Les Ruelles

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Yuimen
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Les Ruelles

Message par Yuimen » mar. 2 janv. 2018 15:31

Les ruelles de la ville
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Les rues de Dahràm se divisent en multiples petites ruelles sombres et humides, dans lesquelles flotte une odeur d'alcool bon marché et d'eau salée.

Il n'est pas recommandé d'y vagabonder de nuit car les pirates mènent double vie : marins d'eau douce dans la journée, et trancheurs de gorges, le soir.

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Eldros Rougine
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Re: Les Ruelles

Message par Eldros Rougine » mer. 23 janv. 2019 20:01

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Le marchand me regarde en clignant des yeux comme un abruti avant de presque m’arracher la rune des mains. Quel type insupportable ! De plus, il marmonne, comme si l’imbécile se parlait à lui-même. J’ai envie de lui attraper sa tignasse immonde pour envoyer sa tête s’écraser contre son bureau moisi et voir ce qui craque en premier. Mais comme d’habitude, je prends sur moi, je garde le contrôle. Je me contente de tapoter du pied en croisant les bras pour marquer mon impatience. Il redresse à nouveau son regard vers moi, brillant d’une étrange étincelle. Je plisse les yeux d’un air méfiant. Il reprend parole d’une voix audible pour m’expliquer qu’il s’agit de la rune Si et qu’elle signifie " Fermer " avant de me souhaiter d’en faire bonne usage. Il ose ensuite me toucher pour me remettre la rune avant de refaire le même cirque avec la fiole contenant le liquide sombre. Il trouve intéressant mon achat de fluide d’obscurité avant de lever des yeux interrogateurs sur moi. Je pousse un souffle nasal pour exprimer mon mécontentement laisse tomber les 50 Yus qu’il me demande sur son bureau, je prends ma fiole avant de m’en aller sans faire attention à ce qu’il trafique. Je quitte la boutique sans m’attarder devant un seul autre objet.

J’en ai assez, ma patience est mise à rude épreuve. Je retrouve mon chemin dans les ruelles hideuses. Je sens mon cœur battre d’une vive colère. Le sang cogner contre mes tempes. Mes poings se serrer. Mon masque se fissurer. Tomber en poussière. Libérant un visage haineux, assoiffé de violence, un regard fou en quête d'une âme à faucher pour Phaïtos, la main crispé sur le manche de ma dague. Un mendiant se redresse, lève sa main en baragouinant des mots incompréhensibles, probablement parce qu'il en est incapable avec sa gueule édentée ou tout bêtement parce qu'il est trop stupide pour parler. Un déchet qui ne manquera à personne. Cette ville en regorge. Je fonds sur lui comme un rapace, lui perçant le torse de mon arme. Je sens sa main sale tenter de me repousser n'accentuant que ma rage. La colère accumulée depuis la trahison de Lyle. Mon arrestation. L'échec de mon plan. Chaque moment de frustration s'illustre par un coup de poignard pénétrant ce sale clochard qui gargouille de douleur, incapable de crier. Le face à face avec mon père sur les docks. Son visage suffisant. Son ton moqueur. Ma mise en cale ! L'attaque pirate ! Les corvées ! Le regard méprisant du Sang-Pourpre ! L'abordage ! Mon humiliation sur le chantier ! Les coups subits pendant mon entrainement ! Ce charlatan de receleur et cet escroc et sa boutique magique ! Je frappe, encore et encore. Ma victime n’émet plus de son. Je le fais à sa place, lâchant un cri primal sorti du fond de mes tripes en attrapant le mendiant par le col et le secouant comme un prunier alors que je plonge mon regard dans ses yeux révulsés.

Je reviens à moi. Ma fureur se dissout, mon masque se reconstruit. Je lâche le corps sans vie comme un paquet trop lourd. Je suis couvert de sang, nous sommes au milieu de l’après-midi. Je jette quelques coups d’œil autour de moi. Personne. Mais mon cri va forcément attirer les curieux. Je me détourne du mendiant mort, oubliant déjà sa piètre existence pour me diriger vers le port. Je dois me nettoyer et nettoyer mes vêtements.

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Devon
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Re: Les Ruelles

Message par Devon » ven. 5 avr. 2019 01:26

Rien de bien dérangeant :

J’avance lentement dans les ruelles sombres, l’air absent, mon chemin gravé en mémoire et mes jambes obéissant à un ordre inconscient. L’odeur presque agréable du port est vite mélangée à celle bien moins tolérable qui règne dans ses lieux obscurs, entre les déchets abandonnés et l’humidité étouffante. Je croise plusieurs individus, certains déjà complètements ivres qui se rendent bras dessus dessous dans un lieu où ils pourront terminer leur soirée, d’autres la mine patibulaire, se déplaçant en bande où seul vers des lieux de la ville qu’il vaudrait mieux garder secret, les rues sont encore un peu agitées d’une foule pressée d’éviter le déluge qui commence à échouer sur nos têtes. La nuit opaque qui s’est abattu sur la cité se dispute avec les maigres lumières vacillantes des braseros qui illuminent comme ils le peuvent les pavés irréguliers, qui ont sans doute tués autant d’hommes en bonne santé que l’alcool qui coule à flots, et l’écho sourd des festivités qu’abritent les tavernes vient résonner entre les maisons, invitant à la débauche et au plaisir simple de la vie.
La pluie ne me dérange pas, pas plus que la sale bête perchée sur mon épaule droite qui s’amuse à croasser violemment sur les passants qui nous croisent de trop proche à son goût, ce qui me vaut plusieurs remarques peu gratifiantes sur mon apparence et sur ma « saloperie de bestiole », mais je n’y prête pas du tout attention, mieux vaut éviter d’en venir aux mains ici où la milice peut encore intervenir si on tombe sur une de leurs patrouilles. Il y’a un lieu dédié à ça ici, toutes les petites ruelles sombres et étroites qui s’ouvrent comme des gueules affamées sur l’avenue principale, celles dans lesquels semblent retentir l’écho de centaines de morts solitaires et discrètes, et où se règle la majorité des affaires entre hommes civilisés de Dahràm.

(Et si je l’attachais à la figure de proue la tête en bas ? Et je pourrais lui brûler les cheveux, le laisser se consumer lentement jusqu’à ce que …)

Je suis perdu dans mes pensées vengeresses lorsque j’entends une voix plaintive s’adresser à moi, je m’arrête et baisse le regard pour observer l’origine de cet appel sans dignité et je tombe face à face avec un mendiant, la barbe sale et bien fournie, habillé avec des haillons usés par le passage du temps et l’humidité, une couche de saleté lui couvre le visage et il émane de lui une odeur d’égout répugnante. Il se cache sous une couverture miteuse et me fixe avec un œil suppliant, l’autre étant barré d’une cicatrice qui lui traverse le visage du haut du front jusque sous l’oreille.

« Une pièce pour un fier marin abandonné par son équipage ? Que je puisse au moins me réchauffer à l’auberge »

Ça marcherait peut être avec un marchand de passage ignorant tout des coutumes de la ville, ou avec un marin complètement ivre qui se sent soudainement d’humeur généreuse et voulant rattraper ses péchés de la nuit. Malheureusement pour lui je ne suis ni l’un ni l’autre et je ne suis pas encore ivre, je continue d’avancer sans lui prêter plus d’attention, mais évidemment ça ne pouvait pas être aussi simple. Sa cupidité, motivé peut être par l’éclat argenté de la flasque à ma ceinture, le pousse à se redresser subitement et s’élancer en avant pour m’attraper, dégainant un couteau rouillé de sous son drap. Mais son effet de surprise est vite gâché par sa condition physique lamentable et son manque de préparation, il s’agrippe à ma ceinture avec l’énergie du désespoir mais avant qu’il n’ait pu me planter son arme improvisée dans le mollet, je lui inflige un violent revers de la main au visage qui claque au milieu du vacarme, l’envoyant s’affaler sur le mur de la maison contre laquelle il a fait son nid, son couteau lui échappant des mains. La lumière du brasero vacille et il se recroqueville sous son abri de tissu, craignant la suite des évènements. Mon mouvement brusque fait s’envoler temporairement le parasite sur mon épaule qui bat des ailes en croassant furieusement en tournant autour de la scène, attirant l’attention des badauds qui nous croisent. Je perds tout intérêt pour le sans-abri qui se cache toujours lorsque je vois que sa cagnotte de la soirée est vide. Une scène habituelle des rues de la ville. Je me retourne comme si de rien n’était et me remets en route en grognant sur la bête à plume.

« Ferme-là saloperie de piaf, tu fais chier tout l’monde là, moi l’premier »

Les quelques regards qui rencontrent le miens sont partagé entre une forme de dégoût et une interrogation pleine de pitié, et voir des visages rouges d’alcools me fixer ainsi entraîne une montée de rage intense qui commence à fissurer mon visage jusque-là impassible. J’aurais envie de tous les étriper pour oser me fixer de la sorte avec leurs habits sales, leurs airs ahuris d’idiotie crasse et leurs habitudes de porc, moi qui étais sans doute bien plus puissant et riche qu’ils ne le seront jamais. Mais bien vite ma nostalgie s’en va et je me rappelle que maintenant, je ne vaux sans doute pas mieux qu’eux. Et bien qu’ils me prennent pour un fou s’ils le veulent, je ne suis pas stupide et je préfère ne pas m'attarder ici avant que la milice ne vienne s’intéresser d’un peu trop prêt à l’agitation soudaine. Le piaf finit sa crise et revint se poser sur mon épaule, m’arrachant un nouveau grognement de désapprobation alors que la pluie se fait de plus en plus forte, transformant la terre entre les pavés en boue, et il me faut encore quelques minutes de marche, de nouveau perdu dans mes pensées pour arriver à ma destination. Une lumière vive et accueillante transparaît des contours de la porte, une chaleur attirante émane de la bâtisse et le bruit qui transperce les murs en pierre ne laisse aucun doute sur l’agitation qui règne en dedans, le panneau bringuebalant s’agite au gré du vent qui souffle comme pour éloigner la puanteur persistante des environs, Le rat Lubrique.

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Devon
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Re: Les Ruelles

Message par Devon » ven. 5 avr. 2019 01:37

Ça se complique ...

Les rues sont plus vides que lors de mon allé vers le rat lubrique, même les sans abris semble avoir fui les lieux pour trouver un maigre refuge et le corbeau n’est pas revenu s'accrocher à moi, je me retrouve avec mon éternelle compagne : la solitude. La maigre lueur des braseros peine à traverser le rideau humide qui s'abat depuis les cieux, mais je connais le chemin de mémoire pour l'avoir répété inlassablement ces dernières semaines. Le bruit de la pluie camoufle le brouahaha ambiant et ne croisant personne, je me met à parler seul pour combler le vide qui m'entoure.

“Qu'est ce qu'il vient foutre là ce Rufus, il peut pas se payer tous l’alcools et les catins qu'il veut dans leur forteresse ? Toujours à gâcher le plaisir des autres, il ferait moins le malin avec un poignard dans …”

Retour de bâton, c'est moi qui ne finirais pas ma phrase cette fois. J'aperçois le port alors que je croise une petite ruelle étroite et obscure, et un choc violent dans le dos m'envoie m'aplatir dans le sol boueux de celle-ci. Je me retourne pour tomber face au pirate que j'ai blessé, sa figure barbouillée du sang coulant de son nez cassé et ses cheveux trempés assombrissant son regard meurtrier. Il fixe sur moi des yeux injectés de sang sous la colère, la pluie battante aplatissant ses cheveux sur son front.

“Bale bâtard. Tu bas bayer ça !!”

Un léger éclat furtif dans sa main droite me révèle la dague qu'il a sorti de son étui alors qu'il se jette sur moi pendant que je me relève. Enragé et aveuglé par ses cheveux tombants, j’esquive de peu son coup de taille, qui mord dans ma chemise et me laisse une légère estafilade brûlante, m’arrachant un grognement de douleur. Avant qu'il ne reprenne son équilibre, je lui donne un violent coup de pied dans la cuisse droite, déséquilibrant son côté armé, mais alors que j'essaye d'enchaîner avec un crochet du droit, il s’élance en avant pour m'écraser son poing gauche sur la mâchoire, m'envoyant me cogner le crâne contre le mur le plus proche. Des étoiles dansent devant mes yeux alors que le goût du sang inonde ma bouche, je m'appuie contre le mur pour essuyer l'eau sur mes yeux et essayer de reprendre contenance. Mon adversaire n'a pas pu poursuivre son assaut, son direct dans mes dents lui ayant laissé de douloureuse marque sur ses phalanges dont il se désole avec un cri de rage. Il s'appuie sur sa jambe valide pour se stabiliser, soufflant comme un forcené avant de repartir à l'assaut. Il affirme sa prise sur sa dague et s’approche en deux grands pas de moi pour tenter de me la planter dans la gorge. Par réflexe je me jette sur le côté pour éviter son arme, mais il me réceptionne avec son genou dans l'abdomen et je finis à quatre pattes au sol, le souffle coupé. Un violent coup de pied dans les côtes m'envoie rouler dans la terre et je me retrouve sur le dos, la pluie tombant furieusement sur mon visage alors que je tente de reprendre mon souffle.

Il prend un moment pour essuyer d'un revers de manche son nez ensanglanté et son visage dégoulinant de pluie. Je tente de me redresser mais il me tombe dessus, un genou sur la cage thoracique, une main sur le cou et son poignard en direction de mon oeil. Ma vision obstruée, je m'accroche à ses mains, la respiration sifflante et tentant d'arrêter la dague qui continue son avancé. Il est plus fort et je ne fais que ralentir l'arrivée de ma mort. Faisant abstraction de l'instinct de survie qui m'oblige à tenir sa main qui m’étrangle, j'attrape à tatillon une poignée de boue au sol que j'envoie désespérément vers son visage. Mon coup fait mouche et il me lâche instinctivement pour s'essuyer les yeux, ça me suffira. J'attrape vite sa main tenant son arme et lui inflige une violente torsion du poignet, faisant tomber la dague étincelante dans le sol fangeux et lui arrachant un grognement de douleur. Déstabilisé, j’arrive à le repousser de côté, le faisant rouler dans la boue à son tour.
J'attrape sa dague en me relevant mais il est aussi vif que moi et son coude vient me heurter dans les côtes, son uppercut suivant manquant de peu de m'arracher la mâchoire alors que je recule maladroitement pour allonger l'écart entre nous pour pouvoir mieux manier sa dague.
Ses déplacements laissent deviner qu'il est un habitué des combats de rue, ce que je ne suis devenu qu'en arrivant dans cette ville. Il évite simplement mon coup de dague et je suis surpris par son allonge lorsque son prochain coup me frappe en plein dans le bras qui tient l'arme et me la fait lâcher, mais alors qu’il s’apprête à enchaîner avec un coup de coude, une masse sombre passe furtivement au dessus de nos têtes avec un croassement furieux. Surpris, il me laisse les quelques secondes qu’il me faut pour me précipiter dans sa garde ouverte et lui envoyer pour la deuxième fois aujourd'hui mon front dans le nez. Plus affaiblis que la dernière fois, nous tombons tous les deux dans le sol humide de Dahram, moi tentant de rassembler mes esprits après le choc violent, lui hurlant de douleur et se tenant le visage.

C'est sale et sans doute un peu lâche, mais je préfère gagner sans honneur et survivre que de mourir dans l'indifférence de la ville comme tant d'autres. Je me relève en titubant, dégaine le reste de lame qui ne quitte jamais mon flanc, une fidèle compagne qui a tant servi, et m’approche du chien qui m'a provoqué. Mes gestes sont ralentis par la fatigue et les coups reçus, mais il est trop obnubilé par la douleur dans son crâne pour me voir approcher. Respirant furieusement, je le relève par le col de sa chemise et, d'un geste simple, lui taille un nouveau sourire d'une oreille à l’autre. Ses cris se transforment en gargouillements incompréhensibles alors qu'il porte ses mains à sa gorge, tentant d'endiguer le flot sinistre qui s'en écoule. Au bout de quelques instants, ses gesticulations cessent, son sang se mêlant à la bourbe lorsque je le lâche et qu'il tombe inanimé avec un bruit d’éclaboussures.
Mes côtes m'élancent, le sang coule toujours de mes lèvres fendus et me voilà avec un cadavre sur les bras, la soirée s'améliore de minute en minute. Je ne sais pas quand est ce qu'un de ses camarades remarquera sa disparition, ni quand est ce qu'ils partiront à sa recherche, mais je sais très bien ce qui arrivera à celui qui a tué un membre de leur équipage. Impossible de laisser le cadavre à la vue de tous ici. Je prends un moment pour prendre de grandes inspirations et calmer une nausée qui monte, conséquence d'un mal enfoui en moi depuis longtemps et que je refoule obstinément alors qu’il tente à tout prix de s’exprimer dans ses moments de violences extrêmes. Observant les alentours, mes yeux se posent sur le port, puis sur le cadavre.

(Ça fera l'affaire, à l'ancienne)

Malgré la situation, cette pensée m’arrache un sourire carnassier.

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Eldros Rougine
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Re: Les Ruelles

Message par Eldros Rougine » dim. 10 nov. 2019 18:36

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Pas le de temps de feuilleter quelques pages. Je suis attendu pour mon entraînement. L’un des derniers. Je souffle un peu d’air chaud sur mes doigts avant de réajuster mon manteau. L’hiver est bien installé sur Darhàm, la maladie avec. Les habitants sont tous enrhumés, fiévreux. Je repousse du pied un sans-abri qui me quémande quelques Yus et garde mes mains le plus loin possible de ce nid à microbes. Il en tombe sur le sol en poussant une quinte de toux grasse. J’accélère le pas pour m’éloigner de ses semblables, tout aussi malades.

Heureusement, je ne me promène pas dans les rues les plus miséreuses. J’ai entendu dire que là-bas des cadavres gelés jonchent les rues et que les habitants jettent leurs eaux usées sur les égouts gelées, rependant une odeur atroce qui ne s’améliorerait pas avec les premiers dégels.

Je retrouve Thekus au port sur un quai à l’écart, protégé du froid par une simple chemise de lin. Quel taré, même pas un tremblement de moustache. Il m’observe approcher, progressant péniblement sur les pavés gelés en manquant de glisser à plusieurs reprises. Je peste, je rage, je crache sur le givre sous l’œil amusé du bretteur. Au moins il est le seul à assister à ça, les quais sont complètements abandonnés à cause du froid.

" Monsieur Dolvan ! Monsieur Rougine ! "

Je me retourne alors que Thekus darde un regard grave vers un membre de l’équipage, paniqué et essoufflé, qui est venu nous trouver ici.

" Venez vite ! L’entrepôt et le chantier sont attaqués ! "

Le Whielois ramasse ses affaires avant de s’élancer vers les rues, sans aucun problèmes liés à la glace.

" Ne traînez pas monsieur Rougine. "

Dit-il en passant à coté de moi. Je me retourne pour le suivre. Évidemment dans la précipitation je glisse et m’écrase le coude contre le sol gelé.

" Monsieur Rougine ! Arrêtez de faire l’andouille ! "

Tout en grommelant je me redresse en faisant de mon mieux pour rattraper les deux matelots tout en tenant mon coude douloureux. Je peste sur le temps pourri de la saison alors que je m’engouffre dans une ruelle traversée par un courant d’air frigorifiant. Nous prenons la direction du chantier d’un pas rapide et soudain une masse surgit d’un coin de la rue, frappant le nez de l’homme qui était venu nous chercher, le faisant tomber en arrière. Son crâne percute durement le sol et le craquement que j’entends ne présage rien de bon pour lui. Le Whielois se baisse dans un sursaut instinctif, évitant un autre coup qui lui était destiné. Il dégaine son sabre et se met en position pour se mettre face à deux hommes qui surgissent face à nous.

" Lyle ! Sale chien ! "

En effet, devant moi se tient ce chacal de Lyle, l’homme de main de mon père qui m’a mené en bateau et qui est responsable de mon échec. Il m’observe et affiche un sourire provocateur en dégainant sa dague. Mon masque se brise, révélant toute ma rage. Je m’élance vers lui mais le Whielois me retient, me poussant fermement pour éviter un coup qui m’aurait mit hors combat. L’affrontement s’engage dans la ruelle étroite, trop serré pour utiliser le nombre comme un avantage et le bretteur n’a pas de mal à tenir les deux assassins en respect. J’entends un pas pressé derrière nous, un autre sbire de mon père nous charge. Je dégaine mon sabre pour parer sa dague, assurant les arrières de Thekus à l’aide des leçons qu’il m’a apprise. De profil, la lame en avant, les pieds légèrement écartés, l’autre bras en retrait. Ma lame frappe la sienne, décalant son attaque qui raye le mur à côté de nous. Il s’avance pour m’attaquer au corps à corps, brisant la distance qui nous sépare, il lâche son arme pour m’empoigner les cheveux. Je râle comme un chat sauvage en tentant de le repousser avec une main plaquée sur sa face, refusant de lâcher mon sabre. Je distingue son visage déformé par ma main, les narines agrandis entre mon index et mon majeur, les joues étirées en un sourire forcé. Je grogne d’effort avant de recevoir un coup de pied dans le bas ventre qui me coupe le souffle. Un second coup me percute le visage et je me retrouve au sol, séparé de mon arme qu’il me vole. Allongé sur le dos, je jette un regard vers Thekus en espérant qu’il vienne m’aider mais cet idiot est trop occupé avec ses agresseurs. Je redirige mon regard vers mon ennemi qui lève MON sabre au dessus de MA tête. Une colère infernale s’embrase dans ma poitrine, une sensation à la fois de chaleur et de froid qui s’agite, je sens une ombre s’emparer de moi alors que je lève le bras pour espérer, peut être, atténuer le coup que le sbire de mon père veut m’assener. Il se fige soudain, le regard apeuré et le visage déformé par le doute tandis qu’une fumée noire s’échappe de mon bras pour le recouvrir entièrement. Je l’observe, aussi surpris que mon ennemi, alors que la fumée gigote comme un serpent sur le point d’attaquer avant de foncer vers mon assaillant pour lui frapper le visage, pénétrer sa bouche ouverte dans une expression horrifié, elle se scinde pour s’immiscer également dans ses narines, ses oreilles et sous ses yeux. Il lâche mon arme en poussant un hurlement horrifié. Il tombe à genoux en tenant son visage. Je me redresse en toussant et récupère mon arme du bout des doigts avant de l’empoigner fermement pour me redresser et l’abattre sur le crâne de l’homme de main à plusieurs reprises en grognant d’effort. Quand il tombe au sol je m’agenouille pour frapper, encore et encore jusqu’à ce que son visage ne ressemble qu’à un tas de chair cisaillé. Je me redresse, essoufflé, respirant comme un taureau. Je remarque que les autres combattants se sont arrêtés, ils m’observent d’un air interdit, légèrement craintif. Dolvan se reprend le premier et d’un mouvement de lame rapide éviscère un des agresseurs, il s’écroule sur ses genoux en essayant de retenir ses tripes. Lyle recule de quelques pas en grimaçant avant de faire volte face pour s’enfuir.

Je m’apprête à me lancer à sa poursuite mais le pirate m’ordonne de le suivre avant de se remettre à courir dans les ruelles en direction du chantier de La Baliste.


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Modifié en dernier par Eldros Rougine le mer. 18 mars 2020 14:30, modifié 3 fois.

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Eteslë
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Re: Les Ruelles

Message par Eteslë » jeu. 26 déc. 2019 01:47

Horrible certitude

Le bâtiment servant d'habitation et de quartier général à ce fameux Ed se trouve dans un des pires quartiers de Dahràm . Si la propreté de la majeure partie de la ville laisse à désirer, un simple coup d’œil dans les rues des quartiers sud-est peut donner plus de maladies que des charnier à l'air libre sous un soleil brûlant. Ces rues puent. Elles empestent l'urine et les excréments, le sang et la mort, la pauvreté et le désespoir. Des rues où s'entassent, jour et nuit, les mendiants, les laissés-pour-compte, les infirmes, ceux dont on ne se soucie plus, inutiles âmes errantes pullulant dans ses boyaux infectés par les rats, la pègre et les maladies. Par chance, ils évitent la tristement célèbre Court-aux-Rats, se contentent de la contourner, entendant seulement le brouhaha qui s'en échappe, pataugent dans une boue plus saine que celle, putride, qui stagne dans les rues les plus sombres du quartier. Çà et là, des mendiants sont affalés sur le sol, souvent inertes. Difficile de différencier un mort d'un vivant avec l'obscurité et la pestilence perpétuelle qui règne en ces lieux. En passant devant une femme au crâne rasé dont les yeux s'ouvrent sur deux pupilles mornes, Eteslë se réjouit de ne pas avoir fini de cette façon, après son réveil. La mendicité l'a toujours répugné. Elle préfère de loin prendre à d'autres ce dont elle a besoin plutôt que de quémander. Elle ne l'a plus fait depuis sa rencontre avec Ferioti, mais le vol à grand renfort de tabassage était son quotidien, au début. Elle s'ébroue, se concentre sur le présent.

La petite troupe traverse ainsi les rues les unes après les autres, guidée par Yvan. La nuit, désormais bien avancée, couvre en partie leur approche, les lumières étant relativement rares dans les rues qu'ils empruntent. Lorsqu'Yvan pointe une bâtisse en particulier, la tension monte soudainement d'un cran et les mains se crispent sur les poignées des armes, les visages se ferment et la sueur goûtent le long des tempes malgré la fraîcheur nocturne. La troupe se sépare, investie les rues alentours tandis qu'Eteslë se poste au coin d'un mur. Elle a tout le loisir d'étudier le bâtiment. Une simple maison comme il en existe tant d'autre. Vieille, entretenue avec peu de soins, plus fonctionnelle qu'esthétique. La seule particularité est qu'elle s'étend sur deux étages en plus du rez-de-chaussée. De la lumière est visible à travers les rideaux des pièces des étages supérieurs, mais tout semble être calme. Eteslë fronce les sourcils, mais l'obscurité empêche concrètement de distinguer les choses avec précision. Si l'absence de l'astre lunaire leur a permis de s'approcher facilement, elle les empêche de clairement distinguer s'ils sont attendus. Seuls deux hommes sont en faction devant la porte d'entrée, mais difficile de voir s'ils sont alertes ou, comme souvent pour ce genre de boulot, affalés contre le mur en train de somnoler.

- Tu es prête ?

Elle tourne son regard vers Yvan, qui bout intérieurement, et hoche la tête avant de s'élancer à sa suite vers l'entrée. A peine ont ils quitté leur cachette que le bruit caractéristique d'une corde se détendant s'entend et un sifflement fend l'air avant qu'un bruit sourd suivit d'un cri étouffé ne se fasse entendre. L'un des gardes s'effondre et le bruit de sa chute semble réveiller son comparse qui regarde autour de lui avant d'aussitôt lever les mains en lâchant son arme devant la troupe qui s'est élancée vers la porte. Il est rapidement assommé par un des pirates qui y prend visiblement un certain plaisir. La troupe investie ensuite la maison, ne rencontrant aucune réelle résistance, la plupart des occupants étant des filles de joie ou des gardes peu alertes. Aucun blessé à déplorer en atteignant le deuxième étage ou, en tête de file, Eteslë bondit soudainement en arrière, manquant de peu de se faire transpercer par le carreau d'arbalète lâché par un type à genoux dans le couloir. A ses côtés, d'autres, armés de lames courtes, barrent le passage vers la fin du couloir. Yvan s'approche alors et tonne d'une voix forte.

- ED ! Réglons ça dès maintenant ! Sors de ton trou espèce de pleutre ! Tu n'es pas capable de me faire face et tu préfères t'en prendre à une gamine ! Tes hommes savent qu'ils suivent un lâche et un traître ?

Eteslë aimerait lui dire que ses hommes ont probablement participé à ce qu'il a fait à Ori, mais le regard d'Yvan lui dit qu'il est parfaitement au courant de cet état de fait et que les hommes face à eux, tous autant qu'ils sont, vont payer très cher leur geste. La porte au fond du couloir s'ouvre alors, laissant passer un homme à l'épaisse carrure. Un cou presque inexistant surmonté d'une tête imberbe à la mâchoire carrée, au nez large et aux yeux sombre surmontés de sourcils épais et froncés. Il s'avance d'un pas vif et s'arrête derrière ces hommes qu'il dépasse tous d'une tête. Il toise Yvan qui lui rend son regard et un lourd silence prend alors place avant que le géant, d'une voix grave et caverneuse, ne prenne la parole.

- S'il y a un traître ici, Yvan, c'est toi. Tenter de me tuer si bassement, c'est indigne de toi. J'ai donc pris les choses en main. Et te voilà, devant moi, dans ma maison, à ma merci.

- Tu délires ! Je n'ai rien tenté de tel contre toi. Mais tu as osé poser la main sur Ori et ça... tu vas mourir pour ça.

Eteslë, qui écoute l'échange en espérant uniquement pouvoir aller tabasser tous ces enfoirés, est surprise de lire l'étonnement dans les yeux de celui qui leur faisait face. En entendant le nom d'Ori, il a véritablement l'air surpris avant de froncer les sourcils. La jeune femme saisit le bras d'Yvan avant de s'avancer légèrement, les mains levées au niveau de son torse, les paumes tournées vers Ed, pour montrer qu'elle ne veut rien tenter. Celui-ci, ainsi que ses hommes, se méfient tout de même, mais elle n'avance guère plus et se tourne vers Yvan.

- Etrange. Ed... est surpris.

Yvan fronce à son tour les sourcils et, bien qu'il ne semble pas décolérer, sa lame s'abaisse alors qu'il regarde Eteslê dans les yeux, essayant de comprendre ce que la jeune femme peut bien avoir en tête. Cette dernière se tourne à nouveau vers Ed dont les sourcils se haussent. Il semble la détailler avant qu'elle ne prenne la parole, s'adressant à lui.

- Ferioti ?

- Ferioti ? Ah... je vois, tu es sa cogneuse... Il n'est pas ici, il est reparti régler quelques affaires. Lui est un homme en qui on peut avoir confiance, contrairement à d'autres...

Yvan remonte légèrement le bout de sa lame et la tension remonte soudainement d'un cran alors que tous se préparent à se jeter les uns sur les autres. Eteslë, elle, sent que quelque chose cloche dans tout ça, sans arriver à mettre le doigt dessus. Lorsqu'Yvan tente de l'écarter, elle le repousse, à sa grande surprise. Sa voix se fait grave, basse, presque menaçante.

- Eteslë... Ne te mets pas entre lui et moi... Cet enfoiré...

- Attends !

- Pousse toi !

Elle lui lance un regard noir avant de se tourner à nouveau. Elle fixe Ed une seconde avant d'ouvrir la bouche après s'être raclée la gorge.

- Ori ?

- Quoi Ori ?

- Ne fais pas l'innocent ! Pourquoi as-tu fait ça ? Tu disais l'adorer, comment as-tu pu faire une telle chose ? Tu n'es qu'une ordure !

- Tu as perdu l'esprit ! Jamais je n'ai ordonné que quelque chose lui soit fait !

- Alors qui ? Qui, par les baloches de Phaïstos, a osé la toucher ! Réponds, Ed, avant que je ne décolle ta tête de ce qui te sert de cou ! QUI ?!

La tension monte brutalement et les armes sont pointées vers leurs cibles. Un seul mot et un combat à mort se lancera, dans un couloir étroit ou le moindre coup peur être la fin de plusieurs hommes. Pourtant, Eteslë n'est pas concentrée sur le combat imminent, mais sur une horrible pensée. Elle doute de la culpabilité de Ed, est certaine de l'innocence d'Yvan. Ne reste qu'un seul homme qui aurait pu organiser tout ça pour se débarrasser de beaucoup de gêneurs d'un coup. Elle se tourne vers le Sang-Pourpre qui la regarde à son tour, sourcils froncés. Elle sait. Elle ouvre alors la bouche, attirant le regard d'Yvan qui pâlit en entendant le nom de celui qui, dans tout cela, a beaucoup à gagner à les voir s’entre-tuer. Le dénominateur commun à toute cette histoire.

- Ferioti...

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Eteslë
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Re: Les Ruelles

Message par Eteslë » mer. 22 janv. 2020 19:14

Par la grande porte.

Il lui semble qu'elle marche depuis des heures à présent. Eteslë est restée docile jusque là, mais se faire ainsi trimbaler à l'autre bout de la ville par deux corniauds ayant moins d'intelligence qu'une moule à eux deux commence à sérieusement mettre sa patience à rude épreuve. Patience qu'elle ne pensait d'ailleurs pas si grande, mais la perspective de se prendre un coup de dague dans le flanc y est probablement pour quelque chose. Après une énième demande de gâterie contre quelques minutes de répit avant la fatalité, les deux hommes perdent eux aussi patience. L'un d'eux propose même à son comparse d'en finir là où ils se trouvent, une ruelle banale sans aucun témoin. Les deux se mettent d'accord et plaquent Eteslë, dos au mur. Ils semblent hésiter pourtant et leurs regards sur ses courbes lui laisse aisément en connaître la raison. Elle a presque oublié à quel point les frustrés sont des hommes écœurants. Elle qui n'a jamais essayé de jouer de ses charmes, du moins d'aussi loin qu'elle s'en souvienne, elle ne compte pas commencer aujourd'hui et compte plutôt s'en sortir à coup de poings. Les deux hommes, en revanche, semblent plutôt se mettre d'accord pour passer du bon temps avant d'en finir, les deux se disputant « l'honneur » de passer le premier. Haussant un sourcil, la jeune femme se dit que profiter de la situation ne sera finalement pas si compliqué qu'elle ne l'a craint, et enfonce le clou pour achever de lui donner un avantage. Elle pointe l'un des deux du doigt.

- Lui ! Pas lui !

Une sorte d'accord de circonstance qui, s'il ravi l'un des deux, n'enchante guère le second qui s'empresse de se plaindre à son collègue alors que celui-ci fanfaronne. La pointe de la dague qui menaçait toujours la jeune femme se détache finalement de son flanc alors que les deux hommes se disputent plus fermement. La jeune femme, consciente que c'est l'occasion rêvée, bande ses muscles et serre le poing. Son coup vient percuter violemment le côté gauche de la mâchoire de celui armé, l'envoyant sèchement au sol alors que son compère, médusé, le regarde bêtement s'effondrer. Il se reprend vite et tente de s'écarter pour dégainer l'épée courte qu'il porte, mais la jeune femme profite de son geste pour se jeter sur lui et lui écraser son poing sur le nez. Il recule sous l'impact et, sous la pression des attaques de la jeune femme, ne peut tirer sa lame, trop occupé à éviter les coups de poings de la cogneuse. Passant lui même à l'attaque, il balaie l'espace devant lui d'un revers de main, que la jeune femme évite d'un pas en arrière. Voulant profiter de l'occasion, il tire rapidement sa lame, mais son coude heurte le mur derrière lui, lui arrachant une grimace de douleur alors qu'un réflexe le fait regarder la zone endolorie. Du pain béni pour Eteslë qui profite de l'occasion pour lui foncer dessus et frapper violemment sa gorge trop exposée. Il donne mollement un coup dans le vide, ratant largement la jeune femme qui frappe alors violemment son torse de son coude. Son adversaire ouvre la bouche en un cri silencieux avant de tomber à genoux, cherchant désespérément de l'air. Il ne trouve que le genou de la jeune femme qui achève de l'étaler sur le sol où il lâche son arme, crachotant du sang en cherchant à respirer avant qu'un dernier coup ne l'achève. Eteslë éloigne alors sa lame d'un coup de pied, pour plus de sécurité.

Un grognement la fait se retourner. Visiblement, elle n'a pas frappé assez fort le premier car il se relève, l'air furieux, se jetant sur la jeune femme en hurlant, oubliant sa dague tombée plus loin sur le sol. Elle dévie un coup de poing, mais l'homme la percute violemment et les deux adversaires chutent sur le sol. L'impact lui vide l'air de ses poumons et il lui semble apercevoir quelques lumières devant ses yeux alors que son crâne heurte le sol. Groggy, elle met un peu de temps à réagir, mais la douleur suscitée par la pied de son adversaire contre ses côtes la ramène rapidement au présent. Elle roule sur le côté et se redresse alors qu'il lui fonce à nouveau dessus. Profitant de l'élan de son adversaire, elle se décale sur la droite et, bandant ses muscles,l'attrape par le col et la ceinture avant d'utiliser sa jambe pour le faire décoller du sol. Emporté par son élan et soulevé par les bras de la jeune femme, l'homme se fait projeter par cette dernière qui l'envoie violemment contre le sol. Alors qu'il tente de se relever, elle lui saute dessus, écrasant son torse de ses genoux et assène un violent coup de poing. S'il parvient à se protéger de premier coup en mettant ses bras en croix devant son visage, la jeune femme continue jusqu'à ce que l'un d'eux le percute violemment, perçant sa garde. Elle le martèle alors jusqu'à ce que, couvert de sang, il soit enfin immobile. Essoufflée, la jeune femme prend quelques instants pour calmer sa respiration et se relève, essuyant ses mans rougies sur la tunique en lin de son adversaire. Ses côtes et son dos lui font mal, mais elle s'estime chanceuse que ces imbéciles aient été trop maladroits pour se servir correctement de leur avantage en métal.

Elle déleste un de ses adversaire de son long manteau à capuchon, bien contente de pouvoir se protéger d'une éventuelle pluie pendant son voyage et, après avoir ramassé ses affaires laissées négligemment au sol par l'un des deux idiots, elle se hâte de quitter la ruelle en se massant les côtes. Elle sent bien que rien n'est cassé, mais elle aura sans aucun doute un sacré bleu dans les jours à venir, et les nuits à la belle étoile ne vont sans doute rien arranger à cela. S'éloignant aussi nonchalamment que possible pour ne pas attirer l'attention, elle prend aussitôt la direction des portes de la ville, se fondant dans la masse. Elle ne met pas le capuchon pour ne pas sembler trop suspecte à des yeux éventuels et marche d'un pas tranquille tout en surveillant ses alentours. Elle peine à croire que le fameux Ed ait pu un instant croire que les deux abrutis aient pu lui donner satisfaction en la faisant disparaître. Elle soupçonne un piège, mais est bien incapable de déterminer si elle est effectivement suivie ou si elle devient simplement névrosée et paranoïaque à force de côtoyer des personnes dont l'honnêteté n'a d'égale que la propreté des rues de la ville dans laquelle elle vivait jusque là.

Enfin, après un moment, elle aperçoit enfin la sortie de la ville, grande porte enchâssée entre deux tours entourées des hauts remparts de la ville. Quelques gardes se trouvent aux abords de la porte, maintenant un semblant de surveillance. Une sécurité plus qu'illusoire puisque bien peu de dangers peuvent provenir de l'extérieur. N'importe qui peut entrer et sortir comme dans un moulin, sauf lorsqu'un garde voulant faire un excès de zèle se décide à arrêter par hasard un individu. C'est le cas d'un marchand que dépasse Eteslë, obligé de montrer patte blanche en affirmant se rendre à Omyre pour y chercher esclaves et matière première. La jeune femme voit clairement le sourire moqueur de deux gardes en faction alors que leur collègue examine chaque centimètre carré de la charrette du marchand. Cela fait lever les yeux au ciel de la jeune femme. N'importe qui avec un peu de jugeote sait qu'un petit pot-de-vin suffit à faire cesser ce genre de comportement de la part des gardes de Darhàm. Elle passe la porte et s'éloigne peu à peu avant de se retourner une dernière fois. Elle a beau essayer, aucun regret concernant Darhàm ne vient s'insinuer dans son esprit alors qu'elle observe les remparts de la ville. S'il y a bien Yvan et Ori qui percent sa conscience, elle ne le considère pas liés à cette ville, mais à elle. Dahràm n'a plus rien pour elle. Non, vraiment, c'était...

(Une sale putain de ville de merde !)

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Devon
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Re: Les Ruelles

Message par Devon » mar. 18 août 2020 02:57

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Un plan sans accroc ...

Le corbeau n'est pas revenu, aussi je me précipite à grands pas dans les ruelles étroites de Darham. Des bruits étouffés me parviennent avant même que je ne découvre la scène. Je ralentis l’allure pour ne pas paraître trop suspect et tente de prendre la démarche de n’importe quel passant. Je vérifie que ma dague est bien facile d’accès, les bruits sont de plus en plus audibles, des menaces, des coups sourds. Faisant mine de suivre la rue principale qui mène au quartier des marin, je passe finalement devant une sombre petite ruelle encadrée par des bâtiments en bois et tombe nez à nez avec l’un des bandits que j’ai embauché ce matin. Nous nous regardons dans les yeux pendant quelques secondes, aussi surpris l’un que l’autre. Je vois derrière lui un homme immobilisé au sol par deux personnes que j’identifie comme étant le Wiehl et le deuxième acolyte qui lui fait les poches en riant méchamment et en lui immobilisant un bras. Comme je l’espérais ils ne l’ont pas trucidé sur le champ, même le plus imbécile des pirates sait qu’un capitaine ça vaut beaucoup d’argent, même en le revendant à un plus gros poisson que soit qui pourra mieux négocier une rançon. Le truand qui montait la garde, gourdin en bois en main, semble finalement me reconnaître lorsque la torche qui illumine timidement la rue lui révèle plus en détails les traits de mon visage. J’espérais les prendre par surprise, mais tant pis.

« Qu'est ce que tu fous là, on a dit qu'on ....»

(Merde …)

La dague glisse avec un léger sifflement et apparait dans ma main droite avant de se figer directement entre sa pomme d’adam et sa mâchoire avec un son sec et discret, utilisant mon poignet gauche pour m’aider à enfoncer l’arme dans la chair sans ouvrir ma blessure, achevant prématurément sa phrase et sa vie. Les deux autres me présentent leur dos et ne semblent ne pas m’avoir remarqué, mais je n’ai pas le temps d’extirper ma dague qu’un son criard surgit de nulle part.

« DANGER ! DANGER»

(C’est quoi ce bordel)

Je remarque alors le sale gobelin qui s’était dissimulé dans l’ombre et surveillait la rue avec son collègue. Il agite les bras dans les airs du haut de son un mètre dix en courant vers ses collègues de crimes. Les deux hommes se retournent directement et, bien heureusement, ne semble pas reconnaître mon visage plongé dans l’obscurité, la torche brulant dans mon dos faisant effet de contrejour. Mais ils remarquent sans difficultés le cadavre égorgé de celui qui se tenait debout à ma place il y a quelques instants et qui aurait dû toujours l’être. Je traverse la même distance que le sektegs en deux grandes enjambées et le rattrape par le bout de sa sale tunique afin de le tirer violemment vers moi. Son dos rencontre avec force mon genou qui vient lui couper le souffle et mettant fin à ses couinements d’alertes, les transformant en violente toux alors que tous l’air quitte d’un coup ses poumons. Je le rattrape par l’arrière du crâne, ma main en faisant facilement le tour et d’un geste décidé alors qu’il agite ses membres malingres dans tous les sens, lui écrase le visage contre le mur le plus proche sans la moindre pitié, un craquement sonore retenti dans la ruelle lorsque son nez rencontre la surface dur de la bâtisse.

Il glisse lamentablement contre la paroi en bois, laissant une trace sanglante sur son passage, mais cet imbécile a gagné suffisamment de temps pour que le bandit qui faisait les poches du capitaine soit aussitôt sur moi, dague en main. Il ne pose pas de question et s’élance pour essayer de me tailler une nouvelle balafre sur le torse et je suis obligé de reculer pour l’éviter, n’ayant toujours pas pu récupérer mon arme. Libéré d’un bras, je vois derrière mon adversaire le capitaine de Kendra Kar commencer à se débattre furieusement pour essayer de déloger son assaillant qui l’étrangle sauvagement depuis que la situation à tourner en leur défaveur. Un coup en plein dans la tempe auquel il ne s’attendait pas arrive à le déloger. Je suis obligé de quitter des yeux sa situation en espérant qu’il s’en sorte car mon adversaire repart à la charge. J’esquive à nouveau un coup de taille et cette fois en profite pour contre attaquer.

Je rentre dans sa garde ouverte par son coup manqué et tente de lui envoyer mon poing droit dans la tempe sans tendre le bras, accompagnant mon coup d’une rotation des hanches pour essayer de le mettre hors d’état de nuire en un coup. Je sens la couture de ma blessure au torse se tendre sous l’action, j’espère qu’elle tiendra le coup. Il ne pourra pas complètement éviter mon attaque car j’ai trop réduit la distance entre nous et sa tentative se résume à un pas de côté maladroit. Mon poing lui effleure quand même le menton, suffisamment fort pour qu’il titube sur ses jambes quelques secondes. Je lui attrape immédiatement le bras qui tient la dague et le plaque contre le mur le plus proche, tordant son poignet jusqu’à ce qu’il lâche son arme et je mets immédiatement un coup de pied dedans pour l’envoyer valser plus loin dans la ruelle. Trop concentré sur sa main droite, je ne vois pas venir son coup de genou qui me percute dans l’abdomen, me faisant le lâcher par réflexe alors que j’agrippe mon estomac en reculant. Il me pousse avec force et la ruelle n’étant pas très large, je me cogne le crâne contre le mur d’en face. Il m’envoie une violente droite qui résonne dans mon crâne et m’agrippe aussitôt à la gorge, trop sonné et trop proche pour que je puisse répliquer avec mon propre genou. J’incline le plus possible mon menton pour essayer de diminuer la pression sur ma gorge alors que je tente de retirer ses mains de mon cou, sans succès. Il est temps de la jouer pirate. Faisant fi de l’instinct de survie, je lâche ses bras qui m’étranglent et lui agrippe le visage, essayant de lui enfoncer mes pouces dans les orbites. Il tente de me faire lâcher prise en agitant sa tête dans tous les sens, criant des insultes accentuées par la douleur, mais je tiens bon alors que ma respiration est réduite à un sifflement et il est bientôt obligé de s’éloigner de moi s’il ne veut pas continuer le combat aveugle mais je ne le laisse pas partir bien loin, je l’attrape par le col de sa chemise et l’attire vers moi. Il tente de me donner un maladroit uppercut au passage mais je lui fauche les jambes d’une violente balayette et son visage vient s’écraser à pleine vitesse contre la paroi du mur derrière moi. J’espère que cette maison est vide, sinon les habitants risquent de commencer à se poser des questions sur l’activité extérieure. Il se roule par terre, se tenant le visage meurtri et jurant comme un digne marin. Je le traine par le col jusque contre le mur en bois contre lequel je laisse sa tête reposer.

Le plat de ma botte vient lui fracasser le crâne une première fois, ses bras tombent le long de son corps et il ne dit plus un mot. Son visage exposé, je frappe une deuxième fois avec mon genou, cette fois-ci un bruit écœurant résonne depuis le point de rencontre entre sa tête et ma rotule. Il tombe lourdement sur le côté sans un son. J’agite un peu ma jambe endolorie par ce double choc et dirige immédiatement mon attention vers le capitaine et le chef du gang. La seule chose que je vois en me retournant est un poing résolu qui vient me cogner violemment sous la mâchoire, manquant de me décoller les pieds du sol. Je tombe en arrière avec des gestes maladroits, finissant assis sur le sol dur, complètement sonné par cette attaque soudaine. Ma vue devient temporairement floue et un son aiguë siffle dans mes oreilles. Je vois une silhouette s’approcher dangereusement de moi et je tente de protéger maladroitement mon visage en levant mes mains. Le choc ne tarde pas à se faire sentir, mes mains ralentissent l’impact mais ne l’arrête certainement pas et une douleur perçante ressurgit dans ma mains blessée, heureusement protégée par le gant. Je me retrouve projeté en arrière, le ciel étoilé et la flamme vacillante de la rue annexe comme seul point de repère dans le monde qui me semble tournoyer à l’infini. Une ombre se penche au-dessus de moi, alors que ma vision redevient progressivement nette, alors qu’il m’attrape par le col de ma chemise et arme son poing, je perçois une soudaine incompréhension sur ses traits, comme s'il se rappelait de quelque chose en me regardant dans les yeux. Heureusement pour moi il ne pourra pas continuer plus longtemps son inspection, un bras l’attrape soudainement par le cou et le tire en arrière hors de mon champ de vision. J’entends deux respirations forcenées ainsi que des grognements de douleurs alors que je me remets difficilement debout. Le chef des truands envoie violemment son coude dans les côtes du capitaine qui le strangule, le forçant à reculer jusqu’à ce qu’ils rencontrent à nouveau un des murs qui encadrent la rue. Le crâne du capitaine se heurte durement contre la paroi solide et il lâche prise. Le Wiehlien en profite pour lui envoyer l’arrière de sa tête en pleine face, qui heureusement manque le nez mais le cogne en plein dans l’arcade sourcilière. Un choc sourd retenti dans l’allée alors que les deux lâchent un violent cri de douleur, le Kendran s’effondre et se tenant le visage pendant que l’autre avance en tanguant dangereusement, ses mains s’accrochant à son crâne endolori.

Je me dirige vers lui, la démarche peu assurée, le goût du sang en bouche et la vision encore trouble à certains endroits. Il ne me voit pas approcher, trop concentré sur la douleur qui irradie dans son crâne. Je le saisis par sa mèche de cheveux aussi sombres qu’une tache d’encre et essaye de lui envoyer une droite dans la tempe pour le mettre au sol, mais mon geste est si lent qu’il arrive à agripper mon poing avant que l’impact ne puisse se faire. Il grimace méchamment de douleur avant de me donner un violent coup de pied fouetté dans la cuisse, m’arrachant un grognement de douleur. L’éclair soudain de douleur me déséquilibre et je le vois tenter de réarmer sa frappe pour un nouveau coup qui vise clairement à me briser la rotule vu son regard, mais à l’instant où je le vois prendre équilibre sur son autre jambe, j’utilise ma prise sur sa chevelure et sur ses bras pour le plaquer violemment contre la paroi en bois la plus proche. L’arrière de sa tête déjà meurtri subit un nouveau choc qui le rend complètement groggy. Il lâche ma main et je prends un court instant pour reculer et finalement le frapper avec force dans la tempe avec mon coude droit, l’envoyant dans le sol boueux de la ruelle, assommé. Je prends un moment pour souffler avec force, m’appuyant sur mes jambes et fixant la terre humide dans laquelle nous venons de nous battre, le sang tambourine dans mon crâne et n'arrange pas ma migraine suite au nombreux chocs que j'ai reçu. Je baisse les yeux vers le manteau et le pantalon que j’ai enfilé pour l’occasion. Ils sont tâchés de sang, de boue et de sueur, complètement froissé mais heureusement pas déchiré. Un rictus apparaît sur mes traits. Meredith va être furieuse.

Un sifflement de fer dégainé m’alerte directement. Je me redresse sur mes deux jambes pour voir le capitaine Kendran, son sabre en main planté dans la nuque du corps maintenant sans vie du Wielhien. Il se cache toujours une partie du visage et me fixe avec un regard d’acier, prenant de profondes inspirations. Je laisse ses yeux bleu ternes plonger dans mes iris rouges sang, sans dire un mot, c’est là une part importante du plan et j’espère qu’il ne m’a déjà vu et pire, qu’il ne va pas me reconnaître. Pendant un instant un doute terrible me saisit, et s'il avait entendu ce que m'a dit le premier bandits qui m'a reconnu. Je chercher à tâtons à travers mon manteau la lame qui normalement m'accompagne et je me rend compte de son absence, j'ai du l'oublier dans la chambre du Rat Putride. Après quelques secondes qui semble être plusieurs longues minutes, il finit par rompre notre face à face, lâche son arme qui vibre doucement et s’approche de moi, la main tendu, sans le moindre sourire, les traits sérieux et tirés par la fatigue et la douleur.

« J’imagine que des remerciements sont de mises »

Je soupire intérieurement. (Parfait)

Je serre sa main avec force, une poignée de capitaine. Il est maintenant l’heure du bluff, j’ai commencé à fomenter cette idée lorsque j’ai vu la couleur de la tenue du capitaine.

« Tout naturel, je sers les intérêt de notre nation ici …»

->
Modifié en dernier par Devon le ven. 17 sept. 2021 02:28, modifié 2 fois.

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Devon
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Re: Les Ruelles

Message par Devon » jeu. 16 sept. 2021 21:49

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Une belle histoire

Le vent se lève et les nuages commencent à voiler la lueur grise de la lune qui se faisait déjà discrète, bientôt nos uniques sources de lumière seront les torches de la ville qui s’agitent sous l’action du mistral. Une première goutte solitaire me tombe sur le front. Il va pleuvoir.

Après les grognements de douleurs, les coups et les sons répétés des chocs contre le bois, le calme retombe comme un rideau opaque sur la petite ruelle, mettant une conclusion à la scène de violence qui vient de s’y dérouler. Le silence oppressant éveille à nouveau une vague d’inquiétude incontrôlée en moi. Le capitaine ne m’a toujours pas lâché la main et je crains qu’elle ne se mette bientôt à trembler, en attente de sa réponse. Je ne discerne pas ses traits dans l’obscurité du petit passage, mais lorsqu’il reprend la parole, je sens une légère interrogation dans sa voix alors qu’il s’approche légèrement de moi et souffle :

« Comment ça ? »

Je ne baisse pas le regard et continue à fixer les ténèbres où devraient se trouver ses yeux, je déglutis alors que je sens une nouvelle vague de panique grandir en moi. S’il ne me croit pas, qu’est-ce que je fais ? Je tente de rassembler mes esprits pour ne pas me laisser happer par la peur avant de reprendre la parole, mais dans une tentative forcée de réprimer mes inquiétudes je prends un air bien trop sarcastique et confiant, vieux mécanisme de défense habituel auquel s’adjoint mon usuel rictus ironique que j’utilise comme passe-partout dans cette ville de fou furieux. Impossible de le réprimer avant de lui répondre :

« Et bien disons que la ville n’est pas la plus accueillante du continent »

« Comment ça de notre nation ? »

Son ton se fait plus insistant, principalement sur les deux derniers mots de sa phrase, et la pression sur ma main augmente légèrement. L’idée que j’ai mis un petit moment à fomenté semble s’éclipser sans me laisser le moindre souvenir de ce que je voulais dire. Je la rattrape au dernier moment. Je prends un accent plus sérieux comme je l’avais fait avec les prêtres et je donne un volume plus important à ma voix, pour éviter qu’elle résonne comme l’habituel son caverneux et plus avec une sonorité grave et assurée.

«Les couleurs de votre tenue, le port noble et fier, et surtout l’emblème sur votre tricorne. Vous venez de Kendra Kar et je ne saurais m’y tromper »

« Je ne vois pas ce que cela à avoir avec vous, mais vous m’avez sauvé la vie et ça suffit pour que je vous laisse une chance de vous expliquer » Répond-il dans un sifflement.

« Alors allons à la lumière des torches »

Nous nous lâchons la main au même moment, il en profite pour essuyer la sienne avec un mouchoir qu’il sort d’une des poches intérieures de sa veste. Personnellement, cela fait un moment que la saleté et le sang ne me dérangent plus. Il récupère sa lame toujours plantée dans le cadavre du bandit et la range dans son étui sous sa veste alors que je passe devant lui, nous faisons quelque pas pour sortir de l’étroite ruelle et nous retrouver à la lueur vacillante des torches qui illuminent timidement l’allée principale. Nous nous retrouvons à nouveau face à face et je peux finalement voir sous ses sourcils broussailleux son regard d’un bleu clair comme sa tenue. Son teint est légèrement plus pâle que la normale en ville, mais quand même moins que celui d’un habitant régulier de la grande cité blanche, sans doute à force de naviguer en mer. Une fine moustache surmonte sa bouche qui est barrée d’une petite cicatrice sur le coin de la lèvre. Rien à voir avec la description de l’homme que je cherche donc. Déception.

Une deuxième goutte me tombe sur le haut du crâne alors que j’éponge avec deux de mes doigts le sang qui coule encore d’une de mes lèvres fendue.
Il croise les bras et je vois son regard étonné se promener de bas en haut alors qu’il peut finalement voir les détails de ma tenue. De la même couleur que la sienne et ressemblant presque à celle d’un capitaine. En tout cas pas celle d’un marin sorti de nul part. Mais mon bluff ne tient pas qu’à ça. Voyons voir si je n’ai pas trop perdu la mémoire.

« Si vous êtes dans la marine depuis un moment, vous avez sans doute entendu parler du capitaine Jonas Hibbe Coolmor»

Il se redresse légèrement en entendant ce nom.

« Capitaine Coolmor? Oui, évidemment. Le héros qui, en infériorité numérique, escorta et sauva quatre nobles familles des assauts de la flotte d’un pirate sang-pourpre ? On raconte qu’il les coula tous sauf le navire du capitaine qu’il prit en chasse autour du continent pendant de long mois. »

« Effectivement, et c’est ici, au large de cette foutu ville, que son aventure c’est arrêtée »

J’accompagne cette phrase d’un mouvement du bras désignant la direction du port et la ville qui nous entoure.

« Que lui est-il arrivé ? De ce que j’en sais il n’est jamais revenu à Kendra Kâr »

« Il finit par rattraper son ennemi juré, et il l’envoya, lui, son navire et son équipage, dans les profondeurs abyssales »

Il lâche un petit rire goguenard.

« Eh bien voilà une bonne nouvelle, mais comment connaissez-vous cette histoire ? Je ne pensais pas qu’on se la racontait en dehors de notre marine »

« Oh je ne pense pas non plus, par contre son aventure ne s’arrête pas là, mais avançons en même temps que nous discutons, la milice va bientôt faire ses tournées nocturne et rester immobile n’est jamais bien vu »

D’un geste discret de la tête il me désigne la ruelle obscure dans son dos dont nous venons de nous échapper.

« Et pour eux on fait quoi ? »

J’avais presque oublié les bandits morts que nous laissons dans notre sillage, une autre raison de quitter les lieux avant que la milice ne débarque.

« Eux ? Allons vous êtes nouveau en ville ça se voit. Quelqu’un va venir leur faire les poches, on les jettera dans la baie ou on les brulera, je n’ai jamais vraiment su où disparaissaient tous les cadavres de la ville »

(Bonne question ça)


Nous nous mettons en route à pas lent, traversant la ruelle sans réel objectif de ma part, mais je compte bien sur son inconscient pour nous mener là où il réside.

« Alors ? »

Je fouille dans une des poches de ma nouvelle veste pour en tirer la flasque d’argent que je conserve sur moi depuis des temps immémoriaux. Je la regarde fixement en continuant d’avancer, ou plutôt l’insigne gravé sur celle-ci. Une myriade de souvenirs me revient en mémoire.

« Son combat final contre son ennemi ne le laissa pas indemne, lui comme les marins qui l’accompagnaient. Ils furent obligés de s’arrêter au port le plus proche et il se trouva que ce fut cette ville. »

« Il a séjourné dans cette enfer ? »

« Plus que ça. Vous savez comme il haïssait les pirates ? Il avait enfin trouvé leur nid, là où ils se reproduisent sans commune mesure. Mieux, il était tombé sur les traîtres à notre nation qui marchandait de la contrebande, ou pire des esclaves »

Je l’entends soupirer avant qu’il ne me réponde avec une mine de dégoût.

« C’est effectivement ce que j’ai pu moi-même constaté en débarquant ici. »

« Alors il y est resté en agent infiltré, prêt à tout, il s’est débarrassé de ses insignes les plus reconnaissables. Toujours en contact avec les hautes instances de la milice et de la marine Kendran, ainsi il pouvait leur faire parvenir des informations capitales sur les renégats et autres infidèles tout en disparaissant de l’histoire. »

Nous avançons un moment sans un mot regardant la rue s’étalant devant nous avec la jetée au bout, je le sens surpris parce qu’il vient d’apprendre. Nous croisons encore quelques individus à la mine patibulaire qui finissent sans doute leur travail nocturne au port, ou des groupes de joyeux lurons qui cherchent un nouvel endroit où se saouler. Il finit par sortir de son silence.

« Incroyable, alors non seulement il n’est pas mort en mer comme tout le monde le pensait, mais en plus, il continuait de nous aider en plein cœur des lignes ennemies »

Il se frappe la poitrine d’un air fier au milieu de sa phrase. Décidément, l’orgueil Kendran est vraiment quelque chose de facile à flatter. Mais je sais soudainement son enjouement redescendre et il me regarde soudainement, dans ses yeux passent un air étrange comme s’il me voyait pour la première fois.

« D'où savez-vous tout ça ? Il a vécu il y a déjà plus d’un siècle et de ce que vous m’en dites, son existence était un secret absolu »

Je peux finalement apporter la pierre finale. Je lui passe entre les mains la flasque en argent que je gardais toujours en main depuis tout à l’heure et, d’un signe de la tête, je l’invite à inspecter l’objet que je viens de lui passer.

Troisièmes et quatrièmes goutte, il est temps de trouver un endroit où s’abriter.

Il regarde la flasque sans un mot et je guette sa réaction. Ses yeux se plissent lorsqu’il remarque l’insigne gravé dessus, avant de s’écarquiller soudainement quand il comprend ce que cela signifie. Son regard fait une fois l’aller-retour entre la flasque et moi.

« Comment avez-vous eu ça ? »

« Comme je disais, il s’est débarrassé de ses insignes les plus visibles pour ne pas être reconnu, mais il en a gardé deux, la flasque que vous tenez entre les mains et … »

Je détache ma veste et écarte légèrement mon manteau pour lui montrer la lame brisée qui repose bien attachée à mon flanc, elle reflète légèrement les flammes vacillantes des torches et attire immédiatement son regard.

« … cette lame qu’il brisa pour montrer qu’il quittait sa vie d’avant pour se terrer dans le secret absolu de sa nouvelle existence »

Il me rend la flasque en secouant la tête, comme s’il essayait d’assimiler tout ce que je venais de lui apprendre. Je range religieusement la flasque dans une poche intérieure de ma veste et une nouvelle fois le silence s’impose entre nous deux. Nous croisons des miliciens qui marchent d’un air trop sérieux, inspectant l’état des torches qui résistent tant bien que mal au vent qui se fait de plus en plus fort, après tout ce sont elles qui sont censées assurer la sécurité toute relative des badauds
Puis à nouveau il rompt le silence, cette fois avec une question franche et directe où pointe une légère dose d’inconfort.

« Mais vous êtes qui ? »

« Matiasse Hibbe Coolmor, fils de Peter Hibbe Coolmor, lui-même fils de Jonas Hibbe Coolmor, et comme mon père avant moi je poursuis la tâche qui nous incombe de préserver les intérêts de Kendra Kâr dans ce bordel »

Cinquième, sixième, septième et huitième goutte, ça devient urgent.

Il ne sait plus quoi dire. Il sort une pipe de sa poche, la bourre, se reprend plusieurs fois pour l’allumer et tire une bouffée d’un air distrait. Mais avant que nous ayons le temps de faire un nouveau bout de chemin en silence, je reprends.

« Dernièrement je surveille un capitaine pirate qui agit au Rat Lubrique, je dois m’occuper aussi d’un pirate qui sévit au fort Grise-Écume et enfin je cherche un capitaine de notre nation qui se cache en ville afin de l’aider à s’évader »

Il tire une nouvelle fois et laisse s’échapper une large volute de fumé qui disparait bien vite emporté par les embruns, son regard devient dur.

« Alors nous avons au moins un objectif en commun »

Sans m’en rendre compte, nous sommes arrivés dans les quartiers des marins et plus particulièrement devant la maison dans laquelle je l’ai vu se cacher avant de me faire enlever quelque jour auparavant.

Il jette plusieurs regards inquisiteurs dans la large promenade vide de toute activité avant d’ouvrir la porte et de m’inviter à passer le palier. Un sourire mauvais qu’il ne peut pas voir apparait sur mes traits lorsque je passe devant lui pour entrer dans le camp ennemi. Les neuvièmes et dixièmes gouttes me tombent sur la nuque, et derrière elles les centaines qui vont s’abattre sur Darhàm.

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Devon
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Re: Les Ruelles

Message par Devon » jeu. 7 oct. 2021 01:14

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Mascarade :

Je jette quelques coups d’œil dans les environs. Il est tard mais il y a encore quelques marins et pirates qui se baladent dans les rues, parfaitement ivre pour la plupart et cherchant sans doute un autre endroit où finir leur fête. Les torches récemment allumées illuminent timidement les ruelles sombres de la ville, pour l’instant l’éclairage provient majoritairement des tavernes, bordels et autres lieux de festivités dont les fenêtres rayonnent de la débauche qui y règne. Un pirate est endormi adossé au mur du Rat Lubrique, sans doute laissé là par ses camarades lorsqu’il ne pouvait plus tenir l’alcool et évité qu’il ne fasse quelque chose de regrettable à l’intérieur. Le vent souffle légèrement le long de la côte et les quelques nuages dans le ciel cache de temps à autres la lune bien visible au-dessus de la mer. J’attends sans m’inquiéter, m’adossant d’un air distrait au mur de la taverne pour éviter de rester appuyé sur ma jambe blessée, regardant passer les gens et me perdant en contemplation de l’astre nocturne qui se reflète sur la mer au loin. Mes yeux se posent un moment sur une lueur presque invisible qui semble flotter au-dessus de l’océan, provenant sans doute du Fort Grise-écume, le quartier général du plus important cartel pirate de la ville. Et c’est avec l’un d’entre eux que nous nous apprêtons à faire « affaire » avec Tatch … . La température semble baisser d’un cran et je me surprends à frotter mes mains pour essayer de les réchauffer, mais je ne suis pas sûr que ce soit la vraie raison du petit frisson qui parcourt l’échine lorsque je pense à l’assassinat du second de Rufus Mord-œil que je suis censé préparer. Un groupe de mercenaires encore en armure passe devant moi lorsque j’entends une petite voix m’interpeller.

« Ici »

Le capitaine est là et je vois qu’il a eu la même idée que moi. Il a troqué son manteau aux couleurs de la ville Blanche pour une brigandine en cuir, un peu plus décorée que la mienne, qu’il porte simplement par-dessus sa chemise, ainsi qu’une paire de petites épaulettes et des gants de la même matière. Et à ses côtés, celui que je cherche. Recroquevillé contre son protecteur, je reconnais le petit capitaine marchand à la description qu’on m’en a faite. Ses cheveux noirs rasés court contraste avec sa barbe grisonnante, petit avec un peu d’embonpoint qu’il dissimule sous une chemise qui a l’air d’avoir du mal à tenir sur la peau tendue de son ventre, la marque des bons vivants qui ont fait fortune et qui profite de la vie, il se couvre avec sa veste bleue en soie affublée d’un foulard blanc. Lorsqu’il jette un regard apeuré dans ma direction, je remarque que son œil droit ne bouge pas en même temps que le gauche, c’est l’élément qui vient définitivement confirmer qu’il est le marin que je traque : l’œil de verre comme m’en avait parlé le milicien. Je m’efforce de ne pas afficher un sourire triomphant trop visible. Je m’approche d’eux en essayant de paraître le plus naturel possible pour ne pas attirer les soupçons des passants alors qu’ils se dissimulent à l’ombre d’une ruelle adjacente au Rat Lubrique. Lorsque j’arrive proche d’eux, je les rejoins dans l’allée exiguë d’un pas que j’espère le plus innocent possible, même si les ruelles étroites de Darhàm sont majoritairement utilisées pour régler ses comptes entre gentilhomme. Je m’approche des deux Kendran et salue de la tête le capitaine marchand, mais Wibberich ne perd pas une seconde en présentation.

« Alors ? »

Je fais mine de regarder en dehors de la ruelle, comme si je surveillais le secret de notre position. Si je veux être crédible, il faut que je passe pour le plus paranoïaque possible, heureusement c’est quelque chose que je connais. J’emmène mes deux compères un peu plus loin à l’ombre des torches dont la lueur éclaire l’ouverture de la ruelle et je baisse la voix pour reprendre.

« Bien, j’ai un entrepôt que j’utilise en base de repli proche des docks, il est suffisamment à l’écart du port … »

Je m’arrête un instant, reprend mon jeu d’acteur consistant à m’assurer que personne ne nous écoute en agitant plusieurs fois la tête de tous les côtés, puis je continue d’une voix encore plus basse.

« … mais il est quand même proche de quelques pontons, une embarcation nous rejoindra là-bas. Je vous ferais monter à bord, et vous pourrez rejoindre le navire qui vous attend plus loin sur la mer. »

Le capitaine Kendran acquise avec un geste de la tête puis baisse les yeux vers le marchand toujours collé à lui. Je regarde à mon tour ma cible qui semble réfléchir à toute vitesse.


« Elle nous rejoindra ? Qui l’apportera ? »


« Moi, je la dissimule un peu plus loin sur la jetée, je n’aimerais pas payer une taxe sur une barque que je n’utilise qu’une fois par mois »

Mon trait d’humour ne le calme pas du tout. Il jette un regard vers Wibberich, ignorant quasiment ma remarque

« Je sais pas Wibberich, on devrait peut-être attendre un peu, ils vont bien envoyer quelqu’un d’autre »

Le capitaine me lance un regard qui me demande d’avoir un peu de compréhension pour la panique du marchand, mais je sens déjà que je n’en ai pas beaucoup à offrir. Je dissimule mon impatience grandissante en m’éloignant un peu d’eux comme si je guettais un danger proche, mais je tends l’oreille et me concentre intensément sur leur discussion.

« Ils ont déjà eu Phipps, je suis peut-être le prochain, il faut partir maintenant tant qu’on le peut encore. »

« Mais on peut attendre encore quelques jours ? Voir si des renforts vont arriver. »

« Non tu ne comprends pas, ils ne vont pas prendre plus de risque que ça, plus de moyen finirait par faire s’ébruiter l’affaire, il faut régler ça maintenant »

« Et lui, tu lui fais confiance, tu l’as vu ? »

« Il m’a sauvé la vie une fois et c’est le descendant d’un grand capitaine de notre nation, je pense qu’on peut »

« Le descendant de quoi ? »

« Pas le temps, mais je te dis que ce n’est pas n’importe qui »

Je dissimule un sourire.

(Effectivement, mais pas celui que tu crois)

Quelques secondes silencieuses s’écoulent, un silence lourd perturbé par l’agitation dans la taverne adjacente qui résonne comme un écho distant à travers les murs. Le marchand reprend d’un air un peu suffisant.

« Bon, alors allons-y, chaque minute passée dans l’air putride de cette ville me dégoute un peu plus »

Je sens le ton de Wibberich se durcir.

« Tu ne seras pas sorti d’affaire pour autant, les autorités voudront savoir ce que tu faisais dans la ville Pirate, sur ce côté du continent »

« Oui oui, on réglera ça plus tard, bougeons »

J’entends leur pas se rapprocher de moi et je me retourne vers eux pour voir Wibberich la mine fermée et le marchand triturant ses mains mais s’éloignant un peu de son garde du corps attitré. Il sort un mouchoir de la poche de sa veste pour s’essuyer rapidement le front sur lequel perlent plusieurs gouttes de sueur.

« Nous vous suivons, tâchez d’être discret »

Je lui fais un signe d’approbation de la tête, m’approche de la sortie de la ruelle pour vérifier que personne ne nous y attend, ce qui m’étonnerait très fortement, et leur fais signe de me rejoindre. Le marchand se place entre Wibberich et moi, la tête basse. Le capitaine garde la main sur la garde de son arme, ses traits tendus auraient de toute façon bien du mal à leur faire passer pour un innocent à l’heure qu’il est, et il scrute d’un regard inquisiteur toute personne qui s’approcherait un peu trop de nous à son goût, même si la personne en question est un pirate trop saoul qui serait à peine une menace pour un enfant. Nous dépassons le Rat Lubrique et nous engageons à grand pas sur la jetée du port. La population a quasiment déserté les lieux, reste seulement quelques équipages faisant la fête sur leur navire ou s’apprêtant à repartir. En tout cas, personne ne s’intéresse à nous.

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