Le Masamune (Heartless - X2)

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Yuimen
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Le Masamune (Heartless - X2)

Message par Yuimen » sam. 6 janv. 2018 16:21

Le Masamune, gallion de Sirius Heartless

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Le Masamune (tel qu'il fut baptisé par son capitaine, Sirius Heartless) est un galion splendide dont la coque est toute en longueur, et laisse parfois penser au tranchant d'un sabre. La couleur bleue qui émane de sa structure est le parfait compromis entre l'azur du ciel et le turquoise de la mer. Facile à manœuvrer, il est néanmoins très polyvalent et se prête volontiers aux idées démesurées du jeune capitaine, encore faut-il que ce dernier apprenne comment diriger cet immense navire.

Il est la demeure et le repaire des pirates les plus atypiques, et l'ordre n'y règne pas en maître absolu. De plus, il n'a besoin que de très peu de main d'œuvres pour naviguer dans de bonnes condition, ce qui implique l'inactivité de la plupart des membres d'équipage, plus à l'aise dans l'art du combat. Ils ne sont même pas 10 !


Chargement :
- 4 tonneaux d'huile.
- Une caisse de boules de coton
- Une caisse de charbon de bois
- Un tonneau de teinture bleue.
- Divers cordages.

Armement :
- Une baliste kendrane à la proue du navire.


Vitesse : Avancée (x2)

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Heartless
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Re: Le Masamune (Heartless - X2)

Message par Heartless » sam. 16 janv. 2021 19:48

C'était un voyage nostalgique. La première fois depuis des années qu'Heartless voguait avec son vieil équipage, sur son tout premier navire. Gallion en avait pris grand soin. Bien qu'ils ne s'étaient pas quittés sur les meilleurs termes, les retrouvailles s'étaient faites naturellement, comme s'il n'y avait jamais rien eu pour les séparer en premier lieu. La seule différence était une entente retrouvée entre matelots et capitaine. Les dernières expériences que le borgne avait vécues l'avaient en quelque sortes transformé d'une manière presque imperceptible. Mais Plagg, Elias, Iguru, eux savaient. Le marin d'eau douce était devenu un capitaine.
Enfin ils aperçurent le port temporaire des alliés.

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Cromax
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Re: Le Masamune (Heartless - X2)

Message par Cromax » lun. 1 févr. 2021 15:23

La Fin d’une Ere
(Mission « Castel Vandrak » (Sibelle, Sirat, Sinaëthin, Sirius))




Après une bonne heure de préparatifs divers et variés, communs ou personnels, les aventuriers s’étaient retrouvés sur le pont du Masamune, navire du Capitaine Sirius Hartingard, prêts à un départ prompt. Et celui-ci ne tarda pas. Fait surprenant pour les aventuriers non prévenus, le départ fut donné non seulement pour le navire pirate, mais également pour tout le reste de la flotte kendrane reliée à ce port : des navires de tailles diverses, flanqués des couleurs du Royaume, bleu, blanc et or. C’est toute une armada qui prit ainsi le large, comme une immense escorte de leur navire, bien qu’il n’en soit rien.


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Le voyage de cette flotte entière prémunit tout dérangement usuel de ce type de voyage : pas d’attaque de monstres marins ou de pirates. Et une météo clémente, en plus, soleil brillant dans un ciel clair parsemé de quelques moutons nuageux. Au bout de deux jours de voyage sans le moindre grain, ils arrivèrent en vue lointaine d’un spectacle qui, si prévisible, n’en était pas moins terrifiant : les formes du port de la cité d’Oranan étaient flanquées de nombreux navires ennemis prêts à donner l’assaut sur ce dernier. Ils étaient la cavalerie qui arrivait juste un peu trop tard pour participer aux premiers assauts des marins d’Omyre. De nombreux vaisseaux aux voiles noires leur faisaient face, au loin.


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Un peu à l’écart de cette masse d’offensive maritime, un navire impressionnant tant par sa taille que par son apparence infernale attira leur attention. Il ne faisait aucun doute qu’il s’agissait là du navire amiral de cette flotte du chaos : le cuirassier personnel de Perailhon, aux allures d’usine flottante, à la coque triple et aux mâts trop nombreux, bardés de voiles rouges sang. Et comme si ça ne suffisait pas, des créatures marines inquiétantes et terrifiantes bondissaient autour comme d’inoffensifs dauphins autour d’un navire de transport. Sauf qu’elles n’étaient pas inoffensives.


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Il était l’heure pour eux de montrer leur allégeance aux consignes, ou de faire preuve d’esprit d’initiative : On leur avait dit de s’éloigner de cette inévitable bataille pour en passer au large, sans se faire repérer, et ce afin d’atteindre le Castel Vandrak plus au nord. Mais la présence de ce monstre flottant attestait également la présence de son capitaine et amiral, Perailhon. Allaient-ils suivre leur voie tracée, ou se mêler à la défense du port Oranien, d’une manière ou d’une autre ? Tenteraient-ils de détruite le Treize qu’ils avaient à portée de voile, ou iraient ils chercher la bête sauvage dans son antre ? Le choix était bien sûr leur : personne n’était là pour les surveiller ou leur dire quoi faire…



[HJ : Vous pouvez RP librement le trajet de deux jours jusqu'au port d'Oranan. Et faire autant d'apartés entre vous que vous le souhaitez. Terminez votre post sur votre pris de décision pour la suite de l'aventure.

XP :
Sirat : 0,5xp (discussion avec Bogast) + 0,5xp (discussion de groupe) + 0,5xp (réunion et préparatifs)
SIbelle : 0,5xp (discussion de groupe) + 0,5xp (réunion et préparation)
Sinaëthin : 0,5xp (discussion avec Bogast) + 0,5xp (discussion de groupe) + 0,5xp (réunion et préparatifs)
Sirius : 0,5xp (discussion avec Bogast) + 0,5xp (discussion de groupe) + 0,5 (réunion et préparatifs)]

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Sibelle
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Re: Le Masamune (Heartless - X2)

Message par Sibelle » lun. 1 févr. 2021 23:30

Tout en écoutant les commentaires de ses nouveaux compagnons, Sibelle observait les membres de l'équipage de Sirius, des hommes qui avaient à peu près la même allure et le même langage coloré que leur capitaine. Ces hommes avaient l’habitude de la haute mer et ils les mèneraient à bon port… tant qu’aucun n’incident n’aurait lieu.

Lorsqu’elle eut terminé de raconter sa conversation avec le général Bogast, l’hinionne à la peau très blanche se tourna vers Sibelle et lui fit remarquer qu’elle ne connaissait même pas son nom.

En bon pirate, Sirius répondit à la question qui ne lui était pas posé, sous le regard amusé de l'autre hinionne. Pressentant sans doute une longue conversation le pirate leur proposa de descendre dans sa cabine. Mais lorsqu’il vit la mine déconfite de Sibelle, il demanda plutôt à l’un des membres de lui apporter de quoi boire sur le pont.

La guerrière consentit à se présenter et à faire part de ses forces et de ses faiblesses, car après tout, ils allaient travailler ensemble.


« Je me prénomme Sibelle. Je me bats à mains nues et je manie des armes depuis aussi longtemps que remontent mes souvenirs d’enfance. Le combat est une seconde nature, et ce sont dans ces moments que je me sens le mieux. Donc lorsqu’une mission d’envergure se présente, j’y participe. Je suis agile et très habile avec ou sans arme. Si je réponds à votre demande, c’est que nous n’avons pas le temps d’apprendre à nous connaître. Et pourtant, il faut en savoir le plus sur les autres afin de former une équipe efficace et coopérative. Mais je ne suis pas de nature très bavarde et je n’ai pas… je n’aime pas… »


Elle s’arrêta un moment avant de se reprendre :

« … J’ai la réputation d’avoir mauvais caractère. »

Elle s’arrêta quelques secondes. Sirius émit un sifflement moqueur et l' hinionne un sourire amusée, mais Sibelle n’en fit pas de cas. Elle dégagea le médaillon qui était sous sa brigandine.

« Je fais partie du Clan des danseurs d’Opale dont la devise est : C'est par ma seule volonté que mes armes se meuvent…. Je n’obéirai pas aveuglément à des ordres si je considère qu’il y a injustice. »

Elle s’arrêta, prise d’un léger haut-le-cœur et poursuivit.

« Mes faiblesses à présent. Je n’ai aucun talent pour les armes à distance et je ne possède aucun fluide magique. Pire que cela, je crains la magie… ce qui explique que j’ai fait enchanter trois pièces de mon équipement contre les sorts d’eau, de feu et d’obscurité. Et puis, je souffre de maux de mer et je ne sais pas nager. J’ai décidé d’être de cette mission, car les autres m’intéressaient moins. Et puis, je pourrai m’évader de cet océan pour parcourir le ciel lorsque mes malaises seront trop handicapants…. »

Elle les regarda tour à tour, mais surtout ses deux compagnons qui ne la connaissaient pas.

« La seule magie que je ne crains pas, c’est ma transformation… » Dit-elle tout en les préparant petit à petit.

« Lorsque je le désire, je me transforme en hippogriffe… Je possède alors une vision d’aigle, et je comprends ce que vous me dites sans pouvoir répondre…, et il m’est possible de combattre sous cette forme. Je peux également transporter jusqu’à deux personnes sur mon dos…ce qui pourrait nous être utile, si nous devions évacuer le bateau rapidement. Si tel est le cas,… afin de ne pas laisser un de vous périr en mer, je pourrais tenter d’agripper la troisième personne avec mes griffes… si je réussis à faire ça, ce sera sur de courtes distances je suppose… »

Comme il fallait s’attendre, la révélation surprit un peu ses compagnons, par contre, elle ne s’attendait pas à un sourire de la part de Sinaëthan.

Elle s’arrêta de nouveau, prit quelques secondes pour réfléchir avant de déclarer.

« Je crois avoir dévoilé de moi, tout ce qui pourrait vous être utile. »

Sa curiosité piquée, son interlocutrice la bombarda de questions. Elle voulait savoir ce qui l'avait poussé à rejoindre l'armée Kendranne... lutter contre Oaxaca ? Sauver le peuple ? Envoyé expressément par son clan ? Répondant à une divininté ou ordre religieuse ?
La guerrière fronça les sourcils devant autant de questions. Cela lui avait pris déjà suffisamment d’efforts pour répondre le plus précisément à la précédente question, elle n’avait pas pensé qu’une avalanche de questions suivrait. Sans perdre son calme, et poussant un soupir de contrariété qui pouvait passer pour un soupir après un maux de cœur, elle précisa la raison de son engagement dans cette aventure.

« Sauver le peuple serait la bonne réponse.»

En fait, elle ne s’était elle-même pas posé la question. Elle s’était dirigée vers Val d’Abondance dès qu’elle avait entendu parler de cette mission. Avant que ne survienne une pluie de questions supplémentaires, elle se dépêcha de rajouter:

« Et ce n’est pas le clan des Danseurs d’Opale, qui m’a envoyé ici. J’y suis venue de moi-même...Accompagné de Sirat.»

Cette dernière remarque fit tourner les regards vers Sirat. Mais avant que l'un deux n'intérogent l'humoran, Sibelle tourna ensuite son regard vers l’hinionne, jugeant qu’elle en avait, pour sa part, assez dit. Il n’était pas dans ses habitudes de parler autant. Et puis, elle voulait aussi en savoir plus sur les autres afin de savoir à quoi s’en tenir.

« A votre tour à présent de nous fournir des informations sur vous et sur vos motivations.»

Ce fut de bon coeur que sa vis-à-vis accepta de répondre aux questions de Sibelle. La guerrière écoutait attentivement, tout en tentant de retenir l'essentiel. Elle se prénommait Silma et avait pour origine la ville de Cuilnen, tout comme Sibelle. Elle avait une bonne connaissance géoplitique de tous les continents de Yuimen. Elle était archère et avait oeuvré comme milicienne et mercenaire, et avait participé à plusieurs batailles donc la première sur Aliéanon. Après un regard vers sa chouette et un petit moment d'hésitation, elle fit, elle aussi une révélation surprenante. Elle avait une relation privilégiée avec Yuia qui l'avait d'ailleurs ramené à la vie plusieurs fois. Sibelle ne put cacher sa surprise devant une telle affirmation. Silma avait une entente avec la déesse. En échange de protection et de certains pouvoirs, elle devait tuer Oaxaca. Elle termina en précisant qu'elle aurait de toute façon prêté main forte à l'armée Kendranne.

Croyant que Silma avait terminé, Sibelle se tourna vers Sirius qui affichait une mine sérieuse. Mais Sibelle s'était trompée, Silma reprit la parole et enchaîna. Tout comme Sibelle, elle pouvait se transformer. Sauf que Silma pouvait choisir l'animal dont elle emprunterait la forme. Tout comme Sibelle, Silma gardait contact avec les gens qui l'entouraient mais ne pouvait communiquer. Mais contrairement à Sibelle, elle ne pouvait se battre dans cet état. Puis elle révéla qu'en traversant les fluides de Fan Ming pour revenir sur Yuimen, elle était restée sous sa forme de chouette pendant plusieurs années sans pouvoir revenir à sa forme d'elfe.

(Quatre ans sous une forme de chouette ! )

Tout comme Sibelle avait rencontré un hippogriffe, Silma, elle avait rencontré une chouette qui lui avait tout appris et plus quitté par la suite.
Elle termina en précisant ses talents particuliers. Elle était archère émérite, bonne éclaireuse, traqueuse, sens aiguisés. Elle pouvait aussi détecter les mensonges et les illusions. Cette faculté intrigua Sibelle mais ne l'inquiétait pas. Elle n'avait pas l'habitude de mentir, c'était plutôt sa franchise qui lui avait causé des ennuis par le passé. Elle termina en précisant que son équipement était magique, qu'elle possédait des potions de soins, et qu'il lui était possible de communiquer avec l'un d'eux si séparation avait lieu.

Sibelle avait écouté attentivement les réponses de Silma. Lorsque celle-ci eut terminé, Sibelle avait retroussé son nez. Sans aucune malice, ou mauvaise intention, dans le seul but d’en connaître plus sur ses compagnons, sur un ton honnête, elle demanda:

«S’il est important de connaître nos aptitudes respectives. Il est aussi important, sinon plus, de partager nos faiblesses ou les domaines où nous performons moins. De cette façon nos compagnons sauront quand nous prêter main forte en cas de besoin.»

S’adressant à Silma, bien sûr, mais également aux deux hommes du groupe.
« Quelles sont vos peurs, vos points faibles en combat, ou vos traits de caractère qui peuvent devenir des handicaps ?»

Le pirate croisa les bras, vraisemblament ennuyé par le fait de dévoilé ses faiblesses. Silma fronça ses sourcils, mais consentit tout de même à faire part de ses points faibles. Contrairement à Sibelle, elle ne maitrisait pas les combats au corps à corps, avec ou sans armes. Il était donc préférable pour elle de garder ses distances. Elle ne craignait rien et se jugeait la plus apte à faire office de messager, considérant qu'elle avait le vocabulaire, le tempérament assez calme. Bien qu'elle leur précisa de ne pas mal le prendre, Sibelle se rembrunit, elle n’appréciait pas être mis ainsi à l'écart.

Pendant toute la discussion, les traits de l'humoran s'était durci, et de ses poings fermés, il était possible de distinguer ses jointures blanchies. Il semblait tellement en colère qu'il refusa la bouteille de boisson alcoolisé que Sirius lui présenta. Sibelle surprise, ne comprenais pas pourquoi Sirat réagissait ainsi. Et tout comme un volcan qui entre en irruption soudainement, Sirat explosa de colère. D'un ton méprisant, il se moqua des capacités de l'hinionne, précisant ses capacité de vol, son vocabulaire recherché et ses talents pour cuisiner du boulom aux herbes. Il lui cracha au visage que c'était lui qui lui avait coupé les liens devant le dragon et avait ainsi éviter la mort. Il refusa dans dire plus, prétextant qu'elle saura assez tôt de quoi il est capable et que la confiance, ça se gagnait. Sous l'oeil amusé de Sirius, il termina en criant que si elle n'appréciait pas sa compagnie, elle n'avait qu'à quitter ce bateau. Et il partit aussitôt ne laissant personne lui donner la réplique.

(Et c'est moi qui affirme avoir un sale caractère ! )

Sibelle regarda Sirat quitter les lieux, elle hésita un moment, puis décida de le laisser partir, sans pour autant le quitter des yeux.

Silma expliqua la situation. Sirat avait coupé les liens, mais Oaxaca avait déjà décidée de l'épargner. Et puis, à Fan-Ming, Sirat s'était battus pour le camp ennemi. Silma était inquiète et redoutait qu'il les trahisse de nouveau.

Cette fois, Sibelle intervint d’un ton calme, mais ferme:
«Il ne nous trahira pas…. Il ne me trahira pas.»

Les deux hinionnes échangèrent un regard, puis Silma soupira. Elle semblait faire confiance à Sibelle.

Étais-ce par solidarité masculine, ou solidarité de voyou ? N'empêche que Sirat, amusé de la situation, prit la défense de l'humoran, alléguant d'abord que si mensonge, il y avait eu, Silma l'aurait détecté. De son côté, il préférait un type sans allégence qu'un marionnette Kendranne.

Après avoir partagé son rhum avec Silma et en avoir bu lui-même quelques gorgées dans sa bouteille déjà à moitié vide, le capitaine pirate s'en alla, sans avoir dévoilé ni compétence, ni faiblesse. Tout en se dirigeant vers la barre, il cria des ordres à son équipages utilisant des terres maritimes inconnus pour Sibelle.

De l'équipe affairé sur le navire, deux semblaient disposer d'un peu plus de temps puisqu'ils décidèrent de rendre visite aux deux hinionnes.
L'un après l'autre, ils offrirent leur services à Sibelle et Silma, leur précisant qu'ils étaient gentils et mieux élevés que leur capitaine. Montrant leur beau sourire.
Sibelle qui était préoccupé par le comportement de Sirat, toisa l’homme puis répondit d’un ton calme teinté d’une certaine froideur.

“J’ai besoin de rien, je vous laisse discuter avec Silma, moi, j’ai autre chose à faire.”

Sibelle qui n’avait pas quitter Sirat des yeux, n’eut pas de difficulté à le rejoindre au fond de la cale. Elle vit Sirat attraper un tonneau et en prit un à son tour avec autant d'aisance que l'humoran. Sa force surhumaine, il s'agissait là d'une aptitude qu'elle n'avait pas mentionné, par oubli. Elle en avait tellement l'habitude, qu'elle n'y pensait plus. Les membres de l'équipage eux, furent surpris de voir cette mince elfe manier si facilement les tonneaux. Elle se mit à la tâche sans parler, sans même jeter un regard à son compagnon, sans prendre de pause, suivant un bon rythme et tentant d'ignorer les nausées qui étaient toujours présentes.

Une fois, tous les tonneaux rangés, ils remontèrent sur le pont. Et il était temps. Prise d'une violente nausée, Sibelle courut vers le bastinguage, mais un pirate, ayant deviner ce qui arrivait à la belle, arriva avec un seau de bois qu'il lui présenta. Elle le prit et vomit le contenu entier de son estomac. Après quoi, elle s'essuya et se rinça la bouche avec l'eau de sa gourde. Puis, suivant les conseils de Sirat, elle prit un bouchée de pain afin de tenter de remplir à nouveau son estomac.

Sibelle qui avait attendu avant de s’adresser à Sirat, s’approcha enfin de lui.

Arrivée à sa hauteur, sans dire un mot, elle l’empoigna par le col, approcha ce rude visage vers le sien, planta son regard dans celui de l’humoran, puis dans un chuchotement rempli de reproches, elle lui dit:

“Tu n’as pas honte ? Tu m’avais caché que tu … savais cuisiner le boulom aux herbes.”

Une lueur d’espièglerie passa dans les yeux de la guerrière. Elle fit un clin d’oeil à son compagnon, le relâcha, puis se plaça à côté de lui, silencieuse. Le visage de l'humoran s'éclaira enfin. Il avoua qu'il était heureux qu'elle soit là. Puis avec humour, lui promit de lui cuisiner du boulom aux herbes. Puis sans que Sibelle ne le questionne, il s'expliqua. Il avait connu Silma et Sirius sur une ile démoniaque où ils étaient esclaves, un collier incrusté dans leurs chairs. Il signa un pacte pour sauver quelqu'un et il perdit.

(..sauver quelqu'un.. une femme sûrement.)

Il avait fait sciemment ces choix, il ne le niait pas. Ces choix l'avaient amené sur Aliaénon, et ces mêmes choix l'avaient conduits sur ce bateau près d'elle. Il rendit le cllin d'oeil à Sibelle puis termina en précisant que la vie n'était pas si simple et les choix parfois difficiles.

Sibelle ne fit aucun commentaire, demeurant à ses côtés, elle se contenta de se rapprocher un peu de façon à établir un contact entre eux, épaules contre épaules, pas davantage.

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Sirat
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Re: Le Masamune (Heartless - X2)

Message par Sirat » sam. 6 févr. 2021 09:37

Ils étaient tous les quatre sur le pont. Derrière eux, le bruit des préparatifs se répercutait dans l’air iodé. L’elfe blanche prit la parole. Hormis Sibelle, les trois autres arboraient des cicatrices sur leur visage et leur corps. L’archère proposa de se présenter, Sirat trouva cela étrange, mais resta silencieux. Elle voulait connaître les compétences de chacun et leur faiblesse. Bien que l’objectif fût sûrement de potentialiser les talents, l’humoran voyait cela d’un tout autre regard. Il était hors de question qu’il déballe ses qualités et ses points faible. Il aurait été d’ailleurs incapable de les citer.

Sirius, gauche et maladroit cru que la demande le concernait, mais Silma s’adressait à Sibelle. Il soutira cependant un sourire au visage glacial de la belle accompagné de son harfang blanc.

Conscient de sa maladresse, il détourna l’attention en hélant des bouteilles de rhum à un second, mais la réponse vulgaire de celui-ci laissa une gêne encore plus grande pour le capitaine. Le borgne s’excusa et s’éloigna un instant pour revenir avec deux bouteilles dans chaque main, aux corps renflés et au reflet ambré et une autre sous le coude pour sa propre personne.



Sirat refusa net la proposition de boire, alors qu’a sa surprise Sibelle se présentait. Elle évoqua alors son enfance, son accointance pour le combat et son mauvais caractère.

Sirius émit un sifflement d’admiration. Silma était amusé et l’observait toujours. Sirat lui restait muet, il ne comprenait pas que son amie se prête au jeu dictée par Silma.

Sibelle évoqua son adhésion au danseur d’opale et son refus de l’injustice. L’elfe blanche approuva d’un signe de la tête. Voilà ce qu’elle voulait entendre, pensa-t-il. Il devait simplement dire qu’il était contre l’injustice, il devait faire preuve de démagogie, tout bonnement. Mais cette idée ne lui plaisait pas le moindre du monde.

Sibelle eut un haut-le-cœur, mais se reprit.

Elle aborda ses faiblesses, la crainte de la magie, l’absence de talent pour le combat à distance et les maux de mer. La seule magie qu’elle toléra était celle de sa transformation en hippogriffe.

Pour l’humoran, Sibelle allait trop loin en se dévoilant complétement. Silma souriait toujours, imperturbable, Sirat fulminait, que manigançait cette jeune femme aux cheveux blonds.

La mâchoire de l’humoran se crispa

Silma prit la parole pour continuer son interrogatoire alors que Sibelle avait dit en avoir fini.

Le zélote n’entendait rien d’autre que le sang qui bourdonnait dans ses oreilles. Mais Sibelle l’avait cité et l’attention tombait sur lui. Silma le jaugeait avec froideur et Sirius le regardait avec un haussement de sourcil, qui ne comprenait pas sa constriction.

Mais Sibelle dévia cette attention en demandant à l’archère de se présenter. Ce qu’elle fit d’un ton neutre. Archère, née à Cuilnen, cultivé, tantôt milicienne, tantôt mercenaire, elle avait participer à plusieurs batailles et cita Fan-Ming pour Oaxaca tout en jetant un œil sur Sirat et Sirius.

Oui elle était là et voilà pourquoi elle doutait de l’humoran. Il avait combattu avec Vallel ce jour-là, il avait brisé la muraille. Il eut un sourire taciturne avec le coin de la bouche baissé. Sa chouette s’était posé sur le bastingage, elle échangea avec elle en silence et reprit. Elle se présenta comme héraut de Yuia, voila pourquoi il avait du là sauver ce jour là. Son acte de couper ses liens devant le dragon alors qu’il ne la connaissait pas s’expliquait bien plus clairement. Elle évoqua sa mission défaire la magicienne noire.

Sirius était lui aussi tombé dans le mutisme et son air grave était planté sur Silma.

Elle déblatéra ses compétences, sa capacité à se changer en animal de Nosveris et le fait qu’elle fut bloquer dans le corps d’une chouette pendant quatre ans.

Sirius pouffa de rire.

C’est en chouette qu’elle s’était liée de son autre compagnon ailé Nildë qui les toisait de loin. Elle termina par le fait qu’elle pouvait détecter les illusions et les mensonges.

Le pirate cessa de rire, surpris et perplexe. Le rideau se dévoilait pour l’humoran, elle les interrogeait pour savoir s’il mentait. Ses poings se serrèrent à en blanchir ses jointures.

Se croyait elle au-dessus des lois de l’univers. Zewen décidait et Yuia devait se plier à la volonté de son maître tout comme la magicienne. Chacun des deux héros, dans leur fanatisme, étaient persuadés de leur vérité.

Sirat était paralysé de colère. Sibelle parlait, mais il ne voyait que ses lèvres bouger et ne captait plus aucun son. Sirius lui aussi sembla réfractaire aux idées de se présenter. Il n’appréhendait plus les bavardages, mais un murmure de confusion ou revenait sans cesse le nom de Zewen. Sa peau frémissait d’antipathie et son regard se faisait de plus en plus dur. C’est le calme et la fin de la discussion qui interrompit la mer de rage et de suspicion dans laquelle l’avait plongé ses pensées.

Il éclata.

Voilà, on a fini ? On doit se présenter ? Moi, je sais faire cuire du Bouloum aux fines herbes, moi, je parle bien… Moi, je vole ? C’est ce que tu veux poulette.


Moi, je suis celui qui a coupé vos liens devant le dragon de la magicienne vous évitant une mise à mort



Sibelle observait interdit son compagnon, alors que lui crucifiait Silma et Sirius du regard.

Le pirate ne bougeait pas, mais écoutait attentivement.

Pour le reste, je te laisse la surprise, je ne vais pas te raconter ma vie. La confiance cela se gagne et si on y repense j’ai plus fait pour gagner la tienne que toi l’inverse.

Son ton était dur et son regard acéré.

Tu as peur de l’inconnu qui siège à tes côtés ? Il n’y a pas de confiance sans prise de risque, petite fille.


Héros de Yuia, tu veux connaître ma motivation, là-bas s’écrit l’histoire !


Il pointa l’horizon d’un geste vif.


Et là où naissent les mythes, je serais. Témoin ou acteur, tu me verras au cœur de la bataille. Voilà ma motivation. Si tu ne te sens pas prête, ou si je ne suis pas assez bien pour ta compagnie, tu peux encore descendre de ce rafiot. Maintenant, on doit y aller et je n’ai pas de temps à perdre en discussion.

Sirius était finalement amusé de la réaction de l’humoran. Le zélote qui se sentait perdre ses moyens s’éloigna alors, coupant court à un contre argumentaire.

Il descendit à la cale. Un vieil homme rachitique s’y trouvait et hurlait des ordres aux matelots. Quand il vit descendre l’humoran il ouvrit une gueule édentée pour s’exclamer.

Qu’est-ce qu’y vient chercher, le matou ?

Il se nommait Elias et semblait être le second de Sirius. Sirat ne répondit pas, posa ses affaires et attrapa un tonneau avec force et suivit le reste des hommes pour le déposer au fond de la galère.

Les caisses libéraient un parfum âcre, mais Sirat était trop content d’occuper son esprit et continua la tâche. Il allait en prendre un troisième quand Sibelle débarqua, silencieuse, elle fit comme lui. Il l’observa un peu surpris. Elle ne l’incriminait pas, ne lui demandait rien, elle était juste à ses côtés.

Le vieil homme scrutait la situation de son œil de vautour.

Sirat se remit alors à son labeur, sans faillir et très vite le bateau fut chargé et prêt à partir.

L’humoran remonta avec la rouquine sur le pont, non, sans oublier de remercier le vieil Elias.

Une fois sur le pont l’air frais leur frappa le visage. Il se plaça sur le bord du bastingage, une nuée de navires s’était extirpé du port avec eux et ils obscurcissaient l’horizon. Sirat encore bougon, voulu parler à son amie. Mais celle-ci venait d’être prise d’une terrible nausée au retour à l’air libre. Un des marins lui apporta un sceau, elle l’attrapa et vomit. Elle prit un temps pour se rincer et se passer de l’eau sur le visage.

Remise sur pied elle s’approcha alors de son compagnon et sans qu’il puisse dire un mot l’empoigna par le col. Elle avait le teint pâle, mais son regard était toujours aussi étincelant. Elle le planta dans le sien et chuchota avec une voix teintée de reproche.

Tu n’as pas honte ? Tu m’avais caché que tu…

Sirat s’attendait au pire et peina à déglutir.

… Que tu savais cuisiner le bouloum aux herbes.


Une lueur d’espièglerie passa dans ses yeux et elle lui fit un clin d’œil avant de se placer a coté de lui. Sirat était renversé, malade son amie le soutenait malgré tout, alors que lui n’était aveuglé que par son idolâtrie. Son visage s’empourpra avec un franc sourire.



Je suis heureux de t’avoir à mes côtés.

Lui dit-il avec sincérité. Le vent commençait à souffler et les voiles des navires se gonflaient une à une pour prendre de la vitesse sur l’eau.



Promis, je te ferai ce fameux bouloum aux herbes.



Il prit un instant pour mettre de l’ordre dans ses idées. Le ciel était clair et le soleil était haut. De longues vagues que la brise surmontait d’écume glissaient au rythme des bateaux.



J’ai connu ses deux-là sur une île démoniaque où on m’avait enrôlé de force. Le collier incrusté dans ma chair permettait aux sbires d’Oaxaca de nous contrôler. À un moment, on a dû prendre une décision et pour sauver quelqu’un, j’ai signé un pacte et je l’ai perdu. Mais j’ai fait mes choix en pleine conscience. Je ne m’en cache pas. Ce sont ces choix qui m'ont amené sur Aliaénon et ce sont encore ces choix qui m’ont conduit jusqu’ici, à tes côtés.

Il lui rendit son clin d’œil.

Sont-ils discutables surement. Mais la vie n’est pas noire ou blanche, elle est faite de nuance… Enfin, il me semble. Elle ne le comprend pas, mais chaque décision prise au cours de ces années, nous conduisent tous ici. Ne pas les prendre nous auraient sûrement éloigné de ce but.

Sibelle ne répondit pas, elle se rapprocha et posa son épaule contre la sienne. Il sentit sa chaleur traverser ses vêtements pour le toucher en plein cœur. Il l’épia en coin puis retourna à son observation du large. Il appréciait cette intimité et voulait qu’elle dure l’éternité. Il était juste comblé d’être au côté de la guerrière. Il savait pourtant que ses moments de joie étaient souvent le prélude de terrible déchirement. Il en avait déjà vécu. Mais aujourd’hui ils les gardaient au fond de lui comme des pétales rare et nostalgique qui faisait rempart à sa folie et son désespoir. Cet instant, près d’elle, en ferait partit maintenant et à jamais.

Il vit Heartless et Silma en train de discuter ce qui l’interrompit dans ses contemplations. D’un geste tendre et complice, il bouscula Sibelle pour qu’elle le suive et il se dirigea vers les deux autres aventuriers.

Silma parlait, elle était un peu moins prétentieuse, plus calme. Sirat esquissa un sourire en pensant que le pirate l’avait fait boire. Elle évoquait une stratégie de reconnaissance près des côtes et en approche du château.

Sibelle plus blanche que Silma, fit pourtant un signe d’encouragement à cette idée. Sirat était silencieux mais il n’avait rien a redire a cette idée concrète et pleine de bon sens. Il acquiesça d’un signe de la tête.

Elle continuait d’expliquer ses idées de rondes et les dangers que cela comportait, sur de l’attention de tous. Elle repoussa une mèche de cheveux d’une main et continua. Elle allait évoquer la flotte d’Omyre quand l’humoran la coupa.

Les rondes, c’est bien, mais je n’aimerais pas que l’une d’entre vous se fasse tuer en reconnaissance.

Silma l'observait silencieuse, elle semblait contente qu'il se soit calmé.


Pourtant Sibelle reprit son idée, elle lui donnait la partie du château et s’occupait-elle en hippogriffe des navires. L’humoran céda, il savait qu’elles en étaient toutes d’eux capable. Cependant, un autre point le démangeait depuis qu’il avait rangé les tonneaux dans la cale.

Désolé de vous interrompre

C’est quoi tout ce qu’on a chargé en bas et surtout, tu vas faire une folie ou tu t’en tiens au plan ? Là-bas, si on tue Karsinar, Peraihon viendra forcément pour l’aider et on l’aura aussi.

Le capitaine qui tenait la barre, laissa apparaître un énorme sourire plein d’envie. Les soupçons de l’humoran était justifié. Sirius ne voulait pas suivre le plan de Bogast, qu’il gratifia d’un vieux schnock. La gloire de tout corsaire était à portée de ses mains et il comptait bien se servir. Détruire Pérahion exploserait la réputation de sa confrérie.

Il s’accouda a la barre nonchalamment.

Silma soupira.

Il ne voulait pas laisser sa poule aux œufs d’or, même si cela pouvait lui coûter son équipage et son navire.

Sirat fronça les sourcils alors que Sibelle resta silencieuse les bras croisés.

Voyant leur désaccord il les prit a partit. L’occasion lui semblait trop belle, il ne lui fallait qu’un petit instant près du navire mère. Il semblait exciter comme un enfant.

Le souci, c’est que cette décision ne concerne pas que toi, tu t’es engagé à nous conduire jusqu’au château, moi ainsi que ces dames. C’est une question d’honneur.


Il se gratte la joue.


Le deuxième point c’est qu’on n’approchera pas de son navire comme cela, c’est trop dangereux tiens le toi pour dit.


Il prit un instant et pris une grande inspiration.

Je sers le destin et crois-moi ta destinée n’est pas de nous mener à mort dans une attaque suicide. On doit contourner cette bataille. Choisis bien capitaine, suis le plan évite l’affrontement frontal. La gloire, si tu l’as cherche, se trouve au Castel Vandrack.

Il l’avait vexé et il se rapprocha de lui plein de colère. Il pouvait le faire, répéta-t-il, il y avait un risque, il le reconnaissait, mais il le prenait.

La voix du vieil homme le coupa. L’équipage s’était joint à eux pour recadrer le capitaine et son ego. Le masque d’insolence du pirate s’en alla et il ravala sa salive. Il pliait au désir de tous et surtout de ses matelots, de sa famille. Sirat les regarda d’un air entendu avant de reprendre vers Sirius qui reformulait le plan, maladroitement et encore déboussolé par son échec, pour que tout le monde soit d’accord. Sibelle le coupa vexer et en colère qu’il ne s’adresse pas a elle directement. Sirius s’excusa un peu ennuyé, puis il expliqua que les tonneaux étaient un petit plus au cas ou le plan ne se déroulait pas comme prévu. Il gardait un peu de mystère, mais l’essentiel était qu’il suive le plan.


Soulagée de la conclusion, l'archère souffla et se détendit.

Sirat, derrière Sibelle, déposa ses mains sur ses épaules, pour la calmer.

Tu as pris la bonne décision Sirius maintenant, on va se reposer avant le grand jour.

Ils descendirent sur le pont. La journée se passa calmement. Sirat qui ne supportait pas de rester inactif aida l’équipage. Il tirait les cordages et apprenait sous les ordres d’Elias les rudiments du bon pirate. Il n’aurait jamais pensé prendre autant de plaisir dans cet ouvrage. Il avait travaillé la terre à une époque et aujourd’hui il découvrait la mer.

Pendant le temps de repos, il s’occupait de Sibelle. Il lui tenait les cheveux quand elle vomissait et échangeait en silence complice le reste du temps. Le soir, elle se transformait pour s’extirper à son mal-être dû à l’océan. Puis elle revenait et se couchait près de lui.
Les nuits étaient fraiche malgré les journées de printemps.

Le jour Sibelle passait son temps à monter jusqu'au nid de pie, elle semblait se sentir mieux ainsi et supporter le voyage.

Sirat la regardait d'en bas. Il essuya la sueur qui coulait sur son front et reprenait son labeur avec joie.

Deux jours s’écoulèrent dans la tiédeur du printemps, roulant sur ces eaux calmes. Des goélands venaient hurler près des vigies et le cri des équipages de la flotte agissait comme un bruissement lointain, mais toujours présent.

Finalement, ils abordèrent la côte et l’entrée d’Oranan. Devant eux, se trouvait la flotte démoniaque d’Omyre. Une horde, anarchique, suintant se rependait sur la mer la recouvrant de voile noire opaque. Sirat s’était équipé, il était prêt. Il observait en silence Heartless qui avec sa longue-vue jaugeait l’ennemi. Allait-il tenir sa promesse se demanda le zélote tandis que le murmure des guetteurs se transformait maintenant en une exclamation d’alerte et d’effroi.


Sirius salua Sibelle d'un hochement de tête. Il donna ses ordres, le bateau allait contourner la bataille.
Modifié en dernier par Sirat le dim. 7 févr. 2021 11:39, modifié 1 fois.
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Sibelle
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Re: Le Masamune (Heartless - X2)

Message par Sibelle » sam. 6 févr. 2021 14:20

Alors que Sibelle regardait à l’horizon, perdue dans ses pensées, Sirat soupira, puis la poussa tendrement d’un coup d’épaule avant de se diriger vers Sirius et Silma qui discutaient à la barre à roue située sur le gaillard d’arrière.

Sibelle détourna le regard vers eux, puis se décida à les rejoindre que lorsque Sirat était à leur hauteur. Ce fut Silma qui démarra la discussion. Malgré un léger air de fatigue, elle n’a rien perdu de sa volubilité. Elle proposa donc de partir en reconnaissance avec sa chouette nommée Nildë. Cette dernière pourrait revenir avec un message résumant la situation pendant que l’hinionne tenterait de voir ce qui se passe au castel. Sibelle fit un signe encourageant de la tête, elle approuvait cette première partie du plan. Cependant Silma voyait une faille dans son plan, elle craignait que la situation évolue entre le moment qu’elle écrivait le message et celui où ils arriveraient sur les côtes. Elle proposa aussi de se contenter de faire des rondes de reconnaissance à proximité du navire tant qu’ils ne seraient pas à proximité d’Oranan.
Sirat approuvait l’idée de reconnaissance, tout en redoutant que l’une d’elles se fasse tuer en mission.
Sibelle profita du court moment de silence pour donner son avis.

“Tu peux partir directement vers le château, si tu veux, Silma. Je peux m’occuper des rondes de reconnaissance autour du navire… Sous ma forme elfique, je conserve une partie de ma vision d’aigle, je peux du bateau, reconnaître un petit objet de très loin. Dans le doute, je ferai un vol de reconnaissance. Ma vision acérée me permettra de voir sans être vue.”

Interrompant la conversation sur la reconnaissance, Sirat s’était retourné vers Sirius avec un air soupçonneux. Il voulait tout d’abord savoir ce qu’était la cargaison qu’ils avaient chargée dans la cale, et ensuite sans détour, il lui demanda s’il allait s’en tenir au plan.
Sans quitter son regard de l’horizon, Sirius souriait. Avec la même désinvolture qui lui était propre, il déclara qu’il ne suivrait pas aveuglément les ordres du général Bogast, qu’il affubla du colifichet :vieux schnock. Il avoua avoir choisi cette mission pour combattre Perailhon augmentant ainsi sa réputation et celle de son équipage. Il avait bien envie de ne pas contourner les navires lorsqu’ils seront en face et d’attaquer celui transportant Perailhon.

Il se tut un moment regardant les trois autres avec un sérieux que Sibelle n’avait encore jamais vu. Sa colère grandissant, es bras croisés, le visage fermé, elle écouta sans émettre de commentaire.

Sirat intervint alors lui rappelant qu’il n’était pas seul en cause, qu’il y avait lui et les deux hinionnes. Et puis, il s’était engagé à les conduire à bon port, c’était une question d’honneur. Sirat fit intervenir une fois de plus le destin, tout en précisant qu’ils devaient contourner la bataille et rendre au Castel Vandrack.

Le combat de coqs était commencé, et Heartless n’était pas prêt à abandonner le plan suite aux coups de bec cinglants de Sirat.
En colère, il abandonna la barre et s’approcha de Sirat. Il avait un plan et était persuadé qu’il avait toutes les chances de réussir, il connaissait les risques, mais il voulait profiter de cette opportunité.

Il était en pleine argumentation lorsque la voix d’Elias l’interrompit. Il n’avait que prononcé le prénom du capitaine. Celui-ci comprit. Il se tourna vers celui qui l’avait interpellé et vit tout son équipage qui le fixait les bras croisés contre leur poitrine. Il perdit de son insolence, regarda ses nouveaux compagnons, puis son équipage et retournant à sa barre qu’il empoigna fermement.

Le silence était maître, l’ambiance pesante.

Le regard de Sibelle se dirigea vers l’équipage… pensive. Elle se dit qu’elle aurait avantage à faire connaissance avec les membres de l’équipage si elle voulait en savoir plus sur Sirius. Mais elle balaya vite cette idée de son esprit. Il n’était pas dans son tempérament de jouer les espionnes, elle allait plus tôt droit au but. Sirat affichait l’air de celui qui a gagné la première manche.

Sans les regarder, Sirius prit la parole et comme s’il s’adressait qu’à Sirat sans que les elfes y soient. Il annonça qu’ils suivraient le plan du général, que Silma partirait vers le castel, que Sibelle resterait avec eux, car sa transformation pourrait leur être utile. Puis ils attendraient un signe de Silma pour ensuite élaborer un plan d’attaque.

Sibelle intervint rapidement avant qu’il ne puisse poursuivre davantage, sa voix est ferme, teintée de colère.

“Lorsque tu parles de moi quand je suis là, Sirius, j’apprécierais que tu t’adresses directement à moi. Nous faisons équipe, je ne suis pas ton employée. Et je resterai avec vous pour le moment, parce que JE trouve que c’est mieux ainsi, pour VOTRE protection.”

Son regard noisette dardait le pirate imbibé d’alcool. Son utilité ne se bornait pas qu’à se transformer, elle pouvait, savait et aimait se battre, et pouvait aussi prendre part aux décisions.

Réalisant son manque de délicatesse, Sirius s’excusa. En tant que capitaine, il avait l’habitude d’expédier les ordres.
Puis il expliqua que le contenu de la cargaison leur permettrait de se battre en cas de pépin.

Sibelle prit une grande respiration pour reprendre son calme. Sirat, placé derrière elle, déposa délicatement ses deux mains de géants sur les frêles épaules d’elfe. Ce contact chaleureux lui fit du bien et elle se calma.

Le reste de la soirée se passa sans incident ni dispute. L’équipage de Sirius, était aux petits soins avec Sibelle plein d’empathie pour ses maux de mer, évitant toute raillerie à ce propos. Sachant que Sibelle ne descendrait pas à la salle à manger, ce fut Iguru lui-même qui apportait le repas de Sibelle dans une gamelle bien propre. Prenant place à côté d’elle, ce gros homme fort sympathique, l’accompagna pendant son repas, lui dévoilant même un de ses secrets pour relever le goût de ce poisson à la chair blanche.

Lorsque la nuit tomba et que l’air devint plus frais. Sibelle se transforma en hippogriffe sous les yeux ébahis de l’homme occupant le poste au Nid de pie. Elle prit une position assise et quelque temps après, Sirat vint la rejoindre, se lovant contre les plumes de l’hippogriffe. Quelques heures de méditation suffirent à l’elfe blanche, elle passa le reste de la nuit à regarder les étoiles et à écouter les nombreux ronflements provenant des cabines, mais surtout celui tout près d’elle. Un peu avant l’aube, elle se leva délicatement. De son bec, elle recouvrit Sirat de la couverture qu’elle avait achetée au camp de Val d’Abondance, elle s’éloigna de quelques pas puis prit son envol.

Elle fit une première reconnaissance et passa bien au-dessus des navires Kendran, afin de ne pas se mériter les flèches d’un archer ignorant sa présence. Après une petite heure à voler, elle revint sur le Masamume.

Sitôt sur le pont, elle reprit sa forme elfique et se dirigea vers le grand mât. Une fois à proximité, elle vit l’échelle gravée dessus et décida d’y grimper. Habile acrobate, elle réussit assez bien pour une première fois. Une fois sur le nid de pie, elle salua Plagg, un homme petit et élancé au sourire taquin. Il se dépêcha de lui faire une petite place et lui offrit sa collation du matin que Sibelle accepta, puisqu’elle se devait de se garder le ventre plein pour diminuer les malaises de la mer.

Sibelle passa le plus clair de son temps sur le nid de pie, lorsqu’elle n’était pas en plein vol. De son perchoir, elle se sentait presque aussi bien que dans les airs. Elle descendait de temps en temps sur le pont, pour tenir compagnie à Sirat lorsqu’il était en pause. Ce dernier s’occupait d’elle lorsque son estomac chavirait, retenant entre autres ses tresses lorsqu’elle avait la tête penchée sur le seau. Elle se rendait souvent au Nid de pie, mais elle empruntait toujours l’échelle du grand mât. Elle laissait Plagg épater la galerie avec ses acrobaties et ses sauts de cordes en cordes.

Deux jours s'écoulèrent ainsi sous une température clémente. Lorsque le port leur fut visible, Sibelle du haut du Nid de Pie vit les voiles noirs sans besoin de longues vues. Les navires ennemies étaient nombreux et terrifiants. Ils arrivaient un peu trop tard. Un peu en retrait, Sibelle vit également un autre navire d'une taille impressionnante et d'une apparence troublante.... trop de mâts bordés de voiles rouges sangs, accompagnés d'horribles créatures marines qui bondissaient hors de l'eau. Sibelle descendit en vitesse sur le pont pour entendre avec soulagement Sirius annonçant qu'il allait effectuer un grand détour avec le Mamasume.

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Re: Le Masamune (Heartless - X2)

Message par Heartless » dim. 7 févr. 2021 18:08

Sinaëthin, Sirat et Sibelle s'étaient tous tourné vers Sirius en faisant les gros yeux suite à son intervention. Plein d'embarras, il fit de son mieux pour rebondir :

"Ahem, vu que ça va prendre un bail, autant qu'on se mette bien. Elias, du rhum pour tout le monde !"
"Suce moi !" beugla le vieillard de l'autre côté du pont.

Heartless regarda les autres avec une certaine gêne et après s'être excusé, prit congé de ses invités un court instant avant de revenir avec deux bouteilles dans chaque main. Quant à la troisième logée sous son bras, elle lui était bien entendu destinée. Alors que tous prenaient leurs aises, la guerrière avait commencé à se présenter, et elle n'omettait nul détail quant à ses compétences. Le combat était, à l'entendre, une seconde nature pour elle, contrairement au dialogue. Elle avoua avec difficulté qu'aux yeux d'autrui, elle avait mauvais caractère. Sirius émit un sifflement amusé. Sibelle ne laissa pas ce son impertinent la déranger, et continua. Elle faisait partie des Danseurs d'Opale, un groupe hétéroclite de guerriers qui ne juraient que par leur propre maîtrise des arts guerriers et leur haine de l'injustice. À part cela, ses compétences étaient limitées, et elle n'était pas la plus à l'aise en mer. Seulement, elle disposait d'un pouvoir unique capable de la transformer en une bête de légende capable de vol et d'une puissance surhumaine, un hypogriffe.

Sinaëthin poursuivit son questionnement. Elle s'intéressait tout particulièrement à ce qui aurait motivé cette autre hinionne à s'impliquer dans un tel conflit. Elle répondit qu'elle n'était pas venue au nom des Danseurs, mais au nom du peuple, accompagnée de Sirat. Après s'être tant livrée, elle demanda à l'archère de faire de même. La questionnée lui donna le nom de Silma, bien qu'Heartless la connaissait sous un autre. Désireuse d'explorer le monde, elle avait quitté sa demeure de Cuilnen pour prêter son arc aux défenseurs de la couronne kendrane. Elle avait assisté à la chute d'Henehar, et, bien entendu, à la bataille de Fan-Ming, tout comme les deux borgnes devant elle. Que de souvenirs pour Heartless, c'était là qu'il l'avait rencontrée, sur le navire de la terrible Erzébeth... mais Sirat semblait se lasser de toutes ces confessions. Sinaëthin, ou Silma de son nouveau nom, était une envoyée de Yuïa, déesse des glaces. Cette dernière lui avait conféré le pouvoir de se métamorphoser en n'importe quelle créature de la faune nosvérienne. Incapable de maintenir ces formes pour le combat, cependant, elle pouvait tout de même se faire pousser des ailes pour se battre là où personne ne pouvait l'atteindre. La dame aux cheveux blancs fit toutefois remarquer qu'après être revenue sur Yuimen suite aux événements d'Aliaénon, elle était restée bloquée quatre ans sous la forme d'une chouette.

Heartless, toujours prompt à la plaisanterie, rit à gorge déployée en s'exclamant "Chouette !".
Et en parlant de chouette, il était justement temps de parler de celle qui se tenait depuis un bon moment sur l'épaule de Sinaëthin. Elle l'appelait Nildë, et cet animal l'avait aidé à sa manière à maîtriser son pouvoir et à ne faire qu'un avec la nature de Nosvéris. Elle ajouta qu'elle était aussi venue équipée pour le voyage, qu'elle avait l'habitude des navires et qu'elle possédait le moyen de contacter l'état-major s'il leur arrivait quelque chose, ou du moins de faciliter la communication entre les membres du groupe. Le plus surprenant restait la mention d'un autre don.

"Et je peux détecter les mensonges et les illusions." avait-elle dit en se touchant l'oreille.

C'était un bluff qu'Heartless avait entendu maintes et maintes fois, mais il était enclin à croire ce qui sortait de la bouche de Silma. Sibelle, à charge de revanche, lui demanda d'exposer ses faiblesses afin d'en avertir le groupe. Sinaëthin réfléchit un instant. Son principal défaut était sans aucun doute la fragilité elfique qu'elle n'avait su surpasser, et elle admettait que contrairement à Sibelle, elle ne pourrait être d'une grande aide en situation de combat rapprochée. C'était une archère avant tout. Mais une archère douée avec les mots qui se pensait sans prétention être la meilleure diplomate qu'ils aient sous la main. Bien plus que tout, c'était son calme glacial qui faisait d'elle une aventurière d'exception, le genre de tête froide qui permettait d'analyser correctement et de se sortir des situations imprévues.

Sirius risqua un regard du côté de Sirat. L'humoran semblait bouillir à l'intérieur. Toutes ces présentations à cœur ouvert n'étaient pas de son goût, c'était certain. Irrité, il lança :

"Voilà, on a fini ? On doit se présenter ? Moi, je sais faire cuire du bouloum aux fines herbes, moi, je parle bien… Moi, je vole ? C’est ce que tu veux poulette. Moi, je suis celui qui a coupé vos liens devant le dragon de la magicienne, vous évitant une mise à mort."

Un silence s'installa entre Sinaëthin et Heartless. Ils ne se souvenaient que trop bien de ces événements. Leur face-à-face avec Oaxaca. Sirat avait toujours été d'un caractère ambigu et impulsif, jamais d'un côté, jamais de l'autre. D'un ton indigné, l'humoran grisé fit bien comprendre à l'elfe blanche qu'il avait fait bien plus pour gagner sa confiance que la réciproque. Il pointa l'horizon du doigt.

"Héraut de Yuia, tu veux connaître ma motivation, là-bas s’écrit l’histoire ! Et là où naissent les mythes, je serais. Témoin ou acteur, tu me verras au cœur de la bataille. Voilà ma motivation. Si tu ne te sens pas prête, ou si je ne suis pas assez bien pour ta compagnie, tu peux encore descendre de ce rafiot. Maintenant, on doit y aller et je n’ai pas de temps à perdre en discussion."

Furieux, Sirat quitta l'endroit du pont où tous s'étaient regroupés et partir en cale se changer les idées avec du travail manuel. Bien que cette réponse semblait consterner ses compagnons, Heartless était plutôt satisfait par ce trait de caractère.

"C'est sûr que ça donne confiance." fit Sinaëthin, le ton emprunt de sa déception. "Il a coupé mes liens devant le dragon noir, il est vrai, mais c’était alors même qu’Oaxaca m’annonçait qu’elle m’épargnait. Je n’aurais su dire à quel camp il appartenait et s’il agissait sur son ordre. Plus tard à Fan-Ming, c’est aux côtés de nos ennemis qu’il se battait... Si c’est simplement participer aux grandes batailles qui l’attire, qu’importe pour lui le camp rejoint, nous n’avons aucune assurance qu’il ne nous trahira pas."

"Il ne nous trahira pas." coupa Sibelle. "Il ne me trahira pas."

Sirius haussa un sourcil, impressionné par la confiance qu'elle accordait à son compagnon de voyage. Ces deux-là partageaient sans doute une histoire compliquée. Heartless ponctua ceci avec le cul de sa bouteille de rhum. Peu lui importait le tempérament du bâtard, car il faisait souvent un meilleur compagnon qu'un chien de race. Et si Sinaëthin prétendait pouvoir discerner les mensonges, elle avait sans doute compris que Sirat ne leur avait toujours rien caché.

"J’ai connu mon lot de traîtres." poursuivit-t-il en fixant sombrement les planches de son navire, "J'imagine que depuis le temps, j’ai une certaine intuition. J’ai vu des tas de gens aller et venir, rester puis partir, parfois sans raison. Je suis bien placé pour savoir que les meilleurs alliés sont ceux qu’on peut pas mettre en laisse. Bon !" Il fit claquer ses genoux. "Tout ça c’est passionnant, mais la boule de poils a raison, il est grand temps qu’on s’en aille. Si ces dames veulent bien m’excuser un instant. On pourra reprendre ça plus tard."

Il était temps de partir. Le cap était au nord, et la gloire à portée de main. Derrière la barre, Sirius entendit Plagg exclamer sa surprise. Il suffisait en effet de tourner la tête pour constater que toute la flotte kendrane stationnée au port venait de larguer les amarres. Alors, c'était comme cela que ça allait se jouer. Ils allaient se retrouver au coeur du maelstrom. Le capitaine ne put s'empêcher de rire. C'était comme Sirat l'avait dit : ils étaient là où naissent les mythes.

Une fois le Masamune lancé vers sa mission, Sirius revint sur le pont. Il fut surpris de ne voir que Sinaëthin, assise entre Plagg et Iguru qui lui faisaient la cour comme deux nigauds.

“Hé, vous deux, arrêtez d’emmerder la dame. Z’avez rien de mieux à faire ?”

Après que les deux matelots se soient retirés avec maintes courbettes et formules de politesse à l'adresse de l'elfe, Sirius présenta ses excuses en leur nom. Des jours et des jours en mer sans voir la moindre femme, comment ces lascars pouvaient-ils réagir autrement à sa présence ? Il se prépara à crier un ordre de rassemblement, un conseil de guerre était de mise s'ils voulaient se préparer à un assaut sur les Treize, mais Sinaëthin le prit à part. Certaines questions la taraudaient encore à propos de lui, en particulier, sur les raisons qui l'avaient poussé à rejoindre cette folle entreprise avec son équipage. Était-il un allié sur lequel elle pouvait compter, ou était-il aussi volage que cet autre homme, avec son sale caractère ? Sachant qu'il ne pouvait y réchapper, Sirius la guida à contrecoeur jusqu'à sa cabine, celle réservée au capitaine.

Sirius avait beau afficher un égo surdimensionné, sa cabine était sommes toutes plutôt modeste. Un lit couinant, une armoire dépeinte et un petit bureau collé au mur sur lequel reposaient moult cartes étaient les seuls vrais meubles de la pièce. Une simple fenêtre fermée par un volet de bois raccordait cette salle au monde extérieur et au bercement des vagues. Ce qui faisait sa particularité, c’était l’histoire dont elle semblait avoir été témoin.
Il sortit deux verres d’un tiroir et l'invita à discuter assis autour d'un bon rhum.

“Ahh, si je pouvais remplacer tout le sang de mon corps par cette saloperie."

Ils levèrent tous deux leur verre. C'était au moins un goût qu'ils partageaient.

"Qu’est-ce que t’en dis, pas mal, hein ? C’est la plus grande cabine qu’on a. Bon, c’est pas le grand luxe, c’est même un peu étroit, mais que demande le peuple.”

D’innombrables bibelots étaient accrochés aux murs. D’un côté, il y avait un grand manteau bleu déchiré, complètement ravagé par le temps, un tricorne décoloré, la moitié du squelette d’un petit monstre marin. De l’autre, une pierre blanche comme neige luisait paisiblement sur un petit piédestal à côté d’un long couteau aux ornements tribaux.

“Ouais, c’est loin d’être le meilleur navire. Mais c’est chez moi. Ceux qui vivent ici avec moi, ils sont un peu comme ma famille. Avant que j’aie… tout ça… J’étais le mec le plus paumé du monde.”

Il était possible de voir, derrière lui, dans la grande armoire entrouverte, le dos de quelques ouvrages, certains scientifiques, d'autres historiques, certains fameux, d’autres obscurs; mais il y avait surtout un nombre impressionnant de livres d'aventures, celles qui l'avaient bercé et entraîné au tumulte.

“Enfin, j’étais toujours paumé, en vérité. J’avais la rage. Je voulais marquer les gens, qu’on entende parler de moi, qu’on m’admire, qu’on ait peur de moi. J’ai beaucoup risqué leurs vies par caprice. Je me croyais toujours le plus malin. Je me pavanais avec ce tricorne et ce grand manteau bleu, là-bas. J’étais le capitaine, j’me disais, et on me suivrait quoi qu’il arrive.”

Silma le fixait avec attention. Il dirigea son regard vers la pierre blanche sur le mur. Nosvéria. C'était cet endroit qui avait tout changé pour lui.

“Je me suis fait poignarder dans le dos. On m’a mis en cage. On m’a maudit. Et bien que je m’en sois sorti, j’ai déçu énormément de camarades sur le chemin. J’ai été abandonné. Capitaine sans équipage, une blague. Mais au final, j’ai fini par retrouver le Masamune. Ou plutôt, c’est ces gars-là qui m’ont retrouvé.”

Pourquoi lui racontait-il tout ça ? Avait-il besoin de se confier à quelqu'un ? Craignait-il l'éventualité de sa mort prochaine ? En tout cas, c'était une histoire qu'il n'avait raconté à personne auparavant. Mais c'était cette histoire qui lui donnait la volonté de continuer. Il se leva, et son oeil intense confronta le regard de l'elfe.

“Je ne permettrai pas qu’il arrive quoi que ce soit à ce bateau, et à son équipage. Bon gré, mal gré, je suis le capitaine, et tout ce que je fais, je le fais pour eux aussi. Une fois qu’on aura fait nos preuves dans cette sale guerre, nos vies vont changer, nous serons plus que de simples pirates.”

Il marqua un bref silence, puis se rassit sur son lit, provoquant un misérable couinement par la même occasion. Il demanda à Sinaëthin si elle avait détecté le moindre mensonge dans ses paroles.

"Qui voudrait mentir sur tout ça ?" répondit-elle avec un léger sourire.

Elle finit par lui demander s'il comptait suivre le plan à la lettre ou s'il fallait s'attendre à ce qu'il n'en fasse qu'à sa tête. C'était pour ça, ses questions, après tout. Simplement pour s'assurer qu'elle n'avait pas en face d'elle un traître en puissance, pas vrai ? Sirius prit une grande inspiration.

“Il y a un peu moins d’un siècle, l’Aeronland était à feu et à sang. Un pirate, un Sang-pourpre, s’était fait un nom en pillant sans vergogne côtes et navires et en ne laissant personne lui survivre. Aucun continent ne lui résistait. Capitaines ambitieux, amiraux distingués, même les pires raclures ne pouvaient pas en venir à bout. À la fois guerrier redoutable et ingénieur de génie, il aplatissait tous ses adversaires, jusqu’à ce qu’il finisse par s'octroyer le titre de roi des océans. On pourrait même dire qu’à cette époque, la piraterie existait à peine, parce que ce n’était que lui. Bien sûr, ça n’a pas duré éternellement. Puis un jour, bien sûr, son heure est venue d'un coup, sans prévenir, comme de coutume sur la mer traîtresse. Seulement, c’était tellement un pourri qu’Oaxaca s’est intéressée à son âme. Ce type, c’est Perailhon. Il a quitté le confort d’Omyre pour faire la guerre, et il est à portée de voiles. Et battre Perailhon en mer..."

Son poing s'était serré.

“... C’est un exploit dont aucun marin actuel ne peut se vanter. Si je réussis à faire ça, mon équipage ne sera plus celui d’un capitaine à deux sous. On sera célèbres, respectés. C’est une chance qu’aucun d’entre nous n’a jamais eue dans sa vie. C’est risqué, mais c’est un raccourci que je suis prêt à prendre. Toi aussi, tu pourrais en profiter.”

Silma secoua la tête, impassible. Elle semblait avoir été sculptée dans la glace par Yuïa elle-même. Cette froideur était-elle caractéristique d'une race qui pouvait vivre durant des siècles ?

"Notre mission est de reprendre le Castel Vendrak, Perailhon est l'affaire de la flotte kendranne… Tu penses vraiment que toi et ton brave équipage, même avec notre aide, pourraient vaincre le pirate le plus légendaire, le maître invaincu des mers, qui a aujourd'hui tout le soutien d'Oaxaca ? Il est non seulement très certainement bien loti en matière de navires et d'armement mais qui sait quels pouvoirs il possède également à présent…"

Heartless se leva. La discussion n'avait que trop duré. Il montra à ce visage de marbre son masque d'arrogance. Mais les mots n'étaient que des murs de papier pour le protéger de la peur qui l'inondait.

“Oh, on est capables de bien des choses, crois-moi. Mais ça sert à rien d’en parler ici. Sirat devrait avoir arrêté de bouder depuis le temps. On y va.”

L'hinionne le suivit, mais Heartless ne lui prêtait qu'une sourde oreille.

Vint enfin le moment où tout l'équipage s'était regroupé autour de la barre, tenue par le capitaine à un oeil. L'atmosphère était tendue, mais personne n'avait perdu de vue son objectif. Sinaëthin proposa devant Sibelle et Sirat, qui avait retrouvé son calme, ainsi que devant le reste de l'équipage du Masamune, de partir en reconnaissance autour du castel en solitaire. Ce plan fit l'unanimité. Sinaëthin était sans doute la plus discrète des quatre, autant par les formes qu'elle pouvait adopter que son tempérament. Il était sage de la laisser partir en éclaireur pour préparer l'assaut sur Vandrak. Sirat la coupa pour dire que ce plan ne vaudrait le coup que si elle leur revenait saine et sauve. Un léger étonnement fut visible pendant l'espace d'un instant sur le faciès de la femme au harfang. Le fait que l'humoran semblait se soucier de son sort avait l'air de l'apaiser quelque peu. Sibelle intervint :

“Tu peux partir directement vers le château, si tu veux, Silma. Je peux m’occuper des rondes de reconnaissance autour du navire… Sous ma forme elfique, je conserve une partie de ma vision d’aigle, je peux du bateau, reconnaître un petit objet de très loin. Dans le doute, je ferai un vol de reconnaissance. Ma vision acérée me permettra de voir sans être vue.”

Sirat esquissa un geste et se dirigea vers Heartless, qui était jusque là resté silencieux. Il affichait un air sérieux, chargé de questions.

"C’est quoi tout ce qu’on a chargé en bas et surtout, tu vas faire une folie ou tu t’en tiens au plan ? Là-bas, si on tue Karsinar, Peraihon viendra forcément pour l’aider et on l’aura aussi."

Sirius n'avait pas quitté le ciel bleu du regard depuis le début du conseil. Ses marins l'observaient. Personne ne riait, personne ne plaisantait. Ils l'attendaient.

“Qu’un truc soit clair, j’ai pas l’intention de suivre aveuglément les ordres du vieux schnock. C’est parce que je savais que Perailhon serait impliqué d’une manière ou d’une autre que j’ai proposé mes services. Si tu comprends ce qu’il représente pour les gens de la mer, tu vois comment ça pourrait faire exploser ma réputation et celle de ma confrérie. Et j’ai besoin de ça, ON a besoin de ça.”

Silma laissa s'échapper un souffle consterné. Faisant fi des regards qui se posaient sur lui, Heartless se posa contre la barre. Il n'allait pas courber l'échine si facilement.

“Donc ouais. Je comprends le plan, cependant, je veux pas laisser ma poule aux œufs d’or s’échapper. Mais bon, toutes ces années à échafauder des plans foireux… J’ai pas envie de perdre mon équipage à nouveau. Si couper l’herbe sous le pied du carapacé s’avère trop dangereux, je vais devoir repenser mes projets. Mais cette chance se présentera pas deux fois.”

Le regard de Sirat s'assombrit. Les deux elfes, dans leur calme olympien, écoutaient sans parler, mais il était clair qu'elles étaient en désaccord avec ce qui se disait. Mais Sirat, pensait Heartless, était sans doute du bois qui ne plie pas sous la menace du feu. Peut-être que lui comprendrait le besoin urgent d'accomplir autant que possible dans cette existence éphémère. Sirius n'en démordait pas.

“Allez, j’arrête de tourner autour du pot. Si vous aviez l’opportunité de prouver au monde que la flotte d’Oaxaca est loin d’être invincible, est-ce que vous la saisirez avec moi ? Une passe.”

Il avait levé l'index.

"Un frôlement, un simple frôlement entre son navire et le nôtre. C’est tout ce qu’il me faut.”

Il avait fait sonner la cloche funeste. Sa demande suicidaire avait instauré le malaise au sein de l'équipage. Ses compagnons se demandaient comment il pouvait prétendre pouvoir frôler le navire de Perailhon et en ressortir vivant. L'équipage, lui, connaissait la fougue du capitaine, et s'attendait à entendre ces paroles un jour ou l'autre. Sirius tentait tant bien que mal d'éviter le regard de Sinaëthin. Mais Sirat le fixait. Il s'avança lentement. Heartless se crispa, prêt à défendre sa cause. Mais l'humoran ne s'emportait pas.

"Le premier souci, c’est que cette décision ne concerne pas que toi, tu t’es engagé à nous conduire jusqu’au château, moi ainsi que ces dames. C’est une question d’honneur. Le deuxième, c’est qu’on n’approchera pas de son navire comme cela. C’est trop dangereux tiens le toi pour dit."

D'où lui venait cet air impassible ? Alors lui aussi, il lui faisait la morale sur son propre navire ? C'était sûr, Heartless ne pouvait pas s'attendre à ce que l'on comprenne sa hargne, sa raison de lutter. Combien de ces aventuriers avaient passé leur jeunesse en Exech, à mendier pour un bout de pain et à geler sous la pluie, loin du regard du monde ? Le lion gris se tenait droit comme les murs qu'il aimait tant abattre, soudain le bastion du bon sens et des responsabilités.

"Je sers le destin. Et crois-moi, ta destinée n’est pas de nous mener à mort dans une attaque suicide. On doit contourner cette bataille. Choisis bien, capitaine. Suis le plan. Évite l’affrontement frontal. La gloire, si tu la cherches, se trouve au Castel Vandrack."

Ah ! Bien sûr ! Le destin, maître impitoyable ! C'était la goutte de trop. Sirius s'écarta de la barre, criant au visage de Sirat.

“Mais je peux le faire ! Croyez-moi, je le peux ! J’vous demande juste de me faire confiance. J’ai un plan ! Oui, il est risqué, mais si je prends pas ce risque maintenant, quand est-ce que ce genre de chance se représentera devant nous ? Si on réussit, on pourrait…
"Sirius."


Le borgne se retourna. Son équipage le regardait, les bras croisés. Elias, qui était leur voix, avait emprunté le même ton que lors de ce triste jour où ils avaient décidé de se séparer. Si Heartless se bornait à emprunter cette voie, il risquait de perdre à nouveau son équipage, d'une manière ou d'une autre. Le risque, pourquoi devait-il en avoir peur ? C'était simple, car en tant que capitaine, ses décisions avaient un impact sur la vie des autres. Il savait pertinemment qu’ils s’en remettaient à ses décisions, mais alors qu’il regardait son équipage dans les yeux, son plan et son égo furent remis en perspective. Il n’allait faire que répéter le passé. Le masque d’insolence du pirate s’écroula l’espace d’un instant, alors qu’il ravalait anxieusement sa salive. Il regarda ensuite Sirat d’oeil à oeil, puis Sibelle, puis Silma, puis les autres. Il se malaxa le front, consterné, puis il reprit la barre, la serrant fortement dans son poing.

“... On va suivre le plan de Bogast."

Le calme revint peu à peu sur le navire. Sinaëthin souffla de soulagement. Elias, Iguru et Plagg échangèrent un regard déterminé. Sirat était intérieurement satisfait de ce dénouement. Heartles, qui avait recouvré ses esprits, reformula le plan.

"Quand on sera assez près, Sinaëthin pourra partir en reconnaissance autour du castel, la discrétion sera de mise. Quant à Sibelle, mieux vaut qu’elle reste avec nous tout le long. Sa transformation pourra nous être utile en cas d’imprévus. On contournera la bataille navale en espérant que Sin aura eu le temps de bien repérer les lieux. Faudra sans doute réfléchir à un endroit pour se cacher au cas où leurs navires reviendraient, et un signal pour qu’elle puisse nous trouver.”
"Hé." coupa Sibelle.

Sirius se retourna, surpris de voir l'elfe aussi indignée.

“Lorsque tu parles de moi et que je suis là, Sirius, j’apprécierais que tu t’adresses directement à moi. Nous faisons équipe, je ne suis pas ton employée. Et je resterai avec vous pour le moment, parce que JE trouve que c’est mieux ainsi, pour VOTRE protection.”

Estomaqué, le capitaine balaya du regard son équipage. Certains d'entre eux, donc Plagg faisait partie, s'efforçaient tant bien que mal de ne pas sourire devant cette situation cocasse. Heartless se gratta la tête et présenta ses excuses à Sibelle. L'ambiance était revenue à la normale sur le Masamune.

“Quant à ce qu’il y a dans la cale, c’est de quoi se battre si jamais tout tourne au vinaigre. Je sais d’expérience que les plans bien échafaudés ne s’passent pas toujours comme prévu.”

Sirat avait posé ses mains sur les épaules de Sibelle.

"Tu as pris la bonne décision, Sirius. Maintenant, on va se reposer avant le grand jour."

Le reste du voyage se passa sans accrocs. Sirat passa ces deux jours à trouver son réconfort dans le travail manuel aux côtés de l'équipage. Sibelle combattait son mal de mer en traînant sur le nid-de-pie avec un Plagg enchanté. Quelques marins avaient observé du coin de l'oeil la froide Silma alors qu'elle s'occupait de ses flèches. Quant à Heartless, lorsqu'il n'était pas à la barre, il s'asseyait près de la baliste de proue, équipé d'une scie et d'un marteau. Si les connaissances qu'il avait amassées dans le domaine de l'ingénierie navale valaient le moindre yu, il était bien décidé à faire en sorte que cette arme puisse viser dans toutes les directions avec une aisance accrue. Vu contre quoi ils allaient sans doute devoir se défendre, pourquoi se contenter d'une simple baliste d'armée ? Autant en faire une arme polyvalente qui exploitait la manoeuvrabilité du Masamune. Une nuit, alors qu'il travaillait d'arrache-pied sur l'engin, il fut approché par Elias. Ils échangèrent quelques mots.

"J'dois avouer, c'est rare de te voir écouter les autres, pour une fois."
"Quoi, t'es venu me narguer, l'ancêtre ?"
"Ptèt bien."
"... J'ai compris, tu sais. C'est comme l'a dit Sibelle. Tout le monde fait ses propres décisions. Dis, pourquoi j'ai mis tout ce temps à le comprendre ?
"Parce que t'es un con."
"Ah ouais. Ça doit être ça..."


Lorsque la ligne d'horizon fut enfin découpée par les voiles noires des omyriens, Heartless était sur le pont, paré de sa longue-vue. La bataille au port avait déjà commencé. Nerveux, il observait attentivement les navires ennemis, désireux de glaner autant d'informations qu'il le pouvait sur leurs stratégies et surtout, sur les créatures ramenées par Perailhon. Lorsqu'il entendit la démarche de Sibelle, il la salua d'un hochement de tête. Il remarqua Sirat qui l'observait sans dire mot, sans doute soucieux de voir s'il allait se comporter sagement. En vérité, il avait du mal à se contenir. Il avait même laissé la barre à Elias car il craignait que ses mains ne le trahissent. Peu importe, il comptait en profiter pour observer la flotte oaxienne. Comprendre leurs tactiques, pour pouvoir mieux les contrer à l'avenir. Il remarqua les ombres qui s'agitaient près des coques oraniennes.

“C’est le grand jeu, on dirait. Je crois qu’ils ont même ramené les bestiaux. On devra contourner bien large pour éviter d’attirer leur attention.”

En ajustant sa longue-vue, il put discerner nettement la silhouette du vaisseau de Perailhon. Un véritable monstre, qui flottait sur trois coques grises et dont le centre était cerné d'une véritable forêt de mâts pointus, entravant la vue du pont. Un frisson parcourut l'échine d'Heartless.

“Haha, c’est quoi ce monstre ? Comment il fait pour manoeuvrer avec ces trois coques ?”

Il mit sa longue-vue de côté, puis se tourna vers le vieil homme à la barre.

“Allez Elias, on attend que la bataille commence et on opère un grand contournement par l’ouest ! Dis-toi qu’ils ont sûrement des anguilles assez grosses pour nous bouffer la coque en un coup, de l’autre côté.”

Son second avait répondu par un hochement de tête. Surprenant, le vieux bougre était rarement aussi coopératif. Non, en vérité, cela n'avait rien de surprenant. Son capitaine se comportait comme tel, pour une fois. Ce n'était pas le genre de situations où il pouvait se permettre de dissimuler son soutien derrière son ronchonnement habituel.

"Elle est où, Sin ? Déjà partie ?" demanda Heartless en regardant autour de lui.



(((Le Masamune va contourner la bataille du côté ouest en maintenant assez de distance pour tenter de ne pas attirer l'attention de monstres marins. Sirius va continuer d'observer la situation au port et les navires omyriens. Pendant la nuit, il a opéré des modifications sur la baliste dans un effort de la rendre plus performante.)))

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Sinaëthin
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Re: Le Masamune (Heartless - X2)

Message par Sinaëthin » lun. 8 févr. 2021 11:28

« Sirius. »

Je me tournai vers le pirate, perplexe, et n'étais pas la seule.

« Ahem, pour ceux qui savent pas ou, euh, auraient oublié. »

Soudain très embarassé il rebondit aussitôt :

« Ahem, vu que ça va prendre un bail, autant qu'on se mette bien. Elias, du rhum pour tout le monde ! »

« Suce moi ! » cria un vieil homme de l'autre côté du pont, probablement le dénommé Elias.

Sirius nous regarda tour à tour avec une nouvelle gêne assez comique, s'excusa et s'en alla vers la cale où il disparu promptement. Voilà un capitaine qui n'avait manifestement pas grand contrôle sur son équipage et qui était prêt à faire les choses lui-même si ses subalternes se défilaient. Ceci dit, à en croire les jurons et insultes qui animaient constamment le fond sonore du navire depuis notre arrivée, ce genre d'interaction était aussi naturelle que leur propension à boire du rhum en lieu et place d'eau et n'avait pas l'air d'entamer leur efficacité ni leur respect à l'égard des uns et des autres.

J'en étais presque nostalgique à vrai dire. Le clapotis de l'eau contre le dock, les gloussements des mouettes, les cordages qui battaient contre les mâts, la rumeur des discussions, des exclamations, des rires, les pas qui frappaient lourdement le ponton, le roulement des fûts que l'on chargeait... Tout me rappelait la douce époque où j'avais navigué sur la Mürga pour faire commerce entre Kendra-Kâr et Tulorim. Les navires étaient différents ici, même l'air avait un goût différent, et tout le monde avait un air plus sombre que sur les quais d'une capitale en paix bien entendu, mais les embruns avaient le même effet salvateur.

Nous n'avions pas eu le temps de réagir que Sirius était ressortit avec une bouteille dans chaque main et une troisième sous le bras. Mes yeux pétillèrent d'intérêt. Du rhum à en juger par l'écriture griffonnée sur les étiquettes. Je n'en avais pas bu une goutte, ni d'aucun alcool d'ailleurs, depuis des années et je n'étais pas contre l'idée d'en savourer l'amertume à nouveau mais ceci allait devoir attendre. Alors que le capitaine s'approchait, l'hiniönne répondit finalement à ma question.

Sibelle était indubitablement une guerrière née et malgré un supposé sale caractère je trouvai sa mentalité très rassurante. J'avais horreur des bons petits soldats qui obéissaient aveuglement, jusqu'à tuer des innocents en se contentant de se répéter que leurs supérieurs savaient ce qu'ils faisaient. Et elle détestait cela tout autant que moi. A la mention de sa transformation en la créature légendaire qu'était un hippogriffe je haussai un sourcil et arborai un sourire amusé qui sembla très légèrement la troubler. Je décidai de ne rien dévoiler pour l'instant et lorsqu'elle eut fini je décidai de pousser même pour en apprendre un peu plus sur ses intentions dans un premier temps.

« Un hippogriffe hein ? Voilà qui est intéressant… Je serais curieuse de savoir d'où vous est venu ce curieux pouvoir - si vous l'acceptez - mais pour l'heure nous avons plus important à traiter. Qu'est-ce qui vous a poussé à rejoindre l'armée Kendranne ? Ou à lutter contre Oaxaca ? Êtes-vous une mercenaire ? Une bonne âme qui souhaite sauver le peuple ? Êtes-vous envoyée par votre Clan ? Ou vous répondez à une divinité ou un ordre religions quelconque peut-être ? »

Elle fronça les sourcils, contrariée que l'interrogatoire se poursuive, poussa un soupire puis lâcha :

« Sauver le peuple je suppose. »

J'opinai à nouveau, satisfaite de ses réponses. Elle n'était pas à l'aise avec la conversation et n'avait cessé de manifester son impatience depuis le début mais c'était bien là son seul défaut. Tout faisait d'elle par ailleurs une formidable équipière. Soit, elle n'avait pas le pied marin mais comme elle l'avait précisé ce n'allait pas être un problème. D'autant que la partie délicate de notre mission se passerait sur la terre ferme.

« Et ce n’est pas le clan des Danseurs d’Opale, qui m’a envoyé ici. J’y suis venue de moi-même… Accompagnée de Sirat. » ajouta-t-elle rapidement.

Sirius lança un regard curieux à l'humoran et je m'apprêtais de fait à questionner ce dernier mais Sibelle prit les devants.

« A votre tour à présent de nous fournir des informations sur vous et sur vos motivations.»

« Requête légitime. »

J'acquiesçai d'un très léger signe de tête avec un demi-sourire puis fis une pause le temps de rassembler ce qui me semblait pertinent ou non dans ce que je pouvais partager comme informations avec eux.

« On me nomme Silma. Je viens de Cuilnen, où j'ai beaucoup étudié et acquis une certaine connaissance de la géopolitique des quatre continents. J'ai quitté l'Anorfain par curiosité, puis mis mon arc au service de Kendra-Kâr, tantôt milicienne, tantôt mercenaire, et parfois simplement par hasard. J'ai ainsi participé à plusieurs des batailles récentes - enfin plus ou moins récentes je suppose. J'étais là lorsque Henehar est tombée. Et j'étais… »

Je jetai un regard à Sirat puis Sirius avant de revenir sur Sibelle, puis, supposant que celle-ci avait sans doute déjà entendu parler de Fan-Ming, je poursuivis.

« A Fan-Ming pour y repousser Oaxaca. »

Sirius acquiesça gravement. Je jetai un oeil à Nildé qui s'était posée sur le bastingage à proximité puis reportai mon attention sur mes nouveaux coéquipiers et repris avec un peu d'hésitation dans la voix, consciente que ce que j'allais dire allait sembler encore plus absurde que ce que Sibelle avait pu partager.

« Je suis un hérault de Yuia. J'ai rencontré la déesse, qui m'a par ailleurs ramenée à la vie plusieurs fois, et en échange de sa protection et de certains pouvoirs qu'elle m'a accordé j'ai pour mission de renvoyer Oaxaca dans les abysses d'où elle est sortie. »

Je gardai pour moi la vanité et la jalousie qui se cachait derrière les intentions de Yuia. Car ce n'était pas par souci pour les simples mortels qu'elle voulait voir Oaxaca disparaitre mais bien parce qu'elle ne supportait pas de voir une autre profiter de ce à quoi elle n'avait plus elle-même accès. Un sourire désabusé flotta sur mon visage. Plus j'y pensais et moins j'approuvais la démarche de Yuia, tout en appréciant ses pouvoirs et le fait que je pouvais aider les autres grâce à cela. Peu importait l'intention tant que le résultat était positif, n'est-ce pas ?

« Une bien vaste tâche, qu'elle ne s'attend pas à ce que je mène seule évidemment. J'ai pour rôle de trouver et de rassembler de grands guerriers qui ensemble pourraient enfin mettre un terme à ce chaos. D'où ma présence. Ceci dit je serais probablement venue prêter main forte à l'armée Kendranne, avec ou sans la volonté de Yuia...»

J'observai mes nouveaux compagnons de mission, me demandant si c'était là le genre de héros qu'elle s'attendait à me voir rassembler. Elle n'allait pas être déçue. Enfin sûrement que si. J'avais de toute façon disparu pendant des années et probablement perdu tout son intérêt entre temps.

« Il se trouve qu'à mon retour de Fan-Ming… Vous savez, ce genre de portail est un peu capricieux… » Je fis machine arrière et pris une grande inspiration. « Parmis les pouvoirs que m'a accordé Yuia il se trouve que je peux me transformer à volonté en n'importe quel animal que l'on peut typiquement trouver en Nosvéris. Je peux ainsi me déplacer plus efficacement, couvrir de longues distances et me dissimuler aisément. Tout comme Sibelle je garde toute ma conscience sous ces autres formes mais je suis incapable de communiquer. Et bien que je puisse garder ces formes… plus ou moins indéfiniment, je ne parviens pas à les maintenir et me battre à la fois. J'ai toutefois réussi à garder mes ailes un certain temps tout en ayant ma forme elfique. »

Je fis une pause pour respirer et laisser le temps aux autres de digérer ces informations.

« Cette habileté m'a bien servi lors de la bataille de Fan-Ming mais c'était une chose encore assez récente pour moi. Lorsque j'ai retraversé le portail d'Aliéanon vers Yuimen sous la forme d'une chouette harfang… Je suis restée bloquée. »

Je pris une grande inspiration et décidai d'en rire plutôt que de me lamenter, lâchant donc la fin comme on lâche la chute d'une blague.

« Je reviens tout juste de quatre ans passés sous la forme d'une chouette. »

« Chouette ! » s'esclaffa Sirius, hilare.

« C'est ainsi que j'ai rencontré Nildë. » Je me tournai vers la chouette et ouvris une main en sa direction pour la désigner. « Elle m'a trouvée perdue, confuse, m'a prise sous son aile - au sens propre comme au figuré - et nous avons passé ces années ensemble. Même redevenue moi-même je peux encore la comprendre et la réciproque est valide également. Nous ne nous quitterons plus. » terminai-je pour rassurer à nouveau la chouette.

« Du reste, je suis une archère aguerrie. Et je fais une bonne éclaireuse. Même sous ma forme elfique je suis capable de me glisser n'importe où discrètement, traquer n'importe quoi, me déplacer avec aisance en hauteur et mes sens aiguisés n'ont pas grand chose à envier à ceux que je possède sous n'importe qu'elle autre forme. » Je portai inconsciemment la main à mon oreille droite. « Et je peux détecter les mensonges et les illusions. »

A ces mots Sirius leva le nez de la bouteille de rhum qu'il avait ouverte et je le sentis très intrigué.

« Je suis familière des navires, également. J'en ai possédé un moi-même il y a longtemps… Mon équipement est magique et me permet de me protéger d'une couche de glace au besoin. J'ai avec moi de quoi soigner les blessures mineures, voire même les blessures graves. Et de quoi contacter le camp si nécessaire, ou communiquer entre nous si nous nous séparons à un moment ou à un autre. »

Sibelle ne semblait pas satisfaite de mes réponses mais plus encore elle souhaitait que Sirius et Sirat partagent également leurs peurs, leurs points faibles, ce qui ne leur plaisait pas du tout. Sirius croisa les bras d'un air ennuyé et Sirat ne bougea pas d'un poil, enfermé dans un silence qui me semblait à présent presque hostile. Je décidai donc de répondre en premier.

« Je suppose que je suis d'une composition plutôt légère et, ne maîtrisant pas bien le corps à corps, je tâche toujours de rester à distance de mes cibles. Je viens bien d'acheter deux dagues… . » Je montrai les deux poignards ynoriens à ma ceinture. « Mais il vaudrait clairement mieux que je reste en retrait ou en hauteur, ou alors que l'un d'entre vous s'interpose si l'on tombait dans une embuscade qui force un combat rapproché. Sinon je devrai soit prendre la fuite ou m'abriter dans une gangue de glace et dans tous les cas ne vous serai d'aucune aide. Je n'ai du reste ni affliction ni phobie. J'imagine que… de nous quatre si besoin est, j'ai aussi les meilleures chances de convaincre qui que ce soit de quoi que ce soit. Je m'avance peut-être mais si nous devons à un moment ou à un autre traiter avec qui que ce soit, il semblerait que je sois la seule à avoir le vocabulaire, l'aisance et la tempérance pour gérer la situation… »

Je supposai que tout le monde était parfaitement conscient que personne d'autre, entre un géant muet et terrifiant, un pirate vulgaire et indécent et une elfe manifestement plus portée sur les armes que les conversations, ne saurait tenir ce rôle si besoin était. Toutefois je sentis Sibelle et Sirat se tendre davantage. J'avais peut-être fait un faux-pas. Mais nous n'avions pas tellement le temps de ménager les égos...

« N'y entendez aucun reproche, nous avons tous nos forces et nos faiblesses comme l'a rappelé Sibelle. Je suis en l'occurrence davantage taillée pour le rôle de messagère, l'espionnage, la négociation, la reconnaissance ou une attaque surprise que pour un combat avec l'épée au clair. » Je continuais de réfléchir aux traits de caractère qui pourraient nous porter préjudice, à moi-même comme à l'équipe. « Je garde généralement la tête froide et prends des décisions mûrement réfléchies. Je sais toutefois suivre mon instinct quand l'instant ne laisse pas de place aux tergiversations… »

Un dernier fait me vint à l'esprit.

« Et pour ce que ça vaut, si jamais je me fais capturer… Il est possible que je puisse m'en sortir par moi-même. Outre ma capacité à me transformer, Oaxaca ne souhaite pas s'attirer les foudres de Yuia et est parfaitement consciente de ma connexion à elle. Je ne sais pas si ça marchera une seconde fois mais il est possible que je puisse prétendre ne rien avoir contre elle et que l'on m'épargne. »

Sirius avait offert l'une de ses bouteilles à Sirat qui la refusa d'un brusque geste de la main avant d'exploser si tôt que j'eu terminé ma phrase avec une violence que je n'aurais pas imaginé et ne parvenais pas à comprendre. Il se moqua de moi, raconta comment il m'avait dans son souvenir glorieusement sauvé d'Oaxaca et évoqua le Destin et l'Histoire en pointant l'horizon comme un envoyé des dieux dans les légendes des bardes. Selon lui, la confiance ça se gagnait et j'étais par ailleurs cordialement invitée à quitter le navire si je n'étais pas contente. Enfin il nous fit clairement comprendre qu'il avait mieux à faire que de participer à ces discussions et tourna les talons aussi subitement qu'il avait explosé, laissant même Sibelle interloquée. Elle hésita un instant à le suivre mais se ravisa. Quelle intervention dramatique il nous avait servi là ! Pour un simple égo blessé que je puisse avoir des doutes sur lui ? Je me demandai s'il avait bu avant de monter à bord.

« C’est sûr que ça donne confiance. »
lâchai-je d'un ton dur et déçu. Puis je me retournai vers les deux autres pour leur expliquer ma prudence.

« Il a coupé mes liens devant le dragon noir il est vrai, mais c’était alors même qu’Oaxaca m’annonçait qu’elle m’épargnait. Je n’aurais su dire à quel camp il appartenait et s’il agissait sur son ordre. Plus tard à Fan-Ming, c’est au côté de nos ennemis qu’il se battait... »
Une pause. « Si c’est simplement participer aux grandes batailles qui l’attire, qu’importe pour lui le camp rejoint, nous n’avons aucune assurance qu’il ne nous trahira pas. »

Comment Sirat pouvait-il me demander une confiance aveugle ? D'autant qu'il avait été le premier à se méfier de nos sources et à avoir cherché à se renseigner sur les détails de cette mission. La prudence ne lui était pas inconnue, il aurait dû comprendre la mienne.

« Il ne nous trahira pas…. Il ne me trahira pas. » affirma Sibelle.

Je plongeai mon regard dans le sien et le sondai, tâchant de définir si c'était la naïveté d'une jeune énamourée qui parlait ou une guerrière qui savait pouvoir compter sur son partenaire. Je lâchai un soupir. Je la croyais. Ce serait suffisant pour l'instant. Mais ça ne résolvait rien au problème du tempérament de Sirat.

« Tu prétends pouvoir discerner les mensonges. » intervint le pirate entre deux gorgées de rhum. « Si Sirat nous cachait quelque chose, alors tu l’aurais déjà percé à jour, non ? Laisse pisser, je préfère avoir un type sans allégeance à mon bord plutôt qu’un gentil toutou des kendrans. »

J'acquiesçai avec un sourire blasé. Il avait raison. Mais en attendant le vieux loup rebel dont nous parlions avait réagit avec immaturité et quitté ce que j'aurais aimé être une réunion stratégique par la même occasion. La communication allait être délicate avec lui. Et je n'aimais pas marcher sur des oeufs. Nous avions mieux à faire que de dépenser notre énergie à cela. Comme Sirius nous tendait une bouteille à chacune j'en acceptai finalement une. J'avais bien besoin de cela pour redescendre un peu de la frustration qui battait à mes tempes.

« J’ai connu mon lot de traîtres, j’imagine que j’ai une certaine intuition. » ajouta-t-il, comme pour me rassurer.

J'inspirai et expirai à grande goulée pour me calmer puis débouchonnai la bouteille et pris une grande gorgée du liquide doré. Une trop grande gorgée. Je manquai de peu m'étouffer mais parvins à sauver les apparences car tous deux regardaient ailleurs. J'avais déjà repris ma composition avant qu'ils ne remarquent quoi que ce soit et Sirius poursuivit.

« J’ai vu des tas de gens aller et venir, rester puis partir, parfois sans raison. Je suis bien placé pour savoir que les meilleurs alliés sont ceux qu’on peut pas mettre en laisse. »

Il sembla perdu dans ses pensées l’espace d’un instant, puis se ressaisit après une autre gorgée de rhum.

« Bon, tout ça c’est passionnant, mais la boule de poils a raison, il est grand temps qu’on s’en aille. Si ces dames veulent bien m’excuser un instant. On pourra reprendre ça plus tard. »


*


Déjà il lançait des ordres à son équipage, à grand renfort de gestes et d'insultes, sa bouteille, vide évidemment, toujours en main. La cargaison fut sécurisée, la passerelle, remontée, l'ancre, levée, les voiles, déferlées, et le tout lancé plein Nord en l'espace de quelques minutes. Alors même que nous nous mettions en mouvement, la vigie appela Sirius et attira son attention la flotte kendranne. Je ne l'avais, pour ma part, pas lâchée du regard et m'étais tenue près du bastingage dès le début des manoeuvres, bientôt rejointe par Sibelle.

« Oh, ils comptent nous faire surveiller après tout ? » Sirius se gratta le menton puis se mit à rire. « Hahaha ! Je vois, on va faire un bout de chemin ensemble ! »

Nous ne partions pas seuls. La flotte entière s'était mise en mouvement et prenait la même direction que la nôtre. Le sillage de certains lourds navires de guerre nous fit légèrement tanguer mais nous pûmes globalement sortir du port sans encombre. Bientôt nous nous lancions à l'assaut de la haute mer au côté de toute la marine de Kendra-Kâr. Ils partaient probablement en renfort de la défense du port Oranien. Mon regard s'attarda un moment sur les voiles blanches or et azure qui glissaient sur les vagues émeraudes comme autant de joyaux de la couronne. Combien en réchapperaient intacts ? Je pris une nouvelle gorgée de rhum, consciente que mes joues devaient déjà rosir sous l'effet de l'alcool. Toute résistance à ses effets avait manifestement disparu au fil des années. Elle était bien loin l'époque où je passais la soirée à enchaîner les pintes à la Tortue Guerrière...

Du coin de l'oeil je vis le dénommé Iguru se diriger vers Sibelle et moi-même, avec son grand sourire et son regard un peu absent.

« Euh… Z’avez, avez-vous besoin de quelque chose, mesdemoiselles ? »

Quelque chose tomba subitement au-dessus de moi et se ratrappera aux cordes à quelques mètres seulement de moi avant d'atterrir avec panache et un grand sourire de travers. C'était un homme élancé, le teint mat, les cheveux noirs, que j'avais aperçu un peu plus tôt dans le gréement et qui devait sûrement à son poste de vigie sa physionomie sèche et musculeuse à la fois. Il n'était pas désagréable à regarder. Ce devait être le fameux Plagg.

« Je suis tout entier à votre service, pas comme cet ingrat d’Heartless ! » s'empressa de déclarer le vigie, produisant à cette occasion une caricature de révérence qui m'arracha un sourire.

« Oui, nous on est gentils ! » ajouta Ig.

« De vrais gentilshommes ! » compléta Plagg.

Je doutais qu'ils eussent été aussi courtois si nous avions été des gentilshommes nous-mêmes mais je ne trouvai pas cette attention désagréable. Il y avait bien longtemps que je n'avais pas été regardée avec ce pétillement d'intérêt que je voyais dans ces deux-là. Loin de se comporter en prédateurs, ce que je n'aurais certainement pas apprécié, on aurait plutôt dit deux chiots devant un nouvel os et ne sachant pas par où commencer. Sibelle les toisa en silence un instant avant de les congédier d'un air condescendant.

« J’ai besoin de rien, je vous laisse discuter avec Silma, moi, j’ai autre chose à faire. »

Je la suivis du regard puis haussai des épaules à l'intention des deux gaillards, l'air de dire que je ne savais pas ce qui lui prenait, et pris une autre gorgée de rhum. Je me sentais déjà mieux. Moins soucieuse en tout cas. Sirius fit alors irruption.

« Hé, vous deux, arrêtez d’emmerder la dame. Z’avez rien de mieux à faire ? »

Aussi vite qu'ils étaient apparu, Plagg m'adressa un nouveau salut et remonta dans les cordages tandis qu'Iguru fila retourner dans le ventre du navire, comme deux chiots pris en flagrant délit d'une quelconque bêtise. J'allais avoir du mal à me défaire de cette image.

« Comprends-les, c’est pas tous les jours que des femmes mettent les pieds sur ce navire. Bon, j’imagine qu’il est temps de parler stratégie. »

Je laissai échapper un bref rire. Je ne leur en voulais pas.

« Allons chercher les autres. » ajouta-t-il.

« Attends ! »

Je l'attrapai par le bras.

« Toi et moi on a à parler d'abord. »

Je levai ma bouteille d'un air très sérieux. La douce légèreté que m'avait apportée le rhum était déjà redescendue et je ne démordais pas de ma volonté de tirer au clair les intentions de chacun.

« Et toi dans tout ça ? Tu es là pour le profit, la gloire, par conscience ? Comme toi je n'ai rien contre quelqu'un qui agit uniquement dans son propre intérêt, tant que ça va dans notre direction, mais il est bon de pouvoir estimer les chances qu'il retourne sa veste et de savoir jusqu'où il est prêt à aller. »

Sirius soupira puis rendit les armes.

« D’accord, t’as gagné. Suis-moi. »

Nous traversâmes le pont et il me guida jusqu'à sa cabine sous le regard curieux de quelques membres de son équipage. La pièce était de taille raisonnable pour une cabine mais ses murs étaient encombrés de curiosités aussi variées que déconcertantes. Parmi elles, le squelette d'un animal inconnu, un manteau bleu déchiré et un tricorne qu'il me semblait reconnaitre. N'était-ce pas ce qu'il portait quand nous nous étions rencontrés ? Il possédait un lit, grand luxe sur un navire de cette taille, mais légitime pour un capitaine, ainsi qu'un modeste bureau qui avaient disparu sous des cartes et parchemins variés. L'unique hublot jetait une lumière douce sur l'armoire défraîchie qui se tenait dans un coin. Je ne savais où poser le regard tant le relatif désordre et les artefacts exhibés accrochaient mon regard. Une pierre blanche dressée sur un socle attira tout particulièrement mon attention. Elle était d'un nacré pur et hypnotisant qui n'était semblable à rien que je connaisse.

Le capitaine m'invita à m'asseoir sur la chaise et je m'exécutai tandis qu'il sortait deux verres d'un tiroir de son bureau et nous resservait en rhum. Je préférai ne pas songer à leur propreté.

« Ahh, si je pouvais remplacer tout le sang de mon corps par cette saloperie. »

Je levai mon verre à ses mots et nous trinquâmes. Il entreprit alors de déballer ses états d'âme de jeune capitaine et bien que je ne me sois certainement pas attendue à ce genre de déclaration à coeur ouvert je me gardai bien de l'interrompre et l'écoutai avec un silence religieux, seulement ponctué par le discret déglutissement d'une nouvelle gorgée d'alcool. Il passa, me sembla-t-il, par toutes les émotions de son répertoire avant de finir, son habituel sourire de retour aux lèvres :

« Alors, est-ce que je mens, selon toi ? »

Il ne m'avait à vrai dire pas dévoilé grand chose. Et bien que cet aparté me permit d'apprendre à le connaître un peu mieux, je n'étais pas plus avancée. Tout ce que j'en retirais c'est qu'il était en mal de faire ses preuves.

« Qui voudrait mentir sur tout ça ? » Je baissai les yeux. « Et... Tu comptes faire tes preuves comment exactement ? En menant simplement à bien notre mission ou doit-on s’attendre à ce que tu fasses preuve d’un peu trop de zèle ? Je sais que tu ne souhaites pas mettre ton équipage en danger mais as-tu autre chose en tête que les ordres de Bogast ? »

Je n'allais pas me laisser avoir par son discours faussement rassurant et chargé d'émotion. Il avait pour le moment soigneusement évité de me parler de ses talents comme de ses projets. Il partagea alors avec moi son rêve de vaincre Perailhon et la gloire qui viendrait avec. Il tenta même de me faire miroiter la possibilité que ça changerait ma vie à moi aussi. Je secouai la tête, pas vraiment surprise par les prétentions du capitaine mais un peu lasse de devoir jouer la voix de la raison encore une fois.

« Notre mission est de reprendre le Castel Vendrak, Perailhon est l'affaire de la flotte kendranne… Tu penses vraiment que toi et ton brave équipage, même avec notre aide, pourraient vaincre le pirate le plus légendaire, le maître invaincu des mers, qui a aujourd'hui tout le soutien d'Oaxaca ? Il est non seulement très certainement bien lotis en matière de navires et d'armement mais qui sait quels pouvoirs il possède également à présent… »

Il ne me laissa pas terminer et se leva, tremblant presque, brûlant d'arrogance piquée à vif et d'une soif que je n'aurais su définir.

« Oh, on est capables de bien des choses, crois-moi. Mais ça sert à rien d’en parler ici. Sirat devrait avoir arrêté de bouder depuis le temps. On y va. »

« Sirius ! … »

Il avait déjà quitté la cabine. Je soupirai. Presque triste. Frustrée. En plein doute. Etais-je à ce point rouillée ? Incapable de gérer des interactions comme celles-ci ? Ne savais-je plus parler avec qui que ce soit sans les rendre furieux ? Ils semblaient tous trois tendus et je commençais à me demandais si j'en étais responsable. Je soupirai à nouveau et tâchai de chasser ces pensées sombres. Un cul sec et je m'étais levée, décidée à ne pas me laisser abattre. Je pouvais seulement faire au mieux.


*


Lorsque je reparu sur le pont, Sirius était au gouvernail et Sirat et Sibelle arrivaient à ses côtés. Ils semblaient nettement plus sereins. Cette vision me soulagea. Il était temps de parler stratégie. Je les rejoignis à mon tour. Un air de connivence flottait entre l'humoran et l'elfe. Je ne doutais pas qu'elle avait dû être d'une grande aide pour faire changer son humeur aussi drastiquement. Je m'éclaircis la gorge et décidai de me lancer sans tarder.

« Bon, dans la mesure où nous avons une visibilité très limitée sur ce qui nous attend, je me propose de partir en reconnaissance le long de la côté, accompagnée de Nildë. Une fois à proximité d'Oranan, je pourrais évaluer la situation, puis vous renvoyer Nildë avec un message résumant ce qui vous attend. Pour ma part je poursuivrais ma route jusqu'au Castel et tâcherais d'en découvrir le plus possible avant que vous m'y rejoigniez. Ainsi vous devriez pouvoir éviter la flotte ennemie et je pourrais vous faire un rapport dès votre arrivée à notre destination. »

Sirat et Sibelle acquiescèrent tous deux d'un signe de tête sans m'interrompre.

« Ma seule crainte c'est que la situation peut changer assez drastiquement entre le moment où je vous aurai écrit un message et votre arrivée en périphérie d'Oranan, auquel cas ce message risque de vous induire en erreur. »

Je repoussai une mèche intempestive qui me tombait sur le visage.

« Je peux aussi me contenter de faire des rondes avec Nildë pour nous assurer qu'aucun danger ne nous guette et partir en reconnaissance sur terre une fois seulement que nous serons au niveau d'Oranan. Ainsi dans le cas où nous rencontrerions la flotte Omyrienne… »

« Les rondes c’est bien, » coupa Sirat, « mais j’aimerais pas que l’une d’entre vous se fasse tuer en reconnaissance. »

Je clignai des yeux, surprise. Il était enfin prêt à discuter sérieusement. Et investi dans notre mission. Et se souciait que je me fasse tuer en reconnaissance. Il n'était toujours pas très bavard mais il avait clairement exprimé son opinion et avait marqué un point. Outre le fait que la situation pouvait évoluer rapidement, m'envoyer en éclaireuse c'était en soi prendre le risque de me perdre directement aux mains de l'ennemi sans possibilité d'intervenir avant un ou deux jours après cela.

L'humoran se tourna ensuite vers Sirius et le questionna sur son plan. Accoudé à la barre, le regard au loin, toujours souriant, Sirius nous raconta calmement que c'était uniquement pour la possibilité de défier Perailhon qu'il avait rejoint la mission. Mon air s'assombrit. J'espérais sincèrement que Sirat serait du même avis que moi et pourrait faire entendre raison à son ami qui poursuivait ses folles palabres comme si de rien n'était. Devant notre silence, il se retourna finalement vers nous et nous observa avec un sérieux inhabituel, jaugeant probablement le soutien qu'on lui apporterait. Sibelle avait les bras croisés, le visage fermé, les lèvres pincées. Sirat fronçait les sourcils d'un air orageux en attendant des explications. Quant à moi, je lui adressai un lent hochement négatif de la tête, pas plus enthousiaste que je ne l'avais été dans la cabine.

« Si vous aviez l’opportunité de prouver au monde que la flotte d’Oaxaca est loin d’être invincible, est-ce que vous la saisirez avec moi ? Une passe. » Sirius leva un doigt en l'air. « Un frôlement entre son navire et le nôtre. C’est tout ce qu’il me faut. »

J'étais interloquée. Il n'avait rien dévoilé de ses forces ni de ses faiblesses et je me demandai s'il avait des pouvoirs qui lui permettraient d'abattre Perailhon aussi facilement.

« Comment ça c'est tout ce qu'il te faut ? »

Il me fixa brièvement puis détourna le regard. L'humoran fit un pas vers lui, menaçant, et la tension monta d'un cran mais la tempête ne vint pas. C'est dans le plus grand calme que Sirat prit le parole et se fit, pour une fois, la voix de la raison. Le capitaine s'emballa de plus belle, jurant qu'il en était capable, fou de rage qu'on ose en douter, puis...

« Sirius. » fit une voix derrière nous.

Nous nous retournâmes. C'était son second, Elias. Tout l'équipage derrière lui. Tous attendaient, les bras croisés, l'air soucieux. Soucieux que leur capitaine prenne la bonne décision. Prêts à le suivre jusqu'aux Enfers probablement s'il le fallait, mais pas tellement emballés par une manœuvre suicidaire quoi qu'il en soit. La colère et l'insolence du pirate se brisèrent net. Il hésita, nous regarda tour à tour, se massa le front en faisant la moue, puis repris finalement le gouvernail sans éclat. Résigné.

« On va suivre le plan de Bogast. Quand on sera assez près, Sinaëthin pourra partir en reconnaissance autour du castel, la discrétion sera de mise. Quant à Sibelle, mieux vaut qu’elle reste avec nous tout le long. Sa transformation pourra nous être utile en cas d’imprévus. On contournera la bataille navale en espérant que Sin aura eu le temps de bien repérer les lieux. Faudra sans doute réfléchir à un endroit pour se cacher au cas où leurs navires reviendraient, et un signal pour qu’elle puisse nous trouver. »

Un long frisson de soulagement me parcourut l'échine et je sentis mes épaules se détendre progressivement. Le pire était évité pour l'instant. Et nous avions d'une certaine manière trouvé un équilibre en tant que groupe. Enfin presque. Sibelle sermonna alors le capitaine sans ménage sur la façon qu'il avait de présumer qu'elle suivrait ses ordres et de parler d'elle à la troisième personne en sa présence. Une lueur mauvaise flottait dans son regard et j'aurais parié que c'était l'alcool qui avait parlé. Sirius s'excusa maladroitement, décontenancé de se faire réprimander de la sorte. Sirat posa alors ses mains sur les épaules de Sibelle pour l'apaiser et répondit au pirate avant qu'elle puisse ne le faire afin de clore la conversation.

« Tu as pris la bonne décision Sirius. Maintenant on va se reposer avant le grand jour. »

Je les suivis du regard en me demandant à nouveau quel genre de lien les unissait, avant de me rappeler que ça ne me regardait pas. Je les enviais un peu. Avoir quelqu'un sur qui on peut compter, qui sait gérer nos émois et que l'on sait aider également à traverser ce que la vie nous jette à la figure. Nildë émit un cri perçant et quitta son perchoir pour venir sur mon épaule. Je me pris quelques plumes dans la figure et je devais encore m'habituer au poids soudain sur mon épaule mais au moins l'épaulette m'épargnait ses serres. Je la caressai tendrement.

« Tu sais bien ce que je veux dire. » fis-je à voix haute en la regardant dans les yeux.

Elle fit mine de vouloir pincer mes doigts puis se radoucit. Elle constatait heure après heure davantage qu'elle était loin de pouvoir saisir l'ampleur des émotions et des pensées qui me traversaient. Bien qu'elle eusse préféré que nous restâmes à jamais deux âmes soeurs vivant libres du monde des bipèdes et de ses complexités, elle comprenait que j'étais avant tout une elfe et qu'une vie de harfang ne pouvait plus me satisfaire, pas plus qu'une vie sans elle. Je restai un moment, silencieuse, aux côtés de Sirius, contemplant la mer et le va-et-vient de son équipage affairé. Tant de choses s'étaient passées en seulement deux jours. Mes réflexes m'avaient sauvé la mise et j'avais assez facilement réintégré ma peau et ma vie d'hiniönne mais tout avait cet air étrange qu'ont les rêves. Au bout d'un long moment je m'accoudai au garde-fou du chateau arrière, oubliant bientôt la présence du capitaine non loin, et me perdis dans les songes éveillés de cette drôle de vie, le regard dans le vague.


*


Ce n'est que lorsque la température commença à fraîchir et que le ciel se para de nuances roses, violacées et orangées que je me redressai finalement, réveillant au passage Nildë. Elle s'envola vers la vigie, cherchant un endroit plus au calme pour finir sa sieste et j'entrepris de m'étirer consciencieusement. Mes muscles étaient légèrement endoloris par cette position prolongée mais étaient par ailleurs en parfaite condition. Comme s'ils avaient bénéficié de mon activité de ces quatre dernières années. Je me demandais comme la magie de ma transformation fonctionnait. Une question de plus laissée sans réponse. Ceci dit, un peu de pratique ne pouvait pas me faire de mal. Aussi, après m'être débarassée de tout ce qui pouvait m'encombrer sous le pont j'entrepris de grimper au gréement pour me dégourdir les jambes, et les pattes.

Un peu gauche au début, je pris vite en assurance et disparu bientôt du regard de tous derrière une voile. Là, je me concentrai sur l'image et les sensations d'un petit rongeur et me transformai aussitôt en un genre d'écureuil au pelage gris clair et à la queue un peu plus courte que d'ordinaire. Je repartis d'un bon à l'assaut des cordages qui se mirent à balancer de manière incontrôlée sous mon élan, rendant mon ascension plus périlleuse. Je décidai en un éclair de prendre mon envol et pris alors les traits d'un faucon. Je poussai un long cri, filai entre les voiles, les mâts, les cordages avec allégresse puis remontai en flèche vers la vigie où je savais trouver Nildë. Ma brusque apparition surprit Plagg qui partit d'un grand rire quand je passai du faucon au harfang avant de me poser à côté de lui et de réapparaître soudainement sous forme elfique. Le vertige me fit pâlir une fraction de seconde puis je partis moi aussi d'un grand rire. Ces transformations avaient quelque chose de grisant qui m'emplissait de joie et d'une légèreté que je n'avais pas connu depuis longtemps.

Je jetai un coup d'oeil à Sirius en bas, fis un clin d'oeil au vigile et me re-transformai en oiseau, guère plus qu'un moineau cette fois-ci. Je me jetai dans le vide, descendis en piqué au ras de l'eau à l'abris du regard du capitaine, rasai les vagues jusqu'à revenir derrière le bateau et montai en cloche pour me positionner derrière lui, dans son angle mort. Là, à seulement un ou deux mètres du sol, je me transformai en panthère des neiges et tombai lourdement sur le plancher avant de pousser un puissant rugissement dans le dos du pirate. Ne lui laissant pas le temps de réagir je le contournai et me transformai en renard polaire sous ses yeux et filai sur le pont, slalomant entre les marins pris au dépourvu. Déjà je sautais à nouveau par-dessus bord et me re-transformais en moineau, puis en harfang, et reprenais de la hauteur. Il était temps de faire un tour de la flotte et voir ce que nos voisins de navigation faisaient de beau.

Il se passa bien deux heures avant que je revienne, fourbue, sur le pont, toujours sous ma forme de harfang. Les vents étaient bien plus intenses et changeants en mer qu'ils ne l'étaient sur le continent et j'étais vidée. Je n'avais entre autres pas appris grand chose et avais rapidement abandonné l'idée de recenser tous les navires de cette armada. Ils étaient trop nombreux et l'exercice était assez fastidieux. J'étais restée en vol davantage pour tromper l'ennui que par utilité. Nildë quant à elle avait apprécié de prendre un peu distance avec le navire. Et maintenant qu'il faisait nuit, elle ne pensait qu'à une chose : Chasser. Je lui déconseillai mentalement de s'aventurer jusque sur la côte pour l'instant et lui recommendai de chasser les rats à la place. Je pouvais aussi partager mes provisions avec elle mais elle préférait s'adonner aux course-poursuites exaltantes que de se contenter d'un morceau de viande séchée, trop salée à son goût. Elle repartit bientôt, me laissant seule perchée sur le gaillard avant, perdue dans mes pensées. Les matelots me jetèrent quelques regards de temps à autres mais personne ne vint me déranger.


Le second jour je me joignis à l'équipage pour prendre mes repas à la cuisine. Malgré le mal que je me donnais pour afficher un air jovial il n'y eu malheureusement qu'Iguru pour me rendre un sourire. Était-ce ma race, mon genre, mes transformations ou autres chose qui rendait les matelots méfiants ? Je n'aurais su dire. Ou peut-être simplement qu'ils étaient trop habitués à rester entre eux à bord pour me faire une place dans leurs les récits de leurs folles histoires, les contes marins et les chaleureux souvenirs des dernières filles de joie à qui ils avaient rendu visite… Je décidai de ne pas m'en vexer. J'aurais pu retourner voir Plagg mais je savais que Sibelle, qui souffrait du mal de mer, avait trouvé refuge dans la vigie et je ne souhaitais pas m'imposer dans cet espace assez restreint. Quant à Iguru… Il était sympathique mais je n'avais pas grande envie de m'asseoir pour boire un coup avec lui en refaisant le monde. Je m'étais donc contentée de ma relative solitude et décidai de m'installer sur le pont dans un coin où je ne dérangeais pas pour passer la majeure partie du second jour à inspecter, nettoyer, affûter et polir mon attirail. J'admirai une nouvelle fois longuement les dagues que je venais d'acquérir. Il aurait été bon que je m'entraîne à leur lancer mais je doutai qu'un navire soit l'environnement idéal pour une telle pratique. Quoique, j'eusse surement beaucoup à apprendre des gars à bord…

Régulièrement j'entendais Sibelle vomir quelque part sur le navire. Je m'y étais habituée mais ce gargarisme particulier me provoquait toujours un haut-le-coeur. Fidèle gardien, Sirat ne s'éloigna jamais trop d'elle et l'accompagna tout au long de ce lancinant concert de dégorgements. Je les plaignais tous deux. Sirius quant à lui, quand il n'était pas à la barre, passa un temps considérable sur la baliste, de jour comme de nuit. Parfois je l'entendais jurer, se parler à lui-même, et décidai de ne pas le déranger. C'était à se demander s'il dormait jamais d'ailleurs.

Je passai la seconde nuit comme la première, perchée sur le gaillard avant, seule, Nildë partie chasser à nouveau. Cette nuit-là Elias vint trouver son capitaine alors qu'il travaillait encore et toujours sur son engin de guerre.

« ... J'ai compris, tu sais. C'est comme l'a dit Sibelle. Tout le monde fait ses propres décisions. Dis, pourquoi j'ai mis tout ce temps à le comprendre ?

« Parce que t'es un con. »

« Ah ouais. Ça doit être ça... »

J'aurais souri, mais les oiseaux ça ne sourit pas. Derrière leurs insultes il y avait à n'en pas douter beaucoup d'affection entre Sirius et son second. Ça faisait chaud au coeur. Le pirate avait ses torts, mais il avait aussi ses qualités. Restait à voir comment il se battait.

Au second matin, puisque nous ne devions plus être qu'à quelques heures d'Oranan, je pris tôt mon envol, laissant Nildë somnoler sur le mât de misaine. Il ne fallut pas longtemps avant que j'aperçoive les voiles noires d'Omyre aux prises avec les maigres défenses du principal port Ynorien. Gardant une distance de plusieurs centaines de mètres entre mois et les premiers navires, je décrivis un large arc de cercle autour de la zone de combat pour un meilleur aperçu de la situation. Les navires tanguaient, les soldats criaient, la fumée montait de pars et d'autres et la mer elle-même semblait bouillonner. A bien y regarder, ce n'était pas tant que la mer bouillonnait ; Elle était agitée par de gigantesques formes incompréhensibles qui restaient juste sous la surface de l'eau et ne la fendaient qu'occasionnellement, dans de grandes gerbes d'eau qui me rendaient difficile leur identification. C'était de toute façon beaucoup trop gros pour être quoi que ce soit que je connaisse. Un peu à l'écart de tout cela, indifférent à l'agitation, véritable forteresse flottante, se trouvait un monstrueux cuirassier aux voiles rouge sang. Il avait plus de mâts que je n'arrivais à le comprendre, chapeautés de torches embrasées semblables à des cheminées, et dégageait une odeur âcre et piquante qui n'avait rien de naturelle. C'était sûrement le vaisseau amiral. Avec ou sans Perailhon à son bord. Il était suffisamment en retrait de la bataille pour pouvoir changer brusquement de cap à tout moment sans être gêné par le reste de la flotte et malgré son air lourdeau je ne souhaitai absolument pas mettre ce monstre à l'épreuve, ni ceux qui s'ébattaient sous lui. Nous avions intérêt à prendre vraiment large pour ne pas être ne serait-ce qu'aperçus. Il était temps de rentrer au navire.

Quand je l'atteignis tout le monde était déjà sur le pont. Il avait bien avancé en mon absence. Sirius observait déjà la bataille depuis sa longue vue et donnait ses ordres, en accord avec ce que nous avions convenu deux jours plus tôt.

« Allez Elias, on attend que la bataille commence et on opère un grand contournement par l’ouest ! Dis-toi qu’ils ont sûrement des anguilles assez grosses pour nous bouffer la coque en un coup, de l’autre côté. »

J'atterrissais tout juste à leur côté en me retransformant lorsque Sirius me mentionna.

« Elle est où, Sin ? Déjà partie ? »





(((( Si jamais il y a autre chose à repérer lors du survol de la bataille navale que ce qui était déjà dans ta MàJ je suis preneuse du coup Cromax et j'éditerai en fonction ! Sachant qu'un harfang peut voir du mouvement à 1km.))))
Modifié en dernier par Sinaëthin le lun. 8 févr. 2021 20:23, modifié 1 fois.
Silma, Héraut de Yuïa, hinïonne aussi connue sous le nom de Sináëthin Al'Enëthan, accompagnée de Nildë, harfang des neiges.

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Cromax
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Re: Le Masamune (Heartless - X2)

Message par Cromax » lun. 8 févr. 2021 17:02

La Fin d’une Ere
(Mission « Castel Vandrak » (Sibelle, Sirat, Silma, Sirius))




Lors de ses envols, Sibelle remarqua le grand nombre de navires alliés qui les accompagnaient. C’était une véritable armada qui se déplaçait, sans doute en provenance tant de Bouhen que de Kendra Kâr. Cela présageait une bataille longue, pénible et sanglante.

Silma, de son survol des navires ennemis et du port d’Oranan, put voir la terreur d’une bataille qui commençait. Les navires kendrans étaient en retard pour protéger le port, et la flotte Omyrienne prenait déjà d’assaut les trop peu nombreux navires ynoriens. Les assauts et accostages étaient nombreux, violents, sanglants. Elle crut même voir à un moment un garzok musculeux arracher à mains nues le mât d’une jonque pour l’abattre sur le navire. Du côté de l’énorme vaisseau amiral, elle put voir les ombres d’immenses créatures marines qui escortaient le mastodonte de métal. Sur le pont, de nombreux guerriers, arbalétriers et marins s’affairaient. Mais ce n’était rien à côté de la personne qui maniait cette énormité : un être grand, terrifiant, engoncé dans une armure orangée comme celle d’un terrible crustacé. Il dirigeait le navire d’une main, tenant dans l’autre un trident acéré. Il ne faisait aucun doute sur son identité : Perailhon, le cauchemar des Mers.


Image


Le Masamune et son équipage mirent tout en œuvre pour s’éloigner le plus possible de la vision d’horreur que cette masse flottante imposait. Ils firent un large détour pour être sûrs de ne pas attirer l’attention des ennemis, bien trop concentrés sur la bataille en cours et à venir, heureusement pour eux. Au bout de plusieurs heures de voyage au large des côtes ynoriennes, ils n’étaient plus en vue. Ils purent de nouveau s’approcher de la masse continentale.

Le crépuscule tombait sur la mer alors qu’ils approchaient de ce qui semblait être le port du camp ennemi. Un ramassis de quais de bois, de cabanes et de tentes chaotiquement placés dominait le reste du campement, immense, à perte de vue, qui semblait entourer toute la capitale ynorienne. En bordure de ce camp, vers le nord, un castel de briques aux toits hauts et pointus laissait entrevoir sa silhouette, à plusieurs centaines de mètres de votre position. Leur destination, le Castel Vandrak. Ils étaient arrivés à « bon port ». Il leur restait à décider quoi faire : comment aborder le problème ? Se parquer directement sur les quais omyriens ? Poursuivre plus loin leur trajet et trouver une crique où se planquer avant de débarquer ? Abandonner là le navire pour une autre solution de transport ? Et comment traverser le camp adverse ? Le contourner ? Le survoler ? Les possibilités étaient nombreuses.



[HJ : Décidez de la stratégie à aborder et finissez votre post sur sa mise en place. Je suis disponible pour répondre à vos éventuelles questions.

XP :
Sibelle : 0,5 (présentations détaillées) + 0,5 (discussion stratégique) + 0,5 (reconnaissance visuelle et vie maritime).
Sirat : 0,5 (présentations détaillées) + 0,5 (discussion stratégique) + 0,5 (vie maritime).
Sirius : 0,5 (présentations détaillées) + 0,5 (discussion avec Silma) + 0,5 (discussion stratégique) + 0,5 (vie maritime)
Silma : 0,5 (présentations détaillées) + 0,5 (discussion avec Sirius) + 0,5 (discussion stratégique) + 0,5 (vie maritime, métamorphose et reconnaissance)]

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Sinaëthin
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Re: Le Masamune (Heartless - X2)

Message par Sinaëthin » lun. 8 févr. 2021 20:25

J'avais presque envie de répondre avec humour à Sirius mais ce n'était pas vraiment le moment.

« Je ne sais pas ce qu'ils ont avec eux mais il y des créatures énormes sous l'eau un peu partout autour de leurs navires. Je n'ai pas réussi à en voir une seule distinctement, je n'ai aucune idée de ce que c'est. Et le vaisseau amiral se tient à l'arrière, un énorme… Je ne sais même pas comment appelé ça, avec plein de mâts, des voiles rouges, de la fumée. Et je crois bien que Perailhon est à son bord. A moins que les amiraux en armure de crustacé armés de trident ça courre les mers... On est déjà bien trop proches ! Leur flotte nous aura déjà repérés. On devrait ralentir un peu et peut-être même en profiter pour faire un peu demi-tour avant de contourner tout ça. Personne n'a envie que cet engin nous aperçoive… »

Déjà notre navire perdait en vitesse, laissant la flotte qui nous accompagnait nous dépasser entièrement et filer droit sur les voiles noires. Bientôt l'attaque sans pitié d'Omyre sur ce qui restait du port d'Oranan se transforma en un vaste champ de bataille où tout et tous se mélangeaient dans le plus grand chaos. Bord à bord, les navires de guerres entraînaient leurs matelots dans une danse folle et la mer prit peu à peu une nuance plus sombre, souillée par le sang des Omyriens comme des Kendrans. Si tôt l'armada d'Oaxaca aux prises avec ce nouvel ennemi surgit tardivement, nous en profitâmes pour prendre le large et contourner avec force précautions la zone de combat.

Cette vision d'horreur laissa certains hagards, songeurs, soucieux, inquiets à l'idée de ce qui nous attendait au castel. S'il était rassurant que Perailhon soit déjà occupé à Oranan, je ne manquais pas d'imaginer qu'il puisse plier cette offensive en l'espace d'un jour ou deux et retourner vers le Castel pour une raison ou pour une autre, nous piégeant alors là-bas. C'était absurde, mais j'eu du mal à me défaire de cette crainte. Il n'y avait plus qu'à espérer que ce légendaire pirate et ses monstres n'aient aucune raison de remonter au Nord. Je m'y connaissais trop peu en bataille maritime pour avoir la moindre idée des chances que les Kendrans avaient de repousser la flotte Omyrienne. C'était peut-être mieux ainsi, dans les cas où les chances eussent été démoralisantes.

Une fois suffisamment éloignés j'entrepris de faire des rondes aériennes régulières sous la forme d'un grand aigle gris pour m'assurer que nul ne nous suivait ou ne se trouvait sur notre chemin. J'avais pu constater que sa physionomie était plus appropriée aux contraintes de la mer. J'étais plus silencieuse sous la forme d'un harfang mais j'étais également un peu plus volumineuse en un sens et surtout le ciel dégagé eut tôt fait de me faire hyperventiler sous mon épais duvet cristallin. J'avais pensé qu'un aigle, que l'on trouve également dans les régions chaudes, serait plus adapté et je ne m'étais pas trompée. Les sensations étaient similaires quoique différentes et je savourai la façon dont les courants d'altitudes m'ébouriffaient le plumage et caressaient subrepticement la peau au-dessous.

Les vents nous restèrent favorables et après plusieurs heures nous pûmes enfin commencer à nous rapprocher de la côte, finalement hors du danger de tomber sur des voiles noires retardataires. Le ciel s'embrasait à nouveau et je faisais une pause sur le pont avant lorsque nous arrivâmes à nouveau en vue de la terre ferme.

« Je pars en reconnaissance. » lançai-je à Sirius avant de repartir, cette fois-ci sous la forme d'un rapace de petite taille, brun moucheté de noir.

Je pris grand soin d'imiter ce que je pensais être un vol tout à fait naturel et m'approchai du port de fortune qui défigurait la berge. Des pontons en bois s'élançaient précairement à l'assaut des eaux grises. Construits en hâte, ils donnaient des airs de village de pêcheurs aux abords du campement, si ce n'est que des pêcheurs auraient sûrement monté leurs quais avec plus de méthode et d'élégance. Le résultat était là ceci dit ; Un port qui s'étendait sur une large portion de la rive, frangé de passerelles à présent désertes. Seuls subsistaient un navire un peu plus petit que le nôtre et trois barques. Le tout était vide. Aussi vide que le quais. Les premières tentes du campement débordaient presque sur cet espace. Simples bâches de toile tendues sur des piquets, elles avaient poussé comme des champignons sur toute la plaine et dans el plus grand chaos. On était loin des rangs serrés et des passages bien alignés du camp kendran. Si l'anarchie de ces premières rangées d'abris ne me surprenait pas, je m'attendais toutefois à y trouver plus de monde. Il y avait bien quelques orcs qui vaquaient ici et là à leurs occupations mais le camp semblait pour ainsi dire vide. Comme je n'y voyais pas non plus de tour, d'archer, de balliste ou autre machine de guerre de taille, je décidai de pousser jusqu'à survoler le port en soi puis le reste du camp.

Il ne me semblait pas y avoir plus d'une centaine de soldats dans cette première partie du campement qui avait dû en abriter au moins le quadruple. Au bout de quelques centaines de mètres en direction du château dont je discernais à présent le toit, les tentes en toile laissaient place à des tentes en peau, nettement plus organisées, et nettement plus habitées. Liykors noirs. Une garnison entière de Liykors noirs formait comme un cercle de protection autour du château, aussi loin que mon regard se portait. Il devait y en avoir des centaines. Sans être sur le pied de guerre ils étaient toutefois prêts en cas d'attaque ; Parfaitement éveillés, ils mangeaient, buvaient, et grognaient abondamment dans le langage qui était le leur et que je ne comprenais pas. Nulle trace de Garzok ou d'humains dans cette seconde partie du campement. Je me demandai s'ils pourraient nous sentir si nous nous approchions trop de leurs tentes… L'air de la nuit embaumait pour l'heure l'hummus, la fumée, l'huile et une essence qui devait être celle des pins qui ponctuaient cette côte. C'était assez agréable, tout comme la brise sous mes régimes, mais la tension continuait de faire battre rapidement mon coeur. Oserais-je pousser jusqu'à inspecter le castel ?

Je compris rapidement pourquoi Bogast avait traité le château Vandrak de castel. Alors que je m'en approchais, je pu constater qu'il ne comportait rien de plus que ce que j'avais déjà pu apercevoir de loin : Un bâtiment principal rectangulaire tout en brique particulièrement étroit de seulement quatre ou cinq étages, chapeauté d'un toit en ardoise qui aurait bien fait deux étages à lui seul, flanqué de deux tours au Sud de part et d'autre d'une entrée principale qui donnait sur un petit pont tout juste gardée par deux Garzoks. Ni remparts crénelés, ni chemin de ronde, ni tour ouverte où auraient pu se poster des archers. La chose était un simple bloc lisse tout en hauteur complètement fermé au monde extérieur, si ce n'était pour cette entrée sur qui enjambait un simple cours d'eau calme. Quelques fenêtres perçaient la façade et un chien assis perçait la toiture mais toutes ces ouvertures semblaient occultées. Confiante, je décidai de décrire un cercle autour de notre objectif en espérant trouver quelque chose qui nous aiderait. Au Nord une bâtisse basse que je pensais séparée par un passage était en fait adossée au château et comportait une porte qui n'était pas gardée. Ce pouvait être n'importe quoi, y compris une dépendance qui communiquait directement avec le château par l'intérieur. Tout autour de la place forte le camp s'étirait sur des centaines et des centaines de mètres, avec les mêmes tentes en peaux et les mêmes tentes en toile, réunissant à Vandrak bien des milliers de soldats Omyriens. Je volai jusqu'au chien assis. Une lueur filtrait bien mais un épais rideau m'empêchaient de voir à l'intérieur. Il en alla de même pour toutes les autres fenêtres. Soit. Il était temps de m'en retourner au navire pour faire mon compte rendu au reste de la troupe.

Le tout n'avait pas dû prendre plus d'une quinzaine de minutes et notre vaisseau était resté relativement stationnaire pendant ce temps. Je m'empressai de me poser auprès de mes compagnons et de reprendre forme elfique. Nous ne pouvions rester plus longtemps dans cette position. Il nous fallait soit décider d'un plan d'action qui incluait de jeter l'ancre dans leur port soit poursuivre promptement notre route vers un lieu d'amarrage plus discret avant d'attirer l'attention de qui ou quoi que ce soit.

Je m'éclaircis la gorge et parlai fort pour que l'équipage à proximité m'entende également.

« La partie la plus proche du camp est relativement déserte, elle devait être occupée par les soldats de la flotte que nous avons croisée. Il n'y a pratiquement pas un chat sur les quais, en tout cas aucun garde en fonction. Il y reste juste un petit voilier et trois barques vides sans surveillance. On ne devrait donc pas se faire repérer de si tôt mais on ne devrait quand même pas trop traîner à se décider. Le camp commence aussitôt après les quais et s'étire jusqu'au château, et se poursuit dans toutes les directions comme une véritable petite ville dont le castel serait le centre. Il doit y avoir des milliers de soldats en tout. Comme je le disais de ce côté-ci le camp Garzok est plutôt vide, il doit y en avoir une petite centaine de tout au plus entre nous et le château. Là où ça se complique c'est qu'en se rapprochant du château le campement Garzok laisse place à un campement de Likyors noirs qui forme comme un cercle de défense autour du château, et eux ils ne sont partis nulle part. Il y en a bien des centaines juste là entre nous et le château. »

Je fis une pause pour reprendre mon souffle et laisser le temps aux autres d'assimiler l'info.

« Le château en lui-même… Il n'est vraiment pas bien grand, seulement cinq étages je dirais et quelques dizaines de mètre de large, et il n'est pas spécialement gardé, enfin mis à part les centaines de Likyors… Ce que je veux dire c'est qu'il n'y a pas d'autre système de défense visible, pas de remparts, pas d'archers… Juste deux gardes tout à fait banals devant la porte principale. A l'arrière j'ai repéré une porte non gardée dans un bâtiment qui communique peut-être avec le château, comme une entrée de service pour les domestiques, mais je n'en ai aucune certitude. Il y a des fenêtres mais elles sont toutes occultées. Un chien assis dans le toit pourrait nous permettre de pénétrer par les combles, sauf si on tombe directement sur une pièce de vie occupée. Je n'ai aucune idée de l'organisation interne du château ni de qui s'y trouve. »

Je fis une nouvelle pause.

« Pour être honnête… Je ne sais pas à quoi je m'attendais mais je n'imaginais pas un tel campement entre nous et notre objectif. On est seulement quatre… Par la Dame, comment pourrait-on pénétré ce château, tuer Karsinar et en ressiortir vivant ? »

Question pour le moment rhétorique. Je ne laissai à personne le temps de répondre et me tournai vers Sirius et Sirat.

« Si vous avez quelques tours dans vos sacs c'est l'occasion de les vider ! Des pouvoirs magiques qui nous permettraient de raser le campement d'un claquement de doigts, de nous rendre invisibles ou invincibles ? »

J'avais laissé couler lorsqu'ils s'étaient débinés lors de notre départ et avaient refusé de partager avec nous leurs forces et leurs faiblesses mais il était temps qu'ils passent à table. J'avais grand besoin de bonnes nouvelles.
Silma, Héraut de Yuïa, hinïonne aussi connue sous le nom de Sináëthin Al'Enëthan, accompagnée de Nildë, harfang des neiges.

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Sibelle
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Re: Le Masamune (Heartless - X2)

Message par Sibelle » mer. 10 févr. 2021 03:37

Sibelle s’était contentée de voler non loin du Masamune et avait pu constater que les navires alliés étaient bien plus nombreux que ce qu’elle avait vu du Masamune.

Sous les ordres de Sirius, et avec l’approbation de son équipage et des aventuriers, le navire-pirate fit un long détour afin de ne pas être vu par l’immense flotte ennemie. Pendant ce temps, Silma qui avait joué son rôle d’éclaireur rapporta ce qu’elle avait vu. Elle avait pu survoler le navire aux voiles rouges sang et apporta des précisions qu’ils n’avaient pu voir de leur position. En plus de la fumée qui se dégageait du navire, elle avait cru reconnaître Perailhon, en armure de crustacé et armé d’un trident.

Craignant que les heures de voyage au large des côtes n’empirent son mal de mer, Sibelle passa une bonne partie du temps en vol, tout autour du navire. Silma qui avait pris l’apparence d’un aigle brun s’éloignait davantage du navire. Lorsque l’équipage estima que son navire n’était plus visible de la flotte ennemie, ils se rapprochèrent des côtes. Sibelle avait repris sa forme elfique, lorsque Silma revint sur le pont à son tour pour annoncer qu’elle partait en reconnaissance. Cela dit, elle prit la forme d’un petit rapace et s’envola.

La nuit était tombée et une lueur diffuse rouge éclairait le port Oranien. Sibelle profitait de sa vue acérée pour observer le campement ennemi. Il était immense, et composé de cabanes et des tentes placées en un désordre déconcertant.

Sibelle grimpa dans les gréements et alla rejoindre Plagg dans le Nid de pie. De cette hauteur, elle put discerner plus vers le nord, un castel aux toits hauts et pointus.

Lorsqu’elle vit le petit rapace revenir vers eux, Sibelle s’empressa de revenir sur le gaillard d’arrière rejoindre Sirat et Sirius.
Silma de nouveau sous sa forme originelle s’empressa de leur dévoiler ce qu’elle avait vu.

La partie du camp près du port était ou du moins paraissait déserte. Les soldats l’occupant précédemment avaient pris la mer sur les nombreux voiliers qu’ils avaient aperçus de loin. Puis le castel n’était pas très loin et encerclés littéralement de quelques centaines de Liykors,
Un silence s’installa lorsque l’hinionne reprit son souffle, toutes les oreilles étaient orientées vers elles. Ses compagnons attendaient la suite avec impatience.

Puisqu’elle l’avait vu de très près, elle put détailler le castel que les autres avaient vu que de loin. Assez petit, il ne possédait que cinq étages et sa largeur ne dépassait guère quelques dizaines de mètres. Il n’était encerclé que par des Liykor… pas de remparts, pas d’archers. Seulement deux gardes étaient postés à la porte principale du bâtiment. Elle avait cru apercevoir une porte non gardée d’un bâtiment adjacent au château. Elle avoua sa surprise devant un tel campement, elle s’attendait à moins… et eux, ils n’étaient que quatre. Elle termina en les suppliant de dévoiler des aptitudes magiques, ou des aptitudes qui pourraient les aider.

Sibelle, qui avait écouté religieusement les observations de Silma, prit la parole.

«Je n’ai malheureusement aucune autre aptitude que celles que j’ai déjà dévoilées. »

Elle jeta un rapide coup d’œil aux deux mâles qui eux n’avaient à peu près rien dit de leurs aptitudes particulières.
Puis elle poursuivit en consultant Sirius du regard.

« S’il était possible de cacher le Masamune dans une baie, nous pourrions nous rendre sur terre par la voie des airs. Tu pourrais nous guider Silma, et moi je pourrais vous porter Sirius et Sirat. »

À vrai dire, elle avait plus que hâte de se retrouver sur la terre ferme.

« Puisque nous sommes que quatre, je propose qu’on se rende au camp qui est presque vide et le traverser à pied, pour nous rendre furtivement non loin du castel. Yuimen sait ce que nous pouvons y trouver comme information, ou même prisonniers, dans ce camp presque désert… Et une fois là, on pourra mieux se faire une idée de l’occupation des Liykors, car si j’ai bien compris, ces deux camps ne sont pas si loin. »

Tous les quatre étaient d'accord, pour laisser le Masamume dans une baie et de partir par la voie des airs comme l'avait suggéré Sibelle.

Sirat acquiesça à l'idée de se rendre dans le camp désert afin d'y jeter d'abord un coup d'oeil. Il proposa même d'utiliser son pouvoir de se lier à la terre afin de voir ce qui s'y était passé par le passé. Sibelle l'avait déjà vu utiliser ce pouvoir sur Aliaénon. Elle savait qu'il était vulnérable dans cet état, elle commenta donc:

"Puisque tu es vulnérable lorsque tu es dans cette transe, je vais demeurer à tes côtés, pour surveiller tes arrières, je laisserai les autres explorer le camp."

Sirius voulait aussi se rendre au camp désert, mais avant, il aurait souhaiter explorer la barque à deux mats, celle-ci l'intriguait, mais il accepta de suivre le plan proposé. Puis se tournant vers Silma, il leur dévoila, en partie, un de ses pouvoirs. Son trident avait le pouvoir de le transformer et lui permettre d'être un excellent nageur. Puis, son trident entre les mains, il le piqua doucement sur les planches du pont du navire et ils entendirent tous un rugissement.... mais il le retira rapidement, ce qui soulagea Sibelle qui n'aimait pas la magie.

Silma était prête à faire le guêt pendant l'exploration du camp pour ensuite aller explorer elle-même le castel.

Le plan étant accepté par tous.

Une fois le navire bien à l'abri, Sibelle recula de quelques pas et amorça sa transformation. Il l'avait tous vu plusieurs fois faire depuis le début du voyage.

Sitôt transformé, elle plia les genoux avant pour laisser les deux hommes prendre place. Suite à quoi, elle s'envola vers le camp désert.

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Sirat
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Re: Le Masamune (Heartless - X2)

Message par Sirat » jeu. 11 févr. 2021 10:25

Le navire s’éloignait de la bataille et ce que voyait Sirat et les informations que donnait Silma et Sibelle, par leur vol respectif et leurs réactions, confirmaient qu’ils avaient bien fait d’éviter le conflit.



La flotte Kendran était arrivé en retard et le port d’Oranan livrait une lutte pour la survie qui semblait déjà être joué.

La voix de Silma pourtant assuré cachait une certaine terreur. Ce qu’elle avait vu l’avait marqué. Elle avait vu Peraihon. Sirat observa les trois mats en question, brisant les vagues, terrifiant armature siégeant en maître des mers. Il plissa les yeux et acquiesça au conseil de l’elfe. Il était trop tôt pour les affronter sur leur terrain.

L’équipage d’Heartless fit son travail et ils s’éloignèrent de ce combat.

La décadence du jour s’annonçait et envahissait l’air et l’atmosphère. Les vagues s’étaient adouci et le vent était retombé comme répondant à la venue de cette nuit.

Au loin, le Castel Vandrack se dessinait sur la côte et les quais de l'armée ennemie.

Prudemment, le bateau pris position au loin enveloppé dans le crépuscule naissant.

Silma se transforma et parti en reconnaissance. Sibelle était monté sur le nid de pie ne supportant plus les balancements de la coque bousculée par la marée. Elle scrutait les horizons utilisant sa vue perçante.

Les deux hommes se retrouvèrent seuls juste bardés de silence.

Sirat s’approcha de Sirius. Il jeta un coup d’œil sur la bataille qu’ils venaient de quitter et qui s’illuminait par instant.

Tu regrettes ?

Sirius posa ses mains, sculpté par le sel et le travail en mer, sur le bastingage et jaugea le feu d’artifice au loin.

Il répondit en souriant et avec honnêteté que cela l’embêtait, mais qu’il avait fait son choix.

Et puis comme tu dis... Ptèt bien que ma chance se représentera bientôt.

Sirat souriait aussi heureux de la réponse du pirate.

Oui, je suis sûr que ce que l'on va dénicher ici vaut ce sacrifice.

Il prit un instant, hésita, mais finalement continua

Si l’opportunité se présente d’agrandir notre gloire et notre réputation, tu me suis?

Sirius répondit par l’affirmative, s’était ce qu’il avait toujours recherché. Cependant, il demanda ce que le Zélote allait faire si Sibelle et Silma s’y opposait.

Sirat haussa les épaules regarda en l’air son amie sur le mat.

Il n’est pas dit qu’elle ne soit pas avec moi. Je ne compte pas tuer d’innocents, ni massacrer des gens. Juste si le destin le souhaite, on peut porter un coup terrible à Oaxaca , mais nous ne sommes pas obligé pour autant de ployer le genou face au royaume Kendran.


il esquissa un sourire en pensant à son amie.

Sibelle n’est pas femme à ployer devant qui que ce soit et si réellement elle s’y refuse alors je prendrai cela comme un signe du destin et calmerait mes ardeurs

Sirius aimait l’idée que Sirat ne trahirait pas Sibelle. Sirat le pensait réellement, leur destin était lié. Sirius lui demanda quel était son plan.

J’ai toujours rêvé d’avoir mes propres hommes, quand je te vois, je t’envie, c’est presque comme une famille.

Heartless leva un sourcil visiblement étonné que l’humoran se confie sur ses regrets.

Je n’ai jamais vraiment eu de famille, c’était très inconsistant, boiteux. Alors une grande famille, une armée de soldats m’irait très bien et quoi de mieux pour servir Zewen qu’une armée.

Il était calme et scrutait le château.

Si on tue karsinar et Peraihon on héritera de leur homme, qu'en penses tu ?

Il éclata de rire, il ne pensait pas que cela fonctionnerait ainsi. Il lui indiqua la vigie laissant sous-entendre par un hochement de tête peu subtile que si Sirat voulait une famille il pouvait en avoir une.

Sirat jaugea le ciel et Sibelle, pensif.

Mais on va le battre, ce Karsinar. Perailhon aussi, s'il se montre. Et si après ça, tu ne sais toujours pas quoi faire de ton temps, y'a toujours de la place sur mon bateau.

Sirat revint sur le corsaire et sa proposition.

J’ai apprécié, il est vrai jouer au marin. Mais tu as une mauvaise impression des garzoks certains clans sont très fidèles, ils respectent la force, l’honneur du combat, la horde à une hiérarchie simple. Mais le temps nous le dira

Il regarda Sibelle descendre et l’aigle se poser.

Comme chaque chose, c’est le temps qui décide...

Laissa-t-il glisser comme un simple murmure avant de donner toute son attention à Silma qui reprenait sa forme humaine.

Elle était essoufflée, mais elle fit un rapport complet et audible.

Les quais étaient déserts, ils n’étaient qu’un amoncellement de pontons de fortune en bois laissé à l’abandon. Il y restait juste un petit voilier et trois barques vides sans surveillance. Le camp commençait après les quais et s'étire jusqu'au château, une ville entière ou ne siégeait plus qu’une centaine de Garzok. Proche du château, il y avait un campement de Lykor noir en cercle autour comme un mur protecteur. Mais pas de remparts, pas d’archer, le castel était simple, monté sur cinq étages, la porte principale gardée par deux peaux verte, des toits en tuiles brune en forme de pique et une porte arrière non gardé, mais qui ne laisse rien entrevoir par ses fenêtres.

Désemparé et un peu a cours de ressource Silma attendait une idée de ses compagnons.

Sibelle prit la parole, bien que la jeune femme attendait une réponse du pirate et du mercenaire.

Elle proposait de cacher le bateau dans une crique et par la voie des airs de rejoindre le campement laissé à l'état de ruine pour enquêter.

Sirat écoutait attentivement, essayant de se créer une image du campement dans sa tête.

Je pense qu’on est tous d’accord pour dire qu’il faut protéger le Masamune. Il est notre porte de sortie si cela tourne mal. La deuxième chose est de temporiser, trop vite nous hâter vers la porte ou vers le castel ferait le jeu de nos ennemis.


Tout à fait d'accord. fit Silma

Sirius hocha la tête.

Il prit un instant, se tenant le menton d’une main en pleine réflexion.

Si on s’approche de ce camp désert, je pourrais me lier à la terre et plonger dans le temps. Cela pourra nous en apprendre un peu plus sur le camp adverse et leur disposition.

Silma haussa un sourcil.

Elle n’en revenait pas que l’humoran garde toujours cette aura de mystère et cela semblait l’énerver.

Zewen offre bien des choses à ses serviteurs, voir et comprendre le temps en fait parti. Zewen est tout. Zewen et le Livre du Destin ne sont qu’un. Le livre contient tous les faits passés, présents et à venir. Ce petit cadeau à ses zélés n’est donc pas grand chose pour lui.

Son ton était comme éloigné, froid, comme si les mots n’étaient pas de lui. Le regard un peu perdu sur les quais, il avait échoué à être clair et avait finalement récité un monologue abscons et inutile pour ses compagnons.

Silma agacé lui demanda d’être plus précis.

Sirius profita du fait que Sirat captivait l’attention pour sortir sa longue-vue et observer attentivement le quai temporaire. Il écoutait toujours la conversation d’une oreille.

Sirat sortit de sa torpeur, son regard reprenant vie et se tournant vers Silma

Hé bien, je peux voir dans le passé en me liant à l'élément de terre. Je pourrais ainsi déterminer s'il y avait des soldats et ce qui leur est arrivé ou tout autre chose du moment que cela c’est passé à l’endroit que j’interroge.


Dans une certaine mesure, je peux faire naître le désir en vous, je peux corrompre votre esprit, brouiller vos sens ou vous désinhiber si cela vous intéresse tellement.

Expliqua-t-il les sourcils relevés et la main ouverte vers Silma, comme s'il lui proposait d’essayer l’espace fugace de quelques secondes. Puis il reprit.

Je n'ai pas conscience de tout ce que je peux faire, désolé de ne pas pouvoir être aussi précis sur mes capacités. Est ce que l’idée de cacher le Masamune convient à tout le monde? Une fois arrivé au camp, on pourra si on le souhaite créer une diversion, je connais quelques sorts de terre cela peu servir.


Sirat était au maximum de ses capacités sociales et espérait vraiment avoir satisfait le groupe en parlant de lui. Il ne voulait pas que ses efforts soient vains.
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Heartless
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Re: Le Masamune (Heartless - X2)

Message par Heartless » jeu. 11 févr. 2021 19:53

Mieux que partie, Silma avait déjà opéré une reconnaissance de la bataille navale et était revenu faire son rapport. Les bateaux omyriens étaient entourés d'ombres gigantesques qui se mouvaient sous la surface de l'eau, et leur navire amiral était encore plus impressionnant vu du ciel. Elle prétendait y avoir vu Perailhon, armé d'un trident et vêtu de sa fameuse armure.

Le Masamune redoubla de vigilance on moment de contourner la bataille, et tous ses occupants purent admirer le spectacle morbide du premier contact entre les deux flottes les plus puissantes de Yuimen. En quelques minutes à peine, l'eau semblait avoir emprunté la couleur du sang. Lorsqu'il fut arrivé assez loin du fracas des os et des hurlements, le Masamune gonfla ses voiles en direction du Nord.

Sirius émit un léger soupir de soulagement lorsqu'il vit enfin le castel Vandrak se profiler à l'horizon. Mais ce n'était pas que ça. Ils avaient aussi découvert le campement principal des oaxiens. Un peu plus loin se trouvait l'armée principale qui allait attaquer Oranan de front. L'archère s'envola à nouveau. Avec Silma partie en éclaireuse et Sibelle qui observait attentivement les lieux de son œil d'aigle du haut de la vigie, le reste de l'équipage restait fixé en attendant des nouvelles. Quant à Heartless, il observait les gestes subtils de l'horizon au Sud, là où la guerre faisait rage.

"Tu regrettes ?"

C'était la voix de Sirat. Sirius reporta son regard sur l'océan.

"Un peu. Mais j'ai fait mon choix. Tout ce carnaval servira à rien si on agit pas tous de concert. Et puis, comme tu dis... Ptèt bien que ma chance se représentera bientôt." fit-il en souriant.

"Oui, je suis sûr que ce que l'on va dénicher ici vaut ce sacrifice."

Il y eut un bref silence. Sirat hésita un court instant.

"Si l’opportunité se présente d’agrandir notre gloire et notre réputation, tu me suis ?"

Le sourire d'Heartless s'élargit.

"Bien sûr, ça a toujours été mon objectif. Mais si Sibelle et Silma s'y opposent, tu comptes faire quoi ?"

Le fidèle de Zewen haussa les épaules tout en regardant le poste de vigie. Il comptait sur le soutien de l'hinionne, car après tout, il ne comptait rien faire d'immoral. Seulement, il n'avait aucune allégeance envers les kendrans et n'avait cure de leurs ordres. Ceci fit ricaner Sirius.

"Les potes avant la gloire, hein ? Je suis d'accord. Mais dis-moi, le poilu, t'aurais pas une idée derrière la tête, par hasard ?"
"J’ai toujours rêvé d’avoir mes propres hommes. Quand je te vois, je t'envie. C’est presque comme une famille."


Alors ça, c'était surprenant. Qui pouvait s'attendre à ce que Sirat se confie de cette manière ? C'était inattendu, mais cela sonnait trop vrai pour attirer les soupçons d'Heartless. C'était ainsi, l'humoran nourrissait des ambitions peu communes. Il avait passé sa vie à combattre, seulement il souhaitait continuer à vivre entouré de gens comme lui, pour combler le vide qu'avait laissé sa famille brisée. Il comptait commencer par récupérer les soldats des Treize qu'ils auront vaincus. Heartless trouvait cette idée curieuse, mais c'était sans doute à cause de ses expériences, la plupart désastreuses, dans ce domaine. Pour lui, il ne fallait pas s'attendre à être épanoui au milieu d'un régiment d'inconnus. La famille qui l'accompagnait en ce moment même était le produit d'années de luttes, de malentendus, de séparation. Le capitaine sourit de manière quelque peu indiscrète tout en indiquant le nid-de-pie du regard.

"Si c'est une famille que tu veux, tu devrais peut-être commencer par regarder autour de toi."

Sirat resta un instant perdu dans ses pensées. Il valait mieux qu'il réalise tôt ou tard que dans son cas, une personne pourrait suffire. Heartless ressentit une étrange sensation, car il avait parlé comme Gallion. Dans ce monde orphelin, il tombait sous le sens que de nombreuses personnes passaient leur existence à la recherche d'une famille rien qu'à eux. Il s'extirpa ces pensées parasites et se reconcentra sur le campement garzork.

"Mais on va le battre, ce Karsinar. Perailhon aussi, s'il se montre. Et si après ça, tu ne sais toujours pas quoi faire de ton temps, y'a toujours de la place sur mon bateau."

Sirat balaya l'offre. Il n'avait pas la même perception des rangs oaxiens, sans doute parce qu'il avait été de leur côté pendant une brève période. Cependant, il n'était pas complètement fermé à cette idée. Il avait apprécié les deux derniers jours de mer. Le battement des ailes de Silma se laissa entendre, et Sibelle descendait sur le pont, comme pour clore leur discussion.

"Comme chaque chose, c’est le temps qui décide..." dit calmement l'humoran en se détournant d'Heartless.

Sinaëthin informa le groupe de ses observations. Le port et ses alentours avaient été désertés. Leurs occupants étaient sans doute de ceux qui étaient partis affronter la flotte kendrane, ne restaient qu'un voilier miteux et quelques barques amarrées aux quais. Le camp qui les séparait du castel ne devait contenir qu'une centaine de troupes dispersées, mais en s'approchant de l'objectif, ils rencontreraient une opposition bien plus réelle, car de nombreux guerriers lykiors étaient postés tout autour du château Vandrak. Pour Heartless, cela ne faisait aucun doute, ils étaient de l'armée de Karsinar. Au delà de ça s'étendait le véritable camp des omyriens, plusieurs milliers de soldats prêts à lancer une offensive décisive sur les murs de la cité.

Quant au castel, il n'avait rien d'imposant, et n'avait rien à voir avec une véritable place forte. Silma n'avait pu discerner que deux gardes devant le portail principal. Pas d'archers, pas d'armes de siège. Ils ne devaient pas s'attendre à une contre-attaque. Les fenêtres étaient barrées, mais il y avait une entrée non protégée à l'arrière du château. L'endroit était loin d'être imprenable, mais il serait compliqué de l'atteindre sans attirer l'attention. Le groupe n'aurait aucune chance si les lykiors en garnison autour du castel venaient à être alertés de leur présence. L'hinionne aux cheveux blancs marqua une pause.

"Pour être honnête… Je ne sais pas à quoi je m'attendais, mais je n'imaginais pas un tel campement entre nous et notre objectif. On est seulement quatre… Par la Dame, comment pourrait-on pénétrer ce château, tuer Karsinar et en ressortir vivants ? Si vous avez quelques tours dans vos sacs, c'est l'occasion de les vider ! Des pouvoirs magiques qui nous permettraient de raser le campement d'un claquement de doigts, de nous rendre invisibles ou invincibles ?"

Heartless ne se prononça pas. En vérité, il était sans doute le moins impressionnant au niveau de ses pouvoirs et autres aptitudes. Il y avait bien le Trident des Profondeurs qui le rendait redoutable sous la surface de l'eau, et en lequel sommeillait un pouvoir dont il avait tout juste appris l'existence mais qu'il n'avait jamais utilisé. Sibelle réorienta brièvement la discussion vers leur plan d'attaque. Leur plus grand avantage était, sans aucun doute, la capacité de vol qu'elle possédait. Sous sa forme d'hypogriffe, elle pourrait transporter les deux borgnes par la voie des airs et Silma n'aurait aucun mal à la suivre. C'était un genre de pouvoir que certains espions tueraient pour obtenir. En revanche, elle émit l'idée qu'en explorant la partie la moins dangereuse du camp, ils pourraient tomber sur des informations utiles, voire même des prisonniers laissés sous mince surveillance.

Cette idée n'intéressait pas Heartless. Il trouvait cela trop risqué et trop hasardeux, ils avaient plus de chances d'y perdre leur temps ou pire, de faire sonner l'alarme par mégarde. Sirat prit la parole.

"Je pense qu’on est tous d’accord pour dire qu’il faut protéger le Masamune. Il est notre porte de sortie si cela tourne mal. La deuxième chose est de temporiser, trop vite nous hâter vers la porte ou vers le castel ferait le jeu de nos ennemis."
"Tout à fait d'accord."
"Si on s’approche de ce camp désert, je pourrais me lier à la terre et plonger dans le temps. Cela pourra nous en apprendre un peu plus sur le camp adverse et leur disposition."


Silma l'interrogea sur la nature de ses pouvoirs. Sirat répondit avec un air distant :

"Zewen offre bien des choses à ses serviteurs, voir et comprendre le temps en fait partie. Zewen est tout. Zewen et le Livre du Destin ne sont qu’un. Le livre contient tous les faits passés, présents et à venir. Ce petit cadeau à ses zélés n’est donc pas grand chose pour lui."

L'archère s'exaspéra à nouveau. Fallait-il qu'il soit toujours aussi mystérieux ? Heartless profita de cet instant pour diriger son attention vers les quais. Il s'empara de sa longue-vue, quelque chose le tracassait. Sirat se vit forcer de s'expliquer en termes plus communs. En somme, il possédait la capacité de sonder un lieu précis en résonnant avec les fluides terrestres environnants. Ainsi, il était capable de lire dans le passé d'un lieu. Il fit aussi mention de certains sorts du domaine du psychique, il se disait capable de brouiller les esprits et de les manipuler jusqu'à un certain point. Sirius détestait ce genre de choses, mais tant qu'il n'était pas la cible de cette magie, il ne voyait pas d'inconvénient à en faire usage. Sirat acheva, quelque peu gêné, en demandant si tout le monde était d'accord en ce qui concernait la première étape du plan qui était de cacher le Masamune.

Heartless rangea sa longue-vue. C'était le petit voilier qui avait captivé son attention. Il revint tout entier dans la discussion.

“Ouais, on va poster le Masamune plus au nord si jamais des voiles noires reviennent. Pour le castel, je pense aussi qu’on devrait emprunter la voie des airs. J’ai rien contre une petite escale au camp orque avant ça, par contre, mais il faudra être très prudents. L’élément de surprise est tout ce qu’on a actuellement. Au fait, Sirat, faut forcément de la terre pour que ton pouvoir de vision fonctionne ? Tu pourrais voir des événements sur le pont d’un navire, par exemple ?"

Sirat lui fit comprendre que sans manifestation de la terre, son pouvoir de vision était inutile. Heartless se gratta l'arrière du crâne, un peu déçu.

“Bah, tant pis. Ce deux-mâts m’intrigue. C’est peut-être juste moi qui suis parano, mais il a pas l’air équipé pour la guerre et il porte aucune marque distinctive des oaxiens. Si ça se trouve, c’est juste un bateau de pêche abandonné, mais il se peut aussi qu’il transportait une cargaison ou des personnes d’importance.”

Il se tourna vers Elias, qui était toujours à la barre.

"T'as compris, l'ancien ? Emmène-nous plus au nord et si tu vois une crique confortable, qu'on s'y pose pour faire profil bas."

Il reporta son attention vers Silma.

"Sinon, Sin... Sans vouloir te décevoir, moi, j'suis juste un pirate. J'ai ce bateau, je sais me démerder quand y'a baston, j'ai un ou deux bibelots qui me protègent contre la magie d'eau et c'est tout. Après, sans vouloir me vanter, je suis sans doute le meilleur nageur que vous puissiez trouver dans cette partie du monde. Quoique, si tu veux du fantastique..."

Il se saisit du Harpon des Profondeurs. Lorsqu'il posait son regard sur cette arme singulière qui avait été sa compagne depuis des années, il ne pouvait s'empêcher d'être fier, mais aussi nerveux, quand il pensait au pouvoir mystérieux qu'elle renfermait.

"Ce bidule m'a sauvé les miches plus d'une fois. Pas bien lourd, super solide, de l'ondyria de bout en bout. J'crois que c'est une sorte de relique. Il a un pouvoir... transformatif. Il me permet de nager mieux que la plupart des créatures marines. Mais il fonctionne aussi d'une autre manière."

Il posa légèrement les planches du pont avec les pointes de son trident. Il y eut un bruit accompagné de vibrations, comme le début d'un terrible rugissement, qui cessa d'un coup lorsqu'Heartless le remonta. Le Harpon avait brièvement adopté une couleur plus profonde, et des remous particuliers sur la surface, semblables à des veines, semblaient se rétracter pour se fondre à nouveau dans l'ondyria. C'était comme si l'objet était habité par une sinistre créature.

"Mais j'ai jamais testé. Je sais même pas si le Masamune supporterait."

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Sirat
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Re: Le Masamune (Heartless - X2)

Message par Sirat » ven. 18 juin 2021 21:06

Sirat avait quitté le castel pensif, une multitude de questions en tête. Il suivait dans la pénombre le groupe escorté par les loups de Sarl. Le silence était lourd et pesant. Le visage fermé, il pesait les conséquences de sa non-décision. Tout autour de lui régner une ambiance de défaite, pourtant la mission était un succès. Ils avaient déjoué le piège et finalement leur intuition première s’était révélée vrai.
Sibelle avait les yeux rougis. Il se concentra intérieurement sur la marche à suivre pour lui. Il avait choisi Sibelle, il était sûr de son choix. Il était dicté par ses sentiments, mais aussi par la conviction que son destin était lié au siens. Karsinar l’avait prévenu, il n'avait pas tort. Sirat allait juger au moment venu.
Il devait tenter de la convaincre. Le corsaire arrivé sur le bateau avait fait installer des caisses afin de faire une réunion. Il regarda les trois autres et l’assemblée en bon dernier, puis s’approcha du lieu d'ou devait se tenir le debriefing.
Sirius gueulait des ordres, tout en se faisant mettre un atèle par un de ses hommes dévoués. Un groupe inconnu composé de femme et d’enfant se trouvait aussi sur le navire. Pièce rapportée du castel, l’humoran l’ignorait.
Sirat observa la scène alors que Sirius demandait à ce que l’on prenne soin d’eux.

C’est qui cela ? Fit il a Sirius d’un air ronchonnant.


Je ne compte rien faire en l’occurrence. Je peux les ramener si tu veux jusqu’à bon port. Mais tu n’as qu’un bateau donc il va falloir nous déposer.

Sirius regarda Sirat, interloqué :

“Comment, ça, rien faire ? Tu comptes jeter l’éponge ?”

Au sens strict des termes de notre contrat, on devait libérer Vandrak, il n’est pas prisonnier donc ma mission s’arrête là. Pour la suite, je vais observer, je ne veux pas me hâter. Tu as déjà failli mourir étrangler, cela ne t’a pas suffit ?

“Bien sûr que non, ça m’a pas suffi !

Ne perdant pas son sourire habituel, le borgne présenta la bourse de Karsinar. Il l’avait sûrement dérobé pendant qu’il subissait la strangulation. Sirat laissa échapper un rire étouffé devant la malice du corsaire. Le corsaire commença son argumentaire. Il fallait que Karsinar paye et la magicienne aussi. Il parlait avec ardeur et passion. Sirat fronçait les sourcils et la rouquine donna à Sirius de quoi se soigner, il accepta même s'il était perplexe et surpris du présent que lui faisait la guerrière.

L’humoran avait observé ses deux partenaires. Puis s’adressa à Sirius en premier

Si tu veux qu’il n’y ai plus d’innocents qui meurt, c’est contre la guerre en elle-même que tu dois lutter. Le camp d'Oaxaca n’a pas le monopole du mal. Elle est juste opportuniste et avide de pouvoir. Sa victoire totale n’est pas si assurée bien au contraire. Pour mes raisons, je les ai exposés au château.

Il regarda Sibelle qui ne lui rendit pas son regard.

Le pirate afficha un sourire, c'étaient d’anciens serviteurs de Vandrak il les avait recueilli par bonté. Mais il ne savait pas quoi en faire, maintenant qu’ils se trouvaient sur le bateau.

Sibelle exprimait sa contrariété a Sirius. Pourquoi l’était elle, il l’avait suivi, il était là, quelle exigence de sa part. Il n’arrivait pas à la satisfaire malgré tous ses efforts.

On peut les ramener là où on est parti, de là, ils pourront aller derrière les lignes et choisir leur destination. Tout dépend de notre capitaine et de ses désirs de vengeance.

Sirius adressa à Sirat un regard peu amusé par sa dernière remarque, mais il ne le reprit pas.

Siwih qui avait pris place en silence près d’eux, écoutait attentivement. Elle s’adressa a Sirat

Tu préfères donc ne rien faire plutôt que de prendre une décision moralement imparfaite ? Te soucies-tu si peu du sort des innocents en jeu que ton opinion de Kendra-Kâr te retient de souhaiter leur venir en aide ? Ou est-ce parce que tu désires avant tout devenir le guide de tous et estime donc que tu dois rester neutre ? Peut-être qu'ils ne suivraient pas un ennemi, mais il n'est pas dit qu'ils suivraient quelqu'un qui s'est contenté de regarder les leurs mourir non plus…

Le sucre d’orge entre les chicots Sirius répondit sans laisser à l’humoran le temps de s’expliquer. Les rescapés, il en faisait son affaire, mais il voulait qu’on l'écoute, il avait une idée en tête. Il desirait frapper la magicienne, mais il ne pouvait le faire seul. Il voulait leur aide.

Sirat restait les bras croisés il ne répondit pas de suite à Sirius. Mais se tourna vers l’elfe blanche pour lui répondre calmement.

Des innocents meurent tous les jours, peux tu tous les sauver? Moi en tout cas, je n’ai pas ce pouvoir. Des guerres, il y en aura d'autres, les peuples se meuvent et les gens meurent, c’est ainsi.

Sirius était désabusé de la réponse que donnait le zélote, il secoua la tête en fermant les yeux.

Je ne suis pas un guide, je dois veiller à ce que les écrits soient respectés. Je reste en attente, car je ne perçois pas le futur, je lis juste les signes et en l’occurrence, je n’en vois aucun pour le moment.

Il regarda Sirius

Tu énonces des idées abstraites que veux, tu faire réellement. Cesse de tourner autour du pot.

Sirius se massa le front comme si la discussion lui donnait mal a la tête.
Il voulait frapper à Oranan, car il était sûr qu’une attaque s’y préparait. Siwih qui restait de marbre, pris la parole.

On était tout sauf bien coordonnés au castel, mais après tout ça, on sait au moins qu’on peut compter les uns sur les autres. J’ne peux pas prévoir le futur non plus, Sirat, mais je préfère agir maintenant que d’avoir des regrets plus tard !

Sirat fit un rictus

Tu veux surtout te faire Peraihon, pour ta renommée. Et pour information, mes pouvoirs sont liés à la terre, je suis d’aucune utilité en mer.

Il regarda l’elfe.

Je ne peux pas prévoir le futur non plus, mais des fois la mauvaise action peut donner tout autant de regret que de ne rien faire.

Sirius exaspéré par l’humoran se leva d’un bond. Fâché les sourcils relevés et en colère. Sirat sentit comme un souffle sur lui, une vague qui s’abattait sur une falaise inerte. Alors que Sirius lui répondait Sirat eut comme une vision. Les signes qui lui semblaient illisibles étaient devenus clairs. Ces dernières années écoulées lui apparaissent comme limpides et la menace de ces mages gris plus pressentent que jamais. Il se redressa d’un coup. Il avait besoin de sibelle, mais il devait la convaincre avant.

Je dois parler à sibelle en privé, avant de te donner une réponse.

Il s’en alla du groupe, pris un peu de distance à l’abri d’oreilles indiscrètes et attendit la jeune femme.
Sibelle, qui restait spectatrice, fut surprise et les yeux écarquillés et un peu perdu par la demande se leva et alla rejoindre l’humoran.
Il s'était accoudés au bastingage, hors de portée d'oreilles, ou presque.
Sirat posa ses mains sur le bois usé et plongea son regard dans la nuit qui se reflétait sur la surface de l’eau qui entourait la crique. Il inspira à fond pour se donner du courage. Cette épreuve, de convaincre son amie lui semblait terriblement plus dur que ce qu’il avait affronté jusqu’à maintenant.
Il se tourna vers elle.

On se connaît depuis Cuilnen et quoi qu’on fasse toi et moi nos chemins se sont toujours croisés. Je pense qu’on ne peut le nier. Et la façon qu’on a d’être en osmoses n’en est que la preuve.

Sibelle acquiesça de la tête à cette première remarque, et en était pleinement consciente.
Il prit un instant pour rassembler ses idées.
Avant aliaenon nous avons affronté les mages gris. Tu connais leur puissance et jusqu’où ils sont capables d’aller. Cette elfe était prête à tuer ce marchand et sa famille si on n'était pas intervenu. Là encore, notre présence, ce jour-là, n’était pas pour moi pas le fruit du hasard.

Silencieuse, mais toujours attentive, Sibelle croisa ses bras contre sa poitrine et fronça légèrement les sourcils.

Nous devons les combattre et malheureusement la seule suffisamment puissante pour les contrer, c’est la magicienne noire. Je dois la rejoindre, elle doit vaincre pour combattre ce fléau qui se répand dans l’ombre et qui remet en question jusqu’au Panthéon même de nos dieux.

A ce moment, ses joues s'empourprèrent, ses poings se serrèrent, ses lèvres se pincèrent. Sirat ne vit rien, trop accaparé a trouver les bon mots, qui finalement éloignaient son amie de lui un peu plus à chaque instant.
Il posa sa main sur l’épaule de la belle rouquine avec douceur alors que celle-ci était raide et contractée par la colère. Peut-être devait-il utiliser le pouvoir de l’unique, mais il ne fit rien, il devait la convaincre sans artifice ou ne pas la rallier à sa cause.

Mais j’ai besoin de toi. Besoin de toi pour ne pas sombrer dans le côté obscur. Tu dois être mon garde-fou si on attaque Kendra-kar, nous devons nous attaquer qu’à l’armée et permettre à la population de s’en sortir. On ne pourra éviter sa victoire, je pense, mais on peut l’orienter lui donner une autre forme. Je sais que ce que je te demande est difficile, mais je ne peux me résoudre à me séparer de toi.

Il laissa retomber sa phrase et attendit une réponse anxieusement.

Elle prit une grande inspiration et avec une grande déception dans la voix lui répondit, qu’il avait pourtant fait un choix et celui-ci s'il, le maintenant ne serait pas le sien.
Sa colère pouvait se sentir, elle était sur le point d’exploser.
Sirat ouvrit les yeux en grand, perplexe, cela n’avait pas marché. Bien au contraire la rouquine s’énervait.

Je tente de sauver yuimen et l’ordre établi.

Dit il avec dépit

Exaspérée, Sibelle se défit de son sac et de ses armes qu’elle laissa tomber sur le plancher. Puis d’un ton assez fort pour être entendu par tout l’équipage, sans le quitter des yeux, elle lui cria :

“ Tu n’aurais pas dû me sauver de ces chasseurs. Tu aurais dû me laisser mourir aux côtés de mon compagnon.”

Sirat ne comprenait pas, il avait pourtant été clair, elle avait vécu les mêmes événements que lui. Comment pouvait-elle refusé, il était perdu.
Elle recula de deux pas, positionna ses jambes, prête à attaquer puis lui annonça :

“Tue-moi donc immédiatement au lieu de me tuer à petit feu en te joignant à Oaxaca !”

Cela dit, elle fonça droit sur Sirat, lui balançant sa jambe droite en pleine poitrine. Sirat, ne voulant pas attaquer Sibelle, se contenta d’esquiver d’un pas de côté.
Pourquoi l’attaquait-elle. Il avait esquivé et ne voulait pas lui faire de mal.
Sibelle atterrit par une roulade, se releva puis attaqua de nouveau.
Sirat fronçait les sourcils il para le deuxième coup d’un mouvement de la main.

C’est donc ainsi, je reste éternellement incapable de me faire entendre.

Il encaissait un coup-de-poing au visage sans broncher, bien qu’une douleur l’énerva un peu plus.

Cesse tout de suite !

Il fit appel au temps et déforma alors le tissu de celui-ci esquivant tous les coups que sibelle envoyait. Il termina en passant derrière elle en bloquant ses poignets avec une clé de bras afin qu’elle ne puisse plus lui nuire.
Sibelle cessa alors de se débattre.
Pendant leur ébat, Sirius avait donné les ordres pour lever l’ancre. Sirat observa le bastingage commencé a bougé lentement des quais. Le pirat apostropha l’humoran, s'il voulait se battre, il était son homme.
Sirat observa le corsaire.

Vous ne voyez que la partie haute de l’iceberg. Nous devrions rester unis, ma solution est viable… mais peut-être pas pour tout le monde.

Dit il avec un ton triste

Pas besoin de se battre maintenant. Des mages gris sont en train de prendre du pouvoir, ils sont puissants et dangereux. Ils ont déjà infiltré des villes comme Kendra-Kar, poison invisible et cette guerre est une aubaine pour eux. Seule la magicienne à le pouvoir de les contrer. Je ne l’aime pas non plus, mais je fais ce sacrifice pour un bien ultérieur du moins c’est ce que je pense.

Il relâcha sibelle la projetant sur le corsaire.
Elle n’opposa aucune résistance et tomba dans ses bras.
Il monta sur le bastingage se retourna une dernière fois.

Bon courage à vous

il sauta sur les quais.


[XP : 0,5 (discussion de groupe) + 0,5 (discussion houleuse avec Sibelle) + 0,5 (changement de cap)
Commentaire : Attention, certaines de tes phrases sont tout bonnement illisibles : mots manquants, ponctuation erronée ou manquante, soucis d'accord et d'orthographe. Essaie de te relire ^^]
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Sibelle
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Re: Le Masamune (Heartless - X2)

Message par Sibelle » ven. 25 juin 2021 02:03

Sibelle avait quitté le château accompagné des liykors, sans traîner. Ce fut d’un bon pas et en silence qu’elle s’était rendue jusqu’au navire du pirate. Une fois arrivée à proximité, Sibelle s’arrêta. Immobile, elle regardait ce bateau et anticipait déjà ses premiers maux de mer.

Après une grande inspiration, elle gravit la passerelle pour se rendre sur le pont. Sirius qui aperçut ses yeux humides lui demanda s’il s’était passé quelque chose. La guerrière n’avait pas l’habitude de mentir, ni celle d’exprimer ses sentiments.

“ Je suis contrariée, mais ça va passer.”

Elle avait prononcé ces mots sans s’arrêter, il était clair qu’elle ne répondrait pas à d’autres questions. Elle poursuivit son chemin jusqu’au mât du nid de pie, puis leva la tête vers celui-ci. Elle était sur le point d’y monter lorsque Sirat arriva à son tour. Voyant Sirius préparer des caisses en vue d’une réunion, elle tourna les talons, s’approcha d'eux.

Tout juste assise sur une caisse, Sibelle écouta ses compagnons discuter tout en fouillant dans son sac Mais elle n’eut pas le temps d’en sortir quoique ce soit que Plagg surgit de nulle part, une petite boîte métallique à la main. Sans dire un mot, il s’approcha de Sibelle, déposa sa boite au sol et l’ouvrit pour en sortir pansements, ciseaux et tout l’attirail nécessaire pour soigner la blessure de la guerrière. Bien qu’elle fut surprise d’un tel dévouement, Sibelle ne fit rien pour l’arrêter, bien consciente qu’il lui ferait un pansement de bien meilleure qualité que ce qu’elle aurait pu faire d’une seule main valide. Lorsqu’il eut terminé, Sibelle le remercia et il partit comme il était venu. Sibelle observa Sirius se faire faire une attelle et après quelques secondes de réflexion, elle fouilla de nouveau dans sa besace. Elle en sortit un morceau de tissu plié. Elle l’ouvrit pour dévoiler une sorte de bonbon doré. Elle l’aspergea d’un peu d'absinthe pour le désinfecter puis attendit un point mort pendant la discussion et l’offrit à Sirius.

“Suce en un petit bout, ce sucre d’orge a la propriété de guérir toutes les blessures.”

Si elle n’avait presque pas parlé depuis le tout début de la conversation, elle n’en avait pas perdu un mot. Moins bavarde que ses compagnons masculins, elle analysait leur propos et réfléchissait. Elle acquiesça d’un signe de tête lorsque Sirius mentionna qu’ils devraient trouver un moyen d’écarter les serviteurs du combat. Sirat suggéra de les escorter en lieu sûr. Les sourcils légèrement froncés, Sibelle lui demanda.

“As-tu une idée de l’endroit où tu veux les emmener ? Quoi qu'il en soit, je t’accompagne.”

Se retournant vers Sirius, elle lui répliqua:

“Rien n’est terminé en effet, et oui, je veux combattre l’armée d’Oaxaca… Mais il faut attendre un peu, voir où elle place ses pions.”

L’humoran répondit d’abord Sirius, non sans jeter un coup d’œil à Sibelle. Il considérait que c’était la guerre elle-même qui faisait mourir des innocents. Il considérait qu’Oaxaca n’était pas le mal en soi, elle saisissait seulement toutes les opportunités qui s’offraient à elle pour servir ses propres intérêts et acquérir du pouvoir.

Puis il répondit à Sibelle proposant d’emmener les serviteurs à notre point de départ, bien à l’abri, derrière les lignes.
Silma les rejoints alors et prit place à son tour sur une caisse vide. Elle aussi demeura silencieuse écoutant et observant l’humoran et le pirate mettre leurs arguments sur la table. Puis elle protesta, reprochant à Sirius de se soucier plus de se mettre à l’avant et tenter d’agir comme guide, même s’il n’est pas certain qu’il sera écouter, que de venir en aide aux Kendrans.

Finalement, Sirius préféra reconduire lui-même les réfugiés, mais pour le moment, il voulait que chacun définisse clairement sa position. Pour sa part, il voulait mettre fin au règne d’Oaxaca, même s’il était conscient qu’il n’y arriverait pas seul. Il proposa alors que les quatre unissent leur force pour venir à bout d’Oaxaca, là où elle ne s’y attendrait pas.

Sibelle attendit la réponse des autres, craignant celle de l’humoran. Ce dernier s’adressa d’abord à Silma. Il riposta que des innocents mourraient à chaque guerre et qu’ils n’y pouvaient rien. L’elfe blanche se contenta simplement de secouer lentement sa tête. Elle ne partageait visiblement pas la vision de Sirat.

Sirat répondit enfin à Sirius lui demandant d’être plus précis, plus concret, d’en venir au fait. Le pirate expliqua enfin ce qu’il avait en tête. Il se doutait qu’Oranan serait attaqué sur plusieurs fronts simultanément. Il ne savait qui attaquer, jugeant qu’il n’était pas une bonne idée de s’attaquer à Karsinar qui les connaissait déjà, et que s’en prendre à Perailhon serait suicidaire. Il cherchait un plan pour libérer le port d’Oranan et en reprendre le contrôle. Il termina en précisant qu’il était prêt à écouter tout autre suggestion, mais il insistait pour que cette fois, ils s’organisent mieux. Il reconnut enfin la sagesse de Silma lorsqu’elle leur avait demandé de partager leur atout avant leur départ vers le château. Il rajouta qu’ils avaient souffert d’un manque flagrant d’organisation, mais qu’au moins, ils s’étaient tous entraider. Suivit un échange entre Sirat et Sirius où l’un reprochait à l’autre de ne vouloir qu’agrandir sa renommée. Puis Sirat se leva brusquement demandant à parler à Sibelle en retrait.

Sibelle fronça les sourcils d’incompréhension… et même d'appréhension, mais elle suivit son compagnon sans hésiter. Une fois à l’écart des autres, elle darda son regard noisette dans celui de l’humoran et attendit. Ce dernier s’appuya sur la rambarde et préféra plonger son regard dans l’eau que dans celui de sa compagne. Après avoir pris une profonde inspiration, il se tourna vers sa belle.
Il lui rappela leur rencontre à Cuilnen, et toutes les autres fois qu’ils se sont rejoints fortuitement sans s’être donné rendez-vous. Il avait également remarqué à quel point ils devinaient respectivement les actions de l’autre.

Sibelle acquiesça de la tête à cette première remarque et en était pleinement consciente, on ne pouvait nier leur complicité.
Puis il lui parla des mages gris, de l’affrontement à l’auberge afin de sauver un marchand et sa petite famille.

Silencieuse, mais toujours attentive, Sibelle croisa ses bras contre sa poitrine et fronça légèrement les sourcils.

Il en vint enfin au cœur du sujet, prenant comme prétexte l’anéantissement des mages gris afin de rejoindre l’armée d’Oaxaca.
A ce moment, les joues de Sibelle s'empourprèrent, ses poings se serrèrent, ses lèvres se pincèrent, mais elle ne dit mot.
Usant de douceur, redoutant sans doute l’éruption intérieure du volcan de colère qui envahissait sa compagne, il plaça sa main sur son épaule.

Elle ne fit aucun geste pour retirer la main de l’humoran, mais il pouvait sentir la raideur dans tous ses membres. Ses lèvres tremblaient.

Il la supplia de partir avec lui rejoindre l’armée Oaxacienne. S’ils attaquaient Kendra-Kâr, il promit qu’il ne s’en prendrait pas à ses habitants. Ils ne pouvaient éviter la victoire de la magicienne noire, mais ils pourraient l’orienter autrement. Il redoutait de franchir la frontière qui le séparait du côté sombre si Sibelle n’était pas à ses côtés. Il avait conscience des sacrifices qu’il demandait à sa compagne, mais il se sentait incapable de se séparer d’elle.

Elle prit une grande inspiration, puis répondit enfin d’une voix contrôlée, mais dans laquelle on pouvait deviner la colère et la déception.

“Et pourtant, tu dois faire un choix… si tu rejoins Oaxaca, ce sera sans moi.”

Sa colère pouvait se sentir, elle était sur le point d’exploser.

Curieusement, les yeux de Sirat s’arrondit de surprise, il croyait sûrement convaincre la belle… ils n’étaient peut-être pas autant en osmose qu’il le croyait. Avec une déception amère dans la voix il répondit qu’il tentait de sauver Yuimen.

Exaspérée, Sibelle se défit de son sac et de ses armes qu’elle laissa tomber sur le plancher. Puis d’un ton assez fort pour être entendu par toute l’équipage, sans le quitter des yeux, elle lui cria:

“ Tu n’aurais pas dû me sauver de ces chasseurs. Tu aurais dû me laisser mourir aux côtés de mon compagnon.”


Elle recula de deux pas, positionna ses jambes, prête à attaquer puis lui annonça:

“Tue-moi donc immédiatement au lieu de me tuer à petit feu en te joignant à Oaxaca !”

Cela dit, elle fonça droit sur Sirat, lui balançant sa jambe droite en pleine poitrine. Sirat ne voulant pas attaquer Sibelle, se contenta d’esquiver d’un pas de côté.

Sibelle atterrit par une roulade, se releva puis attaqua de nouveau.

Les sourcils froncés, le colosse para la deuxième attaque de la main. Il ne tenta aucune offensive se contentant d’esquiver les coups de sa belle enragée. Profondément déçu, il exprima son incapacité à se faire comprendre d’eux.

La guerrière parvint à le frapper au visage, il encaissa le coup mais ordonna à la guerrière de cesser ses attaques. Il passa derrière elle, lui prit les poignets et l’immobilisa. Sibelle cessa alors de se débattre.


Ce fut ce moment que choisir Sirius pour intervenir. Lui donnant l’ultimatum de sauter du bateau pour rejoindre Karsinar ou de rester avec eux. Comprenant qu’ils ne pourraient les convaincre, Sirat leur reprocha de ne voir qu’une partie de la réalité. Il aurait souhaité qu’ils demeurent unis, la tristesse dans la voix. De nouveau, il parla des mages gris, les accusant de tous les maux et clamant que seul Oaxaca pourrait les vaincre. Il voyait ça comme un compromis pour éviter le pire…. Mais Sibelle ne partageait pas son point de vue, elle estimait Oaxaca plus dangereuse que les mages gris. Sirat relâcha finalement Sibelle en la projetant vers Sirius.

Elle n’opposa aucune résistance, résignée à le perdre de nouveau.

“Adieu” réussit-elle à dire lorsqu’il les salua.

Après le départ de Sirat, elle ramassa ses armes et sa besace, puis elle courut sur le pont, se transforma en hippogriffe et décolla. Elle avait besoin d’air.

Elle parcourait le ciel sans but, ne cherchant qu’à vider son esprit de toute la colère, la déception et la tristesse qui l’envahissait. Les derniers jours passés auprès de Sirat lui avait fait prendre conscience qu’elle tenait à lui… mais les dernières minutes lui firent réaliser qu’ils n’avaient pas le même vision du bien et du mal. Elle redoubla de vitesse et prit de l’altitude. L’air frais la grisait et lui apportait une sérénité qu’elle ne trouvait nulle part ailleurs. Sa colère s’estompa donc au fil des minutes et elle fit demi-tour. Elle avait remarqué la présence discrète de la chouette et en avait pris aucunement ombrage. Au contraire, elle appréciait ce geste de la part de Silma.

Après près d’une trentaine de minutes, elle fit demi-tour et mit le cap vers le Masamune.

Du haut du ciel, il fut possible à ses compagnons de voir l’hippogriffe. Elle réduisit sa vitesse, puis atterrit avec douceur sur le pont. Après avoir repris sa forme elfique, elle s’approcha de Silma et Sirius et demanda:

“Quel est votre plan ?”

Sirius étant plus volubile que Silma, ce fut lui qui répondit à son interrogation. Il jugeait très importants qu’ils partagent leur équipement, qu’ils se préparent ensemble à affronter l’ennemi. Ce fut non sans surprise et avec une pointe de scepticisme que Sibelle apprit que le trident du pirate pouvait transformer une simple chaloupe en navire sous-marin. Silma se contenta de soupirer et de ramasser ses affaires, sous le regard interrogatif de Sibelle, mais elle n’eut pas le temps de poser une question à l’elfe blanche que Sirius la prit à part pour lui demander ce qu’elle comptait faire.

“Je veux me rendre à Oranan par la voie des airs, je voudrais m’assurer que les “civiles” sont protégés. Je pensais garder ma forme d’hippogriffe… avoir un cavalier serait plus facile de me faire passer pour une simple monture.”

Il s’informa ensuite de Sirat et Sibelle répondit.

“Il croit que les mages gris constituent un pire danger qu’Oaxaca...et que elle seulement peut venir à bout de ceux-ci… Je ne crois en rien à cela.”


Bien que Sibelle était demeurée muette pendant l’échange entre Sirius et Silma, elle n’avait pas perdu un mot de la conversation. Elle comprenait la position de Silma et considéra que l’elfe blanche avait pris la bonne décision. Lorsque cette dernière les salua avant de prendre son envol, Sibelle la salua brièvement, mais sincèrement.

“Bonne chance à vous deux.” Dit-elle tout en jetant un bref coup d’oeil à Nildë, elle rajouta:.

“Et j’ai apprécié sa présence discrète, lorsque je suis partie vider mon esprit de ma colère.” Termina-t-elle.

Sibelle regarda Silma et sa compagne s’envoler. Elle eut une brève pensée pour l’hippogriffe blanc qui lui avait appris les rudiments de la chasse. Voulant chasser rapidement cette nostalgie, elle reporta son attention sur le marin. Ce dernier voulait rejoindre également Oranan, mais pas pour le moment. Il demanda à Sibelle de tenter de mettre le feu au port si jamais elle le survolait. Sibelle fronça légèrement les sourcils, décidément ce pirate n’élaborait pas des plans comme les communs des mortels.

“Je vais sûrement survoler le port oui, mais je ne vois pas comment je pourrais y mettre le feu par la voie des airs... Pour ce qui est du vol en hauteur, il m’est possible d’observer d’assez haut sans pour autant être vu… Si on se retrouve là-bas, il y a de fortes chances que ce soit sous ma forme animale...Je ne tiens pas à rencontrer des gens… Pour eux, je ne serai qu’un hippogriffe et au mieux une monture….Si tu me rejoins, je pourrai combattre à tes côtés. "

Cela dit, elle leva son regard vers le nid de pie. Elle souhaitait faire ses aurevoir au pirate qui occupait d’ordinaire ce poste, mais elle était trop orgueilleuse pour lui demander de descendre. Sirius comprit assez rapidement le désir de Sibelle et convoqua son matelot afin qu’il puisse dire aurevoir à la guerrière. Et puis, curieusement, Sirius eut la délicatesse de se mettre en retrait.

Obéissant à son patron, Plagg glissa rapidement dans les cordages et se présenta à Sibelle la tête en bas. Il lui conseilla à la blague de ne pas prendre trop de hauteur, puis l’informa qu’il prierait pour elle.

Sibelle l’observa sérieusement, c’était ce marin qui l’avait aidé à vaincre ses maux de mer et elle lui en était reconnaissante.

“La mer, ce n’est pas pour moi. Je ne reviendrai pas, mais je ne vous oublierai pas.”

Cela dit, elle salua de nouveau Sirius puis commença sa transformation en hippogriffe. Sa transformation ayant débuté par l’arrière et progressant à l’avant cette fois-ci, elle avait l’allure d’un centaure lorsque Sirius se rappela qu’il avait toujours le sucre d’orge en sa possession. Elle le lança en direction de la belle. Elle eut à peine le temps de l’attraper et de la lancer dans son sac avant que ce dernier ne fonde dans son plumage. Sa transformation terminée, elle fit un pas en direction de Plagg. . D’un coup de bec, elle arracha une petite plume bleue à la base de son aile et la déposa au pied de Plagg. Elle fit un dernier signe de tête, puis partit au galop sur le pont tout en déployant ses ailes, puis s’envola.

((( Utilisation d'une dose du sucre d'orge en faveur de Heartless )))


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Heartless
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Re: Le Masamune (Heartless - X2)

Message par Heartless » sam. 26 juin 2021 02:02

Sirius constata à son retour que les serviteurs qui manquaient, guidés par Nani, étaient bel et bien sur son navire, sains et saufs. Principalement des femmes et des enfants. Les hommes avaient peut-être jugé que si jamais le borgne disait vrai quant à la menace qui pesait sur eux, ils ne pouvaient pas se permettre d'imposer le fardeau de la guerre à leurs êtres aimés, et préféraient les confier à la brave jeune femme. Heartless laissa s'échapper un souffle apaisé.

"Z'êtes venus, au final."
"C'est vrai, ce que vous nous avez dit ? Vous nous emmènerez du côté kendran ?"
"J'vous emmène où vous voulez, kendran ou pas. Donc d'un côté, c'était pas totalement vrai."


Elle marqua un silence.

"Qu'est-ce que vous voulez, en retour ?"
"Vous en faites pas pour ça. Vous avez rien à me donner."
"Alors pourquoi vous nous avez aidés ?"
"Quoi ? J'ai besoin d'une raison ?"


Le regard inquisiteur de Nani lui disait qu'elle n'était pas convaincue. Sirius prit un air exaspéré.

"Des gosses, Nani. Des femmes et des gosses."

Derrière Nani, deux enfants, assis contre le bastingage et emmitouflés dans une couverture faisaient rebondit une balle en cuir. Il plaqua un instant sa langue dans un coin de sa bouche, puis reprit.

"Je sais pas comment cette guerre va tourner. Je sais pas ce qu'il va m'arriver. J'ai peur de faire une connerie, que des gens qu'ont rien demandé, y crèvent à cause de moi. Au moins comme ça, j'pense que j'aurai fait au moins une chose bien."

Le vent du sud balaya les mèches noires de Nani. Elle lui tendit les deux objets qu'il lui avait confié. Le cor et le poignard. Heartless les reprit sans rien ajouter. Le vent se levait de plus belle.

"Vous vous appelez comment ?"
"Sirius. Et pas la peine de me vouvoyer, c'est bizarre."


Pour Nani, c'était le remercier qui semblait étrange. Elle n'était pas sûre si c'était adapté. Pour elle, il était encore trop tôt. Elle n'eut pas besoin de le faire, car les pas de Sinaëthin, suivie par Sibelle, secouèrent le ponton branlant. Sans grande surprise, l'hinïonne des neiges faisait sombre mine, mais ce n'était rien comparé à la compagne de Sirat, dont les yeux étaient rouges et la mâchoire serrée. Elle refusait de dévoiler ce qui l'avait mise dans cet état, mais il était évident que cela avait un rapport avec l'humoran. Lorsque ce dernier aborda enfin, il fut accueilli par un conseil de guerre assemblé à la va-vite. Heartless était assis sur une caisse au milieu du navire. Il avait convié les autres aventuriers à le rejoindre. Alors qu'Iguru lui préparait une attelle, il ordonna au reste de l'équipage de se préparer au départ. L'hospitalité de Karsinar avait ses limites. Les anciens serviteurs qui traînaient sur le pont du Masamune attirèrent le regard de Sirat.

“Nani, tu peux dire aux autres de faire comme chez eux, on manque pas de place, sur ce rafiot. On va bientôt partir d’ici.”

Elle hocha la tête et s'en alla, bien qu'elle avait du mal à trouver du confort dans cette situation.

"C’est qui ceux-là ?"
“Hm ? Oh, d’anciens serviteurs de Vandrak. Je leur ai proposé de nous suivre.”


Il fit un petit signe de la main à l'un des enfants qui le fixait d'un air distrait. Sibelle s'approcha, un petit objet brillant à la main. Elle le tendit à Sirius. Un sucre d'orge ? Elle lui assura qu'il détenait le pouvoir de guérir toutes les blessures, mêmes les plus graves. Le borgne crut à une plaisanterie, mais il savait pertinemment que ce n'était pas le genre de la spartiate. Alors il obéit comme un bon petit soldat et garda la friandise entre ses lèvres.

“Ce qui m’emmerde, c’est qu’il va falloir trouver un moyen de les écarter des combats. Parce que je sais pas pour toi, Sirat, mais moi, je compte pas en rester là. Absolument pas."
"Je ne compte rien faire en l’occurrence. Je peux les ramener jusqu’à bon port, si tu veux. Mais tu n’as qu’un bateau, donc il va falloir nous déposer."
“As-tu une idée de l’endroit où tu veux les emmener ? Quoi qu'il en soit, je t’accompagne."
ajouta l'hinïonne, fidèle.
“Attendez, quoi ?! Vous comptez jeter l’éponge ?” fit Sirius, estomaqué.
"Au sens strict des termes de notre contrat, on devait libérer Vandrak. Il n’est pas prisonnier donc ma mission s’arrête là. Pour la suite, je vais observer, je ne veux pas me hâter. Tu as déjà failli mourir étranglé, cela ne t’a pas suffit ?"
“Bien sûr que non, ça m’a pas suffi !”
s'exclama Sirius en agitant la bourse pleine de Yus qu'il avait subtilisé à Karsinar.

Les deux partagèrent un rire étouffé. Mais Heartless, le poing serré, était loin de vouloir jeter l'éponge.

“Ces salauds vont faire couler le sang d’un tas d’innocents pour leurs raisons à la con. Ce n’est plus une question de gloire ou d’renommée. Je connais des gens à Oranan, et plus je réfléchis à tout ce bordel, plus j’suis convaincu qu’cette fois, Oaxaca est plus proche de la victoire que jamais ! La mission Vandrak n’a peut-être plus lieu d’être, mais va pas me faire croire que tu comptais juste suivre aveuglément les ordres de cette bande de vieux schnocks. Regarde-nous, on est pas des soldats modèles, on fait pas tout ça pour une médaille. On a chacun nos propres raisons d’agir, pas vrai ?”

Il y eut un moment de réflexion. Silma n'avait toujours pas dit un mot. Comme à son habitude, elle observait avant de faire quoi que ce soit. Sibelle, les bras croisés, rétorqua.

“Rien n’est terminé en effet, et oui, je veux combattre l’armée d’Oaxaca… Mais il faut attendre un peu, voir où elle place ses pions.”
"Si tu veux qu’il n’y ait plus d’innocent qui meurt, c’est contre la guerre en elle-même que tu dois lutter. Le camp d'Oaxaca n’a pas le monopole du mal. Elle est juste opportuniste et avide de pouvoir. Sa victoire totale n’est pas si assurée, bien au contraire. Pour mes raisons, je les ai exposées au château."


Il ajouta qu'en ce qui concernait les réfugiés, Sirius pouvait les guider jusqu'au port du Val d'Abondance, s'il n'était pas aveuglé par ses désirs de revanche. Cette remarque sournoise blessa le pirate. Que croyait-il savoir de sa pensée ? L'humoran lui attachait des motivations malhonnêtes, et un égoïsme borné. Il n'avait pas entièrement tort, Sirius était conscient de ses faiblesses, dans une certaine mesure. Mais cela le blessait, car c'était justement son égo qu'il avait mis de côté pour le bien du groupe. Ce fut alors que Silma intervint.

"Tu préfères donc ne rien faire plutôt que de prendre une décision moralement imparfaite ? Te soucies-tu si peu du sort des innocents en jeu que ton opinion de Kendra-Kâr te retient de souhaiter leur venir en aide ? Ou est-ce parce que tu désires avant tout devenir le guide de tous et estime donc que tu dois rester neutre ? Peut-être qu'ils ne suivraient pas un ennemi, mais il n'est pas dit qu'ils suivraient quelqu'un qui s'est contenté de regarder les leurs mourir non plus…"
"Des innocents meurent tous les jours, peux-tu tous les sauver ? Moi en tout cas, je n’ai pas ce pouvoir. Des guerres, il y en aura d'autres, les peuples se meuvent et les gens meurent, c’est ainsi."


L'indifférence froide de Sirat, était-elle née de la cruauté, de la lassitude, du désespoir ? Ou alors était-ce normal, pour un fidèle du dieu du temps et du destin, d'embrasser la fatalité en tout temps ? Sa religion entravait son jugement. Il s'était lui-même rendu aveugle au présent. Et le présent obsédait Sirius. Il voulait protéger Oranan, faire front commun, montrer au monde entier ce qu'un groupe disparate mais déterminé pouvait faire pour le changer, sans obéir aux camps qui le divisaient. Il voulait agir tant qu'ils en avaient l'occasion, frapper Oaxaca là où elle ne s'y attendrait pas pour donner une chance à tous de s'en sortir, en cas de défaite. Il voulait reprendre le port. Perailhon, sûr de sa victoire sur la flotte kendranne, ne s'attendrait pas à une attaque par l'arrière. Ils avaient une chance de changer les choses, mais le lion ne voulait rien entendre aux promesses de Sirus.

"On était tout sauf bien coordonnés au castel, mais après tout ça, on sait au moins qu’on peut compter les uns sur les autres. J’peux pas prévoir le futur non plus, Sirat, mais je préfère agir maintenant que d’avoir des regrets plus tard !"

Sirat le toisa avec un sourire en coin.

"Je ne peux pas prévoir le futur non plus, mais des fois, la mauvaise action est plus regrettable que l'inaction. Tu veux surtout te faire Peraihon, pour ta renommée."
"Répètes ?!"


Ces mots étaient un coup de poignard. Comment osait-il prétendre que Sirius était encore en quête de renommée alors que c'était lui-même qui avait renoncé à sa quête de gloire pour amener les autres ici ?! Le borgne était à deux doigts de se lever de rage, mais il savait pertinemment que ce genre de démonstration donnerait raison à l'humoran.

"J’suis pas en train de vous embobiner pour une question de gloire personnelle, Sirat. J’suis pas hypocrite à ce point !"

Il était à deux doigts d'en venir aux mains pour lui faire entendre raison, mais il prit Sibelle à part. Les deux s'écartèrent du groupe, laissant Heartless fulminant et Sinaëthin déboussolée. Qu'avaient-ils fait, jusque là, sinon gâcher du temps ? Du début de leurs messes basses, Sirius n'entendit que des bribes. Sirat s'était mis à parler de mages gris, du camp d'Oaxaca, de leur rapport, à quel point ils étaient proches, de l'inéluctabilité de la défaite. Dans un souffle, il lui fit la demande. Il comptait rejoindre le côté oaxien, mais il ne pouvait supporter l'idée de se séparer de la rousse. La combattante restait figée. Une statue de marbre, son visage tremblait, ses poings se serraient.

“Et pourtant, tu dois faire un choix… si tu rejoins Oaxaca, ce sera sans moi.”
"Je tente de sauver Yuimen et l’ordre établi."


Il la suppliait du regard de voir les choses à sa manière. Mais Sibelle, femme aux fortes convictions, jeta son sac au sol et se mit dans une position de combat.

“Tu n’aurais pas dû me sauver de ces chasseurs. Tu aurais dû me laisser mourir aux côtés de mon compagnon. Tue-moi donc immédiatement au lieu de me tuer à petit feu en te joignant à Oaxaca !”

Elle bondit sur le zélote, mais ce dernier l'évita d'un geste, sans riposter.

"Sibelle..."

Elle se redressa, fondit sur lui à nouveau.

"C’est donc ainsi, je reste éternellement incapable de me faire entendre."

Dans un cri de rage, l'hinïonne lui octroya un coup de poing au visage. Il l'encaissa, sa colère montant peu à peu.

"Cesse. Tout de suite."

Tout l'équipage avait les yeux rivés sur cette violente rupture, mais Heartless n'intervint pas. Cela ne servait à rien. Si même Sibelle ne pouvait pas le faire rester, il n'y avait rien à faire. Une perte complète de temps. Sinaëthin était prête à intervenir, mais Sirius la retint d'une main sur l'épaule.

"Elias," murmura Heartless. "Largue les amarres, on s'en va. Dis à Plagg de faire de même pour le bateau de Vandrak en le raccordant au nôtre, discrètement."

Sirat, capable de voir les coups dans les bribes du temps avant qu'ils ne l'atteignent, ne mit pas longtemps à bloquer Sibelle dans une clé de bras. Pendant cet instant de répit, ils se rendirent compte tous les deux que le Masamune commençait à s'éloigner du port. C'était un ultimatum. S'il voulait quitter le navire, qu'il le fasse sans attendre, au lieu d'envenimer davantage les pensées de Sibelle. L'humoran la relâcha. Il tenta de convaincre le reste du navire de son point de vue, sa voix emprunte d'une certaine tristesse. Non, Sirius était bien trop en colère contre lui pour écouter son petit numéro de prophète incompris.

"Vous ne voyez que la partie haute de l’iceberg. Nous devrions rester unis, ma solution est viable… mais peut-être pas pour tout le monde. Pas besoin de se battre maintenant. Des mages gris sont en train de prendre du pouvoir, ils sont puissants et dangereux. Ils ont déjà infiltré des villes comme Kendra-Kar, et cette guerre est une aubaine pour eux. Seule la magicienne à le pouvoir de les contrer. Je ne l’aime pas non plus, mais je fais ce sacrifice pour un bien ultérieur. Du moins c’est ce que je pense..."

D'un geste vif, il rejeta Sibelle vers le capitaine. Un pied posé sur le bord, il leur adressa à tous un dernier regard, et leur souhaita bon courage avant de sauter sur les quais. Un adieu étouffé par le chagrin échappa de Sibelle. Elle regarda la silhouette de l'humoran se faire de plus en plus mince, et le castel se faire plus petit dans l'horizon. Des loups hurlèrent, car le navire de Vandrak suivait le Masamune, mais que pouvaient-ils faire, sans embarcation digne de ce nom ?

Le Masamune avait repris les vagues. Un hippogriffe fendit le ciel, Sibelle voulait s'écarter de tout ceci, réfléchir seule, là-haut, à ce qu'il venait de se passer. Nildë, la chouette de Sinaëthin, l'accompagnait en silence, dans l'espoir qu'une présence muette puisse l'apaiser.

L'heure qui suivit fut animée par les discussion du marin et de l'archère. Elle voulait entendre les plans du pirate, mais il était à regret d'avouer qu'il n'en avait pas vraiment. Leurs effectifs étant réduits, il ne savait plus vraiment quoi faire, et ne pouvait que proposer ce qui était essentiellement des plans suicidaires avec un mince espoir de faire tourner les choses en leur faveur. Tout de même, elle l'écoutait. Jusque-là, même si elle semblait exaspérée par sa conduite la plupart du temps, Sinaëthin était la personne qui partageait le plus les convictions d'Heartless. Elle était peut-être juste plus ouverte d'esprit. "Perailhon n'a plus que des pirates superstitieux à ses ordres.", "J'ai de quoi mettre le feu à une flotte entière.", "Ils ne nous verront pas arriver.", autant d'affirmations qu'elle écoutait sans broncher. Elle réalisait sans doute plus qu'Heartless à quel point ses plans étaient du domaine de l'insensé. Mais, au moins, sa passion avait trouvé une oreille. Plus il parlait, plus il comprenait la bêtise dont il faisait preuve. Dont il avait fait preuve à maintes reprises au cours de sa vie.

"Mais bon, je sais, je sais. J’ai tendance à élaborer des plans cinglés. Je suis pas mauvais pour foutre le boxon, mais je sais que ça a tendance à vite virer à la débandade. Toi, tu serais prête à foutre la merde sur ce petit bout d’océan, quitte à y risquer la peau des fesses ?"
"Comment ça l'approche sous-marine que ce harpon permet ? Et comment comptais-tu jouer sur la superstition pour mettre ces mercenaire en déroute ? Du reste on pourrait effectivement rallier Oranan par les airs mais nous ne serions que deux ou trois pions de plus à défendre la cité et je préfère penser qu'il y a une meilleure façon de mettre nos pouvoir particuliers et compétences à profit..."


C'était presque un miracle qu'elle l'ait écouté jusqu'au bout. La patience de l'hinïonne semblait être à toute épreuve. C'était peut-être lié à la longévité de son espèce. Elle pouvait se permettre de se poser davantage qu'une humaine éphémère.

"Armés comme on l’est, on tiendrait pas vingt secondes si on tente de forcer un passage en force à l’ancienne. Comme je l’ai dit, les gars de Darhàm sont sans doute très superstitieux, comme tout marin qui se respecte... Tu verrais comment ce vieux bouc réagit à chaque fois qu’il entend le mot cor-"

Un couteau alla se planter juste à côté d'Heartless. Il se crispa et changea de position, tout en gardant un grand sourire.

"Je disais, il doit y avoir une légende ou deux qu’on pourrait mettre en pratique pour ficher la trouille à ces gaillards, ou alors quelque chose d’assez spectaculaire pour leur faire croire qu’ils ont perdu l’avantage... Tu penses pouvoir faire une Esswan Sessra convaincante ? J’veux dire, j’ai une partie de son bordel, et… beaucoup de teinture bleue."
"Esswan Sessra ?"
"Ah oui, euh, guerrière earionne légendaire, possible incarnation de Moura, tout ça. Rouquine, maintenant que j’y pense. Tsk, pas de bol."
"Ça ce n'est pas un problème."


Elle sortir une bague de sa besace. Lorsqu'elle l'enfila sur son annulaire, sa couleur de cheveux vira subitement au rouge éclatant. Sirius restait bouche bée tout le long de la transformation. Toujours sceptique, Silma le ramena à la réalité.

"Mais tu penses franchement que me voir apparaître rousse et la peau peinte en bleue suffirait à convaincre qui que ce soit de fuir le port ?"
"Mmmmh, non, non, mais ça peut être un bon début. Après tout, beaucoup de marins croient encore qu’un jour, la cité d’Antalyä émergera pour reconquérir les océans. Si on peut leur faire croire à une armée submergée, ils seront ptèt plus enclins à nous croire. Je t’ai déjà dit que t’étais pas mal en rouquine ?"


L'archère fit les gros yeux. Le compliment était innatendu. Elle s'y attendait encore moins que d'autres, en vérité, car elle n'était pas coutumière des compliments.

"Merci ?"

Sinaëthin n'avait vraisemblablement aucune idée de ce qu'elle était en train de faire pour Sirius Heartless. Elle ne se doutait peut-être pas qu'elle parlait à un homme qui s'était remis depuis peu d'une série d'échecs écrasants, qui avait désespérement tenté d'atteindre l'immortalité au point le plus bas de son existence, qui doutait encore de sa place au sein du monde et de son propre équipage. Le départ soudain de Sirat et la promesse d'une guerre sanglante pesaient sur son esprit. Le peu de temps qu'il passait à discuter de plans stupides et de stratégies invraisemblables avec Sinaëthin l'avait transporté à ses débuts. Plusieurs années auparavant, il faisait ce genre de plans insensés sur le Masamune, navire de sa jeunesse, devant Gallion Thunderhead, un marin bien plus expérimenté et cynique qu'il ne l'était.

Il était, en quelques sortes, revenu au point de départ. Et bien qu'il ait grandi de ses expériences passées, ses victoires comme ses innombrables échecs, c'était toujours ce genre de moments qui le définissait. Et avoir une oreille attentive pour l'écouter lui permettait de parler davantage, et en s'entendant parler, une partie inconsciente de lui se souvenait de ce qu'il aimait et de qui il était vraiment. Il était loin du rôle qu'il redoutait tant, celui d'une figure de proue pour la Confrérie d'Outremer, un projet fantasque qu'il avait lancé sans réfléchir, et duquel il se sentait désormais responsable. Il était juste Sirius Heartless, jeune marin stupide à la tête remplie d'idées et la bouche pleine de bêtises.

Il se leva de son siège et empoigna son trident.

"Bon. Tu sais quoi ? J’ai bien envie de tester ce joujou maintenant. Moi aussi, j’ai hâte de voir le résultat. La vieille chaloupe fera l’affaire. J’ai pas envie de courir le risque de couler le Masamune."

Heartless commanda à l'équipage de jeter l'ancre puis il se dirigea vers la chaloupe qui était suspendue d’un côté du navire. Il demanda à Iguru de la faire descendre et monta à son bord.

"Tu montes ou tu regardes ?"
"Couler le Masamune ?"
"Euh..."


Le pirate émit un petit rire gêné.

"Ouais, reste ici quand-même, au cas-où."

Heartless laissa descendre la chaloupe sur l’eau. Arrivé à une distance confortable de son bateau, il adressa un regard pas entièrement confiant à Sinaëthin puis, il inspira un grand coup. D’un large geste, il planta l’arme dans la barque même, mais rien ne se produisit dans l’immédiat. Sirius déglutit.

"J’dois le dire tout haut, c’est ça ?"

Le silence des vagues fut sa réponse. Il s’éclaircit la gorge.

"Bon, d’accord. Léviathan."

Rien. Il regarda autour de lui, confus, puis répéta avec plus d’ardeur.

"Léviathan !"

Toujours rien. Il passait pour un idiot. Dans sa frustration, il cria encore plus fort.

"LÉVIATHAN !!"

Il était cassé, ce machin, ou quoi ?

"LÉ-VIA-T-"

Soudain, il y eut comme un grondement de tonnerre, et d’énormes ailes transparentes, ou plutôt, des nageoires, jaillirent du bois. La coque de l’embarcation se distordait, et des craquements bruyants ne présageaient rien de bon quant à la suite. La chaloupe sembla se replier sur elle-même pour former une sorte de toit au-dessus d’elle. Une membrane épaisse, de composition semblable à celle des nageoires, entre chair et écume, recouvrir toute l’embarcation. Le trident, fermement planté, vit l’ondyria qui le composait se reformer, comme vivant. De nombreux pics bleus sortirent du manche, et dans un assaut liquide, se joignirent pour former ce qui ne pouvait être rien d’autre qu’une roue de gouverne. Ou plutôt, deux roues, comme pour signifier à l’avance que la chose sur laquelle il se trouvait était désormais capable d’un nouveau genre de mouvement. Alors que tout cela se déroulait sous le regard paniqué d’Heartless, la chaloupe transformée se mit à couler, et nul ne put discerner ce qu’il se tramait sous le fil de l’eau pendant plusieurs minutes.

C'était comme un autre monde. Il n'avait jamais vu sous la surface de l'eau avec une telle clarté, derrière la fine membrane qui le séparait d'une grande tasse salée. Il pouvait voir du bleu qui s'étendait à l'infini, il pouvait voir comme une substance, une épaisseur... Les bulles qui dansaient de manière presque hypnotisante. Il tourna le gouvernail en ondyria, d'abord vers le bas, puis vers la droite, et, conformément à ses attentes les plus folles, l'embarcation sous-marine plongea davantage et tanga vers la droite. Il put voir les poissons. Il les avait vus de manière trouble dans leur milieu naturel, mais il n'avait jamais pu voir leur nage dans un tel détail. Il trouva de la grâce dans quelque chose d'aussi mondain que le déplacement d'un banc d'anchois. Ce qu'il ressentit à cet instant, ce n'était pas seulement de la liberté. C'était comme un émerveillement révolté, un étonnement profond que ce monde-là avait toujours été à leur portée mais caché, secret. Seul un sang-pourpre ou un éarion pouvait voir la mer comme il la voyait en cet instant. Et ce n'était que la surface ? Qu'y avait-il au fond ? Il lui fallait lutter contre la curiosité qui l'envahissait alors, car il se sentait capable de passer des heures sous cette mer... calme. Oui, la dernière chose qu'il ressentit, la sensation qui resta après tout cela fut le calme. Au fond de l'océan se trouvait une sérénité à nulle autre pareille. Et dire qu'il avait toujours eu ça sous son nez...

Sur le navire, l'archère s'impatientait. Heartless n'était toujours pas remonté. Empruntant la forme d'un phoque nosvérien, elle plongea à sa rescousse. Lorsque les yeux de Sinaëthin s’habituèrent à son milieu, elle fut surprise par la disparition totale d’Heartless et de son étrange embarcation. Cela ne dura cependant qu’une demi-seconde car cette dernière perça la surface tel un dauphin en pleine plongée. Il semblait que la chaloupe avait bondi hors de l’eau au moment-même où elle avait sauté, et elle était désormais témoin de son retour à la mer salée. Elle put constater que Sirius était toujours à bord et qu’il contrôlait son nouveau gouvernail à l’aide de la double barre en ondyria. Derrière la membrane trouble mais transparente, elle put discerner un large sourire venant du borgne. La chaloupe fit plusieurs tours dans l’eau, et il semblait s’amuser comme un petit fou. Puis, après une bonne minute d’enfantillages, il revint à la surface, regardant son équipage accoudé au bastingage tout en riant à gorge déployée.

"Wahahahahaaa ! C’est trop bien ! C’est trop la classe ! Siiiin’, tu vois ça ?"

Heartless remonta à bord de son navire après avoir arraché le trident de la chaloupe. Celle-ci reprit doucement sa forme originelle et les membranes aqueuses se liquéfièrent, se mêlant à l’écume comme si elles n’avaient jamais pris forme.

"A y est, t’as touché le fond ?"

Heartless répondit comme si Elias ne venait pas de le railler.

"Bientôt, ouais ! Bientôt, je le toucherai ! Mais revenons à nos cochons."

Il s’approcha de Silma qui était en train de se sécher, plus enjoué que jamais. Un battement d'ailes et un bref obscurcissement signalèrent le retour de Sibelle qui reprit sa forme humaine et se posa sur le pont avec Nildë. Sa balade parmi les nuages semblait lui avoir changé les idées pour le moment. Sirius lui fit part des aboutissants de leur discussion, et des découvertes sur le Léviathan.

"Et toi, tu comptes faire quoi ?" demanda-t-il à la rousse.
“Je veux me rendre à Oranan par la voie des airs, je voudrais m’assurer que les civils sont protégés. Je pensais garder ma forme d’hippogriffe… avoir un cavalier serait plus facile de me faire passer pour une simple monture.”

Le borgne resta silencieux un instant. Les mains posées sur le bastingage, il se sentait impuissant d'arrêter l'hinïonne.

"Et pour Sirat ?"

Les cheveux de Sibelle passèrent devant ses yeux.

“Il croit que les mages gris constituent un pire danger qu’Oaxaca... et que elle seulement peut venir à bout de ceux-ci… Je ne crois en rien à cela.”

Elle avait dit l'essentiel. Son départ n'était plus qu'une question de minutes. Sinaëthin s'approcha à son tour du Wiehl. Elle avait pris une décision, à son tour. Elle comptait elle aussi quitter le Masamune, pour accomplir un rôle d'espionne et d'éclaireuse pour l'armée kendrane, une tâche bien plus adaptée à ses compétences. Heartless souffla alors qu’il s’adossait au bord du navire. Il n’était clairement pas enchanté par l’idée de Sinaëthin, mais il réalisait peu à peu que ses camarades ne partageaient pas ses plans. Au moins, ils agissaient par force de conviction.

"Pffff… T’as ptèt raison. Et pis, c’est pas comme si on pouvait contribuer à grand-chose à bord du Masamune. Bonne chance à toi, et à Sibelle. Je compte pas rejoindre Oranan tout de suite, mais j’espère qu’on s’y retrouvera."

Des adieux s'ensuivirent. Formels, sans grande émotion. Lorsque Silma prit son envol, Sirius fit un geste d’adieu. Il la regarda partir avec un sourire confiant, bien qu’un peu triste. Il ne savait pas grand-chose d'elle en fin de compte, ne l’ayant croisée que quelques fois à des occasions toutes plus singulières les unes que les autres, mais il était resté assez longtemps autour d’elle pour savoir qu’elle était une personne de principes et de volonté. Et surtout, elle lui avait prêté une oreille attentive. Cela lui suffisait.

Il avait demandé une faveur à Sibelle. Si elle venait à survoler le port ynorien, et qu'elle constatait la présence d'huile à la surface de l'eau, elle devait tenter d'y mettre le feu. Elle ne put rien promettre, et quelque part, c'était mieux ainsi. Car la demande d'Heartless impliquait une chose. Son navire était plein de matériaux inflammables. Si jamais il venait à être détruit, il les libérait dans la mer. Il voulait s'assurer qu'en cas d'échec, quelqu'un puisse s'assurer que le sacrifice de son navire ne soit pas vain. Elle lui proposa de rejoindre Oranan sur son dos, mais il déclina son offre. Il voulait encore tenter quelque chose. Il ne savait pas quoi exactement, mais il le tenterait. Il remarqua une insistance timide dans la manière que Sibelle avait de jeter des regards vers le haut du mât. Elle n'osait pas le dire, mais elle voulait sans doute faire ses adieux à Plagg. Sirius le fit descendre et les laissa tous les deux.

“La mer n’est pas pour moi. Je ne reviendrai pas, mais je ne vous oublierai pas.” déclara Sibelle avec un mélange de tristesse et de détermination, alors qu'elle commençait sa transformation en hippogriffe.

"Hé, t'as oublié ça !"

La main encore humaine de la rousse attrappa au vol le sucre d'orge qu'elle avait laissé à Heartless. Elle put constater qu'il l'avait lancé avec sa main droite, désormais guérie. Elle le rangea dans sa besace et acheva sa métamorphose. La bête majestueuse bondit et déploya ses ailes qui l'emmenèrent jusqu'à l'horizon.

Et Heartless dut tous les regarder partir. Sirat, Sinaëthin, Sibelle... C'était comme si une boule s'était formée dans sa poitrine. Il aurait aimé que cette alliance dure plus longtemps. Il y avait quelque chose chez ces gens-là, quelque chose qu'il ne ressentait pas souvent. Il avait l'impression d'avoir trouvé ses égaux, mais ils étaient partis si vite. Il se demanda si quelque part, tout cela était de sa faute, si c'était lui qui les avait tous repoussés sans s'en rendre compte.

Lorsque le castel ne fut plus qu'un lointain souvenir disparu de l'horizon, le capitaine se tourna vers le groupe de réfugiés. Son regard s'attarda sur Nani l'espace d'une seconde, mais il se détourna. Les adieux étaient inévitables, il ne voulait pas former d'attaches.

"Alors, euh... Prenez le bateau de Vandrak. On fera en sorte que vous arriviez à un port sûr et qu’on prenne soin de vous. Quelqu’un veut se dévouer pour les accompagner ?"

Contre toute attente ce fut Plagg qui se désigna.

"T'en fais pas pour moi, Heart', j'ai pas fait qu'la vigie toute ma vie." affirma-t-il non sans bomber le torse.
"Ouais mais... si jamais Sibelle revient, tu veux pas la revoir ?"

L'homme au teint sombre se mordit la lèvre, réprimant un rictus quelque peu amer.

"L'a dit qu'elle reviendrait plus."
"Elle l'a dit, ouais, ça veut pas dire qu'elle reviendra pas."
"Mon pote. Quand j'étais à Darhàm... j't'ai déjà raconté ça ?"
"Mec, je sais pas si tu te rends compte, mais tu racontes pas grand-chose en temps normal. La dernière fois qu'on a autant causé, on pouvait encore entendre ton accent varrockien. J'commence à croire qu'y va pleuvoir des vaches, bientôt."
"D'accord, la ferme. Tu vois, quand j'étais à Darhàm, y'avait cette fille. Parfaite, parfaite de partout, tu vois le genre ? La meuf, elle et moi, c'est quelque chose, on s'invente une vie, elle dit qu'elle va quitter la vie urbaine et qu'on partira ensemble, dans la campagne, un trou paumé, je sais pas où qu'on nous fera pas chier. Fallait juste que je l'attende. Elle avait des trucs à régler avant, à abandonner, même. "Attends-moi", qu'elle me dit, "Quand je reviendrai, on partira.", tût-tût, la clarinette."


Sa mine s'assombrit.

"Si j'l'attendais encore, on se s'rait jamais rencontrés, et je s'rais encore en train de dégueuler d'ce rhum infâme qu'ils servent dans les bordels à Darhàm. Hrm, à l'époque, si c'était pas elle et moi, c'était la fin du monde, j'pensais. Mais j''ai r'pris la mer, et l'monde est toujours là. Parfois faut savoir... quitter les autres. Et accepter qu'y nous quittent aussi."

Avec le départ de Plagg, Nani et du reste des femmes et enfants arrachés au castel Vandrak, il ne restait plus qu'Heartless, Elias, et Iguru à bord d'un Masamune plus silencieux que jamais. Sirius demeurait assis à même le pont. Il ne disait pas un mot, son regard était fixé sur l'horizon duquel venait de disparaître le petit voilier.

"Qu'est-ce qu'on fait maintenant, Sirius ?"
demanda timidement Iguru.

Les jambes en tailleur, le borgne s'étira. Ces au-revoir sans garantie l'avaient drainé de son énergie habituelle.

"J'en sais rien, Ig. Est-ce que ça vaut toujours la peine d'essayer ?"

Le géant posa un doigt contre son menton. C'était son geste habituel lorsqu'il était plongé dans une profonde réflexion.

"Pour c'qu'on en sait, Mazhui est encore à Oranan. Si ça tourne mal..."
"Hmmm... Ouais, c'est vrai. Et pas que Mazhui. Y'a aussi le teg qui m'a appris les armes. T'imagines ? Vingt ans à pas savoir se servir d'une épée correctement, et c'est un gobelin qui t'apprends à le faire. C'est une ville marrante, en vrai."


Le soleil s'était complètement couché. Le Masamune n'était plus éclairé que par la lune et les étoiles. Le ciel de cette nuit-là était si clair qu'il n'y avait pas besoin d'allumer les torches.

"T'as déjà eu des amandes douces ?"
"Hm, ça m'dit rien."
"C'est euh, c'est comme des amandes, tu vois ? Sauf que c'est bourré de sucre roux et c'est enduit de chépaquoi. C'est super sucré, genre, trop sucré, au point que tu te dis "Putain, j'aime le sucre, mais j'aimerais presque qu'il y en ait moins là-dedans.", tu saisis ?"
"Oui, oui."
"C'est un peu dégueulasse au début. Comme j'ai dit, trop sucré. Mais ils t'en donnent un paquet, donc t'as forcément un moment où tu vas en croquer une deuxième. C'est, genre, la forme, elle te donne envie de gober, alors tu gobes. Et plus t'en bouffes, bah, moins tu sens le sucre. Et tu commences à sentir l'amande, et tu finis par te rendre compte que, merde, en fait c'est l'amande qui rend ça bon."


Une vague percuta la coque. Des gouttelettes jaillirent au-dessus du bord, puis revinrent à la mer.

"Ça a l'air pas mal, dit comme ça."
"Ouais, c'est super bon, en vrai. J'aurais pu devenir accro."


Le tangage du navire était une berceuse mélancolique qui échouait à leur faire oublier les enjeux de la terre ferme.

"Tu crois qu'on aura encore des amandes douces, s'ils prennent l'Ynorie ?"
"Peut-être. Rien n'est dit. Mais j'pense pas qu'elles auront le même goût."


Elias s'était joint aux autres après s'être assuré du bon cap.

"Moi, c'est le "coq au préjo" qui me rend dingue. La même chose, du coq qu'y font rôtir, sauf qu'ils ajoutent du sucre quelque part."
"Qu'est-ce qu'ils ont, les ynoriens, avec le sucre ?"
"Chépa. Z'aiment le suc'."
"Faudra leur demander, à l'occasion."


Sirius détacha enfin son regard de l'horizon. Il regarda brièvement la lune, puis les étoiles. Il se leva.

"Vous pouvez aller dormir, les gars. Je garde le cap."
"On fait quoi, du coup ?"
"On verra demain."


Le Masamune continua sa traversée à travers la nuit. Seul le vent du sud savait vers quoi il menait ces voiles bleues, sur cette mer incertaine.


(((Utilisation du sucre d'orge de Sibelle)))


XP : 2 (Conversations multiples) + 1 (Première expérience du bateau sous-marin).

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