La Slive (X1)

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Yuimen
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La Slive (X1)

Message par Yuimen » mar. 15 oct. 2019 13:28

La Slive

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La Slive est commandée par le capitaine Croane, un marchand Kendran indépendant sans grande histoire qui, malgré son crâne rasé et son oreille en moins qui lui donne un air patibulaire, vous accueillera chaleureusement. Monnayant une poignée de yus par personne, lui et son équipage hétéroclite composé d'une douzaine de Kendrans, de deux Earions, d'un Sinari et d'une Phalange de Fenris vous emmèneront d'Oranan à Shory en passant par Bouhen et Kendra-Kâr. Sachez seulement que sur son bateau, tout le monde se plie à sa loi, passagers compris. Il est un homme juste et ne forcera pas ses clients à participer à la manœuvre ou à l'entretien, mais déteste qu'on conteste ses ordres de "Vieux loup de mer". Il n'aura aucun scrupule à vous débarquer sur la première plage du continent si vous dépassez les bornes.
Le bateau en lui même est une brigantine, un sous genre de goélette à deux mâts. Ses multiples voiles vertes sombres frappées d'une plume argentée lui garantissent une grande maniabilité au détriment d'une grande vitesse. Mais le capitaine vous l'assurera : mieux vaut arriver à bon port lentement mais sûrement que précipitamment et mourant. Les quartiers de l'équipage se trouve sous la proue du navire de même que la cuisine, pour limiter les dégâts en cas d'incendie dans cette dernière. La cabine du capitaine se trouve elle sous la poupe du navire et lui est réservée sauf s'il vous y invite. Enfin, la cale est elle entièrement consacrée aux marchandises récoltées dans les différents ports que la Slive visite.

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Akihito
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Re: La Slive (X1)

Message par Akihito » sam. 19 oct. 2019 01:27

Dans le chapitre précédent...

Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre

Chapitre XXVI : N'avoir ni le pied marin ni la main tatoueuse

En mer, les marins se distrayaient comme ils pouvaient, souvent à l’aide de jeu de hasard comme les osselets. Mais à bord de la Slive, il y avait ce jour-là une animation toute particulière : celle d’une femme réprimandant impitoyablement un homme plus jeune qu’elle alors que ce dernier tentait tant bien que mal de suivre ses instructions. Un spectacle qui valait son pesant de yus, à voir les sourires en coin que chacun arborait.

"Non encore non ! Ce n’est pas comme ça que tu dois planter l’aiguille, arrête de te comporter comme une brute sans cervelle ! De la DOUCEUR j’ai dit !

- Mais tu as aussi dit que je devais être ferme !

- De la douce fermeté si ça te chante !"

Anthelia continuait inlassablement de corriger Akihiko qui avait bien du mal à satisfaire sa nouvelle professeure. En tailleur sur le pont, un morceau de peau sur les cuisses, le jeune homme était armé de la fameuse aiguille et d’un petit maillet et tapait sans interruption sur le chas de l’aiguille pour en faire entrer l’extrémité couverte d’encre dans la peau de porc. Cette dernière était d’ores et déjà constellée de points noirs plus ou moins gros, traces des impacts de l’aiguille qui avait bavé plus ou moins fort en ces endroits. Anthelia, après une énième réprimande, soupira en se prenant la tête entre les mains.

"Et moi qui pensais que tu été un tatoueur de génie en voyant que tu avais intégré aussi vite l’encrage… Finalement, c’était juste un coup de chance.

- Eh ! C’est pas facile de taper précisément avec tous ces mouvements ! T’as déjà essayé de tatouer quelqu’un sur un bateau en pleine mer toi ?!

- Non, mais j’aurais aucun mal ! rétorqua la tatoueuse en reniflant dédaigneusement.


- Je demande à voir ça alors !"

La partie que Akihiko essayait de travailler en ce troisième jour de voyage, c’était le pointage. Il consistait tout simplement en l’insertion de la pointe dans la peau et c’est là que tout se gâtait : il n’arrivait tout simplement pas à effectuer deux points identiques. Les coups que Akihiko donnait étaient soit trop forts, soit pas assez. Ce qui agaçait prodigieusement sa professeure qui voyait finalement ses espoirs s’envoler devant tant d’inconstance malgré des débuts plus que prometteurs.

"Ecoute moi Akihiko. Le pointage, c’est la base du tatouage. Si tu te mets à enfoncer n’importe comment l’aiguille dans la peau d’un client, il va le sentir passer et toi aussi. En plus, tu seras bien incapable de faire la moindre forme artistique acceptable. Regarde ces points-là, encore une fois. Ils sont très bien eux, dit la tatoueuse en montrant des points nets et sans bavure. C’est ainsi que tu dois faire les points. Alors recommence : aiguille perpendiculaire à la peau, maillet en position… Voilà, un petit peu plus proche pour ne pas taper trop fort… Maintenant, vas-y. Voooooilà, il est pas trop mal celui-là. Souviens-toi de la force que tu as mise et recommence pour… AH MAIS C’EST PAS VRAI !"

Le second point était lui bien plus profond, Akihiko ayant mal dosé sa force et créant ainsi deux tâches parfaitement irrégulières. Dans un soupir dépité qui suivit son rugissement, Anthelia ordonna à Akihiko de continuer son exercice et le quitta d’un pas rageur. Certains marins lancèrent un regard compatissant au pauvre enchanteur qui replaça la pointe dans la fiole d’encre, l’imbiba en la faisant légèrement tourner comme lui avait apprit la tatoueuse, et repartit sur une nouvelle ligne de points. Le but était tout simplement de faire le plus de points réguliers possibles en une ligne continue, ce qui n’était pas une mince affaire : en tout, le meilleur score de l’apprenti tatoueur s’élevait à trois malheureux points alignés. Un vrai exploit. Le jeune homme retourna donc la peau de cochon. Ayant complètement recouvert une face de ses échecs, il n’avait d’autre choix que de s’attaquer à l’autre face. Là, il vit les ravages de certains de ses échecs : là où l’aiguille s’était trop enfoncée, l’encre avait transpercé la peau et bavait sur l’autre face.

(Tu devrais arrêter pour le moment, tu es énervé. Tu n’avanceras à rien dans cet état.)

(Non Amy. Si j’abandonne déjà maintenant alors que je viens à peine de commencer, je n’y arriverai jamais.)

(Ta persévérance est louable, Akihiko, mais c’est loin d’être une vérité absolue dans bien des cas. Parfois, il faut simplement savoir se reposer.)

Akihiko n’entendit pas la réponse télépathique et s’immergea une fois de plus dans sa tâche. Il passa ainsi de nombreuses heures à s’entraîner, essayer de sentir la force adéquate pour frapper la peau tendue de la meilleure façon. Les jours se suivirent, uniquement entrecoupés des repas dont l’un des Earions avait la responsabilité. Des repas sommaires mais qui avait l’avantage d’être nourrissants. Akihiko, lui, passait parfois des nuits entières à taper sur la peau avec son maillet et son aiguille. Tant et si bien qu’il avait fini par massacrer une demi-douzaine de peaux de porc à leur arrivée à Bouhen. Akihiko ne prit même pas la peine d’explorer la ville : l’escale ne durait que quelques heures et à part une petite pause pour retrouver le plancher des vaches, l’enchanteur resta plongé dans son apprentissage.
Le rythme commença enfin à venir en lui et à s’imprimer dans ses mouvements le neuvième jour. Il sentait qu’il progressait et désormais, le martèlement étouffé de ses outils était devenu son quotidien. Il était d’ailleurs sur le point de toucher du doigt quelque chose quand une violente tempête printanière éclata, secouant le navire comme une feuille… Et l’estomac du jeune homme. Il perdit le nombre de fois qu’il vomit dans le seau, plié en deux au-dessus par le roulis violent du plancher. A l’odeur qui en émanait, il avait dû vomir plus de bile que d’aliments. Par deux fois, le seau se renversa et répandit l’infâme mixture sur le plancher du dortoir. Personne ne s’en plaignit, d’une part parce que les vagues déchaînées envahissaient fréquemment le plancher du dortoir pour nettoyer un tant soit peu la souillure, mais aussi parce que le mal de mer en pleine tempête pour une personne non habituée n’avait rien d’anormal. Il tenta une fois de se remettre debout en entendant les ordres du capitaine hurlés par-dessus le vent tonitruant. Titubant sur ses jambes, il arriva tant bien que mal à la porte menant au pont, porte qui manqua de le jeter à terre poussée par la force du vent quand il abaissa la poignée. Dehors, le chaos régnait : à plusieurs endroits, les cordes avaient lâché et battaient au vent, cinglant l’air et parfois même le visage des matelots tentant de les rattraper. La mer démontée envoyait inlassablement des vagues s’écraser contre la coque du navire et lorsque le bateau fut dans un creux particulièrement profond, une vague plus grande que les autres envoya rouler sur le pont une bonne moitié des marins, Akihiko compris. Trop faible pour se relever sur un sol aussi peu stable, il s’aida du bastingage pour se redresser et vit avec horreur que l’un des deux Earions était tombé dans l’eau déchaînée. Et malgré son corps naturellement doté de palmes, il ne pouvait rien faire contre la furie des éléments.

Le pauvre homme avait beau se débattre dans les flots, il s’éloignait inexorablement du bateau et les embruns et la pluie battante cachait de plus en plus fréquemment sa silhouette. Akihiko avisa alors une corde enroulée à quelques mètres seulement de lui : il l’avait déjà vu les jours précédents et le mousse leur avait expliqué que sur un bateau, avoir une corde de secours était une nécessité pour réparer une corde qui lâchait brusquement ou… Secourir un homme à la mer. La courte distance parue durer une éternité à Akihiko mais il finit par enfin poser la main dessus, la mer l’ayant plusieurs fois jeté sur le sol par la violence des vagues. Il crut bien passer lui aussi par-dessus bord, mais le réflexe salvateur de se jeter au sol lui permit de seulement s’écraser contre le bois bordant le navire. Tout en enroulant l’extrémité de la corde autour de son bras gauche, le jeune homme tentait tant bien que mal de garder un œil sur l’Earion pour voir s’il était toujours à portée de vue. Il se battait désespérément contre l’implacable force de la nature, s’épuisant pour simplement rester à portée du navire dans l’espoir que quelqu’un le voit. Réprimant la bile qui lui montait dans la bouche, Akihiko lâcha temporairement le bastingage pour lancer le reste de la corde en direction du pauvre homme. Mais une brusque rafale de vent empêcha la corde salutaire d’aller bien loin : elle retomba à plusieurs mètres du nageur, ce qui eu au moins l’effet positif de faire redoubler d’efforts ce dernier : il avait été vu. Un autre violent remous du navire força Akihiko à poser le genou à terre. Il n’allait pas y arriver seul. Il poussa alors un hurlement pour attirer l’attention du marin le plus proche qui se trouva être l’étrange homme à la peau blanche. D’un simple coup d’œil, il comprit la situation et malgré le tangage de l’embarcation, courut rejoindre Akihiko. Il ramena la corde à lui, fit rapidement plusieurs nœuds à son extrémité et telle une fronde, envoya la boule de cordage en direction de l’Earion dont le nom revint à l’enchanteur pour une raison inconnue dans une telle situation -Narem.
Cette fois-ci, la corde alourdie brava les éléments et le vent et tomba près de Narem qui jeta toutes ses forces dans une ultime nage pour récupérer l’objet de son salut. Sentant brusquement la corde se tendre, Akihiko s'arc-bouta pour maintenir l’elfe à portée du navire et l’homme blanc vint lui prêter main forte. Seulement, l’enchanteur était faible, très faible à cause de ses nausées. Une violente crise manqua de lui faire lâcher prise aussi se recroquevilla-t-il pour, à défaut de pouvoir l’aider à remonter, servir d’ancre pour la corde.
La suite fut floue : entre deux vomissements qui lui arrachaient la trachée, il entendit l’homme à côté de lui s’époumoner. L’aide d’un autre marin vint enfin délivrer Akihiko de son fardeau et ce n’est que lorsqu’il vit Narem, vêtu de sa chemise noire trempée s’étaler sur le pont, épuisé, que l’enchanteur se traina vers le dortoir pour y sombrer dans un sommeil comateux, à même le sol.

La tempête dura deux jours et ayant subi plusieurs avaries, le bateau profita d’une accalmie à la fin du premier jour pour faire une escale dans une petite crique afin que des réparations soient faites. La tempête se poursuivit une journée de plus dans l’estomac de Akihiko qui, selon les dires d’Anthelia, la supplia plusieurs fois d’abréger ses souffrances. Narem vint à son chevet le deuxième jour pour le remercier de l’avoir sauvé, mais l’enchanteur ne pu lui répondre qu’avec un pâle sourire. Le troisième jour, Akihiko put enfin quitter son alitement et fit ses premiers pas sur la plage où l’équipage avait établis son campement. N’ayant pas de tente sous laquelle camper, Akihiko avait été installé à l’abri relatif d’une des grottes présentes dans la crique. Un régime composé de biscuits secs et d’eau parvint à le nourrir sans qu’il régurgite tout sous l’œil attentif d’Anthelia qui, voyant qu’il se remettait doucement, alla aider les marins. Assis sur un rocher, le jeune homme grignotait avec quelques difficultés son biscuit de mer quand le capitaine Croane vint le trouver.

" Merci d’avoir sauvé mon matelot. Narem est un brave type, ça m’aurait ennuyé de devoir le remplacer.

- Inutile de me remercier. J’ai essayé de l’aider dans la mesure de mes capacités, qui ont été relativement limitées ces derniers jours…

- Tout le monde n’a pas le pied marin. Et encore, vous avez r’craché vos tripes que pendant une tempête, y a pas de quoi avoir honte. La plupart d’mes passagers ont commencé à dégobiller dès l’entrée en haute mer, donc vous vous en tirez bien, rassura le capitaine en débouchant une flasque sortie de sa veste dont émanait une forte odeur d’alcool.

- Et Anthelia ? Comment elle s’en est sortie ?

- Votre amie a assurément déjà navigué, c’est sûr. Ou alors elle a l’estomac sacrément bien accroché car elle n’a souffert de rien. Elle a même aidé à écoper la cale pour pas ruiner les marchandises.

- Elle est décidément pleine de surprises, dit Akihiko d’un ton étonné.

- C’est sûr. Bon, j’retourne aider mes hommes. On risque de rester encore une journée sur la terre ferme pour terminer de réparer la Slive et donner un peu de repos aux gars, alors profitez en pour vous remettre sur pieds."

Sur ces mots, le capitaine salua le jeune homme et retourna brailler quelques ordres, dont certains qui firent soulever des rires à ses subordonnés. Anthelia lui succéda et vint s’installer près de Akihiko. Sa tunique trempée collait à sa poitrine et en révélait un peu trop sur ses courbes au goût de Akihiko qui évita de regarder dans ce sens en particulier.

"Alors, Monsieur le Héros, on a fini de roupiller ?

- Tes moqueries m’avaient pas manqué pendant que j’étais malade, madame la Tatoueuse,

- Plus sérieusement, tu vas mieux ? s'enquit la jeune femme, un air soucieux sur le visage.

- J’ai connu mieux, mais je sens que mon estomac a retrouvé sa place normale. La prochaine nuit devrait me faire le plus grand bien. Et un vrai repas aussi. Valyus tout-puissant, qu’est-ce que je ne donnerais pas pour un vrai repas chaud.

- Si c’est que ça, attend ce soir. Je vais aller chasser dans une petite heure : Croane et ses hommes connaissent presque toutes les criques comme celles-ci entre Kendra-Kâr et Oranan dont celle où nous sommes. L’un deux va me montrer comment accéder à la forêt en haut de la falaise, dit-elle en pointant le haut de la falaise dans leur dos où on pouvait apercevoir la cime de quelques arbres.

- Toutes les criques ? Ca me semble un peu exagéré.

- Pas vraiment. On appelle apparemment ce coin la Baie des Grottes et les coins où les bateaux peuvent accoster ne dépasse pas la dizaine. Alors tu penses bien que ces rares endroits sont bien connus des marins.

- Dit comme ça… On peut les aider d’une quelconque façon ? Rester là avec les bras ballants, ça me plaît pas trop.

- Tu ne te souviens pas ce qu’à dit le capitaine Croane ? On n’est pas des marins, alors ils préfèrent qu’on ne les dérange pas pour ce qu’il reste à faire. Alors repose toi, reprend ta peau de cochon si tu veux et essaye de me faire une ligne digne de ce nom pour une fois.

Sans lui laisser l’occasion de répondre, Anthelia lui adressa un sourire et retourna en direction du bateau. Résigné, Akihiko se contenta de lui tirer la langue et alla récupérer son matériel : il avait pris du retour avec cette foutue tempête.

(Allez, c’est reparti.)

(Besoin d’un peu de compagnie ?) proposa la Faëra en apparaissant sous sa forme ailée dans son esprit. Pendant sa convalescence, l’être d’air avait constamment veillé sur lui et avait œuvré pour que le jeune homme pense à autre chose en lui parlant.

(C’est pas de refus ! Dis en moi plus sur ce fameux sort dont tu parlais hier.)

(L’obus magique ? Le sort du porteur Nakara ?)

(Oui, celui-là.)

Et alors que la Faëra s’épandait en anecdotes magiques sur l’un des anciens porteurs de la Kizoku qu’elle avait assisté, Akihiko se replongea dans la pratique du tatouage, frappant l’aiguille de son maillet.




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Akihito
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Re: La Slive (X1)

Message par Akihito » mer. 23 oct. 2019 15:26

Dans le chapitre précédent...

Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre

Chapitre XXVIII : Le voyage continue

Un plafond de bois fut la chose qui accueillit Akihiko quand il se réveilla. Le tangage que son corps sentait lui indiquait qu’il était de retour sur le bateau, mais son réveil avait été différent des précédents. Premièrement, parce qu’il ne sentait pas le balancement de son hamac suivant les mouvements du navire, et deuxièmement parce qu’il avait un mal fou à respirer. Un rapide regard dans les alentours lui expliqua la première incohérence de son réveil : il n’était pas dans le dortoir et dans son hamac, mais plutôt dans ce qui s’apparentait à la cabine et le lit du capitaine Croane. La seconde, explication lui vint quand il tâta sa poitrine. Il y sentit des bandages enserrant son torse et couvrant son dos qui le grattait pour une raison qui ne lui revenait pas. Il sentit aussi une main. Une main qui, vraisemblablement, n’était pas la sienne. En suivant le bras, il se rendit compte que quelqu’un dormait à ses côtés et avait vraisemblablement posé son bras sur lui pendant son sommeil. Pour une raison inconnue, Akihiko espéra que le bras appartienne à Anthelia. La réalité fut moins séduisante : un des marins dormait à ses côtés, le front bandé et le bras gauche en écharpe maintenu par une attelle. Se relevant sur un coude, l’enchanteur détailla plus attentivement son collègue de nuit et reconnut le marin qui avait le premier été frappé par le Drakarn la veille.

(Le Drakarn !) se rappela brusquement le jeune homme en se rappelant brusquement les événements de la veille. Mais était-ce seulement la veille ? Combien de temps était-il resté endormi ?

"Tiens. Enfin réveillé ?"

Sautant de la lanterne qui servait d’éclairage la nuit au centre de la pièce, Amy atterrit tout en douceur sur le ventre de Akihiko. Ses ailes étaient pour une fois opalescentes, signe d’un grand mélange d’émotion chez la petite fée.

"Amy ? Mais qu’est-ce que tu fais là ? On va te voir !

- Ne t’inquiète pas pour ça, Anthelia passe à ton chevet toutes les heures et elle ne reviendra pas avant une bonne vingtaine de minutes. Ca me fait mal de l’admettre, mais elle se fait du souci pour toi.

- Merde… Qu’est-ce qui s’est passé ? Le Drakarn, ils l’ont abattu ? Ils ont pu s’enfuir ?

- Il a été tué, oui. Peu de temps après que tu tombes dans l’inconscience. Sérieusement Akihiko, je me suis inquiétée ! s’énerva d’un seul coup la Faëra, ses ailes vrombissantes virant au rouge de même que sa crinière.

- Amy, tu sais bien que…

- Rien du tout ! Akihiko, par tous les dieux que ce monde comporte, pourquoi es-tu toujours aussi imprudent ? Bordel ! Un Drakarn est une créature très puissante et toi tu te jettes à son assaut comme si de rien étais !

- Il le fallait, sinon on courrait droit à notre perte. Je n’ai fait que gagner du temps.

- Je sais bien mais… Je veux pas te voir mourir. Trop de mes maîtres sont morts pour avoir été trop confiants en leurs capacités. Et c’est douloureux… Si douloureux…"

L’enchanteur ne savait pas si un être fait de magie pure pouvait pleurer, mais ce qu’il voyait devant ses yeux était ce qui peut-être s’en rapprochait le plus. Doucement, il étendit son bras à la Faëra, la cueillit dans le creux de sa main et l’amena à lui. Il se rendit compte que c’était l’une des rares fois qu’il touchait physiquement Amy et la sensation ne ressemblait à rien de ce qu’il avait pu connaître. Elle ne semblait peser pas plus que l’air dont elle était faite mais pourtant, il sentait la chaleur de ce qui devait être sa peau et la douceur du tissu de la robe qu’elle portait. Il la sentait, physiquement, sur sa paume. Aussi l’amena-t-il contre son épaule où il la couvrit de sa main, comme s’il enlaçait une amie inquiète. A son contact, Amy cessa peu à peu de trembler il observa lentement ses cheveux redevenir du blond qu’il était la plupart du temps. Finalement, elle poussa gentiment l’index qui était sur ses épaules et se dégagea de sa main, voletant devant ses yeux. Un grand sourire ornait ses lèvres.

"Merci. Crois-le ou non, tu es le premier à me serrer ainsi dans tes bras. Enfin, ta main. Enfin.. Tu vois ce que je veux dire.

- Je t’ai inquiété et c’est aussi grâce à toi que je ne me suis pas écroulé pendant le combat. C’est normal que je t’exprime ma gratitude.

- Décidément… Tu n’es pas comme les autres, dit Amy en faisant le geste de déposer un baiser sur la joue de Akihiko, baiser qu’il ne sentit pas. Mais continue de me traiter ainsi. Je préfère cette relation à la vénération que certains autres porteurs me… Portaient, c’est le cas de le dire.

- Akihiko ? appela une voix étouffée derrière la porte, ce qui fit pester Amy.

- La revoilà elle ! "

Amy se cacha précipitamment dans le médaillon de Akihiko au moment où la jeune femme ouvrait la porte. La lumière qui filtrait de sous cette dernière envahit la pièce révéla que s’il n’était pas déjà midi, la journée était bien entamée. Anthelia portait toujours sa tunique verte mais les manches retroussées dévoilaient ses bras fins, musclés et étonnamment couverts de sueur. Voyant le jeune homme relevé dans le lit, elle referma la porte derrière elle, se dirigea d’un pas rapide vers lui et lui colla une baffe magistrale. Ne comprenant pas ce qu’il avait fait pour mériter ça, il fut encore plus surpris quand elle s’assit sur le bord du lit en l’enserra dans ses bras. Un "Abruti. " franchis tout bas ses lèvres et l’enchanteur ne put que profiter de la sensation d’un corps féminin coller au sien. Le discret parfum iodé dans ses cheveux humides qui touchaient son nez n’était pas si mal, de même que sa main sur la peau nue de sa nuque. Bon, la seconde appuyait un peu trop sur son dos où le léviathan avait manqué de l’ouvrir en deux, mais il ne s’en plaignit pas. Il s’apprêtait même à lui rendre son étreinte quand elle se dégagea, une étrange lueur dans le regard et les joues un peu rouges. Ce dernier détail amusa Akihiko et ne faisant pas grand cas d’Amy qui vociférait sur le comportement "proprement scandaleux" de la jeune femme, il prit la parole.

"Eh bien Amy, tu rougis ? Serait-ce moi qui te fait cet effet ? "

Cette dernière donna une petite tape sur la cuisse de Akihiko, à l’endroit où les écailles du Drakarn avaient ouvert une entaille superficielle mais douloureuse qui n’avait pas encore guérit, ce qui le fit grimacer.

"C’est ma phrase ça. Sérieusement, je me fais du souci pour toi et c’est tout ce que tu trouves à me dire.

- Roh eh, si je peux même pas t’emmerder…

- Pfu, s’amusa Anthelia devant l’air faussement indigné de Akihiko. Je vois bien que je ne t’intéresse pas, tu préfères les hommes à ce que je constate.

- Cause toujours. C’est la cabine du capitaine c’est ça ? Elle ressemble plus à une infirmerie maintenant.

- Ouais. Lorsque le Drakarn est mort, Vulin est arrivé et à commencé à vous donner les premiers soins. Mais ce n’est pas un vrai guérisseur, alors il n’a pu que résorber vos blessures avant de tomber à cours de magie. Il a pu vous resoigner un peu ce matin, mais là il se repose.

- Je vois… Combien sont… Morts ?

- Boris et Faro, les deux marins qui ont réveillé le Drakarn. On les a enterrés sur la plage… Enfin, ce qu’il restait d’eux. Ca a été dur pour l’équipage."

Akihiko se tut. Deux morts, et deux blessés. C’était un coup dur pour l’équipage, assurément. Du coup, Anthelia les remplaçait temporairement le temps qu’ils se remettent de leurs blessures et c’est pour cela qu’elle était un peu transpirante. Elle essaya d’empêcher Akihiko de se relever, disant qu’il avait besoin de repos. Mais il refusa : ses blessures étaient pansées et ne demandaient plus qu’à cicatriser, il refusait d’occuper ce lit alors qu’il n’en avait plus besoin. Résignée, la tatoueuse lui donna ses affaires et ce dernier regarda avec amertume ses habits. Ils les aimaient bien, mais sa tunique grise était foutue désormais. Alors qu’il se rhabillait, cela lui fit penser à sa cape qu’il avait dû abandonner à Nessima et qu’il voulait, à Mertar, renforcer avec de la Faerunne. Un vrai rêve utopique. Mais il avait bien besoin d’une cape ou d’un quelconque moyen de se couvrir de nouveau : son pourpoint était confortable, mais il ne le protégerait pas longtemps des intempéries. Alors qu’il tâtait son dos pour voir si le bandage tenait bien, il vit en pivotant ses hanches qu’Anthelia n’avait pas quitté et continuait à le regarder se changer, un sourire sur les lèvres. Ce fut donc au tour de Akihiko de rougir, ce qui fit éclater de rire Anthelia qui s’en alla en lui faisant un clin d’œil, l’air de dire "On est quitte maintenant."
De son côté, Amy massacra avec une rage dédoublée le malheureux sac rouge. La scène mentale avait de quoi être comique, d’antant plus que le sac était désormais à l’effigie de l’aquamancienne. Akihiko s’en amusa et finit d’enfiler sa tenue. Son regard se posa sur sa côte de mailles. Plusieurs mailles avaient sauté à l’endroit où le monstre avait enfoncé ses griffes dans son dos, mais l’armure dans son ensemble restait parfaitement utilisable. Il l’a renfila, boucla la Kizoku à sa taille et une fois prêt, sorti de la cabine du capitaine.

Une lumière aveuglante l’accueillit, celle du soleil. Elle l’éblouit un instant puis il s’habitua peu à peu et recommença à voir ce qui se passait autour de lui. Il se rendit alors compte que depuis le début du voyage, il n’avait pas pris la peine d’observer ce qui se passait autour de lui et à quel point la mer pouvait être majestueuse à l’entourer ainsi. Des vagues à perte de vue faisaient sans cesse évoluer le paysage, donnant un charme hypnotique à l’ensemble. Akihiko s’approcha du bord du pont et se pencha. L’eau repoussée par la coque de bois du bateau créait de l’écume sur son passage et laissait parfois entrevoir un petit poisson qui en sautait, bousculé par la masse de l’embarcation. Une main se posa sur son épaule et l’enchanteur se retourna pour faire face au capitaine. Ce dernier le remercia de son aide car selon lui, son équipage ne s’en serait pas sorti sans son aide.

"Mais vous auriez pu fuir non ? Couvrir une retraite, ce genre de chose…

- Oula non mon garçon. Le Drakarn n’est pas une bête à laquelle on échappe dans l’eau. C’est pour cela que nous avons immédiatement engagé le combat, car c’était notre seul espoir.

- Il est si rapide que ça ?

- Un peu qu’il est rapide ! Sous l’eau, il va aussi vite que la flèche d’un arc et je n’exagère presque pas. Hier soir, la fuite n’était pas une option, expliqua le marin en tapotant son épée. Mais toute prise a ses trophées, et voilà le vôtre."

Il lui tendit baluchon assez volumineux et plutôt lourd, contenant une multitude d’objets s’entrechoquant. Il lui expliqua que c’était des écailles du Drakarn et qu’elles étaient très solides comme il avait sans doute pu s’en rendre compte. Il pourrait alors s’en faire une belle pièce d’armure. Agréablement surpris par le présent, il remercia chaleureusement le capitaine et alla ranger le paquet près de son paquetage, dans le dortoir. Au passage, il en profita pour mettre une petite tape à l’arrière du crâne d’Anthelia, qui était occupée à apprendre comment utiliser les différents cordages -Akihiko avait apprit que cela s’appelait des drisses- et elle tenta de lui botter les fesses en retour. L’enchanteur esquiva facilement le coup donné à la va-vite et une fois déchargé des écailles, s’équipa de son kit de tatouages, de peaux et alla s’installer à la proue du bateau. Il s’apprêtait à reprendre ses exercices de pointage maintenant que la houle ne retournait plus son estomac, quand quelque chose cogna contre la rambarde. Il s’agissait de la bourse de Sœur Serina, qu’il n’avait pas encore pris l’occasion d’ouvrir. Il Y trouva une coquette somme d’argent qui lui serait sans aucun doute utile plus tard, et qu’il déversa donc dans sa propre bourse. Une autre surprise l’attendait dedans, une rune ! Et une qu’il ne connaissait pas en sus. Mettant de côté son entraînement un instant, il concentra ses sens à la recherche de la vibration magique émise par la pierre. Entre le bruissement des vagues et le craquement du bois, il parvint enfin à capter le tintement caractéristique des runes et se mit donc à l’écoute de ses pulsions, impatient de savoir qu’elle pouvait être sa signification.

(Sa ressemble un peu à la rune Da… Peut-être une autre rune temporelle ?)





((HRP : Identification de la Rune "Aot"))

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Gamemaster2
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Re: La Slive (X1)

Message par Gamemaster2 » mer. 23 oct. 2019 17:39

Intervention pour Cherock O'Fall


><


Après un rituel déjà maintes fois réalisé, le nom de la rune apparut comme clair dans l'esprit de l'enchanteur/fulguromancien/mercenaire/aventurier.

"Mana."

Quelque chose de simple mais d'essentiel. Une rune à conserver précieusement, pour un usage qui sera certainement fort pratique.


(((Identification de la rune Aot "Mana")))
"Bwaf Assistance, que puis-je faire pour vous ?"

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Akihito
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Re: La Slive (X1)

Message par Akihito » jeu. 24 oct. 2019 02:00

Dans le chapitre précédent...

Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre

Chapitre XXIX : Par une nuit d’orage

Peu à peu, un mot se forma dans son esprit. "Mana". La magie. Pour un mage comme lui, c’était assurément une bonne chose. Akihiko se souvint alors des mots prononcés par Aknaer, il a longtemps maintenant. Les runes, en dehors de leur utilisation spontanée, pouvaient être gravées sur une armure pour la rendre plus puissante et la doter de capacités magiques supplémentaires. Tout reposait alors sur les combinaisons de runes, pour former un tout cohérent. Restait à savoir lesquelles utiliser... Avisant celles se trouvant dans sa bourse, il mit d’emblée la rune Da de côté. Une rune qui avait pour signification "Toujours" était indéniablement puissante et ne devrait pas être gâchée. A moins de tomber sur une combinaison de runes qui évoque réellement en lui un sentiment fort de "Celle-là est la bonne", il la garderait précieusement avec lui. Avec sa nouvelle rune, plusieurs possibilités lui semblaient correctes. Il décida néanmoins de les mettre de côté car Akihiko ne savait pas si elle existait, mais il aimerait vraiment tomber sur une rune foudre, un jour. Une rune élémentaire au nom de son élément devait sûrement exister, puisqu’il avait déjà en sa possession la rune élémentaire Feu.

(Il doit même en exister une pour chaque élément.)

(C’est le cas. La rune Air existe, bien que je ne me souviens plus de son nom.)

(Tiens, tu as arrêté de t’acharner sur ton sac ?)

(On appelle ça un punching-ball, j’te ferai savoir. Dans le futur, ce sera utilisé par de nombreux combattants pour s’entraîner aux arts martiaux.)

(Quel intérêt d’utiliser des gants alors ?) se demanda Akihiko, en se souvenant de ceux que portait Amy quand elle tapait dedans.

(Pour éviter de se faire mal et s’abîmer les jointures.)

(Mmmh… Ca m’a l’air étrange, mais ça fait sens quelque part.)

(Bon, sinon veux toujours apprendre à envoyer des obus magiques ?)

(Ouais, là je suis chaud. Théorie pendant mon pointage, pratique ensuite !)

Reprenant sa peau de cochon en main, il constata une fois de plus à quel point elle était plus fine. Il fit plusieurs essais pour tester à quelle profondeur l’aiguille devait être enfoncée pour faire un point correct, puis il se mit au travail. Une tache longue et répétitive, certes, mais il avait au moins le loisir de se concentrer son esprit sur autre chose. Tout en gardant un œil sur ses doigts, ça allait de soi. S’habituant peu à peu au tangage, le métronome du maillet et le rythme de son pouce s’alignèrent peu à peu et les points s’enchaînèrent. Akihiko, lui, avait l’esprit ailleurs. Le mage avait longuement discuté avec Amy sur ce sort et leurs échanges continuèrent cet après-midi-là aussi. Elle lui raconta comment certains des porteurs condensaient leur magie en un globe pour les projeter en l’air, les laissant par la suite violemment retombé sur le sol en faisant de gros dégâts. Comme le Transfert Magique, l’Obus était un sort "Omni-élément", un sort pouvant se lancer avec tous les types de fluides. Et Akihiko désiraient apprendre ce sort. Contre le Drakarn, ce sort lui avait cruellement fait défaut puisqu’il n’avait pas pu lui infliger de puissants coups. Parfois, il fallait savoir jeter la subtilité aux orties pour passer les obstacles les plus imposants.

(Mais tiens, d’ailleurs, Anthelia n’a pas utilisé ce sort contre le Drakarn ?)

"Anthelia ! cria Akihiko, arrêtant momentanément ses tâches pour appeler son amie et professeur qui le rejoignit une petite minute plus tard.

- Qu’est-ce qu’il y a ? Tu as besoin de moi pour le tatouage ? Un conseil peut-être ?

- Non pour une fois, c’est une question plus portée sur la magie. Tu te souviens de l’énorme boule de feu que tu as fait tomber sur le Drakarn ?

- Ma comète oui. Et bah quoi ?

- Tu pourrais me l’apprendre ?

- Ahah qu’est-ce que tu racontes Akihiko, c’est un sort appelant les fluides de feu, pas les fluides de foudre ! se moqua-t-elle.

- Ah… ? Ce n’est pas un obus magique ?

- Non, aucune idée de ce qu’est ce sort, désolé.

-Arf… Tant pis, désolé de t’avoir dérangé.

- Oh tu ne me déranges pas, au contraire. La mer est calme, le vent souffle bien, alors les marins n’ont plus besoin de moi. Je suis tout à toi. " ajouta la tatoueuse avec malice.

Akihiko lui raconta alors le sort qu’il souhaitait apprendre, et la méprise sur celui que la jeune femme avait lancée. Et elle se montra catégorique : bien que similaire dans leurs effets, les deux sorts étaient bels et bien distincts. Là où l’obus était incanté au niveau du mage puis projeté en l’air pour retomber la comète faisait apparaître directement l’orbe de flammes au-dessus du point d’impact. La pyromancienne demanda alors au jeune homme d’où il sortait cette histoire d’obus s’il ne savait pas exactement quel sort c’était : il se montra évasif, parlant d’un passage dans un livre qu’il avait lu. Il ne pouvait pas lui parler d’Amy, pas encore du moins. La tatoueuse s’appuya sur le bastingage et observa son élève travaillé, tout en échangeant sur divers moyens d’utiliser la magie. Akihiko apprit donc que la capacité d’Anthelia créé des shurikens de fluides ne se limitaient pas qu’à eux, mais à toutes les armes qui pouvaient se lancer. Akihiko y vit un moyen de diversifier ses sorts et lui demanda s’il pouvait l’apprendre, mais elle secoua la tête. Au même titre qu’elle était incapable de recouvrir une arme de foudre comme lui en tant qu’enchanteur, il serait incapable de créer les projectiles de fluides. Cela ne le déçut pas.

"Comme tu dis, on a tous nos talents et nos aptitudes propres.

- Yep. Bon, t’as l’air de bien t’en tirer avec tes lignes de points. La peau que t’as, on pourrait l’apparenter à celle présente sur un biceps ou les parties un peu charnue du corps, comme les hanches ou la poitrine. C’est prometteur. Que dirais-tu de faire une pause pour t’entraîner avec ce sort ? "

L’enchanteur acquiesça, c’est ce qu’il avait prévu de toute manière. Rangeant précautionneusement ses outils dans le sac, il se tourna vers la mer et inspira longuement avant de fermer les yeux. Le sort était basique dans son fonctionnement : agréger une énorme quantité de foudre puis la lancer en l’air. Fort de son excellente maîtrise de la foudre, Akihiko plaça les mains en face de sa poitrine, les paumes légèrement espacées et chacune orientée dans des sens différents. Recourbant un peu les doigts, il forma ainsi une sphère avec ses mains et commença à accumuler l’énergie au bout de ses doigts. Cinq arcs électriques se formèrent alors, chacun reliant un doigt à celui opposé à lui. Les arcs se croisèrent en un point au centre de la sphère et l’énergie s’y accumula progressivement. Soudain, cette concentration d’énergie échappa au contrôle du fulguromancien qui ouvrit les yeux, arqua son bras et envoya de toutes ses forces la boule le plus loin possible du navire. Elle explosa dans un flash qui surprit tous les membres de l’équipage, se tournant vers le fulguromancien qui leur fit signe que tout allait bien et qu’il contrôlait la situation.
(Mmmh… Simplement agréger les fluides ne sert à rien… Ou peut-être que je l’ai fait trop brusquement ?)
Il essaya d’aborder d’abord cette piste, et recommença en essayant cette fois-ci de prendre son temps. Lentement, les arcs nourrirent la sphère. Lentement, elle se gorgea d’énergie. Mais elle finit elle aussi par devenir instable avant d’avoir pu atteindre la forme que Akihiko désirait lui donner. Cette fois cependant, pour éviter d’effrayer les marins, il rabattit ses mains sur la boule de foudre et réintégra l’énergie de force dans son corps. Le processus fut un peu douloureux, mais il en avait vu d’autres. Et il ne se découragea pas : il continua à tenter différentes façons de condenser les fluides : par à-coups, très rapidement pour charger la sphère avant qu’elle ne devienne instable, en écartant progressivement les mains… Toutes échouèrent. Il intercalait ces diverses tentatives avec des exercices de pointage et conversaient avec la pyromancienne pour tenter de trouver une façon satisfaisante d’accumuler la magie. Mais manier les fluides d’eau et de feu était apparemment différent de manier ceux de foudre, les éléments se manifestant de façons fort diverses. L’après-midi se conclut ainsi, sur un ciel s’étant couvert et laissant une forte odeur d’ozone perçant même à travers celle iodée des embruns. Vulin, ayant récupéré des soins qu’il avait prodigué le matin même, arriva sur le pont pour servir le repas, composé de purée de pommes de terre granuleuse et de quartiers de citron. Au regard interloqué des deux voyageurs à la distribution de leur portion, il leur expliqua que les agrumes étaient les meilleurs aliments pour prévenir du scorbut, une maladie très répandue pendant les voyages en mer. Le grand earion à la coupe militaire ras ajouta que c’était donc un fruit presque indispensable en mer : facile à transporter, à stocker et à consommer. Les deux humains se laissèrent convaincre par son avis et ne dirent rien de plus. Il était le cuisinier du navire, en matière de nutrition et d’alimentation sa voix prévalait même sur celle du capitaine d’après un des Kendrans, Nack. Le repas achevé, les membres de l’équipage se retirèrent rapidement dans leur dortoir après avoir établi les tours de veillée, ce qui étonna Akihiko pour les avoir déjà connus plus prompt à se coucher tard.

"Ils n’ont pas beaucoup dormi : hier, après l’enterrement, le capitaine Croane a décidé de tout de suite reprendre la mer. Il ne voulait pas rester près de ses hommes morts au combat et pas à côté d’un Drakarn mort : qui sait s’il n’était pas seul.

- Je vois. Et toi, tu ne vas pas dormir ?

- La fatigue ne me guette pas encore. Mais avec ce temps de chien qui s’annonce, je pense que je ne vais pas tarder non plus.

- Oh ne t’inquiète pas, il ne pleuvra pas. Je le sens, ces nuages ne sont pas des nuages de pluie. On aura le droit à un orage sec cette nuit.

- Eh bien gamin, dit le capitaine Croane en passant derrière eux, tu devrais voyager plus souvent avec moi ! Prédire les orages qui vont être violents ou pas, voilà qui m’épargnerait bien des problèmes ! "

Le jeune homme vit juste. Le vent se leva, les vagues s’agitèrent, mais jamais la pluie ne vint. Allongé sur le sol de la proue, il regardait les éclairs passés d’un nuage à un autre. Utilisant le sac de peaux comme un oreiller, il soulagea sa nuque quand pendant qu’ Anthelia utilisait son propre ventre comme un repose-tête. Ensemble, ils observèrent le ciel et échangèrent, pour la première fois depuis leur rencontre, sur leurs passés respectifs. Le sujet vint naturellement, au gré de leur conversation. Akihiko lui raconta comment, une nuit semblable à Mertar, il avait éveillé ses pouvoirs. Son enfance solitaire, passé entre la bibliothèque d’Oranan et les divers entraînements de ses parents. Son amitié avec Hïo enfin, qui l’avait mené à se perdre dans les confins des montagnes thorkines à la recherche du précieux métal de l’air, les ennuis dans ces mêmes montagnes avec la secte des adorateurs de Meno et les enragés de Valyus… Mais aussi des rencontres fantastiques, comme la sylphe qui l’avait aidé, l’Exarque qui l’avait impressionnée et bien entendu Brumal et Pétunia. Anthelia ria aux éclats des anecdotes de chamailleries que l’enchanteur lui racontait sur le couple de thorkins, sa tête tressautant sur son ventre au gré de son rire. Akihiko finit même par lui raconter son rêve d’Orphal, le dragon de foudre. Il lui confia qu’aujourd’hui encore, il ne savait pas quoi penser de ce rêve qu’il n’avait fait qu’une seule et unique fois mais qui restait pourtant gravé dans sa mémoire, dans les moindres détails. Tout lui avait semblé si crédible, si convainquant ; mais tout cela concernait des créatures de légendes, prétendument disparues depuis des millénaires. C’était aussi une des raisons qui le poussait à aller voir le magicien Frans : peut-être que lui aurait des informations qui l’aiguilleraient sur la démarche à suivre.
Ce fut alors au tour d’Anthelia de raconter son enfance. Akihiko avait posé son éclat de San-Divyna entre eux deux pour qu’il soit éclairé, mais la faible lumière qu’il dégageait n’était pas suffisante pour qu’il voie en détail le visage de sa compagne de voyage. Mais sa voix suffit à transmettre toute la peine et la tristesse que ses souvenirs firent remonter.

"Je suis né et j’ai grandi près de Tulorim, sur Imiftil. Un tout petit village près d’une ville qui n’est pas aussi sûre qu’Oranan, loin de là. Mais il y faisait bon vivre, dans la petite maison que mes parents, mon frère et moi nous occupions. Mon grand frère, Garet, traînait avec des amis à lui, des personnes qui étaient gentilles mais qui, comme nous, avaient besoin d’argent. Mes parents étaient pauvres et avec l’accident qui rendit le pied de mon père faible, nos revenus s’amenuisèrent considérablement. Pendant des semaines, nous souffrîmes de la faim et notre mère, en se privant pour nous -pour moi, n’y survécut pas. Alors lorsque mon grand frère revint un beau jour avec argent et nourriture, prétextant avoir trouvé un travail, nous n’avions pas cherché à savoir d’où tout cela pouvait bien venir. Tout ça n’avait pas d’importance : on pouvait enfin manger à notre faim. Mais…" sa voix s’étrangla un peu, mais elle continua. "… Mais tout finit par se savoir. Tout finit par se payer. Cet argent et cette nourriture avaient été volés. Garet s’était mis à détrousser des marchands pour nous nourrir. « Je ne les tue pas, je leurs prends juste une partie de ce qu’ils ont, ils sont riches » qu’il disait. Mais vint le moment où il détroussa la mauvaise personne. Cette dernière folle de rage, désira se venger de ceux qui l’avaient volé. N’arrivant pas à les attraper avec ses mercenaires, elle se rabattit sur leurs familles… Dont la mienne. Garet tenta de nous sauver, mais il fut tué en tentant de protéger notre père. Lui aussi mourut parce qu’il ne pouvait pas les rembourser et avec sa condition physique, ils ne pouvaient pas le faire travailler pour eux. Et moi… Moi je me suis enfuie. J’avais sept ans à l’époque. Et à sept ans, j’ai dû apprendre à survivre seule dans la nature. J’y ai vécu des moments… Difficiles. J’ai connu la faim. Le froid. Et surtout, surtout ! La solitude. Non pas parce que j’étais seule, non. Mais parce que je rencontrais des personnes avec qui, l’espace d’un, deux mois ou même quelques jours, je partageais le quotidien. Puis ces personnes disparaissaient du jour au lendemain, happées par la mort, un chemin différent. Et je me retrouvais alors seule, de nouveau. Et ça me terrifiait."

Akihiko sentit sa gorge se nouer. Il se rendit compte qu’il avait eu de la chance de naître dans sa famille, choyée par des parents aimants dans un cadre doux et sécurisé. Mais tout le monde n’avait pas cette chance, même s’ils le méritaient. Décroisant les mains de derrière sa tête, Akihiko ramena sa main gauche à la tête d’Anthelia et la glissa dans ses cheveux. Contrairement aux autres gestes de réconforts qu’il avait pu avoir à son égard, celui-là était motivé plus que par de la simple empathie et savoir tout cela sur la vie de la jeune femme lui faisait un pincement au cœur. Le regard toujours perdu dans les nuages et une main caressant les cheveux de la tatoueuse, il continua à écouter son histoire.

"Après des mois et de mois d’errances, je suis finalement arrivé à une petite ville portuaire. Exech, je crois. Peu importe, je n’y suis pas resté longtemps. Là-bas, j’y ai pris un bateau en direction de Kendra-Kâr. La traversée fut terrible. J’eus si mal au cœur que je ne mangeai rien pendant des jours, seul l’eau arrivait à passer mes lèvres sans être recraché. Cet enfer dura deux semaines, trois jours de plus que ce qui était prévu initialement. Je suis donc débarqué à Kendra-Kâr malade, affamée et sans le sou. J’aurais pu finir dans n’importe quel bordel du port ou dans les quartiers les plus malfamés de la ville. Mais enfin, la chance me sourit" A ces paroles, la main d’Anthelia se posa sur le poignet et le serra doucement, tout comme sa voix s’adoucit pour prendre des accents plus nostalgiques. "J’ai rencontré le tatoueur magique de la ville, Jack. C’est un neveu éloigné de feu le dernier maître encrier, c’est donc pour cela qu’il arrivait à se procurer des encres magiques. Sa femme Marie et lui n’ont jamais pu avoir d’enfant alors quand je me suis écroulé devant leur porte, un soir, ils n’ont pas hésité une seule seconde à m’accueillir. Ils m’ont alors élevé comme leur propre fille et m’ont enseigné tout ce qu’ils savaient sur le tatouage. Pour m’avoir aidé alors que j’étais au plus bas, je ne leur serai jamais assez reconnaissante. Les années ont passé, j’ai grandi. Lorsque je suis devenue en âge d’être indépendante, j’ai décidé d’ouvrir la boutique que tu connais à Oranan. Je voulais propager les encres magiques tant que le vieux Meg’ pouvait encore en produire. Et voilà qu’il est mort..
Voilà, tu sais tout de moi Akihiko. Alors ? Est-ce que la pauvre enfance que j’ai mené t’inspire de la pitié ?


- De la pitié ? Non. Malheureusement, tu n’es pas la seule à avoir un passé aussi tragique et te prendre en pitié serait… Hypocrite. Non, je n’ai pas pitié de toi. Mais je t’admire en revanche. Là où d’autres ont abandonné, toi tu as continué et tu t’es battue. Je préfère cent fois valoriser ce que tu as fait que de te plaindre pour ce dont tu n’es pas responsable.

- Akihiko..

- Sur ce point, nos avis se rejoignent. Tu estimes que nous avons chacun nos forces et nos faiblesses que le Destin ou la vie nous a attribué et que nous devons faire avec. Moi, je pense que c’est ce que nous faisons de ces atouts et ces lacunes qui nous définissent."

Anthelia se releva et rampa pour se mettre au niveau du visage de l’ynorien. Il ne vit pas ses yeux, mais quand elle posa sa tête dans le creux de son cou, il sentit les larmes mouillées sa peau. La main toujours dans ses cheveux, il passa l’autre dans le creux de ses reins pour lui rendre cette étreinte qu’il n’avait pas pu le matin même. Dans le corps de Akihiko, son cœur pulsait avec force. Il ne battait pas à un rythme effréné, mais il battait si fort que Akihiko pouvait le sentir à travers ses veines. Chaque fibre de son corps était poussée à son extrême, si bien que tous ses sens étaient en éruption. Le tissu rêche de ses bandages sur ses côtes. Le roulis du bateau qu’il pouvait décrire avec précision. Le cliquetis d’une chaîne près du mât principale. L’odeur du citron qui flottait encore dans les cheveux d’Anthelia, mêlée à celle de l’ozone. Le poids de son corps sur le sien. Le tambourinement du cœur de la jeune femme résonnant contre sa poitrine. Le souffle imperceptible, presque retenu, sur la peau humidifiée par les rares larmes que la tatoueuse s’était autorisée. Toutes ces informations qui submergèrent d’un coup l’esprit de Akihiko qui se laissa déborder un instant. Savourant ce morceau d’éternité, hors du temps.
Qui était Anthelia pour lui ? Une amie ? Assurément. Mais n’était-elle que cela ? Était-il… Amoureux ? Cette question tourbillonna longtemps dans sa tête avant qu’il ne se décide. Non, il ne l’était pas. Du moins, pas encore. Le respect initial qu’il avait pour la jolie blonde s’était peu à peu mué en admiration, puis en affection. Mais pas en amour. Et cette conviction fut ébranlée quand Anthelia, se séparant enfin de lui, laissa traîner ses lèvres sur la joue en se relevant.
(L’a-t-elle fait exprès ? Ou est-ce juste une coïncidence ? Y a-t-il un message derrière ? Si oui, lequel ? Qu’est-ce que je dois réagir ? Comment je dois répondre ? Et…)

"Rares sont les personnes à me montrer autant de bienveillance. Je ne regrette pas de t’avoir accompagné Akihiko, merci.

- Je ne regrette pas non plus d’avoir refusé ton tarif prohibitif pour l’accueil de Ryo. J’aurais décidément perdu sur tous les plans.

- Contente d’avoir un élève avec un peu de répartie. "

Anthelia se releva et tendit une main à Akihiko pour se relever, qu’il accepta avec plaisir. Elle l’aida à se relever et une fois tous deux debout, elle lui serra brièvement la main avant de la lâcher, presque à regret. Et alors que la jeune femme ouvrait la bouche pour dire quelque chose, un éclair plus fort que les autres déchira l’espace entre deux nuages. Anthelia sursauta alors qu’un flash éclairait d’une façon surnaturelle le bateau, ses voiles, ses drisses… Les drisses, ces cordes faites de fibres tressées…

(Tressées… ? Mais oui !)

Un large sourire s’afficha sur le visage du jeune homme sans que son interlocutrice ne comprenne pourquoi. Mais lui venait peut-être de faire un nouveau pas dans la maîtrise de son sort.



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Akihito
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Re: La Slive (X1)

Message par Akihito » ven. 25 oct. 2019 12:16

Dans le chapitre précédent...

Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre

Chapitre XXX : Jouer avec la foudre

Anthelia ne comprit pas pourquoi soudainement, l’enchanteur se mit à sourire. Mais elle ne réagit pas et attendit que le jeune homme lui fasse signe de le rejoindre et ensemble ils rejoignirent l’extrémité avant du bateau. Akihiko ferma les yeux et comme lors de ses nombreux échecs, positionna les mains espacées paumes vers paumes, les doigts recourbés. Les arcs se reformèrent entre ses doigts et à nouveau, la concentration de foudre se forma au centre de la sphère qu’il formait. Mais au lieu d’étendre ses mains simplement, Akihiko les fit tourner dans des sens contraires. Les arcs de foudre se mêlèrent et tressèrent une sphère compacte renforcée. Eloignant progressivement les mains, il fit grossir la boule en tentant de tresser plus la sphère, mais ses mains ne pouvaient pas tourner indéfiniment. Il se rapprocha néanmoins de son objectif et finit par obtenir une boule compacte. Interrogeant mentalement Amy, elle lui dit que s’il était sur la bonne voie, ce n’était toujours pas suffisant. Il l’envoya dans les airs et elle alla s’écraser dans les flots une vingtaine de mètres plus loin, libérant une gerbe d’éclairs.

"Eh, on dirait bien que je me rapproche du résultat final.

- C’est vrai. Mais pour le lancer, il y a quelques petites choses à revoir.

- Ah ? Pourtant, j’ai toujours lancé ma magie ainsi.

- Non, tu projetais ta magie sous forme d’arcs. Là, tu lances avec ton bras ta magie.

- Mmh, je vois ce que tu veux dire."

Créer le projectile, c’était bien. Encore fallait-il pouvoir l’envoyer sur l’adversaire. Loin de se décourager, Akihiko recommença et créa un second projectile élémentaire tressé, en y injectant plus de foudre cette fois-ci. Le résultat donna un orbe plus gros, de la taille d’un melon. Mais n’estimant toujours cela pas assez, il fit plonger ses arcs au centre de la sphère et y introduisit plus de fluides. Maintenant qu’il avait solidement renforcé la couche extérieure, il pouvait se permettre de s’occuper du noyau. Une grande quantité s’y engouffra mais Akihiko avait eu la main un peu trop lourde cette fois-ci et son sort devint instable. Instinctivement, il condensa ses fluides internes et s’aidant du magnétisme, expulsa l’orbe en ligne droite devant lui. Le projectile se désagrégea dans les airs avant de chuter dans la mer, percuté par une vague plus grande que les autres. Regardant sa main, il sentit les fluides tourbillonnant au creux de sa paume lentement réintégrer le circuit interne de sa magie. Cette tentative lui avait au moins permit de trouver un moyen d’envoyer l’Obus Magique : utiliser la force répulsive du magnétisme pour projeter l’obus dans les airs. Excité par ses progrès, il créa un troisième projectile. Habitué au procédé, il ne mit pas longtemps à obtenir la sphère de la taille d’un melon. Mais là où il avait précédemment tenté d’insuffler la foudre avec ses deux mains, il garda les fluides enroulés de sa main gauche pour maintenir la couche externe solide et gonfla de fluide l’orbe de sa main droite. Ce dernier grossit, grossit, jusqu’à atteindre le diamètre d’un bon demi-mètre. Enfin satisfait, il tendit la main vers le ciel, assembla sa foudre interne en un tourbillon accumulant rapidement une puissante force répulsive et relâcha finalement son sort. L’obus massif de foudre s’envola rapidement, avant de décrire une parabole descendante et s’écraser dans les flots. Les arcs de foudre se répandirent comme une toile d’araignée à l’impact, produisant une lumière bleutée aveuglante. Mais au milieu des éclairs qui illuminaient les nuages, son Obus magique passa pour ainsi dire inaperçu. Satisfait, Akihiko se tourna vers Anthelia, un large sourire sur le visage.

"Pas mal hein ?

- Plutôt impressionnant ! Tu déploies une magie très spectaculaire, admit Anthelia.

- Ca manque de précision cependant…

- Ah, là-dessus, je peux t’aider. "

Pointant du doigt les flots, elle fit apparaître une petite flamme rougeoyante au milieu des flots. Puis avec un sourire, elle lui demanda de viser la flamme. Akihiko s’amusa de cette proposition et dans l’obscurité de la nuit, un nouvel Obus se créa. Une fois en main, il visa de sa main la flamme, puis leva cette dernière pour tirer le projectile en l’air. L’obus s’écrasa à un bon mètre de la flamme magique qui persista. Un autre orbe suivit et il s’écrasa cette fois-ci pile sur la flamme. Alors que la jeune femme s’apprêtait à faire apparaître une autre flamme plus loin, Akihiko l’arrêta en posant une main sur son bras.

"Je suis presque à court de fluides avec tout ça… On va peut-être s’arrêter là pour le moment."

Anthelia acquiesça et réprima les fluides qu’elle convoquait déjà. Akihiko, lui, s’appuya contre le bastingage et prit une longue inspiration. Tous ces efforts l’avaient épuisé et son combat de la veille lui pesait encore sur les jambes. Il ferma les yeux et sentit alors une sensation bizarre. L’orage semblait s’intensifier pour ses sens : l’odeur d’ozone était plus forte, les poils de sa peau se hérissaient et un goût métallique chatouillait sa langue. Surpris par cette sensation, il se concentra malgré sa fatigue sur ce phénomène qu’il n’avait jamais vécu auparavant. Plusieurs minutes passèrent avant que Akihiko ne comprenne les fluides de foudre de son corps étaient en résonance avec l’orage au-dessus de sa tête, comme si sa magie de foudre et la manifestation naturelle de son élément s’attiraient mutuellement. Le fulguromancien se demanda alors s’il pouvait faire de cette puissance naturelle la sienne. Il leva la main et tenta d’appeler la foudre à lui. Mais évidemment, la foudre n’obéit pas à ses ordres et continua de paresseusement passer d’un nuage à un autre. Se concentrant d’avantage, Akihiko se fit l’image mentale où il attrapait à pleines mains un éclair et le ramenait à son corps. Cela ne se passa pas exactement ainsi, mais le résultat fut le même. Un minuscule éclair se détacha et rebondit de nuage en nuage avant de se placer au-dessus du fulguromancien. Il tomba alors sur lui mais au lieu de le foudroyer et le griller comme une saucisse laissée trop près du feu, l’énergie pure ralentit sa course et se stabilisa à quelques centimètres de la paume dressée de Akihiko. Sous la chaleur extrême générée par la foudre, il grimaça de douleur mais il abaissa sa main pour placer l’éclair capturé devant son visage, l’éclairant comme en plein jour. Il ferma les yeux à nouveau et laissa la foudre s’échapper autour de lui. Mais au lieu de devenir incontrôlable, elle se mit à danser autour du fulguromancien. Il ne la voyait pas, mais il la sentait. Et petit à petit, morceau par morceau, la foudre s’amenuisait et se fondait dans le corps du mage. Akihiko sentit ses réserves de fluides remonter progressivement et lorsque la foudre fut complètement assimilée, il ouvrit de nouveau les yeux. Anthelia et le marin de garde qui était armé d’un seau d’eau et d’une lanterne tempête, le regardaient tous deux, bouches bées.

"Bah quoi ? Vous n’avez jamais vu un mage de foudre absorbé de la foudre tombée du ciel ? demanda sur le ton de l’humour Akihiko.

- Sérieusement… Tu en as beaucoup des tours comme ça dans ta manche ? Parce que ce serait bien de nous prévenir. Ca éviterait qu’on raccourcisse notre espérance de vie avec des coups de peur pareil.

- Bien d’accord avec la d’moizelle. Quand j’ai vu l’éclair tombé sur l’navire, j’ai cru qu’on allait s’taper un incendie à gérer.

- Désolé pour ça, mais je viens tout juste de découvrir cette capacité moi aussi. C’était… Instinctif. "
Anthelia posa la main sur son visage, d’un air désespéré. Le marin de garde s’en retourna à son poste, marmonnant quelque chose et l’appelant "Dompteur de foudre". Akihiko, pas plus avancé que ses spectateurs, demanda à Amy si elle en savait quelque chose.

(Il existe des mages spécialisés dans leurs éléments, capables de recharger leurs fluides avec des manifestations de leurs éléments. Un pyromancien pourrait donc convertir une flamme de torche en fluides de feu, un aquamancien aurait plus qu’assez d’eau sur la mer… J’ai déjà pu apercevoir ce type d’absorption par le passé, une fois. Mais c’était de la lumière alors bien que ce soit un spectacle très beau à voir, ce n’est pas aussi spectaculaire que toi qui tire littéralement ta puissance d’un orage.)

Amy semblait elle aussi impressionnée. Akihiko regarda ses mains et se demanda si son corps lui cachait encore de nouvelles surprises et capacités qu’il ignorait. La puissance d’un éclair, capable de fendre la roche et les troncs d’arbres centenaires coulait dans son corps. C’était à la fois terrifiant et excitant. Pour éviter que son corps n’explose de cette énergie qu’il ne savait pas s’il allait pouvoir la maîtriser pour ses sorts, Akihiko descendit dans le dortoir endormi et emplis de ronflements. Aidé de son morceau de San-Divyna, il récupéra à pas de loup le marteau de Valyus et sorti tout aussi discrètement de la pièce. Une vague plus puissante percuta le bateau, inclinant brusquement le pont sur la droite. L’enchanteur manqua de perdre l’équilibre et se raccrocha à l’encadrement de la porte, porte qui cogna contre son bras en se refermant par l’inclinaison du bateau. Il manqua ainsi de peu de se coincer les doigts dans la porte, ce qui n’aurait pas manqué d’être douloureux. Plusieurs secondes s’écoulèrent et le pont reprit finalement son tangage habituel, ce qui permit au jeune homme de rejoindre Anhtelia à l’autre bout du navire, à la poupe. La rejoignant marteau en main, il s’apprêta à générer son sort quand un problème évident l’arrêta. Une main pour tenir le marteau, cela ne lui laissait qu’une seule main pour tresser sa sphère.

(J’ai l’air malin moi maintenant…)

La solution la plus simple serait de faire passer la foudre par le marteau, mais il n’aurait alors pas le contrôle de ses mains et la complexe tâche de tressage allait être compliqué. Réfléchissant à une façon de contourner cette nouvelle difficulté, il fit rouler le marteau dans sa paume, faisant tournoyer la tête. Une idée naquit de cette rotation. Inclinant la tête du marteau pour l’opposer à sa main droite, Akihiko posa l’extrémité de ses doigts sur le haut de la tête de son arme. Appelant la foudre, il généra cinq arcs et les étira en éloignant sa main. Puis, il fit tournoyer sur place le marteau et la tête tressa à une vitesse remarquable les arcs de foudre puisqu’elle pouvait tourner indéfiniment contrairement aux poignets du fulguromancien. En injectant les fluides pour alimenter l’Obus magique, le mage compléta le sort en un rien de temps et ce fut une sphère d’un demi-mètre de diamètre qui trônait au bout du marteau. Son sourire satisfait se figea devant le regard que la jeune femme lui lançait, visible par la flamme qu’elle avait invoquée dans le creux de sa main.

"On dirait que tu t’amuses bien avec ta magie.

- Bah, euh… Oui ?

- Quand je pense à comment moi j’ai lutté pour maîtriser mes sorts, t’es vraiment pas banal. Bon, passons à autre chose. Je vais lâcher mes flammes à la surface de la mer et on attendra quelques secondes que le bateau se soit éloigné pour que tu lances ton sort. C’est moins fatiguant pour moi."

Akihiko acquiesça et sous le regard interloqué du marin, la jeune femme lâcha sa flamme qui flotta au ras des flots. Une dizaine de secondes plus tard, il estima qu’elle était assez loin pour faire une cible acceptable. Il abaissa visa et usant de la répulsion magnétique à travers son marteau runique, propulsa le l’obus de foudre dans les airs. Il entendit le marin s’étrangler derrière lui mais il ne s’en soucia pas. Il observa le projectile ralentir, puis amorcer lentement sa chute.

(Ca ne touchera pas.) se dit-il en préparant son deuxième projectile avant que l’autre ne touche l’eau. L’obus éclata devant la flamme et les éclairs ne s’étaient pas encore dispersés que Akihiko tirait le deuxième projectile. Il envoya ainsi deux autres projectiles avant de ressentir le manque de magie. Il prévint les deux personnes l’accompagnant de s’éloigner de lui et il appela à nouveau la foudre à venir alimenter sa magie. Un éclair plus puissant arriva cette fois et après avoir passé de longues minutes à assimiler la force naturelle il sentit ses forces magiques revenir, prêtes à libérer une nouvelle fois sa magie. Il continua ainsi pendant près d’une heure, profitant de l’orage comme d’une source illimitée de magie. Ainsi, et sous le regard incrédule d’Anthelia, il déchaîna un torrent de foudre sur les flammèches qu’elle semait derrière le bateau. Le marin qui prit le tour de garde suivant s’avéra être Narem et il fut tout aussi impressionné des performances de Akihiko. Finalement, Anthelia consuma ses maigres ressources de fluides de feu et réclama son hamac pour se reposer.

"Désolé Anthelia… J’ai oublié de penser à tes propres réserves.

- C’est pas grave. Mais si tu pouvais me laisser aller dormir maintenant, ça t’éviterait d’avoir à subir ma toute-puissante mauvaise humeur demain au réveil ?

- Tout mais pas ça !"

Le ton moqueur de Akihiko la fit grogner, mais elle ne lui en tint pas rigueur. Ils saluèrent tout deux l’Earion qui avait encore deux bonnes heures de garde devant lui et allèrent rejoindre leurs hamacs respectifs. Dans le noir et avec le bateau qui tanguait, Akihiko dut faire la courte échelle à Anthelia pour que cette dernière, fatiguée, accède à son filet. Le jeune homme ne fit pas long feu non plus : toucher sa couverture sembla réveiller toute la fatigue qui était en lui et il accueillit le sommeil presque instantanément en fermant les yeux.

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Le voyage se poursuivit. Akihiko, entre deux séances de pointage, apprenait désormais le dessin. Une des étapes dans laquelle, au grand soulagement d’Antehlia, il se montra parfaitement ordinaire.

"Tu comprends, si tu excellais partout, j’aurais perdu pour de bon ma fierté de tatoueuse."

Le jeune homme sourit à cette remarque et se concentra sur le dessin qu’il réalisait, à savoir une simple pomme déposée sur un tonneau. Armé de charbon taillé, il dessinait sur une peau de cochon cette fois traitée pour que la poussière noire reste fixée mais puisse facilement s’enlever. Patiemment, Anthelia lui avait enseigné les règles fondamentales du dessin. La gestion de la profondeur, les ombres, les formes… Tout devait s’harmoniser en un tout cohérent. Et Akihiko n’avait jamais dessiné quoi que ce soit, à part des schémas ou des formes abstraites. Sachant écrire, il disposait tout de même d’une certaine dextérité ce qui était mieux que rien. Parfois, Anthelia l’interrompait et lui montrait le paysage. De splendides falaises de pierres blanches, des nuages aux formes étranges et voluptueuses, des couchers de soleil dont les rayons caressaient les vagues et illuminaient l’écume.

"Savoir dessiner, c’est une chose. Savoir QUOI dessiner, c’en est une autre. Et en matière de chef d’œuvre, rien n’égale la nature. "

La phrase résonna étrangement dans l’esprit de l’ynorien, la première fois qu’il l’entendit. Ses mots portaient un sens artistique qu’il n’avait jamais exploité parce qu’il n’en avait jamais eu besoin. Et pourtant, il lui était essentiel désormais. Ce savoir lui semblait tout aussi simple qu’il était complexe à aborder, renfermant une vérité multiple. C’était peut-être là le vrai défi de l’apprentissage du tatouage pour lui, et il décida de le relever.

L’image des deux voyageurs avait changé auprès de l’équipage, après l’affrontement avec le Drakarn et les entraînements magiques de Akihiko. On les traitait avec davantage de respect et ils n’étaient plus de simples voyageurs, mais désormais des passagers de marque. Même le capitaine Croane avait cessé de les appeler familièrement et les nommait respectivement "Sieur Akihiko" et "Dame Anthelia", ce qui gêna le premier et amusa la seconde. Les deux marins précédemment blessés remis sur pied, on refusa catégoriquement de les laisser faire une quelconque tâche sur le navire, même s’ils insistaient pour ne pas rester à ne rien faire. Ce qui ne les dérangea pas plus que cela, ils durent bien l’admettre. Le seul qui continuait à ne pas les traiter avec déférence était le mousse, Sam. Sous sa tignasse noire, l’adolescent aux prunelles vert sombre se montrait être une personne très espiègle qui n’hésitait pas à embêter Akihiko lorsqu’il en avait l’occasion. Il respectait néanmoins ce dernier et ne le dérangeait pas quand il s’entraînait à la poupe du bateau, mais s’en donnait à cœur joie dans les moments de creux où il flânait. L’ynorien ne se démonta pas et riposta à chacune de ses attaques de petits décharges électriques qui chatouillaient l’apprenti marin. Il usa également de ses dons sur le magnétisme pour jouer des tours à Sam en lui volant un yus avec lequel il jouait entre ses doigts avant de lui renvoyer le frapper en plein front, comme une petite pichenette. Les petites crasses que les deux se rendaient ne les empêchèrent pas de bien s’entendre et souvent, lorsque le mousse avait sa corvée de pêche, Akihiko lui tenait compagnie en pêchant avec lui. Il n’avait aucune connaissance de cette dernière mais se contentait de tenir la canne et de tirer quand il sentait quelque chose mordre. Il remontait bien moins de prises que son jeune compère, mais cela lui permettait de profiter du paysage et de faire une pause, assit sur le bastingage.
C’est notamment lors d’une de ses pêches que le mousse fut victime d’une attaque particulièrement féroce. Les deux hommes étaient tranquillement assis sur le bastingage quand soudain, la ligne de Sam se tendit brusquement. Surpris, ce dernier arrêta sa phrase et tenta vainement de tirer la canne à lui quand la force de traction le propulsa dans les airs. Akihiko se moqua bien évidemment de lui en le voyant ressurgir à la surface, penaud de s’être fait avoir aussi bêtement. Mais les rires se turent quand l’adolescent hurla de douleur avant d’être entraîné vers le fond, un nuage pourpre de sang le remplaçant. Akihiko hurla "SAM EST TOMBÉ !" avant de sauté à son tour dans l’eau pour le sauver. Sans être un nageur exceptionnel, Akihiko avait appris à se mouvoir correctement sous les flots. Le contact de l’eau froide le fit frissonner et il manqua de boire la tasse sous le choc. Le sel de l’eau lui piqua les yeux mais il se força à les ouvrir pour repérer son ami, entraîner par le fond. Le trouver ne fut en soit pas un problème, le malheureux essayant de se libérer maladroitement de l’emprise de la créature serpentine accrochée à son pied, le tout dans une colonne de bulle. Akihiko tendit la main vers le monstre dans l’idée de l’électrocuter avant qu’une cruelle réalité ne le retienne de justesse. Il était dans l’eau !

(Merde, je peux pas utiliser ma magie !)

Une mauvaise nouvelle n’arrivant pas seule, il réalisa également qu’il ne portait pas son précieux sabre à la ceinture, laissé sur sa couche. Se maudissant pour sa bêtise dans une flopée de jurons, l’enchanteur s’enfonça dans la mer à la suite de Sam qui luttait désespérément pour remonter à la surface. Cela ralentit sa chute dans les abysses et permit à Akihiko d’attraper sa main. Le serpent qui mordait le pied gauche de Sam lui porta un regard jaune brillant plein de malveillance et redoubla d’efforts pour entraîner sa proie vers le fond. L’homme comprit vite que sa réserve d’air ne lui permettrait pas de gagner un duel de tire à la corde contre la bestiole sous-marine : il serra les dents et prit sa décision. Usant de ses bras, il se tira au niveau du garçon et s’approcha délibérément du serpent avant de poser sa main sur sa tête et écorcha son doigt sur la crête ornant le poisson. La sensation gluante des écailles sous doigts le répugna mais à l’aide de son autre main, il parvint à enfermer le corps serpentin de la créature sous ses doigts. Se préparant à la douleur qui allait suivre, il ordonna à ses fluides de foudre de passer d’une main à une autre.
Pour l’avoir déjà essayé à ses dépens, Akihiko savait que la foudre se propageait dans l’eau. La sensation de brûlure et le frisson douloureux qu’il ressentit sur tout son corps furent atténués par le serpent qui prit la majeure partie de la décharge, mais il en pâtit également en sentant son corps s’engourdir partiellement, et Sam aussi sans l’ombre d’un doute. Mais le résultat était là : la bête avait été grillée de l’intérieur et sa mâchoire sans vie lâcha la jambe du garçon sur une ruade de ce dernier. Ensemble, ils firent chemin à la surface et Akihiko se félicita d’avoir une armure aussi légère qui ne se gorgeait pas d’eau. Cela lui permit de se diriger vers la surface avec quelques difficultés certes, mais sans couler par le poids de son équipement. Une dérangeante chaleur se colla à sa peau quand il franchit le nuage rouge de sang laissé par Sam, mais s’en ficha. Ce qui chauffait également, c’étaient ses poumons. Au bout d’une interminable poignée de secondes, sa tête creva enfin la surface et il aida le jeune adolescent à ses côtés à se maintenir à flots, sa jambe blessée lui tirant des larmes qui se mêlaient aux gouttes dégoulinant de ses cheveux. Sur le pont, un marin lançait déjà une corde pour tracter les deux hommes hors de danger quand un autre marin pointa du doigt derrière eux en poussant un cri. Se retournant, Akihiko vit un aileron filer à toute vitesse vers lui en fendant les flots et les vagues avant de brusquement disparaître sous la surface.

(Bordel, y a une autre de ces saloperies !)

De sa main droite, Akihiko poussa Sam en direction la corde et se prépara à l’impact avec le serpent. Une puissante mâchoire se referma alors sur sa cuisse, perçant sans soucis son pantalon. Il grogna de douleur et après une inspiration moins profonde qu’il ne l’aurait souhaité, plongea pour faire face à son nouvel agresseur. Il voulut répéter la même opération que contre le précédent serpent de mer mais ce dernier, en voyant la main de Akihiko s’approcher de lui, lâcha sa prise pour la refermer sur son avant-bras. Les dents cognèrent cette fois sur la Faerunne sans parvenir à le blesser et un sourire carnassier se dessina sur les lèvres de Akihiko : enfermer sa main à l’intérieur de sa bouche était tout sauf une bonne idée. Il planta ses doigts gantés dans la paroi interne du poisson et envoya un courant électrique dans le corps du poisson. Le choc électrique secoua la bête qui dans un spasme, lâcha prise. Akihiko s’en était tiré à moins bon compte que lors du premier sort et sa bouche se tordit sous l’effet de son attaque qu’il avait prise lui aussi et libéra une grande partie de l’air qu’il stockait. Luttant contre la douleur, il essaya de regagner péniblement et dans un effort de volonté la surface à l’aide de son seul bras droit qui n’était pas paralysé. Mais il parvint tout juste à ne pas couler plus et sa vision devenait trouble quand il se sentit brusquement soulevé et ramené à la surface. La tête hors de l’eau, un bras puissant s’enroula autour de ses épaules et le tira en arrière pour le faire regagner la sécurité du navire, mais il voyait déjà son adversaire recommencer à bouger dans sa direction. Il sentit le bruit du bois dans son dos et en tournant la tête, vit l’échelle de corde battre contre le flanc du navire. Le marin qui l’avait secouru commença à monter et le tira à sa suite, l’extirpant lentement de l’eau. D’une main tremblante, Akihiko attrapa les barreaux et grogna pour forcer ses muscles à lentement se remettre en marche pour lui permettre de gravir les échelons.

(Allez ! Allez putain ! Bouge !)

Il voyait la silhouette se rapprocher dangereusement de lui et savait qu’il aurait du mal à encaisser un autre sort de foudre avec la moitié de son corps encore immergé. Et comme il était à court d’option, un éclair argenté fendit l’espace et se planta dans le serpent marin, un petit mètre avant qu’il ne l’atteigne. Le harpon métallique avait traversé de part en part le serpent qui toujours mut par son élan, cogna sans vie et mollement le ventre de Akihiko avant de couler. Des bras se tendirent et l’attrapèrent par les épaules avant de le tirer sur le pont où il s’écroula, haletant et la cuisse en sang. Son regard se posa sur Anthelia qui le fixait, un harpon à la main. Dans son regard brillait un mélange de colère et de soulagement et pour une fois, elle prononça des paroles qu’Amy approuva avec vigueur dans son esprit, furieuse.

"La prochaine fois que tu me fais une peur pareille, je t’étrangle de mes propres mains."


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Akihito
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Re: La Slive (X1)

Message par Akihito » dim. 27 oct. 2019 18:30

Dans le chapitre précédent...

Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre

Chapitre XXXI : Kendra-Kâr

L’enchanteur eut droit à une sévère réprimande de la part d’Anthelia, qui manqua plusieurs fois de lui en coller une. Akihiko ne s’en préoccupa pas et chercha du regard Sam pour le voir grimacer de douleur avec Vulin penché au-dessus de lui, ses manches retroussées et ses mains nimbées de lumière. La cheville était en sale état, mais grâce aux soins magiques, les os semblèrent se remettre dans le bon sens. Plusieurs tours de bandages et une attelle de fortune finirent de consolider sa blessure. Vulin tomba en arrière en haletant, avant de se diriger vers Akihiko pour le soigner mais il l’arrêta : ses blessures étaient superficielles et un simple bandage pour arrêter le saignement suffirait. Anthelia intervint et lui mit une tape à l’arrière de son crâne, en grognant de ne pas discuter. Vulin nimba une fois de plus ses mains de la lumière guérisseuse et la multitude de trous laissée par les crocs du serpent disparurent. Sur cet entrefait, le capitaine arriva et s’adressa à tout l’équipage qui s’était rassemblé.

"Bon les gars, vous savez bien ce que je pense de la religion et de Moura. Mais entre le Drakarn et ces serpents de Moura, je commence un peu à être parano. Alors à Kendra-Kâr, on va faire une pause de quelques jours pour se reposer, décharger la marchandise et aller voir les prêtres au Temple pour voir si on n’a pas offensé la déesse d’une quelconque manière. J’ai pas envie qu’on se mange un foutu Annedoti plus tard. Si on se dépêche, on peut atteindre la cité blanche demain dans la matinée. Tout le monde se bouge ! ordonna l’homme avant de tendre une main à Akihiko pour l’aider à se relever. Sieur Akihiko, on dirait que je vous dois encore la vie d’un de mes hommes.

- Oui, et j’ai faillit y laisser la mienne avec mon inconscience.

- Ne l’prenez pas mal, mais avec tout ça, certains de mes gars pourraient penser que c’est l’un de vous qui nous portez la poisse avec toutes ces attaques. Vous… N’auriez pas offensé la déesse de l’Eau, par hasard ?

- Moi ? Non jamais ! Ou alors si, mais je n’ai aucune foutue idée de ce qu’elle pourrait bien me reprocher.

- De même. A part avoir pris le bateau dans ma jeunesse, je n’ai jamais eu à faire de près ou de loin avec la mer et sa déesse.

- Je vois… Bon, nous tirerons ça au clair une fois à Kendra-Kâr. C’est peut-être la simple malchance."

Il repartit ensuite aboyer quelques ordres de sorte à tirer le maximum du vent, laissant ses deux passagers seuls sur le pont. Akihiko alla se changer sous la pluie de reproches que sa Faëra lui faisait et sous son insistance, boucla de nouveau la Kizoku à sa ceinture. Il alla voir le mousse dans son hamac et ce dernier lui murmura un faible remerciement avant de sombrer dans un sommeil agité. Vêtu des derniers habits intacts qu’il avait emportés, l’enchanteur remonta sur le pont où la tatoueuse l’attendait de pied ferme.

"Ca ne t’arrive jamais de réfléchir avant d’agir ?

- Oh eh, je venais de voir Sam disparaître dans la mer dans un nuage de son propre sang. J’ai fait ce qui était le plus logique dans cette situation, se défendit Akihiko.

- Même ! On n'a pas idée de plonger désarmé dans la mer. Avec tout ce qui y traîne…


- Oui bon, c’est pour ça que j’ai la Kizoku à la taille maintenant. Bon, on reprend où on en était ?

- Ouais. Tiens, tu vas me dessiner le serpent de Moura qui t’a attaqué. Vu que tu as été aux prises avec deux d’entres eux, tu n’auras pas de problème à t’en souvenir."

Le jeune homme protesta : c’était la première fois qu’il devait dessiner quelque chose qu’il n’avait pas sous les yeux directement. Anthelia n’eut cure de ses protestations et resta intraitable : c’était en quelque sorte sa punition pour avoir été aussi imprudent. Il soupira, tailla son charbon et se pencha sur sa peau de cochon.

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Le lendemain, l’aube se leva sur une péninsule que le bateau dépassait. Derrière cette avancée de terre se trouvait la côte qui menait à la plus grande ville du continent, Kendra-Kâr. Comme son nom le laissait entendre, elle était majoritairement peuplée de Kendrans, ce qui n’allait pas forcément faciliter la vie pour les deux voyageurs. Les deux venaient en effet de deux ethnies qui avaient de lourds passifs avec ce peuple qui fut un long moment conquérant. Les relations avec la fédération de Wiehl, dont venaient le père de Akihiko et celui d'Anthelia, étaient au point mort depuis des décennies pour ne pas dire hostiles par moment. Celles avec la république d’Ynorie étaient indéniablement meilleures, cependant les deux nations ne se portaient pas pour autant dans leur cœur. A vrai dire, malgré l’ancienne occupation du territoire Ynorien pendant des millénaires par les Kendrans, c’est la résurgence d’Oaxaca qui avait rapproché les deux peuples pour faire front commun. En cela, les deux pays estimaient qu’ils avaient mieux à faire que de se quereller inutilement. Ces différents politiques ne touchaient pas Akihiko et Anthelia cependant. Le premier, parce que l’éducation qu’il avait reçue ne lui inculquait pas de haine particulière envers les Kendrans, Marcus les voyant comme des alliés militaires. La seconde parce qu’elle avait tout simplement habité pendant des années dans la ville et qu’elle en connaissait ses codes et ses règles.
L’horizon dévoila peu à peu la cité blanche, d’abord simple tache blanche dans le lointain. Puis, à mesure que le bateau approchait, les détails se précisèrent et Akihiko constata avec effarement que la ville était tout simplement gigantesque. Il n’y avait pas prêté attention lors de son passage en Cynore, trop pressé pour aller en Naora -puis pour en revenir. La ville s’étendait sur des kilomètres dans toutes les directions, véritable métropole tentaculaire. Et il n’était pas au bout de ses surprises. Les bâtiments se firent de plus en plus nette et la cité blanche se para de multiples couleurs. La pierre blanche qui composait ses remparts et la grande majorité des bâtiments restait majoritaire mais plusieurs d’entres eux possédaient des toits brillants dont l’éclat jaune était perceptible même d’aussi loin. Il demanda sans trop y croire à l’aquamancienne si ces toits n’étaient pas recouverts d’or et elle lui confirma le plus naturellement du monde que si, certains temples comme celui de Gaïa était composé en partie de ce métal. Une telle débauche de richesse était inconcevable pour le jeune homme, mais il se rappela les colonnades de marbres blanc qui soutenaient le temple de Rana à Oranan et révisa son jugement. Au centre de la cité se détachait d’ailleurs du reste des bâtiments une imposante structure blanche, composé de multiples flèches et d’une haute tour en son centre. Akihiko n’eut pas besoin de demander pour savoir qu’il s’agissait du château du roi de Kendra-Kâr.

(Tiens, qui est le roi actuel du royaume ?) demanda Amy.

(Mmmh… Solennel VI je crois bien ?)

(Hum, ce nom me dit quelque chose… Mais quoi ? Bon, peut-être que ça me reviendra. En tout cas, la cité est déjà d’une belle taille.)

(Parce que dans le futur, elle va encore s’agrandir ?!) demanda l’enchanteur incrédule.

(Oh oui, énormément. A tel point que les maisons parcourront toute la côte jusqu’à la presqu’île que nous venons de passer. Bien que déjà impressionnante, la Cité Blanche n’est qu’aux balbutiements de sa gloire. Mais ne t’inquiète pas, Oranan ne restera pas en reste.)

Une heure plus tard, le bateau entra dans le port à proprement parlé et une nouvelle fois, l’ynorien fut surprit par la démesure des installations. Anthelia le reprit alors.

"Ce n’est pas de la démesure. Au bas mot, Kendra-Kâr est dix fois plus peuplé qu’Oranan, alors toutes les infrastructures sont forcément dix fois plus grandes, voir même plus. L’arsenal de Kendra-Kâr est d’ailleurs connue pour être un des fleurons de la puissance militaire du pays.

- Je n’ai jamais vu autant de bateaux alignés les uns à côtés des autres… Tiens, le blason de la compagnie du Cercle d’Or ! remarqua Akihiko en pointant une jetée de quais où tous les bateaux étaient frappés d’un cercle d’or sur leurs voiles blanches.

- Mmmh, j’imagine que c’est évident que la compagnie marchande du Monocle de Vérité ai un comptoir dans la plus grande ville de Nirtim. Si on veut se procurer une marchandise, n’importe laquelle, c’est dans ce port qu’il faut chercher.

- Port qui ne m’a pas l’air dans le meilleur des états…"

Les rues bordant les quais avaient une bien piètre allure comparée à la magnificence de la ville. En un sens, cela lui rappelait le front de mer d’Oranan. Des établissements de plaisir, des marchands de boissons et quelques comptoirs de compagnies, soit tout ce à quoi pouvait rêver un marin qui rejoignait la terre ferme après un long voyage. Il y avait çà et là des personnes qui négociaient, dans une profusion de races et d’ethnies que l’enchanteur avait rarement vu au même endroit : Thorkins, Sinaris, grands tigres bipèdes qu’il identifia comme des Worans, des elfes blancs, bleus et gris… Et des humains également, à la peau plus ou moins foncée, dans des styles vestimentaires allant du plus simple des pagnes à la sophistication ynorienne. En un mot, le port de Kendra-Kâr et sûrement la ville derrière était le centre culturel de Yuimen, où tout un chacun pouvait se croiser. Il vit même avec étonnement des elfes noirs, des shaakts, discuter avec des marchands kendrans. Ces elfes avaient une mauvaise réputation car tout comme les garzoks ou les sektegs, ce peuple était dans une grande majorité soumise ou allié à la Déesse Noire Oaxaca.

(Comme quoi, aucun peuple n’est tout blanc ou tout noir…)


(Dans leur cas, si ils sont tout noir.) s’amusa à faire remarquer Amy, ce qui fit sourire Akihiko.

(Au moins, ça m’apprendra à pas juger les gens trop vite.)

(Oui enfin bon, méfie-toi quand même. Un garzok ou une shaakte a plus de chance de vouloir ta peau que de vouloir faire ami-ami.)

Au bout d’une heure interminable à manœuvrer et à négocier à grands cris avec les autorités portuaires sur les quais, le capitaine Croane guida son navire à un quai réservé aux marchands, mais un peu excentré de l’animation des quais principaux. Dans un sourire tranquille, il leur expliqua qu’en sa qualité de petit marchand sans compagnie, il n’avait pas le droit au même faste que les grandes compagnies.

"Mais bon, on a aussi nos propres clients. Ceux qui veulent contourner les béhémoths du transport et leurs taux parfois prohibitifs. Puis y a aussi les gens comme vous qui cherchent des moyens de transport.

- Et ça ne vous as jamais tenté de vous rallier à une de ces compagnies ? La paye doit y être plus généreuse.

- C’est vrai. Mais avec la paye vient les contraintes, les contrats et tout un bordel dont je n’ai pas envie de me préoccuper. Moi et mes hommes, on gagne suffisamment bien notre vie sans trop subir de misères et c’est bien suffisant. Enfin, sauf pendant ce voyage…"

Le visage du marchand s’assombrit, avant qu’il ne relève la tête en souriant.

"Mais bon, c’est les risques du métier. Et on aurait pu tous y passer sans votre intervention. La Slive va rester cinq jours à Kendra-Kâr. Le temps de vider et vendre nos cales avant de les re-remplir pour Shory. Puis y a cette histoire de prêtre de Moura a régler. Vous êtes libre de dormir en ville ou sur le bateau, on vous accueillera avec plaisir.

- Merci de la proposition, mais je crois qu’un vrai lit sur le plancher des vaches me fera le plus grand bien.

- Ahah, je comprends ! A plus tard sieur Akihiko, dame Anthelia, profitez bien de votre visite dans notre belle capitale !"

Akihiko, suivit d’Anthelia, posa le pied sur la terre ferme équipé de son paquetage. L’absence du tangage permanent perturba un peu son sens de l’équilibre et après quelques pas hésitants, il retrouva pleinement ses capacités motrices. Un rapide contrôle que ses armes étaient bien sur lui et son paquetage bien ficelé plus tard, l’enchanteur s’adressa à son amie.

"Bon, qu’est-ce qu’on fait alors ?

- Je compte aller voir Jack et Marie, cela fait deux ans que je ne les ai pas vus. Puis ensuite, je compte aller à la Corporation des chasseurs de Trésors, voir si par le plus heureux des hasards ils n’auraient pas des encres magiques qui auraient traînées quelque part. Et toi ?

- J’ai ces écailles de Drakarn dont je pourrais peut-être tirer quelque chose dans une forge. Ou au pire, à la corporation, tu penses que ça pourrait les intéresser ?

- Sans l’ombre d’un doute, assura Anthelia.

- Bien. Je compte aussi m’acheter une cape de voyage, ça peut toujours m’être utile. Tu pourras me guider si tu connais une boutique ?

- Mmmh, je crois savoir où tu peux trouver ça. Ce que je te propose, c’est qu’on va à la forge d’Argaïe, puis on passe par chez Jack, le magasin pour ta cape et enfin la Corporation. C’est à peu près le chemin le plus direct entre nos objectifs différents, ça te va ?

- C’est toi qui connais la ville, je te suis !"

Anthelia lui fit un signe de main et l’enchanteur lui emboîta le pas, s’enfonçant dans les ruelles du port menant aux rues plus larges de la ville.



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Yliria
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Re: La Slive (X1)

Message par Yliria » lun. 4 janv. 2021 17:16

<< Précédemment


Lorsque j'ouvris les yeux, je compris que j'avais dormi, et pas qu'un peu. Mon dos manifesta clairement son inconfort et je pouvais voir les nuages défiler au dessus, comme si nous bougions. Et pour cause, le navire était en route, toutes voiles dehors et filait sur la mer. Je clignai des yeux, me pinçai l'arête du nez avant d'émerger complètement, non sans bailler longuement. Les yeux encore un peu embués, je fixai un petit paquet posé près de moi, contenant de quoi grignoter. Surprise, je jetai un œil autour de moi, mais ce fut Alyah qui me renseigna. Le mousse aurait apparemment monté cela à mon intention, sans oser me réveiller.

( Je t'avais dit de ne pas dormir là, au fait.)

(Oui... bon... désolée, mais j'étais épuisée. Rien à signaler ? )

(Non. Amy est passée, probablement parce que Cherock te cherchait, puis le mousse comme je t'ai dit, mais sinon rien de plus. La vigie n'a pas eu à monter ou n'a pas osé.)

(Bien... vais rester encore un peu alors)

(Cela m'aurait étonné... asociale.)

Je lui tirai puérilement la langue - enfin, tirai la langue dans le vide puisqu'elle n'était pas matérialisée - et cela la fit ricaner tandis que je commençai à grignoter. Je passai encore un moment là-haut, seule avec mes pensées. Je descendis finalement lorsque j'eus avalé l'entièreté du paquet. Je retrouvai bien vite les sensations du voyage en mer et descendis rapidement les cordages pour atterrir souplement sur le pont. J'aperçus Cherock du coin de l'œil, en pleine discussion animée avec un autre humain, qui l'accompagnait déjà avant. Sa mère était plus loin, discutant avec une Anthelia visiblement partagée entre la gêne et le rire. Je les saluai de la main lorsqu'elles se tournèrent vers moi, mais les laissai, préférant plutôt m'asseoir sur la bastingage, les pieds au-dessus de l'eau. J'inspirai et décidai d'occuper mon temps à tenter d'invoquer à nouveau l'élémentaire de lumière. Je me concentrai et libérai ma magie pour l'appeler, mais je ne dus pas m'y prendre de la bonne façon car elle ne fit que se réfléchir dans l'eau entourant le bateau. J'entendis une exclamation surprise non loin et ouvrai les yeux pour tomber nez à nez avec un jeune humain dont les yeux passaient de moi à l'arc en ciel qui semblait désormais entourer le bateau. Le mousse, selon Alyah.

- Merci pour... le repas.

- Oh.. euh... ouais... C'est m'sieur Cherock qui m'a d'mandé. C'est toi qui fais ça ? Tu peux me montrer ?

Je hochai la tête et il s'installa à côté de moi et je jouai avec mes fluides de lumière, m'amusant de sa réaction. Il avait un rire amusant, un peu aigu et qui se terminait par un genre de grognement. Au moins ce que je faisais semblait ravir quelqu'un. Il se présenta finalement et je fis de même, m'amusant de sa difficulté à prononcer mon nom. Il semblait gentil, mais je ne pus m'empêcher de remarquer le rosissement de ses joues. Il finit par être appelé et je retournai à la contemplation de l'océan, sans jamais vraiment m'en lasser. Il ne faudrait que quelques jours pour atteindre Oranan, autant en profiter.

(Et n'oublie pas d'aller remercier Cheorck, hmm ?)

(Je sais. Quand il sera moins occupé. Laisse-moi profiter... J'aurai vraiment un bateau !)

Elle rigola dans mon esprit et me laissa à mes idées de navigatrice en herbe alors que le soleil avait largement dépassé son zénith, oubliant momentanément de m'exercer à appeler l'élémentaire. Je me perdis un moment dans mes pensées passant d'une chose à l'autre sans vraiment m'y attarder. Jusqu'à ce que...

- Ravi de voir que tu as l'air d'aller mieux.

La voix de Cherock me sortit brusquement de ma contemplation et mes idées de voyage. Je sursautai légèrement avant de tourner la tête vers lui, me pinçant les lèvres en voyant le léger sourire orner ses lèvres. Il avait un don pour me surprendre et j'avais l'impression qu'il en jouait. Je fis un vague geste de la main, désignant l'océan et le soleil en un tout.

- Cela me calme. J'en avais besoin donc je me suis installée là où je pourrais en profiter. Merci pour m'avoir fait monter de quoi manger, d'ailleurs. Y dormir n'était pas prévu, mais bon... Qui est l'homme avec qui tu discutais ? Il était avec toi à l'auberge mais...

Je haussai un sourcil et tournai la tête vers le fameux Frans qui discutait avec un marin lorsqu'il expliqua qui il était. Son mentor et ancien maître magicien. Je pensais soudainement à Lichia, me demandant si le Cirque se portait bien depuis le temps et si elle arpentait toujours le désert.. probablement que oui. Il faudrait que j'aille la voir, lui raconter mes aventures et pourquoi pas reprendre la danse. Cela me manquait un peu, de penser à autre chose que les combats ou les obligations.

- Ceci explique ta maîtrise de la magie de foudre.

Je m'étirai et me tournai sur la rambarde, m'asseyant cette fois dos à la mer, faisant plus ou moins face à Cherock à mes côtés.

- C'est comment Oranan ? Alyah m'a dit que c'était unique mais ça ne m'avance pas vraiment...

Un sourire orna ses lèvres tandis qu'il se mettait à décrire sa ville natale, berceau d'une culture ne dépassant pas les frontière de l'Ynorie et défendue bec et ongles par son peuple. Pas exempt de défauts, comme il le souligna, mais où il faisait bon vivre. Cela donnait envie d'en voir plus. Je haussai les épaules lorsqu'il admit que mon apparence serait mal perçue. J'avais l'habitude et même si je détestais cela, je m'en accommodais toujours, d'une manière ou d'une autre. Je l'écoutai sans rien dire, le laissant me parler de son pays et de sa culture, de l'importance de l'honneur et des traditions, de la liberté et d'un raffinement qu'on ne trouvait, selon lui, nulle part ailleurs. il semblait fier d'être ynorien et je en pouvais que l'envier sans le comprendre pour autant. Le temps fila et ce fut la main d'Anthelia lui tapotant son épaule qui le fit s'arrêter. S'ensuivit un échange concernant un... tatouage ? Je haussai un sourcil et répondis d'un vague signe de la main à Anthelia lorsqu'elle s'excusa de devoir l'emprunter.

- Pas de problème.

Elle était tatoueuse, et lui apprenait, visiblement. J'étais curieuse, je n'avais jamais vu de tatoueur en action, aussi descendis-je de la rambarde avant qu'ils ne s'éloignent. J'avais une idée, mais je voulais d'abord voir en quoi ça consistait.

- Je... Vous m'autorisez à observer ? Je vous dérangerai pas, je suis juste curieuse.

Je pus les suivre jusqu'à un groupe de marins. L'un d'eux, un Earion, s'avança et discuta avec Cherock pour créer le tatouage qui serait dessiné sur son dos. Une vague s'enroulant autour d'un trident dans un sens et un genre de serpent de mer dans l'autre. J'observai le croquis avec intérêt avant d'observer l'elfe se mettre sir le ventre, dos nu, pour laisser Cherock faire son travail. Contre toute attente il se mit à le masser et je me penchai vers Anthelia pour savoir à quoi ça servait.

- Pour détendre peau et muscles. C'est plus facile et moins douloureux ensuite.

Je repris mon observation. Le visage de l'elfe se crispa quelques fois lorsque Cherock se mit à marteler sa peau avec une aiguille sortie d'un coffret et un maillet. Peu à peu, il sembla trouver un rythme et le dessin prit forme, de la tête du trident jusqu'à l'écume de la mer serpentant autour du manche. Tout cela se fit dans un calme presque total. Quelques marins discutaient autour, mais je me contentai d'observer en silence. J'avais l'impression que simplement respirer allait le déconcentrer. Je sentis Anthelia se pencher vers moi, souriant légèrement.

- Intéressée ? Tu as l'air d'avoir une peau idéale pour tatouer.

- Je... je réfléchis...

Elle se contenta de sourire avant que Cherock ne se redresse et ne se tourne vers nous, demandant soudainement notre avis. Pour moi, le dessin était magnifique, presque vivant lorsque l''elfe bougea légèrement.

- Je trouve ça magnifique...

Cela l'était vraiment. Je me frottai la nuque, un de mes doigts passant sous mon haut pour caresser les contours d'une de mes cicatrices. Je soupirai et oubliai l'idée avant de reculer, laissant Anthelia donner son verdict. Alyah murmura soudainement, d'une voix douce.

(Ce ne sont que des cicatrices, il ne te jugera pas. Et il les a déjà vu...)

(Je veux pas qu'il pose de questions.)

(Je sais, mais penses-y. Ce serait un pas pour toi.)

Je hochai la tête. Un jour peut-être...Chacun alla de son commentaire pour féliciter Cherock tandis qu'il aidait l'elfe à se relever. Il embrassa Anthelia, attirant quelques sifflets des marins encore groupés autour avant que le capitaine ne leur ordonne de "se bouger leurs grosses miches", chacun retournant alors à son poste, exception faite de l'elfe bleu qui roulait des muscles en exhibant son tatouage d'un air fier. J'observai un instant le couple, prenant seulement conscience leur relation à ce moment précis, puisqu'ils n'avaient pas été très démonstratifs jusque là, et me sentis de trop. Je les laissai en paix, tournant doucement les talons pour aller me percher sur la proue. N'ayant rien à faire sur le navire, je ne pouvais qu'attendre que le voyage se termine. une chance que le voyage ne dure que quelques jours. Un mois comme ça et j'aurai supplié qu'on me donne un truc à faire pour m'occuper.

(Tu peux toujours demander. Ou prier Meno que des pirates vous attaquent.)

(Merci, mais non merci. J'ai eu ma dose pour un moment.)

(Une pieuvre géante ? Un serpent des mers ? Une baleine mangeuse de navire ? un...)

(Une faera insupportablement casse-pieds ?)

(Plains-toi ! Si tu veux t'occuper, débrouille-toi, puisque tu refuses mes propositions ! Hmpf!)

Je levai les yeux au ciel en la sentant bouder de manière trop exagérée pour être vraie et patientai un moment, essayant à nouveau d'invoquer l'élémentaire de lumière. Je tâtonnai complètement, n'ayant aucun moyen d'apprendre auprès de quelqu'un la façon d'invoquer une telle créature à partir de ma magie. Je concentrai mes fluides, tentai même de les modeler en espérant recréer la forme de Ssussun, mais rien n'y fit et, idiotement, je forçai, finissant par libérer plus de fluides que prévu. La dépense d'énergie me vida de mes forces et je m'écroulai en arrière alors qu'un arc-en-ciel apparaissait dans le ciel. Moi et mes expériences...

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Yliria
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Re: La Slive (X1)

Message par Yliria » lun. 4 janv. 2021 19:26

<< Précédemment


Je ne touchai jamais le pont du bateau. Au lieu de ça, ce furent les bras de Cherock qui me rattrapèrent avant que ma tête ne heurte le sol. Je clignai des yeux, un peu hébétée, ayant du mal à comprendre ce qu'il s'était passé. Ma fichue idée m'avait donné mal à la tête en plus de cela et il me fallut quelques secondes pour reprendre mes esprits. Lorsque Cherock m'annonça c'était l'heure du repas, annoncée par une cloche que je n'avais tout simplement pas perçu, je le fixai une seconde avant de m'empourprer, me redressant rapidement, titubant légèrement en me levant trop vite. Je n'avais pas spécialement faim, mais il y avait une limite à l'impolitesse et je hochai finalement la tête.

- Ah.. d'accord. Merci de m'avoir rattrapée.

Il sourit en secouant la tête avant de se diriger vers la petite troupe de marins. Je lui emboîtai le pas, faisant la queue comme tout le monde pour avoir une assiette que je fixai un moment après m'être assis en compagnie de Cherock et des autres. Je mâchai sans enthousiasme deux bouchées avant de pousser l'écuelle vers le fulguromancien qui sembla surpris de ce geste.

- Je te l'offre, t'as l'air d'aimer ça. C'est bon, mais j'ai généralement peu d'appétit. Je me demandais, comment as-tu connu le capitaine de la Silve pour qu'il t'accepte ainsi à son bord et fasse demi-tour à ta demande ? C'est assez... inhabituel.

- Mmmh... Au début, c'était simplement celui qui devait nous emmener moi et Anthelia à la recherche de Frans. Mais au cours du voyage, j'ai plus ou moins sauvé deux de ses marins, le jeune mousse et l'elfe que j'ai tatoué. Ah, et je les ai aidé à abattre un Drakkarn. Une sacrée bestiole, même si de ce que le capitaine m'a dit, elle aurait servi de cure-dent à ton truc, là. La Klakhyss ? Le claquos ? 'Fin le truc que tu as transformer en épée et en bouclier.

- Klakhyss Dis-je en ne retenant pas un léger rire face à la façon dont il avait de parler de cette horreur. Je ne sais pas à quoi ressemble un Drakkarn, mais Klakhyss c'était... une grosse crevette de neuf mètres mort vivante qui puait la mort. Enfin sans Tanaëth je serai pas ici pour en parler, ce truc mangeait apparemment les bateaux comme on mange une tranche de pain frais. Je jetai un regard aux alentours, observant les marins. C'est bien d'avoir pu embarquer sur ce navire, finalement. J'adore la mer, je m'en suis rendu compte en venant en Nirtim par bateau. Tu as toujours vécu ici ? Enfin sur Nirtim je veux dire.

Il s'avéra que Cherock avait voyagé une seule fois en dehors de Nirtim, pour se rendre au Naora. Je haussai un sourcil face à cela et écarquillai les yeux lorsqu'il parla de Tanaëth. Je m'assurai qu'on parlait bien du même et il semblait que oui et j'appris qu'on avait tous les deux été des indésirables à Nessima. Je soupirai en expliquant les raisons de ma présence là-bas, pour ma cape et ensuite aidé les Eruïons. Tout ça avait plutôt mal fini et je me demandais toujours ce qu'il se passait là-bas en ce moment. J'aurai aimé y retourner, mais c'était bien trop dangereux.Ce fut ce moment-là que choisis Frans, le mentor de Cherock, pour s'inviter dans la conversation en se présentant comme Messager de Foudre. Je n'avais aucune idée de ce que cela signifiait, mais répondis poliment, bien qu'un peu surprise par sa soudaine intervention.

- Yliria Varnaan'tha... euh...Danseuse de... désolée mais c'est quoi un messager de Foudre ?

Je l'écoutais expliquer sa mission, plutôt simple en vérité puisqu'il s'agissait de transporter messages, et marchandises spéciales parfois, entre les temples de Valyus, qui faisait de lui un messager de Foudre. Je m'attendais à quelque chose de plus impressionnant vu qu'il semblait puissant, mais il n'avait pas préciser à quel point les missions étaient risquées. Sa question sur le mot danseuse que j'avais laissé échapper me fit hésiter avant que ne hausse les épaules.

- Danseuse d'Opale. Rien à voir avec la danse, c'est plus... une organisation martiale, bien que j'ai été danseuse sous la direction de Lichia à Exech... enfin c'est compliqué à expliquer... un peu comme une armée, mais qui lutte pour l'équilibre, contre Oaxaca, ce genre de choses... Je suis pas douée pour expliquer...

Frans semblait connaître l'Opale et, si cela me surpris, il semblait avoir un avis plutôt positif sur les Danseurs malgré quelques réserves sur leur bien-fondé, étant une organisation quelque peu mystérieuse et je tentai, un peu hésitante tout de même, de lui expliquer pourquoi on agissait ainsi. Je ne mentionnai pas la guerre se déroulant au Naora ni mon implication ou celle de l'Opale, préférant éviter ce sujet quelque peu tendu. Que Frans connaisse Lichia me fit hausser les sourcils, mais hocher la tête lorsqu'il me demanda si c'était bien Lichia Vela, qu'il aurait apparemment côtoyé au temple de Valyus d'Exech, fut un temps.

- Oui c'est bien Lichia Vela. Techniquement c'est elle qui m'a trouvé au milieu du désert, cela dit. Elle a fait de moi son apprentie, m'a appris la danse, à maîtriser ma magie et mes pouvoirs d'enchanteresse. Je ne savais pas qu'elle était connue. Enfin en dehors de sa réputation au Cirque je veux dire. D'ailleurs ...

Je me tournai vers Cherock et Anthelia, m'adressant un peu à tout le monde.

- Si vous avez l'occasion, allez voir un spectacle au Cirque, c'est quelque chose qui mérite d'être vu au moins une fois!


- Pas connue ? J'imagine qu'elle a sans doute omis de te dire que c'était une Maîtresse Magicienne de feu, soit l'une -si ce n'est la- pyromancienne la plus puissante de Yuimen.

- Une... maîtresse magicienne ? Elle n'en a pas fait mention, non.

Cherock en avait fait mention une fois en parlant de Frans et lui demanda des précisions que j'écoutai avec intérêt. Alors comme ça Lichia faisait partie de ces mages si puissants ? Jamais elle n'avait fait mention d'une telle chose ou du fait qu'elle possédait un tel titre. Et dire que je l'avais côtoyé pendant un moment sans me douter de rien... Cela ne changeait pas l'affection que j'avais pour elle de toute façon. C'était ma mentor en pyromancie et en danse, qu'elle soit une Maîtresse Magicienne ou pas et, la connaissant, elle s'en fichait de ce titre.

- Il en existe beaucoup ?

- Une poignée seulement : il doit y avoir 2 ou 3 Maîtres magiciens par fluide tout au plus, cela demande un talent et un investissement hors du commun. Dans mon cas, j'avais le talent et l'Ordalie pour moi, mais j'ai préféré ne pas me restreindre à l'étude de la magie d'une manière si profonde.

- L'Ordalie ?

Tout comme Cherock, je n'avais jamais entendu parler de ce mot avant que Frans ne le mentionne et ce dernier se fit un visible plaisir d'expliquer ce que c'était.

- Il faut savoir que le corps d'un mortel est... disons limité dans la quantité de magie qu'il peut absorber. L'Ordalie est un rituel qui permet d'outrepasser cette limite et ce rituel est accordé après une épreuve, par les dieux eux-mêmes.

Je restai bouche bée par l'idée. Était-il concrètement en train de nous expliquer qu'il avait rencontré les dieux en personne pour accroître sa puissance magique ? J'ouvris la bouche avant de me raviser et de le laisser continuer son explication, suspendue à ses lèvres. Alors qu'il expliquait qu'il fallait se rendre sur une île volante où vivaient les dieux, Nyr'tel Ermansi,

J'étais partagée. L'idée qu'un simple mortel puisse côtoyer les dieux me paraissait étrange... et en même temps, la rumeur selon laquelle Lichia aurait rencontré Meno... Elle ne pouvait pas venir de nulle part. Rencontrer Meno, Gaïa, Sithi... l'idée me paraissait aussi folle qu'incroyable. Je voulais y aller, sur cette île.Tandis que Cherock semblait surpris que Frans lui parle de cela en lui assurant qu'il était capable de passer cette fameuse épreuve, je réfléchissais. L'idée de devenir plus puissante m'intéressait moins que l'idée de rencontrer les dieux et savoir que c'était possible remettait en perspective ce que j'envisageais pour la suite. Il fallait que je trouve la fameuse boussole menant à l'île, d'une manière ou d'une autre. L'enjeu était plus qu'important, j'en avais l'intime conviction, aussi écoutai-je avec attention la réponse de Frans à la question de Cherock. Où trouver cette boussole ?

- Oh non, je ne sais pas où en trouver une. Certains passent une vie entière à en chercher sans jamais en voir une véritable. J'ai trouvé la mienne dans un lieu dédié à Valyus donc il paraît raisonnable de dire que chercher des lieux liés aux dieux est la meilleure chance d'en trouver une, mais ce n'est qu'une supposition.

Cela ne m'avançait guère, je devais l'avouer. Peut-être que visiter un temple et demander conseil aux prêtres me donneraient plus d'indices. Alyah m'encouragea à me focaliser là-dessus et si je compris fort bien ce qu'elle essayait de faire, l'idée de visiter l'île des dieux était un argument suffisant pour que je laisse le reste de côté, pour un temps du moins. Je jetai un rapide coup d'oeil à Cherock, me demandant s'il allait s'engager là-dedans lui aussi. Probablement.

(Pourquoi ai-je l'impression que tu considère cela comme une compétition ?)

(Une boussole pour une personne non ? Je ne veux pas rater ma chance.)

(Il n'a jamais fait mention de ça.)

Elle avait raison et je me sentis un peu bête.

- Alors, tu vas chercher une boussole, Cherock ?

Il semblait effectivement prêt à partir à la recherche d'un de ces jets et Anthelia était apparemment prête à le suivre. Et tandis que je réfléchissais à un moyen de trouver une de ces fameuses boussoles, il me prit de court.

- Et toi Yliria, tu veux nous accompagner ?

Je le fixai, partagée entre l'incrédulité et l'incompréhension la plus totale. LLe fait était qu'on s'entendait plutôt bien, c'était indéniable, mais de là à me proposer un tel voyage alors qu'on se connaissait à peine et à cause de circonstances plutôt détestables, je n'étais pas bien certaine de comprendre d'où lui était venue cette soudaine idée. Bien sûr que que je préférais voyager avec quelqu'un plutôt que seule, c'était toujours plus sûr et plus agréable, mais avec des presque inconnus ?

(Si je me rappelle bien, Fylyarina et les autres, tu ne les connaissais pas et tu les as suivi quand même.)

(Je venais de perdre mon père, j'aurai suivi n'importe qui ayant un peu d'empathie pour moi à l'époque... j'étais naïve...)

- Pourquoi ? Enfin je veux dire... Tu es sûr ? J'aimerais beaucoup voir l'île des dieux mais... 'fin on se connaît à peine et ça ne va pas se faire en deux jours...

- Boh, tu sais, je t'ai déjà promis de t'aider à retrouver l'épave de Tali. Donc si on se rend compte qu'on ne s'entend pas si bien que ça... Eh bien dans tous les cas, je préfère qu'on fasse la recherche ensemble mais sans s'apprécier plutôt qu'être en compétition avec toi.

- Oui c'est sûr, vu comme ça... Cela ne dérange pas ? 'fin je veux pas m'immiscer entre vous si vous êtes... ensemble ?

Je me sentis bête face au regard d'Anthelia qui ne comprenait visiblement pas et sentis mes joues chauffer...

- Je... 'fin vous vouliez peut-être être tous les deux... Pour être... C''est rien, oubliez, c'était idiot. On partirait quand ?

- Pour le départ, on attendra d'avoir un peu plus d'informations. On va essayer de se renseigner dans les temples de Valyus, comme le conseille Frans. Chercher à l'aveugle une boussole dans tout Yuimen ne me tente guère... Et si rencontrer Valyus est un souhait cher, je ne vais pas gâcher ma vie à retourner chaque pierre de Yuimen.

Cela me sembla logique. Je m'informai simplement sur les autres temples éventuellement présents à Oranan et le fait qu'il y ait un temple de Gaïa me convenait très bien. Je pouvais toujours tenter d'y faire un tour, autant opour avoir des informations sur une boussole que pour mes problèmes plus personnelles. Le repas touchait à sa fin et les marins reprenaient leurs activités alors que le soleil commençait à descendre. ayant dormi une partie de la journée, je ne me sentais pas particulièrement fatiguée, mais me levai avant de finalement me raviser une seconde pour me pencher vers Cherock, une idée en tête venant finalement de se changer en décision.

- Quand tu as un moment je... j'aimerais te demander un service, si tu veux bien. Passe une bonne nuit.

Je lui offris un discret sourire et me préparai à passer une nuit une fois de plus perchée sur le haut du mât, au grand dam d'Alyah qui souffla son mécontentement durant toute mon ascension.

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Yliria
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Re: La Slive (X1)

Message par Yliria » mar. 5 janv. 2021 00:10

<< Précédemment

Une fois en haut du mât, je fixai un instant la masse lumineuse qui descendait sur l'horizon. J'étais tellement plus à l'aise dans ces moments-là, où tout semblait plus simple et plus calme. J'inspirai en fermant les yeux, cherchant à méditer un peu, pour rester apaisée. Je ne pensais à rien, rien d'autre que le vent et les derniers rayons du soleil qui venaient caresser ma peau et faire flotter mes cheveux. Je me sentais calme, sereine et bien loin de la boule de nerf que j'étais la veille. Dans un état presque second, je fixai le vide, mon esprit ne s'accrochant à rien de particulier comme m'avait appris à le faire le prêtre Vikar. Je ressentis un calme si rare que c'en était presque irréel. Je tendis la main et appeler mes fluides de lumière d'une voix calme.

- Ssussun

Le poisson lumineux surgit devant mes yeux, comme né du soleil qui me faisait face. Je ne pus m'empêcher de sourire en le voyant frétiller pour s'approcher de moi. Doucement, je caressai ses écailles de lumière et le calme qui m'envahissait ne fis que s'accroître. Il ondulait doucement autour de ma main, semblant incapable de ne pas bouger sous la lumière du soleil. Les couleurs qui chatoyaient de ses écailles étaient toujours aussi belles et il ne semblait vouloir s'éloigner à aucun prix. Je devais être calme, ne pas le brusquer pour l'appeler. Je me demandais s'il parlait, mais aucune réponse ne vint lorsque je posais une question, il se contentai de me fixer d'un air indéchiffrable. Aucune télépathie non plus, ce n'était pas comme avec une faera. A cette pensée, Alyah s'insurgea et alla bouder dans un coin, apparemment vexée de la comparaison. Je me contentai de lever les yeux au ciel en continuant à examiner l'élémentaire. S'il était fait d'un fluide de lumière... Peut-être qu'il pouvait faire des sorts comme moi ?

- Fais comme moi, Ssussun.

Je fis apparaître une boule du lumière dans ma main et attendis. Il me fixait, toujours impassible, et je fis la moue. Puis une autre boule de lumière apparut et se porta à la rencontre de la mienne. Je fixai l'élémentaire, émerveillée et tentai d'autres choses. Je me rendis vite compte que ce qu'il faisait était de répondre à mes demandes et je me demandais s'il pouvait faire plus que cela. N'ayant pas les moyens de vérifier ma théorie, je me contentai de tester de petites choses, comme le fait de me soigner après m'être coupée ou de faire baisser la douleur liée à la coupure. Tout fonctionna et cela ne me sembla pas fou de croire qu'il était capable de bien plus. Après tout, il m'avait calmé dans une crise terrible au temple, alors si c'était aussi puissant lorsqu'il apaisait quelqu'un, peut-être que tout ce qu'il faisait était puissant.

(Yliria ? Cherock t'attend en bas, si tu veux lui demander service.)

Je tournai mon regard en entendant la voix d'Amy, la faera de Cherock, lâchant des yeux le poisson lumineux qui flottait au-dessus de ma main avant de hocher la tête en regardant vers le bas, apercevant la silhouette solitaire du fulguromancien. Je m'attendais à ce qu'il aille dormir, pas qu'il reste sur le pont en cette heure tardive. Ma demande aurait pu attendre le lendemain. Je fermai la main, révoquai doucement Ssussun qui disparut dans une gerbe de lumière avant de descendre les cordages qui bougeaient légèrement sous la brise et la houle. J'atterris en souplesse sur le pont et m'approchai de Cherock, accoudé au bastingage. Il semblait... ailleurs. Peut-être préoccupé ou pensif, aussi me contentai-je de m'asseoir sur la rambarde près de lui, face à la mer, attendant qu'il tourne la tête vers moi. Je lui offris un sourire un peu plus large que le précédent.

- C'est apaisant pas vrai ? la mer, le calme... Je pensais que tu serais allé dormir, ça pouvait attendre.

Je fixai moi aussi les vagues éclairées par la faible clarté lunaire. Cela me donnait envie d'effleurer la surface de l'eau, mais l'idée en resta une et je me tournai plutôt vers Cherock en inspirant profondément.

- Je voulais te demander si tu... si tu accepterais de faire un tatouage, pour moi. Pas maintenant, ni demain, mais...

Je me frottai la nuque, un peu hésitante, avant de soupirer en me jetant à l'eau.

- Je te le demande à toi parce que tu as déjà vu mes marques et je... je pense que ce serait plus facile. Je comprendrai que tu refuses si ça te dégoûte ou te mets mal à l'aise, mais je voulais juste au moins poser la question...


- Je... Je peux pas.

Je ne pus empêcher la déception de marquer mon visage avant de sentir une boule se former dans ma gorge. Qu'est-ce que j'espérais ? Et alors que j'allais soupirer pour cacher ma déception, il enchaîna, affirmant qu'il ne se sentait pas encore assez doué pour un tel projet, mais que, si j'attendais, il serait honoré de me tatouer. Ma déception se changea en un fin sourire un peu soulagé. Il n'était visiblement pas dégoûté par l'idée et cela répandit une chaleur réconfortante dans mon ventre qui se dénoua.

- Je comprends. Cela compte pour moi, c'est vrai, alors j'attendrai que tu te sentes prêt. Je ne m'attendais pas à ce que tu fasses ça sur le tas de toute façon.

J'inspirai lentement, profitant un peu des embruns et de la légère brise qui soufflait.

- Merci Cherock. Je sais que je le dis souvent en ce moment, mais merci, sincèrement.

Je me sentis libérée d'un poids que je ne pensais pas avoir sur les épaules. Je me tournai vers lui, m'asseyant en tailleur sur la rambarde et lui souris à nouveau. C'était facile de sourire en sa présence, je me demandais pourquoi. Sa gentillesse et sa façon de me traiter normalement, non pas comme une poupée fragile ou avec méfiance, cela me faisait du bien. Difficile de dire que nous étions amis, c'était un peu tôt, mais l'idée ne me déplaisait pas. Je le vis retenir un bâillement et un souffle amusé m'échappa.

- Tu devrais aller dormir.

- T'es vraiment incroyable, hein...

J'écarquillai les yeux à sa remarque, sans vraiment comprendre d'où cela pouvait bien venir. Le rosissement de ses joues alors qu'il se hâtait de changer de sujet me fis rougir également et je hochai simplement la tête alors qu'il me souhaitai une bonne nuit en me rappelant qu'il y aurait entraînement demain. Il tapota mon genou et s'éloigna pour rejoindre son hamac, me laissant là, encore parfaitement surprise et indécise.

(Je crois qu'il t'aime bien.)

Je fixai le dos de Cherock avant qu'il ne s'éloigne et sentis mon cœur accélérer légèrement sans trop comprendre pourquoi. J'inspirai après qu'il eut disparu et remontai finalement sur le mât malgré les grognement d'Alyah concernant l'idée farfelue de dormir à plusieurs mètres de haut sans sécurité autre que la rambarde du post d'observation. Et contre tout attente, je me mis rapidement à bailler aussi et fermai les yeux pour ne les ouvrir que lors du lever de soleil, plusieurs heures plus tard. Ma nuit avait été étrange, parsemée de rêves plus calmes que d'ordinaire, mais avec le même dénominateur commun au regard bicolore.

(Ah... les hormones d'une adolescente...)

Je n'avais aucune idée de quoi Alyah pouvait bien parler et je me gardai bien de poser la moindre question face à son ton mi-amusé mi-moqueur. Je sentais que je n'allais pas aimer la réponse et, au lieu de ça, je sortis de ma besace la rune que je n'avais jamais eu le temps d'identifier et me penchai plus sérieusement dessus avant d'aller faire une quelconque séance d’entraînement.
***
(((Hrp : identification de la rune : "Aru")))

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Re: La Slive (X1)

Message par Gamemaster8 » mar. 5 janv. 2021 00:55

Intervention gmique pour Yliria
Ce fut en l'examinant attentivement que la réponse te vint d'elle-même.. Les rayons du soleil t'aidant, tu sus que la rune Aru signifiait tout simplement soleil.
Image
À votre service, pour le plaisir de rp !

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Re: La Slive (X1)

Message par Akihito » sam. 9 janv. 2021 18:44

Dans le chapitre précédent...

Troisième Arc : Encre de feu, Ancre de sang.

Chapitre XVI : Akihito, le tatoueur.

Akihito passa finalement la nuit seul. Anthelia lui fit bien comprendre que si elle admettait qu'il avait des circonstances atténuantes, il allait devoir ramer pour qu'elle lui pardonne totalement. Il accepta sans rechigner sa prise de position : il pouvait bien comprendre son état d'esprit et connaissait pertinemment les conséquences s'il insistait. Il réussit tout de même à l'embrasser tendrement et sans un bruit, échanger quelques murmures chargés de sentiments réciproques. La nuit se passa tranquillement et le matin vint le cueillir a une heure tardive. Jetant un œil au hamac accroché non loin de là, il aperçut la silhouette encore endormie de son Ynorienne de mère. Jugeant qu'elle avait encore besoin de repos, il la laissa bénéficier de quelques instants de repos supplémentaires. Émergeant sur le pont, l'enchanteur salua gaiement les marins, échangea une plaisanterie avec l'Earion cuisinier et balaya le bateau du regard. Yliria n'était pas là. Pris d'un doute inquiétant, il se dépêcha de rejoindre la cale où elle était sensée avoir dormi. Et en découvrant ses affaires encore présentes, il poussa un soupir de soulagement.

(Bon, au moins elle est sur le navire. Amy ? Tu détectes la présence d'Alyah ?)

(Mmmh... Oui, elle est bien là. Elle se situe au-dessus du navire. Attends, je vais la rejoindre.)

Akihito la sentit quitter brièvement son esprit avant de sentir de nouveau sa présence dans sa tête alors qu'il regagnait le pont, sur l'échelle.

(Il semblerait que notre petite semi-shaakte dorme paisiblement dans la vigie.)

(Dans la vigie ? Si haut ? Eh bah, elle a de curieuses façons de dormir.)

(Sa Faëra partage ton avis et s'en est allègrement plaint.)

Dans un sourire, Akihito retrouva finalement l'air frais. Interceptant le jeune Sammy, il lui demanda s'il pouvait de nouveau grimper aux cordages et rejoindre la vigie.

« Oui, bien sûr ! Mon bras est comme neuf maintenant ! C'est surtout grâce au Doc.

- Ravi de l'entendre. Dis, tu pourrais apporter quelques biscuits de mer et deux trois trucs à grignoter là-haut ? Mon amie semi-shaakte y est, elle aura sûrement faim en se réveillant.

- La... Semi-shaakte ? Demanda d'une voix craintive mais teintée de curiosité le jeune mousse.

- Eh bah quoi Sammy ? On a peur du joli minois d'une demoiselle ?

- N-n-non pas du tout ! Je vais le faire, voilà ! »

Les joues rougis, le garçon s'éclipsa rapidement en direction des cuisines. Si sa mémoire était bonne, Sammy et elle avait le même âge -ou équivalent en années semi elfiques. Avec un peu de chance, ces deux-là allaient bien s'entendre. Une silhouette se tourna vers lui, au pont arrière, pour lui faire signe. Lui rendant son sourire, Akihito rejoignit son mentor. Ils n'avaient que peu eu le temps de s'entretenir depuis son retour, et il comptait bien remédier à ça.

« Alors Akihito, on a enfin du temps pour parler avec son vieux Maitre ?

- Ah, oui... Désolé pour ça Frans, mais le retour a été mouvementé et...

- Pas besoin de t'excuser mon garçon. J'ai des yeux pour voir. Comment va ta mère ? »

La question surprit un instant l'enchanteur, qui finit par répondre. Le vieil homme disait qu'il avait des yeux pour voir, alors sûrement avait il remarqué l'absence d'Hitomi sur le pont.

« Elle va... Bien. La mort de mon père a dû l'attrister, mais elle va de l'avant, comme toujours. Je pense qu'elle s'était préparée à sa disparition, vu qu'il pouvait mourir à chaque sortie avec son unité. Il était militaire.

- Mmmh, je vois. Une femme bien courageuse.

- Ca, vous pouvez le dire, approuva l'Ynorien avec fierté.

- Et qu'est ce que vous comptez faire ? Votre maison a brûlé, si j'ai bien compris.

- Je ne sais pas encore. On a des amis chez qui elle pourrait rester, mais je ne veux pas que les reliquats du groupe de Kisp lui tombent dessus. Je verrai bien. »

Le vieil homme hocha la tête, avant d'orienter la discussion vers son apprentissage. Akihito lui apprit qu'il avait appris seul entre-temps le sort de Vague énergétique, ce qui était une plaisante surprise pour le mentor. Ils discutèrent à ce sujet un long moment, avant que Akihito n'aperçoive du coin de l'œil Yliria, assise sur le bastingage. S'excusant auprès de son maître, il rejoignit la jeune fille et l'observa un temps : elle avait le regard perdu dans l'immensité de l'océan, un vague sourire flottant sur ses lèvres. Sans un bruit, il se glissa à côté d'elle et s'amusa de sa surprise quand elle prit connaissance de sa présence lorsqu'il parla.

« Ravi de voir que tu as l'air d'aller mieux.

- Ca me calme. J'en avais besoin donc je me suis installée là où je pourrais en profiter. Merci pour m'avoir fait monter de quoi manger, d'ailleurs. Y dormir n'était pas prévu, mais bon... Qui est l'homme avec qui tu discutais ? Il était avec toi à l'auberge mais...

- Oh, c'est Frans, mon mentor. C'est un fulguromancien très puissant et il m'a appris beaucoup de choses lors de notre voyage vers Bouhen. C'est aussi un ex-Maître Magicien, les mages les plus puissants de tout Yuimen. »

Yliria sembla aussi dubitative qu'étonnée de son explication. Après tout, il venait de dire que cet homme dans la cinquantaine était une des plus puissantes personnes du monde. Il y avait de quoi être surpris. Elle se repositionna pour pouvoir lui faire face, et il se tourna vers elle en réponse. Elle le questionna sur Oranan, curieuse de savoir à quoi pouvait bien ressembler la ville. Les lèvres d’Akihito s'étirèrent et il s'évertua à décrire du mieux qu'il pouvait sa ville natale.

« C'est une ville incroyable, unique dans tout Yuimen. Il faut dire que notre culture Ynorienne n'est pas très répandue en dehors de nos frontières et qu'elle est très particulière. Mais elle est surnommée "l'Écrin d'Ynorie". C'est une ville où il fait bon vivre. Notre nation a souvent eu à se battre pour sa liberté, alors nous y attachons une attention toute particulière. Oranan ayant été construite également comme un bastion militaire, on peut aussi la voir sous ce point de vue-là avec ses rues larges et ses hautes murailles... Et par conséquent, la milice y est très active. Mais pour faire simple, nous chérissons la liberté que nous avons durement gagnée.
Après... Elle n'est pas exempte de défauts. Rana, la déesse de l'Air et de la sagesse, est très ancrée dans notre culture, mais les Ynoriens font parfois preuve d'un manque de sagesse. Je ne te cache pas qu'avec ton apparence de Shaakte, tu risques d'être regardée de travers... Après, il ne faut pas trop leur en vouloir. Ici, la guerre avec la Reine noire et ses alliés est une réalité de tous les jours. Alors les préjugés prennent parfois le pas sur le jugement. »


Il lui parla ensuite un petit peu de la culture Ynorienne, ce qu'il estimait important pour bien comprendre comment était Oranan puisque les deux étaient intrinsèquement liées. Le temps passa et à un moment, sans qu'il ne s'en rende compte, on s'approcha dans son dos et on lui tapota sur l'épaule. Se retournant, il vit Anthelia qui le regardait, sourcil levé.

« Theli, que me vaut l'honneur ?

- Je t'ai laissé tirer au flanc une bonne partie de la journée, mais je te rappelle que tu m'as demandé de faire de toi un tatoueur. Alors il est temps de se remettre au travail mon grand, dit-elle avec un air autoritaire trahi par son sourire en coin. Désolé Yliria, mais je dois te l'emprunter. Il va avoir son premier vrai client.

- Mais, et le tatouage sur l'épaule de Trevan ? s'interrogea le jeune homme en regardant le marin qu'il avait tatoué il n'y avait même pas deux semaines et qui grimpait aux cordages.

- C'était un petit tatouage de rien du tout. Là, on attaque le dur ! »

Akihito se fit entraîner par Anthelia dans son sillage, le tirant par le bras avec la bénédiction d'Yliria. Qui eut dans la foulée une demande, celle d'assister à un tatouage, par pure curiosité. Le tatoueur hocha la tête.

« Bien sûr, suis-nous. »

Le trio se dirigea vers le pont supérieur, où d'autres marins les attendaient. L'un d'eux s'avança vers lui, et il le reconnut sans problème. Narem, l'elfe bleu qu'il avait sauvé de la noyade lors de la tempête de son premier voyage, avait décidé de se faire tatouer. Les deux hommes plaisantèrent, échangeant quelques souvenirs où Akihito apprit notamment avec plaisir que ce dernier avait mis la main sur une gourde de Rougette. Puis la discussion prit un ton plus sérieux. Sous les indications de Narem, le tatoueur esquissa l'ébauche du dessin que le marin voulait qu'on lui tatoue dans le dos. Une vague s'enroulant autour d'un trident, qui s'étendrait tout le long de sa colonne vertébrale. Pris d'une poussée d'inspiration, il dessina s'enroulant dans l'autre sens une figure serpentine correspondant à s'y méprendre à un Drakarn, mais sans les pattes.

« C'est parfait ! s'exclama l'elfe en voyant le dessin que lui proposait Akihito.

- Content que ça te plaise. Je pense en avoir pour au moins trois heures... Sammy, tu peux aller demander au capitaine si on va avoir une mer calme sur ce laps de temps ? »

Le mousse fila et revint avec une réponse affirmative pour les deux prochaines heures, mais au delà, il ne pouvait rien affirmer. Consultant Anthelia du regard, cette dernière hocha la tête.

« Ok, on commence. »

On étala plusieurs couvertures et Narem s'allongea dessus, dos nu. Akihito put observer le dos musclé du marin qui avait passé sa vie sur le navire. Lentement, il passa ses mains dessus pour en tâter la peau, l'épaisseur. La peau des Earions était légèrement plus élastique que celle des humains, mais pas plus épaisse : il allait donc devoir taper plus fort pour en percer l'élasticité, mais pas trop pour ne pas aller trop loin. Ces informations prisent en compte, il massa lentement la zone autour de la colonne vertébrale, particulièrement fine. Le tatouage allait déjà être délicat, il ne voulait pas non plus être gêné par les muscles sous la peau. Il infusa au passage une partie de ses fluides pour détendre les muscles, et sentit clairement le marin se détendre sous ses doigts. Portant la main à la sacoche qu'Anthelia lui avait apporté, il en tira deux aiguilles translucides protégées par un petit coffret de bois, se saisit du petit maillet et lentement, commença à faire ses séries de points pour faire les contours du tatouage. Les premiers points furent un peu douloureux pour Narem qui se crispa une ou deux fois, mais une fois que le tatoueur eut pris le coup de main, il se calibra et commença progressivement à accélérer. Sous ses doigts, le trident se révéla, aux teintes dorées. Les trois pointes furent aiguisées par les aiguilles, encadrées par les omoplates. De la gauche, une tête serpentine prit forme : une peau écailleuse d'un bleu plus profond que la peau de l'elfe, deux cornes ocre, et une rangée d'épines dorsales qui parcoururent le dos du Drakarn qui s'enroula progressivement autour du manche, avant de se fondre avec lui à son extrémité. De cette même extrémité, une vague se développa et tourna telle une hélice autour de l'arme, prenant de l'ampleur pour finir en une mousse d'écume intimidante sur l'omoplate opposée.
Tout cela, Akihito le réalisa dans un calme absolu qu'il s'imposa, isolant tout bruit autour de lui. Le roulis de la mer sous le bateau ne le désarçonna pas une seule fois, habitué qu'il était après avoir fait ses premiers essais de tatouage sur le même navire. Quant enfin, il eu finit, il se mit peu à peu reprendre conscience du monde qui l'entourait. Le bruit des vagues contre la coque, l'odeur de l'air marin, la sueur sur son front après pas moins de trois heures de tatouages intensifs. Il se tourna vers Anthelia, Yliria et les autres marins, désireux de connaître leur avis.

« Fiouuu... Alors ? Verdict ?

- Je trouve ça magnifique...

- La petite a raison. Bien joué, Monsieur le Héros. »

Akihito se releva et s'étira, les muscles des jambes endoloris. Puis il aida Narem à se relever.

« Fais attention pour ce soir. Dors sur le ventre pour pas que ça s'infecte ou quoi que ce soit.

- Je ferais attention. Merci Akihito !

- Ne me remercie pas, tu n'as pas encore vu le résultat.

- Peut-être, mais à entendre les réactions des autres, ça doit être exceptionnel. »

Akihito fut touché par le compliment, avant de sentir une pression sur sa joue, une pression familière.

« Bravo pour ce premier tatouage Aki. »

Se retournant vers Anthelia, il l'embrassa rapidement en réponse, content que tout le monde soit ravi de ce qu il avait fait.

« Je suis un vrai tatoueur désormais ?

- Mmh... On va dire que oui ! »

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Akihito
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Re: La Slive (X1)

Message par Akihito » sam. 9 janv. 2021 18:45

Dans le chapitre précédent...

Troisième Arc : Encre de feu, Ancre de sang.

Chapitre XVII : Autour d’un repas.

Rapidement tout les marins sauf un Narem fraîchement tatoué se dispersèrent pour retourner à leurs postes, sous les ordres incisifs du capitaine Croane. Yliria alla aussi s'isoler à la proue, laissant les deux amants seuls.

« Alors... je suis un vrai tatoueur, désormais ?

- Et oui. Tu peux toujours t'améliorer, mais tu peux aussi tatouer quelqu'un en affirmant que je suis ta professeure sans que j'en tire aucune honte. »


La réplique malicieuse de la tatoueuse fit rire le jeune homme qui enlaça la jeune femme. Ils restèrent plusieurs longues minutes ainsi, profitant chacun de la chaleur de l'autre.

« ... Tu m'as manquée.

- Toi aussi.

- J'aurais voulu t'emmener, je te le jure... Mais cette enflure ne m'a pas laissé vraiment le choix.

- Je sais... Quand tu as disparu avec ce message, j'ai retourné Oranan pour te retrouver. Et quand j'ai appris que ta maison avait brûlé... J'ai eu vraiment peur, tu sais ?

- Désolé... » murmura Cherock en enfonçant son nez dans le cou de la jeune femme, qui se serra elle aussi plus fort contre lui. Son odeur lui avait manqué, plus qu'il ne l'aurait imaginé. C'était une sensation enivrante, douce et agréable, qu'il ne voulait quitter pour rien au monde maintenant qu'il la retrouvait.

« Ta mère est... Énergique, finit par dire dans un petit rire la jeune femme.

- Notre relation est une belle nouvelle pour elle. Ca lui permet de penser à autre chose.

- Et qu'est-ce que tu lui as dit à mon sujet ? On dirait qu'elle sait déjà tout de moi...


- Oh, pas grand-chose. Juste que tu avais un caractère bien trempé et que tu n'hésitais pas à m'en coller une quand tu n'étais pas contente, comme au temple de Valyus.

- Tu as failli MOURIR, abruti ! Encore heureux que je me sois énervée ! »

Cherock ne put s'empêcher de sourire à son ton indigné et déposa un baiser sur ses lèvres, qu'Anthelia dévora avec plus d'avidité que son comportement le laissait paraître. Savoir qu'il lui avait manqué autant lui procurait une certaine fierté.
La cloche annonçant le repas retentit, et Anthelia se sépara à regret de ses lèvres pour l'entraîner vers la ligne qui déjà se formait devant la porte de laquelle Vulin allait surgir armé de sa marmite de nourriture. Jetant un œil en arrière, Cherock aperçut Yliria qui s'amusait toujours avec ses fluides. Aussi dit-il à Anthelia de partir sans lui : la semi-shaakte ne connaissait pas la signification de la cloche, aussi devait-il lui expliquer. La tatoueuse acquiesça et partit devant sans lui, non sans laisser ses doigts traîner sur son bras et laissant donc une délicieuse sensation sur sa peau qui le fit frissonner. Cherock rejoignit ensuite la semi-shaakte qui commençait à chuter en arrière, comme déséquilibrée. D'une rapide foulée, il la rattrapa avant qu'elle ne tombe trop violemment sur le pont et ne se fasse mal, la réceptionnant dans ses bras. Suivant son regard surpris braqué vers le ciel, il vit un petit arc-en-ciel les surplomber. Était-ce de son fait ? Il n'en était pas certain, ne voyant pas vraiment le rapport entre ses fluides et une manifestation céleste de la sorte.

« Fait attention à toi Yliria, t'aurais pu te faire mal. Tu viens manger ? La cloche annonce le repas ici.

- Ah.. D'accord. Merci de m'avoir rattrapé. »

Cherock secoua la tête en souriant, lui faisant comprendre qu'elle n'avait pas à le remercier pour si peu. Ensembles, ils rejoignirent la file d'attente pour manger, munis d'une écuelle qui étaient mises à disposition dans une grosse bassine de bois. Le repas n’était pas très appétissant visuellement, mais l'enchanteur savait que la cuisine de l'Earion Vulin cachait bien son jeu. Aussi, quand il alla rejoindre suivit d'Yliria, il se fit un devoir de faire un sort à son repas.

(Je ne sais pas comment ce type fait, mais il maîtrise les épices comme un dieu.)

De même, il en profita pour observer les membres de son groupe : Frans et sa mère étaient dans une grande discussion, sûrement leur âge qui les avait rapprochés puisque le fulguromancien devait avoir deux, peut-être trois ans de plus qu'Elena. Tendant l'oreille, il se désintéressa bien vite de la conversation qu'ils avaient, tournée vers leur enfance respective et les différences. Anthelia semblait elle intéressée par cette dernière, aussi se tourna-t-il vers Yliria qui le surprit en poussant son repas vers lui.

« Je te l'offre, t'as l'air d'aimer ça. C'est bon, mais j'ai généralement peu d'appétit. Je me demandais, comment as-tu connu le capitaine de la Silve pour qu'il t'accepte ainsi à son bord et fasse demi-tour à ta demande ? C'est assez... Inhabituel. »

Cherock haussa un sourcil. Elle n'était pas bien grande et devait sûrement avoir besoin de manger moins que lui. Mais à la vue de ce qu'elle avait mangée... C'était relativement peu, même pour elle. Il hésita à le faire remarquer, mais se ravisa. Elle n'avait peut-être pas faim ce soir, tout simplement. Il se promit néanmoins de faire attention à ça, et répondit à sa question.

« Mmmh... Au début, c'était simplement celui qui devait nous emmener moi et Anthelia à la recherche de Frans. Mais au cours du voyage, j'ai plus ou moins sauvé deux de ses marins, le jeune mousse et l'elfe que j'ai tatoué. Ah, et je les ai aidés à abattre un Drakarn. Une sacrée bestiole, même si de ce que le capitaine m'a dit, elle aurait servi de cure-dent à ton truc, là. La Klakhyss ? Le claquos ? 'Fin le truc que tu as transformé en épée et en bouclier. »

La jeune fille rit, avec un rire léger qui était bien plus seyant. Sa description de crevette mort vivante géante le fit sourire, mais c'est ce qu'elle dit ensuite qui attira son attention. Tanaëth. Est ce qu'elle parlait du même Tanaëth que celui qui l'avait accueilli à Nessima ? Il répondit distraitement à sa question avant de rediriger la discussion sur la curiosité de sa phrase.

« Je n'ai quitté Nirtim qu'une seule fois, et ça n'a pas été un souvenir très agréable. J'ai d'ailleurs rencontré un certain Tanaëth, dans la ville de Nessima en Naora. Est ce qu'il serait possible que...?

- Tanaëth'tar Ithil ? Si c'est lui, le monde est petit... Mais qu'es-tu allé faire à Nessima ? Et comment y es-tu entré surtout, moi j'ai vraiment eu du mal à poser un orteil en ville ! J'imagine que c'est ça, ton souvenir peu agréable, d'aller à Nessima ?

- C'est bien de lui dont je parle... Et si j'ai aussi eu du mal à y entrer, j'ai eu encore plus de mal à en sortir. Quant à la raison de ma présence là-bas, tu te souviens de la personne qui me devait un service pour aller chercher l'épave de Tali ? Eh bien c'est elle qui voulait que je remette un présent de mariage à la femme de Tanaëth. J'ai joué les coursiers et j'ai failli y laisser ma peau...

- Quelle idée d'envoyer un humain au Naora pour cette raison... se lamenta presque la jeune fille, tirant une moue fataliste à l'enchanteur.

- Mais toi, qu'est-ce que tu fichais là-bas aussi ?

- Moi c'est... Je me suis rendu à Kers pour trouver un artefact et j'avais ensuite pour mission de remettre une lettre à Tanaëth et de rencontrer les elfes bruns vivant dans le désert.

- On a tous les deux étés des indésirables à Nessima il semblerait. Être chassé et traqué à vue dans les rues, ce n'est pas la panacée. »

La discussion ne passa pas inaperçue et bientôt, Frans s'intéressa à la semi-shaakte. Il était le seul à ne pas avoir parlé avec la jeune fille, et il entendait bien y remédier avec un regard curieux.

« Eh bien jeune fille, il semblerait que nous n'ayons pas été présentés. Je suis Frans, messager de Foudre et mentor du jeune Cherock. Et vous êtes...? »

Yliria fut prise au dépourvue, tout comme Cherock. Mais il laissa la discussion se dérouler, intéressé par ce qu'Yliria pouvait bien vouloir dire par "Danseuse". Frans ne se fit pas prier pour poser la question qui brûlait les lèvres de Cherock.

« Un messager de la Foudre, ma chère, est un agent des temples de Valyus, le dieu de la foudre, chargé de faire le lien entre les différents temples et lieux de cultes. Que ce soit pour porter des lettres ou d'autres chargements plus sensibles.

- Eh bien ça Frans, vous ne m'en aviez pas parlé ! s'exclama d'un air faussement indigné Elena.

- Il faut bien savoir ménager ses secrets. Quant à vous, vous disiez être une danseuse, mais vous n'avez pas fini votre phrase. Serait-ce trop impoli de vous demander plus de précision dessus ?

- Danseuse d'Opale. Rien à voir avec la danse, c'est plus... Une organisation martiale, bien que j'ai été danseuse sous la direction de Lichia à Exech... Enfin c'est compliqué à expliquer... Un peu comme une armée, mais qui lutte pour l'équilibre, contre Oaxaca, ce genre de choses... Je suis pas douée pour expliquer...

- Mmmh les Danseurs d'Opale.. Une organisation somme toute assez mystérieuse. »

Frans débattit un temps avec la jeune fille sur ce fameux groupe, qu'il connaissait apparemment. Cherock les écouta, lui n'ayant entendu que parler de ce groupe parce que Tanaëth en était un membre imminent. Mais il n'avait pas vraiment eu le temps d'aborder ce point avec lui. Anthelia se pencha vers lui et lui murmura que la semi-shaakte, contrairement à ce qu'elle craignait, n'avait pas l'air si méchante que ça.

« Méchante, non, mais loin d'être inoffensive, tu peux me croire.

- Tu as aussi parlé de Lichia Yliria - tu me permets de t'appeler par ton prénom ? -. C'est bien Lichia Vela ? demanda-t-il avant de hocher la tête d'un air convaincu. Je la connais bien, j'ai souvent eu à faire dans le temple de Valyus d'Exech. Une femme remarquable, tu t'es trouvé une professeure en pyromancie comme il en existe peu.

- Techniquement, c'est elle qui m'a trouvé au milieu du désert. Elle a fait de moi son apprentie, m'a appris la danse, à maîtriser ma magie et mes pouvoirs d'enchanteresse. Je ne savais pas qu'elle était connue. Enfin en dehors de sa réputation au Cirque je veux dire. D'ailleurs ... ajouta la jeune fille en se tournant vers le couple de tatoueurs. Si vous avez l'occasion, allez voir un spectacle au Cirque, c'est quelque chose qui mérite d'être vu au moins une fois.

- Pas connue ? J'imagine qu'elle a sans doute omis de te dire que c'était une Maîtresse Magicienne de feu, soit l'une -si ce n'est la- pyromancienne la plus puissante de Yuimen. »

Cherock, bien que très curieux à propos de ce fameux Cirque, mit de côté sa question pour en poser une autre.

« Vous disiez être un ancien Maître Magicien vous aussi, Frans. Mais qu'est-ce que c'est, au juste ? Ça semble être plus qu'un simple titre.

- En théorie, ce n'est qu'un titre, oui, commença le mage avec ses intonations de professeur qu'il prenait à chaque fois qu'il expliquait quelque chose. Mais dans les faits, ce sont aussi eux qui poussent la magie de leurs derniers retranchements, cherchant à magnifier les sorts qu'ils utilisent. Tu verras Cherock, arrivera un moment où tu rencontreras un mur dans ta progression de la fulguromancie. Et tu devras te mettre à la recherche des Maîtres fulguromanciens si tu souhaites aller plus loin, car eux seuls seront capable de te guider.

- il en existe beaucoup ? intervint Yliria.

- une poignée seulement : il doit y avoir deux ou trois Maîtres magiciens par fluide tout au plus, cela demande un talent et un investissement hors du commun. Dans mon cas, j'avais le talent et l'Ordalie pour moi, mais j'ai préféré ne pas me restreindre à l'étude de la magie d'une manière si profonde.

- L'Ordalie ? »

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Akihito
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Re: La Slive (X1)

Message par Akihito » sam. 9 janv. 2021 18:47

Dans le chapitre précédent...

Troisième Arc : Encre de feu, Ancre de sang.

Chapitre XVII : Autour d’un repas.

Rapidement tout les marins sauf un Narem fraîchement tatoué se dispersèrent pour retourner à leurs postes, sous les ordres incisifs du capitaine Croane. Yliria alla aussi s'isoler à la proue, laissant les deux amants seuls.

« Alors... je suis un vrai tatoueur, désormais ?

- Et oui. Tu peux toujours t'améliorer, mais tu peux aussi tatouer quelqu'un en affirmant que je suis ta professeure sans que j'en tire aucune honte. »


La réplique malicieuse de la tatoueuse fit rire le jeune homme qui enlaça la jeune femme. Ils restèrent plusieurs longues minutes ainsi, profitant chacun de la chaleur de l'autre.

« ... Tu m'as manquée.

- Toi aussi.

- J'aurais voulu t'emmener, je te le jure... Mais cette enflure ne m'a pas laissé vraiment le choix.

- Je sais... Quand tu as disparu avec ce message, j'ai retourné Oranan pour te retrouver. Et quand j'ai appris que ta maison avait brûlé... J'ai eu vraiment peur, tu sais ?

- Désolé... » murmura Akihito en enfonçant son nez dans le cou de la jeune femme, qui se serra elle aussi plus fort contre lui. Son odeur lui avait manqué, plus qu'il ne l'aurait imaginé. C'était une sensation enivrante, douce et agréable, qu'il ne voulait quitter pour rien au monde maintenant qu'il la retrouvait.

« Ta mère est... Énergique, finit par dire dans un petit rire la jeune femme.

- Notre relation est une belle nouvelle pour elle. Ca lui permet de penser à autre chose.

- Et qu'est-ce que tu lui as dit à mon sujet ? On dirait qu'elle sait déjà tout de moi...


- Oh, pas grand-chose. Juste que tu avais un caractère bien trempé et que tu n'hésitais pas à m'en coller une quand tu n'étais pas contente, comme au temple de Valyus.

- Tu as failli MOURIR, abruti ! Encore heureux que je me sois énervée ! »

Akihito ne put s'empêcher de sourire à son ton indigné et déposa un baiser sur ses lèvres, qu'Anthelia dévora avec plus d'avidité que son comportement le laissait paraître. Savoir qu'il lui avait manqué autant lui procurait une certaine fierté.
La cloche annonçant le repas retentit, et Anthelia se sépara à regret de ses lèvres pour l'entraîner vers la ligne qui déjà se formait devant la porte de laquelle Vulin allait surgir armé de sa marmite de nourriture. Jetant un œil en arrière, Akihito aperçut Yliria qui s'amusait toujours avec ses fluides. Aussi dit-il à Anthelia de partir sans lui : la semi-shaakte ne connaissait pas la signification de la cloche, aussi devait-il lui expliquer. La tatoueuse acquiesça et partit devant sans lui, non sans laisser ses doigts traîner sur son bras et laissant donc une délicieuse sensation sur sa peau qui le fit frissonner. Akihito rejoignit ensuite la semi-shaakte qui commençait à chuter en arrière, comme déséquilibrée. D'une rapide foulée, il la rattrapa avant qu'elle ne tombe trop violemment sur le pont et ne se fasse mal, la réceptionnant dans ses bras. Suivant son regard surpris braqué vers le ciel, il vit un petit arc-en-ciel les surplomber. Était-ce de son fait ? Il n'en était pas certain, ne voyant pas vraiment le rapport entre ses fluides et une manifestation céleste de la sorte.

« Fait attention à toi Yliria, t'aurais pu te faire mal. Tu viens manger ? La cloche annonce le repas ici.

- Ah.. D'accord. Merci de m'avoir rattrapé. »

Akihito secoua la tête en souriant, lui faisant comprendre qu'elle n'avait pas à le remercier pour si peu. Ensembles, ils rejoignirent la file d'attente pour manger, munis d'une écuelle qui étaient mises à disposition dans une grosse bassine de bois. Le repas n’était pas très appétissant visuellement, mais l'enchanteur savait que la cuisine de l'Earion Vulin cachait bien son jeu. Aussi, quand il alla rejoindre suivit d'Yliria, il se fit un devoir de faire un sort à son repas.

(Je ne sais pas comment ce type fait, mais il maîtrise les épices comme un dieu.)

De même, il en profita pour observer les membres de son groupe : Frans et sa mère étaient dans une grande discussion, sûrement leur âge qui les avait rapprochés puisque le fulguromancien devait avoir deux, peut-être trois ans de plus qu'Hitomi. Tendant l'oreille, il se désintéressa bien vite de la conversation qu'ils avaient, tournée vers leur enfance respective et les différences. Anthelia semblait elle intéressée par cette dernière, aussi se tourna-t-il vers Yliria qui le surprit en poussant son repas vers lui.

« Je te l'offre, t'as l'air d'aimer ça. C'est bon, mais j'ai généralement peu d'appétit. Je me demandais, comment as-tu connu le capitaine de la Silve pour qu'il t'accepte ainsi à son bord et fasse demi-tour à ta demande ? C'est assez... Inhabituel. »

Akihito haussa un sourcil. Elle n'était pas bien grande et devait sûrement avoir besoin de manger moins que lui. Mais à la vue de ce qu'elle avait mangée... C'était relativement peu, même pour elle. Il hésita à le faire remarquer, mais se ravisa. Elle n'avait peut-être pas faim ce soir, tout simplement. Il se promit néanmoins de faire attention à ça, et répondit à sa question.

« Mmmh... Au début, c'était simplement celui qui devait nous emmener moi et Anthelia à la recherche de Frans. Mais au cours du voyage, j'ai plus ou moins sauvé deux de ses marins, le jeune mousse et l'elfe que j'ai tatoué. Ah, et je les ai aidés à abattre un Drakarn. Une sacrée bestiole, même si de ce que le capitaine m'a dit, elle aurait servi de cure-dent à ton truc, là. La Klakhyss ? Le claquos ? 'Fin le truc que tu as transformé en épée et en bouclier. »

La jeune fille rit, avec un rire léger qui était bien plus seyant. Sa description de crevette mort vivante géante le fit sourire, mais c'est ce qu'elle dit ensuite qui attira son attention. Tanaëth. Est ce qu'elle parlait du même Tanaëth que celui qui l'avait accueilli à Nessima ? Il répondit distraitement à sa question avant de rediriger la discussion sur la curiosité de sa phrase.

« Je n'ai quitté Nirtim qu'une seule fois, et ça n'a pas été un souvenir très agréable. J'ai d'ailleurs rencontré un certain Tanaëth, dans la ville de Nessima en Naora. Est ce qu'il serait possible que...?

- Tanaëth'tar Ithil ? Si c'est lui, le monde est petit... Mais qu'es-tu allé faire à Nessima ? Et comment y es-tu entré surtout, moi j'ai vraiment eu du mal à poser un orteil en ville ! J'imagine que c'est ça, ton souvenir peu agréable, d'aller à Nessima ?

- C'est bien de lui dont je parle... Et si j'ai aussi eu du mal à y entrer, j'ai eu encore plus de mal à en sortir. Quant à la raison de ma présence là-bas, tu te souviens de la personne qui me devait un service pour aller chercher l'épave de Tali ? Eh bien c'est elle qui voulait que je remette un présent de mariage à la femme de Tanaëth. J'ai joué les coursiers et j'ai failli y laisser ma peau...

- Quelle idée d'envoyer un humain au Naora pour cette raison... se lamenta presque la jeune fille, tirant une moue fataliste à l'enchanteur.

- Mais toi, qu'est-ce que tu fichais là-bas aussi ?

- Moi c'est... Je me suis rendu à Kers pour trouver un artefact et j'avais ensuite pour mission de remettre une lettre à Tanaëth et de rencontrer les elfes bruns vivant dans le désert.

- On a tous les deux étés des indésirables à Nessima il semblerait. Être chassé et traqué à vue dans les rues, ce n'est pas la panacée. »

La discussion ne passa pas inaperçue et bientôt, Frans s'intéressa à la semi-shaakte. Il était le seul à ne pas avoir parlé avec la jeune fille, et il entendait bien y remédier avec un regard curieux.

« Eh bien jeune fille, il semblerait que nous n'ayons pas été présentés. Je suis Frans, messager de Foudre et mentor du jeune Akihito. Et vous êtes...? »

Yliria fut prise au dépourvue, tout comme Akihito. Mais il laissa la discussion se dérouler, intéressé par ce qu'Yliria pouvait bien vouloir dire par "Danseuse". Frans ne se fit pas prier pour poser la question qui brûlait les lèvres d’Akihito.

« Un messager de la Foudre, ma chère, est un agent des temples de Valyus, le dieu de la foudre, chargé de faire le lien entre les différents temples et lieux de cultes. Que ce soit pour porter des lettres ou d'autres chargements plus sensibles.

- Eh bien ça Frans, vous ne m'en aviez pas parlé ! s'exclama d'un air faussement indigné Hitomi.

- Il faut bien savoir ménager ses secrets. Quant à vous, vous disiez être une danseuse, mais vous n'avez pas fini votre phrase. Serait-ce trop impoli de vous demander plus de précision dessus ?

- Danseuse d'Opale. Rien à voir avec la danse, c'est plus... Une organisation martiale, bien que j'ai été danseuse sous la direction de Lichia à Exech... Enfin c'est compliqué à expliquer... Un peu comme une armée, mais qui lutte pour l'équilibre, contre Oaxaca, ce genre de choses... Je suis pas douée pour expliquer...

- Mmmh les Danseurs d'Opale.. Une organisation somme toute assez mystérieuse. »

Frans débattit un temps avec la jeune fille sur ce fameux groupe, qu'il connaissait apparemment. Akihito les écouta, lui n'ayant entendu que parler de ce groupe parce que Tanaëth en était un membre imminent. Mais il n'avait pas vraiment eu le temps d'aborder ce point avec lui. Anthelia se pencha vers lui et lui murmura que la semi-shaakte, contrairement à ce qu'elle craignait, n'avait pas l'air si méchante que ça.

« Méchante, non, mais loin d'être inoffensive, tu peux me croire.

- Tu as aussi parlé de Lichia Yliria - tu me permets de t'appeler par ton prénom ? -. C'est bien Lichia Vela ? demanda-t-il avant de hocher la tête d'un air convaincu. Je la connais bien, j'ai souvent eu à faire dans le temple de Valyus d'Exech. Une femme remarquable, tu t'es trouvé une professeure en pyromancie comme il en existe peu.

- Techniquement, c'est elle qui m'a trouvé au milieu du désert. Elle a fait de moi son apprentie, m'a appris la danse, à maîtriser ma magie et mes pouvoirs d'enchanteresse. Je ne savais pas qu'elle était connue. Enfin en dehors de sa réputation au Cirque je veux dire. D'ailleurs ... ajouta la jeune fille en se tournant vers le couple de tatoueurs. Si vous avez l'occasion, allez voir un spectacle au Cirque, c'est quelque chose qui mérite d'être vu au moins une fois.

- Pas connue ? J'imagine qu'elle a sans doute omis de te dire que c'était une Maîtresse Magicienne de feu, soit l'une -si ce n'est la- pyromancienne la plus puissante de Yuimen. »

Akihito, bien que très curieux à propos de ce fameux Cirque, mit de côté sa question pour en poser une autre.

« Vous disiez être un ancien Maître Magicien vous aussi, Frans. Mais qu'est-ce que c'est, au juste ? Ça semble être plus qu'un simple titre.

- En théorie, ce n'est qu'un titre, oui, commença le mage avec ses intonations de professeur qu'il prenait à chaque fois qu'il expliquait quelque chose. Mais dans les faits, ce sont aussi eux qui poussent la magie de leurs derniers retranchements, cherchant à magnifier les sorts qu'ils utilisent. Tu verras Akihito, arrivera un moment où tu rencontreras un mur dans ta progression de la fulguromancie. Et tu devras te mettre à la recherche des Maîtres fulguromanciens si tu souhaites aller plus loin, car eux seuls seront capable de te guider.

- il en existe beaucoup ? intervint Yliria.

- une poignée seulement : il doit y avoir deux ou trois Maîtres magiciens par fluide tout au plus, cela demande un talent et un investissement hors du commun. Dans mon cas, j'avais le talent et l'Ordalie pour moi, mais j'ai préféré ne pas me restreindre à l'étude de la magie d'une manière si profonde.

- L'Ordalie ? »

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