Le Quartier des Marins

Répondre
Avatar du membre
Yuimen
Messages : 2483
Enregistré le : mar. 26 déc. 2017 19:17

Le Quartier des Marins

Message par Yuimen » mer. 3 janv. 2018 13:53

Quartier des marins
Image
Voici l'endroit où se retrouvent tous les marins faisant escale à Dahràm. Cette longue rue qui longe les quais est tout ce qu'il y a de plus sale et de plus dangereuse. Les maisons closes et les bars les moins fréquentables du continent se côtoient dans un agencement au summum du mauvais goût. D'un dégoût des plus insupportables, sauf peut-être pour un marin ou un docker. Il y a aussi bon nombre d'entrepôts dans ce quartier.

Il est fortement déconseillé aux femmes qui ne recherchent pas un emploi de s'y aventurer… Et il est juste déconseillé aux hommes, marins ou pas.

Avatar du membre
Devon
Messages : 60
Enregistré le : mar. 22 janv. 2019 01:44

Re: Le Quartier des Marins

Message par Devon » mer. 20 nov. 2019 02:39

Inattendu:

La filature n’a jamais été une de mes activités, quand on est capitaine sur un navire, on se montre avec fierté devant son équipage et on évite l'ombre, mais j’ai appris à raser les murs maintenant que j’essaye de survivre dans cette maudite ville. Je suis bien content que le corbeau ne se soit pas souvenu de moi, pas la peine d’avoir une difficulté supplémentaire perchée sur mon épaule qui piaille et crie à la première occasion et sans raison particulière. Je le suis le plus discrètement possible, me dissimulant de la faible lumière des braseros dans la maigre foule qui traverse encore les rues pour changer de lieu de fête. Il tourne quelque fois la tête, généralement avant de s’engouffrer dans une nouvelle rue, mais il ne semble pas m’avoir repéré, ne se doutant certainement pas qu'un agent de la milice puisse se dissimuler dans le tas de marins ivres qu'il côtoyait dans la soirée. Un dernier virage et nous finissons par arriver au quartier des marins, une longue promenade au bord de mer qui donne sur certains des pires lieux et logements de la ville, l'odeur n'y trompe pas, même les embruns ne parviennent pas à imposer leurs effluves aux dessus des relents d'égouts et de déchets qui empestent les environs.

Loin de la saleté de la ville, la lune scintille ce soir et sa lumière se reflète sur l’eau cristalline du port qui longe la promenade, au loin les nombreux navires amarrés brillent dans les ténèbres, les lumières à leur bord illuminant la nuit. Il n’y a pas âme qui vive sur la promenade, personne de sensé et sobre se baladerait volontairement sur cet enfer pavé, si on est pas protégé par une armure ou une réputation, c'est une invitation à se faire trancher la gorge, voler sa bourse et finir sa vie dans le sol fangeux du port . Je ne m’engouffre pas tout de suite sur la grande allée, bien trop à découvert à mon goût, et le regarde progresser depuis l’angle de la ruelle qu’il vient de quitter. Il s’arrête soudainement devant une maison, attrape la poignée et jette plusieurs coups d’œil à gauche et à droite, j’échappe de peu à son regard en me plaquant contre le mur de la ruelle obscure. Quelques secondes passent, je me décide à jeter un nouveau coup d’œil sur la promenade. Plus personne. Je sors de ma cachette et avance à grands pas vers la maison qu’il vient d’investir, longeant les murs le plus discrètement possible.
Un voile de ténèbres tombe soudainement devant moi. Une main plaque ce qui semble être un morceau de tissu contre ma bouche et mon nez alors qu’un de mes bras se retrouvent bloqué dans mon dos. Un sac en tissus, je n’aurais pas d’autres pensées, pas de possibilité de me défendre ni de me débattre, mes yeux se ferment contre ma volonté et mon corps perd toute contenance alors que je sombre dans l’inconscience.

->
Modifié en dernier par Devon le ven. 17 sept. 2021 02:23, modifié 2 fois.

Avatar du membre
Devon
Messages : 60
Enregistré le : mar. 22 janv. 2019 01:44

Re: Le Quartier des Marins

Message par Devon » mer. 20 nov. 2019 03:14

((( [:attention:] Ce RP contient des scènes violentes )))

Règlements de comptes :

Je reviens lentement à moi, clignant régulièrement des yeux sans jamais réussir à les garder complètement ouvert, flottant dans les ténèbres. Le sang tambourine violemment dans mes tempes me provoquant de terribles maux de tête. Une lueur aveuglante brille à ma droite, semblant essayer de percer son chemin jusque dans mon cerveau et empirant mon mal de crâne, le reste de ma vue ressemble à une simple tâche de couleur imprécise qui danse devant mes yeux. Au-delà de l’agression visuelle, des sons familiers me parviennent, le craquement d’un feu de bois, le ressac de la mer qui s’écrase sur le bord de la promenade et le souffle du vent. Non, pas le souffle du vent, des murmures indistincts qui ressemblent plus à de légers vrombissements qui me provoquent un douloureux sifflement dans les tympans. Les formes floues se précisent de plus en plus alors que j’agite mollement la tête pour essayer de me réveiller. Les murmures se taisent alors que je commence à distinguer mon environnement. Je me souviens avoir suivi le capitaine Kendra sur le quai de la promenade des marins, de m’être approché de la maison dans laquelle il était rentré, puis plus rien.

L’éclat aveuglant s’atténue pour révéler un feu brulant dans l’âtre d’une cheminée dont s’échappe une douce chaleur, devant moi, un homme assis sur une chaise dont le dossier me fait face me fixe, barbe de trois jours, la lumière de la flamme se reflétant sur son crâne dégarni, son regard d’acier dénué d'émotion, encadré par un nez cassé, me transperce. Un autre dont les traits me sont dissimulés par l’obscurité ambiante est au fond de la salle, adossé à la porte d’entrée, une légère lueur rougeâtre au niveau de son visage indique qu’il fume quelque chose, mais aucune odeur distinctive ne me parvient. Alors que je reprends progressivement conscience de mon corps, mes jambes flageolantes sous moi, je me rends compte que mes mains sont liées, impossible de les séparer, et que mes bras me font mal. Levant lentement la tête, comme après une gueule de bois monstrueuse, je vois que mes bras sont tendus au-dessus de ma tête, mes mains attachées par une corde à un crochet. Je redescends lentement le regard vers mon ravisseur. Il ne dit rien. Un grand tapis rouge sang s’étale sur le sol de l’entrée jusqu’à mes pieds, de la même couleur que le rideau qui dissimule l’unique fenêtre de la pièce. En face de la cheminée, une table est dressée avec une nappe mauve, plusieurs fioles, verres et récipients sont alignés, tous contenant un liquide de couleur et de texture différente.

« Sacré collection hein ? »


Je tourne à nouveau ma tête face à lui, plongeant mon regard rouge sang dans le sien, mais je sais qu’à cet instant, il n’a aucune intensité, même si je sens mes forces revenir lentement, je peine à garder ma tête levée sans coller mon menton à ma poitrine.

« On en aura peut-être pas besoin »

Il se lève et fait le tour de sa chaise pour venir s’assoir sur le dossier, juste à portée de moi. Une première gifle part, claquant bruyamment dans l’espace confiné, résonnant au-dessus du craquement du bois dans l’âtre. Ma tête part brutalement s’affaler sur mon épaule gauche, des étoiles dansent devant mes yeux et mes jambes se dérobent brusquement, une douleur vive s’éveille dans mes épaules alors que mon poids est seulement retenu par mes bras, m’obligeant à vite reprendre appui sur le sol.

« Ça c’est pour les heures supp’ que tu nous obliges à faire »

Il attend patiemment que ma tête reprenne sa position initiale avant de continuer, sans remarquer les tics de haines qui commencent à crisper mes traits.

« Tu sais pourquoi t’es là ? »

Pas de réponse de ma part, je continue de le fixer et soufflant bruyamment.

« T’es intervenu dans des affaires qui te regardent pas, et on est là pour en apprendre un peu plus »

Merde, il semblerait qu’au final les pirates de Rufus m’ait retrouvé, c’était bien la peine de vendre mon âme à la milice …

« Le Gros Néral, ça te dit quelque chose ? »

Pris par surprise, je reste incrédule un moment, le fixant l'air interdit, incapable de lui répondre. « Le Gros Néral », il me semble avoir déjà vu ce nom en passant par le quartier des marins, un vieux restaurant à la triste réputation et à l’apparence miteuse, le genre de lieux qui ne donne aucune envie d’y mettre les pieds et, ma mémoire me faisant rarement défaut, je suis pratiquement sûr de n’avoir jamais poussé la porte de ce taudis. Il m’attrape soudainement par ma tignasse de cheveux gris avant de me remettre une claque, moins violente que la précédente mais qui n'améliore pas ma migraine, avant de me siffler au visage d’un ton menaçant.

« Je te conseil de répondre quand on te pose des questions, ça ira plus vite »

Il me lâche mais ma tête ne retombe pas mollement sur ma poitrine, sa dernière gifle ayant dissipé le brouillard qui m'embrumait l'esprit. Je sens du tonus revenir dans mes muscles, suffisamment pour me tenir droit et apaiser la tension qui pèse sur mes épaules.

« De nom, sinon jamais vu » Ma voix grave résonne entre les murs de bois, comme un grognement des abysses.

Ses sourcils se dressent dans un air de surprise, mais son sourire ironique révèle le vrai fond de sa pensée.

« Ah bon ? Tu connais pas non plus Aaron ? Un brave gars qui louait ses chambres pour presque rien au déchet comme toi ?»

J’essaye de refouler tout sentiment mais trop tard, pris par surprise, mes traits me trahissent et il doit lire l’acquisition dans mon regard, car son sourire se fait soudainement triomphant. Il commence à faire des allers-retours devant moi, comme un acteur d’une étrange pièce de théâtre récitant son texte.

« Comment tu crois qu’il pouvait proposer des tarifs aussi bas et vivre confortablement ? C’était un receleur qui gardait des œuvres d’arts pour Neral. Les logis qu’il donnait aux déchets comme toi n’étaient qu’une couverture. Et maintenant ce brave gars est mort, tué brutalement par un de ceux qu’il hébergeait »

Le crépitement régulier du feu est le seul concurrent du silence de mort qui s’ensuit.

« Tu bosses pour qui ? »

« Personne »

Au positionnement de son pied, j’ai le temps de voir venir son coup de poing dans l’abdomen. Ce ne sera pas suffisant pour me préparer comme il faut à ce qui suit. Je me retrouve plié en deux, le souffle coupé en crachant violemment, mes bras tirant douloureusement en arrière. Il me relève sans pitié par les cheveux et me jette la tête en arrière.

« Pourquoi tu l’a buté ? »

Ma respiration est laborieuse et il me faut du temps pour répondre.

« C’pas moi … qui l’ai tué »

Une balayette cruelle me fauche les jambes et je me retrouve à nouveau suspendu par les bras, les épaules en feu, le choc m’arrachant un grognement sonore de douleur. Je glisse et perds plusieurs fois l’équilibre avant de réussir à me remettre sur mes pieds. Il m’attend les bras croisés, mais à son air furieux je devine que la prochaine question est la plus importante.

« Où est son putain de livre ? Celui qu’il avait toujours sur lui ? »

Je ne devrais sans doute pas le provoquer, dans ma situation c’est signer mon arrêt de mort et pourtant, il est de ces moments où l’on ne peut réprimer son arrogance et un trait d’esprit bien sorti. Un sourire mauvais apparait presque contre ma volonté sur mes traits avant de lâcher une forme étrange de rire entre le râle et le souffle.

« Le livre ? J’sais pas, mais les cendres sont sans doute encore dans la cheminée »

Son coude ne se fait pas attendre, le coup est immédiat, violent et précis et m’envoie me cogner la tête contre le bois solide derrière moi. La douleur soudaine explose dans ma mâchoire jusque dans l’arrière de mon crâne, lèvre fendue, le gout du sang inonde ma bouche, ma vision redevient complètement noire pendant un bref instant alors que le monde tourne en un kaléidoscope de couleur terne autour de moi. Lorsque je reprends contenance, il s’est éloigné de moi et passe à côté du feu dont il tire une longue tige en fer, le bout rougeâtre me fait courir un frisson d’effroi sur l’échine et je serre les dents. Utilisant la baguette comme une canne de haute noblesse, il utilise à nouveau son don théâtral en tournant autour d’un élément que je n’avais pas remarqué jusque-là, un drap noir semble recouvrir ce qui semble être une chaise, s’assurant que je suive bien ses gestes.

« On peut jouer longtemps comme ça, Neral nous a donné pas mal d’accessoire pour la soirée, et la preuve qu’il tient à ses informations c’est qu’il nous a donné ça. J’avais prévu de m’amuser un peu avant, mais vu que tu fais le fils de pute plus malin que les autres, on va passer aux choses sérieuses »

D’un grand geste exagéré il tire le drap noir, révélant l’effroyable objet qu’il dissimulait. Une large chaise en bois dont le dossier est garni de petits pics en fer, semblable à des têtes de flèches, le bout grisâtre et rouillé révélant son utilisation fréquente. Une grosse corde en fait plusieurs fois le tour derrière le dossier et repose sur le siège, attendant patiemment sa prochaine victime. Une sorte de roue solide maintient l’extrémité de la corde, pas besoin d’avoir une imagination très développée pour comprendre à quoi elle sert. La simple vue de l’instrument me provoque des sueurs froides, m’imaginant déjà me tordre dans tous les sens pour éviter le contact douloureux des picots alors que la corde se resserrant sous le grincement de la roue m’attire inexorablement vers leur étreinte mortelle.
Alors que je fixe encore l’instrument de torture qui n’attend que moi, la tige de fer siffle dans l’air et d’un geste précis, viens me laisser une marque cruelle sur la joue gauche, mordant la chair et m’arrachant un véritable cri de douleur alors qu’un filet de sang commence à couler le long de ma mâchoire, perlant sur le sol. Le coup me laisse complètement inerte et sonné, tenant à peine sur mes jambes, seul le souvenir de la violente douleur dans mes articulations m’empêche de me laisser tomber de tout mon poids. Me voyant complètement assommé, il jette sa tige en fer au sol et récupère les liens qui me retiennent les bras en l’air afin de me guider vers ma mort prochaine, ne me jetant pas directement contre le dossier pour prendre son temps. Dans les brumes de mon esprit j’entends vaguement le rire discret de son compagnon qui attend toujours les bras en croix, adossé contre la porte. Je titube jusqu’à ce qu’il m’assoit sur le siège, m’empêchant de chuter en avant d’une main alors qu’il s’apprête à faire passer la corde autour de moi.

Un sifflement presque imperceptible transperce le bruit du bois qui brûle dans la cheminée, suivi d’un son sec et sourd, comme un coup contre du bois. Une porte en bois. Mon tortionnaire se retourne brusquement vers son associé, qui ne semble pas avoir été perturbé par ce bruit. Il me lâche alors que je suis incapable de me retenir avec mes mains, me laissant tomber lourdement sur le plancher dur, réveillant la douleur dans mon épaule et par la même occasion un fragile état de conscience dans mes pensées confuses. Parfois il suffit de peu pour que l’instinct de survie prenne le relais, cette petite étincelle de douleur vient enflammer les puissants combustibles que sont l’adrénaline et la haine enfouie en moi et leur embrasement me permet de faire légèrement abstraction de la douleur dans tous mes membres et illuminant les ténèbres qui planaient sur mon esprit. Pendant que je reprends conscience, le bandit s’approche prudemment de la silhouette immobile de son collègue, sa figure invisible dans les ténèbres.

« Léo ? T’as rien entendu ? »

Trop captivé, ou inquiété, par ce son venu de nul part, peut être pense t'il que mes "employeurs" sont venu me récupérer, il ne me voit pas me redresser discrètement et, avec la force du désespoir, tenté d’arracher les liens qui me bloquent et usant à force de va et vient la corde sur les piques en fer tranchant de la chaise. De l’autre côté de la pièce, le bandit n’est plus qu’à quelques pas de Léo lorsque la petite lueur rouge qui indiquait son herbe à fumer tombe soudainement à ses pieds, ses bras suivent le même mouvement et s’alignent avec le reste de son corps alors qu’un léger clapotis se fait entendre. Lui attrapant les épaules, il essaye de le secouer comme pour le réveiller mais rencontre une résistance inattendue. Tirant un peu plus fort, son collègue se détache de la porte avec un craquement spongieux, révélant la tête imbibé de sang du gros carreau d’arbalète qui a transpercé le bois de la porte ainsi que la nuque de sa victime.

« Merde … »

Il répète ce mot jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un souffle. Je finis de libérer mes mains au même moment, titubant un peu avant de me relever complètement. Il ne m’a pas encore vu. Je le vois lâcher brusquement son collègue qui tombe sol comme une marionnette désarticulée dont on aurait coupé les fils. Je me rapproche lentement de son dos, cherchant à tâtons la lame ébréchée qui est d’ordinaire toujours accrochée à ma ceinture, mais je suis forcé de constater son absence. N’ayant pas d’autres options, je contracte mon poing, me préparant à lui envoyer une droite dans la tempe, mais avant que je n’aie le temps d’être suffisamment proche de lui pour le prendre par surprise, il se retourne brusquement. Me voyant debout et prêt à le frapper, il n’hésite pas une seule seconde et se jette en avant sur moi. N’ayant pas le temps de réagir, son épaule me percute en plein ventre, me coupant le souffle alors qu’il me ceinture, il me soulève légèrement du sol, continuant sa course avant de me plaquer violemment le dos contre le bord de la table, m’arrachant un nouveau grognement de douleur et faisant tinter et tanguer les multiples récipients en verre qui attendaient patiemment d’être utilisés.

Il me lâche et se redresse pour essayer de m’envoyer son poing gauche en pleine mâchoire, mais je l’empêche de prendre la distance suffisante en le rattrapant d’une main par le col de son débardeur. J’attrape au hasard une bouteille derrière moi, et alors que je le tire vers moi, je lui inflige de toutes mes forces une violente gifle avec la fiole que j’ai réussi à attraper. Le bruit de verre brisé cristallise l'instant alors que je lâche son col pour ne pas risquer de blessures dû aux éclats que projette la bouteille et me protéger le visage. La violence du coup l’envoie tituber quelques pas sur la droite, sans cheveux pour dissimuler les dégâts, les multiples éraflures et coupures dues aux verres sont bien apparentes et le sang commence à s’échapper de ses plaies, le laissant horriblement défiguré mais sans blessures graves. Les jambes légèrement tremblantes, son apparente faiblesse est passagère, l’adrénaline prenant aussi ses droits sur lui, il ne se laisser pas déconcentrer, un autre habitué de la baston de bar, et il a le temps de m’infliger un coup fouetté de son pied droit dans la jambe qui claque bruyamment, juste au-dessus de la rotule et me faisant perdre mon équilibre, mon visage se retrouvant au niveau du sien, il m’envoie au sol avec une violente droite descendante à la tempe qui résonne dans mon crâne, faisant une fois de plus tourner la pièce autour de moi. Je m’appuie sur mes coudes puis sur mes mains pour me relever avec difficulté, mais le coup que je m’attends à recevoir ne vient pas. La vision toujours légèrement floue, je tourne la tête vers mon adversaire, qui commence à se gratter le visage et ses bras nus. Il paraît m’avoir complètement oublié, ses démangeaisons semblent devenir de plus en plus intenses et ce qui n’étaient au d’abord que de simples exclamations de mécontentement se transforment vite en insultes de plus en plus crues, et s'achèvent en cris de douleur alors qu’il se gratte de plus en plus frénétiquement, comme si un feu infernal le consumait de l’intérieur. Bientôt du sang commence à apparaitre à travers les traces hideuses qu’il laisse sur son propre corps. Son ombre projetée par le feu brulant toujours dans l'âtre imite sa danse possédée comme une farce macabre. Le sang tambourinant toujours dans mes tempes, je m’écroule plusieurs fois en essayant de me relever, finissant assis contre le mur en dessous du crochet où j’étais précédemment attaché et soufflant difficilement, essuyant mon front plein de sueur. Je frémis en voyant le spectacle qu’il m’offre, pas difficile d’imaginer à quoi pouvait servir cette mixture avec le système de torture qu’ils utilisent, la victime prisonnière se mettrait à se frotter d’elle-même le dos contre le dossier garni de pics, s'arrachant la peau du dos, cherchant un soulagement qui ne viendra jamais.

Continuant de se gratter furieusement d’une main, il reprend juste assez longtemps le contrôle de ses pensées pour chercher une fiole sur la table en renversant la plupart des différentes mixtures de ses gestes tremblants, continuant de lâcher des exclamations de douleur au milieu de ses plaintes aiguës. Il semble trouver celle qu’il voulait, l’attrapant de geste maladroit, débouchonnant précipitamment le bouchon et l’engloutissant d’un trait. Ne voulant pas attendre la suite des évènements, je me relève malgré mes membres endoloris et me précipite vers lui. Il lâche sa bouteille et se gratte encore une fois alors que je le cueille d’un crochet brutal dans la mâchoire, faisant gicler du sang de ses blessures à la joue, le faisant reculer jusque contre le mur à côté de la porte. Je manque moi-même de me retrouver une nouvelle fois au sol, emporté par mon élan. Ne voulait pas lui laisser le temps de récupérer, je me jette sur lui avec un violent coup de genou dans le torse, le plaquant contre le mur, puis reculant un peu pour armer un uppercut qui vient le chercher sous le menton, l'envoyant se cogner une nouvelle fois la tête sur le mur en bois. Lorsque je m'arrête pour respirer et que je le regarde, il sourit, un sourire calme au milieu de son visage rouge sang qui goute le long de son cou, imbibe son haut blanc, et dont chaque centimètres gardent maintenant des traces de griffures plus ou moins profondes que l’on retrouve également le long de ses bras. Son sourire provoque en moi une réaction de peur inconsciente et je me surprends à reculer. Sans un mot, il sort la dague qu’il gardait précieusement dans son étui accroché à sa ceinture, la distance entre nous étant suffisante pour qu’elle devienne une arme dangereuse, potentiellement mortelle. Son rictus disparaît, des veines se gonflent sur son crâne chauve au-dessus de sa mâchoire crispée et ses yeux deviennent vite injectés de sang.

Il se jette en avant avec un cri de rage lorsque mon pied bute contre un objet solide, je sais ce que c’est sans avoir à la regarder. Je ramasse précipitamment la tige en fer qui gisait au sol et pare de justesse son revers qui visait à me trancher le cou. J’étais excellent épéiste, il y a cent ans de cela, quand j'étais encore quelqu'un. Cette simple petite pensée nostalgique réveille en moi une haine farouche, du fond de mes tripes je sens le mal obscur qui m’habite essayer de s’exprimer. Le contact du fer vibre dans l’air lorsque j’oppose mon arme improvisée à sa dague, ravivé par la colère sourde qui s’agite en moi, sans attendre de réponse de sa part, je le force à reculer d’un coup de botte en plein abdomen alors que nous défions notre force respective avec nos armes. Il reprend une certaine distance et tente cette fois un coup de taille mais j’arrive une nouvelle à lui opposer mon arme. Je tente de lui infliger un violent revers au visage avec la barre en fer mais il recule d'un pas, esquivant habilement mon coup et essayant d'enchainer avec un coup descendant que je bloque de justesse en pliant les genoux, gagnant les précieuses millisecondes qu'il me faut pour remettre la tige sur le trajet de son arme. Voyant qu’il est suffisamment proche et que son regard est concentré sur mon visage, ma botte vient le percuter dans l'abdomen. Je ne perds pas de temps, suivant dans ses pas de recul, un coup d’estoc précis accompagné d’un mouvement de hanche vient planter la pointe de la tige au-dessus de son épaule gauche, manquant largement le cœur à cause de ma fatigue et de nos mouvements imprévisibles. Aucun cri, aucun signe de douleur apparent alors que je le force à reculer, le poussant jusque contre le mur, sentant la tige s’enfoncer dans les muscles et la chair qui se tordent et se déchirent, sentant bientôt le bois solide de l’autre côté de son membre, le sang coulant de sa plaie et colorant un peu plus son haut blanc. Il me regarde simplement, souris brièvement une nouvelle fois devant mon incompréhension avant de retrouver son expression de brute, et d’un coup de taille me dessine une longue balafre sur le torse, déchirant ma chemise. Je ne fais pas exception à la nature, le contact froid et cruel du fer me fait lâcher un puissant râle de douleur, je recule précipitamment avant qu’il ne puisse m’infliger une nouvelle profonde entaille, serrant mes bras contre ma poitrine meurtrie, abandonnant mon arme.

Il la retire en grimaçant mais sans sourciller, la faisant lentement sortir de la plaie avec un son écœurant avant de la laisser tomber à ses pieds. Le cliquetis de la barre de fer lorsqu’elle rencontre le bois du plancher sonne comme mon arrêt de mort. Son bras pend mollement contre son flanc et je doute qu’il soit utilisable, mais sa blessure ne semble pas le ralentir ni le gêner. Ma colère s’évapore, une boule naît dans mon ventre, c’est quoi ce délire. Mon cœur palpite précipitamment, mes sens en alerte, il s’élance une nouvelle fois sa dague en avant. Voyant l’éclat pointu de son arme se diriger dangereusement vers moi, une dernière idée me vient. Je ne cherche pas à esquiver et au moment où son arme devrait m’arracher une partie de la jugulaire et je mets ma main sur le trajet de son arme pour la dévier. J’ai beau serrer les dents et me préparer autant que possible à l’impact à venir, je ne peux m’empêcher de hurler de douleur lorsque la lame transperce ma paume avec un bruit à faire frémir les plus téméraires. Mais je dois agir vite. Je le laisse avancer, entrainé par son élan jusqu'à ce que nos corps soit collés et alors que nous sommes face en face, j’utilise le reste de mes forces et ajoutant la rage à mon hurlement de douleur, je le soulève par la taille. La pesanteur s’occupe du reste. Le crochet qui me maintenait prisonnier s’enfonce brutalement à travers la peau molle en dessous de sa mâchoire avec un son abominable de déchirure et ressort au milieu de sa bouche, arrosant bien vite le sol du sang qui s'échappe de la plaie. Je recule sans prêter attention à cet horrible spectacle, tenant ma main contre moi, regardant la lame qui la traverse de part et d'autre, mes traits crispés par la douleur assommante. Je ne dois pas la retirer, pas ici, c’est un coup à se vider de son sang. Lorsque je lève à nouveaux le regard, je pense halluciner. Le bandit continue de se débattre, tenant le crochet de son unique bras valide alors qu’il touche le sol de la pointe des pieds. Sa mâchoire craque, bouge, se tend, prend des formes que la nature ne lui a pas données, il grogne, pousse des cris transformés en inquiétant gargouillement par le sang qui remplit sa bouche, pas de douleur mais uniquement de haine d’être bloqué ainsi. Je reste un moment, à la fois incrédule et terrifié.

(Putain mais c’est pas possible)

Tenant toujours ma main contre moi, je me relève tant bien que mal, mes jambes bougeant plus par reflexe que par un ordre conscient. Je m’approche de la chaise de torture, l’instrument dont ils étaient si fiers. Je laisse ma haine s’exprimer, pour Tatch et son offre, pour Meredith qui m’a vendu, pour l’imbécile de proprio qui m’a mis dans cette merde, pour Rufus et son bâtard d’équipage et maintenant pour ce fils de catin de Néral, je me déchaine sur la chaise, détruisant à coup de botte les pieds puis le siège jusqu’à ce qu’il ne reste que le dossier au milieu des éclats de bois et des morceaux de meuble. Ma respiration ressemble à un soufflet de forge comme si je venais de nager sur plusieurs kilomètres. J’attrape le dossier d’une main et le laisse reposer légèrement sur les doigts tendus de ma main blessée, incapable de saisir fermement l'objet. Je m’approche de mon tortionnaire s’agitant toujours sur son support funèbre et je laisse aller libre court à ma fureur encore une fois dans un défouloir des plus barbare. Le dossier s’abat une première fois sur le haut de son crâne et glisse de mes doigts immobiles. Le bruit qui résonne dans la pièce est indescriptible tant il est horrible, rappelant le son d'un marteau qui enfonce un clou, auquel s'ajoute un craquement humide d'os brisés et de chairs déchirées alors que les piques incrustent leur macabre empreinte sur sa peau et que le crochet atteint son palet et continue sa progression dans son crâne, mais je ne m’arrête pas là. Je repose le dossier sur ma main ensanglantée et un deuxième coup suit bientôt le premier, un troisième, un quatrième et il a fini de gesticuler bien avant que le dossier ne cède sur son crâne qui ressemble maintenant à un amas sanguinolent de viandes battues, ses traits n’ont plus rien d’humain et il est impossible de le reconnaitre sous l’épaisse couche de sang, ses yeux ne tenant pratiquement plus dans leurs orbites.

Je lance les deux morceaux de dossier dans le feu et tente de me calmer, essuyant le sang de mes yeux, fixant d’un œil morne son cadavre, comme un artiste observant son œuvre d’art répugnante et malsaine après l’avoir achevé. Un rictus dément déforme mes traits, une certaine satisfaction ressentie dans cette absurde boucherie. Le sang imprime de sa couleur typique tous les murs de la pièce, seul le tapis de la même couleur empêche de prendre pleinement conscience du carnage et les fioles de poisons sont toutes renversées au sol, certaines fumant dangereusement alors qu’elles attaquent le plancher. Je transpire de douleur, de rage et des efforts que j’ai fournis, les effets de l’adrénaline commencent à s’estomper, la douleur brulante du passage de sa dague palpite soudainement avec force, et la douleur aigue dans ma main explose bien au-delà du raisonnable, ma joue en feu se rappelle également à mon bon souvenir, témoin du violent coup que j’ai reçu plus tôt. Je me sens lentement défaillir alors que je m’approche de la porte pour sortir, perte de sang, douleur, fatigue, tout se mélange dans mon esprit alors que la pièce me semble tanguer dangereusement. Je tombe à genoux, de grosse goute de sueur perlant de mon front. Rufus, Tatch, Neral, la milice d'Oaxaca, il ne manque plus que le putain de Roi et j'aurais toute la ville sur le dos, moi qui déchargeais des caisses au port il y a encore trois jours. Ses pensées sombres m'arrachent un sourire. Le grincement du bois me fait relever la tête, la porte s’ouvre lentement, bloqué par le cadavre du premier bandit, mais ma vision est déjà trop floue pour que je puisse identifier la silhouette qui y entre, emmitouflée dans différentes étoffes dont je n’arrive pas à identifier la couleur, il me semble juste entendre un croassement quelque part au loin, avant de m’évanouir.

->
Modifié en dernier par Devon le ven. 17 sept. 2021 02:15, modifié 1 fois.

Avatar du membre
Eteslë
Messages : 99
Enregistré le : jeu. 31 oct. 2019 22:51

Re: Le Quartier des Marins

Message par Eteslë » dim. 8 déc. 2019 14:39

Mano a mano

Aux abords de la taverne accueillant l’équipage d’Akram, Eteslë attend patiemment, le dos appuyé contre un mur dans une ruelle adjacente afin de ne pas se faire remarquer. La nuit commence à peine à recouvrir le ciel de son voile nocturne lorsque la petite troupe de malfrats commanditée par Ferioti se présente. Par groupe de deux ou trois, ils investissent les environs, sans se faire remarquer par des yeux non avertis, jouant un rôle. Un groupe qui discute ici, des dockers au travail là, tout est fait pour qu’ils passent inaperçus en attendant le signal. Dans sa ruelle, les pensées d’Eteslë sont loin de concerner la mission de ce soir. Tout son esprit est tourné vers les paroles prononcées par Yvan avant qu’elle ne quitte la chaleur bienfaisante de ses bras, où elle avait passé une bonne partie de la journée.

- Sois sûre de revenir cette fois.

Sans qu’elle ne sache pourquoi, cette phrase trouve un écho au sein de son esprit, semble avoir plus de sens que les mots seuls ne le laissent entendre. Qu’avait-elle fait pour finir ainsi, égorgée et amnésique ? Voilà que la curiosité qu’elle a sciemment enfermée à double tour dans un coin de sa tête est parvenue à se frayer un chemin vers ses pensées, perturbant le calme qui y régnait autrefois, propageant toujours davantage de questions sans réponses. Mais elle n’avoue pas qu’elle veut savoir, car c’est faux. Peut-être qu’une part, une infime part d’elle souhaite la vérité, connaître qui elle était. Mais elle la repousse, la cloisonne, barricade son esprit à cette autre elle-même qu’elle refuse. Car si jamais elle se souvient, que l’ancienne reprend place, que restera-t-il de celle qu’elle est aujourd’hui ? Sera-t-elle absorbée, confondue dans les centaines, les milliers de souvenirs qui referont alors immanquablement surface ? Ou disparaîtra-t-elle, comme ça, laissant place à cet autre sans rien laisser d’autre derrière elle qu’un vague souvenir pour ceux qui l’ont un jour croisé ? Peut-être était-elle différente, avant. L’idée de retrouver un jour son identité, ses souvenirs, cela l’angoisse à présent. Tout était plus simple lorsqu’elle n’avait pas à s’en soucier.

(Tout ça depuis qu’il est là…)

Si elle veut être totalement honnête avec elle-même, la présence d’Yvan n’a fait que précipiter un état qui devait arriver, tôt ou tard. Il y a trop de zones d’ombres, trop de questions sans réponses qu’elle se serait forcément posées, un jour ou l’autre. Comme ce tatouage, dont elle ne connaissait ni ne comprenait la signification. Ou la provenance de ce collier fait d’un os étrange. Ou la couleur de ses iris, cette couleur qui semblait étonner ses interlocuteurs ou attirer les regards. Ou encore son penchant pour le combat et la violence, qui semblait avoir toujours été là, comme une réminiscence de qui elle était vraiment. Elle soupire en collant l’arrière de son crane contre la froide texture du mur derrière elle, se permettant de fermer les yeux quelques instants. Elle ne doit pas penser à cela maintenant, elle le sait, ça ne fera que la perturber dans un moment où tous ses sens doivent être en éveil.

Un étrange bruit se fait soudain entendre et elle relève le nez vers les étoiles qui ont commencé à s’allumer sur le firmament. Le son recommence. Le signal était supposé être le hululement d’un oiseau typique de la région, et force est de constater que le type qui le fait est, au choix, un piètre imitateur ou un type qui n’a jamais entendu un oiseau de sa vie. Une troisième fois, le cri s’élève et Eteslë s’écarte du mur, sort de la ruelle et se dirige rapidement vers l’auberge. Tous les autres ont fait de même. Ils sont une quinzaine au total à entourer l’auberge. Lames discrètes, gourdins et une ou deux arbalètes composent leur équipement. Les regards échangés sont nerveux pour certains, confiants et légèrement excités pour les autres. Eteslë, pour sa part, focalise son esprit pour ne pas sombrer à nouveaux dans ses réflexions, distractions bien inutiles qui ne feraient que lui causer des ennuis. Pourtant, son regard tombe sur un des hommes. Un jeune blanc-bec qui semble bien plus nerveux que les autres. Elle peut le voir jeter de furtifs coups d’œil autour de lui, la jambe droite tremblante et les mains tripotant nerveusement le manche de l’arme qui pend à sa ceinture. Les paroles de Ferioti lui reviennent en tête, et ce qu’elle aurait pris pour un jeune inexpérimenté et nerveux devient aussitôt une potentielle taupe qu’elle doit surveiller.

Un sifflement lui fait tourner la tête tandis que les hommes de Ferioti investissent soudainement la taverne. Elle entend aussitôt des cris et se précipite pour entrer. Deux pirates sont déjà au sol, des carreaux profondément fichés dans le torse tandis que la douzaine restante livre un combat acharné contre leurs agresseurs. Le chaos règne, les bruits des armes qui s’entrechoquent et des cris des blessés font bouillonner le sang d’Eteslë qui se jette dans la mêlée. Elle aperçoit le blanc-bec aux prises avec un pirate bien plus costaud qui a largement le dessus. Elle se précipite alors que le jeune se fait désarmer. Son talon percute la mâchoire du pirate alors qu’il levait son arme et l’envoie au tapis. D’un signe du menton elle ordonne au jeunot de se carapater, ce qu’il fait sans tarder, s’en allant plutôt prêter main forte à un camarade blessé. Rassuré sur son allégeance, elle se focalise sur le pirate qui se relève en crachant une dent, la main serrée sur la poignée de son épée courbe. Ils se jaugent un instant, puis le pirate sourit étrangement, crache un peu de sang avant de rengainer son arme et de faire craquer ses doigts en un geste ridicule aux yeux d’Eteslë.

- Il y a bien longtemps que je n’ai pas rencontré de cogneur... ou cogneuse. Voyons ce que tu vaux ma jolie.

Et il la charge, bousculant un de ses camarades qui avait négligemment posé un pied sur sa trajectoire avant de balancer son poing vers le visage d’Eteslë. Sur le visage de celle-ci, un rictus s’apparentant à un sourire apparaît et elle lance également son poing, mais pour frapper le poignet de son adversaire. Elle dévie sa frappe et bondit en arrière pour éviter le coup de genou qui suit. Il la suit et lui assène un nouveau coup qui la frappe juste sous la poitrine, lui coupant le souffle. Elle le lui rend en lui donnant un violent coup de pied dans les côtes et les deux adversaires s’écartent, reprenant chacun une respiration plus normale avant de se jeter l’un sur l’autre à nouveau. Le jeune femme bande ses muscles et assène violemment deux coups de poing, un crochet du droit dans le visage et l'autre au niveau du plexus solaire. Le pirate titube en crachant tout en essayant de reprendre sa respiration coupée par le poing d'Eteslë. Cette dernière en profite et saisit un tabouret qu'elle envoie directement dans le crâne du pirate qui a le bon réflexe de se baisser avant de ceinturer la jeune femme et de la faire tomber au sol. Il bloque son poignet droit contre le sol avant de la frapper de sa main valide. La douleur lui vrille la tête une première, puis une deuxième fois avant qu'elle n'attrape son poing de sa main libre. Il se dégage et elle en profite pour le frapper à son tour dans la mâchoire. Il l'attrape par les cheveux et en représailles elle enfonce ses doigts dans ses yeux. Il la lâche aussitôt en se tenant le visage lui laissant le temps de ramasser ses jambes contre sa poitrine avant de lui envoyer les deux pieds dans le torse, jetant le pirate au sol. Elle se relève, son arcade laissant couler un filet carmin sur son visage. Le pirate est aussi debout, le nez en sang qui coule jusqu'à ses dents dévoilées par le sourire qu'il arbore. Il crache au sol.

- Pas mal...

Elle le sent prêt à lui foncer dessus et allège ses appuis. Lorsqu'il la charge, son pied se détend en un vif arc de cercle qui le cueille sur le côté du crâne, le jetant contre une table proche qui se renverse à demi. Alors qu'elle se rue sur lui, il lance un lourd pichet sur elle. Le bras qui se lève pour protéger son visage ciblé le reçoit de plein fouet et elle grimace sous le choc, sentant un engourdissement se diffuser dans son avant-bras douloureux. Le pirate, sonné, peine à rester debout et ses mouvements se font moins vifs. Malgré son bras blessé et la douleur de sa tête, Eteslë s'approche et évite son coup mollasson, utilisant son élan pour le faire chuter à genoux avant de violemment lui asséner un coup de genoux l'envoyant finalement au tapis. Autour d'elle, le combat prend fin avec l'évidente défaite des pirates, en sous-nombre. Eteslë remarque pourtant deux choses qui ne vont pas. Premièrement, les hommes d'Yvan ne sont jamais apparus et ensuite, la fameuse taupe ne semble pas avoir prévenu les pirates de cette attaque puisqu'ils ont été véritablement surpris. Un mauvais pressentiment la gagne soudainement et elle déchire la manche de la tunique du pirate pour éponger le sang qui coule depuis son arcade avant de quitter rapidement les lieux. Son bras pressé contre son flanc, elle avance en direction des quais, le sentiment prenant de manquer quelque chose ne la quittant pas.

Avatar du membre
Eldros Rougine
Messages : 108
Enregistré le : lun. 7 janv. 2019 14:57

Re: Le Quartier des Marins

Message par Eldros Rougine » jeu. 27 févr. 2020 20:36

<<<


Nous arrivons rapidement au chantier, à temps pour apercevoir des inconnus fuir et des corps être jetés par dessus bord pour s’écraser au pied de la coque. Un groupe de l’équipage s’occupe d’éteindre un départ d’incendie sur le chantier avant qu’il n’endommage le navire.

« La situation est sous contrôle ici ! Foncez à l’entrepôt ! »

Laeten nous ordonne de nous hâter mais il ne semble pas paniqué ni inquiet outre mesure. Il garde son sang froid exemplaire et dirige rapidement les membres de son équipage sur les tâches urgentes telles que l’incendie , la gestion des blessés et l’envoi des renforts à l’entrepôt. Nous pressons le pas pour nous y rendre accompagné d’une dizaine d’autres hommes.

Ici le combat se déroule encore, le fracas des lames et les cris de douleurs sont audibles de loin. A quoi rime cette attaque ? A quoi pensait mon père ? Récupérer sa marchandise ? Son navire ? Une simple vengeance ? Ca ne lui ressemble pas de mener un assaut d’envergure qui semble manquer cruellement d’organisation. Même si j’ignorais tout de son commerce sous table, il n’avait jamais rien mené sans une réflexion importante.

Notre simple arrivée suffit pour faire fuir les assaillants. Ils n’étaient même pas parvenu à forcer les portes, solidement gardés par des mercenaires que le capitaine devait arroser d’or. Le compte rendu est donc rapidement établi. Un blessé de notre côté pour cinq mort du leur. Si le Whielois semble déjà se féliciter d’une victoire facile, il regrette rapidement son excès de satisfaction quand un pirate vient nous annoncer que la vraie cible était le Mat d’Or.

>>>

Avatar du membre
Eldros Rougine
Messages : 108
Enregistré le : lun. 7 janv. 2019 14:57

Re: Le Quartier des Marins

Message par Eldros Rougine » dim. 8 mars 2020 22:04

<<<


« Qu'est ce que ça signifie ? »

Laeten s'était empressé de rejoindre la cité, accompagné de son quartier maître, de Dolvan, du Shaakt Malaggar Ein, d'un Humoran au pelage tigré répondant au nom de Koum et de moi même. Nous faisons face à deux elfes noire, un mâle et une femelle, accompagné de six Garzoks grands et costauds à l'air stupide qui s'apprêtent à dégainer leurs armes en nous voyant approcher à pas rapides. La femelle Shaakt, grande et richement vêtue, nous observe d'un air hautain alors que le mâle à côté d'elle, moins bien habillé et portant un livre et une plume se fait tout petit. La Shaakt lève le menton quand nous arrivons à proximité et dresse une main vers nous, paume ouverte pour nous faire signe de nous arrêter, appuyée par ses colosses à la peau verte, brune ou noir. Nous nous stoppons alors à un bon mètre du groupe Oaxcien. Elle daigne enfin nous adresser la parole sur un ton qu'on prendrait pour parler à des animaux. Une broutille par rapport à la colère que je posséde encore suite à l'annulation du carénage bien qu'il est certain qu'elle ne paie rien pour attendre en m'adressant la parole ainsi.

« La Dame Noire réclame des navires pour grandir sa flotte. Le votre en fait désormais partie, de même que son équipage. Je constate qu'il y a eu du grabuge sur votre chantier, remettez de l'ordre ici ou je sélectionnerais moi même un nouveau capitaine, monsieur Laeten. »

Jiat plisse les yeux mais ne prononce pas un mot. Il n'y en a d'ailleurs aucun à dire, il semble coincé. Après un instant de silence il rétorque :

« Mes hommes ne sont pas des soldats, ils n'ont pas la formation pour être efficace dans une bataille navale d'ampleur. »

Il a déjà abandonné l'idée de refuser, cette garce l'a déjà relayé au rang de larbin en une poignée de secondes. Voilà que l'homme impressionnant qu'est Jiat Laeten se trouve une excuse pour ne pas se faire gronder. J'en suis à la fois déçu et admiratif devant son contrôle de soi et admiratif, également, face à l'elfe noire qui se tient face à lui. Elle rétorque à son tour, tout en invitant d'un geste le mâle à ses côtés à s'avancer vers nous. Il s'approche pour confier au capitaine un parchemin scellé et un drapeau roulé. La posture de se sbire me dégoûte, recroquevillé, le regard baissé, les mains nues meurtries par le froid, le corps à peine vêtu, tremblotant sous le poids de l'hiver alors que sa maîtresse est drapée dans un long manteau de fourrure, inspectant avec un dégoût non dissimulé le travail de son larbin.

« Pour l'heure nous ne demandons pas votre présence dans une bataille. Voici une liste de cibles que vous allez traquer et éliminer. Pillez les si ça vous chante. Vous pourrez garder toutes les richesses que vous accumulerez. Vous n'aurez plus aucune taxe à payer au bouffon qui ose se prétendre Roi de ce ... »

Elle désigne d'un geste las avec une grimace de dégoût ce qui l'entoure.

« Je ne trouve même pas le mot pour décrire ce que je vois. Votre port d'attache est désormais à Caïx Imoros. Choisissez soigneusement les hommes et les femmes qui vous accompagneront sur La Baliste. Le reste de votre équipage conduira le Mat d'Or au chantier naval de Caïx Imoros pour qu'il soit équipé décemment pour rejoindre le conflit. »

Nouveau plissement de regard de la part de Laeten alors qu'il brise le sceau du parchemin pour le parcourir du regard.

« Capitaine... » Grogne Manor Haath, le quartier maître, le sang pourpre qui semble sur le point de bondir en brandissant sa lance.

« Ca ira monsieur Haath, ça ira. »

« Prenez la mer dès que le temps le permettra et occupez vous de vos cibles avant de revenir chercher vos prochains ordres. Voyez, Capitaine, vous avez aussi beaucoup à y gagner. »

Elle fait alors volte face de façon théâtrale avant de s'éloigner sans un regard pour son escorte. Une fois à bonne distance, le sang pourpre crache au sol alors que le capitaine déplie le drapeau qu'on lui a offert, représentant l’étendard sombre de l'Empire Omyrien.


>>>
Modifié en dernier par Eldros Rougine le jeu. 7 janv. 2021 21:07, modifié 1 fois.

Avatar du membre
Devon
Messages : 60
Enregistré le : mar. 22 janv. 2019 01:44

Re: Le Quartier des Marins

Message par Devon » mar. 18 août 2020 02:06

<-

Je traverse le port en sens inverse à pas pressés, le corbeau sur mon épaule, souhaitant mettre rapidement le plus d’espace possible entre moi et le temple dans mon dos. Je ne sais pas trop où je dois trouver ma prochaine destination, je n’ai eu vent de son existence que grâce à certaines rumeurs et son emplacement ne se donne que lors d’échange de murmures qu’on préfère garder discret. Mais je sais où l’on peut trouver l’endroit le plus proche. Doublant un groupe de mercenaires qui suit un marchand affichant une mine de dégout partout où il pose les yeux, je m’engage dans le quartier des marins. La large allée qui s’étend le long de la baie est balayée par le vent marin rafraichissant qui fouette les étoffes des passants et subit les assauts incessants des vagues qui viennent s’écraser sur le bord. Si le port est un joyeux bazar où se bouscule marchands, soldats, mercenaires, aventuriers et marins, qui respirent l’argent, l’alcool et le bon vivre, le quartier des marins ressemble à la face opposée. Le long du chemin qui longe la mer se croise des marins à la mine patibulaire, parfois armes à la main, des mendiants, des drogués et des rares miliciens en armure qui garde la zone, du moins avant que les étoiles ne pointent dans le ciel car s’y balader à ces heures nocturnes revient à chercher les pires ennuis, même pour un soldat. Pourtant personne ne vient perturber mon avancée silencieuse, peut-être mon regard assassin dissuade même les plus téméraires de venir me dépouiller de mes maigres affaires, ou bien est-ce le sombre oiseau sur mon épaule qui éloigne les marins. Je ne pousse pas plus la question jusqu’à ce que d’un groupe bruyant de marins ivres que je croise émerge un courageux imbécile qui vient se mettre sur mon chemin.

Il agite maladroitement sa bouteille vide et me braille quelques mots au visage, empuantissant l’air déjà rance du parfum de son haleine d’alcoolique.

« Faut pas trainer seul dans l’coin l’ami … ça t’dis pô de boire un verre ‘vec d’bon gars ? »


Il finit sa phrase en me désignant d’une main peu précise la direction des deux marins qu’il vient de laisser à leur discussion pour venir m’emmerder. Mon regard va du groupe et revient sur lui, il n’a pas l’air de comprendre que je n’ai aucune intention de me joindre à eux. Pour ce que j’en sais, ça pourrait encore être un piège et si je n’apprécie déjà pas spécialement la compagnie des idiots de cette ville, ces trois-là me repoussent particulièrement, avec leurs vêtements tâchés de vomissures et de sueur. Sans un mot je reprends ma route, bousculant légèrement le perturbateur d’un coup d’épaule au passage. Ma mâchoire se crispe d’un coup lorsque je sens sa main se poser sur mon épaule libre pour m’arrêter. Son ton faussement amical d’avant devient lourd de menace, mais il commence une phrase qu’il ne finira pas.

« S’tu veux pas v’nir ‘vec nous, alors aboule les … »

Je pivote en utilisant mon coude qui vient le frapper en pleine tempe avec un son sec, le faisant reculer dangereusement en direction de la mer, sonné. Sans attendre qu’il ne puisse s’y retrouver dans le monde qui doit tourner devant ses yeux, je l’expédie dans les bras de Moura d’un violent coup de pied dans la poitrine. Il agrippe désespérément l’air devant lui alors qu’il chute, son long cri interrompu par sa disparition sous les flots. Je me retourne vers ses deux camarades qui me regardent l’air hébété, comme s’ils essayaient encore de comprendre ce qui vient de se passer. Peut-être qu’ils sont trop ivre pour comprendre exactement la situation, mais ils ont bien vu que je viens de faire projeter leur camarade dans l’eau froide du port et je peux voir précisément l’instant auquel il décide de ne pas laisser ce crime impuni à leur changement de grimace. Ils se ruent sur moi alors que je rapproche ma main gauche encore blessée vers mon torse et dégaine avec un son sec la lame à mon flanc. Mis en confiance par leur été alcoolisé, je sous-estime la vitesse de l’un d’entre eux qui arrive plus vite que prévu au contact et me pousse violemment avant que je n’ai le temps de sortir mon arme qui tombe avec un son de ferraille. Furieux d’avoir été perturbé sur son perchoir, le corbeau bat violemment des ailes en s’envolant légèrement avant de se jeter sur le visage découvert du marin encore en retrait qui tente tant bien que mal de se dégager de son assaillant volant en agitant les bras dans tous les sens, sans se rendre compte qu’il s’approche inexorablement du bord de la jetée. Je me retrouve seul face à mon adversaire qui titube un peu et me pointe d’un doigt peu flatteur avant de me faire comprendre qu’il compte me tabasser. Du moins il va essayer. Il se lance maladroitement en avant en essayant de m’envoyer un crochet dans la mâchoire mais son coup est lent et prévisible, je l’esquive simplement en me décalant sur sa droite. Son équilibre peu assuré, il manque de tomber emporté par son élan mais je le rattrape par une mèche de cheveux.

D’un geste violent, je lui écrase sans merci le visage sur mon genou qui remonte en même temps à la rencontre de son nez Sa tête est projetée en arrière, il titube sur quelque pas à reculons mais étonnamment, il ne tombe pas, retrouve l’équilibre et se remet sur ses jambes. L’écart entre nous n’est pas aussi grand que je ce que j’espérais. Sans même essuyer sa figure barbouillée du sang qui s’échappe de son nez, il m’envoie une grande frappe le poing fermé que je n’ai pas le temps de totalement éviter et qui me percute en plein dans l’épaule gauche, envoyant des éclairs de douleurs dans ma main blessée qui me crispe la mâchoire. J’oublie que les marins ont une endurance supérieure à la moyenne, surtout quand ils ont bu. Hors de mon chemin de vision, un croissement furieux précède un long cri qu’un Avant qu’il ne puisse repartir à l’attaque, je m’avance vers lui pour lui donner un coup de genou directement dans le bas ventre en grognant, le pliant en deux, le souffle coupé. Je l’attrape à la gorge de ma main valide et le pousse en direction de la mer, mais il refuse de se laisser faire. Un geste hasardeux me gifle d’un revers de la main sec, faisant s’envoler mon tricorne. Je le lâche instinctivement et il me pousse avec force, suffisamment pour reprendre son souffle. Les mains crasseuses qu’il a utilisées pour me pousser réveillent une douleur irritante autour de ma plaie à la poitrine. Autour de nous certain badauds se sont arrêtés pour assister à la scène, pas pressé de nous arrêter, ils assistent avec cette fascination morbide qu’on retrouve chez le public des arènes de combat. Profondément agacé par cette perte de temps, je m’avance vers lui alors qu’il tente de mettre en place une garde devant son visage. Mais ses mouvements rendu hésitant et maladroit par l’alcool, il ne se protégera de mon poing gauche qui vient s’écraser dans sa mâchoire. Il tombe à terre, se tenant sur ses deux mains et je l’achève d’un violent coup de pied dans la tempe. Cette fois il ne se relèvera pas pour un moment. Je le surveille d’un regard noir alors que les marins s’en vont en rigolant ou en reprenant le cours de leurs discussions. Un battement d’ailes soulève mes cheveux gris alors que le corbeau revient se poser sur mon épaule, tenant mon tricorne dans son bec dont dégoulinent quelques gouttes d’un liquide carmin dont il est difficile d’ignorer la provenance. Je récupère mon chapeau qu’il me tend et lui adresse un rictus qui ressemble sans doute à un sourire alors que je le dépoussière d’une main.

« ‘Fin quelqu’un d’fiable dans ct’e ville, un plaisir »

Je réajuste mon chapeau et me remet en route alors que le marin se remet lentement à gesticuler en poussant des râles de douleurs et se massant la mâchoire. Je palpe d’une main ma chemise usée, la cicatrice a tenu bon, heureusement. Décidément impossible de traverser cette putain de ville sans échanger des coups avec des inconnus. Je suis néanmoins satisfait, c'est la première fois que ce sale volatile m'aide lorsque la situation dégénère. Peut-être qu'il n'est pas si inutile finalement ? Je reprends lentement ma route le long de la jetée, pas pressée de fuir la milice qui de toute façon ne dirige pas ce quartier de la ville, calmant ma respiration accéléré par l’action récente. Je vois au loin de l’océan de lourds nuages gris se rapprochant de la côte, annonciateur d’une nuit noire particulièrement orageuse. Un rideau torrentiel se déversant dans la mer peut déjà se voir d’ici alors que le vent se lève et les vagues grossissent progressivement. Je précipite mes pas pour ne pas faire le chemin inverse sous la pluie battante. Je finis par croiser le bâtiment que je cherche et que j’aurais pu, au premier abord, confondre avec n’importe laquelle des maisons rapiécées qui ont eu le malheur de pousser dans le quartier des marins, mais plusieurs éléments dénotes bien vite avec le reste des taudis et permettent d’identifier le lieu. D’abord la population reconnaissable entre mille qui entre et sort de la sinistre bâtisse, puis sa porte de fort mauvais goût qui m’arrache un sourire solitaire. Ses murs en brique d’un gris ternes et la tenace odeur de sang qui en émane ne laisse aucun doute. Difficile de trouver plus grand rassemblement de Garzoks au-delà de la milice de la ville que dans le temple de Thimoros. Je ne m’y arrête pas. Je n’ai jamais eu de considération pour ce dieu imbécile qui prêche la violence pour le simple plaisir et je ne compte pas commencer aujourd’hui. Mais le lieu que je cherche est, dit-on, très proche des environs. Les quelques pas suivant m’amènent face à une vieille ruelle sombre qui s’engouffre dans le cœur du quartier des marins, jouxtant le temple de Thimoros. Je m’enfonce dans les profondeurs de l’impasse à moitié pavée et dont l’obscurité semble s’épaissir alors même que le soleil pointe encore son nez dans le ciel; j’y trouve enfin le lieu que je cherche. Une vieille porte solitaire attend patiemment, donnant sur une masure à l’aspect passablement délabré qui cache bien des secrets.

->

Avatar du membre
Devon
Messages : 60
Enregistré le : mar. 22 janv. 2019 01:44

Re: Le Quartier des Marins

Message par Devon » jeu. 16 sept. 2021 22:00

<-

Tout ça pour ça

L’intérieur est bien différent de ce que à quoi je m’attendais. La vieille façade maussade en bois et sans fenêtre dissimule une pièce bien éclairée où trône dans deux coins un grand braséro qui réchauffe agréablement l’habitation. Un lit solitaire mais à l’air douillet, une petite table ronde en bois sur laquelle sont posés un verre et quelques couverts, un tabouret de la même matière qui attend patiemment, et une petite étagère ou repose une arbalète, un sabre, une poignée de parchemins roulés et plusieurs bouteilles sont les seuls mobiliers qui occupent l’espace. Je dissimule un léger soupir de déception lorsque je vois que la pièce est vide, le capitaine que je cherche et que je pensais trouver ne se cache pas ici.

« Vous voulez peut-être quelque chose pour nettoyer votre plaie ? » me dit-il en me tendant un bout de tissus.

Je le prends en le remerciant et le presse contre ma lèvre d’où coule encore un filet de sang. Lui-même s’éponge le côté droit du visage qui a été quelque peu amoché dans notre récent combat.

Il me désigne d’un geste de la main le tabouret en m’invitant à m’assoir alors qu’il retire sa veste et la jette d’un geste désinvolte sur son lit, révélant la chemise en lin qu’il portait en dessous. Je l’imite en retirant à mon tour le long manteau bleu avant de le plier et de le poser sur un coin de la table, je réarrange la chemise sur mes épaules et m’assieds. Il fait les cent pas dans le petit espace entre la porte et le mur du fond, continuant de fumer sa pipe, l’air concentré comme s’il réfléchissait à quelque chose. Encore une fois je commence à sentir un léger tremblement le long de l’échine et une fine goutte de sueur me tombe le long de la nuque, ou peut-être est-ce juste une goutte de pluie ? Dehors les éléments se déchainent, le vent souffle avec fureur, la pluie bat inlassablement la longue promenade qui fait face à la mer pendant que les vagues s’écrasent avec fracas sur la jetée, projetant des gouttelettes jusque sur la rue pour les plus hautes d’entre elles. Et maintenant ? Je suis enfermé avec un capitaine Kendran qui n’est pas celui que j’espérais, aucune vue sur ma cible.

(Je le tue ? Non pire idée, il est mieux armé, plus fort et moins blessé. Je m’enfuis ? Non trop bizarre et c’est un coup à finir emporté dans la mer avec ce temps)

Les quelques secondes de silence me semblent être une éternité. Pour me calmer je ressors la flasque et prends deux petites gorgées du whisky qu’elle contient pour soulager ma gorge asséchée tout en prenant de grande inspiration qui j’espère reste discrète. Je guette avec appréhension les allers-retours du capitaine qui finit par se retourner vers moi. Un air étrange qui ne m’échappe pas passe sur ses traits, comme si à la lumière des braseros il voyait finalement mon visage. Il s’assoit sur son lit et me dit d’un ton amusé, un peu fort pour couvrir le vacarme extérieur.

« Ne le prenez pas mal mais … vous avez quel âge ? »

Je n’avais pas prévu ça. Je devrais être plutôt bien conservé étant un demi-elfe, mais les années de pirateries, de prisons et les quelques mois dans ce bourbier n’ont pas vraiment amélioré mon état, sans parler des évènements qui m’ont conduit ici. Mais si j’avoue ma vraie nature de demi-elfe, mon histoire n’aura plus aucun sens …

« Dans la quarantaine, j’ai repris le flambeau dans ma vingtaine »

Il se laisse allez contre le mur et me désigne d’un geste de sa pipe avec un sourire un peu moqueur.

« La nature n’a pas été tendre avec vous alors, vous pourriez être à la fin de votre vie que ça ne m’étonnerait pas »

« Essayez de vivre dans cette ville maudite au jour le jour, avec le stress et l’anxiété quotidienne, son lot de baston et d’alcool et voyez quel effet ça vous fait »

« C’est aussi la raison pour la couleur de votre peau ? »

« Rien à voir, mon grand-père était un homme comme un autre, disons qu’il avait des besoins naturels. Il s’est épris d’une femme sang-pourpre dans cette ville »

« Je croyais qu’elles étaient extrêmement rare à cause des pratiques barbares qu’ils ont sur leur île d’origine »

Cette fois-ci à moi d’arborer un petit sourire sarcastique qui je l’espère dissimule mon inquiétude intérieure. Je tente d’y aller au culot, il vaut mieux tout essayer maintenant qu’il me pense être à son niveau.

« Effectivement, alors considérez-moi comme vraiment chanceux »

Il ne dissimule pas un petit éclat de rire avant d’éteindre sa pipe, il attrape une bouteille de vin Kendran sur l’étagère et la débouche rapidement avant de se lever pour nous remplir deux verres. Il m’en tend un avant de retourner à sa place. Il prend une grande rasade avant de continuer. Le déluge atteint son intensité maximale et nous sommes obligés de hausser vraiment le ton de voix pour pouvoir nous entendre.

« Je pense être le plus chanceux d’entre nous, comment m’avez-vous trouvé ? »

« Pur hasard à dire vrai, comme je vous l’ai dit je surveille un pirate au Rat Lubrique, c’est là que je vous ai vu. Lorsque vous êtes sortis j’ai repéré les trois bâtards qui vous ont emboité le pas et je connais suffisamment Darhàm pour savoir que trois coupe-gorges qui suivent quelqu’un n’est jamais bon signe »

« Et bien si vous n’étiez pas intervenu je serais sans doute six pieds sous terre à l’heure qu’il est. »

« Non je ne pense pas, pour votre rang la rançon est aussi très appréciée dans les environs »

« Ce qui n’est pas non plus un sort très enviable, vous en conviendrez »

Je prends à mon tour une gorgée de vin. Du Ténébreux, un peu plus fort que celui que j’ai pu boire au Rat Lubrique, mais ça reste un bon alcool.

« Vous n’y aurez rien perdu d’autre qu’une oreille, peut-être quelques doigts et les bijoux qui vont avec. Pas votre tête en tout cas »

Il émet un grognement et regarde pendant un petit moment le mur qui nous sépare de la tempête.

« C’est précisément ce que je compte éviter à l’un de nos camarades »

« Une bonne initiative »

Il me regarde avec un air un peu inquiet.

« Dites-moi, vous dites que vous êtes également au courant pour sa présence, avez-vous d’autres informations sur lui ? »

« Absolument pas, la lettre que j’ai reçue ne m’informait que de la présence d’un marchand à extraire de la ville car il risque l’emprisonnement. »

Ah, le sujet principal. J’espérais qu’on finirait par y arriver, après tout il a l’air de s’y intéresser aussi. Il boit à nouveau son verre avant de se lever et de se diriger à nouveau vers la petite étagère. Il en tire un parchemin et le déroule pour en lire le contenu, mais il ne me fait pas pars de ce qu’il lit. Je sens comme un soulagement lorsqu’il apprend que je ne sais rien de cette affaire.

« Des informations sur notre individu ? »

Il ne relève pas les yeux de sa lecture confidentielle lorsqu’il me répond.

« Strictement confidentiel, désolé mais moins de personne sont au courant, moins l’information risque de fuiter »

(Merde …)

« Le plan pour le faire évacuer est prêt, mais je ne suis pas au courant du jour de son application »

« C’est ce que vous attendez au Rat Lubrique je suppose ? »

Il replie le parchemin et le repose avant de retourner s’assoir tout en récupérant son verre de vin.

« Bien vu »

J’essaye de prendre le ton le plus neutre et sérieux possible.

« Vous savez, s’il advenait que vous ayez besoin d’aide pour ça, il est de mon devoir et je suis disp… »

« Je comprends et je vous remercie, mais encore une fois, le secret est notre meilleur arme dans cette affaire, considérez là comme résolu et occupez-vous de vos autres assignations qui sont, j’imagine, tout aussi importante »

Impossible de le convaincre donc … Face à ses rebuffades ma patience commence à s’émietter et une colère sourde remplie l’espace vide qu’elle laisse. Elle monte progressivement en moi au risque de briser ma façade. Je préfère mettre un terme à cet échange maintenant avant de commettre une erreur irréparable.

« Dans ce cas je vais retourner à mes occupations, merci de l’accueil »

Je termine le verre de vin d’une traite sans prendre le temps de le savourer, me lève pour enfiler ma veste et reprendre mon tricorne et me dirige vers la sortie. Dehors la pluie tombe encore mais le temps semble s’être légèrement calmé comparé à tout là l’heure. Suffisamment pour arriver au Rat Lubrique en étant complètement trempé mais sur la terre ferme.

« Vous comptez rentrer maintenant ? »

J’essaye de reprendre le ton pseudo amical que j’utilise, avec moi de succès qu’avant.

« Je suis attendu »

« Cela ne peut pas attendre que la pluie ait cessé ? »

Je tente d'afficher un regard amusé, mais je sens que mon visage se crispe en une étrange grimace de souffrance.

« Allons, ce n’est pas un peu d’eau qui va empêcher un capitaine de rejoindre bon port »

Alors que ma main se pose sur la poignée en fer rouillé de la bâtisse, mon hôte se révèle soudainement de son lit et me rattrape. Je réprime une violente envie de me retourner et de lui envoyer mon poing en pleine figure pour récupérer ses parchemins, mais j’ai déjà eu beaucoup de chance de ne pas rouvrir mes blessures dans le combat de cette nuit et je ne suis pas prêt à réessayer.

Dans sa main calleuse usée par le travail manuel il me tend trois petites pierres comme celle que j’ai déjà eu à faire identifier dans la boutique de l’elfe noire.

« Pour vous remercier de votre aide, qu’on ne dise pas que le capitaine Wibberich est ingrat »

Je lui adresse un demi-sourire que j’espère convaincant cette fois et récupère ma récompense pour la ranger dans une de mes poches. J’ouvre la porte et juste avant que je franchisse le palier, il baisse la voix et me dit dans un souffle.

« Si jamais, je demanderais votre aide si le plan l’exige »

Je me retourne à moitié vers lui et incline légèrement mon tricorne en signe de salut.

« Vous savez où me trouver »

Il affiche un petit sourire satisfait et me salut également avant de refermer la porte derrière moi. Je me retrouve sous la pluie battante de Darhàm. Le vent a cessé de souffler et c’est bien dommage, il m’aurait été utile pour dissimuler le hurlement de désespoir que j’ai envie d’exprimer.

->
Modifié en dernier par Devon le jeu. 16 sept. 2021 22:18, modifié 1 fois.

Avatar du membre
Devon
Messages : 60
Enregistré le : mar. 22 janv. 2019 01:44

Re: Le Quartier des Marins

Message par Devon » jeu. 16 sept. 2021 22:17

<-

Escapade en enfer

J’avance de quelques pas dans la grande promenade vide du quartier des marins, personne de sensé ne se baladerait dans la ville avec ce temps et par cette heure. La pluie tombe avec moins d’ardeurs qu’il y a quelques minutes, mais l’averse peut reprendre en intensité à tout moment. J’avance sans un mot, sans une pensée. Au bout d’un moment je me retourne face à la mer, des gouttes dégoulinantes de mes cheveux et de mes vêtements. La scène repasse encore dans mon esprit et je refais inlassablement le scénario. Mon bluff risque d'être découvert si il commence à trop s'interroger sur mon histoire, je comptais sur la confiance qu'il m'accorderais après lui avoir "sauvé la vie", à juste titre, mais une fois cette aventure passée et qu'il repensera à mon histoire à tête reposé, je crains qu'elle ne suffise plus.
Sans m’en rendre compte je me mets à parler à haute voix avec moi-même, changeant de ton pour me répondre, quelque chose que je n’avais plus fait depuis un moment. Un vestige de la solitude qui m’a été imposé en prison.

« Fallait insister ! Rester ! L’faire boire, l’alcool délie toutes les langues »

« Nan l’est pas idiot, l’aurait certainement pas gaspillé toutes ses bouteilles pour ta sale gueule »

« Alors jouer les informations au dès, c’est bien c’qu’on fait dans c’t’endroit, jouer aux dés et au cartes »

« Sûr , comme s’il allait mettre ça en jeu »

« L’faire boir’ au jeu et lui prendr’ l’information après alors »

« Non, non, NON !»

Je met un coup de pied rageur dans une bouteille qui trainait à mes pieds, l'envoyant disparaître dans les vagues alors que l'écho de mon dernier cri ricoche au loin sur la surface agitée de l'océan. Sur les rocher en bas de la jetée, les crabes sont de sortis avec l’humidité ambiante et tournent autour d’un cadavre que je n’arrive pas à identifier. Peut-être un gros poisson écrasé contre les rochers par une puissante vague ou un malheureux passé par-dessus bord. Plusieurs costraca sortent également de l’eau pour faire fuir les plus petits crustacés et récupérer leur part du trésor macabre. Un cliquetis menaçant retenti lorsqu’un brachyu de Moura émerge aussi des profondeurs, bien plus large que les autres crustacés mais en infériorité numérique, il s’engage bientôt un féroce conflit entre les différents partis pour savoir qui pourra profiter de ce repas opportuniste.

Ma voix devient un grognement lourd de menaces.

« Lui trancher la gorge alors, j’peux l’faire une aut’ fois, j’sais où il habite »

Je reprends ma marche le long de la côte, laissant les combattants à carapace à leur bataille meurtrière. Je sors la flasque de ma poche pour en boire une grande gorgée alors que les gouttes de pluie m’aveuglent. J’essuie mes yeux d’un revers de ma veste et mon regard se pose sur l’insigne bien visible que j’ai utilisé pour tromper le capitaine. Ma mâchoire se crispe.

« Putain de Coolmor, en plus de m’avoir fait chier, le seul trésor qu’il a laissé m’sert à rien »

Une soudaine envie de jeter la flasque à la mer s’empare de moi, mais elle disparait aussi vite qu’elle est apparue et avec elle toute la colère qui n’avait cessé de monter depuis que j’ai quitté la maison du capitaine Kendran. Je range délicatement la flasque. Une douce mélodie, mélancolique, langoureuse, résonne au milieu des percussions de la météo. Je tourne plusieurs fois la tête pour trouver l’origine de ce son enchanteur, mais toutes les maisons sont fermées et rien ne semble provenir des entrepôts et autres bordels qui s’alignent en face de la mer. Je finis néanmoins par en trouver la source.

Je tourne la tête une fois vers la jetée, elle est là à deux ou trois mètres sous mes pieds. Accoudé sur un rocher plat, je plonge mes yeux dans le regard innocent d’une jeune femme plus belle que je n’en ai jamais vu dans cette ville. Même au milieu du mauvais temps, impossible de ne pas remarquer sa flamboyante chevelure qui lui tombe sur les épaules et encadre un visage angélique d’un blanc de porcelaine et aux yeux bleus comme deux saphirs. Lorsque je la remarque elle penche la tête sur le côté sans s’arrêter de chanter et tend vers moi une main fine et sans imperfection.

Je me penche en avant vers elle, pose un genou à terre pour me rapprocher le plus possible de ce qui semble un paradis de sérénité au milieu de la furie des éléments autour de moi. Elle n’arrête pas de chanter sa mélodie envoutante et se redresse petit à petit dans l’eau pour clore la distance qui nous sépare. Je me penche de plus en plus, risquant presque de tomber dans la mer déchainée, obsédé par l’idée de rejoindre cette ondine. Nos doigts ne sont plus qu’à quelques centimètres.
Un croassement sonore retentit alors qu’une masse de plumes noire passe en un éclair devant moi, je sens un poids certain se poser sur mon épaule droite, suivi d’une douleur aiguë au nez et soudainement je reviens à moi. Le flou illusoire qui s’était formé autour de cette situation onirique s’évapore et je reviens soudainement dans la Darhàm sombre et sale que j’ai brièvement quitté. En face de moi, une sirène remarque qu’elle vient de perdre son emprise sur moi. Un bref moment de silence s’installe lorsqu’elle cesse son chant, un étrange moment de suspension où le temps semble cessé de s’écouler. Puis tout se passe très vite. Son visage passe de l’ingénuité la plus pure à un masque bestial d’agressivité, croc et griffe dehors.

Elle se redresse d’un puissant coup de sa queue de poisson pour se propulser au-dessus de l’eau et m’attraper, je ne dois ma vie qu’à un réflexe primaire qui me fait me jeter en arrière, assis sur la jetée alors qu’une tempête de plumes s’envole à côté de moi. La créature marine arrive néanmoins à accrocher une de mes bottes et le bord de la promenade, se hissant légèrement pour essayer de me tirer dans l’eau, son visage déformé par une pure violence animale et ses cheveux rouges sang plaqués sur son visage par la pluie battante. Reprenant rapidement conscience de ma situation, je lui envoie un violent coup de botte en plein visage pour essayer de la déloger alors qu’elle commence à me tirer vers elle, mais il en faudra un deuxième pour qu’elle estime le combat trop compliqué dans sa position et qu’elle lâche sa proie pour retomber dans l’eau trouble. Je me relève précipitamment pour m’éloigner de son terrain de chasse, j’aperçois brièvement une paire d’yeux pointant légèrement à la surface et me fixant d’un air meurtrier, avant de faire demi-tour et disparaitre dans les profondeurs.

Je me redresse en vitesse, ramasse mon tricorne complètement trempé et m’éloigne encore un peu pour être bien sûr d’être hors de portée de son étreinte mortelle, je préfère longer les maisons que la mer finalement. Mon cœur et ma respiration prennent un petit moment pour reprendre un rythme normal alors que je viens d’échapper de peu à la noyade et à une mort peu glorieuse.

« Failli m’faire avoir par une p’tain de sirene, j’y crois pas … m’apprendra à crier face à la mer »

Le corbeau revient se poser sur mon épaule sans un son et je ressens à nouveau la petite douleur brulante qu’il m’a laissée en me pinçant le nez.

« Merci je suppose … »

Il émet un unique croassement, de satisfaction j’imagine ? La pluie recommence à s’abattre plus violemment et il est temps de rejoindre le Rat Lubrique avant de finir glacé jusqu’aux os. J’allonge le pas pour rejoindre plus vite ma destination, croisant quelques groupes de rats courant chercher un endroit chaud où se mettre à l’abri, poursuivi par un gros ratissa qui semble attirer l’attention du volatile perché sur mon épaule. Je recommence mon monologue, l’adressant à mon unique compagnon qu’il me comprenne ou pas.

« Rien n’va ici, j’ai failli crever plus d’fois en même pas une s’maine qu’pendant les 2 mois qu’j’ai passés dans c’te ville. »

Je ressasse encore ma rencontre avec le capitaine, puis tous les problèmes que j’ai en ce moment, entre ceux qui veulent ma peau et ceux qui m’utilisent à leur propre fin. Le corbeau m’écoute sans broncher une seule fois, comme s’il se concentrait sur quelque chose de bien plus important que de m’écouter rabâcher mes soucis. Une torche sur deux est éteinte et il est assez difficile de se repérer dans les rues sombres de la ville, je me fie plus à ma mémoire pour retrouver le chemin du Rat Lubrique. Heureusement pour moi je l’ai suffisamment emprunté ces dernières semaines pour qu’il soit bien ancré dans mes déplacements. Le tonnerre gronde une première fois au-dessus de nos têtes et j’accélère encore un peu plus le pas alors qu’il devient difficile de regarder devant soi. A quelques virages de ma destination, je tombe sur une surprise vraiment désagréable.

Je ne m’attendais certainement pas à ça, mais au milieu de la ruelle, à une vingtaine de mètres de la rue qui m’amènerait aux docks et donc à ma destination, trois silhouettes rendues complètement anonyme par les ténèbres, les lumières des torches ne dépassant pas les murs, attendent sans un son. Je n’ai croisé personne depuis que j’ai quitté la maison du Kendran, il faudrait être fou pour sortir avec ce temps abject et la nuit déjà bien avancée. Sauf si on a une très bonne raison de le faire et j’ai comme la désagréable impression d’être la justification de leur présence ici … Le corbeau s’envole soudainement, me laissant seul face à ce nouvel obstacle.

Ils ne disent pas un mot mais ils m’ont clairement remarqué, comme en témoignent les armes qu’ils dégainent avant de s’avancer vers moi. Mon cerveau n’est pas capable de trouver une solution viable, mon esprit se vide complètement, je suis figé, écrasé par le sentiment d’impuissance et la pluie, sans savoir quoi faire. L’un d’entre eux lève une arbalète, arme un carreau dans le fût de l’arme et me met en joue. Un éclair déchire le ciel, dessinant clairement les ombres de mes trois assassins, illuminant ce qui semble être le tableau final de mon existence, au milieu du torrent tombant du ciel, un calme surnaturel ce fait.

Et encore une fois les évènements s’enchainent à une vitesse folle. Un sifflement que je pense reconnaitre traverse le silence et le vacarme de la pluie. Je ferme les yeux, attendant la douleur perçante du carreau se figeant au milieu de ma poitrine, mais elle ne vient jamais. Je rouvre un œil hésitant, un gros carreau d’arbalète vient de se loger en plein dans l’orbite droite de celui qui me visait, arrachant une partie de sa face et envoyant une gerbe sanglante sur une façade illuminée derrière lui. Il s’effondre sans un son. Ses deux compères se sont arrêtés et regarde un point au-dessus de ma tête.
Un croassement furieux déchire le ciel et une furie sombre comme la nuit qui nous entoure s’abat sur le visage d’une autre silhouette qui commence à agiter les bras dans tous les sens pour essayer de déloger la créature qui lui griffe et frappe durement le visage. Le troisième semble prendre panique, tout aussi incapable que moi de comprendre ce qu’il vient de passer. Contrairement à lui, je ne prends pas plus le temps de réfléchir et l’instinct de survie prend encore une fois le dessus. Je me précipite en avant pour le charger avant qu’il ne reporte son attention sur moi. Étant plus grand que lui, mon épaule droite le percute avec force en plein dans le crâne et nous nous retrouvons au sol. Je ressens une tension inquiétante au niveau de ma blessure à la poitrine mais je n’ai pas le temps de l’analyser. Je me remets sur mes pieds avec précipitation et je cours pour m’échapper alors que mon adversaire se relève difficilement, sonné par le choc.

Un nouvel éclair transperce l’obscurité et je vois l’ombre du corbeau, projeté sur une maison proche, enfoncer son large bec dans l’œil de sa victime, le hurlement qu’elle pousse harmonisant parfaitement le tonnerre qui gronde au même moment alors qu’elle tend les mains vers le ciel, les doigts crispés dans d’absurdes figures par l’atroce douleur. Je ne me retourne pas, pensant seulement à rejoindre la sécurité toute relative de la taverne. Une forme que je n’arrive pas à identifier vole soudainement au-dessus de ma tête avant de retomber avec un son humide dans la boue à quelques mètres de moi. Ma curiosité défie ma raison et je ralentis légèrement le pas pour voir de quoi il s’agit. Une flaque de sang dilué par la pluie s’étend rapidement sous le corps qui vient d’atterrir quasiment à mes pieds. J’arrive vaguement à identifier deux larges traces ensanglantées de griffes sur ses vêtements et son cou à moitié arraché. L’origine de ses horribles blessures n’est clairement pas humaine. Je reprends ma course avec un pas encore plus vif, sans plus de considération pour ce vaurien mais je me retourne quand même brièvement pour essayer de comprendre. Rien. Le corbeau a laissé sa victime au sol et a également disparu.

Je tourne une dernière fois pour arriver sur les docks où les multiples navires amarrés, toutes lampes éteintes, tanguent dangereusement sous l’action des vagues. Ma respiration est rendue difficile par la pluie et l’effort mais finalement je la vois, la fameuse pancarte, symbole de sureté dans cet enfer. Le tonnerre gronde encore une fois, je pousse la porte et la ferme directement derrière moi.

->

Répondre

Retourner vers « Darhàm »