IX Nyr'tel Ermansi.
IX Déception et nouvel espoir.
Après être parvenu à engloutir l’intégralité des mets, forçant mon estomac à gonfler comme c’est pas permis. Je quitte l’anyore et ses amicaux membres, pour suivre le chemin via une grande passerelle. Mes yeux ne cessent d’aller et venir sur l’architecture de cet endroit qui est tout simplement divin. Qu’il s’agisse des monuments, des jardins, ou même de simples bancs disposés ici et là, j’en prends plein les yeux. Magnifique. Je crois que pour la première fois de ma vie, ce mot fait enfin sens. Ce n’est qu’en tombant sur un jardin, avec un arbre aux fleurs rouges, que je me rappelle la raison de ma venue.
(Castamir !)
Je suis venu ici pour savoir ce qui est arrivé à ma taurionne et uniquement cela. J’ai affronté bon nombre d’adversaires, allant de « rencontre mortelle » à « finalement la rencontre mortelle était préférable » sur ma propre échelle de dangerosité. C’est donc d’un pas décidé que je me rends auprès du dieu des dieux.
(Heu…mais c’est où ?)
"Vous semblez être à la recherche de quelque chose de précis." Me surprend une voix derrière moi.
"Peut-être puis-je vous être d’une aide particulière ?"
C’est un autre elfe doré qui est venu à moi. Sa voix est claire comme de l’eau. Chaque syllabe est parfaitement prononcée, balayant toute possibilité d’incompréhension, même après ma surprise.
"Oui, c’est exact." Dis-je dans un premier temps, avant de prendre une posture plus droite et pleine de confiance.
"Je désire voir Zewen !"
Ma voix est franche, la demande est claire et dans ma tête, je me prépare à déballer bon nombre d’arguments pour obliger l’elfe à me faire voir le dieu.
"Bien entendu, suivez-moi !" Déclare-t-il tout simplement.
(C'est tout ?)
Une fois passé l’air penaud, ce qui me prend quelques secondes tout de même, je rattrape mon nouveau guide. Ce n’est qu’après avoir fait plusieurs dizaines de mètres que je pose finalement ma question, histoire d’être sûr.
"Alors comme ça, je peux vraiment voir Zewen ?"
"En effet ! C’est tout l’intérêt de ce lieu. Permettre à des mortels de venir voir les divinités recluses. N’est-ce pas ce que vous souhaitiez ?" S’étonne-t-il.
"Ho si, si. Je pensais simplement que ce n’était pas aussi facile !" Finis-je par révéler.
"Ce n’est pas le cas. Comme d’autres, vous avez bravé de nombreux dangers. Seule une poignée d’êtres, ceux qui ont survécu cette terrible guerre, peuvent prétendre venir en ce lieu." Il s’arrête un instant avant de reprendre, tout en marchant.
"Puis-je vous demander quel motif vous pousse à vouloir vous entretenir avec Zewen ?"
Question embarrassante, intime, voilà bien les sujets qui me poussent à dévier les discussions par des blagues dont j’ai le secret. Cependant, l’atmosphère de paix et de sérénité, ainsi que la bienveillance des elfes d’or, me pousse à plus d’ouverture.
"Il y avait…il y a quelqu’un qui devait se trouver sur le champ de bataille. Je souhaitais savoir ce qui lui est arrivé. Où était-elle durant l’affrontement ? Que lui est-il arrivé depuis mon départ ? Et surtout, est-elle simplement en vie ?"
A ces questions, mon guide paraît quelque peu peiné et ralentit sa marche pour finalement s’arrêter.
"Je vois. Je suis malheureusement au regret de vous dire que votre but envers Zewen est voué à l’échec !" Dit-il.
"Comment ? Mais c’est le dieu des dieux non ? C’est pas quelque chose qu’il est capable de savoir ?" Fais-je, alors qu’au fond de moi, naît un subtil mélange entre colère et désespoir.
"Les choses ne sont pas si simples en vérité. Si les dieux se sont reclus, ce n’est pour ne plus interférer avec les mortels. Ils connaissent des vérités sur le monde selon leurs domaines, mais je redoute sincèrement que vos craintes puissent trouver réponse favorable. Je puis vous guider jusqu’à Zewen, si votre intention n’a pas changé. Je le regrette sincèrement. Cependant, pour quelqu’un qui côtoie les dieux, vous pouvez vous fier à moi." Déclare-t-il, brisant mes espoirs.
Je me fige à nouveau. Mon corps devient mou et mon esprit se perd au lointain, ne portant plus d’attention sur ce qui se place devant mes yeux.
"Alors…tout est perdu ? Il ne me reste plus qu’à rentrer et espérer que l’impossible ait eu lieu ?"
"Je vois que cette personne semble être quelqu’un de très particulier pour vous, pour réagir ainsi. N’est-ce pas ?"
Malgré mon état, les mots de l’elfe parviennent à m’atteindre et ce n’est qu’en hochant de la tête que je lui réponds.
"Les dieux possèdent une puissance inimaginable et un savoir presque sans fin. Cependant, il existe une chose qui les surpasse et de loin." Déclare mon guide en parvenant à capter mon regard et à raviver une lueur d’espoir.
"L’amour ! L’amour est une chose contre laquelle les dieux sont totalement impuissants. Elle est une force qui, depuis le commencement, n’a cessé de changer le cours des choses ! Aucune magie, aucun dieu ne serait capable de s’y opposer." Il pose ensuite sa main au centre de ma poitrine et continue.
"L’amour est la plus grande des magies. Elle n’a rien à voir avec ce que pratiquent les possesseurs de fluides. Fermer les yeux, rechercher au plus profond de vous-même cet amour qui vous porte et laissez-vous guider par votre instinct en répondant à cette simple question : est-elle en vie ?"
Enjôlé par le réconfort de l’elfe d’or, je m'abandonne à ses intentions bienveillantes. Je ferme les yeux et me focalise uniquement sur les sentiments que j’éprouve pour Castamir. Me posant la terrible question, je me laisse guider par mon intuition, comme une petite barque emportée sur un doux cours d’eau, la réponse au bout du chemin. Guettant le moindre signe, je finis par atteindre la fin de cette route et n’y vois qu'une grande chute d’eau, sans âme qui vive. Alors que je me résigne à mon sort, au travers du mur d’eau qui ne cesse de tomber, l’ombre d’une silhouette féminine se dessine.
"Elle est en vie !" Dis-je en ouvrant les yeux sur la réalité.
"ELLE EST EN VIE !" Je crie ces derniers mots en sautant bras ouvert pour saisir l’elfe, qui m’enlace à son tour quelques instants après, probablement un peu gêné par mon attitude. Je le relâche finalement avant de reprendre.
"Je suis sûr qu’elle est en vie. J’ignore comment, mais j’en ai l’intime conviction !"
"Ne vous l’avais-je pas dit ? L’amour est quelque chose de très puissant." Me sourit-il.
"Souhaitez-vous toujours vous rendre auprès de Zewen ?"
"Eh bien je…non, ce n’est plus nécessaire à présent. Merci. Merci infiniment ! Je pense qu’il est temps pour moi de partir ?" Lui dis-je.
"Vous êtes à peine arrivé et vous souhaitez déjà nous quitter ? Loin de moi l’envie de vous forcer, mais je ne puis compter le nombre de personnes qui rêveraient d'être à votre place. Prenez quelques jours pour vous. Ce que vous avez vécu demande un peu de temps pour guérir. Durant ce temps, laissez-moi vous guider en ce lieu !" Me propose-t-il en désignant de la main, les nombreux endroits que je n’ai pas vus.
"Dans ce cas pourquoi pas ! Cela me fera quelque chose d’intéressant à raconter !"