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La Dague (Sael Purpuras - X1)

Posté : lun. 4 nov. 2019 20:54
par Gamemaster6
La Dague

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La Dague est un Sloop, un voilier à un mât à la proue voilée d’un foc unique. Il possède une voile à corne et une voile triangulaire comme voilures principales. Celles-ci sont d’un rouge Carmin, signature personnelle de son capitaine : Sael Purpuras, dit « Barbe-rouge ».

C’est un petit navire de bonne qualité, qui ne paie pas de mine ni n’effraie grand monde, lorsque l’étendard des pirates Sang-Pourpre n’y est pas levé. Une coque noire peinte en bleu marine à certains endroits. La barre à l’arrière surmonte les quartiers du petit équipage et du capitaine lui-même, l’espace étant trop restreint pour qu’il ait une cabine personnelle. La cale, elle, s’étale sur tout le reste du navire, juste sous le pont. On ne peut s’y tenir debout, forcés de courber l’échine pour s’y déplacer. Le navire lui-même n’est pas armé, contrairement aux marins à son bord.


Vitesse standard (x1)

Re: La Dague (Sael Purpuras - X1)

Posté : lun. 4 nov. 2019 23:53
par Sael Purpuras
La mer est calme, entre les côtes de l’Imiftil et notre proche destination. Pas une mer d’huile où même un marin d’eau douce s’emmerderait sur sa barque, mais une mer posée, pas trop agitée, un vent suffisant pour gonfler les voiles carmin de la Dague. Un ciel partiellement couvert, mais montrant de généreuses éclaircies de temps à autres. Elias est à la barre, fier regard doré sur les flots bleus de l’océan. Stach’ grimpe aux gréements, pour vérifier qu’aucune corde n’est emmêlée. Stanton, ce vieux débris tout sec, fume sa pipe d’écume appuyé sur la proue. Une journée tranquille, paisible. Et moi, moi j’en profite pour sortir mon instrument de musique, grattant les cordes en quelque improvisée mélodie. Le sac et ressac des vagues me donnait le rythme, les embruns inspiraient l’air. Les paroles me vinrent, issues de ma mémoire, d’un vieux chant de marin entendu sur une île lointaine, dont j’adapte machinalement le refrain pour correspondre à notre situation…

« Nous somme quatre marins sur un beau voilier
Des dur à cuire, des sans pitié.
Nous semons la terreur et faisons fi des lois,
Pillant, tuant, à tour de bras.
Sur la terre comme sur l’océan,
Nous allons toujours en combattant… »


Les couplets couraient sur les cordes du bouzouki associées à ma voix, le refrain, entêtant, fut vite repris par les trois autres gredins. À tel point qu’à un moment, attirant mon auditoire, le jeunot et le vieux viennent s’appuyer non loin. Cessant abruptement ma mélopée, je me relève pour lui faire face, et lui octroyer un regard mauvais.

« Qu’est-ce que tu regardes, petit ? »

Intrigué, perturbé, apeuré sans doute, je profite qu’il cherche un vain appui chez le vieillard à son côté pour faire moi-même un clin d’œil au Hafiz à la barre, retenant difficilement un sourire, mais gardant le ton menaçant de ma première supplique.

« Ne connais-tu donc pas l’histoire de ce jeune gredin qui osa trop longtemps poser les yeux sur le terrible Capitaine Sang-Pourpre Jean Long-Argent ? »

Comprenant, ou espérant en tout cas comprendre, qu’il s’agit là du préambule d’une légende pirate, il se détend un peu. Juste un peu, car il ne me connaît guère encore bien, ce dernier venu de la dernière escale. Guère à part mon nom, et la réputation des miens. Faisant courir mes doigts sur le manche de mon instrument pour en sortir quelques notes introductives plaçant une ambiance pesante, je pris la parole d’une voix forte. Une voix de capitaine.

« C’était pourtant il n’y a pas si longtemps… Alors que sa puissante corvette l’Imiftiola remontait les côtes sauvages de l’Ynorie pour passer le Cap de la Plaine de Pierre et rejoindre le Port de Mourakat, laissant derrière elle une traînée de sang et de corps, de feu et d’épaves. Sur l’une d’elle, Long-Jean, comme l’appelaient ses gens, recueillit un moussaillon, un jeune freluquet qui n’avait pas même quinze ans. Le petit ne savait pas naviguer, pas même faire un nœud correct, mais il avait pour le pirate une apparente fascination.
Et alors qu’ils naviguaient, le Capitaine terrible croisa le regard du petit sur sa jambe de bois. Car il avait une jambe bois, le Longargent. Et il n’aimait rien de moins qu’on le lui rappelle. S’appuyant sur sa canne, il traversa le pont et, bousculant le jeunot, lui hurla tout droit :

- Qu’est-ce que tu regardes comme ça, Foutre-Moura !? Sois maudit, toi qui demain connaîtras le malheur ! »


Je donne une bourrade à Stach’, pour l’immerger dans la scène, comme s’il était lui-même dans la situation. Et je reprends de la même voix narrative… presque théâtrale, agitant de nouveau mes doigts sur les cordes du bouzouki, dans un rythme effréné et grinçant.

« Le visage rougeaud du capitaine contrastait avec la mine pâle, trop pâle du moussaillon. On l’eut dit mort avant l’heure. Et le silence régnait sur l’Imiftiola, car chacun savait que le Sang-Pourpre ne parlait jamais dans le vide. Oh, il y en eu bien, des malins à moitié qui rirent des mots lancés une fois le soir tombé. Et ce furent ceux-là les premiers à demander pitié lorsque le lendemain, le petit fut retrouvé dans sa couche, mort, noyé dans son propre sang. Mais là encore, Long-Jean n’était guère homme à accorder aisément sa pitié. Il éructa d’une voix si forte que les vagues elles-mêmes se turent.

- De la pitié ? HAHA ! C’est dans votre tombe que vous l’embarquerez, après avoir recraché vos mots de mauviettes.

Et le lendemain, cela ne manqua pas, les pauvres lâches semblèrent sous l’emprise d’un mal terrible. Une odeur infecte sortait de leur bouche, aux gencives subitement saignantes. Les autres défaillirent lorsque l’un d’eux cracha en une toux rauque ses propres chicots. Ils moururent dans l’heure, sans la moindre chance d’une pitié du sort qui s’acharnait sur eux. Le capitaine, une fois de plus, pointa un doigt accusateur sur son équipage.

- Ha ! Et voilà ce qui vous arrivera, bande de vermines, à vous tous qui craignez la mort. Elle viendra vous prendre dans votre sommeil, vous arrachera peau et dents et vous abreuvera de votre sang !

Les jours passèrent, deux, trois, puis quatre. Et les morts continuaient de s’accumuler dans le registre du navire. Certains affirmaient qu’ils avaient tant causé la mort que Phaïtos lui-même se vengeait sur eux en les punissant. D’autres étaient persuadés que Jean Long-Argent était un puissant sorcier qui les avait tous maudits. Mais nul n’osa lui dire jamais. Et les jours se poursuivaient, cinq, six, sept… Lorsqu’ils arrivèrent au Port de Mourakat, le dernier marin rendit l’âme, crachant ses poumons et son sang sur la corde d’amarrage. Le Sang-Pourpre était le seul survivant, et se portait comme un charme… »


Je plonge mes yeux d’obsidienne dans les perles de mer du gamin, concluant l’histoire par un sombre :

« Pourquoi ? »


Pris au dépourvu, il regarde d’un air paniqué ses deux collègues qui, bien sûr, demeurent muets, sourires en coin. Il commence à suer à grosses gouttes, regard paniqué, craintif peut-être que sans bonne réponse de sa part je lui octroie le même sort. Il ne tarde pas à me supplier :

« S’il vous plait, Cap’taine Sel. Dites-moi, j’vous en supplie ! »

Sourire figé dans ma barbe, je prononce alors l’épilogue de l’histoire.

« Nombre de rumeurs circulèrent sur cette histoire. Les uns appelant à la malédiction lancée par Long-Argent lui-même, d’autres sur une punition divine. Les seuls qui eurent raison furent ceux qui invoquèrent la maladie. C’est le scorbut qui tua tous ces marins, et Jean Long-Argent fut le seul survivant, car il mangeait quotidiennement, au lever, des agrumes tirées de ses prises.
Mais un doute reste, encore et toujours, un souffle montant comme une rumeur du fond des mers : Long-Argent était-il au courant ? Car au final, lui seul toucha l’intégralité des parts de ce trésor fastueux qu’ils ramenaient de si loin… »


Je me recule, laissant le gamin soupirer devant la conclusion, mine fermée par la réflexion de ces dernières paroles. Je farfouille dans ma besace pour en tirer une orange, ronde et bien mure. Je l’envoie vers le matelot, qui l’attrape maladroitement. Notre petit jeu est interrompu par Elias qui, de la barre, annonce :

« Terre. Terre droit devant, Capitaine. »

Je tourne le regard vers la proue. Effectivement, elle est là, la cité wiehl originelle et si fermée. Notre destination. Aussitôt, je viens remplacer le gardien à la barre pour effectuer les manœuvres d’approche, alors que chacun regagne en silence son poste.