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Ce RP contient des scènes violentes )))
Règlements de comptes :
Je reviens lentement à moi, clignant régulièrement des yeux sans jamais réussir à les garder complètement ouvert, flottant dans les ténèbres. Le sang tambourine violemment dans mes tempes me provoquant de terribles maux de tête. Une lueur aveuglante brille à ma droite, semblant essayer de percer son chemin jusque dans mon cerveau et empirant mon mal de crâne, le reste de ma vue ressemble à une simple tâche de couleur imprécise qui danse devant mes yeux. Au-delà de l’agression visuelle, des sons familiers me parviennent, le craquement d’un feu de bois, le ressac de la mer qui s’écrase sur le bord de la promenade et le souffle du vent. Non, pas le souffle du vent, des murmures indistincts qui ressemblent plus à de légers vrombissements qui me provoquent un douloureux sifflement dans les tympans. Les formes floues se précisent de plus en plus alors que j’agite mollement la tête pour essayer de me réveiller. Les murmures se taisent alors que je commence à distinguer mon environnement. Je me souviens avoir suivi le capitaine Kendra sur le quai de la promenade des marins, de m’être approché de la maison dans laquelle il était rentré, puis plus rien.
L’éclat aveuglant s’atténue pour révéler un feu brulant dans l’âtre d’une cheminée dont s’échappe une douce chaleur, devant moi, un homme assis sur une chaise dont le dossier me fait face me fixe, barbe de trois jours, la lumière de la flamme se reflétant sur son crâne dégarni, son regard d’acier dénué d'émotion, encadré par un nez cassé, me transperce. Un autre dont les traits me sont dissimulés par l’obscurité ambiante est au fond de la salle, adossé à la porte d’entrée, une légère lueur rougeâtre au niveau de son visage indique qu’il fume quelque chose, mais aucune odeur distinctive ne me parvient. Alors que je reprends progressivement conscience de mon corps, mes jambes flageolantes sous moi, je me rends compte que mes mains sont liées, impossible de les séparer, et que mes bras me font mal. Levant lentement la tête, comme après une gueule de bois monstrueuse, je vois que mes bras sont tendus au-dessus de ma tête, mes mains attachées par une corde à un crochet. Je redescends lentement le regard vers mon ravisseur. Il ne dit rien. Un grand tapis rouge sang s’étale sur le sol de l’entrée jusqu’à mes pieds, de la même couleur que le rideau qui dissimule l’unique fenêtre de la pièce. En face de la cheminée, une table est dressée avec une nappe mauve, plusieurs fioles, verres et récipients sont alignés, tous contenant un liquide de couleur et de texture différente.
« Sacré collection hein ? »
Je tourne à nouveau ma tête face à lui, plongeant mon regard rouge sang dans le sien, mais je sais qu’à cet instant, il n’a aucune intensité, même si je sens mes forces revenir lentement, je peine à garder ma tête levée sans coller mon menton à ma poitrine.
« On en aura peut-être pas besoin »
Il se lève et fait le tour de sa chaise pour venir s’assoir sur le dossier, juste à portée de moi. Une première gifle part, claquant bruyamment dans l’espace confiné, résonnant au-dessus du craquement du bois dans l’âtre. Ma tête part brutalement s’affaler sur mon épaule gauche, des étoiles dansent devant mes yeux et mes jambes se dérobent brusquement, une douleur vive s’éveille dans mes épaules alors que mon poids est seulement retenu par mes bras, m’obligeant à vite reprendre appui sur le sol.
« Ça c’est pour les heures supp’ que tu nous obliges à faire »
Il attend patiemment que ma tête reprenne sa position initiale avant de continuer, sans remarquer les tics de haines qui commencent à crisper mes traits.
« Tu sais pourquoi t’es là ? »
Pas de réponse de ma part, je continue de le fixer et soufflant bruyamment.
« T’es intervenu dans des affaires qui te regardent pas, et on est là pour en apprendre un peu plus »
Merde, il semblerait qu’au final les pirates de Rufus m’ait retrouvé, c’était bien la peine de vendre mon âme à la milice …
« Le Gros Néral, ça te dit quelque chose ? »
Pris par surprise, je reste incrédule un moment, le fixant l'air interdit, incapable de lui répondre. « Le Gros Néral », il me semble avoir déjà vu ce nom en passant par le quartier des marins, un vieux restaurant à la triste réputation et à l’apparence miteuse, le genre de lieux qui ne donne aucune envie d’y mettre les pieds et, ma mémoire me faisant rarement défaut, je suis pratiquement sûr de n’avoir jamais poussé la porte de ce taudis. Il m’attrape soudainement par ma tignasse de cheveux gris avant de me remettre une claque, moins violente que la précédente mais qui n'améliore pas ma migraine, avant de me siffler au visage d’un ton menaçant.
« Je te conseil de répondre quand on te pose des questions, ça ira plus vite »
Il me lâche mais ma tête ne retombe pas mollement sur ma poitrine, sa dernière gifle ayant dissipé le brouillard qui m'embrumait l'esprit. Je sens du tonus revenir dans mes muscles, suffisamment pour me tenir droit et apaiser la tension qui pèse sur mes épaules.
« De nom, sinon jamais vu » Ma voix grave résonne entre les murs de bois, comme un grognement des abysses.
Ses sourcils se dressent dans un air de surprise, mais son sourire ironique révèle le vrai fond de sa pensée.
« Ah bon ? Tu connais pas non plus Aaron ? Un brave gars qui louait ses chambres pour presque rien au déchet comme toi ?»
J’essaye de refouler tout sentiment mais trop tard, pris par surprise, mes traits me trahissent et il doit lire l’acquisition dans mon regard, car son sourire se fait soudainement triomphant. Il commence à faire des allers-retours devant moi, comme un acteur d’une étrange pièce de théâtre récitant son texte.
« Comment tu crois qu’il pouvait proposer des tarifs aussi bas et vivre confortablement ? C’était un receleur qui gardait des œuvres d’arts pour Neral. Les logis qu’il donnait aux déchets comme toi n’étaient qu’une couverture. Et maintenant ce brave gars est mort, tué brutalement par un de ceux qu’il hébergeait »
Le crépitement régulier du feu est le seul concurrent du silence de mort qui s’ensuit.
« Tu bosses pour qui ? »
« Personne »
Au positionnement de son pied, j’ai le temps de voir venir son coup de poing dans l’abdomen. Ce ne sera pas suffisant pour me préparer comme il faut à ce qui suit. Je me retrouve plié en deux, le souffle coupé en crachant violemment, mes bras tirant douloureusement en arrière. Il me relève sans pitié par les cheveux et me jette la tête en arrière.
« Pourquoi tu l’a buté ? »
Ma respiration est laborieuse et il me faut du temps pour répondre.
« C’pas moi … qui l’ai tué »
Une balayette cruelle me fauche les jambes et je me retrouve à nouveau suspendu par les bras, les épaules en feu, le choc m’arrachant un grognement sonore de douleur. Je glisse et perds plusieurs fois l’équilibre avant de réussir à me remettre sur mes pieds. Il m’attend les bras croisés, mais à son air furieux je devine que la prochaine question est la plus importante.
« Où est son putain de livre ? Celui qu’il avait toujours sur lui ? »
Je ne devrais sans doute pas le provoquer, dans ma situation c’est signer mon arrêt de mort et pourtant, il est de ces moments où l’on ne peut réprimer son arrogance et un trait d’esprit bien sorti. Un sourire mauvais apparait presque contre ma volonté sur mes traits avant de lâcher une forme étrange de rire entre le râle et le souffle.
« Le livre ? J’sais pas, mais les cendres sont sans doute encore dans la cheminée »
Son coude ne se fait pas attendre, le coup est immédiat, violent et précis et m’envoie me cogner la tête contre le bois solide derrière moi. La douleur soudaine explose dans ma mâchoire jusque dans l’arrière de mon crâne, lèvre fendue, le gout du sang inonde ma bouche, ma vision redevient complètement noire pendant un bref instant alors que le monde tourne en un kaléidoscope de couleur terne autour de moi. Lorsque je reprends contenance, il s’est éloigné de moi et passe à côté du feu dont il tire une longue tige en fer, le bout rougeâtre me fait courir un frisson d’effroi sur l’échine et je serre les dents. Utilisant la baguette comme une canne de haute noblesse, il utilise à nouveau son don théâtral en tournant autour d’un élément que je n’avais pas remarqué jusque-là, un drap noir semble recouvrir ce qui semble être une chaise, s’assurant que je suive bien ses gestes.
« On peut jouer longtemps comme ça, Neral nous a donné pas mal d’accessoire pour la soirée, et la preuve qu’il tient à ses informations c’est qu’il nous a donné ça. J’avais prévu de m’amuser un peu avant, mais vu que tu fais le fils de pute plus malin que les autres, on va passer aux choses sérieuses »
D’un grand geste exagéré il tire le drap noir, révélant l’effroyable objet qu’il dissimulait. Une large chaise en bois dont le dossier est garni de petits pics en fer, semblable à des têtes de flèches, le bout grisâtre et rouillé révélant son utilisation fréquente. Une grosse corde en fait plusieurs fois le tour derrière le dossier et repose sur le siège, attendant patiemment sa prochaine victime. Une sorte de roue solide maintient l’extrémité de la corde, pas besoin d’avoir une imagination très développée pour comprendre à quoi elle sert. La simple vue de l’instrument me provoque des sueurs froides, m’imaginant déjà me tordre dans tous les sens pour éviter le contact douloureux des picots alors que la corde se resserrant sous le grincement de la roue m’attire inexorablement vers leur étreinte mortelle.
Alors que je fixe encore l’instrument de torture qui n’attend que moi, la tige de fer siffle dans l’air et d’un geste précis, viens me laisser une marque cruelle sur la joue gauche, mordant la chair et m’arrachant un véritable cri de douleur alors qu’un filet de sang commence à couler le long de ma mâchoire, perlant sur le sol. Le coup me laisse complètement inerte et sonné, tenant à peine sur mes jambes, seul le souvenir de la violente douleur dans mes articulations m’empêche de me laisser tomber de tout mon poids. Me voyant complètement assommé, il jette sa tige en fer au sol et récupère les liens qui me retiennent les bras en l’air afin de me guider vers ma mort prochaine, ne me jetant pas directement contre le dossier pour prendre son temps. Dans les brumes de mon esprit j’entends vaguement le rire discret de son compagnon qui attend toujours les bras en croix, adossé contre la porte. Je titube jusqu’à ce qu’il m’assoit sur le siège, m’empêchant de chuter en avant d’une main alors qu’il s’apprête à faire passer la corde autour de moi.
Un sifflement presque imperceptible transperce le bruit du bois qui brûle dans la cheminée, suivi d’un son sec et sourd, comme un coup contre du bois. Une porte en bois. Mon tortionnaire se retourne brusquement vers son associé, qui ne semble pas avoir été perturbé par ce bruit. Il me lâche alors que je suis incapable de me retenir avec mes mains, me laissant tomber lourdement sur le plancher dur, réveillant la douleur dans mon épaule et par la même occasion un fragile état de conscience dans mes pensées confuses. Parfois il suffit de peu pour que l’instinct de survie prenne le relais, cette petite étincelle de douleur vient enflammer les puissants combustibles que sont l’adrénaline et la haine enfouie en moi et leur embrasement me permet de faire légèrement abstraction de la douleur dans tous mes membres et illuminant les ténèbres qui planaient sur mon esprit. Pendant que je reprends conscience, le bandit s’approche prudemment de la silhouette immobile de son collègue, sa figure invisible dans les ténèbres.
« Léo ? T’as rien entendu ? »
Trop captivé, ou inquiété, par ce son venu de nul part, peut être pense t'il que mes "employeurs" sont venu me récupérer, il ne me voit pas me redresser discrètement et, avec la force du désespoir, tenté d’arracher les liens qui me bloquent et usant à force de va et vient la corde sur les piques en fer tranchant de la chaise. De l’autre côté de la pièce, le bandit n’est plus qu’à quelques pas de Léo lorsque la petite lueur rouge qui indiquait son herbe à fumer tombe soudainement à ses pieds, ses bras suivent le même mouvement et s’alignent avec le reste de son corps alors qu’un léger clapotis se fait entendre. Lui attrapant les épaules, il essaye de le secouer comme pour le réveiller mais rencontre une résistance inattendue. Tirant un peu plus fort, son collègue se détache de la porte avec un craquement spongieux, révélant la tête imbibé de sang du gros carreau d’arbalète qui a transpercé le bois de la porte ainsi que la nuque de sa victime.
« Merde … »
Il répète ce mot jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un souffle. Je finis de libérer mes mains au même moment, titubant un peu avant de me relever complètement. Il ne m’a pas encore vu. Je le vois lâcher brusquement son collègue qui tombe sol comme une marionnette désarticulée dont on aurait coupé les fils. Je me rapproche lentement de son dos, cherchant à tâtons la lame ébréchée qui est d’ordinaire toujours accrochée à ma ceinture, mais je suis forcé de constater son absence. N’ayant pas d’autres options, je contracte mon poing, me préparant à lui envoyer une droite dans la tempe, mais avant que je n’aie le temps d’être suffisamment proche de lui pour le prendre par surprise, il se retourne brusquement. Me voyant debout et prêt à le frapper, il n’hésite pas une seule seconde et se jette en avant sur moi. N’ayant pas le temps de réagir, son épaule me percute en plein ventre, me coupant le souffle alors qu’il me ceinture, il me soulève légèrement du sol, continuant sa course avant de me plaquer violemment le dos contre le bord de la table, m’arrachant un nouveau grognement de douleur et faisant tinter et tanguer les multiples récipients en verre qui attendaient patiemment d’être utilisés.
Il me lâche et se redresse pour essayer de m’envoyer son poing gauche en pleine mâchoire, mais je l’empêche de prendre la distance suffisante en le rattrapant d’une main par le col de son débardeur. J’attrape au hasard une bouteille derrière moi, et alors que je le tire vers moi, je lui inflige de toutes mes forces une violente gifle avec la fiole que j’ai réussi à attraper. Le bruit de verre brisé cristallise l'instant alors que je lâche son col pour ne pas risquer de blessures dû aux éclats que projette la bouteille et me protéger le visage. La violence du coup l’envoie tituber quelques pas sur la droite, sans cheveux pour dissimuler les dégâts, les multiples éraflures et coupures dues aux verres sont bien apparentes et le sang commence à s’échapper de ses plaies, le laissant horriblement défiguré mais sans blessures graves. Les jambes légèrement tremblantes, son apparente faiblesse est passagère, l’adrénaline prenant aussi ses droits sur lui, il ne se laisser pas déconcentrer, un autre habitué de la baston de bar, et il a le temps de m’infliger un coup fouetté de son pied droit dans la jambe qui claque bruyamment, juste au-dessus de la rotule et me faisant perdre mon équilibre, mon visage se retrouvant au niveau du sien, il m’envoie au sol avec une violente droite descendante à la tempe qui résonne dans mon crâne, faisant une fois de plus tourner la pièce autour de moi. Je m’appuie sur mes coudes puis sur mes mains pour me relever avec difficulté, mais le coup que je m’attends à recevoir ne vient pas. La vision toujours légèrement floue, je tourne la tête vers mon adversaire, qui commence à se gratter le visage et ses bras nus. Il paraît m’avoir complètement oublié, ses démangeaisons semblent devenir de plus en plus intenses et ce qui n’étaient au d’abord que de simples exclamations de mécontentement se transforment vite en insultes de plus en plus crues, et s'achèvent en cris de douleur alors qu’il se gratte de plus en plus frénétiquement, comme si un feu infernal le consumait de l’intérieur. Bientôt du sang commence à apparaitre à travers les traces hideuses qu’il laisse sur son propre corps. Son ombre projetée par le feu brulant toujours dans l'âtre imite sa danse possédée comme une farce macabre. Le sang tambourinant toujours dans mes tempes, je m’écroule plusieurs fois en essayant de me relever, finissant assis contre le mur en dessous du crochet où j’étais précédemment attaché et soufflant difficilement, essuyant mon front plein de sueur. Je frémis en voyant le spectacle qu’il m’offre, pas difficile d’imaginer à quoi pouvait servir cette mixture avec le système de torture qu’ils utilisent, la victime prisonnière se mettrait à se frotter d’elle-même le dos contre le dossier garni de pics, s'arrachant la peau du dos, cherchant un soulagement qui ne viendra jamais.
Continuant de se gratter furieusement d’une main, il reprend juste assez longtemps le contrôle de ses pensées pour chercher une fiole sur la table en renversant la plupart des différentes mixtures de ses gestes tremblants, continuant de lâcher des exclamations de douleur au milieu de ses plaintes aiguës. Il semble trouver celle qu’il voulait, l’attrapant de geste maladroit, débouchonnant précipitamment le bouchon et l’engloutissant d’un trait. Ne voulant pas attendre la suite des évènements, je me relève malgré mes membres endoloris et me précipite vers lui. Il lâche sa bouteille et se gratte encore une fois alors que je le cueille d’un crochet brutal dans la mâchoire, faisant gicler du sang de ses blessures à la joue, le faisant reculer jusque contre le mur à côté de la porte. Je manque moi-même de me retrouver une nouvelle fois au sol, emporté par mon élan. Ne voulait pas lui laisser le temps de récupérer, je me jette sur lui avec un violent coup de genou dans le torse, le plaquant contre le mur, puis reculant un peu pour armer un uppercut qui vient le chercher sous le menton, l'envoyant se cogner une nouvelle fois la tête sur le mur en bois. Lorsque je m'arrête pour respirer et que je le regarde, il sourit, un sourire calme au milieu de son visage rouge sang qui goute le long de son cou, imbibe son haut blanc, et dont chaque centimètres gardent maintenant des traces de griffures plus ou moins profondes que l’on retrouve également le long de ses bras. Son sourire provoque en moi une réaction de peur inconsciente et je me surprends à reculer. Sans un mot, il sort la dague qu’il gardait précieusement dans son étui accroché à sa ceinture, la distance entre nous étant suffisante pour qu’elle devienne une arme dangereuse, potentiellement mortelle. Son rictus disparaît, des veines se gonflent sur son crâne chauve au-dessus de sa mâchoire crispée et ses yeux deviennent vite injectés de sang.
Il se jette en avant avec un cri de rage lorsque mon pied bute contre un objet solide, je sais ce que c’est sans avoir à la regarder. Je ramasse précipitamment la tige en fer qui gisait au sol et pare de justesse son revers qui visait à me trancher le cou. J’étais excellent épéiste, il y a cent ans de cela, quand j'étais encore quelqu'un. Cette simple petite pensée nostalgique réveille en moi une haine farouche, du fond de mes tripes je sens le mal obscur qui m’habite essayer de s’exprimer. Le contact du fer vibre dans l’air lorsque j’oppose mon arme improvisée à sa dague, ravivé par la colère sourde qui s’agite en moi, sans attendre de réponse de sa part, je le force à reculer d’un coup de botte en plein abdomen alors que nous défions notre force respective avec nos armes. Il reprend une certaine distance et tente cette fois un coup de taille mais j’arrive une nouvelle à lui opposer mon arme. Je tente de lui infliger un violent revers au visage avec la barre en fer mais il recule d'un pas, esquivant habilement mon coup et essayant d'enchainer avec un coup descendant que je bloque de justesse en pliant les genoux, gagnant les précieuses millisecondes qu'il me faut pour remettre la tige sur le trajet de son arme. Voyant qu’il est suffisamment proche et que son regard est concentré sur mon visage, ma botte vient le percuter dans l'abdomen. Je ne perds pas de temps, suivant dans ses pas de recul, un coup d’estoc précis accompagné d’un mouvement de hanche vient planter la pointe de la tige au-dessus de son épaule gauche, manquant largement le cœur à cause de ma fatigue et de nos mouvements imprévisibles. Aucun cri, aucun signe de douleur apparent alors que je le force à reculer, le poussant jusque contre le mur, sentant la tige s’enfoncer dans les muscles et la chair qui se tordent et se déchirent, sentant bientôt le bois solide de l’autre côté de son membre, le sang coulant de sa plaie et colorant un peu plus son haut blanc. Il me regarde simplement, souris brièvement une nouvelle fois devant mon incompréhension avant de retrouver son expression de brute, et d’un coup de taille me dessine une longue balafre sur le torse, déchirant ma chemise. Je ne fais pas exception à la nature, le contact froid et cruel du fer me fait lâcher un puissant râle de douleur, je recule précipitamment avant qu’il ne puisse m’infliger une nouvelle profonde entaille, serrant mes bras contre ma poitrine meurtrie, abandonnant mon arme.
Il la retire en grimaçant mais sans sourciller, la faisant lentement sortir de la plaie avec un son écœurant avant de la laisser tomber à ses pieds. Le cliquetis de la barre de fer lorsqu’elle rencontre le bois du plancher sonne comme mon arrêt de mort. Son bras pend mollement contre son flanc et je doute qu’il soit utilisable, mais sa blessure ne semble pas le ralentir ni le gêner. Ma colère s’évapore, une boule naît dans mon ventre, c’est quoi ce délire. Mon cœur palpite précipitamment, mes sens en alerte, il s’élance une nouvelle fois sa dague en avant. Voyant l’éclat pointu de son arme se diriger dangereusement vers moi, une dernière idée me vient. Je ne cherche pas à esquiver et au moment où son arme devrait m’arracher une partie de la jugulaire et je mets ma main sur le trajet de son arme pour la dévier. J’ai beau serrer les dents et me préparer autant que possible à l’impact à venir, je ne peux m’empêcher de hurler de douleur lorsque la lame transperce ma paume avec un bruit à faire frémir les plus téméraires. Mais je dois agir vite. Je le laisse avancer, entrainé par son élan jusqu'à ce que nos corps soit collés et alors que nous sommes face en face, j’utilise le reste de mes forces et ajoutant la rage à mon hurlement de douleur, je le soulève par la taille. La pesanteur s’occupe du reste. Le crochet qui me maintenait prisonnier s’enfonce brutalement à travers la peau molle en dessous de sa mâchoire avec un son abominable de déchirure et ressort au milieu de sa bouche, arrosant bien vite le sol du sang qui s'échappe de la plaie. Je recule sans prêter attention à cet horrible spectacle, tenant ma main contre moi, regardant la lame qui la traverse de part et d'autre, mes traits crispés par la douleur assommante. Je ne dois pas la retirer, pas ici, c’est un coup à se vider de son sang. Lorsque je lève à nouveaux le regard, je pense halluciner. Le bandit continue de se débattre, tenant le crochet de son unique bras valide alors qu’il touche le sol de la pointe des pieds. Sa mâchoire craque, bouge, se tend, prend des formes que la nature ne lui a pas données, il grogne, pousse des cris transformés en inquiétant gargouillement par le sang qui remplit sa bouche, pas de douleur mais uniquement de haine d’être bloqué ainsi. Je reste un moment, à la fois incrédule et terrifié.
(Putain mais c’est pas possible)
Tenant toujours ma main contre moi, je me relève tant bien que mal, mes jambes bougeant plus par reflexe que par un ordre conscient. Je m’approche de la chaise de torture, l’instrument dont ils étaient si fiers. Je laisse ma haine s’exprimer, pour Tatch et son offre, pour Meredith qui m’a vendu, pour l’imbécile de proprio qui m’a mis dans cette merde, pour Rufus et son bâtard d’équipage et maintenant pour ce fils de catin de Néral, je me déchaine sur la chaise, détruisant à coup de botte les pieds puis le siège jusqu’à ce qu’il ne reste que le dossier au milieu des éclats de bois et des morceaux de meuble. Ma respiration ressemble à un soufflet de forge comme si je venais de nager sur plusieurs kilomètres. J’attrape le dossier d’une main et le laisse reposer légèrement sur les doigts tendus de ma main blessée, incapable de saisir fermement l'objet. Je m’approche de mon tortionnaire s’agitant toujours sur son support funèbre et je laisse aller libre court à ma fureur encore une fois dans un défouloir des plus barbare. Le dossier s’abat une première fois sur le haut de son crâne et glisse de mes doigts immobiles. Le bruit qui résonne dans la pièce est indescriptible tant il est horrible, rappelant le son d'un marteau qui enfonce un clou, auquel s'ajoute un craquement humide d'os brisés et de chairs déchirées alors que les piques incrustent leur macabre empreinte sur sa peau et que le crochet atteint son palet et continue sa progression dans son crâne, mais je ne m’arrête pas là. Je repose le dossier sur ma main ensanglantée et un deuxième coup suit bientôt le premier, un troisième, un quatrième et il a fini de gesticuler bien avant que le dossier ne cède sur son crâne qui ressemble maintenant à un amas sanguinolent de viandes battues, ses traits n’ont plus rien d’humain et il est impossible de le reconnaitre sous l’épaisse couche de sang, ses yeux ne tenant pratiquement plus dans leurs orbites.
Je lance les deux morceaux de dossier dans le feu et tente de me calmer, essuyant le sang de mes yeux, fixant d’un œil morne son cadavre, comme un artiste observant son œuvre d’art répugnante et malsaine après l’avoir achevé. Un rictus dément déforme mes traits, une certaine satisfaction ressentie dans cette absurde boucherie. Le sang imprime de sa couleur typique tous les murs de la pièce, seul le tapis de la même couleur empêche de prendre pleinement conscience du carnage et les fioles de poisons sont toutes renversées au sol, certaines fumant dangereusement alors qu’elles attaquent le plancher. Je transpire de douleur, de rage et des efforts que j’ai fournis, les effets de l’adrénaline commencent à s’estomper, la douleur brulante du passage de sa dague palpite soudainement avec force, et la douleur aigue dans ma main explose bien au-delà du raisonnable, ma joue en feu se rappelle également à mon bon souvenir, témoin du violent coup que j’ai reçu plus tôt. Je me sens lentement défaillir alors que je m’approche de la porte pour sortir, perte de sang, douleur, fatigue, tout se mélange dans mon esprit alors que la pièce me semble tanguer dangereusement. Je tombe à genoux, de grosse goute de sueur perlant de mon front. Rufus, Tatch, Neral, la milice d'Oaxaca, il ne manque plus que le putain de Roi et j'aurais toute la ville sur le dos, moi qui déchargeais des caisses au port il y a encore trois jours. Ses pensées sombres m'arrachent un sourire. Le grincement du bois me fait relever la tête, la porte s’ouvre lentement, bloqué par le cadavre du premier bandit, mais ma vision est déjà trop floue pour que je puisse identifier la silhouette qui y entre, emmitouflée dans différentes étoffes dont je n’arrive pas à identifier la couleur, il me semble juste entendre un croassement quelque part au loin, avant de m’évanouir.
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