Attention, scènes pouvant heurter certaines sensibilités.
Face à ma charge brutale, l'Ithilauster se lève précipitamment et extirpe un long bâton de métal noir de derrière le fauteuil où il était assis. Plus qu'un simple bâton, c'est une arme redoutable possédant une extrémité en pointe effilée et l'autre constituée d'un croissant de lune tranchant sur tout son pourtour. Bien utilisée elle confère une allonge indécente, d'autant plus qu'elle est à la taille de mon ennemi qui mesure près d'une tête de plus que moi. Richement vêtu d'une robe aux différentes teintes de bleu et brodée d'argent, il arbore une large ceinture entremêlant l'or et l'argent, sertie d'une grosse gemme couleur rubis. Des brassards, des épaulettes et un diadème de mêmes teintes et tout aussi fastueux complètent son équipement. Averenn est riche, puissant, et aime par dessus tout à le montrer. Il est rapide, aussi, car il parvient à esquiver souplement la dangereuse courbe de ma Vorpale visant à le décapiter. Rien dans son apparence ne laisse entrevoir la moindre surprise, ni le moindre doute, l'enfoiré a son éternel sourire vicieux et méprisant aux lèvres...
(Super... il s'y attendait...), grommelé-je intérieurement, déçu de n'être pas parvenu à le prendre au dépourvu et inquiet de mon état de relative faiblesse.
(Concentre-toi!)
Mieux vaudrait, en effet, car déjà la fine pointe de l'arme de mon ennemi fuse en direction de mon aine, parfaitement positionnée pour s'enfoncer au défaut de l'armure. J'abaisse vivement mon bouclier et l'incline de manière à faire glisser la frappe sur la gauche, ce qui ouvrirait une faille pour ma Vorpale. Ma parade est parfaite mais, alors que je lance ma blanche tueuse en direction de sa cuisse, je réalise que le croissant de lune revenant à toute allure sur une trajectoire biaisée m'atteindra en pleine tête une fraction de seconde avant que je ne touche. Dieux! Je me baisse fébrilement et ramène mon arme contre moi en me ramassant le plus possible, non sans frémir en sentant le coup me frôler le crâne de si près que j'en sens le courant d'air. Ce que mon adversaire n'a pas l'air d'avoir compris, c'est que je viens de m'ouvrir un chemin royal vers sa gorge. Je me redresse sèchement en bondissant vers lui, remontant férocement ma lame Shaakte pour la lui planter sous la mâchoire, mais le maudit parvient à parer partiellement la vicieuse technique Thorkine que je viens d'employer au moyen de son brassard gauche. Partiellement car, dans l'histoire, ma Vorpale ripe en crissant sur sa protection et lui entaille rudement le haut du bras.
Du coin de l'oeil, j'aperçois Sylënn qui s'écarte précipitamment, puis l'entends jurer et interdire à ses gardes d'intervenir; un ordre qu'entend également mon ennemi car il s'exclame alors agressivement tout en s'efforçant de se mettre hors de portée de ma lame, les traits crispés de douleur:
"Traîtresse! Tu me le paieras, sale petite pute!"
L'insulte doit ravir mon épouse, la connaissant, mais je n'ai pas vraiment le temps de m'en assurer : il faut à tout prix que je colle aux basques de ce damné prêtre pour l'empêcher de bénéficier de sa mortelle allonge. Je bondis sauvagement sur lui, bien déterminé à l'empaler proprement, mais la vermine est plus rapide que moi et je me retrouve soudain pris de la plus incompréhensible manière dans une véritable tempête de grêle! Force m'est d'interrompre ma charge et de protéger ma tête des glaciaux projectiles au moyen de mon bouclier. Cela n'empêche pas que certains me percutent rudement, plus douloureux qu'ils ne le devraient au vu de leur taille, mais le plus ennuyeux est que je n'y vois quasiment plus rien.
(Charogne de magie) juré-je intérieurement en reculant hâtivement pour essayer de me soustraire aux sales petites boules de glace qui flagellent chaque parcelle non protégée de mon corps et m'engourdissent vicieusement! Malheureusement pour moi, je bute contre un fauteuil dans ma retraite précipitée et m'affale lourdement par terre dans un fracas de ferraille et de bois brisé. Je tente frénétiquement de me relever mais, étant allongé sur le dos, je suis bien trop exposé aux grêlons qui ne cessent de pleuvoir et me dévastent le visage. Grondant de douleur, je me protège une fois de plus de mon bouclier pour limiter la casse, mais la létale averse cesse presque aussitôt et déjà mon puissant ennemi brandit son bâton de noir métal dans ma direction, prêt à lancer un nouveau sortilège visiblement. Plutôt que de poursuivre ma tentative de me remettre debout, je roule rageusement sur le côté, emportant avec moi une table basse dont l'un des coins me rentre douloureusement dans le dos. Je cille en voyant une espèce de gros pic de glace surgi de nulle part s'écraser pile à l'endroit où je me tenais une fraction de seconde plus tôt, un coup qui m'aurait salement ébranlé si je n'étais fort heureusement parvenu à l'esquiver. Reste que ma position est mauvaise, foutrement mauvaise...et mon adversaire n'en a que trop conscience car il ricane et demande d'un ton perfide:
"Alors, vermine, un dernier mot pour la postérité?"
Je me contente d'un affreux juron en guise de réponse et me démène pour me dégager des meubles et me relever, mais l'enfoiré ne m'en laisse pas le temps et un nouveau sortilège s'abat sur moi, engourdissant si totalement mon bras d'arme que ma Vorpale s'échappe de mes doigts congelés! La mort dans l'âme, j'essaye désespérément de la récupérer tout en tentant encore de me redresser, mais je suis douloureusement conscient que cela me prendra trop de temps et qu'Averenn aura tout loisir d'en profiter. Il n'y manque évidemment pas et, cette fois, tente de me percer violemment l'abdomen au moyen de l’extrémité pointue de son arme. Je la dévie in extremis d'une parade de mon bouclier, mais je sais que je ne fais plus que retarder l'inéluctable; mon ennemi est trop expérimenté pour me laisser la moindre chance, et moi j'ai été trop affaibli par les combats précédents pour être en mesure de rivaliser avec sa terrifiante puissance. Je m'en doutais, à dire vrai, mais que pouvais-je faire d'autre? Fuir la queue entre les jambes et laisser Llyann entre ses mains sadiques? Le laisser s'en tirer une fois de plus en toute impunité? Non, je préfère largement crever honorablement plutôt que de passer quelques millénaires à regretter de n'avoir rien tenté. L'idée de mourir ne m'effraye plus depuis belle lurette, trop de fois je l'ai côtoyée de si près que j'ai pu sentir son souffle putride sur mon visage. Tout est bien, je pourrai soutenir le regard de Sithi sans rougir de honte et c'est tout ce qui compte.
Le sombre bâton de ce Sindel que j'aurais tant désiré abattre trace une létale arabesque dans les airs, un coup qui mettra un terme à ma route, je le sais, mais que je ne peux m'empêcher de trouver magnifique tant il est parfaitement exécuté. Mon instinct voudrait que je ferme les yeux pour ne pas le voir m'atteindre, mais je résiste à la tentation: ma mort c'est en la regardant droit dans les yeux que je veux l'accueillir, droit et fier jusqu'au bout, à l'instar de mon prestigieux ancêtre qui donna sa vie pour permettre aux Sindeldi de fuir Eden.
(Adieu Sindalywë... ne m'oublie pas...)
Une totale incompréhension me saisit un infime instant plus tard: l'attaque mortelle me loupe d'un bon pied, heurtant bruyamment le sol en lieu et place de ma gorge exposée!
(Mais... que...)
Il me faut une longue seconde pour réaliser, totalement incrédule, la raison de cet échec: du ventre de l'Ithilauster dépasse la pointe effilée d'une lame. Abasourdi, je contemple comme un demeuré la tache de sang qui va en s'élargissant, souillant la belle robe du maudit qui, pas plus que moi, ne saisit ce qui lui arrive.
"Alors, salopard, tu te souviens de moi? De ce que tu m'as fait subir? Crève, ordure!"
Bon sang! Sylënn! C'est Sylënn qui vient de lui planter sa lame dans le dos! Le visage totalement fermé, les prunelles irradiant d'une haine mortelle, elle dégage brutalement son arme et propulse l'Ithilauster agonisant à terre d'un coup de pied méprisant avant de me dévisager d'un air plus sombre que les entrailles de Sanssitr:
"C'est bien ce que tu espérais en me prévenant, non?"
"Quoi?! Mais...non! Pas du tout, je...", bégayé-je avec la plus grande perplexité.
"La ferme! Ne me mens pas! Tu es aussi manipulateur que lui! Ma carrière est foutue et c'est par ta faute!"
Je me relève en grimaçant de douleur, une expression de profond dégoût sur le visage, puis la fixe avec une sourde colère:
"Je n'ai jamais voulu ça, bordel! Tu le sais très bien! Quant à ta carrière, c'est ton excuse pour l'avoir laissé te violer sans rien dire, sans rien faire?! Si tu avais eu une once de courage mes parents seraient encore en vie! Mes amies seraient encore en vie! Alors ne viens pas me faire la morale par Sithi!"
Sous les yeux effarés des deux gardes toujours immobiles, une monumentale gifle qui manque de peu me renvoyer au sol récompense mes paroles malheureuses, assez percutante pour que je réalise amèrement ce que je viens de dire. Mes paroles ont dépassé ma pensée, et de loin, si bien que c'est en m'empourprant de honte - et en frottant ma joue endolorie - que j'ajoute dans un murmure:
"Désolé, je... je ne voulais pas..."
"Tire-toi! Dégage ou par Sithi je te démolis séance tenante! Je ne veux plus te voir, jamais", gronde-t-elle en tremblant légèrement de rage.
"Eh bien vas-y, qu'attends-tu? Je ne m'en irai pas, alors de deux choses l'une: tu m'achèves, ou tu te calmes fissa et tu m'écoutes. Choisis, mais fais vite, j'en ai ma claque pour aujourd'hui", lui rétorqué-je durement en la défiant du regard.
La belle Sindel esquisse le geste qui m'abattra, mais elle parvient de justesse à se contenir et jure copieusement avant de lâcher avec une profonde amertume:
"T'écouter? A quoi bon, tu mens comme tu respires. Mais vas-y toujours, au point où nous en sommes..."
"Allez-vous en, tous les trois", dis-je en désignant les deux gardes d'un signe du menton avant d'ajouter:
"Vous n'avez rien vu, il ne s'est rien passé. Vous êtes venus et vous avez quitté Averenn en parfaite santé, voilà ce que vous direz si on vous interroge."
"Tu te fous de moi? Tu crois que je vais fuir mes responsabilités? C'est moi qui l'ai tué", s'exclame-t-elle avec colère en pointant un doigt sur l'Ithilauster toujours agonisant.
"Oh que non, il vit encore et sa vie m'appartient. Mais cela, personne n'en saura jamais rien."
Du moins je l'espère...
"Et comment comptes-tu justifier ce carnage?"
"Je ne le justifierai pas. Ce qui s'est passé ici restera un mystère, il n'y aura aucun témoin, nous seuls savons."
"Mais... comment..." entreprend-t-elle de me questionner avec perplexité, mais je la coupe d'une voix lasse:
"Laisse-moi le comment et allez-vous en, maintenant, je te retrouverai chez nous. Fais-moi confiance une fois encore, je t'expliquerai tout lorsque nous nous retrouverons."
Sylënn hésite longuement, me scrutant intensément de son pâle et perçant regard, puis elle finit par hausser les épaules et essuie soigneusement sa lame ensanglantée avant de la rengainer:
"Soit. Mais mets-toi bien ça dans le crâne: mens-moi encore ne serait-ce qu'une fois et ce sera la dernière."
Sans me laisser le temps de répondre, elle se détourne et se dirige vers la sortie en faisant signe à ses gardes, visiblement eux aussi plongés dans la plus grande perplexité, de la suivre. Réprimant un soupir de soulagement, j'attends patiemment que tous trois aient disparus, puis je m'accroupis auprès de mon ennemi:
"Regarde-moi, connard!"
Son regard voilé de souffrance se détournant, je lui assène un rude coup de poing en pleine figure puis saisis rageusement son menton pour l'obliger à me faire face:
"Je t'ai dit de me regarder, enfoiré! Veyann et Maeyl'tar Ithil ça te dit quelque chose? Non? Regarde-moi bordel de dieux!"
Je me défais de mon bouclier d'un geste colérique et referme mes mains autour de sa gorge, l'empêchant de fuir mes prunelles emplies de haine:
"Et Jaëlle, Moraën, tu t'en rappelles, hein? Non? Je m'en fous, en fait. Moi je n'ai pas oublié..."
Sans hâte, les yeux rivés à ceux de mon ennemi, j'accrois la pression sur sa gorge, savourant la terreur que j'y vois poindre. Il tente faiblement de se débattre, le visage de plus en plus rouge à mesure que l'air vient à lui manquer, mais ma prise est solide et je tiens bon. Une mousse sanglante s'échappe de ses lèvres, un soubresaut, un autre encore puis la vie quitte enfin son regard, comme à regret, en une agonie terrible dont je me délecte pourtant comme s'il s'agissait de la plus savoureuse friandise. Je reste ainsi, mains crispées telles des serres sur sa gorge, durant de longues minutes, l'esprit ailleurs. Je ne saurais trop dire si je vis un rêve ou un cauchemar, les deux s'entremêlent indissolublement en mon âme. Tant de morts, tant d'années à le craindre et à errer sans but loin des miens... et pourtant c'est parce que tout ça est arrivé que je suis devenu le Champion de Sithi, que j'ai rencontré Llyann, Isil et tant d'autres personnes merveilleuses. Ombre et lumière, toujours...
Je finis par lâcher le cadavre de l'Ithilauster et me relever en titubant de faiblesse. Mieux vaudrait que je ne m'éternise pas dans les parages, mais il me reste encore quelques petites choses à faire, à commencer récupérer mes armes puis à retrouver Llyann. Seulement, j'ai beau fouiller la demeure de fond en comble, je ne trouve pas trace d'elle.
(Rhâaa, mais c'est pas vrai?! Merde!)
(Il faut que tu partes, Bien-aimé. Si quelqu'un te trouve ici...)
Elle a raison, bien sûr, mais l'idée que mon amie est peut-être mourante dans une pièce que je n'aurais pas trouvé me soulève le coeur. Je poursuivrais bien ma fouille encore un moment, quitte à prendre des risques inconsidérés, mais mes dernières forces sont en train de me lâcher et m'évanouir là n'arrangerait rien. Le moral en berne, j'avale une nouvelle potion de soin, espérant que cela suffira à me donner un peu de temps avant de m'écrouler. Un peu ragaillardi, j'entreprends de récupérer rapidement les valeurs aisément transportables repérées lors de ma perquisition ce qui, compte tenu de l'indécente richesse de mon ennemi, devrait constituer une jolie petite fortune. Une fortune qui me revient de droit, vu qu'elle a en bonne partie été malhonnêtement acquise au détriment de ma Famille, du moins est-ce ainsi que je le vois. Le reste reviendra à Llyann, si tant est qu'elle soit encore en vie, mais je sais qu'elle approuverait ce "pillage"auquel je me livre, sachant fort bien ce que son enflure de père a dérobé à mes parents et donc à moi indirectement. Je n'ai aucune intention de le lui dissimuler, d'ailleurs, mais encore faudrait-il que je la retrouve, pour commencer. Quoi qu'il en soit il est plus que temps pour moi d'aller quérir les soins d'un bon guérisseur mais, alors que je m'apprête à quitter ce qui devait être le bureau du maudit, un grimoire posé sur un petit guéridon attire mon attention:
"Les Reliques Occultes, essai de classification par Nivenn'tar Leäthen". Si je n'ai jamais rencontré ce personnage, je sais en revanche parfaitement qui il est: rien moins que le directeur de l'académie de magie de Xaoranh et, accessoirement, bras droit de Maëren'tar Niaëve, l'actuel Ithil Taerym. Un ouvrage sérieux, donc, sans aucun doute rare et précieux.
(Mmm. Intéressant. Allez, emballons-ça dans un drap avec le reste et en route!)
Je me bricole prestement une espèce de sac à dos avec un drap trouvé dans la chambre voisine et quelques lanières déchirées sur un autre, y fourre le grimoire et les quelques objets précieux que je ne peux glisser dans mes poches puis me dirige d'un pas pressé vers le passage qui m'a amené jusqu'ici. Parvenu au large escalier menant aux caves, je me retourne et focalise ma volonté sur la mystérieuse cape que je porte. J'ai trouvé, lors de mes recherches sur le sujet dans la bibliothèque de l'Aura de Syriën, la citadelle principale de l'Opale, quelques évocations de son pouvoir, toutes étrangement vagues. Et c'est dans ce vague que réside peut-être la clé, du moins à en croire un obscur auteur prétendant que le pouvoir de cette relique serait de répandre une chape d'oubli sur les actes de son porteur. Mythe ou réalité, je ne vais plus tarder à le savoir...
*****
Note GM
-utilisation d'une grande potion de soin
-utilisation de la capa de la cape de Revan: "Le porteur peut décider qu’une action qu'il commet n’ait aucun effet sur sa réputation."