis en tête d’apprendre à perfectionner une technique puissante. J’avais aussi manqué de force dans le camp face au Garzok, c’était l’une de mes lacunes que je devais travailler. Je ne pouvais prétendre à devenir l’élite des maîtres d’armes si j’avais encore autant de faiblesses. Si les coups de taille avaient leur avantage par leur amplitude, les coups d’estoc permettaient eux de frapper avec précision en se servant de la pointe de la lame pour transpercer avec force l’endroit visé. C’était donc ce que j’avais choisi de travailler. J’appelai un homme pour m’aider dans cette tâche. Armé de son épée et de son bouclier, il avait comme unique consigne de parer mes coups d’estocs. Ce que je pensais facile me parut tout de suite plus difficile lorsque j’envoyai le premier coup d’estoc en déployant mon bras en direction de mon adversaire. Il partit avec si peu de force que ma lame rebondit sur le bouclier sens même ébranler celui que le tenait. Les coups suivants ne furent guère mieux. Si, malgré toute ma volonté, ma lame n’allait pas s’échouer sur le bouclier, je me faisais parer avec la lame, déviant mon attaque avec une telle simplicité que ça en devint vexant. Je me dis alors que mes coups ne pouvaient être que trop lisibles et par conséquent, trop lents. Je n’arrivais pas à donner l’impulsion nécessaire pour que mon arme file avec assez de puissance et de vitesse. Pas une fois je ne fis frissonner mon homme face à moi. Alors au bout de multiples essais de plus en plus infructueux, j’arrêtai pour de bon, j’avais le souffle court, et mon arme devenait de plus en plus lourde à porter. J’arrêtai là les frais pour aller me reposer. Tout cela devenait contre-productif. Néanmoins, j’avais appris des choses. Si je n’avais pas la force nécessaire, il me fallait trouver de l’aide ailleurs. Je devais trouver un moyen d’avoir plus d’assise, plus d’appui. Cela passait nécessairement par la posture. J’avais la journée, jusqu’à l’entraînement du soir pour pouvoir y songer.

Je sortis de cet entraînement intense l’esprit allégé. Il m’avait aidé à me libérer des mots de ceux que j’avais exécutés. Je n’avais pas à me laisser hanter par ces présences indésirés. Je faisais ce qu’il fallait et c’est ce que j’avais toujours fait depuis le jour de mon emprisonnement. Justement. Je jugeais qu’il était temps de refermer ce chapitre. J ’avais attrapé dans mon sac mon nécessaire à écriture et m’étais mis à écrire une succession de mots. Mes doigts glissèrent sur le papier et lorsqu’ils formèrent certains mots, je m’amusai seul, riant légèrement à leur relecture. C’était exquis… Lorsque j’eus finis, j’appelai Edriss.

« Je vais te confier une mission délicate. Tu vas prendre la monture du déserteur et te rendre discrètement au camp de Karsinar. Il va falloir que tu agisses sans te faire remarquer. Tu t’en sens capable ? »

Sans ciller, il accepta et je lui expliquai en détail ce que j’attendais de lui. Il devait nous réunir et il savait quoi faire pour ça.

« Et arranges toi pour que Karsinar ait ce message, de préférence quand tu seras déjà loin. Je doute qu’il en apprécie le teneur. »

Il se montra piqué de curiosité.

« Qu’est-ce que c’est ? »

« De la provocation, de l’esbroufe.»

« Ah… »

« Oui, je sais ce que vous vous dites !" Dis-je en balayant des arguments fictifs de mes mains, "Mais je ne fais pas ça par simple goût de la provocation. Cela pourra possiblement nous servir à un moment ou à un autre. Regardez ce qui s’est passé avec les mercenaires. Je n’ai cessé de les rabaisser, de les provoquer, de les humilier, car ces êtres inférieurs ne méritaient pas mieux de ma part. Vous avez vous même vu ce qui s’est passé lors de notre combat ? N’étaient-ils pas tous obsédés par ma personne ? Qui à subit l’attaque traîtresse du barde ? Moi. Qui était le destinataire de la fiole incendiaire de Rougine ? Moi. Qui était la seule cible du Garzok ? Encore moi. J’ai accaparé toute la lumière, ce qui a permis au Lord d’avoir le champ libre… Heureux hasard, car sans ça, peut-être aurions-nous été en déroute… Tout cela pour dire que je ne sais pas si Karsinar est sensible à la provocation, mais j’espère qu’il aura de moi cette même obsession et que nous pourrons nous en servir. Je vais jouer sur mon atout : ma capacité à me faire haïr par les omyrihiens. Qui sait ? Cela nous sera peut-être utile face à au Prédateur Ultime si il n’a d’yeux que pour moi...Et je ne pouvais pas décemment t'envoyer au camp du Prédateur Ultime sans lui témoigner mes respects. Je suis éduqué.»

«Cela pourrait aussi vous desservir et attirer encore plus l’attention sur vous. »

« Edriss... J’ai renié mon allégeance à la Reine Noire et à Lorener, j’ai fait échouer le plan du Prédateur Ultime, et je me suis attaqué à une envoyée de Xenair. Comment pourrais-je sincèrement avoir plus l’attention que je ne l’aie actuellement ?"


Edriss hocha la tête avant qu’un sourire ne commence à se dessiner sur son visage.

« J’aurais tout de même bien aimé lire ça. »

« Tu sais lire ? Je t’en prie ! Elle n’est pas scellée. »`


Alors il l’a lu.

Général, je dois vous présenter mes excuses… Il semblerait que votre mission soit un échec total par ma seule faute. Je vous dois tout de même une explication. Tout ceci a été provoqué par vous. C’est ma vengeance personnelle ! Votre punition pour avoir été l’un des treize artisans du jeu macabre dans lequel vous m’avez jeté dans le Bagne. Vous deviez tous en être fier ! C’est à se demander pourquoi ? Croyiez-vous sincèrement acheter de la loyauté avec des barreaux et la mort pour seul autre choix ? Personne ne peut accepter de se faire traiter de la sorte et avoir ensuite du respect pour ses bourreaux. Ce n’est pas un hasard si vous avez été trahi maintenant par trois des officiers que vous aviez recrutés lors de la dernière promotion. Votre échec n’est pas non plus un hasard quand vous permettez aux premiers venus de rejoindre une mission capitale pour le déroulement d’une guerre. Vous avez ouvert la porte à tout un tas de personnes qui vous détestent et qui en ont profité pour vous faire part de leurs sentiments envers vous. Quel esprit ! Quel fin tacticien ! La Reine doit être si fière de vos réalisations Général. Nul doute que dorénavant, quand il faudra réaliser de grandes choses, c’est à vous qu’elle le confiera.

Allons ! Ne vous emportez pas trop par ce que vous devez interpréter comme un coup bas. Venant de vous, après ce que vous m’avez fait, ce serait pure hypocrisie. Vous avez maintenant appris la première leçon : on ne s’en prend pas à Ezak d’Arkasse impunément.

Bien, je vais vous laisser là. Bien que le temps passé à vous écrire cette missive me parait fort agréable, la décence m’oblige à ne pas m’accaparer tout le vôtre. J’imagine que vous êtes en ces temps troublés fort occupé à préparer l’un ces plans magistralement ficelés dont vous avez le secret… Continuez comme cela.

Mes sincères salutations Prédateur Ultime.


Edriss ne put s’empêcher de rire à la lecture de la lettre.

« C’est magistral. »

« Ah ? Tu trouves ? » Dis-je en mimant l’humilité. « Ce n’est pas très intéressant pourtant. Un peu long si tu veux mon avis. Et beaucoup d’encre pour un destinataire qui n’en vaut pas la peine. J’ai hésité avec une simple et unique phrase : « Qu’est-ce que ça fait de se la faire mettre par un d’Arkasse ? » C’était plus impactant mais c’était un peu trop vulgaire et populaire pour ma personne. Avec la verdaille inférieure, il faut savoir prendre de la hauteur, tu comprends ? » Blaguai-je tout sourire avant d’en rire de bon cœur avec mon subordonné.

Et nous reprîmes la route à la suite de cette discussion. Edriss était parti seul sur sa monture réaliser les nombreuses choses que je lui avais demandées. Nous ne devrions pas nous voir pendant plusieurs jours et la route était longue jusqu’à Oranan. Je continuai bien entendu mon entraînement décidé à parfaire ces deux techniques que j’avais eu jusqu’à présent du mal à appréhender.

Dès le soir suivant j’attaquai de nouveau le mouvement d’Azra. « L’embrasse-mort » comme je la surnommai, en référence à la manière dont il me l’avait présenté faute d’en connaître la véritable appellation. J’avais essayé une première fois, en ayant peur de m’offrir à l’arme adverse incapable de vaincre mon instinct de survie, une deuxième fois où j’avais eu au contraire trop peu de considération pour mon intégrité corporelle. Il me fallait cette fois trouver l’équilibre pour pouvoir me jeter sur l’ennemi, accepter de me faire blesser par son arme sans pour autant lui offrir mon corps en sacrifice. Je me remémorai le mouvement tel que montré par Azra et ses conseils. Il disait qu’il y avait deux aspects : limiter les dégâts et frapper juste. Pourtant dans sa présentation il m’en avait parlé d’un autre tout aussi important sur lequel il n’avait pas appuyé : Comprendre le mouvement de l’ennemi, justement pour éviter, comme je le faisais au matin, de me jeter bêtement sur l’arme. Alors je recommençai cette fois mais en étant très attentifs au mouvement de mon soldat face à moi. Plutôt que de me jeter bêtement vers son bras porteur d’attaque, j’attendis de pouvoir lire le mouvement pour réagir en conséquence. Les premiers coups furent un échec, assurément, mais petit à petit, alors que je semblais prendre confiance, il semblait que j’arrivais de mieux en mieux à réagir. Lorsque mon adversaire envoyait un coup de taille ? J’avançais d’un pas pour empêcher le bras de l’adversaire de prendre toute son amplitude. Un coup d’estoc et je me décalai au dernier moment pour que ma chair se dérobe à la pointe, cherchant plutôt le tranchant. La suite devenait dès lors limpide car l’ouverture crée était dès lors suffisante pour permettre une attaque bien placée dont il devenait ardu de se dérober. Il me semblait qu’à force de répétitions j’avais amélioré ma lecture des mouvements. Il semblait que je commençai à maîtriser tous les aspects de cette technique. Les efforts étaient payants.

Mais je ne me contentai pas de ce succès et j’entamai également la perfection de mon autre mouvement, mon estoc droit. La journée de marche avait été bénéfique puisque j’avais trouvé comment avoir plus de force. Mes bras étaient trop faibles alors je m’aiderais de mes jambes et du mouvement. Oui, si je voulais porter un coup d’estoc avec assez de puissance, il me fallait me servir de mes jambes. Je m’y essayai alors, laissant une de mes jambes glisser vers l’arrière pour prendre appui. Je penchai mon corps légèrement en arrière et je balançai l’autre jambe vers l’avant, me servant de l’élan provoqué pour porter transférer l’energie du mouvement dans le haut de mon corps. Torse, épaule, bras. C’est tout mon corps qui servit à envoyer la lame devant moi avec une telle vitesse que je manque de la perdre. Cette fois, il y avait du mieux, j’avais trouvé la clé. Alors je répétai le mouvement encore et encore, seul, pour commencer. Les premières fois étaient timides. La mise à disposition de toutes ces parties du corps et leur enchainement demandait une réflexion ralentissait ma vitesse d’exécution.
Lorsque je me sentis un peu plus à l’aise et que le mouvement me devint assez naturel pour que je puisse l’exécuter sans demander un effort conséquent de réflexion et de concentration, j’appelai un de mes hommes pour échanger avec moi. Nous prîmes les mêmes dispositions qu’à la séance matinale. Ses seules préoccupations étaient de me parer à l’épée et au bouclier. Alors j’attaquai, reprenant le mouvement et en envoyant toute la puissance de mon corps, de mes jambes au bras par l’intermédiaire du balancement. Je sentis immédiatement la différence. Mon bras alla se ficher avec une telle puissance dans le bouclier de l’homme que je crus ressentir les vibrations faire le chemin inverse dans mon corps, de mon bras porteur à la jambe. L’homme même, surpris de la différence par rapport à la séance matinale dû reculer de quelques pas pour ne pas perdre l’équilibre et choir sur son séant. Dès lors il dû plus raffermir ses appuis pour rester sur ses jambes. Je répétai alors le mouvement plusieurs fois. Une ou deux, mon coup partit avec perfection et l’homme manquait presque de se blesser. La première fois ce fut un coup qu’il du esquiver car il n’eut pas le temps de le voir venir pour parer. La deuxième fois, en fin d’entrainement ma main parti avec tant de force sur le bouclier qu’il le perdit au sol. Ce fut selon moi le signal de mettre fin aux exercices. Il me fallait encore pratiquer mais en cette journée qui fut intense je n’en avais pas le loisir. Il me fallait me reposer, de nombreuses journées de marches nous attendaient encore.


HRP :

Suite apprentissage (x2) (et fin ?) de la CC la différence d’un pas : I

Début d’apprentissage et suite de la CC Estoc droit.


XP : 0.5 (Routine de voyage) + 0.5 (Lettre à Karsinar) + 0.5 (Début d'apprentissage de Estoc droit) + 2 (Apprentissage réussi de La différence d'un pas)
Modifié en dernier par Ezak le mar. 6 juil. 2021 10:09, modifié 2 fois.

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Mikkah-El Sôdehbek
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Re: Le Val d'Abondance

Message par Mikkah-El Sôdehbek » ven. 2 juil. 2021 18:30

Te réveiller te fit te rendre compte que tu avais effectivement dormi. Tu fronças les sourcils alors que chacun de tes plus petits mouvements t’informaient de toutes les courbatures que portaient tes muscles. Tu entendais confusément des bruits hors de la tente qui avait tout l’air de ceux que produisaient les soldats quand ils levaient le camp. Qu’importait ; tu étais encore dans cet état de semi-conscience où ton seul vœu était qu’on te fichât la paix. Ce qui n’était pas sur le point d’arriver.

« Bonne journée à tous. Conformément à mes consignes royales, je vais aujourd’hui me charger d’interroger chacun de vous pour qu’il me fasse le récit complet de son histoire l’ayant mené ici, en ce camp. J’en ignore la raison, mais le Général Andelys a insisté pour que je commence par le dénommé Mikkah-El Sôdehbek. Qu'il s’avance. »

Du Val avait fait irruption dans la tente, encadré de deux gardes. Tu te passas la main sur le visage puis dans les cheveux pour te débarrasser de la poussière et les démêler. Sans un mot, sans un mouvement brusque, avec juste un regard rapide pour Daemon, tu suivis du Val hors de la tente et jusque dans une autre qui bordait le camp des officiers. Tu n’étais pas très inquiet, mais lorsque le Garde Royal se retourna vers toi, tu fis bien attention à ce qui rien dans ton attitude ne pût être interpréter comme de la défiance ou de l’irrespect.

La première question porta sur le reste de votre chaotique compagnie.

Tu répondis à du Val sans hésiter, mais avec une petite pause au début, comme si tu cherchais tes mots. Ta stratégie était claire : apparaître comme quelqu’un de critique, mais sans pour autant risquer que les échos de ton interrogatoire ne te mît les autres à dos. En particulier le nécromancier qui semblait le plus puissant.

"Eh bien... Je fais totalement confiance à Lord Azrael et Daemon. J'ai pu les observer combattre et ce ne sont pas des assoiffés de sang, comme ceux d'Omyre, bien au contraire. Quand le Garzok avait voulu torturer des prisonniers, Lord Azrael l'en a empêché et il s'est même battu contre lui pour y arriver. Maintenant que j'y pense, ça aurait pu lui attirer des soupçons…"

Du Val se massa le crâne un instant, puis rétorqua :

« Il semblerait qu'ils ne vous portent pas tant en estime. D'Arkasse vous a décrit comme un assassin, un fauteur de troubles et un servant d'Omyre particulièrement vicieux et sournois. Qu'avez-vous à dire pour vous défendre de ces accusations ? »

L’instant d’un battement de cil, tu te figeas et ton sang comme s’arrêta dans tes veines, glacé.

(Ah, le traître.)

Tu réussis à avoir un petit rire moqueur, léger, comme si tout cela n’était – et ne pouvait qu’être – qu’une blague, mais évidemment, devant le visage toujours aussi sérieux et fermé de l’officier, tu t'arrêtas bien vite. Ton visage se fit soucieux – ou soupçonneux.

"Je ne sais pas si je peux me défendre contre les accusations d'un sergent. En tout cas, il me fait beaucoup d'honneurs. Assassin, moi ? Je sais à peine manier un sabre quand bien même il en irait de ma vie."

Tu te stoppas un instant, comme si tu venais de penser à quelque chose. Les battements de ton cœur s’étaient accélérés, reflet de l’inquiétude qui grandissait en ton esprit. Ezak avait certainement davantage d’influence que toi au rapport de son grade ou même de ses actions pendant la bataille de la nuit dernière. Malgré ses paroles de la veille, il t’avait jeté dans la cage aux lions et te tirais d’affaire risquait d’être plus délicat que tout ce que tu avais dû baratiner jusque là.

"C'est drôle qu'il me traite de sournois. J'avais pourtant pris bien soin de ne pas me mêler de leurs affaires, à lui et à Rougine, pendant toute la traversée. Ou même des multiples abordages qu'ils ont décidé. C'est un peu égoïste de ma part, je le reconnais, mais je ne voulais pas avoir autant de sang sur les mains."

(C’est gros.)

(Je sais. Mais il faut absolument que je le discrédite.)

Le Garde Royal passa une main sous son menton pour se le gratter, et poursuivit d'une voix inquisitrice.

« Sergent... Vous faites référence à cette allégeance à Crean Lorener de sa part. Pensez-vous qu'il agit pour les intérêts des Treize et de leur maudite Reine ? il n'a pourtant de cesse que de dire le contraire... »

Tu hochas rapidement la tête de droite à gauche.

"Il a quand même sauvé le roi. J'ai dit cela par respect pour son rang et parce qu'il me semble que c'est pour cela que vous lui faites confiance, non ? Il a davantage d'expériences que moi dans les affaires de guerre et d'armées."

Mais déjà du Val poursuivait – et tes mâchoires se crispèrent davantage.

« De multiples abordages décidés par d'Arkasse et Rougine, vous disiez ? Lesquels donc ? »

Tu te grattas le nez, visiblement plus mal à l'aise que tu ne l’avais été jusque là.

"C'est à dire que, lorsque nous sommes arrivés en vue du port, toute la flotte d'Oranan était là et la bataille avait commencé. Mais comme Rougine et d'Arkasse avaient besoin d'un bateau kendran... De tout façon, je pense qu'ils étaient poussés par le Garzok. Honnêtement, je suis content qu'il soit enfin hors d'état de nuire, celui-là." Tu frissonnas de peur, de dégoût, de haine. Nulle besoin de prétendre, tu espérais vraiment ne jamais recroiser la route de Kurgoth. "À chaque instant, j'avais peur qu'il veuille me démembrer juste pour son amusement."

C’était sûrement vrai. Tu l’avais poussé à accepter ta compagnie en lui faisant miroiter la gloire éternelle de la légende, mais la bête était bête et bien trop cruelle. Cependant, le Garde fronçait les sourcils.

« Un bateau kendran pour infiltrer ce camp, oui. En ce qui me concerne, d'Arkasse est davantage coupable d'avoir mis en danger le Roi que de l'avoir sauvé. Je ne lui accorde aucune confiance. Mais vous parliez de plusieurs abordages... Expliquez-moi cela. Et précisez-moi vos allégeances. »

(Je commence à regretter d’avoir dit ‘plusieurs’. Et s’il interroge les autres sur ce sujet, je suis foutu.)

(Au moins, il ne porte pas d’Arkasse dans son cœur. Peut-être lui accordera-t-il moins de crédit qu’à toi ?)

(Mais est-ce que ça suffira?)

Tu pris une profonde inspiration en même temps que la décision d’être honnête.

"Mon allégeance est à mon roi. Le roi de Kers, au Naora. Ici, je ne suis qu'un observateur neutre." Tu tiquas. Un doute dans ton esprit – un vrai. "Enfin, je pensais que c'était ça, mon destin. Depuis que j'ai vu ces hommes et ces bêtes d'Omyre massacrer des soldats sans leur laisser une chance de se rendre, j'ai décidé d'être loyal à quiconque empêchera la Reine Noir et les Treize d'éteindre davantage leur cruelle influence."

Cette vérité t’étonnait toi-même. Les affaires de ce continent ne te concernaient pas et tu avais cru que tu étais au-delà de ces notions de bien et de mal, mais il s’avérait qu’Omyre était le mal. Non, tu n’avais cure d’Oranan ou de Kendra Kar, mais il était hors de question que cette Reine Noire amassât davantage de pouvoir. Le royaume de Kers était puissant. Mais pas suffisamment contre un continent tout entier. Face à toi, du Val semblait tout autant pensif.

« N'importe qui dans votre situation serait prêt à raconter ce genre de choses. Pourquoi celui que vous semblez respecter vous dénonce-t-il de la sorte, alors ? Serait-ce lui-même un menteur à la solde d'Oaxaca ? »

Il plissa cependant les yeux, obstiné :

« Et... N'essayez pas de changer de sujet : quels abordages ? »

Tu soupiras discrètement. Toi, avoir du respect pour d’Arkasse ? Si ça avait été le cas – dû à son charisme inné, sa bravoure au combat – ce n’était plus le cas depuis que tu avais compris qu’il t’avait dénoncé comme complice dans son rapport. Non, tu n’avais plus aucun respect pour cet homme-là. En revanche, tu étais jeune, candide, innocent.

"Je n'aime pas d'Arkasse, mais je ne sais rien de son histoire, ou de ses motivations. Ce serait contraire à mon éducation que de ne pas respecter un chef d'armées. J'espère néanmoins qu'il ne m'a porté atteinte que par rancune, pour l'avoir frappé par inadvertance pendant le combat."

Innocent – c’était ainsi que tu tentais d’apparaître.

"Pardon, oui, les abordages. J'ai peut-être exagéré. Nous étions pris en plein combat naval et vraiment, Silmeria et Rougine ne nous ont traînés que dans deux abordages à proprement parler. Mais je faisais plus référence à toutes les attaques aériennes lorsque nous croisions d'autres navires d'Oranan. Je ne saurai malheureusement être plus précis là-dessus parce que je suis resté dans la cale pour me protéger, sous prétexte que je suis inutile à distance."

Deux, ce n’était pas « plusieurs ». Du Val secoua la tête.

« Je regrette amèrement que vous n'ayez pas davantage d'informations à nous communiquer sur cette tentative d'assassinat. Ni d'arguments pour vous disculper. Si ça ne tenait qu'à moi, je vous ferais enfermer sur l'heure. Alors si jamais vous avez le moindre indice à nous communiquer, faites-le maintenant. S'il s'avère après interrogatoire des autres que vous nous avez menti ou avez sciemment caché des détails, il vous en cuira. »

Ton cœur s’emballa à nouveau. Le pire dans cette histoire était que tu ne savais rien. Tu n’avais pas d’information à travestir, à cacher ou au contraire à amplifier pour la simple raison que tu n’en avais aucune. Tu t’étais, bien malgré toi, trouvé au mauvais moment au mauvais endroit et tu ne retirais que de la frustration de cette situation. Quand même la vérité honnête ne te sauverait pas, que faire ?

D'une voix toute à fait sincère, tu demandas :

"Quelle tentative d'assassinat ? Sur le roi ? Mais... je croyais que vous saviez déjà tout. Enfin, Ezak m'a dit qu'il vous avait tout raconté..."

En réaction, le Garde Royal ferma les yeux un instant, visiblement irrité.

« Nous avons eu connaissance de son rapport et de sa vision des choses oui. Êtes-vous certain de partager la même ? Celle-là qui vous décrit comme un dangereux omyrien ? »

C’était rageant de sentir que du Val était à deux doigts d’enfermer Ezak avec les autres et pour autant, qu’il ne te succombait toujours pas à tes paroles. Ta voix se fit plus forte, presque irritée elle aussi.

"Si vous me permettez d'être honnête, je ne la partage évidemment pas. La raison est simple : il n'a jamais pris la peine de m'expliquer son plan. Durant toute la traversée, il s'est tenu loin de moi et s'est contenté de converser avec Rougine et parfois Lord Azrael. Comme je vous l'ai déjà dit, l'absence de cruauté chez ce dernier est ce qui m'a poussé à lui faire confiance et à le suivre. Je savais qu'il avait demandé à Daemon de suivre Silmeria pour l'empêcher de parvenir à ses fins et je pensais que, de son côté, il tenterait de se faire remarquer dès notre débarquement pour faire arrêter tout le reste de l'équipage. Voilà ma vision des choses ou du moins, ce que je pensais qu'il se produirait."

Cette dernière réponse laissa ton interrogateur pensif un instant – avant qu’il ne répondît :

« J'ai du mal à comprendre une chose. Comment vous êtes-vous retrouvée dans cette histoire ? Qu'espériez-vous en embarquant avec de telles personnes ? Pourquoi, enfin, êtes-vous parmi eux et comment les avez vous rencontrés ? »

Ah, nous y voilà. L’éternelle question. Tu te détendis. Ta réponse fut sur le son de l’évidence.

"Je suis un barde et je viens du Naora. Je me trouvais par hasard sur le territoire d'Omyrre quand j'ai entendu parler de la guerre qui couvait. Je me suis engagé pour être un témoin de ce pan d'Histoire, pensant naïvement que je saurais rester neutre. J'ai... déchanté, si vous me passez l'expression."

Du Val opina lentement du chef.

« Bon. Vous n'avez rien à rajouter ? »

Tu t’autorisas plusieurs secondes pour réfléchir, avant de soupirer et de répondre :

"Non. Je ne sais rien de plus."

« Bien. Laissez-moi vous raccompagner. »

(Trop aimable.)

Il te fit lever pour te ramener vers la tente où tes autres compagnons restaient enfermés. Tu marchas la tête basse, certain de ta défaite. Mais une surprise vous attendait : les gardes gisaient autour de la tente, tous inconscients. Après être resté pantois un bref instant, Du Val dégaina son épée et se précipita. Tu lui emboîtas le pas pour pénétrer dans la tente… qui était complètement vide d’habitants. L’officier se tourna vers toi d'un air désemparé, et bégaya :

« Mais... Que... »

Tu hasardas quelques pas pour examiner les alentours de la tente.

"Alors, là, je ne m'y attendais pas."

Ta voix était dégagée et claire, mais à l’intérieur, ton sang bouillonnait. Qu’ils se fussent échappés sans même penser à t’embarquer avec eux, soit – à ce stade-là, c’était attendu – ce qui te faisait trembler de rage, en vérité, c’était la merde dans laquelle ils te laissaient. Tes yeux se fixèrent sur le port alors que tu tâchais de voir si le navire kendran y était toujours à quai. Un autre doute – plus horrible – s’éleva dans ton esprit. Tu te tournas subitement vers du Val.

"Où sont les prisonniers ?"

Tu parlais évidemment des réels partisans de la Reine Noire, mais du Val (qui était désormais tout aussi nerveux que toi) ne le comprit pas ainsi.

« Mais bordel, j'aimerais bien le savoir ! Comment ont-ils fait ?! »

Au moins, si tu avais encore un doute, il était désormais levé ; malgré la tente à la place de la cage en fer, votre statut avait bien été le même que celui des autres. Encaissant le choc – qui te laissait encore plus désespéré quant à ta propre situation – tu mis quelques secondes à répondre.

"Je parlais de l'assassine et du Garzok."

Du Val s'énerva ostensiblement, ce que tu n’apprécias guère.

« Mais qu'importent ceux-là, ils sont sous bonne garde. Comment ont-ils fait, bon sang !? Où sont-ils partis ? Aidez-moi à éclaircir ça, sinon vous irez les rejoindre, votre orque et votre assassine ! »

"Sous bonne garde ? Comme ceux qui étaient là ?"

Tu t’arrêtas brusquement pour te calmer. Te laisser aller à la colère ne t’aiderait pas davantage. Tu fis mine de réfléchir à voix haute, espérant par là aussi pouvoir prouver ta bonne foi.

"Ils n'ont pas besoin d'armes, ils connaissent la magie, surtout Lord Azrael. Ça ne m'étonne pas qu'ils aient pu s'enfuir. Enfin, c'est le pourquoi qui m'étonne, moins le comment."

Tu t’arrêtas pour regarder du Val dans les yeux. Bien que ta voix continuait d’être calme, tu laissas apercevoir ta crainte – celle née de ton doute.

"Ça ne peut pas être une énorme diversion, n'est-ce pas ? Qu'ils attendent que la voie soit libre pour aller libérer les autres et... Par Gaïa ! Où est le roi ? Où est le navire qui nous a amenés ici ? Non, attendez, pourquoi seraient-ils remontés à bord ? Ça ne colle pas."

Du Val grognait presque d'énervement, ne sachant que faire, jetant des regards dans tous les sens. Tu le trouvas pitoyable.

« Hmmf. Le roi est en sécurité, au milieu de son armée. Ils ne lui feront rien. Je dois à tout prix les retrouver. Et vous, vous venez avec moi ! »

(Bah oui bien sûr.)

Il t’agrippa par le bras pour t’entraîner en direction du port. Bien que sa poigne te faisait mal, tu te laissas faire. L’obéissance docile demeurait ta meilleure option pour te sortir de cette histoire vivant. Après plusieurs centaines de mètres, vous parvîntes au port et malheureusement, ce fut pour constater que l’Azurion y était bien ancré, vide de tout être et le port lui-même, surveillé par plusieurs gardes. À nouveau, le désespoir te saisit. S’ils ne s’étaient pas échappés par là, tu n’avais plus d’idées. Et si tu n’avais plus d’idées...

« Bon sang ! Partis dans la nature. Je dois prévenir les généraux. Alors dites-moi : je vous prends avec comme aide pour que vous prouviez votre innocence quant à cette évasion et tout lien avec eux, ou je vous abandonne dans une cage ici-même, où vous croupirez jusqu'à mon retour ? »

Tu fus pris par surprise par la relative clémence de Du Val. Tu haussas les épaules, désormais désabusé et à court de volonté de te défendre.

"Je viens de me faire trahir, possiblement piégé. Je vous accompagne."

La peur restait collée à ton ventre – celle de ne jamais les retrouver, de pourrir en prison à leur place – mais tu étais tout autant las. La journée avait très mal commencée, mais elle était en longue et demain promettait de l’être également. Tu trouvais bien à tirer ton épingle du jeu.

XP: 1xp (interrogatoire)
Mikkah - Voleur Haffiz

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Faëlis
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Re: Le Val d'Abondance

Message par Faëlis » mer. 7 juil. 2021 21:13

Alors qu'il s'éloignait, pensif, il percuta quelqu'un qui semblait aussi perdu que lui. Elle s'excusa, disant se rappeler de lui. Mais oui ! La semi-shaakt ! Il l'avait vu brièvement, alors qu'elle était venue avec Cherock !

« Point de mal, gente dame ! Mais oui, je me rappelle ! Vous étiez avec le jeune fulgomancien dont j'ai partagé le chemin pendant quelques temps ! Faëlis Nyris'Kassilian, pour vous servir ! »

Elle se présenta sous le fort joli nom d'Yliria, et demanda précipitamment des nouvelles de son compagnon. En voilà deux qui avaient un lien invisible où il ne s'y connaissait pas ! Hélas, il avait peu d'informations à lui apporter, et c'est la mine sombre qu'il répondit :

« Notre mission, hélas, à tournée au fiasco, et il s'en est fallu de peu pour que nous ne mourrions tous. Je ne saurais vous dire où il est à présent, mais lorsque nous nous sommes quitté, je l'avait délivré de sa cage et il partait pour une mission périlleuse. Pour ma part, j'ai du ramener notre compagne Aenaria, qui était lourdement blessée. Je ne peut rien vous dire si ce n'est qu'il est entre de bonnes mains. »

Elle semblait effectivement particulièrement touchée, mais se reprit assez vite. Elle avait l'air d'une farouche guerrière et souhaitait de plus proposer ses services de soigneuse, l'elfe la rassura :

« N'ayez crainte, elle a reçu tout ce qui était possible comme soin. Mais revenir de la mort et se faire réparer le crâne demande un peu de repos... Pensons plutôt à autre-chose. Dites-moi, avez-vous connaissance de l'objectif de cette armée ? »

Tout ce qu'elle savait était qu'il y avait des nécromanciens en face. Elle ne connaissait rien des objectifs de l'armée et s'estimait déjà heureuse que son ascendance ne lui ai pas attiré d'ennuis. Comme elle lui demandait ce qu'il comptait faire, Faëlis haussa les épaules :

« Ce que je fais de mieux : soutenir, protéger et soigner. Si vous avez besoin de quelqu'un pour vous couvrir dans quelqu'assaut périlleux, ce sera avec grand plaisir ! »

Elle accepta, déclarant avec humour qu'elle espérait ne pas prendre de flèche dans le dos. Comme si les elfes étaient accoutumés à ce genre de fait ! Mais ils furent interrompus par un jeune humain qui vint trouver Yliria pour « dissiper les ténèbres qui l'envahissaient ». Il semblait réellement secoué, bien que n'expliquant pas pourquoi. De ce que l'elfe comprit de leur échange, il avait dû la trahir, d'une manière ou d'une autre, dans un geste qu'il avait regretté, mais qu'elle avait du mal à lui pardonner. Finalement, Faëlis déclara en lui souriant :

« Dans la bataille qui s'annonce, les ténèbres seront au plus noires, mais c'est la que la lumière apparaîtra la plus vive. Jeune homme, vous aurez l'occasion de briller. »

Cela sembla un peu le rassurer. Il discuta encore un peu avec Yliria. Apparemment, ils appartenaient tous les deux à un groupe appelés les « danseurs »... De quoi pouvait-il s'agir ? Il l'ignorait, mais ne comptait pas s’immiscer dans leurs affaires. Il retint cependant que la semi-shaakt lumineuse lui demandait de protéger son compagnon, bien qu'elle lui en veuille encore. Voilà bien une occasion inespérée de les rapprocher car...

« Ce sera avec grand plaisir, mais même en tant qu'archer, je ne peux intervenir à trop grande distance. Je peux vous protéger, si vous restez suffisamment proches au combat. »

Il invoqua la lumière qui brilla autour de lui :

« Sur mon honneur, j'en fait le serment ! »

Ils semblèrent s'apaiser un peu. Finalement, la semi-shaakt lui demanda comment il comptait les protéger, aussi, il expliqua :

« Je suis un archer-protecteur. Disons que, si vous me voyez tirer une flèche de lumière vers vous, n'esquivez pas ! Je serais en mesure de vous soigner et de vous soutenir avec mes pouvoirs de lumière autant qu'avec mes flèches. »

Comme ils semblaient surpris et un brin amusés de l'idée, le jeune humain, qui répondait au nom de Jorus, demanda même si c'était une coutume hinïon ou un trait personnel. Faëlis rit :

« Ce sont effectivement mes traits, mais ils ne vous blesseront pas. Ils me permettront de me lier à vous pour garantir l'efficacité de mes sorts de lumière. Ainsi vous pourrez... danser sans crainte sur le champ de bataille ! »

Il apprit en retour qu'Yliria disposait apparemment à son service d'un élémentaire de lumière, mais ne connaissait que peu de choses à son propos. Jorus eut alors la drôle d'idée de lui demander s'il connaissait quelqu'un qui sache quelque chose sur les gentâmes. L'elfe haussa un sourcil :

« Les gentâmes ? Ce sont des créatures de contes, non ? Des fantômes qui guident parfois les héros dans leurs quêtes... mais je doute qu'ils existent vraiment. Peut-être ma mère en saurait-elle plus, si tant est qu'il y ait quelque chose à savoir. »

Mais à ce moment là, un signal traversa l'armée. Ils arrivaient au contact de l'ennemi ! Le ciel s'assombrissait lourdement et le jeune homme sentit son cœur se serrer. La bataille allait commencer...

XP : 0,5xp (Discussion)

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Akihito
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Re: Le Val d'Abondance

Message par Akihito » mer. 14 sept. 2022 11:31

Dans le chapitre précédent...

Interarc : Le rempart des innocents.

Chapitre V : Déni de la réalité.

Voyage vers le nord, renforcement avec Camille, découverte des chevaliers de l'écu.

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Maeve
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Re: Le Val d'Abondance

Message par Maeve » mer. 28 juin 2023 16:00

La douleur due à la chute et à la réception dans les fourrés couplés à l'émotion d'avoir vu d'aussi prêt la mort, m'entraine proche de la rupture émotionnelle. Après deux pas, je regarde le ciel au-dessus de moi. Je peux voir l'aigle continuer sa course avec mon amant en charpie dans ces serres. C'en est trop, mon esprit refuse de continuer et sans avoir mon mot à dire, je sombre, m'écroulant dans l'herbe fraiche.

(Par Yuimen… ce que j'ai mal… j'ai l'impression que mon corps n'est plus qu'une grosse plaie !)

Je tente de bouger mais mes muscles refusent de m'obéir. C'était peut-être présomptueux de ma part… Tentons plus simple : une paupière… une simple paupière.
L'effort est intense mais le résultat est là ! La paupière frémit et laisse passer un peu de lumière. Je n'arrive pas à distinguer quoique ce soit, mais peu importe. J'ai réussi et je sais maintenant que je ne suis pas morte !

(Et ben… c'est une victoire en soit ! Il faudrait fêter ça… si je pouvais bouger…)

Je ressombre dans un coma léger. Je ne me souviens pas trop de mes rêves, il me reste juste une impression de chaos indescriptible fait de mon amant… ma mère… mon tronc le tout vu de l'œil d'un faucon. C'est sombre, c'est ténébreux, ce sont des cauchemars.

Je me réveille pleine de peur, dans le nuit. Je tente à nouveau d'ouvrir les yeux et j'y arrive, mais tout, autour de moi, est plongé dans la nuit, je ne vois rien ! N'osant pas trop bouger, je me concentre sur mes sensations. Je suis couchée sur le dos, mes ailes ouvertes et posée à plat. Je sens que je ne suis pas posée sur un sol ferme. C'est doux et moelleux sous mes fesses. Je sens sur mon corps un tissu épais et lourd. Il est plutôt rugueux et sens le feu de bois. C'est lui qui rend aussi difficile le moindre mouvement.

(C'est bizarre… je n'ai pas l'impression d'être à l'extérieur… et c'est clair que je ne me suis pas glissée dans pareil endroit seule !)

C'est inquiétant en fait de ne pas savoir, de ne pas voir. Je bouge un peu, mes bras semblant peser des kilos. J'adorerai pouvoir les bouger un peu, les sortir afin de pouvoir m'extirper de cette presse. C'est difficile, mais peu à peu j'y arrive et après un ultime effort mes bras sont libres ! Je les bouge doucement, ils me sont douloureux.

Je les tends devant mes yeux. Ils sont bien là, deux bras presque mobiles et couvert d'éraflure. Je soupire en pensant à la suite. Maintenant que mes bras sont libérés, c'est au reste de mon corps de se glisser de sous cette chape. Je prends position, les mains sur bord du tissu et je pousse de toutes mes forces ! Il glisse, je le sens ! Et soudain je sens ma tête tourner, je sens de la sueur froide couler de mon front…

(Oh non… pas encore !)

L'effort, la fatigue et la faim ont encore eu raison de moi. Je m'évanouis.

Je ne sais combien de temps cela a duré, mais lorsque je suis revenue à moi, le jour était levé. Le soleil brille de toute sa splendeur et j'ai beaucoup de peine à adapter mes yeux à cette pleine lumière. Lorsque le trouble disparait, je découvre enfin dans quel endroit on me tient ainsi prisonnière.

Je suis allongée sur une surface quasi plane et très grande. Un tissu assez fin la recouvre. Reposant sur moi, ce qui semble être une couverture, mais en modèle extra-gigantesque. Je ne m’étais pas trompe… le tissu râpeux est tendu fortement au-dessus de moi ce qui rend difficile tout mouvement. Je regarde autour de moi, je suis à l'intérieur d'un énorme abri en bois taillé. J'estime le plafond à au moins trois mètres pour des ouvertures dans les murs d'environ deux mètres…

(Par le Phénix, quel type de montre peut fabriquer de tel lieu ! )

Mon sang ne fait qu'un tour lorsque j'entends quelque chose d'énorme se déplacer. Les vibrations que je ressens m’indiquent des mouvements lent et pesant dans ma direction.

(Non ! Non ! Pas un ours ! Je suis tombé dans la tanière d'un ours ! Il fallait que je tombe sur un ours après avoir presque été dévorée par un aigle ! Le destin s'acharne là !)

Je regarde dans la direction du bruit, les gouttes de sueur coulant sur mon visage. Puis ne voulant pas me résigner, je tente de toutes mes forces de m'extraire du tissu. L'effort est terrible mais payant : je glisse hors de ma prison. Totalement libre de mes mouvements. N'ayant pas le temps de faire l'inventaire de mes membres, je cours vers le bord de la surface et je saute dans le vide, déployant mes ailes pour m'envoler.

(Aller ! Aller ! Ouvrez-vous, par Yuimen ! Battez ! Battez !)

Mais rien n'y fait. Je chute, mes ailes refusant de m'obéir. Le sol se rapproche de plus en plus alors que de toute ma volonté je tente d'articuler ses saletés d'ailes.

Le sol est là, j'ai juste le temps de pousser un cri et tendre la bras devant moi et puis..

BOUM !
Modifié en dernier par Maeve le jeu. 29 juin 2023 08:30, modifié 1 fois.

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Maeve
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Re: Le Val d'Abondance

Message par Maeve » jeu. 29 juin 2023 08:29

La chute a été rude et j'ai eu du mal à me relever. Mais cela n'a eu que peu de conséquences puisque quelques instants après l'impact, deux grandes mains m'ont saisie et soulevée apparemment sans effort. J'ai bien essayé de me débattre contre cette emprise, mais je ne pouvais plus bouger. J'ai cru que ma dernière minute était arrivée.

(Yuimen, par pitié... Sauve-moi !)

Les mains m'ont retournée délicatement et j'ai pu voir devant moi un humain. C'était le premier que je voyais car je n'étais jamais sortie de mon arbre. J'en avais entendu parler dans les contes lus aux jeunes, toujours dans le rôle des méchants, des tortionnaires et des vandales, des massacreurs d'arbres et d'animaux sans défense. Autant dire que mon premier avis sur l'humain qui me faisait face était déjà très négatif.

À ma grande surprise, elle m'a déposée délicatement sur une énorme table en bois. Mes jambes avaient du mal à me tenir tellement j'étais effrayée. Je le regardais, tremblante, alors qu'il prenait place sur une chaise en face de moi, ses mains posées sur la table et son regard bleu clair fixé sur moi. J'ai pu voir que l'humain en face de moi était de sexe féminin, très grande et imposante. À première vue, elle ne devait pas faire la circonférence d'un arbre plusieurs fois centenaire.

Nous sommes restés un moment à nous regarder, sans trop savoir quoi dire ou faire. Il était clair que pour elle aussi, c'était la première rencontre avec une personne de ma race. Il me semblait évident que contrairement à moi, elle ne devait pas avoir trop peur compte tenu de la différence de taille... Est-ce que moi, j'ai peur d'une souris ?

Le temps semblait s'écouler au ralenti. Elle semblait me détailler du regard, ses mains posées, n'osant pas bouger de peur de me faire peur ou pire, de me faire mal. Elle bougeait la tête de droite à gauche, admirant mes ailes repliées. Avec un brin de folie et délicatement, comme pour entrer en contact avec un être venu d'ailleurs, j'ai déplié mes ailes, les faisant apparaître dans toute leur splendeur. On aurait dit deux feuilles d'automne finement nervurées attachées délicatement à mon dos. Je les ai fait battre doucement, créant un nuage de poussière autour de moi. En levant la tête vers l'humaine, j'ai pu voir un sourire illuminer son visage. Elle semblait admirer mes mouvements avec beaucoup de plaisir.

Malheureusement, le nuage de poussière a atteint mes narines et dans un mouvement beaucoup moins gracieux, je me suis mis à tousser, cherchant à reprendre ma respiration. Faible, j'ai failli perdre pied et me retrouver assise par terre.

Après cette quinte de toux passée et prenant mon courage à deux mains, je me suis avancée vers elle et lui ai dit en articulant clairement :

"Je... m'appelle... Maeve."

J'ai eu beaucoup de doutes quant à être comprise par l'animal devant moi. Mais apparemment, oui, l'humaine a ouvert grand les yeux et m'a regardée avec surprise. Elle semblait comprendre ce que je disais car en retour, j'ai eu le droit à :

"Et moi, Sylia, enchantée !"

La voix qui me parvenait ne ressemblait à rien. Elle était très grave et caverneuse. J'ai pu sentir mes os vibrer sous ma peau. C'était très impressionnant et j'ai eu peur un moment que le plafond me tombe dessus. Mais le plus dur avait été fait. Nous pouvions communiquer et à première vue, elle ne semblait pas hostile.

Rassurée, je lui ai fait un sourire, ragaillardie par ce premier contact positif. Et cela semblait être réciproque au vu du regard réjoui que j'ai pu distinguer venant d'elle.

Une fois passée la surprise du premier contact, après nous être observées attentivement et une fois que nos émotions se sont apaisées, nous nous sommes assises. Moi sur un pot en terre cuite et elle sur une chaise. Je dois avouer que c'était très étrange de se retrouver ainsi assise en face d'une géante. Elle a sorti de sa poche un petit objet ressemblant à un petit pot et l'a rincé avec de l'eau avant de le poser devant moi et de le remplir d'eau fraîche. Elle s'est également servie un verre d'eau et, avec un sourire, elle m'a encouragée à boire.

L'eau coulant dans ma gorge m'a fait un bien fou. J'avais l'impression de ne pas avoir bu depuis des jours. Je l'ai remerciée d'un signe de tête en reposant mon verre improvisé. Elle l'a rempli à nouveau en souriant et a dit :

"Tu as soif on dirait... (après une seconde de réflexion) Mais j'y pense ! Tu dois aussi avoir faim !"

Sans attendre ma réponse, elle s'est levée et est partie dans un coin de la pièce, faisant trembler toute la maison sous ses pas délicats. Je l'ai regardée s'éloigner avant d'utiliser l'eau contenue dans mon pot pour me nettoyer rapidement et soigner mes plaies. Puis, voyant qu'elle s'affairait dans un coin de la maison, j'en ai profité pour observer autour de moi. La maison était constituée d'une seule pièce. Dans un coin se trouvait le lit, au centre un foyer où brûlait continuellement un feu qui réchauffait agréablement la pièce, contre le mur du fond se trouvait la table sur laquelle j'étais assise et juste à l'entrée, un petit établi où mon hôtesse préparait je ne sais quoi pour le repas.

J'aurais bien voulu m'envoler et parcourir la pièce afin de mieux l'observer, mais je ressentais une telle fatigue qu'il me paraissait impossible de battre des ailes pour m'élever. J'ai poussé un soupir avant de me lever et de m'étirer. Je suis retournée à ma place alors que Sylia revenait vers moi avec une sorte de bol à ma taille et un autre pour elle. Elle les a posés sur la table. Ils fumaient et dégageaient une odeur végétale assez forte. Mon ventre a émis un gargouillement sonore, preuve qu'il réclamait avec insistance de quoi le sustenter.

Je me suis approchée du bol afin de regarder ce qu'il contenait. Il était rempli d'une sorte de bouilli verdâtre surement provenant de végétaux locaux. La fin était trop forte et j'ai entrepris de souffler sur la bouilli pour la refroidir, copiant mon hôte qui faisait de même. Puis je ai bu la mixture. Il m'est apparu clairement que nous étions toutes deux face à l'inconnu et que nous devions avoir les mêmes questions et appréhensions l'une envers l'autre. Dans le but de me montrer ouverte et d'entamer une conversation, je lui ai souri en montrant mon bol :

"Elle est délicieuse ! J'avais tellement faim !"

En prenant mon temps pour bien déguster ce délicieux met, j'ai regardé mon hôte avec attention. Elle mangeait sa part à l'aide d'une grande cuillère, affichant un air ravi. Rapidement, nous avons terminé et nous avons reposé les bols devant nous. Elle a pris mon bol et le sien pour les poser sur l'établi, puis elle est revenue s'asseoir en face de moi.

Après un silence qui semblait durer, elle a pris son courage à deux mains et m'a dit :

"Mais... qu'est-ce que tu es ?"

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Maeve
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Re: Le Val d'Abondance

Message par Maeve » mar. 18 juil. 2023 09:08

La question avait été tellement surprenante que je ne savais pas quoi répondre ! Qu’est-ce que je suis ? Cela parait tellement bête comme question…
"Je suis une aldryade bien sûr !""

A première vue ma réponse lui a paru aussi saugrenue que sa question avait été pour moi. Elle ne semblait jamais n’avoir entendu ce nom, au même titre que jamais elle semblait n’avoir vu d’être comme moi. C’était très perturbant comme sensation. On a l’impression durant un moment de ne pas faire partie du monde dans lequel on se trouve.

"Je suis une aldryade… Nous sommes un peuple de la foret… nous vivons au fond de celle-ci… dans des communautés… Vous en avez jamais entendu parler ?"

Elle a haussé un sourcil en me regardant bizarrement. Clairement, c’était la première fois qu’elle entendait parler de nous.

"Cela fait maintenant 30 ans que je vis en forêt, allant chercher de quoi vivre et soigner dans les bois… et jamais je n’ai rencontré de gens comme toi ! Jamais je n’ai entendu d’histoire sur vous non plus."

J’ai été surprise par ce fait. A première vue, mon hôtesse vivait une bonne partie de sa vie dans les bois et malgré ça, elle n’avait jamais rencontré une Aldryade. C’était quand même la preuve que nous étions capables de nous dissimuler avec brio. Une onde de fierté a traversé mon corps s'exprimant par un petit sourire.

Il s'est ensuivi une longue discussion sur qui était les Aldryades et sur nos rites et coutume. Elle semblait très fortement s’intéressée et elle posait pleins de questions qui amenait d’autre réponses et à nouveau un lot de question. L’après-midi est passé rapidement et sa soif de connaissance semblait inépuisable.

Le soir venu, elle a réchauffé le repas de midi sur le foyer central et nous avons mangé ce délicieux potage accompagné d’eau fraiche. L’ambiance était beaucoup plus détendue et nous discutions de tout et de rien. Elle m’a à son tour parler de la façon de vivre des humains de la région, disant bien que cela différait pas mal d’une région à l’autre. J’étais profondément surprise de voir que ce peuple vivait d’une manière tellement différente à la nôtre. Que les mâles n’étaient pas congelés et utilisés, mais vivaient en compagnie des femelles dans une relative bonne entente.

Après le repas, nous nous sommes assises proche du foyer, nous réchauffant et discutant plus particulièrement de nos vie respective. Elle me racontait qu’elle vivait seule au milieu de ce lieu car c’était plus facile pour elle de trouver le nécessaire à son travail. Elle m’a raconté qu’elle créait des potions pour les habitants des villages alentour.
Yuimen avait encore bien fait les choses, j’étais tombé chez une personne partageant avec moi un bout de savoir, car dans ma jeunesse, j’avais appris à confectionner des potions pour le soin des nymphes. Nous avons rapidement discuté de ce domaine mais le temps avançant rapidement et étant encore très faible, je lui ai annoncé que je désirais dormir afin de me remettre de mes blessures plus rapidement.

J’ai rapidement regardé autour de moi afin de définir un endroit pour me caler autre que cet horrible lit au drap tellement lourd. J’ai découvert un petit rebord à la jointure du toit et de la cloison de la cabane. Il était juste assez grand pour moi et me ferais parfaitement office de lieu de repos. Je pris un bout d’étoffe légère et à la force de mes dernières réserves d’énergie je m’envolais pour mon lieu de repos.
Je positionnais mon étoffe pour y faire un nid et je m’assis dedans. Mes blessures ayant du mal à cicatriser j’en appelais à Gaïa de m’aider à me soigner dans une prière offerte à la déesse nature.

"Oh Gaïa, Mère de nature et de vie… Prend en pitié ta fille affligée… Vient de ton souffle apaisant alléger mes tourments … Oh Gaïa, répond à la prière d’une fille dans la misère… "

Une fois la prière effectuée, je me suis allongée dans mon nid. J'entendais au-dessous de moi, mon hôte s'afférer un petit moment puis le silence. Le sommeil m'avait embarquée.

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