Place du Festival

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Yuimen
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Place du Festival

Message par Yuimen » mar. 12 avr. 2022 13:21

Place du Festival




Comment parler d’Haenian sans parler de cette immense place où toutes les rues de la ville mènent. C’est sûr ses pavés que se tiennent les très nombreux et réputés festivals où aime se faire voir la Vicomtesse parée de ses plus beaux atours et entourées de ses dames de compagnie. Pour ce faire sont suspendus au dessus de la place de nombreux lampions de différentes couleurs pour que les rassemblements durent jusqu’à tard dans la nuit. Les décorations changent en fonction du thème du festival, tantôt draps colorés tendus au dessus des stands, tantôt fleurs ou sculptures ou encore parfois des troupes de cirque qui s’occupent de l’animation.

Pour attirer du monde de tout le royaume et des régions environnantes ,il faut rendre l’endroit animé et les occasions ne manquent pas: fête du vin, fête de la bière, fête de la laine, de la soie, du blé, du printemps, de la musique, des minéraux, les raisons ne manquent pas et font venir bon nombres de curieux et envieux pour enrichir la cité. Il est d’ailleurs assez mal vu dans la haute société du royaume de ne pas se rendre à une des fête d’Haenian au moins une fois par an. D’autant plus quand cela se passe, sur invitation, dans le manoir de la Vicomtesse.

C’est donc un lieu de rencontres, de festivités et surtout l’occasion pour les commerçants de générer plus de profits avec l’argent des festivaliers.

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Haple Mitrium
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Re: Place du Festival

Message par Haple Mitrium » dim. 13 oct. 2024 21:56

...sont cuites

A son réveil, le soleil pénétrait obliquement par la fenêtre côté cour et le lit de Hermance était défait. Elle avait eu une nuit agitée et n’avait trouvé un sommeil profond que sur le tard. L’objet de son obsession encore à l’esprit, Haple tourna la tête sur l’oreiller pour regarder sa bague.

(Aïe…)

Elle venait de se tirer les cheveux, emmêlés sous son crâne après s’être retournée incessamment dans ses rêves meurtriers. La douleur soudaine eut au moins le mérite de l’inciter à se redresser. Alors qu’elle s’étirait paresseusement, Haple remarqua une note posée contre le bas de la porte. Elle sortit du lit en repoussant les draps négligemment et alla la chercher. Le bout de papier, plié pour qu’il tienne debout, avait clairement été laissé là à son attention.

(A la… pl-ace… « place »… des fe-sti… sti-vals… « festivals »)

La pace des festivals… voilà qui lui faisait une belle jambe. Elle n’avait aucune idée de la localisation de ladite place. Haple laissa tomber la note au sol. () Son humeur ne s’améliorerait pas tant qu’elle aurait le ventre creux, aurait-elle réalisé si elle avait une meilleure connaissance de son corps en pleine mutation.

Après s’être habillée – et avoir équipé sa bague, source de ces espoirs aussi bien vengeurs que protecteurs, l’adolescente sortit en fermant la porte sans ménagement, ses affaires rassemblées dans son sac de voyage porté sur l’épaule. En bas, une femme d’une cinquantaine d’année aux allures de matrones lui indiqua la direction où retrouver ses consœurs. Non sans insister au préalable pour que la « petite » se mette quelque chose dans le ventre. Haple refusa : elle trouverait bien une bricole à se mettre sous la dent en chemin.

Sans donner une chance à l’humaine de la convaincre, la délicieuse enfant sortit à la rencontre du monde avec un sourire aux lèvres et le pas guilleret. Ou pas…
***

Aussitôt sortie sur le perron de l’auberge, un maelström de bruits et de couleurs l’assaillit : chevaux aux robes crème, auburn ou encore noire corbeau allaient et venaient au son de leurs sabots percutant le pavé, tirant fourgons chargés de marchandises en tout genre ou portant des cavaliers aux fières moustaches et des cavalières aux chatoyantes étoffes. Le tableau de cette bourgeoisie marchande à la Kendrane l’écœura par sa profusion ostentatoire de richesse.

Baissant la tête pour éviter de croiser les regards curieux qui s’attardaient sur cette Hinïonne à la tenue négligée, Haple traça sa route en suivant le chemin indiqué par la matrone de l’auberge.

(Tout de suite à droite au coin. Suivre l’artère principale jusqu’à la place)

Facile. Elle ne pouvait pas se tromper. Et de fait, après quelques remontrances de la part de bourgeoises enrubannées et de commerçants flagorneurs qu’elle avait trop approchés à leur goût, la ménestrelle aux effluves musquées entendit le tumulte de la ville augmenter droit devant. A mesure qu’elle se rapprochait, la foule se densifiait. Bientôt, elle ne put faire autrement que de se faufiler entre les gens et ceux-ci ne s’en offusquaient plus : ils étaient tous dans le même bateau.

A plusieurs reprises, elle remarqua tout de même que certains refermaient leur main sur leur bourse lorsqu’elle elle les passait sur le côté… Elle n’en prit pas ombrage ; son apparence justifiait surement leur prudence. D’ailleurs, elle se dit qu’il vaudrait mieux en faire de même, au cas où des voleurs opéraient dans la foule, et changea son sac de position de manière à ce qu’il repose sur son ventre.

Prenant le temps de la réflexion, Haple réalisa qu’elle ne retrouverait pas ses consœurs au milieu de cette place bondée en la traversant au hasard. (La fontaine !) Elle fendit la foule, jouant des coudes lorsque ce fut nécessaire pour rejoindre l’édifice de pierre qui ornait majestueusement le centre de la place.

D’un pas léger, Haple sauta sur le muret qui retenait l’eau du bassin et mit une main en visière. De son perchoir, elle dominait d’une tête les plus grands festivaliers et observa d’un œil curieux cet environnement exotique. Elle n’avait tout bonnement jamais vu autant de monde réuni en un seul endroit. D’où venaient-ils ? Les manoirs et hôtels particuliers qui s’alignaient sur les quatre côtés de la place carrée étaient certes aussi hauts que ventrus, pareils en envergure aux chênes centenaires de Cuilnen mais en pierre de taille et moulures vivement colorées. Pour autant, ils paraissaient dérisoires comparer à la marée humaine qui affluait et refluait devant leurs pieds.

Le festival devait attirer son public bien au-delà du quartier – peut-être même de la ville. La place grouillait d’humains et d’elfes blancs. De Sinaris aussi, bien qu’elle ne les devinât que par le vide que leur petite taille introduisait, ici et là, dans la canopée de chapeaux emplumés. La foule n’était pas pour autant informe : les stands installés à espace régulier la structuraient. Certains se limitaient à une modeste planche sur tréteaux derrière laquelle un vendeur ou une vendeuse tentait de profiter de passants immobilisés dans la foule ; d’autres, contre lesquels s’agglutinaient le plus grand nombre, constituaient de véritables estrades d’où harangueurs invitaient les bourses à se délier pour tel grand cru de bière maltée ou bien telle nouveauté provenant d’une brasserie avant-gardiste.

C’est alors qu’elle l’aperçut ! A l’ombre d’une tenture qui délimitait l’une de ces scènes de théâtre où se jouaient des enchères impitoyables, la Sœur Nétone conversait en catimini avec un homme au chapeau particulièrement chargé d’ornements. Ne détectant pas de trace de Hermance, Haple reporta son examen sur le binôme suspect. Dos tourné, le seul attribut physique de l’homme qu’elle pouvait percevoir à distance était sa carrure imposante. (Pas Grégoire, donc). Sautant au sol pour les rejoindre, Haple se surprit à espérer qu’il allait bien…

En chemin, l’adolescente affamée saisit l’occasion qu’elle passait devant un stand de bretzel pour s’en mettre un sous la dent. Ô tiédeur salée ! Qu’elle était douce la sensation de la brioche beurrée fondant sur sa langue… Emportée par le plaisir, Haple s’autorisa ensuite une chope de bière chaudement recommandée par un serveur peu regardant sur l’âge de la clientèle. (Au moins celle-ci ne sera pas empoisonnée).

- Héla, ma d’moiselle. C’est à consommer, ici. Et on laisse la chope en partant ! l’arrêta celui-ci alors qu’elle faisait mine de reprendre la route aussitôt sa consommation payée.

Elle hésita. Elle ne voulait pas perdre la trace de Nétone. (Soit… mais vite alors) Un frisson l’agita lorsqu’à la première gorgée l’amertume du houblon envahit sa bouche. Têtue comme à son habitude, Haple persévéra à descendre la boisson dont le gout laisser à désirer. Et, fière de sa persévérance, elle nota que ses papilles s’habituaient à ces saveurs adultes. Et que son humeur se détendait aussi.

Avec un sourire irrépressible, Haple ne put s’empêcher de commenter sa victoire :

- Finie ! déclara-t-elle avec entrain en reposant la chope sur le comptoir… un peu plus brutalement qu’elle ne l’avait voulu.

Sans remarquer le rictus narquois d’une femme accoudée à ses côtés, Haple se remit en route allègrement, d’une démarche qu’elle pensait souple et fluide.

- Oups, pardon !

Les autres ne pouvaient-ils donc pas s’écarter sur son passage ? (Quand même…) Slalomant entre les écueils tant bien que mal, contournant les obstacles à coup d’embardées hasardeuses, l’adolescente enivrée parvînt finalement sur le côté de l’estrade où elle avait aperçu…

- Nétone !

Deux têtes se tournèrent dans sa direction. L’une appartenait à la géomancienne et reflétait une superbe indifférence. L’autre… (Pas content, le Monsieur !). Haple s’amusa de la grimace grotesque avec laquelle le bonhomme inconnu l’accueillit. Sous son chapeau aux plumes de paon vibrantes d’indignation, il avait les sourcils froncés (...pas content...), les joues rouges (...pas content...), les lèvres pincées (...vraiment pas content...). Qu’est-ce qui pouvait bien mettre cet humain à la cinquantaine bien tassée dans cet état ? Certainement pas l’arrivée tambour battant d’une joyeuse Hinïonne !

- Monsieur Bonboiseau, je vous présente Sœur Haple…
- Alors c’est elle ! s’étouffa le riche marchand.
- Sire, moqua Haple à l’appui d’une révérence joueuse.
- C’est cette souris de gouttière qui a donné un œil au beurre noir à mon fils ?

Le vocabulaire fleuri et les points de vue sociétaux nuancés de Grégoire prenaient tout leur sens…

- Quand Oryanne m’a dit que Grégoire n’était pas le bon, je ne pouvais… mais là, ça fait sens ! C’est cette petite, c’est ça ?! Vous préférez rester entre vous, pauvres folles perchées dans vos montagnes !

Haple n’était pas sûre si c’était la violence de sa voix ou le soleil qui commençait à taper, mais un léger malaise commençait à la saisir tandis que les mots virevoltaient sans trouver attache dans sa tête embrumée. Ça avait l’air intéressant pourtant. Elle tenta de reprendre prise sur la conversation.

- Grégoire n’est pas … « le bon », dites-vous ?

Nétone bascula son poids d’une jambe à l’autre – ce qui équivalait chez elle à une vive protestation.

- Ne faîtes pas l’innocente, vous saviez bien ce que vous faisiez, insista-t-il avant de déclamer une liste croissante de récriminations. L’intimider. Le discréditer au combat. L’humilier aux yeux de vos consœurs pour prendre le dessus à leurs yeux.

- Monsieur, attention à ne pas trop en dire.
- Comment ?! beugla-t-il. Vous voudriez me silencez, moi aussi ?
- Personne ne gagne à ébruiter la situation, n’est-ce pas ? Ni la raison de notre visite… à l’invitation de votre fille.

D’un coup d’œil circulaire, le marchand prit note des regards qui s’étaient tournées vers eux, et il se retint de lui dire le fond de sa pensée. De justesse… Haple regretta cette tournure de conversation. S’il se taisait, elle n’apprendrait rien de lui. Mais elle n’arrivait pas à réfléchir. D’ordinaire, elle aurait trouvé une pique mordante pour le relancer ou au contraire une flatterie pour l’apaiser… Mais là rien. Rien d’autre que :

- Mais Monsieur, qui donc me préférerait à votre fils ? offrit-elle avec autodérision en montrant ses vêtements élimés, l’écume de bière sur ses lèvres et ses cheveux ébouriffés.

Et pour emporter sa sympathie, elle agrémenta sa tirade d’une bouffonnerie, exécutant une pirouette comique comme pour faire virevolter une robe aussi luxueuse qu’inexistante. Puis, elle tomba à ses pieds. (Exprès). Admettons…

Alors, Haple remarqua les souliers vernis s’agiter devant ses yeux, mal à l’aise. Puis, dans un froissement de tissu, l’homme lui tendit une main ainsi que ses excuses.

- Je ne sais pas ce qui m’a pris, jeune fille. Laissez-moi vous offrir un échantillon de mon meilleur cru, lui proposa-t-il une fois relevée.

Après s’être épousseté la main sur un mouchoir en soie, le marchand lui tendit une chopine à moitié remplie. Cadeau malvenu… la seule vue du liquide amer souleva le cœur de l’adolescente qui s’était crue plus robuste.

- … pas une bonne idée…
- Par Kübi ! Regardez autour de vous : plus on est de soûls, plus on rit ! C’est la fête de la bière pardi !

Devant sa moue implorante, le marchand haussa les épaules et tendit, à contrecœur, l’offrande de paix à la géomancienne. A la surprise de Haple qui ne l’avait jamais vu boire d’alcool, la Sœur Nétone s’en empara avidement.

- HA !

La voix de basse du marchand tonna de satisfaction. Quel étrange personnage : Pouvait-on changer d’humeur si vite ? Probablement avait-il lui aussi un coup dans le nez… et ses joues n’étaient visiblement pas empourprées que de colère.

Lorsqu’elle reporta son attention vers l’humaine, il lui sembla que celle-ci rangeait quelque chose dans sa poche. Puis, prenant l’adolescente éméchée au dépourvu, la géomancienne s’avança et lui tendit la chopine… à la limite de déborder. (A la limite de déborder). Son inconscient l’alerta du danger.

- Sœur Haple, vous ne pouvez pas refuser l’hospitalité du plus illustre marchand de Haenian.

Tous ses instincts lui hurlaient de fuir.

- Buvez ! insista Nétone avec intensité.

Elle aurait pu courir, crier, renverser la boisson probablement trafiquée par l’impitoyable religieuse. Elle aurait pu… Elle était perdue. Suspendue dans l’instant, son cœur cognait à tout rompre contre sa poitrine : il voulait vivre. Vivre ! Et son cerveau déboussolé qui cherchait à grande peine une issue favorable… Hébétée par l’alcool, elle ne trouvait pas. Sauf… (Courage…)

Le regard des deux adultes l’aiguillait. Contrainte d’aller contre son bon sens, Haple se saisit de la chopine tant redoutée à deux mains. L’une tenant la hanse, l’autre le long du bord supérieur. Comme si elle ne voulait pas en perdre une seule goutte… l’ironie ! Alors, ses yeux se fixèrent sur son unique porte de sortie : de la couleur de l’espoir, l’émeraude de sa bague de pouce scintillait face à elle sous le soleil de midi.

Dessous, elle le savait, reposait une dose de douleur liquide à quiconque y serait exposé. Elle n’aurait qu’une seule chance. Elle ne pouvait pas se rater. Elle … (Courage). Haple ferma les yeux et approcha la chopine de ses lèvres d’une main tremblante mais résolue. Lorsque l’or blanc entra en contact avec la peau frémissante de son menton, Haple inspira une dernière fois. Puis, elle ouvrit les vannes de la douleur à travers la fine paroi métallique.

Aussitôt, le bas de son visage au contact du poison fut saisi de spasmes terribles ! Sa mâchoire partit dans une violente embardée, ses masticateurs déchainés menaçant de rompre les ligaments qui les reliaient à elle. Avec ses lèvres retroussées jusqu’au point de rupture et ses yeux écarquillés de terreur, elle aurait évoqué une épileptique en crise si dans le même temps elle n’avait pas accidentellement renversé sur sa gorge d’albâtre le contenu du calice sacrificiel.

Alors, à ce moment seulement, elle su ce qu’était la douleur. La douleur absolue ! La douleur d’une peau qui s’évapore, de nerfs qui s’arrachent, de muscles qui se déchirent, d’entrailles qui jaillissent dans une éruption organique. Tous les liens qui unissaient les parties de son corps semblaient vouloir se défaire. Pas de doute, la bière avait contenu du fluide d’air !

Alors, éprouvé jusqu’à la limite de l’entendement sous l’effet du poison et du fluide combinés, son corps s’avoua vaincu. Ses bras tombèrent, ses jambes lâchèrent, sa tête heurta le sol. Sa conscience l’abandonnait.

- Qu’est-ce que… ?!
- Elle a trop bu. Je m’en occupe.

Une flaque de bile s’étendit de ses lèvres spasmodiques à ses oreilles. Un silence de tombe s’imposa ; son esprit quitta ce corps supplicié.

Elle ne sentit même pas les bras qui l’emmenèrent à l’écart.

Elle était partie.

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