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J’avance à grands pas en direction des deux premiers matelots Sang-Pourpre qui sont à ma portée. Ils sont déjà en train de s’étrangler mutuellement avec un regard féroce, juste à côté de leur table où est éparpillé un paquet de cartes. Un pirate est déjà allongé au sol à leurs pieds, sans doute inconscient, son jeu encore en main. Je n’hésite pas et donne un grand coup avec la bouteille de rhum qui explose en mille morceaux sur le crâne du pirate qui me montre son dos, le reste du rhum au fond fini gaspillé sur les planches de la taverne, dommage. Surpris et assommé par l’impact, il lâche son adversaire qui ne se prive pas de l’occasion pour le balancer sans merci contre le mur contre lequel le marin s’écrase violemment. Débarrassé d’une cible, le marin se jette aussitôt sur moi avec un cri guttural et sans même un remerciement. Je ne m’attendais pas à ce qu’il se lance immédiatement à l’attaque et sa droite me frappe directement la joue gauche, m’envoyant m’affaler sur la table la plus proche. Il me rejoint et attrape fermement mes cheveux pour me redresser avant d’essayer de m’écraser le visage sur le bois solide du mobilier. Un peu étourdi, je ne peux qu’amortir le choc avec mes deux mains pour éviter de me briser le nez sur la table. Il me donne un violent coup de genou en plein dans l’abdomen qui me coupe le souffle avant d’essayer une nouvelle fois de m’aplatir la face contre le coin de la table. Je me retiens encore en m’appuyant sur la table et faisant preuve d’un peu plus d’esprit, je frappe en arrière avec mon coude, le percutant en plein bas ventre. Pendant qu’il recule en toussotant, j’attrape au hasard une des assiettes qui n’attendait que d’être débarrassée, je la saisis fermement des deux mains et lorsque mon adversaire se redresse, je lui inflige une gifle à pleine force avec mon arme improvisée. Le pauvre morceau de bois se casse en deux sous le choc, tout comme la conscience du marin qui s’écroule après l’impact, un filet de sang coulant de sa pommette et de sa lèvre déchirée, mais à peine ai-je le temps de souffler qu’une chaise dont je ne vois pas l’origine vole dans ma direction.
Je l’esquive de justesse et elle vient se briser avec un craquement contre le mur derrière moi. Le deuxième objet qui arrive à pleine vitesse vers moi et un véritable colosse garzok hurlant qui me percute en plein ventre, m’enlevant le peu d’air que j’avais réussi à récupérer. Il me ceinture et me soulève sans effort pendant que je frappe avec ma demi-assiette ridicule sur le dos de la bête mais cela ne semble pas le déranger plus qu’une piqure d’insecte et il met un terme à mes gesticulations en me plaquant violemment contre le mur. Mon crane se cogne contre la surface solide, réveillant une migraine qui commence à devenir un peu trop familière. Je n’ai pas le temps de reprendre mes esprits qu’il me plaque une nouvelle fois, cette fois sur la table la plus proche qui se renverse lors de l‘impact. Je ne perds pas conscience, mais des étoiles dansent devant mes yeux et le plafond de la taverne semble tournoyer sans arrêt. Je me redresse difficilement sur un coude, juste à temps pour le voir s’occuper d’un autre marin qui passait malheureusement par-là. Il l’assomme d’un crochet en pleine mâchoire avant de le soulever par-dessus tête et de le lancer dans un tas de pirates un peu plus loin, provoquant l’effondrement de la masse de corps qui s’échangeait des coups depuis un moment. Il revient vers moi et je tente de lui donner un coup de pied dans le tibia mais mon coup n’a l’air d’avoir eu aucun effet, j’ai l’impression de m’être fait plus mal que l’inverse. Il m’attrape par le haut de ma brigandine pour me relever et commence à armer son poing pour me l’envoyer en plein visage. Avant que ce funeste destin n’arrive, je ramasse une des fourchettes tombée au sol lors de ma rencontre non désirée avec la table et je lui plante sans ménagement le bout de fer dans l’avant-bras. Il pousse un cri de douleur et me lâche immédiatement, se tenant le bras blessé dont glisse un léger filet de sang alors que je recule au sol pour m’éloigner de lui. Il pose un regard mauvais sur moi :
« T’vas m’le payer » Dit-il avec un ton plein de rage.
Mais il n’aura pas le temps de mettre sa menace à exécution, des marins du groupe qu’il a mis au sol lui sautent dessus ; bien décidé à prendre leur revanche. L’un arrive à grimper sur le dos de l’orc et glisse ses bras autour de son cou massif pour essayer de l’étrangler, un autre lui frappe l’intérieur du genou et le troisième, un Wielh imposant, le frappe de toutes ses forces dans les côtes avec une autre chaise qui craque sous l’impact. La bête finit par s’effondrer sous cet assaut coordonné. Les marins continuent de marteler l’orc et je me lève pour les rejoindre à coup de pied jusqu’à ce que la masse de muscles Garzok ne réponde plus sous nos coups. Nous poussons un cri de victoire alors qu’un autre marin passe à côté de nous en plein vol forcé pour finir contre le mur le plus proche. Notre célébration s’interrompt très vite lorsque je remarque que l’individu qui maintenait une clé de bras solide autour du cou de l’orc est un Shaakt. Un Shaakt …
J’oublie aussitôt Jhaelva et je revois le visage du traitre qui a détruit ma vie. Je me lance sur l’elfe noir avec un cri de rage pendant que le Wielh se retourne contre deux autres marins qui ont décidé de le prendre pour cible. Sur la scène, les deux bardes semblent beaucoup s’amuser de la situation et décident d’entamer une nouvelle chanson alors que des pirates se battent juste à leurs pieds, accompagnant le capharnaüm de la taverne d’une nouvelle mélodie euphorique. L’elfe évite sans trop de difficulté ma charge téléphonée et, entrainé dans mon élan, je percute dans le dos un autre marin qui n’avait rien demandé et qui se retrouve projeté contre l’uppercut qu’il essayait d’esquiver. Assommé par le coup, il tombe au sol et m’entraine avec lui dans sa chute, renversant au passage une autre table et tout ce qui était encore posé dessus. Un bruit de verre brisé résonne dans la taverne alors qu’un objet non identifié traverse une fenêtre en frôlant le lustre qui trône au-dessus du centre du bordel et qui tangue dangereusement au bout de chaîne. Je n’ai pas le temps de me remettre sur mes pieds que le Shaakt se lance à l’attaque, m’envoyant sa botte en plein visage. Je me décale de justesse pour éviter qu’il ne me décroche la mâchoire, mais le coup me frappe en plein dans l’épaule déjà endommagée par mes précédents combats, m’arrachant un hurlement grave et accentuant la légère migraine qui c’était déjà manifestée plus tôt. J’agrippe mon épaule blessée mais je n’ai pas le temps de reculer qu’il m’attrape la tête des deux mains et l’envoie à pleine vitesse rencontrer son genou. Je tourne légèrement la tête, suffisamment pour que son coup me frappe sous l’œil gauche plutôt que sur le nez, mais ça n’empêche pas le choc de se réverbérer dans mon cerveau et m’assommant légèrement.
Malgré le sifflement assourdissant dans mes oreilles, il me semble discerner un cri aigu au milieu du vacarme qui essaye de se faire entendre au-dessus de la musique et des insultes, une voix familière. Je ne suis pas le seul à l’avoir entendu, car le Shaakt qui s’apprêtait à piétiner sauvagement ma main non protégée s’arrête momentanément et tourne la tête pour essayer de voir d’où pouvait venir ce son. Personnellement je l’oublie bien vite, la douleur dans mon crâne commence à se calmer, je ramasse des deux mains un des pieds de la chaise qui s’était fracassée contre le mur, me redresse et, alors qu’il est encore distrait, je le frappe dans l’une de ses jambes, l’os résiste mais le bois va laisser un vilain hématome. Il se retourne immédiatement vers moi avec un cri autant de surprise que de douleur, il se plie en deux pour saisir sa jambe blessée et commence à boiter pour s’éloigner de moi, mais je ne lui en laisse pas l’occasion et le frappe une deuxième fois, cette fois en plein dans la tempe à portée. Mon coup manque de force et, même s’il l’envoie valser au sol, l’elfe noir se redresse sur ses avant-bras, des gouttes de sang perlant de sa lèvre ouverte.
Je me relève avec des gestes hésitant, titubant légèrement sur mes jambes. Puis ça me revient, le sentiment dans l’arène, c’est dans un moment similaire qu’il c’était manifesté. Je ferme les yeux et, pour la première fois depuis mon emprisonnement, j’essaye consciemment d’appeler le fluide d’ombre qui parcourt mes veines en essayant de me concentrer sur la douleur qui vibre dans mes os. Rien ne se passe, pire encore, le bourdonnement dans mon crâne se calme légèrement au lieu de s’accentuer comme ce qui c’était produit pendant mon combat dans la Cour-aux-rats. Tant pis, je ferais sans. Mes yeux se posent sur le Shaakt au sol, j’essuie d’un revers de la manche le sang qui coule de la plaie qu’il m’a ouvert sous l’œil et je traine ma nouvelle arme improvisée au sol en m’approchant de lui alors qu’il essaye de reprendre ses esprits. Ma vision se rétrécit sur mon adversaire, je n’entends plus rien d’autre que le sang qui bat des veines, une haine sans pareil s’empare soudainement de moi, mes traits se déforment alors que je lève le bout de bois le plus haut possible avant de l’écraser sur le haut de son dos. Un bout du pied de la chaise éclate en morceaux et l’elfe noir s’étale à nouveau au sol, le souffle coupé par la violence du coup. Je respire avec force, comme une bête féroce au-dessus de ce qui va bientôt être son cadavre, je le maintiens au sol avec mon pied posé sur son dos, je pose le bout de bois sur sa tête pour préparer mon coup et lève à nouveau mon arme le plus haut possible.
Je n’aurais pas le temps de lui fracasser proprement le crâne comme je voudrais, deux bras me ceinturent soudainement par derrière et me soulèvent de terre. Pendant un moment j’ai l’impression que le temps ralenti, je profite d’une vue d’ensemble sur la taverne pour prendre conscience du reste de la mêlée générale et je vois que le chaos n’a pas l’air de redescendre, il y a autant de marin au sol que d’autres qui se battent encore. Malheureusement, après avoir été en hauteur, il faut bien finir par redescendre. J’essaye de me débattre et je sens mon coude qui cogne la tête derrière moi, mais la chute est bien plus rapide. Je tombe à pleine vitesse sur une autre table qui n’avait rien demandé à personne, mon dos percute violemment la surface solide en expulsant tout l’air que j’avais dans les poumons, ma tête cogne une nouvelle fois contre le sol, réanimant la migraine qui c’était estompée. Je fais encore une roulade arrière au sol, emporté par la force du choc et me retrouve contre terre. Ma vision devient trouble, je devine l’individu qui vient de me projeter au sol, il s’essuie une fois la lèvre ouverte après mon coup de coude avant de me donner un vigoureux coup de pied dans les côtes. Voyant que je réagis à peine, il considère que je suis hors d’état de nuire et s’en va chercher un autre innocent à malmener. Le sifflement dans mes oreilles se réveille mais cette fois j’en suis sûr, quelqu’un essaye d’attirer l’attention de la foule en s’époumonant de toutes ses forces. Rien n’y fait, même si le monde tournoie devant mes yeux, je remarque clairement que l’agitation ne redescend pas.
(C’est le moment)
Je retente de faire appel au fluide d’ombre, j’essaye de me concentrer sur ma migraine, de répandre la douleur sourde dans tous mes membres pour réveiller l’état de transe qui m’habitait lorsque j’étais au bord de l’inconscience contre l’orque de l’arène. Mais encore une fois, je ne me sens pas habité d’une quelconque force surnaturelle.
(Quelle connerie ce fluide obscur …)
Il va falloir tout faire à la main. Il me faut une bonne minute allongé avant de retrouver une vision plus claire et que je sois capable de mettre une main au sol pour m’arracher de terre. Je me relève sur un genou, puis sur mes deux jambes, balançant d’un pied à l’autre comme si j’étais ivre mort. En face de moi, une montagne de muscle me présente son dos, torse nu, la peau pâle comme la mort et qui termine de planter son poing en plein visage d’un marin Kendran. Je devine que c’est lui qui vient de me projeter au sol. Je secoue la tête et j’avance vers lui à pas décidés pour lui rendre la monnaie de sa pièce avant qu’il ne se retourne. Je n’arriverais certainement pas à lui faire subir la même prise, en échange j’attrape sa grande mèche blanche et de ma main gantée, je lui frappe de toutes mes forces dans le bas du dos au niveau des reins. Avant même qu’il ne puisse réaliser d’où provient la douleur, je lui envoie un deuxième crochet cette fois à l’arrière du crâne. Mon coup fait mouche, mais au lieu de s’effondrer comme je l’aurais voulu, il se retourne en balançant son avant-bras musculeux, que j’esquive de justesse en me penchant. Je recule, la démarche peu assurée, pour me retrouver face à un individu aussi grand que moi, ses yeux d’un rouge vif contrairement à l’éclat terne des miens. Un Phalange de Fenris, c’est la première fois que j’en vois un à Darhàm, mais plus rien ne m’étonne dans cette ville.
Il se frotte l’arrière du crâne en s’approchant vers moi alors que je lève ma garde, prêt à me défendre. Je le laisse prendre l’initiative, la colère se voie facilement dans son regard rougeoyant, il lance une première droite que j’arrive à parer de justesse, le choc m’engourdit l’avant-bras mais je réponds d’un nouveau crochet au niveau de l’abdomen, autant utiliser exclusivement ma main protégée pour le frapper. Il émet un léger grognement et tente un uppercut en réponse, je recule d’un pas pour éviter la massue qui risquait de m’arracher la tête, et lui donne à nouveau un crochet du gauche dans les côtes suivit d’une droite en plein visage. Je remets ma garde en place, plutôt satisfait de mon enchainement pour quelqu’un qui n’est pas expert du combat à mains nus, mais il ne tient plus, il crache un filet de sang et se jette en avant comme un taureau. Trop étourdi par tous les chocs répétés, je n’ai pas le temps d’esquiver sa charge enragée. Il me percute à l’abdomen, et bien que je lui martèle le dos et les côtes de mes deux poings, il m’entraine avec lui jusqu’au bar contre lequel il m’écrase sans pitié. Je me retrouve accoudé au comptoir, essayant de remplir mes poumons d’air après l’impact, mais rien ne vient. Il se relève et lève son poing. Je le vois venir, mais il abat son arme avec un cri de fureur et même si je tente d’interposer mes avants bras sur sa frappe, le contrecoup m’envoie quand même la tête en arrière. Il m’envoie à nouveau son poing massif, cette fois dans le bas ventre et me plie en deux, me vidant une nouvelle fois de tout l’oxygène que j’ai pu récupérer alors que je crache à mon tour un mélange de sang et de bave. Il me rattrape par ma tignasse et me jette une nouvelle fois le dos contre le comptoir du Rat Lubrique qui m’accueille à bras ouverts.
Je le vois faire demi-tour et reculer de quelques pas alors que je respire difficilement, tenant sur mes deux jambes uniquement parce que le bar est là pour me soutenir. Juste à ma droite, je remarque une bouteille de rhum à moitié remplie, sans doute abandonnée là lorsque la baston a commencée. Je l’attrape et la vide d’un trait, la chaleur et la piqure de l’alcool remettent un peu d’ordre dans mes pensées embrumées par la douleur. Ce n’est clairement pas l’alcool de luxe que nous a payé Jhaelva, mais ça fera l’affaire. Il s’arrête, se retourne à nouveau vers moi, puis se lance en avant, visant clairement à me charger encore dans le ventre. S’il me percute une nouvelle fois, je pense que je vais finir ma vie dans une chaise, paralysé jusqu’à ce que Moura vienne me chercher. L’alcool aidant, j’émerge complètement de la brume qui planait dans mon esprit à cette pensée et, avant qu’il ne me coupe en deux, je jette la bouteille en direction de sa tête. Trop tard pour s’arrêter, il évite de justesse qu’elle ne le cogne en plein visage en détournant le regard, c’est suffisant pour que je me jette sur le côté. Il percute le bar qui tremble sous la violence de l’impact, projetant des échardes dans tous les sens. Il hurle, évidemment. Il ne s’est rien cassé, mais on devine qu’il vient de se déboiter l’épaule après le choc, se tenant le membre qui repose contre son flanc et poussant plein de jurons de douleur alors que sa tête, crispée de douleur, repose contre le comptoir.
Je me relève par un effort de volonté qui me parait surhumain, quelque chose me pousse à continuer alors que je sens que mon corps ne souhaite qu’une chose, rester immobile jusqu’à ce que toutes les alertes qu’il m’envoi ce soit tu. L’excitation du combat, la sensation d’être vivant après toutes ces années d’enfermement et de routine, le sentiment d’être libre, comme lorsque je voguais sur les mers. Alors continuons jusqu’au bout de la nuit, je me rapproche de mon adversaire mal en point, trop concentré sur la douleur qui émane de son bras inutilisable pour me voir venir. Je lui donne un violent coup de genou dans le ventre pour me venger, puis j’attrape une nouvelle fois sa chevelure blanche comme la neige avant de lui écraser le visage sur le comptoir. Un craquement sinistre que tous les amateurs de bagarre de bar connaissent retenti et m’arrache une vilaine grimace de satisfaction. Finissons-en pendant qu’il est groggy. Je monte difficilement sur le comptoir, manquant de tomber et de me briser le cou de l’autre côté, dominant de ma taille l’ensemble de la pièce, mais encore une fois, toutes mes pensées sont dirigées vers le nordique qui pensait pouvoir se mesurer à moi. Je prends deux pas d’élan, pousse un cri de rage et donne un violent coup de pied en plein dans la tempe du Phalange de Fenris qui tombe comme une masse après la collision, décorant d’une gerbe de gouttes rougeâtres la façade du bar contre lequel il s’est aplati . Je le fixe un moment, m’assurant qu’il ne se relèvera pas pour un bon moment avant de pousser un cri de victoire, mais ce n’est pas assez.
« ALORS, QUI VEUT ÊTRE LE SUIVANT »
J’essuie une nouvelle fois le sang qui coule de ma plaie sous l’œil, un sourire dément placardé sur le visage. Ma respiration s’accélère lorsque je vois plusieurs prétendants qui semblent vouloir me voler mon titre s’avancer vers moi. J’attrape une autre bouteille de vin sur le comptoir et la brise sur le bois du meuble. Tenant fermement mon tesson de bouteille d’une main je suis prêt à défendre chèrement ce trône de bois difficilement acquis. Une petite main m’attrape la jambe de l’autre côté du comptoir. Je me retourne d’un bloc et m’apprête à frapper avec le verre tranchant, mais le visage que je rencontre met fin immédiate à ma folie de violence. Meredith me transperce d’un regard que je peux facilement définir comme furieux. Sa voix pourrait se perdre dans le torrent de violence, mais son ton menaçant me parvint très distinctement.
« Je te conseil de descendre de là, et très vite si tu ne veux pas avoir de gros problèmes. »
Je ne réalise pas tout de suite la situation, le tesson de bouteille toujours prêt à frapper, l’adrénaline mettant un moment à redescendre. Lorsque ma respiration se fait plus calme et que la raison reprend ses droits sur la soif de sang irrationnelle, je descends lentement du bar, sentant soudainement l’ampleur des dégâts de cette soirée. Mon dos est en feu après avoir fait la rencontre de plusieurs tables et du comptoir, une douleur diffuse émane de mon épaule qui a repris un coup et de l’arrière de mon crâne qui n’a pas été épargné par les impacts. Il va vraiment me falloir une journée de repos. Alors que Meredith s’apprête à ouvrir la bouche, un nouveau tremblement retentit dans la taverne. La porte s’ouvre avec fracas.
« ÇA SUFFIT »
Un cri bien plus puissant que tous les précédents vient de résonner entre les murs du Rat Lubrique, accompagné d’un courant d’air glacé. Difficile de dire lequel des deux met définitivement fin aux hostilités. Dans l’embrasure de la porte grande ouverte se tient Tatch, ses deux gardes du corps à ses côtés et quelques autres membres de son équipage derrière lui. Meredith m’adresse un regard plein de sous-entendus. Effectivement, je me suis arrêté juste à temps.