Cauchemar en Aliaénon : Fan-Ming II
La magie de ma broche s’active et je m’attends à tout moment à devoir la jeter au sol dès les premières braises sur moi. Qu’il s’agisse d’un coup de chance, d’un contrôle extrême de la magie ou d’une réaction basique de la broche, le pouvoir résidant dans celle-ci se manifeste comme à son habitude. Une chaleur particulièrement réconfortante vient m’entourer, chassant ce froid mordant qui ne sied pas à un fils d’Eniod.
(Au moins, voilà un gros problème de réglé !)
(Oui, il ne reste plus qu’à savoir ce qui a conduit toute une cité imprenable à être prise, sans se faire prendre à son tour !)
(Oui hé bien…chaque chose en son temps !)
Sous couvert du mur, je me suis approché un peu plus des bâtisses, mais hormis une protection contre le froid qui n’a plus lieu d’être, je n’ai pas non plus la moindre idée de ce qui a pu causer un tel carnage. Il n’y a de présent que des cadavres brûlés, ne laissant que pour trace de leurs existences : des os calcinés. Pour comprendre ce qui est arrivée à la cité, il ne me reste plus qu’à arpenter ses rues, ses décombres et ses morts. Je cherche tant bien que mal un centre-ville, là où plus d’être devraient être présents, m’aidant je l’espère à avancer dans mes investigations. Hélas, il est difficile de trouver une sorte de lieu de rassemblement lorsque l’on se trouve à flanc de falaise. Je note cependant qu’aux pieds de la cité, là où se trouve le mur défensif à présent effondré, les bâtiments en bois sont situés dans une zone plate, du moins, pour les rares qui n’ont pas été atteint par un feu ravageur jusqu’aux entrailles. En hauteur, les édifices ont été façonnés avec de la pierre ou avec la falaise elle-même. Hélas, si ceux-ci ont mieux résisté au brasier, permettant une chance à des survivants, l’accès est impraticable. Les escaliers et les routes sont jonchés de débris qui rend la progression plus difficile. Il en est de même pour la partie la plus haute. De ma position, j’aperçois un édifice assez riche, proche des standards ynoriens dans la conception. J’en déduis qu’il s’agit là du palais local, certainement plus ardemment défendu que le reste de la cité. Là encore, la route pour s’y rendre n’en a même plus le nom, tant les débris d’édifices sont présents et l’ensemble instable au premier coup d’œil.
(Bon eh bien, ya plus qu’à !)
(Tu es sûr de toi ? Tu vas risquer ta vie pour quoi, d’autres ossements calcinés ? Ca n’en vaut pas le coup !)
(T’inquiète je gère ! On va faire un peu d’escalade, ça va me décrasser les membres. De plus, je dois m’entretenir avec les dragons pour les ramener à Elscar’Olth. Mieux vaut s’assurer que ce qui a attaqué Fan-Ming ne soit pas ces précieux alliés que je cherche !)
Bien que je sois assez confiant dans mes capacités à escalader la paroi, je n’en perds pas pour autant la sûreté élémentaire. Je me munis de mon crochet attaché à mon grappin et enroule l’autre extrémité de la corde autour de ma taille. Mon ascension se passe assez bien…dans l’ensemble. Je prends le temps de m’assurer du chemin, vérifie les prises, avant de passer à la suivante. Or, si je profite d’une chaleur agréable, j’en oublie que la paroi est gelée et glissante. Mes doigts glissent, ma prise se dérobe et mon corps se voit s’imposer l’effet d’une gravité non désiré à ce moment-là, jusqu’à ce que ma sécurité me sauve. Mon corps pend au-dessus d’un mélange de vide et de débris, mais je parviens à me reprendre contre la paroi, reprends mon souffle coupé par ma corde et continue mon avancée.
(Pour quelqu’un avec des compétences, c’était laborieux !)
(Venant de quelqu’un qui peut voler je ne veux pas entendre de critique. D’ailleurs, j’aurais certainement mis moins de temps si tu avais pu sortir pour m’indiquer le chemin.)
Finalement et au bon d’un long effort, j’arrive finalement face à une imposante porte de plusieurs mètres de haut, cernée par deux statues de dragons et dont les bas-reliefs sont magnifiquement illustrés de ces mêmes créatures de légende. La voie est close et le poids de celle-ci me dit que j’aurais beau user de toutes mes forces, je doute être en mesure de les ouvrir. De plus, je n’ai pas envie d’attirer inutilement l’attention sur moi.
(Du feu, une cité aux défenses imprenables, des accès impraticables ordinairement et maintenant ça !)
(Je ne comprends pas !)
(La porte est fermée, mais de l’extérieur le palais a été touché. Donc soit ce qui a attaqué volait, soit après avoir tout ravagé ils ont gentiment fermé les portes !)
(Ha…oui en effet ! Dragon du coup ?)
(Ne tirons pas de conclusions hâtives.)
(Mais si ce n’est pas eux, qu’est-ce que cela pourrait bien être ?)
(Comme l’a mentionné l’autre cornu, je ne connais qu’un fragment de ce monde. Les dragons ont peut-être des ennemis capables de voler oui bien…Bordel j’en sais foutrement rien !)
Devant cet obstacle, je continue d’observer les alentours. Si l’accès de la porte m’est interdit, j’arrive à discerner une sorte de cour.
(Installer une cour derrière la porte, si c’est pas de l’extravagance !)
(Quoi ? Mais… il n’y a pas de cour ici ?)
(…j’ai dit de l’autre côté de la porte !)
(…oui ben ça dépend d’où on se place aussi ! Pour une éventuelle personne de l’autre côté de la porte, tu te trouves derrière celle-ci !)
(Ca dépend d’où je me…mais je ma place là, ici, dans mon corps ! Tu voudrais que je me situe où ? Dans un clapier à lapin ?)
(Hooo modère un peu tes paroles ! Je suis un être insondable aux multiples connaissances sur de nombreux mondes ! Je suis l’omniscience de l’omniscience et…)
(T’es surtout une sacrée banane oui !)
(Hou toi ! Tu n’es qu’un…qu’une face d’endive !)
(J’ai réussi à te déstabiliser ? Finalement venir ici n’aura pas été vain !)
Après ce bref échange mental qui m’aura néanmoins été particulièrement savoureux, je me déplace sur le côté. Si je ne peux franchir la porte, je vais la contourner par l’extérieur. Il ne m’est pas difficile de trouver un point de vue pour l’exercice à venir, cependant le passage n’est pas des plus aisé. Les murailles n’ont pas été pensées pour l’escalade, c’est bien dommage. Je ne m’avoue pas vaincu pour autant. Je m’équipe de mon crochet et le lance en avant pour chercher une prise dans la muraille. C’est malheureusement un échec. Mon crochet ne reste pas accroché, mais je sens néanmoins que ce n’est pour autant pas impossible. Pas une réussite, mais pas un échec total non plus. Je réitère ma tentative deux fois de plus sans parvenir à accrocher mon grappin. Ce n’est pas tant le problème de la cible qui pause soucis, je l’atteins assez facilement, mais mon crochet refuse seulement de trouver une accroche correcte. Je décide de changer de cible, un peu plus en hauteur. La chance me sourira peut-être mieux. Mon grappin s’élance, mais avec un poil trop de force. J’atteins rapidement le bout de ma corde qui se tend et me renvoie le grappin à toute vitesse. Il s’en est fallu de peu que je me fasse assommer moi-même !
(Pfff hahaha, je me gausse de tes incroyables compétences !)
Porté par l’élan d’enthousiasme de ma faéra, à moins que ce ne soit mon ego qui soit touché, je refais une tentative parfaite cette fois ! Enfin, il me semble bien arrimé. Il n’y a plus qu’à tester. Je prends une grande inspiration, repense à mon échec précédent, ré-inspire à nouveau après l’avoir oublié et commence à escalader la muraille. Ma progression me confirme mes craintes : les murs n’ont pas été fait pour y faire une balade dans ce sens. Il faudra que j’en touche un mot à l’architecte. Je glisse à plusieurs reprises durant ce nouveau périple, me provoquant tout de même des frayeurs à m’en glacer le dos, le sang, ainsi que tout le reste, tandis que mes pieds se baladent dans le vide, accroché à un seul bras. En bas, je contemple la cité d’un point de vue que je ne pensais pas voir. Sa désolation y est presque plus flagrante encore là d’où je suis et un constat dans ma situation se fait : ce qui a attaqué Fan-Ming n’a laissé aucune chance à ses occupants ! Tous ces morts autour de moi et je n’ai pas encore tout vue. Mon sang bouillonne de nouveau et me donne la force mentale comme physique pour passer les quelques mètres qui me séparent d’un sol bien droit et stable…enfin j’espère qu’il est stable. Se serait dommage de faire tout ça pour finalement tomber sur un sol prêt à s’effondrer sous mes pieds !
Lorsque j’arrive à destination, je savoure ce sol solide. Il tient la porte massive qui m’empêchait de passer, il soutiendra mon poids sans problème. Il y avait bien une cour de l’autre côté et elle est occupée…de cadavres, mais cela ne change pas l’atmosphère à mon arrivée. Intrigué, quant aux types de personne qui sont morts ici, je m’en approche pour les examiner en détail. Au centre, les cadavres noircis sont plus nécrosés que brûlés. Un détail qui me rappelle la corruption de la Lande Noire. D’autres ont connu des destins similaires dans leur finalité, mais varié dans la raison. J’observe des corps démembrés, coupés en deux, la tête à été arrachée pour les morts les moins horribles. Je remarque également que d’autres ont eu le corps disloqué, comme s’ils avaient fait une chute particulièrement haute ou violemment écrasés contre les murs. Pour beaucoup, ces hommes étaient des soldats. Leurs protections ont été brisées au point d’être inutilisables. Des armes sont présentes, principalement dans le style Ynorien : des nainatas, sabre, saïs ainsi que des bâtons de combats. Des armes simples, mais d’assez bonnes factures cependant.
Il n’y a aucune âme dans les environs. Je suis le seul présent qui pourrait souffrir d’un quelconque événement soudain. Le moment propice pour user de cette magie qui me fait tout de même craindre de l’utiliser. Je sais, grâce à l’usage de Xël, qu’il est possible d’avoir des visions de ce qui s’est produit. Il me suffit d’user de cette magie en ce sens. Je plonge mes mains dans la neige pour avoir un contact avec le sol et utilisant la magie d’Aliaénon à travers moi, je me laisse porter par son pouvoir, afin d’avoir une vision de ce qui s’est produit durant l’attaque.
Je sens le pouvoir en moi qui s’agite. Elle s’infuse dans mes membres et se déverse autour de moi. La vision commence. Les corps disparaissent, les armes, armures, laissant mon champ de vision libre d’interpréter la vision qui se manifeste. Devant moi, les murs sont identiques pour le moment. Seuls les corps et les biens que possédaient les propriétaires de leur vivant ont disparu, volatilisés.
(Bon ça vient oui ?)
(Pfff, je crois que tu as juste réussi à faire disparaître tous les corps ! Bien joué Monsieur !)
Frustré d'avoir fait disparaître tant d'être, même mort, je refuse mon échec. De nouveau, j'use de la magie pour voir ce qui a mis la cité dans un tel état. Encore une fois, la magie se manifeste, mais cette fois-ci, je perçois un effet visuel concret. Ma vue se trouble, l’espace d’un bref instant, pour reprendre corps avec une réalité qui n’émane pas de moi. Je perçois les sens de quelqu’un d’autre. Je cours et la panique anime chaque fibre de mon être. Le monde qui m’entoure n’est plus qu’un reflet chaotique de ce que je connais. Près de moi, des hommes sont projetés contre les murs de la cour. Au centre, un groupe de guerrier se fait tuer instantanément par la puissance dévastatrice d’un rayon sombre. Alors que la panique ne cesse de me hanter à chaque respiration, mon arme en main me semble bien inutile, alors qu’une ombre terrible passe au-dessus. Une ombre volante, dotée d’ailes géantes. Je ne peux m’arrêter en chemin. Je cours toujours droit devant, pénétrant plus en avant dans la forteresse. La vision se trouble ici, sans plus de détail sur ce qui est arrivé à l’homme de ma vision. Je retrouve mon corps, ou du moins, les sensations de celui-ci. Je suis alors incapable de jurer que ce qu’il s’est produit, cette vision que j’ai eu s’est avéré vraie, ou simplement le fruit de mon imagination. Les ailes que j’ai aperçues, pourraient aussi bien provenir d’un dragon que du Titan de la Lande Noire.
Pourtant, même si je suis incapable d’être certain de ma vision, je garde cependant une sorte de connexion avec l’homme que j’ai habité l’espace d’un moment. Me confirmant non seulement que mon sort a fonctionné et que j’ai vu ce qu’il s’est produit, mais que cet homme est toujours présent et en vie, ici quelque part, une présence légère mais là. Cette sensation ne me quitte pas et oriente instinctivement mon regard plus en avant vers le palais.
Loin d’avoir partagé cette expérience, ma faéra s’inquiète de sentir mon esprit ailleurs.
(Jorus que se passe-t-il ? Tu es…je perçois que quelque chose te pèse, voir t’accable !)
(Il y a un survivant, je le sens !)
A peine ai-je dit ces mots, qu’une fatigue mentale me gagne soudainement. La raison : un contrecoup du sort, similaire à Simaya à notre arrivée sur ce monde. Si le premier ne m’a semblé très coûteux en énergie, le second s’est fait sentir. Les pouvoirs sur Aliaénon sont grands, mais ils n’en sont pas moins dépensiers en énergie. Il va me falloir me restreindre à une utilisation sporadique. Chose qui n’est pas un problème pour moi, sachant les ravages possibles avec cette magie, mais je dois bien admettre une sensation grisante lorsque celle-ci répond à mes attentes.
Pour l’heure, je dois faire face à un individu qui est là, non loin de moi. Il est très certainement caché dans un coin à m’observer, craignant la présence d’un individu capable de gravir le chemin jusqu’ici. Convaincu de ce fait, je me lève et parle à haute et distincte voix.
"Je me nomme Jorus Kayne, natif du monde de yuimen. Je m'excuse d'avoir fait disparaître les vôtres, ce n'était pas mon intention. J'utilise une magie puissante mais difficilement contrôlable. Elle m'a permis d'entrevoir ce qui est arrivé. Il en est de même pour votre présence ! Montrez-vous, unique survivant de Fan-Ming !"
En guise de réponse, le vent souffle dans cette cour dévastée. Lui et lui seul. Pas un mouvement n’est esquissé, pas une réponse ne m’est donné, aucune trahison de la présence n’est révélée, intentionnellement ou non.
(Je sais pas si tu crois vraiment en cette sensation, mais il est possible qu’il ne t’entende pas !)
(Ou alors il est incapable de se mouvoir et de parler !)
Cette fois-ci, le doute m’accable et la crainte de voir le dernier survivant de Fan-Ming ne plus l’être si je ne me hâte pas. Je me presse donc d’aller à sa rencontre, suivant la sensation qui me lie à la présence, tâtant de la main la gourde contenant le précieux remède d’Aethéris. Je m’enfonce dans les ruines du palais et arrive dans une sorte de grand hall principal, desservie par trois directions. Deux si l’on oublie celle complètement obstruée. Je monte les escaliers qui se terminent par un large couloir, aux murs partiellement effondrés. Continuant sans relâche, je passe une porte accédant à une immense salle. Son agencement, me rappelle le lieu où se trouvait le fluide spatial de la Tour d’Or. C’est ici, sur un important socle vide, que deux silhouettes sont présentes. Des êtres ayant échappé au sort qui a emporté les morts. Des êtres vivants, probablement les deux derniers de cette cité en ruine. Un être à l’allure féminine et à la parure de noble dame, est penché sur une autre, un homme en armure de guerre, le front orné d’une tiare d’argent. L’homme parait blessé, affaibli par une souffrance physique que je ne perçois pas de ma position. Cependant, je sais qu’il est l’homme de ma vision, celui qui a fui l’enfer d’une bataille à sens unique. Celui dont j’ai senti la présence depuis la cour. Celui dont je sens la fin venir si je n’interviens pas.
Je me déplace vers les deux silhouettes, d'un pas rapide, mais sans courir, craignant de provoquer une méfiance qui serait peut-être préjudiciable à la vie de l'homme.
"Je pense avoir de quoi le sauver si vous m'y autorisez !" Fais-je, désirant l'accord de la femme et alertant de ma présence.
Ignorant tout de ma présence, la femme sursaute à ma demande qui doit lui paraître subite. Une réaction qui me pousse à l’arrêt total. Ne me craignant aucunement, elle se dresse en dernier rempart entre moi et celui qui agonise. Elle m’ordonne de ne pas approcher du seigneur Teruki et m’intime à révéler mon nom et la raison de ma venue.
"Je prendrais le temps de vous expliquer la raison de ma venue plus tard. Là d'où je suis, cet homme me semble sur le point de mourir, sauf s'il avale ceci !" Je sors ma gourde contenant la bave d'Aetheris et la lui montre, avant d’esquisser le geste d’un lancer.
(Attends, tu vas lui lancer la gourde ?)
(Ma foi oui, pourquoi ?)
(C’est une gourde magique, il faut savoir ce qu’il y a dedans pour l’utiliser correctement, Banane !)
(C’est vraiment le moment de te venger ?)
Finalement, je reprends une marche plus lente et la presse dans sa décision.
"Je n'ai que deux doses en ma possession, laissez-moi lui sauver la vie. Hâtez-vous de vous décider ou il mourra et si vous craignez un éventuel poison, dites-vous bien que ce genre de produit n'a aucun intérêt sur les morts !"
Loin d’espérer un remède miracle, la femme ne parvient pas à éloigner les soupçons de moi, alors qu’elle ignore qui je suis. Je continue de m'avancer levant les mains et celle portant la gourde à hauteur de tête.
"Si vous voulez perdre un temps précieux cela ne regarde que vous. Je me nomme Jorus Kayne, natif de Yuimen et je suis venu par grâce à la magie de Xël Almaran. Peut-être que lui vous le connaissez ?"
Loin de connaître le nom de l’étranger qui se prétend guérisseur, c’est mon origine qu’elle retient, mon appartenance au monde de Yuimen. C’est avec un ton de reproche qu’elle clame que j’aurais dû révéler ce fait bien avant, me laissant enfin la possibilité de sauver le fameux Teruki. Je m’exécute aussitôt, offrant la bave au supplicié, non sans une remarque pour la femme.
"C'est le remède qui sauve, non la provenance de son porteur !"
"Notre cité a été détruite, pardonnez mes soupçons." Déclare-t-elle, loin de s’être véritablement excusée.
Gisant au sol, l’homme est faible, mais en vie et en mesure de boire ce que je lui offre, me gardant bien sûr de révéler la nature du remède. Il ne faut que quelques secondes à Teruki pour être de nouveau en forme. S’inquiétant d’où se trouve le monstre et comment ils ont parvenu à rester en vie.
"J'accepte vos excuses ! Qui que vous soyez !" Dis-je d'un ton neutre, l'inquiétant de l'état de l'homme. Je plonge mon regard dans le sien avec le plus grand sérieux.
"Cette chose qui vous a attaqués, a quoi ressemblait-elle ?"
La femme clame d’un ton railleur qu’elle est l’épouse et la dirigeante consort de Fan-Ming, avant qu’elle ne soit détruite. Comme si cela expliquait naturellement son attitude. Son mari, répond que tout s’est passé très vite. Une ombre gigantesque, volant dans les cieux. A elle seule, il n’a fallu que quelques minutes pour détruire la cité avant de s’attaquer au palais. Il détaille la créature comme un être de destruction aux ailes larges, doté de cornes et de serres acérées.
(Le Titan ? Ca correspondrait assez à la description !)
(Il y a quelque chose qui me chiffonne : les soldats démembrés ! Certains semblaient avoir percuté violemment un mur, comme s’ils avaient été projetés de force ou jeter de très haut. Le Titan pulvérise tout d’un coup de bras, il n’a pas besoin de jeter des soldats en l’air, ça n’a pas de sens !)
(Donc se serait l’œuvre d’un dragon ? Un dragon qui attaquerait Fan-Ming ? Ca n’a pas de sens ! Même s’ils ont moins prêté attention aux hommes, je les imagine mal devenir des ennemis. Ils ont tout de même affronté des Titans à nos côtés !)
Pendant ce temps, Teruki regarde autour de lui, cherchant vainement ses samouraïs. C’est sa femme qui lui explique qu’ils sont tous morts et que leurs corps ont disparu, étrangement peu de temps avant que je n’apparaisse. Alors que je sens l’inquiétude mêlée à l’incompréhension dans leurs yeux, j’incline légèrement la tête vers le bas.
"J'en suis effectivement le responsable ! J'ai utilisé une puissante magie qui se trouve être également difficilement contrôlable. Si elle a fait disparaître tous les corps morts, elle m'a permis de vous trouver avant que la mort ne vous emporte aussi !" Je m'arrête un instant avant de reprendre.
"Ce qui vous a attaqué me semble être un Titan. Le même qui aurait tué le Titan de la magie, détruit Elscar'Olth ainsi que ses dômes de protection. Il s'y trouve encore et c'est la raison pour laquelle j'ai été envoyé ici, en quête de votre aide et de celle des dragons ! Nul ne savait que la cité avait subi son passage. De ce que j'ai vu, vous en êtes les seuls survivants ici !"
"Le Titan de magie ? Mais comment ? Et Elscar'Olth ? Toutes les villes de ce monde sont-elles ainsi menacées ? Vous devez être passés par la Tour d'Or, si vous êtes ici. Qu'en dit le conseil ? Qu'en dit ma sœur ?" S’inquiète Teruki.
"Votre sœur ?" Fais-je surpris, sans comprendre de qui il s’agit, mais je fais rapidement le rapprochement avec une personne que j’ai rencontré dans la Tour d’Or.
"Si vous mentionnez Honoka, elle est présumée morte après l'attaque du Titan de la magie. Peu ont pu s'échapper. Il ne reste plus rien de la tour d'or, ni même de ses environs, juste...un paysage d'apocalypse."
"Morte ? La tour d'Or détruite ? Mais... reste-t-il quoi que ce soit d'intact en ce monde ?" Il a l'air complètement dépassé, abattu. Son épouse s'agenouille près de lui et l'étreint.
Je regarde les deux êtres s’étreindre sans dire un mot, les laissant se consoler l’un l’autre, avant de répondre de ma voix la plus douce.
"Oui beaucoup de choses, à commencer par l’amour de vous porte votre femme, qui s’est dressée sans la moindre hésitation entre son mari et un parfait inconnu armé et étant parvenu à atteindre le palais de Fan-Ming, malgré l’état de la cité !" Je les laisse un moment pour juger de mes propos avant de poursuivre.
"L'espoir également. Peut-être que des membres de votre peuple n’étaient pas présents lors de l’attaque. Eslcar’Otlh est tombée, mais des survivants ont cependant réussi à échapper à l’attaque du Titan. Il a brisé les sceaux de protection et la corruption qui ont transformé la Lande Noire en ce qu’elle est, se répand. D’ici une semaine, peut-être moins, Esseroth ne sera plus la cité qu’elle est aujourd’hui. Et nous comptons bien agir pour empêcher cela !" Je prends le temps d’une respiration avant de me lever et reprendre.
"En ce moment-même, des yuiméniens et les derniers sorciers d’Elscar’Olth tentent de trouver une solution pour endiguer la propagation, mais certain parmi nous pensent que nous pourrions mettre un terme à l’existence des Titans. Comme je vous l’ai dit, je possède des pouvoirs, il en est de même pour ceux de Yuimen. Nos pouvoirs sont difficilement contrôlables, mais également terriblement puissants. Nous avons peut-être là un moyen de venir à bout de ces monstres et si je suis venu ici, c’est pour quérir l’aide des dragons ! Une seule question se pose à présent seigneur Teruki : m’aiderez-vous à venger votre peuple ?"
"Honoka... Ca a toujours été elle, la forte tête de la famille." Commence-t-il la tête basse.
"Sa perte... mais vous avez raison, il n'est plus d'autre chemin pour moi que la vengeance. Pour elle. Pour Fan-Ming. Pour l'Ynorie." Il relève les yeux pour croiser mon regard.
"Vous ne nous connaissez pas, n'est-ce pas ? Fan-Ming était la colonie d'Oranan sur Aliaénon. Ancienne détentrice du fluide spatial, qui trônait dans cette pièce. Je connais les yuimeniens, et je sais les pouvoirs que les non-natifs d'Aliaénon possèdent. Ces pouvoirs que je n'ai pas moi-même. J'ignore comment mon aide pourrait vous être utile, d'une manière ou d'une autre. Mais oui, les dragons sont une force sur laquelle compter. Sur laquelle nous avons déjà compté." Il soupire.
"Même s'ils n'étaient pas là, pour Fan-Ming."
"En effet je n'ai eu qu'une brève connaissance de votre cité grâce à Xël. J'ai déjà eu l'occasion de voir ces pouvoirs des non-natifs que vous évoquez, mais les choses ont changé, car cette magie ne se limite plus aux êtres dotés mana. J'en suis là preuve !" Puis je regarde la pièce où nous nous trouvons, visualisant le fameux fluide.
(Simaya. Le fluide.)
"Il y avait donc un fluide ici, tout comme à Elscar'Olth ! Simaya Sombrecroc a déjà évoqué l'hypothèse qu'ils puissent être la cible originale du Titan. Il me faudra lui en toucher un mot." Dis-je en pensant à voix haute.
""J'ai déjà eu affaire à quelques dragons. Si le dragon d'or m'a donné une excellente première impression de sa race, il en a été tout autre avec le dragon noir de la lande. Aujourd'hui, son corps gît probablement quelque part vers la tour d'Orsan. Quant au dragon d'Oaxaca...j'y pense, vous n'avez pas eu de nouvelles de yuimen !"
Je pose un genou au sol avant de continuer en le fixant dans les yeux.
"Après la destruction de la tour d'or et la fermeture forcée du fluide qui en a résulté, Oaxaca a lancé une offensive sur Oranan. Les pertes ont été... innombrables, les vies de valeureux guerriers se sont éteintes, mais nous avons remporté la bataille. Le dragon noir a disparu, grâce au sacrifice de la déesse Brytha. Quant à Oaxaca, il y a eu une véritable marrée d'êtres vivants qui se sont rués pour la tuer. Nos ennemis d'hier ont brandi leur lame contre leur ancienne maîtresse et quand il ne restait plus qu'un amas de chair ressemblant vaguement à un être humain, tenu par sa nature divine, les dieux eux-mêmes ont mis fin à la guerre. Oaxaca est en vie, mais désormais dans les geôles du Nyr'tel Ermansi. Vous voyez bien qu'il y a toujours de l'espoir, même lorsqu'on s'y attend le moins !" Je m'arrête pour reprendre le fil de mes pensées.
"Tout ça pour vous dire que j'ai vu plus de dragons de l'autre côté de ma lame. Votre aide pourrait m'être précieuse pour les convaincre de nous aider. J'ai d'ailleurs ceci avec moi. Je ne devais pas l'utiliser dans la ville mais, on pourrait avoir besoin d'eux pour vous faire redescendre ! Qu'en pensez-vous ?" Je sors l'appeau à dragon, attendant son assentiment.