La Rascasse Volante (Confrérie d'Outremer - X3)

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Yuimen
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La Rascasse Volante (Confrérie d'Outremer - X3)

Message par Yuimen » sam. 6 janv. 2018 16:14

La Rascasse Volante
(Guilde : Confrérie d'Outremer)



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La Rascasse Volante est un voilier un peu particulier, et dont le nom est davantage murmuré que prononcé dans certains ports. C'est un navire long de plus d'une vingtaine de mètres, large d'un peu moins de six, et avec une belle hauteur de pont. Elle est faite dans un bois noir pour la majorité de sa coque, et plus clair pour le bastingage et les mâts. Ceux-ci sont au nombre de trois, et retiennent chacun une voile en aileron qui donne au vaisseau un profil d'animal marin. Si le vent manque, huit paires de rames peuvent être liées entre elles et utilisées pour le propulser.
Signe particulier : les zones de bastingage avant et arrière. Elles ont été ciselées comme des dents de requin, mais nul ne sait quand.

La Rascasse Volante est dirigée par l'oudio Mythanorië, quand cette dernière n'est pas suppléée par un autre membre de la Confrérie. La plupart des matelots en font majoritairement partie. Ils l'ont suivi de leur plein gré et forment une troupe soudée. Le navire étant plutôt facile à manœuvrer, il peut se contenter d'une vingtaine de paires de bras.

On murmure sur les quais que ce vaisseau est le résultat d'un caprice de marchand. Celui-ci voulait un navire qui soit plus rapide, plus fiable, plus beau et plus cher que tous ceux de ses concurrents. Il aurait été ruiné au moment de son achèvement et n'aurait jamais pu finaliser son achat. Elle serait ainsi tombée de main en main, sans jamais y rester longtemps.
D'autres racontent qu'un apprenti en chantier naval, ayant falsifié les plans du navire pour se faire remarquer, serait à l'origine de sa forme particulière.
Dans certaines tavernes, on dit parfois qu'elle choisirait elle-même son équipage et se débarrasserait de ceux qui sont indignes de la faire voguer. Rumeur ou vérité, des dockers affirment l'avoir vu rentrer un matin, seule et intacte, quelques jours après qu'un groupe de contrebandiers l'ait volée.

Ceux qui la connaissent sont unanimes. Pour l'acquérir et lui faire prendre la mer, il faut être incroyablement courageux ou complètement fou.

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Mythanorië
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Re: La Rascasse Volante (Confrérie d'Outremer - X3)

Message par Mythanorië » ven. 2 juil. 2021 23:50

*<---

La Fin d'une ère
*1*

Les quelques jours de voyage depuis l'île du serpent auraient du suffire à faire le deuil de nos morts et panser les plaies. Mais cela, c'est en temps normal, pas quand des responsables plus ou moins directs de ces morts arpentent le pont du navire ou nagent entre deux eaux sur leurs montures aquatiques.

Si avoir retrouvé mon équipage, gagné le respect de Thunderhead, fait rendre gorge à un tas de gêneurs et entendu que nous allions certainement rencontrer le fondateur de la Confrérie a eu un bon effet sur mon moral, la perspective de tout mettre en danger encore si rapidement ne me plait absolument pas. Pas plus que l'idée de laisser Mazhui et d'autres frères de la Confrérie à leur sort.

Bras tendus en appui sur mon bureau tandis que j'inspecte nos cartes en compagnie d'Eliwin et Thunderhead, j'observe l'étendue marine que nous approchons. Entre notre départ de l'île et maintenant, bien des choses ont pu changer. Je pose un presse papier sur le parchemin et sors sur le pont.

Nahoriel est perché dans les cordages, le regard posé sur l'activité du pont. Il joue distraitement avec un couteau et ne s'interrompt que quand Leyna' entre dans son champ de vision. Samrik fait des passes d'armes avec un membre des Raies Sanglantes. Et à bien y regarder, c'est le même sang-pourpre qui le provoque et revient à la charge ces derniers jours. J'ai du mal à savoir si c'est l'orgueil de ce guerrier qui le pousse à provoquer le semi garzok ou simplement qu'il trouve une forme de joie là dedans.

Je me tourne vers le nid de corbeau et place ma main en porte-voix.

"Lydia ! Qu'est-ce que ça donne ? "

"Pareil, capitaine ! Ça grouille aussi, mais ça a pas l'air d'vouloir v'nir nous pisser sur les guiboles !

"Par Moura, se frayer un chemin là dedans ne va pas être de tout repos. Faut croire que nous sommes destinés à ne pas pouvoir aller à la rencontre de quelqu'un sans que quelque chose se foute en travers du chemin. "

Le seul point positif est que nous sommes pour le moment ignorés par ce qui partage les eaux avec nous. Si nous devons agir, cela risque de ne pas durer. Je tourne mon regard clair vers Thunderhead et Eliwin, leur demandant implicitement leurs opinions.


*--->*
Mythanorië, Oudio

Sœur de la Confrérie d'Outremer - Capitaine de la Rascasse Volante / Shaman hippocampe.

Thème musical

"Y'a pas à dire : la Mer, ça vous change quelqu'un !
"

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Leyna
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Re: La Rascasse Volante (Confrérie d'Outremer - X3)

Message par Leyna » dim. 18 juil. 2021 21:49

Leyna, comme souvent, était assise en tailleur à la proue de la Rascasse. Mains sur les genoux, yeux fermés, elle écoutait le bruit de l'eau, tout juste troublé par le vent dans les cordages. Ils allaient rencontrer le fondateur de la confrérie... elle ne savait pas quoi penser de cela. Assurément, seul Moura était une autorité digne d'être reconnue. À la limite, il y avait aussi le grand pontife. Mais que représentait le chef de la confrérie d'Outremer ? Cette organisation qu'elle avait rejointe un peu par la force des choses, Moura l'avait guidée vers elle... mais le destin restait encore flou.

Elle devrait aviser le moment venu. Guetter les signes et les présages, jusqu'à ce que la déesse lui révèle ses desseins. L'incertitude était une chose difficile, mais c'était un fardeau auquel elle était habituée depuis qu'elle était partie de chez elle. Elle l'affronterait comme elle l'avait toujours affronté : en bannissant le doute pour y substituer la volonté d'aller de l'avant. Ils se dirigeaient vers Oranan, une cité assiégée par les forces d'Oaxaca... Elle ne les avait jamais affrontées aussi directement. Et si Perailhon était là-bas ? Que ferait-elle ? Oserait-elle faire face à la réincarnation de celui qui fut son père ? Encore des questions... des questions qui ne trouveraient réponse que dans l'action.

Elle était reposée, guérie, et, à l'insistance de Nahöriel, avait même fait plusieurs repas complets. Ils n'avaient pas conséquent passé que peu de temps ensemble, vu que le reste du temps devait être consacré à la prière. Il avait tout de même demandé à en apprendre un peu plus sur les manières de se plonger dans les limbes de la pensée de Moura.

Soudain, un cri tomba au loin. Alors qu'ils approchaient d'Oranan, un navire se présentait à l'horizon ! Ami ? Ennemi ? Leyna ne bougea pas, mais guetta de l'oreille les cris de la vigie. Lydia cria alors avec joie :

« C'est le Masamune ! C'est la confrérie ! »

Leyna resta immobile et récita une prière. Elle se sentait en forme, prête à faire face à ce qui l'attendait.

Un pont fut jeté et un homme monta à bord. Un homme de taille moyenne, armé d'un trident, clairement typé pirate hirsute, ce qui lui donnait un âge apparent que les yeux avertis de la prêtresse reconnu aussitôt pour largement surestimés. Sirius Heartless... ce nom elle l'avait entendu une fois au temple, sans en apprendre plus ni savoir pourquoi il était mentionné. Il échangea quelques mots rapides avec Gallion Thunderhead avant d'être présenté à Mythanorië... et apparemment, il n'avait jamais rencontré d'oudio de sa vie. Cependant, Leyna n'avait d'yeux que pour le trident. Elle l'avait déjà vu... mais où ? Dans une enluminure, oui... et... dans un souvenir ? Ses yeux s'ouvrirent tout grands. Impossible !

Sans prêter aucune attention aux deux capitaines qui dissertaient, la semi-elfe s'avança à grand pas et saisit le trident de la main du pirate. Main qui resta agrippée, bien sûr, mais aucune main mortelle ne pouvait résister à la force de Moura. Elle tira un grand coup, manquant de mettre l'homme à terre, pour arracher le trident et l'examiner avec fascination. Elle ne faisait même pas attention à Nahöriel qui, cachant un sourire derrière sa main, demandait si elle n'allait pas un peu loin. Mais la prêtresse inspectait l'objet, à la recherche de... oui ! La rayure caractéristique à la base d'une des pointes... la marque méconnue laissée par la lame d'un puissant chef garzok... C'était l'authentique trident d'Esswan Sessra !

« Au nom de Moura, où avez-vous trouvé cela ! Comment un Homme peut-il porter la main sur la plus sacrée des reliques des earions ? »

Elle brandit le trident sous le nez du pirate, réalisant à peine à la lisière de son esprit en ébullition que ce geste avait presque quelque chose d'agressif. Il sembla un peu confus, assurant que l'objet lui était juste tombé dans les mains. La jeune femme hésita, tandis que Nahöriel soufflait :

« Euh... tu ne crois pas que tu y vas un peu fort ? »

Comme tout le monde la regardait, Leyna sentit son visage s'enflammer... et elle rendit le trident. Mal à l'aise, elle déclara :

« Cette arme est sacrée parmi les earions ! Elle fut portée par celle qui conquit l'Omyrie, vainquit les garzok et amena le peuple au sommet de sa puissance. Depuis la prise de Pohélis, tout le monde attend son prochain porteur... Celui ou celle qui conduira les peuples de la mer à la victoire, en brandissant les quatre reliques pour la plus grande gloire de Moura. »

Elle ne savait pas trop quoi ajouter, confuse. L'élu pouvait-il vraiment être un humain ? Et même pas un sang-pourpre ? Cela semblait absurde...

En attendant, la capitaine fit remarquer avec subtilité que la prêtresse était douée pour laisser une mauvaise première impression, et elle n'avait pas tort... Peut-être qu'elle devrait apprendre à mieux se contrôler... mais par Moura, l'élu était devant elle ! Et à prétendre qu'il n'était pas un élu et qu'il ne croyait pas aux prophéties en plus ! Un comble !

Surtout qu'il expliqua ensuite vouloir se porter au secours de Mazhui et Oranan, qui étaient assiégés par les forces d'Omyre ! Leyna secoua la tête :

« Vous devriez commencer à croire aux prophétie, car celle-ci semble sur le point de se réaliser : le trident sacré va repartir au combat contre les hordes maudites, et nous allons reconquérir l'Omyrhie ! »

Elle se refréna, cependant, cette fois-ci :

« Enfin, d'abord Oranan. C'est déjà pas mal, Oranan... Je suis prête à me mettre en route ! »

Ils tinrent néanmoins à déterminer le plan qu'ils allaient suivre. Apparemment, le chef de la confrérie avait ni plus ni moins que la capacité à faire plonger le navire à sous les flots ! Comment l'équipage allait-il respirer ? Ce mystère persistait, mais cela devait être prévu. Cependant, le blocus était mené... par ni plus ni moins que Perailhon en personne ! Leyna ressentit un frisson. Un nom. Une vision. C'était tout ce qu'elle avait de lui, et c'était suffisant pour en savoir trop.

Son père. Elle allait au-devant de son père.

C'est avec une énergie sombre et redoublée qu'elle assura pouvoir escorter le navire sous l'eau, car nul doute que l'autoproclamé seigneur des océan aurait ses monstres marins avec lui.

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Mythanorië
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Re: La Rascasse Volante (Confrérie d'Outremer - X3)

Message par Mythanorië » dim. 25 juil. 2021 10:39

*<---

*2*

L'air de rien, je palpe le pendentif dent de requin offert par Eliwin caché sous ma tunique. Une habitude que j'ai prise récemment sans bien savoir pourquoi. Étrangement, à chaque fois que je le fais, je croise toujours le regard de mon protecteur défiguré. Impossible de lire quoi que ce soit dans son attitude si ce n'est une absence de désapprobation. Je plisse les yeux, observant une forme bien connue poindre. Notre vigie en robe violette signale avec enthousiasme la venue du Masamune.

Je me sens un peu nerveuse mais surtout intriguée. Nous sommes après tout sur le point de rencontrer le fondateur de la Confrérie d'Outremer, dont les aventures et déboires ont été régulièrement évoqués pendant le trajet. Je scrute d'un œil sévère l'approche et la mise en place d'un passage de bois entre les vaisseaux. Une chance que le tout se passe en douceur, car ce genre de choses m'évoque de mauvais souvenirs. Fort heureusement, pendant toute la préparation, les frimousses connues des compagnons de Mazhui apparaissent au bastingage et dans les filins. Revoir des faciès connus après nos déboires me soulage grandement.

J'observe le dénommé Sirius qui foule mes planches nonchalamment. Je n'ai pas de ressenti particulier envers lui, jusqu'à la prise de bec entre lui et Eliwin. De vieilles rancunes prennent place, une absence notable du fondateur en particulier. A l'évocation du nom de Von Klaash, je fais quelques pas vers Eliwin, me rappelant comme si c'était hier de sa forme suspendue aux crochets de la cale. Je me demande encore comment il a pu tenir et de ses larmes de soulagement, secret jalousement gardé entre lui, mon semi-elfe d'ami Nahoriel et moi.

Lorsque le jovial Sirius Heartless m'est présenté et me tend la main en souriant, je m'attends presque à une salutation toute simple. Sauf que l'homme se fige et que je l'entends se demander, à grand renfort de bruits suspects, ce que je suis. J'ignore sa main le temps de resserrer ma couette de lianes et de relever mon tricorne du revers du poing.

J'affiche un sourire en coin et hausse un sourcil moqueur.

"Oh ? Malgré tous les exploits liés à son nom, l'élusif Sirius Heartless peut encore être surpris ?"

J'attrape sa main, enroulant mes serpentins de bois de sa paume à son poignet, et effectue un geste franc de cette même main que Thunderhead m'avait presque broyée avant que je fasse mes preuves.

" Capitaine Mythanorië. Je tolère Mytha' pour les frères et sœurs. La plante verte ou la putain de brindille pour le reste des emmerdeurs."

Je relâche sa main, sentant sur moi quelques regards surpris. J'ai habitué à un autre langage, mais entre nos dangereuses escapades et le besoin de me montrer plus accessible à mes hommes, je peux passer outre.

"Je suis oudio, peuple végétal. Ce qui se voit à ma figure en général. Sans racines, sans patrie à laquelle me rattacher, mais par Moura..."

Je marque une pause, donnant de la voix.

"Sacrément bien entourée !"

Je désigne d'un large geste mes membres d'équipage les plus proches. Nahoriel, Leyna', Eliwin et Samrik. J'entends vaguement Lydia gueuler depuis son poste de ne pas l'oublier, ce qui me fait pointer un serpentin vers le nid de corbeau et entendre le remerciement de la vigie.

"Bienvenue à bord."

Lorsque Leyna s'approche et que je m'attends à ce qu'elle se présente en grandes pompes, elle fait encore quelque chose de stupide. Et typique de la Prêtresse. Elle s'empare du trident porté par le pirate et commence à faire une scène, vainement pacifiée par Nahoriel. Je ne peux que rouler des yeux et les lever au ciel, apercevant Lydia faisant un petit geste de soutien à mon intention.

"Leyna'seraya, prêtresse de Moura, qui a le chic pour laisser une mauvaise mais durable impression à la première rencontre. Et Nahoriel, son..."

Je marque une pause, ne sachant pas exactement comment définir leur relation et n'ayant pas envie que le rougissement de la jeune femme tourne à la combustion sur mon navire.

"Son. Ça suffira."

Je chasse l'air des serpentins et continue.

"Aider la Confrérie, c'est dans nos co..."

Je coupe le mot, avisant les environs pour ne pas froisser un certain superstitieux.

"Compétences. Reste à savoir de quoi il retourne exactement. Nous sommes restés un peu en marge des emmerdes du monde ces derniers temps... Même si j'ai une vague idée."

Sirius se lance dans des explications, mentionnant que la cité d'Oranan où se trouve notre ami commun est assiégée, son port bloqué. Notre arrivée serait une bonne chose et l'opportunité de passer le blocus pour venir en aide aux ynoriens. Il ignore presque totalement la tirade de la prêtresse quant au destin prophétique du porteur du Trident et je fais pratiquement de même. Je ne retiens que l'enthousiasme de la jeune femme à l'idée de se lancer dans ce traquenard. Je ferme les yeux un bref instant, n'en rouvrant qu'un et lorgnant sur les enthousiastes pirates à mon bord. J'avise les formes à l'horizon et incline la tête.

"Passer un blocus lourd avec un seul vaisseau pour aller mouiller dans le port d'une cité assiégée ? Oui, cela correspond bien à une idée dite 'à la Heartless'."

Je marque une pause, évaluant du regard l'humeur de mon équipage. Personne n'ayant l'air de vouloir s'esquiver, je reporte mon attention sur mon interlocuteur.

"Mazhui le mérite amplement, mais dans les faits, on s'y prend comment ?"

Un sourire confiant précède sa réponse. Il aurait les capacités de nous faire passer sous la surface, à l'abri des navires mais pas des possibles bestioles nageant entre deux eaux.

"Une infiltration sous-marine, en somme."

J'observe le pirate de pied en cap et hausse un sourcil, doutant de ses capacités en matière de magie.

"Comment ? Que doit-on préparer en amont ?"

Aussi simplement que s'il parlait d'aller faire une promenade, le pirate évoque le déplacement de pas mal de possessions du Masamune à mon bord. Il demande si nous avons assez de place.

"On a. Et si ce n'est pas le cas, on va en faire."

Je me tourne vers quelques hommes et lève la main en porte-voix.

"Ceux dont j'ai croisé le regard, faites chauffer vos muscles ! Nos invités emménagent !"

La discussion continue un court moment quant à nos compétences puis nous entamons les préparatifs de ce projet aussi audacieux que fou. Mais après tout, après un dangereux sauvetage, une visite d'épave envahie de monstres, un aperçu du dragon noir et un tour sur une île tyrannique peuplée de pirates sanguinaires...

Ce sera bien la première fois que nous allons plonger dans le danger volontairement et en toute connaissance de cause.


*--->*

[XP : 0,5 (préparatifs) + 0,5 (discussion)]
Mythanorië, Oudio

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Heartless
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Re: La Rascasse Volante (Confrérie d'Outremer - X3)

Message par Heartless » mer. 28 juil. 2021 20:47

Le Masamune refit surface : la silhouette d'un navire inconnu leur était apparue à la surface de l'eau. La couleur de la coque ne correspondait pas à celle de la flotte de Perailhon, se pouvait-il qu'un allié les ait rejoint ?

Heartless retira le trident, de crainte qu'un espion puisse découvrir son atout caché, et le navire revint à la normale, non sans accuser le coup. Le bois craqua avec un bruit inquiétant en retournant à sa forme originale, et quelques minces fissures de formèrent à sa surface. De même, les mâts qui avaient été pliés de force se remirent droit, mais leur métamorphose avait laissé sa marque. Posant un pied sur le bastingage, il observa de loin les nouveaux arrivants.

C'était un grand trois-mâts, aux voiles en forme d'aileron et aux bords ciselés comme la mâchoire d'un prédateur des bas-fonds. Il en avait certainement le profil, et le bois sombre qui composait sa coque contrastait avec la clarté des voiles, lui conférant un air à la fois redoutable et solennel. Sirius n'avait jamais vu pareil navire, trop sauvage en apparence pour un amiral, trop digne pour un marchand d'esclaves. Il en avait vu des plus intimidants, quoi de plus intimidant que la forteresse de Perailhon, d'ailleurs ? Mais bien qu'il n'inspirait pas l'effroi comme les nefs des orques, c'était sans aucun doute un navire de combattant. En quelques sortes, son aspect de bête marine évoquait la nature indomptable des océans.

"C'est la Rascasse ! La Rascasse Volante !" cria Iguru à sa suite.

La Rascasse ? C'était donc le fameux navire de la Confrérie ? Un large sourire se dessina sur les traits du borgne. Cela ne pouvait être qu'une idée de Gallion. Les deux navires jetèrent l'ancre côte à côte et un ponton fut déployé entre les deux. Sirius rejoignit ce navire qu'il n'avait jamais vu auparavant, impatient de rencontrer son équipage. Alors qu'il traversait le ponton, il posa son regard sur les hommes, mais aussi les femmes qui peuplaient ce navire. Ils le fixaient en retour avec attention, mais Heartless comprit quelque chose en croisant leurs yeux : ce n'était pas un équipage de vauriens comme il en avait tant côtoyé. Parfois, dans les équipages pirates, l'on trouvait un ou deux orques, un ou deux sangs-pourpres, parfois un woran... mais il y avait dans ce dernier une variété qu'il n'avait jamais vue auparavant. Au premier abord, il put discerner au moins un homme aux traits décidément garzorks, deux personnes à la peau bleue, et le plus surprenant, au moins un tiers de l'équipage semblait composé de femmes d'âges variés. Car s'il y avait bien quelque chose de rare sur ce genre de bâtiments, c'était les femmes. Il y en avait, parfois, mais généralement une pour vingt hommes, et les femmes les plus connues à avoir vogué se comportaient plus ou moins exactement comme les hommes.

Mais sur la Rascasse, il y avait des jeunes femmes à l'allure douce, des femmes mûres au regard sévère et certaines semblaient apporter autant de combativité lors de l'entretien du navire que pour un abordage. Leurs traits, comme ceux des hommes, n'étaient pas aussi marqués que les vauriens habituels. Ils n'avaient pas cette subtile amertume inscrite au fer rouge sur leur visage comme Elias, Galion ou Heartless lui-même, qui avait ressenti le poids de ses nombreux échecs au fil des ans. Il n'avait pas passé assez de temps à leur contact pour s'en rendre compte, mais grand nombre d'entre eux étaient des réfugiés de l'île d'expérimentation des Treize. Sirius ne put les reconnaître sur le moment, mais ces derniers avaient conscience que la raison de leur survie, le jour où l'île fut détruite, se tenait devant eux.

Lorsqu'il mit les pieds sur ce pont inconnu, il fut accueilli par la mine familière de Thunderhead, le géant. Ils échangèrent un sourire.

"Sirius."
"Gallion."


Ils n'avaient pas besoin de parler pour transmettre leurs sentiments respectifs. Gallion était conscient de la reconnaissance que Sirius éprouvait envers lui, et Sirius savait à quel point il s’enorgueillissait d'avoir réuni ainsi la Confrérie. Heartless s'avança vers la personne qui avait le plus l'aspect d'un capitaine, mais son chemin fut bloqué par un autre homme, loin d'être un titan à la barbe blanche, mais tout de même un colosse d'ébène au corps aussi malmené que son âme. Sa musculature, jadis objet de fierté, était désormais cachée sous des vêtements amples, ne dévoilant qu'à certains endroits, les bras en particuliers, d'innombrables et profondes entailles. Son visage, quant à lui, n'était visible que de moitié. Sa mâchoire était dissimulée sous un bandeau, mais le vent dévoilait par instants la terrible vérité qui se cachait derrière ce voile... Mais surtout, c'était ses yeux qui ressortaient. Des yeux pleins de colère. Eliwin demeurait silencieux.

"Eli ? Qu'est-ce qui t'est arrivé ?"
"Von Klaash."
répondit une voix enrouée et gutturale. Chaque consonne était comme le grincement de deux lames se frottant l'une contre l'autre, chaque voyelle, le cri d'un noyé.

Le nom à lui seul avait suffi, mais il continua.

"Il te cherchait. Après la première semaine, j'aurais bien craché le morceau. Mais t'étais introuvable."

Heartless sentit son cœur se nouer dans sa poitrine.

"Je..."

Il faisait l'erreur de chercher ses mots, que pouvait-il dire ? Eliwin le toisait avec un mépris au-delà de toute parole.

"Trois ans..."

Eliwin fit un pas en avant. Lentement, il levait la main jusqu'à son visage.

"Où t'étais ?"
"Eli !"
"Trois ans !"


Eliwin voulait crier, mais il n'en était plus capable. Lorsqu'il retira son voile, Sirius put voir le grossier appareil en acier qui remplaçait sa mâchoire perdue. Désarçonné, assailli par la culpabilité et l'horreur de la situation, il ne savait plus quoi dire. Elias et Iguru, eux aussi, ne savaient plus ou se mettre. Ce fut Gallion, le seul à pouvoir tenir tête aux deux hommes, qui s'interposa avec un grand rire gêné, posant une main sur chaque épaule.

"Ah, on parlera du bon vieux temps plus tard. Capitaine Mythanorië, tout le monde, je vous présente Sirius Heartless, votre euh... prédécesseur."

La forte poigne de Thunderhead sortit Heartless de sa torpeur. Il sentait toujours les remords l'étreindre, mais ce n'était pas le moment pour ce genre de choses. Eliwin, bien qu'il ait lui aussi été dépassé par ses émotions, l'avait compris, et se tint à carreaux. Iguru et Elias, profitant de l'accalmie, rejoignirent le grand homme sombre. Ils espéraient que la mine de ses vieux amis lui fasse oublier pour un temps le poids qui l'accablait.

Sirius dégagea la main de Gallion et s'avança vers le capitaine, main tendue en guise de salutations.

"Tu sais pas présenter, Gallion, mais ça f'ra l'affaire. Ravi d'être à bord, Myth-eeeeeehkegzegzah ?"

Ce qu'il avait pris pour une peau d'ébène n'avait rien de commun avec de la chair, et lorsqu'il vit le visage sous le tricorne, il comprit deux choses. La première, c'était qu'il n'avait pas affaire à un capitaine, mais à UNE capitaine. Et la seconde, encore plus étonnante, était qu'en guise de cheveux, c'était des lianes verdoyantes qui ornaient sa crinière, et ses traits avaient la rigidité de l'écorce. Qu'était cette créature, si ce n'était pas l'hybride entre un arbre et une humaine ?

Mythanorië ne cacha pas son amusement devant cette réaction. Elle avait sans doute appris à en rire.

"Oh ? Malgré tous les exploits liés à son nom, l’élusif Sirius Heartless peut encore être surpris ?"

Sa main tendue fut enserrée par des doigts noueux, rugueux, véritablement faits de bois. Mais l'air fier de la capitaine ainsi que la vigueur de sa poignée de mains étaient emprunts d'un véritable éclat de vie. Il comprit bien vite qu'il avait devant lui un véritable être pensant.

"Capitaine Mythanorië. Je tolère Mytha pour les frères et sœurs. La plante verte ou la putain de brindille pour le reste des emmerdeurs."

Elle retira sa main.

"Je suis oudio, peuple végétal. Ce qui se voit à ma figure en général. Sans racines, sans patrie à laquelle me rattacher, mais par Moura... sacrément bien entourée !" déclara-t-elle en désignant son équipage d'un grand geste.
"Z'avez pas intérêt à m'oublier !"
gueula une vieille femme à la vigie, armée d'une arbalète aussi grande qu'elle.

Mythanorië la pointa du doigt en faisant la moue.

"Merci bien !"

Il y en avait, du joli peuple, sur ce bateau.

"Bienvenue à bord." acheva l'oudio.

Après le choc initial, il ne restait plus dans l'esprit d'Heartless qu'une curiosité mêlée d'admiration. Convaincu que rien ne pouvait plus le surprendre, il se sentit comme un enfant lorsqu'on lui rappela que le monde avait encore bien des surprises pour lui.

"Woho, trop la classe ! Et moi qui croyais avoir tout vu... Moi c'est Sirius Heartl-"
"J't'ai déjà présenté, ducon !"
intervint Thunderhead qui se malaxait le front

Sirius lui adressa un sourire gêné, puis parcourut la Rascasse du regard.

"Ah j'suis con, moi. Mytha, c'est ça ? Superbe, ton rafiot. Et le monde, j'crois que j'ai jamais eu autant de monde sur un des miens. J'suis presque jaloux !"

Il eut un instant de réalisation, puis demanda.

"Attends, comment, ça, des exploits liés à mon nom ? J'suis connu ?!"

Avant qu'on ne lui réponde, une jeune femme à la peau bleue se dirigea vers lui d'un pas agressif. Pris au dépourvu par la légèreté elfique de ses traits et sa longue chevelure rousse, il ne réagit pas lorsqu'elle tenta de lui arracher des mains le Harpon des Profondeurs.

"Oulà oulà, qu'est-ce qu'y a ?!"

Une force surhumaine habitait ses bras fins, une force telle qu'elle n'eut aucun mal à lui prendre le trident qui semblait l'obséder.

"Au nom de Moura, où avez-vous trouvé cela ? Comment un homme peut-il porter la main sur la plus sacrée des reliques des earions ?"
"Euh... tu ne crois pas que tu y vas un peu fort ?"
intervint un semi-elfe à côté d'elle.
"Oulà, du calme ! Je l'ai pas volé, il m'est tombé dans les mains, je le jure !" protesta le borgne.

L'earionne semblait bouillir sur place mais elle fut tout de même assez courtoise pour rendre son arme à Sirius. Cependant, sa confusion persistait.

"Cette arme est sacrée parmi les earions ! Elle fut portée par celle qui conquit l'Omyrie, vainquit les garzoks et amena le peuple au sommet de sa puissance. Depuis la prise de Pohélis, tout le monde attend son prochain porteur... Celui ou celle qui conduira les peuples de la mer à la victoire, en brandissant les quatre reliques pour la plus grande gloire de Moura."

La pauvre semblait ne plus savoir quoi penser. Avec du recul, et surtout après avoir rencontré Moura elle-même, Heartless n'était pas aussi dédaigneux envers les religieux qu'il ne l'était plus jeune. Mythanorië fit les présentations.

"Leyna'seraya, prêtresse de Moura, qui a le chic pour laisser une mauvaise mais durable impression à la première rencontre. Et Nahoriel, son... euh... son. Ça suffira.

Toutefois, il ne se voyait vraiment pas comme l'objet d'une prophétie. Il préféra tuer le malentendu dans l’œuf avant qu'il ne revienne à la charge au pire moment.

"Ouais, j'peux voir pourquoi ça te secoue d'voir un type comme moi avec ça dans le dos. Désolé ma grande, mais j'suis pas ce genre d'élu. Tu sais ce qu'on dit sur les prophéties... Faut pas leur accorder trop de sérieux."

Il se retourna vers le reste de l'équipage en se frottant les mains.

"Bon ! Parlons affaires ! J'imagine que vous êtes venus aider ?"

La capitaine redressa son tricorne.

"Aider la Confrérie, c'est dans nos co..."

Elle risqua un coup d’œil pour vérifier qu'Elias n'était pas en train de brandir un couteau.

"Compétences." se rattrapa-t-elle au grand soulagement de Sirius. "Reste à savoir de quoi il retourne exactement. Nous sommes restés un peu en marge des emmerdes du monde ces derniers temps... Même si j'ai une vague idée."

Heartless se plaça au centre de son auditoire. Il avait l'attention de tous. C'était l'heure de parler affaires !

"Bon, comme vous le savez sans doute, Omyre est en train de lancer un assaut sans précédent sur Oranan. J'suis pas partisan des kendrans, mais si Oaxaca gagne du terrain, ça va briser le soupçon d'équilibre de ces dernières années. Ce serait mauvais pour les affaires de la Confrérie. Et aux dernières nouvelles, Mazhui est en plein milieu de ce merdier depuis qu'il nous négocie des accords avec la République."

Il pointa le doigt en direction du Sud.

"Sauf que le port est bloqué par la flotte de Perailhon et tout un élevage de monstres marins. Je comptais me mêler aux mercenaires de Darhàm pour rejoindre la cité sans faire de vagues, mais..."

Il regarda autour de lui avec un sourire en coin.

"... Votre arrivée pourrait pas mal changer mes plans. Je pense qu'on a les moyens de passer ce foutu blocus pour apporter notre aide aux Ynoriens. J'ai déjà un ou deux contacts sur place. Alors ? Vous en dites quoi ? Z'êtes prêts à vous faire un nom dans le plus gros boxon de notre époque ?"

Il y eut un instant prévisible de réflexion de la part de l'équipage. Leyna fut la première à prendre la parole. Il semblait qu'elle ne limitait pas son énergie à la religion.

"Vous devriez commencer à croire aux prophéties, car celle-ci semble sur le point de se réaliser : le trident sacré va repartir au combat contre les hordes maudites, et nous allons reconquérir l'Omyrhie !"

Elle semblait prête à bondir sur place, mais elle réfréna ses ardeurs.

"Enfin, d'abord Oranan. C'est déjà pas mal, Oranan... Je suis prête à me mettre en route !"

Mythanorië sonda son équipage en quête de regards inquiets, mais elle ne trouva aucune opposition.

"Passer un blocus lourd avec un seul vaisseau pour aller mouiller dans le port d'une cité assiégée ? Oui, cela correspond bien à une idée dite "à la Heartless". Mazhui le mérite amplement, mais dans les faits, on s'y prend comment ?"
"Héhé, si j'vous disais que je pouvais nous faire passer SOUS la flotte de Perailhon ? Les bébêtes seront toujours un problème, mais leurs navires ne pourront pas nous toucher. Si on s'y prend bien, on peut joindre le port sans même avoir à se battre."
"Une infiltration sous-marine, en somme."
fit-elle en haussant un de ses sourcils verts. "Comment ? Que doit-on préparer en amont ?"
"Faut que je débarrasse mon rafiot. Z'avez de la place pour une baliste et quelques babioles sur le vôtre ?"
"On a. Et si ce n'est pas le cas, on va en faire."


Elle se retourna pour beugler des ordres à ses hommes qui se mirent immédiatement à la tâche. L'oudio était respectée par ses pairs, un spectacle qui réjouissait Heartless. Il demanda à ses deux interlocutrices les plus exotiques si elles disposaient de pouvoirs spéciaux qui pourraient leur donner un avantage dans les épreuves à venir, à la manière de Sinaëthin. L'oudio lui fit savoir que le navire abritait une poignée d'utilisateurs de magie, principalement d'eau, mais en ce qui la concernait, elle maniait aussi celle de terre et de lumière. Leyna, de son côté, prétendait pouvoir se battre sous l'eau encore mieux que sur la terre ferme.

Il retourna sur le Masamune pour les préparatifs. Il était le seul à savoir pour quoi il le préparait vraiment, cela dit. Son regard était fixé sur les voiles bleues battues par le vent.

"T'en fais, une tête."
"Ah, Gallion..."


Le pont du Masamune était calme. Il ne restait plus qu'eux, depuis que les gros bras avaient déchargé le navire de toute ressource importante. Thunderhead avait déjà une petite idée de ce à quoi pensait l'homme qu'il avait sorti de son propre enfer, à Tulorim.

"... On pourra emmener qu'un navire. Mais même avec le Léviathan, j'ai peur qu'on y arrive pas."
"Hah, je te croyais trop con pour avoir peur de quoi que ce soit."
"Ouais, moi aussi. Mais ces derniers temps..."


Il regarda du côté de la Rascasse.

"J'ai peur que cette fois, si je fais une connerie, ça va vraiment être..."

Il croisa les bras pour se donner une posture plus confiante, mais Gallion put le voir trembler.

"Cette fois, j'me sens vraiment pas à la hauteur."
"C'est normal. Essaie de pas y penser."
"Tu parles...."
"Fais pas ton malheureux, hein. C'est moi qui les ai sorti du merdier pour qu'ils viennent ici, et pourtant z'ont pas voulu de moi pour être leur capitaine.


Gallion observait attentivement la posture d'Heartless. Il l'avait assez côtoyé pour savoir que lorsqu'il se tenait droit et fier, il se donnait l'apparence d'un capitaine à la confiance débordante, mais que c'était au fond de lui un homme qui vivait le dos voûté, désordonné, jamais sûr d'où il allait.

"Hé."
"Hm ?"
"Tu te souviens de quand on a volé cette carcasse ?"
"Tu veux dire, à Tulo' ? Ouais, bien sûr."
"Tu sais, t'étais vraiment le pire petit merdeux que j'avais jamais vu, d'la terre entière."
"Ah, bah merci de me le rappeler."
"J'passais souvent au bordel, à un moment. Et à chaque fois, je te voyais. Parfois, t'étais complètement torché. Et parfois, tu regardais juste le plafond comme un imbécile. "Typique de la jeunesse", que je m'suis dit. Aucune verve, aucun panache, le genre de larve qui meurt en se noyant dans sa propre pisse. J'me suis demandé comment on pouvait vivre comme ça. Après t'avoir connu, j'ai fini par comprendre."
"Ah ouais ?"
"T'avais peur. Tellement de fois, t'avais raté ton coup, que t'osais même plus rien tenter. Passer ta vie à traîner, à parier, et à boire... La mentalité d'un perdant. Un vrai de vrai."
"Hé, je pensais que t'allais me remonter le moral, à la base."
"La ferme, j'y viens."


Il s'appuya contre le mât.

"Les soldats qui partent en guerre ont peur, eux aussi. Mais quand ils voient un type dans leurs rangs, balafré de partout, qui part au front comme si c'était sa première bataille, ils se disent un truc du genre : "Hé, ce mec là s'est vraiment fait démonter, il a dû en baver encore plus que nous.", et que si un gars comme ça est toujours d'attaque malgré tout, ptèt qu'ils devraient pas flipper tant que ça, de leur côté."

Gallion acheva sa comparaison avec un grand soupir.

"Là où j'veux en venir, c'est que ces blancs-becs ont beau être plus optimistes, mieux organisés, plus soudés que tu l'as jamais été avec qui que ce soit, le jour où ils vont vraiment merder, quand la défaite viendra cogner à leur porte et qu'elle les dépouillera de tout ce qu'ils ont jamais eu, quand ils seront au fond du gouffre... Tu s'ras là pour leur faire la courte échelle."

Les deux hommes échangèrent un sourire complice, puis leur regard se tourna à nouveau vers les voiles bleues, et le pavillon noir qui flottait timidement au-dessus du reste.

"Va me manquer, ce rafiot de merde."
"Ouais, moi aussi."


Ils savaient tous deux qu'ils passaient leurs derniers instants sur le Masamune, le navire qui les avait rassemblés.


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Re: La Rascasse Volante (Confrérie d'Outremer - X3)

Message par Heartless » jeu. 29 juil. 2021 21:54

Une fois les préparatifs terminés, Heartless rassembla tout le monde sur le pont de la Rascasse, même la vigie, car son rôle allait devoir changer. Le dernier à arriver fut Thunderhead, qui s'était chargé de bloquer le gouvernail et les voiles du Masamune pour le lancer contre la flotte le blocus. Il avait allumé l'étincelle qui provoquerait son embrasement soudain dans quelques minutes, une tactique sacrificielle pour détourner l'attention de l'ennemi, du moins pour un temps.

"Tout le monde est prêt ?"

L'heure était venue. Avec l'équipage tout entier de la Rascasse ainsi que ses vieux compagnons d'armes autour de lui, Sirius Heartless ne put s'empêcher de ressentir une certaine émotion, mêlée d'anxiété. Cette fois, il n'avait pas le droit à l'échec.

"Bon, voilà le topo. Le Masamune fait diversion, et nous, on rase les fonds marins ! Soyez prêts à tout !"

Sommant à tous de s'écarter de lui, il brandit le Harpon des Profondeurs au-dessus de sa tête. L'idée lui vint d'adresser une petite prière à Moura, mais qu'est-ce que prier pouvait bien accomplir à ce moment-là ?

"Léviathan !!" hurla-t-il à gorge déployée alors qu'il plantait l'arme à côté de la barre de gouverne.

Le trident adopta la forme de deux roues perpendiculaires et la Rascasse fut secouée par un grondement d'outre-monde. Les mâts se tordirent sur eux-mêmes, le bastingage s'allongea pour prendre une forme plus concentrique, les voiles devinrent semblables à d'immenses nageoires translucides et une membrane aqueuse recouvrit l'entièreté du pont. L'impressionnante transformation conféra à la Rascasse une véritable allure de monstre marin prêt à fendre les flots. Le reste de l'équipage eut à peine le temps de comprendre exactement ce qu'il s'était passé avant que le navire n'entame sa plongée.

Derrière la nouvelle barre d'ondyria, Heartless lança la Rascasse vers sa funeste destination. Tandis que le monde autour d'eux devenait de plus en plus sombre, la lueur du soleil de plus en plus faible à travers les vagues, les hommes et femmes de la Rascasse s'ajustaient peu à peu à la nouveauté de leur situation.

"Eh ben putain." souffla Lydia, l'artilleuse qui occupait d'habitude le nid-de-pie.
"On est vraiment sous l'eau, on s'éloigne de la surface !" fit Nahoriel, entre terreur et émerveillement.

Samrik, le semi-orque taciturne de l'équipage, se tenait contre le mât. Il ne voulait pas l'admettre, mais ces nouvelles sensations ne faisaient pas bon ménage avec son dernier repas.

"Et on se rapproche des Enfers..." avait-il grincé.

Mythanorië s'était acclimatée relativement vite à leur soudaine plongée. Capitaine de son navire, elle fit fuser les ordres pour les sortir de leur torpeur et préparer la Rascasse à d'inévitables secousses.

"Tout le monde à son poste ! Je veux un remplaçant vigie à bâbord et tribord pour garder un œil sur les eaux niveau pont et en dessous. Lydia ! C'est pas commun, mais gardez le nez vers le haut, qu'on sache si quelque chose nous plonge dessus !"
"Aye aye !"


Tous s'activèrent, et Sirius put constater avec fierté que ce nouvel équipage n'en était pas à sa première échauffourée. Leyna'sëraya se tourna vers le borgne, prête à accomplir son rôle à l'extérieur du navire. Son métissage de sang-pourpre et d'elfe bleue en faisait la sentinelle marine idéale, mais ce n'en était pas moins un rôle dangereux. Les créatures marines aux ordres de Perailhon formaient une véritable armada sous les coques rassemblées du blocus, sans compter celles qui longeaient encore le fond à la recherche de cadavres encore entiers à grignoter.

"Si ça commence à chauffer, tu reviens sur le pont direct, tu m'entends ?"

Têtue qu'elle était, Leyna ne fit même pas semblant d'acquiescer et se jeta dans l'eau à travers la membrane qui, au lieu de se déchirer, se referma derrière-elle comme le fil de l'eau percé par une goutte de pluie.

"Pétocasque." pesta-t-il.
"Les habitués des balistes, restez vigilants. Gabiers ! Sortez les rames, deux têtes par manche et faites moi nager cette Rascasse !"

Mythanorië se tourna vers Heartless.

"Et vu que ma prêtresse joue les poissons-pilotes, évitez de raser les récifs de trop près, Sirius."
"T'inquiète, j'ai vu pire !"
"J'crois qu'elle veut surtout que tu fasses gaffe à pas trop rayer la peinture."
intervint Gallion.
"Tu m'prends pour qui, oh ? J'vais prendre soin de cette Rascasse comme si je l'invitais à un dîner galant !"

Il s'adressa à l'équipage.

"On va tenter de se mêler aux épaves de la dernière bataille. Gardez les yeux ouverts, si vous voyez le moindre petit machin qui bouge, j'veux le savoir !"

Il serra fortement les poignées de la roue d'ondyria.

"Et si vous avez des dieux à prier, faites-le tout de suite."

Pour l'instant, tout était calme. Sirius fit descendre le navire denté de plus en plus près du fond, jusqu'à ce qu'apparaissent les restes morbides de la dernière bataille. Une forêt de bois cassé et de voiles déchirées, le symbole de la flotte kendrane gisait oublié de tous, ses couleurs assaillies par les eaux.

"Bordel, c'est un vrai cimetière."
"C'est ça qui arrive à ceux qui défient la première flotte d'Omyre..."


Heartless observait le moral des matelots du coin de l’œil. Dans ces conditions, il n'était pas évident de rester calme, et si l'équipage se mettait à paniquer au moment crucial, la Rascasse ne tarderait pas à rejoindre les autres épaves au fond de l'Aeronland...

Au même moment, à bord du Resplendissant, une des frégates darhaméennes aux voiles gravées de lauriers en relief, le capitaine Bercotte, un homme massif mais à l'apparence raffinée, était en train de rajuster son maquillage dans sa cabine lorsque l'on frappa à sa porte. Sa mine poudrée se tordit dans une ignoble grimace.

"Qu'est-ce que c'est ? Il y a intérêt à ce que ça soit important."
"Capitaine ! Perailhon nous a mobilisé pour intercepter des assaillants !"
"Après la raclée de l'autre jour ?"


Le capitaine Bercotte se hâta vers le pont après s'être paré de son plus beau manteau mauve aux reliures dorées. Un bicorne à plumes sur son crâne dégarni, il était dur de le confondre avec les autres mercenaires de l'armée de Darhàm, tant son visage imberbe et d'un blanc immaculé, saupoudré d'une teinte de rose à l'endroit des joues et du front, était synonyme de son dévouement fanatique aux apparences.

Il maugréait pendant qu'il montait les marches.

"Impensable ! Les kendrans ne devraient pas être en état de lancer une autre contre-offensive. Bah, si l'amiral m'envoie sur eux, ça veut au moins dire qu'il m'apprécie à ma juste valeur."

Ses lèvres noircies à l'encre de seiche se renfrognèrent devant le spectacle qui s'offrait à lui, ou plutôt le manque de spectacle.

"Un seul bateau, hmmm ?"

Bercotte passa ses ongles colorés sur l'épaule du matelot qui l'avait appelé.

"On m'envoie arrêter un seul tout petit bateau de pacotille ?"

Ce dernier se crispa de tout son être.

"Parfois je me demande si Perailhon ne me prend pas pour le dernier des guignols. Dis moi, toi, j'ai l'air d'un guignol ?" demanda-t-il avec un regard froid.

Le mousse secoua la tête comme s'il avait l'intention de se la dévisser lui-même, mais Bercotte relâcha bien vite son emprise parce qu'il avait vu du coin de l’œil le Carapacé qui l'observait, les bras croisés, avant de tourner les talons.

"Enfin. Un ordre est un ordre. Qu'on lèvre l'ancre et qu'on déploie les voiles." ordonna-t-il avec son calme coutumier.

Le matelot, soulagé d'être enfin libéré de l'emprise du capitaine maquillé, se préparait à retourner à son poste, mais Bercotte le rattrapa par l'épaule.

"Toi, pas bouger."
"Aaah !"


D'un geste vif, le capitaine subtilisa un pou qu'il avait repéré dans sa chevelure. Il le tint entre son pouce et son index, bien en évidence devant son homme d'équipage.

"Mh, c'est répugnant. Je veux voir cette tignasse complètement rasée avant mon retour."
"O-oui, mon capitaine !"


Le Resplendissant quitta les rangs, accompagné d'un autre navire.

"Curieux. Ce n'est pas un drapeau d'Oranan, ou du royaume kendran, et ce n'est certainement pas un messager."

Bercotte plissa les yeux.

"Ils n'ont même pas hissé de pavillon."

Lorsqu'ils s'approchèrent assez du bateau aux voiles bleues, un nouveau rapport arriva aux oreilles du capitaine Bercotte.

"Capitaine ! Le navire a pris feu !"
"Comment ? Une attaque incendiaire ?"


Les bêtes marines qui avaient suivi le sillage du Resplendissant s'arrêtèrent net devant la menace des flammes. Ce n'était pas un petit incendie qui s'était déclaré. Tous les matériaux inflammables à bord du Masamune avaient fini par s'enflammer, et le navire d'Heartless devint une véritable fournaise marine qui fonçait droit vers le blocus. Le regard perçant du capitaine maquillé se tourna vers l'autre navire mercenaire.

"Très bien, nous allons commencer par abattre les mâts. Dites à ce capitaine de se concentrer sur la coque, de son côté."

Au fond de l'eau, Iguru accourut vers Heartless.

"Sirius ! En haut, il s'est arrêté !"
"Quoi ?"


En effet, il semblait qu'à la surface, le Masamune avait été complètement immobilisé par deux autres navires, bien avant d'avoir eu la chance de causer le moindre dégât au blocus. L'ombre du mât qui s'était écroulé signifiait la fin du baroud d'honneur du Masamune.

"Et nique !"

Le capitaine Bercotte était parvenu à complètement amputer le navire désert de toute méthode de locomotion. Ne restait plus que le triste spectacle d'un navire solitaire, sombrant lentement dans l'indifférence générale. Parmi les flammes, il aperçut une inscription sur la coque, maladroitement inscrite au fil d'une épée. Le nom qu'Heartless avait inscrit sur son premier navire.

"Ma-sa-mune ? N'est-ce pas le nom d'un sabre ynorien au tranchant inégalé ? Quel dommage d'avoir donné ce nom à quelque chose d'aussi décevant. J'imagine que c'est ce qu'on appelle un pétard mouillé." plaisanta Bercotte.
"Haha, très drôle, mon capitaine."
"Mais à ce rythme, on n'est pas rentrés de sitôt. Coulez-moi ça, qu'on en finisse."


Suite à cet ordre, le Masamune fut méthodiquement malmené par les deux équipages jusqu'à ce qu'il finisse par sombrer dans l'océan.

Sur la Rascasse, la mine de Thunderhead s'était assombrie :

"Le Masamune s'est fait descendre beaucoup trop tôt."
"Ouais."
répondit Heartless, "Mais au moins, il nous a fait gagner du temps."

Sa gorge s'était serrée. C'était le navire sur lequel il avait fait ses premières armes, celui avec lequel il s'était extirpé d'une vie d'abandon à Tulorim. D'un autre côté, ce navire était au départ destiné à n'être qu'un transport de trafiquants. Il avait connu sa fin en chargeant seul la flotte de Perailhon, à la défense d'Oranan.

Le deuil du navire aux voiles bleues fut cependant de courte durée.

"Et merde ! Bestioles à bâbord !" cria Lydia en armant son arbalète.
"Déjà ? On est même pas encore à la moitié du chemin !"

Sirius aperçut de nombreuses silhouettes menaçantes qui grouillaient entre les épaves. D'innombrables costracas, homards géants, et de brachyus, crabes blindés à la solde de Perailhon, avaient investi les épaves, et se hâtaient de prendre la Rascasse en embuscade.

"On dirait qu'on nous a repéré. Tout le monde, branle-bas de combat !"

Les marins postés aux balistes se figèrent, prêts à tirer au moindre signal, tandis qu'un petit groupe d'arbalétriers et de lanceurs de javelots, mené par Lydia, s'apprêtait à appuyer autant qu'ils le pouvaient le feu des armes montées. La première giclée de crustacés mutants ne se fit pas attendre. Un bon nombre d'expériences de Perailhon s'accrochèrent à la Rascasse et des bruits tonitruants s'échappèrent du bois. Ils essayaient de percer la coque !

"Feu à volonté !" cria Sirius.
"Merde ! Ils sont dans nos angles morts, on peut pas les toucher !"

Une femme postée sur la baliste tribord vit la mort en face lorsqu'un homard perceur de coque bondit de l'ombre d'une des épaves dans sa direction, mais la bête fut balayée d'un coup vif par la magie d'eau de Leyna qui protégeait l'extérieur du navire. Sirius l'observa se battre avec grâce contre de nombreux assaillants, à coups d'acrobaties et de magie d'eau. Avec chaque note de sa lyre, l'earionne envoyait de puissantes vagues dégageant tout ce qui s'accrochait à la coque. Sirius gloussa devant son énergie, elle était manifestement aussi bonne combattante qu'elle l'avait prétendu.

"Artilleurs, concentrez vos tirs sur ce que vous pouvez atteindre ! Laissez la zélée se charger du reste !"

Un choc sourd fit trembler la Rascasse qui venait de frôler une des épaves kendranes d'un peu trop près.

"Deux minutes avant la casse, Heart', un temps record !" beugla Gallion.
"Hé, fous-moi la paix, c'est un vrai boxon, là-dessous !"
"Alors garde ton putain d’œil sur le cap !"
"Tu veux qu'on échange nos places, c'est ça ?!"
"Fais gaffe, bordel !"


Heartless lança la roue vers bâbord et la Rascasse évita à la dernière minute un récif sous-marin. Ses mains moites se resserraient sur le gouvernail. Gallion jugea qu'il valait mieux ne pas le distraire avec davantage de commentaires.

"Oh merde, ooooh putain de merde !"
"Quoi, qu'est-ce qu'y a ?"
gueula Thunderhead.

Les silhouettes qui poursuivaient le navire s'étaient rapprochées. Le colosse réalisa qu'ils étaient dans un bien plus gros pétrin qu'il ne le pensait.

"ANNEDOTI !!"
"Tu t'fous de moi ?!"


Sirius jeta un bref coup d’œil derrière lui et grimaça.

"Et un tas de salamandres, en plus !"

En effet, d'énormes simili-baleines à six pattes s'étaient mises à la poursuite de la Rascasse, et derrière elles, la plus redoutable de toutes les monstruosités marines, un annedoti. Ces créatures tentaculaires à trois têtes, dotées de griffes et de crocs capables de réduire en miette même le plus fier des gallions en une poignée de secondes étaient la pire chose qu'il était possible de rencontrer sur la mer, et un gros spécimen les avait pris en chasse. Avec sa vitesse de nage hallucinante, il était capable de rattraper la Rascasse, mais les salamandres qui le devançaient comptaient bien réduire ce délai.

Les balistes furent ordonnées de se concentrer sur ces créatures géantes, elles avaient déjà gagné énormément de terrain.

"Gallion ! Prépare-toi à larguer le tonneau de bleu !"
"J'y cours !"
"Elias, Iguru ! Vous êtes prêts, vous ?"
"Parés !"
"Parfait.."


Heartless jeta un coup d’œil à la surface. Au travers de la nuée sous-marine, menace omniprésente au-dessus de leurs têtes, il pouvait voir le blocus qu'ils étaient en train de passer. Il s'attarda sur un navire en particulier, trois coques massives reliées les unes aux autres, le navire de Perailhon. Est-ce qu'il pouvait les voir, lui, de là-haut ?

"Leyna ! Où est Leyna ?!"

Nahoriel avait crié le nom de la prêtresse, mais il n'y avait nulle trace d'elle sur ou à côté du navire. S'était-elle fait avaler par une des salamandres ? Non, il valait mieux ne pas y penser. Il n'avait pas le temps de vérifier, il devait assurer l'arrivée à bon port de tout cet équipage.

"Salamandre à tribord !"

Le premier coup annonça la couleur. La Rascasse vibre toute entière lorsqu'elle fut percutée par le flanc de salamandre aquatique. L’œil d'Heartless s'ouvrit en grand, non, il ne fallait pas paniquer. D'un voix contrôlée, il ordonna :

"Dirigez tous vos tirs sur ce gros tas de merde ! Visez les yeux, la gueule, n'importe quoi !"

Un tir nourri de baliste et d'arbalètes assaillit la créature, mais rien ne pouvait la ralentir. Aucun trait n'avait percé sa peau, aucun point vital n'avait été touché dans le chaos de la poursuite.

"C-ce truc est increvable !" hurla l'un des tireurs paralysé par la peur.
"Pousse-toi de là !"

Lydia le jeta en arrière et se mit à charger la baliste pour tirer à nouveau, mais une nouvelle charge de la salamandre la fit chuter avec sa munition.

"Espèce de sale petit têtard de mes deux couilles !" grogna-t-elle alors qu'elle se remettait à la charge.

L'artilleuse parvint à charger la baliste avant un autre assaut, et elle se posta pour attendre le moment propice tandis que la créature la regardait avec appétit.

"Qu'est-ce que t'attends ? Tire !"
"Ta gueule !"
"Tire ! Y va nous foncer dessus !"
"Ta gueule et admire !"


Alors que le monstre s'était lancé pour renverser la Rascasse pour de bon, Lydia décocha un trait de baliste au dernier moment, profitant du fait qu'il se rapproche pour lui tirer en plein milieu de l’œil. La salamandre se tordit de douleur et partit s'écraser parmi les décombres, pas morte, mais au moins hors-course. Le souffle de soulagement de la vieille femme fut partagé par tout l'équipage, mais ce soulagement était de courte durée. Une autre salamandre avait gagné du terrain et se préparait à frapper à bâbord. Repérant un tas de navires en ruines, Heartless fit virer de bord la Rascasse pour bousculer la bête qui vint se heurter douloureusement à un amas désordonné de bois brisés et de mâts rompus, une véritable forêt d'épines dont elle mettrait du temps à revenir.

"Tu comptes nous faire nager le restant du chemin ?"

Gallion n'avait pas perdu de son ardeur, au moins.

"Tout est prêt, de ton côté ?"
"T'as plus qu'à donner le signal !"


Soudain, un hurlement leur glaça le sang, l'annedoti était sur eux ! Ses innombrables tentacules commencèrent à fouetter le navire de toutes parts. Chevauchant l'une d'entre elles, Leyna fut propulsée sur le pont de la Rascasse, le choc si violent qu'elle en perdit conscience.

"Que quelqu'un s'occupe de Leyna ! Des soigneurs, ici ? Que fait Mytha ?!"
"Sirius !"


Lorsqu'Heartless se rendit compte du danger, il était trop tard. Engagée dans un véritable couloir d'épaves, la Rascasse fonçait tout droit vers un mur vivant de costracas et de brachyus qui n'attendait que son passage.

"Fait chieeeeeer, tout le monde, à la poupe !!"

L'impact ne fut pas aussi secouant que celui des salamandres, mais il permit à un grand nombre de crustacés mutants d'atterrir sur le pont. Nahoriel sortit son arme pour protéger farouchement le corps inanimé de Leyna, tandis que Gallion, Eliwin et Samrik, le maître d'armes, eurent enfin l'occasion de montrer leur vraie valeur au sein de cet équipage. Tous les marins assez forts ou téméraires pour aller à leur rencontre s'attaquèrent aux monstres briseurs de coque. Un des costracas, plus vicieux que ses semblables, fondit sur Sirius qui était toujours à la barre, mais celui-ci le renvoya dans la mêlée avec un coup de pied bien senti.

"Tiens, reviens dans vingt kilos !"

Néanmoins, il y avait quelque chose de bien plus lourd qui menaçait d'engouffrer la Rascasse. La queue d'une salamandre aquatique coincée entre une de ses mâchoires, l'annedoti n'était qu'à quelques mètres d'entraîner ce navire par le fond, alors qu'ils étaient si près du but !

"Gallion !" appela Heartless.

Le titan se hâta de retourner à son poste. Un brachyu énervé eut bien pour projet de lui faire payer son dos tourné, mais Samrik coupa court à ses ambitions d'un coup de lame asséné entre les plaques avec précision. Sortant un coutelas de son fourreau, Gallion planta sa lame dans le haut d'un tonneau et déversa son contenu par-dessus bord en le tenant à bout de bras. Un véritable nuage de teinture bleue déferla dans le sillage de la Rascasse, brouillant les sens de l'annedoti.

"Ancre ! Maintenant !"

Elias et Iguru, qui n'avaient jamais quitté leur poste, lâchèrent l'ancre de la Rascasse, eut immédiatement l'effet d'un frein immédiat si près du fond. Râpant contre le sol marin, les deux hommes laissèrent la corde accumuler quelques mètres de mou avant de la bloquer à nouveau.

"Tu peux y aller, Sirius !" beugla Elias.

En moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, Heartless propulsa la roue vers tribord de toutes ses forces, et la Rascasse entama un véritable dérapage sur la droite, si soudain que l'annedoti la dépassa sans s'en rendre compte, entouré de fumée bleue. Les salamandres à sa suite se ruèrent toutes dans le nuage à la rencontre de l'annedoti qui s'était arrêté. Ce qui s'ensuivit était une véritable mêlée de monstres marins, la plus grande créature de Perailhon étripant l'une après l'autre les salamandres qui l'avaient percuté.

"Youuuuhouuuuu !"

Le plan d'Heartless avait porté ses fruits. La Rascasse avait désormais gagné énormément de terrain contre les principaux dangers, et les indésirables qui infestaient le pont et la coque étaient en train de se faire déloger par les efforts combinés de tout l'équipage.

"C'est bon, vous pouvez décrocher l'ancre !"

Iguru se mit à l’œuvre, mais même après une dizaine de secondes, l'ancre ralentissait toujours la Rascasse.

"Lâchez l'ancre, j'ai dit, qu'est-ce que vous foutez ?!"
"La corde est coincée ! On arrive pas à la décrocher !"


La Rascasse avait déjà entamé sa remontée. Les couleurs du port oranien étaient visibles derrière la surface de l'eau, mais l'ancre de la Rascasse l'empêchait de remonter à pleine vitesse. Au lieu de cela, le navire denté devait la traîner derrière elle pendant une ascension grandement ralentie.

"C'est pas vrai, dites-moi que c'est une blague !"
"Je m'en charge."


Eliwin s'arma de son sabre courbé et, sans la moindre hésitation, passa à travers la membrane pour tenter de couper lui-même la corde. Seulement, à cette profondeur, et hors du carcan protecteur du Léviathan, un humain tel que lui était assailli par la pression sous-marine, et un fil sanguin s'échappa de son nez et de ses oreilles dès qu'il mit la tête dans l'eau. Obstiné qu'il était, cela n'empêcha pas l'ancien esclave d'y plonger tout son corps comme s'il eut été Leyna. Plusieurs secondes passèrent, interminables. Ce qui s'ensuivit n'était pas l'annonce de sa réussite, mais l'alarme que tout le monde redoutait.

"L'ANNEDOTI REVIENT !"

Parmi les débris, la confusion provoquée par la manœuvre d'Heartless n'avait plus d'emprise sur le monstre à trois têtes qui avait repris sa poursuite acharnée de la Rascasse.

"Eli, dépêche-toi ! On va couler si tu te grouilles pas le fion !" hurla Sirius, désespéré.

Il n'eut aucune réponse, et l'ancre était toujours là pour les ralentir.

"Eli ? ELIII !! Et merde ! Gallion, Mytha, maintenez le cap !"

Pour la première fois depuis le début de leur entreprise suicidaire, Sirius lâcha la barre et courut vers le bastingage. Il voyait bien le début de la corde, mais aucun signe d'Eliwin. Après avoir dégainé son sabre d'abordage et fermement agrippé la corde, il se lança tête la première à l'extérieur du navire. C'était comme si dix milles aiguilles s'étaient enfoncé dans son corps tout entier, de l'intérieur et de l'extérieur en même-temps. Sa vision commençait à virer au rouge alors qu'il cherchait du regard le second de Mythanorië. En remontant la corde, il aperçut enfin sa silhouette. Inanimée, suintant de nuages de sang, Eliwin restait toutefois fermement accroché à la coque de la Rascasse, comme si son corps le maintenait là par instinct. Derrière lui, l'ancre ballotait à la suite de leur navire, et derrière l'ancre, les gueules béantes et les tentacules de l'annedoti se rapprochaient à une vitesse alarmante.

À l'endroit d'Eliwin, la corde avait visiblement déjà entamée. Il avait donc perdu connaissance en plein effort. Le sabre entre les dents, Heartless saisit la corde à deux mains et se laissa glisser en tentant d'ignorer la douleur et la nausée qui l'assaillaient. Lorsqu'il atteignit Eliwin, il agrippa son épaule et le hissa tant bien que mal jusqu'à la sienne, et d'un coup sec de son épée, il acheva sa besogne. L'ancre se détacha enfin du navire et s'écrasa contre l'annedoti qui émit des grondements d'une laideur indicible. L'ancre n'étais pas assez lourde pour l'entraîner dans sa chute, mais elle l'était assez pour disloquer une de ses mâchoires à l'impact. L'annedoti blessé décrit plusieurs cercles sanguinolents au fond de l'eau avant de nager dans la direction opposée.

Tandis qu'il luttait contre son corps endolori, son aveuglement progressif et la sensation que ses poumons allaient bientôt exploser dans sa poitrine, Heartless se disait qu'il n'avait peut-être jamais utilisé une ancre correctement de sa vie.

"J-j'les ai ! J'les ai !"

Grâce à ses bras puissants, Iguru extirpa Heartless et Eliwin des profondeurs. Les trois hommes tombèrent à la renverse sur le pont. Iguru sonné, Eliwin inconscient, et Heartless crachant du sang, Gallion dépêcha des matelots pour s'occuper de leurs blessures.

"Mytha, prends la barre et amène nous à bon port. J'm'occupe de ces imbéciles."

Alors qu'Elias mettait des claques à Iguru pour qu'il reprenne ses esprits, son regard fut captivé par un spectacle singulier. Une femme nue se tenait juste de l'autre côté du bastingage. Il eut à peine le temps de comprendre ce qu'il avait en face de lui que les tentacules d'un gobe-soûlard jaillirent à travers la membrane pour l'entraîner. Mais la créature n'avala rien d'autre que le couteau du vieillard avant de rejoindre le fond comme un sac de patates.

"L'est fou, celui-là. On m'la fait pas à moi."

Contre toute attente, la Rascasse Volante surgit des flots devant le port d'Oranan. Les dernières créatures marines qui eurent l'audace de les suivre furent dissuadées par la promesse d'une volée de flèches de la part des archers ynoriens. Allongé sur le pont, Heartless fit gicler un peu de sang en appuyant sur ses narines, un sourire néanmoins satisfait sur le visage. Bien que sa vision était encore floue, il discernait sans mal les atours de la capitale républicaine.

"Hahaha, on est passés."
"Un peu qu'on est passés. Plus qu'à espérer qu'on se fasse pas tirer dessus par les faces de citrons."
"Parle pas de malheur..."



[XP : 2 (combat sous-marin) + 3 (traversée du blocus) Attention, même si je comprends l'intérêt du point de vue ennemi sur la prise du Masamune, je rappelle que les RP doivent être limités au point de vue de ton personnage (quel que soit le style de narration).]

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Mythanorië
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Re: La Rascasse Volante (Confrérie d'Outremer - X3)

Message par Mythanorië » ven. 30 juil. 2021 18:13

*<---*

*3*

Sobrement, je veille à ce que le transfert se fasse sans heurt, me demandant ce qu'il va advenir du Masamune. Sirius répond rapidement à ma question muette en le désignant comme diversion. Je n'ai guère le temps de m'y attarder car le pirate se donne en spectacle, brandissant son trident et le plantant contre le pont en prononçant un nom avec force. L'arme se transforme, mais l'impact de cette magie n'est en rien similaire au choc que je ressens lorsque mon vaisseau hurle.

Oui, ce son brutal est bien celui de mon navire dont l'apparence change sous nos yeux. Mes hauts et fiers mâts se tordent, les voiles accrochées dessus devenant de véritables nageoires. Le bastingage gagne en taille et une membrane englobe le pont. J'ai vaguement la sensation d'être dans les entrailles d'une créature de Moura. Mais une que je connais et en laquelle j'ai foi. J'ai du mal à réprimer un sourire lorsque le vaisseau agi comme telle et plonge dans les profondeurs.

Si j'ai, par mes capacités, déjà pu évoluer loin sous la surface marine, ce n'est pas le cas de mon équipage. Émerveillement ou crainte, hostilité ou froideur, nul n'est indifférent à ce qui vient de se produire. Mais une bonne partie est figée, comme démunie. Ils ont besoin de quelque chose de familier à quoi se raccrocher. Je décide de reprendre les choses en main.

"Tout le monde à son poste ! Je veux un remplaçant vigie à bâbord et tribord pour garder un œil sur les eaux niveau pont et en dessous. Lydia ! C'est pas commun, mais gardez le nez vers le haut, qu'on sache si quelque chose nous plonge dessus !"

Un échange à lieu à côté de moi et je ne peux que rouler des yeux tandis que Leyna' affirme être efficace et à sa place en-dehors du navire. Je ne cherche pas à comprendre, dirigeant mon attention vers son cher et tendre qui semble plus que réticent. J'opte pour des directives globales, l'incluant dans le lot.

"Les habitués des balistes, restez vigilants. Gabiers ! Sortez les rames, deux têtes par manche et faites moi nager cette Rascasse !"

J'avise l'humain borgne tenant son étrange gouvernail.

"Et vu que ma prêtresse joue les poissons-pilotes, évitez de raser les récifs de trop près, Sirius."

Pendant des instants me semblant étrangement lents, ma Rascasse circule entre des épaves aux couleurs kendraines. Des dizaines de navires, qui ont du avoir un nombre impressionnant de membres d'équipage. Et il ne reste que des cadavres de bateaux encore si récents qu'on dirait presque un port chaotique sous marin. Je ferme les yeux, priant Moura de veiller à ce que les courants amènent avec compassion les âmes des défunts aux portes des Enfers.

Le trajet est à peine entamé que déjà de mauvaises nouvelles font écho à bord, me faisant braquer mon regard vers Lydia. Sa vue perçante à repéré des créatures qui n'ont nullement été impressionnées par l'allure prédatrice de ma Rascasse. Des crabes géants déjà croisés en épave, des crustacés de même gabarit et un tas d'autres bestioles semblables surgissent des débris. Immédiatement, ils tentent de s'en prendre à la coque. L'une des crevettes sur dimensionnée tente de s'attaquer à une utilisatrice de baliste, mais est repoussée par un jet d'eau magique. Leyna' est à l'œuvre de façon hautement efficace.

Lydia, elle, organise les attaquants à distance. Ma tête tourne sur le côté dès qu'un cri entre terreur et courroux se fait entendre. Un duo de gabiers à l'une des rames tire, l'instrument comme violemment agrippé de l'autre côté. Je bondis auprès d'eux et ajoute ma force à la leur. L'adversaire inconnu cède, manquant de peu nous faire choir tous les trois à cause du contrecoup. Déjà fini ?

Une voix jure deux rames devant et je vois avec stupeur un long tentacule s'enrouler autour de l'outil de bois. Un brutal à-coup se fait, et un autre en l'espace des quelques instants que je mets à rejoindre mes hommes. Ils tiennent bon et deux autres appendices surgissent. D'autres jurons et un cri paniqué, l'un des bras monstrueux s'étant enroulé aussi autour du poignet d'un des gabiers et l'écrasant inexorablement contre l'outil.

Je me jette sur le bout de la rame, encerclant le manche de mes serpentins. La bestiole à l'autre bout refuse de lâcher ! Je pense immédiatement à dégainer et trancher le membre monstrueux. Mais à peine ai-je esquissé ce geste qu'une violente traction fait se cogner mes marins contre le bastingage. Je lutte, puisant dans mes forces pour ramener la rame vers moi, concentrant ma magie d'eau pour pulvériser le tentacule. Ma projection sectionne le mauvais, causant une danse effrénée et imprévisible de ce dernier qui cogne d'un côté et de l'autre, répandant une viscosité nauséabonde.

Victoire de courte durée car un crissement de la rame et le désespoir de mon matelot griffant la créature pour se libérer me fait craindre le pire.

"Samrik !"

À mon appel, le demi garzok court dans ma direction. De l'un de ses sabres, il tranche net la patte de la créature. Mais il ne s'arrête pas là. Il retient la bête, fait un nœud autour de la rame avec le tentacule cherchant à se rétracter et se tourne vers moi. Je crois comprendre. Si cette bestiole veut nous voir, qu'elle se déplace !

Ensemble, nous basculons la rame vers nous. Un cri de colère motive notre effort. Dans un fracas certain, la rame se brisant sous sa masse, une créature est projetée sur le pont. Une autre, similaire, n'est pas aussi enroulée et parvient à nous faire faux bond. Je ne sais pas ce que je regarde, car l'entité a comme une partie vaguement similaire à un torse humanoïde, mais le reste est tentaculaire. Ses bras fouettent autour d'elle. Une méchante douleur me barre le flanc. J'ai juste le temps d'agripper le membre visqueux, de dégainer et planter mon épée dedans, l'épinglant sur mon pont.

La bête se débat, frappant férocement autour d'elle. En voyant certaines planches de mon navire commencer à se fissurer, je n'hésite plus. J'emploie ma magie de terre, enfermant la chose dans un carcan de boue.

"Éclatez moi cette chose !"

Sabres, épées, lames courtes maniées par des marins proches s'abattent sur la forme. Les filins de chairs se font de plus en plus erratiques. Je remarque trop tard avoir la botte prise dans une boucle vivante. Elle me vole mon appui. Je m'accroche à mon arme qui ripé de son encoche et me fais tirer au sol. Une gueule jusque-là invisible s'ouvre. Des dents. Proches. Ma lame se tend vers le haut et se plante, maintenant la bouche affreuse ouverte. Ma magie se condense et je lance un puissant jet d'eau pile contre la plaie causée. Le corps se déchire sous la force. La bête convulse sous les coups acharnés. Elle finit par me lâcher et s'affaler dans une soupe visqueuse.

On me soutient et me remet debout. J'aperçois alors une silhouette massive se ruer contre ma Rascasse. Pile vers...

"Ramenez les rames !"

L'impact est soudain. Les marins trop lents à réagir voient leurs rames se briser sous le choc. Une salamandre faisant un tiers de mon navire en taille nage côte à côte avec nous. Stratégie consciente ou pas, toujours est-il que cette saleté cherche à nous faire ralentir, mais la Rascasse métamorphosée et aidée par les bras de mon équipage demeure rapide.

Je hurle à tous d'être prêt à un nouvel impact quand Lydia réussit un tir magistral de baliste, frappant pile dans un oeil de la bête. Une autre de ses semblable est percutée et envoyée dans un champ de débris par mon navire. Un peu partout, une cacophonie de voix se fait. Mon nom est appelé juste avant qu'une directive de se replier à la poupe résonne à bord.

Mes yeux clairs regardent droit devant, m'amenant l'image d'une paroi de crustacés géants en tous genres. En direction de la poupe, un monstre titanesque nage entre deux eaux. Un trio de gueules dont une occupée par la salamandre blessée, une vitesse croissante. Une détermination certaine à faire de nous son prochain plat.

Des monstres sortis de cauchemars. Comment Moura peut-elle tolérer voir ses eaux souillées par de telles abominations ?! La vie de ses océans n'est qu'amuse-gueules pour ces choses ! Ne doit-il rester que ces engeances innommables comme habitants de son royaume pour qu'elle intervienne ?

"Moura..."

Debout par miracle, je retiens le bras d'une de mes matelot au soudain impact dans le mur de crustacés. Plusieurs d'entre eux tombent à bord. Costracas et brachyus en majorité. Eliwin, Samrik et Gallion se lancent au combat. Ils débordent d'énergie, comme s'ils avaient été frustrés de ne pas pouvoir taper sur quelque chose avant.

Mon nom retentit une nouvelle fois et des grands signes de Nahoriel me font me hâter vers lui. A ses pieds, la prêtresse gît inconsciente. D'une voix teintée de crainte mais courageuse, mon semi elfe d'ami m'explique que la jeune femme a été projetée à bord avec violence. Un genou au sol, je me tiens aux côtes de la prêtresse et emploie ma magie de lumière pour la remettre sur pied. Une fois son souffle stable et l'assurance que Nahoriel peut se débrouiller, je fais volte-face et rejoins les combattants.

En arrivant, j'évite le coup d'une queue épaisse et réplique d'un coup de bas en haut. La riposte est si violente que le costraca est retourné sur le dos. Son abdomen est tranché net par une lame impitoyable. Le métal de mon arme cogne contre des pinces géantes ou perce un point faible entre deux plaques quand une opportunité m'est offerte. À plusieurs reprises, je manque trébucher sur les corps des creatures abattues.

Un soudain mouvement près de ma cuisse me fait bondir sur le côté. J'évite de peu une lourde pince appartenant à une saleté que je pensais morte. Manquant de peu être victime de ce même stratagème, je claque de la langue et me concentre. Remontée contre ces enflure de créatures envahissant mon vaisseau, j'émets un violent flash lumineux. Les crustacés pensant pouvoir m'attaquer en douce font d'inqualifiables cliquetis, se trahissant par la même occasion et finissant embrochés.

Tendue, je retire mon épée de ma dernière victime en date lorsque j'entends qu'on m'appelle. Sirius se précipite vers la zone de l'ancre, me laissant la tâche de mener la Rascasse. Je crie à mes vigies de m'indiquer les obstacles sur le passage et dirige le bâtiment en ligne quasi droite. Une commotion prend place à l'avant, mais la seule certitude que j'ai est que Gallion Thunderhead se charge d'y remédier.

Mon regard clair passe brièvement sur mon équipage. Certains sont blessés à cause des envahisseurs, d'autres ont été surpris par les impacts et se massent des zones douloureuses. À première vue, aucun ne semble en danger de mort. Mes serpentins s'enroulent autour de l'étrange gouvernail et mon visage se fait stoïque. Un peu partout, mon corps crie son indignation et ce n'est qu'en sentant ma tunique coller à la jonction entre mon cou et mon épaule que je constate une déchirure. Je persiffle à l'écho de douleur, mais n'y accorde qu'une attention limitée. Je tiens debout toute seule, j'ai encore toute ma tête et ma sève. Je suis donc parfaitement capable d'amener tous les occupants de la Rascasse à bon port.

Après un court tâtonnement, je parviens à diriger ma parfaite Rascasse sous les navires du blocus et à l'amener vers la surface. Les murs du port s'élèvent, et avec eux plusieurs dizaines de paires d'eux. Je réajuste lentement mon tricorne entre mes branches crâniennes, un sourire aux lèvres. Nous avons réussi. Au prix d'un navire, de blessures, de dégâts matériels et de frayeurs suffisantes pour dérober quelques années de vie, mais nous sommes à Oranan.

Reste à savoir comment les ynoriens vont accueillir un bateau surgissant littéralement de nulle part.



*--->*


[XP : 2 (passage sous-marin) + 2 (combat)]
Mythanorië, Oudio

Sœur de la Confrérie d'Outremer - Capitaine de la Rascasse Volante / Shaman hippocampe.

Thème musical

"Y'a pas à dire : la Mer, ça vous change quelqu'un !
"

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