Le Port

Répondre
Avatar du membre
Yuimen
Messages : 2483
Enregistré le : mar. 26 déc. 2017 19:17

Le Port

Message par Yuimen » mer. 3 janv. 2018 13:33

Le port

Image


Le port de Dahràm est le centre de l'économie de la cité. C'est le lieu de passage obligé pour tous les trafiquants, que ce soit de drogue, d'esclaves, de prostitués ou tout simplement le résultat de pillage en tout genre. Personne n'y trouve rien à redire et tout le monde y trouve son compte.

Quelques frégates des autorités patrouillent au large pour éviter une quelconque répression et assurent la sécurité de ce point si important.

Si vous voulez partir, il vous sera aisé de trouver un capitaine pour vous prendre gratuitement à son bord, mais faites attention de ne pas vous retrouver enchaîné à fond de cale…

Les bateaux sont rachetés à 1/4 de leur prix.


La demande doit être postée, avec le lien du post, dans le sujet d'Interventions GM.
Prix et explications des navires : Règle des voyages maritimes

Avatar du membre
Eldros Rougine
Messages : 108
Enregistré le : lun. 7 janv. 2019 14:57

Re: Le Port

Message par Eldros Rougine » ven. 11 janv. 2019 15:24

<<<

"C'est de la folie !"

Un mois ! Un mois de réflexion malgré l'exténuation pour mettre en place ce plan et ce maudit sang pourpre osait qualifier ça de folie. Il se détourne de la carte épinglé sur le bureau massif fixé dans la cabine du Mat d'Or. L'envie de lui sauter à la gorge est forte mais je garde contenance, affichant un air encourageant au capitaine Laeten. En effet, lui ne semble pas offusqué par ce que j'avais manigancé. Les sourcils froncés, il observe chacune de mes annotations avec intérêt. Il lève un instant les yeux vers moi avec un visage impassible avant de fixer son quartier maitre, le rappelant au calme. Celui-ci grommelle un son inaudible avant de s'approcher à nouveau. J'avais tout expliqué, chaque détail, évaluant les risques. J'avais même évalué et calculé le nombre de prises et la valeur collecté en un temps donné. Haath prit la parole, exposant ce qui le dérangeait.

"Si un navire de guerre s'approche, nous serons complètement bloqués. Faire ça nous rends vulnérable. Trop vulnérable."

Laeten hoche la tête, bien conscient du risque auquel je confronte La Baliste. Il saisit ensuite un parchemin juste à côté. La liste des besoins nécessaires au prochain voyage. J'en étais également venu à bout à l'aide du Shaakt.

Ca avait été moins évident que ce que j'avais imaginé. Des planches, de la toile, du goudron, des pierres à aiguiser, de la corde, du fil, des aiguilles, petites comme assez grande pour percer la voile, des carreaux d'arbalètes et de quoi en fabriquer d'autres. Concernant les vivres il fallait bien sûr des fruits pour éviter le scorbut. Des citrons, des oranges, des mandarines. De l'eau potable, contenu dans des tonneaux dans lequel on verse du rhum pour éviter qu'elle croupisse. Des patates, des navets, des haricots et d'autres légumes qui tiennent le coup pendant plusieurs semaines. Du bétail aussi, des chèvres pour le lait. Des poules pour les œufs. Du foin et des graines pour les nourrir. Les sources de protéines viendront du poisson qu'il faudra pêcher. Il faut donc le matériel nécessaire. Des cannes, des lignes, des hameçons et du gros sel pour la conservation. Les appâts seront en nombre suffisant dans les gâteaux secs qui traineront en fond de cale. Il faut aussi des chats. J'avais haussé un sourcil quand Malaggar m'en avait informé mais l'avait noté sans en demander plus. C'est quand j'avais demandé ce qu'il fallait prendre pour les nourrir que j'avais compris leur utilité. Le Shaakt m'avait répondu qu'ils trouveraient eux même de quoi se nourrir. Les chats étaient là pour manger les rats.

Laeten avait donc, après avoir parcouru la longue liste de fournitures, levé les yeux vers l'elfe noire. Sans doute conscient qu'il avait au préalable vérifié personnellement ce que j'avais marqué et lui éviter ainsi de perdre son temps. Malaggar hoche simplement la tête. Le capitaine lui tend alors le bout de papier et le Shaakt quitte la pièce sans dire un mot. Une mécanique bien huilé était en place. Une efficacité silencieuse que j'appréciais. Jiat Laeten retourne à l'observation de ma carte en se lissant la barbe. Quelques minutes passent, moi et le quartier maitre, malgré notre impatience visible, gardons le silence. Nous nous jetons un moment un regard, lui hostile et moi circonspect. Combien de temps allons-nous encore attendre. Il ouvre soudain la bouche pour pousser un soupir. Nous retenons notre souffle.

"Où en est-on dans le chantier ?"

Mannor se redresse avant de répondre promptement.

"L'équipage avance bien. On est en avance par rapport à ce que vous aviez prévu. Je dirais qu'il nous faut encore cinq, peut être six mois pour tout finir. "

"Bien."

Il soupire à nouveau et dirige son regard vers moi.

"Vous avez conscience que ce que vous proposez comporte énormément de risques ?"

Je me redresse à mon tour et réponds avec assurance.

"Des risques à la mesure de la récompense."

Un mince sourire s'échappe de ses lèvres usées. Il pointe un doigt vers moi avant de l'agiter.

"C'est un plan ambitieux. Je l'aime beaucoup."

Il adresse un nouveau regard à son quartier maître.

"Nous allons le faire." Annonce-il simplement.

Le sang pourpre incline la tête, mais son visage exprime clairement son désaccord. Laeten se tourne à nouveau vers moi.

"Vous pouvez rejoindre Monsieur Dolvan pour votre entrainement. Moi et Monsieur Haath allons faire en sorte de trouver quelques améliorations."

J'incline la tête et me tourne en jetant un coup d'œil discret vers le sang pourpre. Celui-ci semblait toujours mécontent mais chercher des solutions pour réduire le risque avait l'air d'être un compromis suffisant pour ne plus qualifier mon plan de folie. Je quitte la cabine en souriant, satisfait, les prochains mois devraient être plus tranquilles.

>>>
Modifié en dernier par Eldros Rougine le jeu. 7 janv. 2021 20:57, modifié 3 fois.

Avatar du membre
Eldros Rougine
Messages : 108
Enregistré le : lun. 7 janv. 2019 14:57

Re: Le Port

Message par Eldros Rougine » sam. 19 janv. 2019 11:47

<<<


Un mouvement de recul. Vif. Agissant uniquement sur le haut de mon corps. Mes pieds, eux, restent à leurs places. Les jambes souples. Le sabre de bois passe à quelques centimètres de mon nez. Le sabre baissé, l'autre main derrière mon dos. Je me redresse à peine le coup est passé. Je lève mon arme au niveau de mon torse pour parer une éventuelle autre attaque qui finalement ne vient pas. J'attaque à mon tour, m'avançant en portant un coup de taille, un deuxième et un troisième, venant à chaque fois frapper le sabre du Whielois en produisant un son mat. Une courte pause. Mon tuteur incline la tête, signalant que j'ai bien réagis. Maudit soit-il, il a failli me défigurer. Nous gardons position et reprenons l'échange de coup. Comme il me l'avait promis, le sabre s'était allégé avec le temps et l'entrainement. Mes réflexes s'étaient aussi aiguisées. Ma façon de combattre, de manière générale s'était amélioré. Il faut avouer que je n'avais aucune expérience. Me faire entraîner par un ancien soldat, aussi désagréable qu'il soit, a eu d'excellentes conséquences. Il passe à la vitesse supérieure, accentuant la violence de ses coups. Je relâche la fermeté de mon poignet pour ne pas lui faire subir les chocs de plein fouet. Délibérément, je laisse mon arme accompagner son attaque pour l'emporter plus loin que prévu, je pivote, lève mon sabre pour lui asséner une riposte. Il se baisse, mon arme passe au-dessus de sa tête. Emporter par le mouvement, je tente de lui porter un coup vertical. Il se met de profil, esquivant à nouveau mon attaque et je comprends trop tard mon erreur. Le pommeau de son arme s'écrase contre mon estomac, me coupe le souffle et me met à genoux pour suffoquer.

"Bien essayé monsieur Rougine."

Je réponds par une toux douloureuse.

"Nous nous arrêterons là pour aujourd'hui."

Il récupère ses affaires pendant que je reprends lentement contenance. Décollant mes genoux des pavés pour me remettre debout. Thekus m'observe, laisse apparaitre un maigre sourire avant de se tourner pour partir.

"A demain monsieur Rougine."

Je le regarde quitter les docks sans rien dire. Je me concentre sur ma respiration et récupère à mon tour mon sabre de marin que je range à ma ceinture. Un bruit derrière moi me fait sursauter. Un battement d'aile. Suivi d'un second puis d'un troisième. Trois corbeaux venaient de se poser sur des tonneaux. Ils m'observent de leurs regards vitreux. Je me mets immédiatement à genoux. J'en oublie ma fatigue et ma douleur.

"O phaitos ! Je t'écoute !"

Les oiseaux me répondent d'un cri avant que l'un d'eux s'envole lâchant devant moi un étrange caillou marqué d'un symbole. Un carré dont deux côtés se prolongent. Le corbeau continue son vol pour disparaitre au-dessus des habitations. Les deux autres attirent mon attention avant de s'envoler à leur tour. Ils s'arrêtent avant d'entrer dans une ruelle pénétrant dans la cité. Est-ce que je suis invité à les suivre ? Je me relève, attrape mes affaires et me dirige vers eux sans réfléchir d'avantage. Si Phaitos veut me mener quelque part je dois absolument m'y rendre.

>>>

Avatar du membre
Eldros Rougine
Messages : 108
Enregistré le : lun. 7 janv. 2019 14:57

Re: Le Port

Message par Eldros Rougine » jeu. 24 janv. 2019 16:04

<<<

Je plonge mes mains dans l’eau salé. Frottant avec force les tâches carmin qui s’y sont collés. Mes mains, mon visage, mes vêtements. Tout est couvert de sang. Je frotte sereinement, prendre une vie m’a apaisé. Je ne ressens que maintenant l’effort fourni pour poignarder encore et encore. Mes bras sont lourds. Mon dos douloureux et mes genoux me brûlent. J’ai dû les frotter sur le sol en sautant sur ma victime.

"Tss. "

J’asperge mon visage d’eau. Nettoie ma barbe, mes cheveux. Je retire ma chemise, devenue rouge. Mon torse, lui aussi, est souillé du sang de ce clochard.

"Tsss " Répétais-je encore en me frottant d’avantage.

Mais j’ai beau faire, le sang ne part pas. Il s’étend. Coule le long de mon visage jusqu’à tomber dans l’eau, colorant la mer de rouge. Je me redresse. Me relève alors que j’entends des hurlements derrière moi. Je me retourne pour apercevoir la cité en flammes. Ébahi par ce spectacle si soudain je reste interdit. Observant avec une certaine contemplation la fumée qui s’élève dans les cieux aux côtés des flammes immenses. Les victimes de l’incendie qui tentent de s’échapper alors qu’elles sont déjà en flammes. Hurlant à l’aide en se débattant vainement. Un mince rictus grandit le long de ma joue. Je remarque que je ne suis plus à moitié nue. Je suis toujours couvert de sang mais cette fois je porte une armure. Une armure noire comme la nuit, me recouvrant des pieds jusqu’au cou. Je porte également une épée où du sang coule le long de son fil. A mon index se trouve un anneau sombre serti d'une pierre noire. Mon autre bras porte un bouclier orné d’un crâne de corbeau. Je porte également un pendentif, encore un crâne de corbeau, s’agitant au gré de bourrasques brûlantes dégagées par le feu des habitations. Une cape qui semble être en lambeau bat le vent. Un autre son retentit soudain à mes oreilles. Un brouhaha, non. Non ! Une ovation ! On m’acclame, une armée se tient à mes côtés en scandant mon nom. Une armée à la couleur de ma tenue. Sombre comme la nuit. Sortie des pires cauchemars où des créatures ténébreuses dominent les soldats ordinaires.

" Hé ! Rougine ! "

L’incendie disparait, la fumée s’envole, laissant sa place à Darhàm. Ville portuaire sale mais qui n’est pas en proie aux flammes. Les cris, les ovations se taisent. Le son des vagues et des oiseaux me revient aux oreilles. Je secoue la tête, cligne des yeux.

" Je vous avais dit que certains quartiers sont dangereux. Vous avez de la chance d’être encore en vie. "

Le Shaakt s’avance en m’observant d’un air à la fois méfiant et amusé.

"Je vous cherche partout depuis des heures, on a encore du travail."

Du travail oui. Mais pas pour ce qu’il imagine. Cette vision m’a avoué beaucoup de choses. Une armure, une armée, un destin grandiose tandis que celui de cette cité est de périr dans les flammes. Comme Kendra Kâr, je suis élu par Phaïtos pour la réduire en cendres et en offrir chaque âme à mon vénéré dieu.

(Ô Phaïtos ! Je vous obéirais ! Je brûlerais, tuerais et saccagerais si c’est ce que vous souhaitez ! Je ne vous décevrais pas !)

Ravi. Ému. Je ramasse mes affaires et emboîte le pas de Malaggar Ein.


>>>

Avatar du membre
Devon
Messages : 60
Enregistré le : mar. 22 janv. 2019 01:44

Re: Le Port

Message par Devon » ven. 5 avr. 2019 01:24

Une journée comme les autres:

Encore une journée dégueulasse sur les docks, les nuages cachent le ciel, couvrant l’horizon d’un rideau gris acier déprimant alors que la pluie commence à tomber de son perchoir et que le vent se lève. Le clapotis de l’eau qui tombe sur la mer se fait de plus en plus entêtant et les embarcations amarrées se mettent à tanguer de plus en plus, poussant de légères vagues contre les pontons usés, ressemblant à une assemblée de personnages ivres qui perdent petit à petit l’équilibre. Un petit rire m’échappe en pensant que finalement, c’est un peu l’état de tous ceux qui mettent pied dans ce lieu répugnant, pas étonnant que même les navires soient affectés par l’atmosphère de la ville. Si tant soit peu qu’on puisse l’appeler une ville. Évidemment, mon rire solitaire n’interpelle personne, ici on se garde bien de s’approcher de moi, seul un petit nouveau, sans doute un esclave échappé qui tente de se faire une vie à en juger par son tatouage sur la joue, me lance un regard interrogateur. Il m’oublie bien vite lorsque je tourne mon regard sombre sur lui, et la couleur de ses chaussures lui semble soudainement devenir extrêmement captivante. Autour de nous, une espèce de chaos organisé règne, l’agitation des dockers et des marins autour des navires ressemblent à un groupe de fourmis courant dans tous les sens pour s’occuper de leur reine. Les cargaisons passent de main en main, les insultes et les ordres fusent dans tous les sens, l’odeur iodée de la mer se mélange à celle du bois plus ou moins pourris des environs et emplit l’air et les narines, une odeur pas si désagréable et nostalgique, elle réveille en moi des souvenir profondément enfouis sous des années de haine et de mépris.
Les premiers marins qui mettent pied à terre disparaissent aussitôt dans les ruelles sombres et labyrinthiques de la ville, comme avalés par une créature cauchemardesque, trop pressés d’assouvir les besoins qui leur ont tant manqué pendant leur traversée. Les tavernes faces au bord de mer commencent à se remplir, l’odeur piquante de l’alcool rejoint bientôt les effluves ambiants, complétant le tableau habituel du port de Dahràm. Vivant, un peu trop même, possédé par une excitation ininterrompu, maintenu en place par la milice orc qui distribue allègrement les pains pour garder tout ce beau monde à sa place, c’est-à-dire dans la fange et les ordures. Au loin, un immense galion sombre à cinq mats sert de rappel à ceux qui auraient l’intention de venir remuer un peu trop ce tas de bandits, qui semble toujours sur le point d’exploser.

Mais bref, l’averse n’épargne ni nos vêtements ni les cargaisons, et ce temps-là ne rend pas notre tâche plus agréable, l’humidité alourdie le chargement et rend les mouvements plus difficiles, les courbatures risquent d’être au rendez-vous demain. C’était prévisible, mais forcément l’officier penché au-dessus du bastingage du navire que nous en sommes en train de vider, qu’il soit second, premier ou quinzième lieutenant ou que sais-je encore, se donne alors le droit de nous aboyer dessus comme des chiens mal dressés, dans l’espoir vain d’accélérer le trafic des caisses que nous sommes en train de décharger, espérant éviter d'abîmer sa précieuse livraison. Une erreur de sa part, une erreur de débutant même, ici la seule chose qui intéresse les honnêtes travailleurs, c’est l’argent et vu qu’il n’est pas celui qui nous servira notre paie à la fin du boulot bien ou mal effectué, ses insultes se perdent vite au milieu du flot ambiant de discussions, de cris et de rire qui emplissent ce lieu mal famé. C’est d’ailleurs avec un plaisir malsain que mes « collègues », un tas de brutes imbéciles, édentés et vulgaires, ralentissent le pas, feignant de crouler sous le poids des caisses avant de les déposer et de partir d’un rire gras et s’échangeant des tapes sur le dos, jusqu’à ce que le contremaître chargé de superviser les opérations, averti par les beuglements en provenance du navire, leur face une démonstration de sa définition d’une tape sur le dos, bien moins amicale. Alors la chaîne de dockers reprend sa routine, pressant un peu le pas car au final, travailler sous la pluie n’amuse personne.
Je remplis ma part de travail sans joie ni apitoiement, mon regard perdu dans la contemplation du ciel, la nuit commence à tomber et ce sera sans doute notre dernier navire à vider pour la journée. Je me débarrasse de mon dernier chargement au pied de la charrette pleine à craquer utilisée pour faire cheminer tout ce joli tas de yus en devenir vers le receleur qui acceptera d’acheter toute cette marchandise de contrebande. Oui nous ne faisons pas d’illusion, vu l’accoutrement du capitaine de ce navire, et les habitudes de ses hommes d’équipages, ils ne sont certainement pas le genre de négociateur qui achète leur fret auprès de marchand honnête pour le revendre à un marchand encore plus intègre, mais je ne suis pas là pour juger. Je signe de mon nom la fiche du contremaître, comme chaque jour depuis que je suis ici, et je récupère la poignée de yus qu’il pose sur le comptoir sans même me jeter un œil alors qu’il s’époumone à faire avancer plus vite ce tas de « larves cul-de-jatte et infirmes qui serait incapable de soulever autre chose que les jupes d’une grand-mère », je lâche un petit rire avant de m’éloigner de lui, m’approchant du bord de mer. Je jette négligemment d’un léger mouvement du poignet une pièce dans l’eau, jetant un dernier coup d’œil au domaine de Moura, la lune pointe pendant un bref instant le bout de son nez entre les nuages et son reflet argenté sur la vaste étendu bleutée offre un bien joli spectacle, dommage que personne ici n'ait assez d’esprit pour pouvoir en profiter.

(Ça fait 32 yus depuis que j’ai débarqué, madame sa royauté des mers, il serait temps d’aider ton serviteur)

Y’a pas à dire, c’est ridicule. Je ne m’étonne même pas lorsqu’un poids soudain se pose sur mon épaule droite, accompagné d’une rafale de vent et d’un croassement aigre. La saleté de corbeau qui m’a pris pour son arbre personnel vient de reprendre ses droits, restant silencieusement à sa place et me sortant de ma contemplation silencieuse.

« Dégage, j’ai pas de bouffe à te donner, et même si j’en avais tu pourrais crever la gueule ouverte que ça m’ferait rien »


Je dis ça sans réel colère ni conviction, je n’essaye même pas de le faire partir, ce n’est pas comme si cette saloperie pouvait me comprendre, mais ça fait du bien de se déchainer sur un interlocuteur qui ne peut pas se défendre. D’ailleurs il ne tourne même pas vers moi sa sale tête et je suis pris pendant un instant par l’envie de l’attraper et de l’écraser sous ma botte, une envie bien vite remplacée par une faim tenace. Je me retourne d’un coup pour m’en aller, dépassant à grands pas les marins retardataires qui ont préférés jouer au plus malin plutôt que de simplement faire ce qu’on leur demandait. La routine s’est installée dans ma vie et je n’ai pas besoin de réfléchir sur ma prochaine destination. Je laisse derrière moi le vacarme du port rapidement remplacé par les bruits provenant de tout ce qu’on peut trouver sur la promenade des marins, des bars, des bordels, et tous les joyeux hurlements de joie, de détresse ou de festivités qui vont avec, pour m’enfoncer dans les ruelles de Dahràm, les mains dans les poches et le regard lointain, à l’ombre des entrepôts qui se dressent comme des gardiens sur le port. Après l’effort, le réconfort m’attend.

->

Avatar du membre
Devon
Messages : 60
Enregistré le : mar. 22 janv. 2019 01:44

Re: Le Port

Message par Devon » ven. 5 avr. 2019 01:40

Fin de journée difficile

Après avoir repris mon souffle, je me décide à m'occuper du pirate. La météo ne s'arrange pas, au loin les roulements sourd du tonnerre commence à retentir, et les eaux du port s'agitent sous l'action d'un vent de plus en plus violent, il va devenir dangereux de s'attarder dehors. Le mauvais temps et l'heure tardive diminuent au moins les chances de croiser quelqu'un, personne ne s'attarde au port quand tous les plaisirs possibles vous attendent en ville. Je déchire dans l'étoffe de la veste du pirate un long bandeau que je noue autour de sa plaie au cou, et deux autres morceaux plus petits que je fourre dans ses narines, pas la peine de laisser des traces sanglantes lorsque je le déplacerais.

Il me faut une bonne quinzaine de minutes pour tirer le cadavre jusqu'au bord de la mer agitée, transporter des caisses tous les jours aura au moins eu l'utilité de me redonner une certaine forme physique. Je fixe un moment les eaux qui sont maintenant aussi grises que l'acier, songeant aux nombres déjà importants de gars qui ont fini leur séjour à Dahram dans les profondeurs de son port. Des pensées sombres me reviennent, d’un temps où j'aurais tout donné pour rejoindre Moura dans les abîmes, mais ce serait contraire aux enseignements que m'a donnés ma mère sur le culte de la déesse, qui prône la survie et la force de l'individu.

J'attrape le pirate sous les bras pour l’envoyer avec un sourire sinistre par le fond pour son dernier voyage. Comme dans l'ancien temps, lorsque nous précipitions depuis le pont du navire des prisonniers pour apaiser les fureurs de la reine des océans. Pris d'une colère soudaine à ce souvenir, je me mets à crier sur la mer :

“Pas mal comme offrande non ? Ça mérite pas une récompense ça ?“

Le vent ne souffle pas plus fort, les vagues ne s’écrasent pas plus vaillamment sur le ponton, aucun signe divin ne fait écho à ma provocation. Il disparaît rapidement sous les flots, emportés par les vagues et les remous de l’eau sous la pluie. Je sais bien que si le cadavre ne finit pas au fond de l’océan, il fera le plaisir des sales serpents de Moura qui rôdent dans les ports, attirées par l’odeur du sang et suivant les navires pêcheurs et esclavagistes comme des mouches. Je lève un moment le visage vers le ciel et la pluie battante, espérant essuyer les taches de sang et de boue qui m’ont sans doute éclaboussées, avant de me détourner avec un soupir rageur, filer mes mains dans mes poches trouées et me diriger de nouveau à grands pas vers mon but d’origine, le repos.

->

Avatar du membre
Devon
Messages : 60
Enregistré le : mar. 22 janv. 2019 01:44

Message par Devon » ven. 24 mai 2019 02:29

Tout va mal

Je traverse les rues qui mènent au port comme un fantôme, sans prêter attention aux gens que je croise, tentant d'oublier que chacun d'entre eux pourrait être un espion à la solde de celui qui m'a envoyé la bouteille. Je finis par déboucher sur le cœur de la ville, où l'agitation bat déjà son plein, les marchandises circulent avec un vacarme affolant, certains groupes de mercenaires attendent de louer leurs services au plus offrant, se renfrognant tous de leur expression la plus patibulaire pour paraître le plus intraitable et le plus important possible. La légère brume dissipée par le vent marin dissimulait un agréable tableau. L'orage de la veille a laissé place à un soleil éclatant qui illumine l'océan et l'obscurité de la ville, faisant joliment chatoyer les mille et une couleurs des voiles amarrées ici, les formes des navires sont de toutes les origines possibles et de tous les ports du monde, les cris qui fusent dans l’air sont dans toutes les langues et les accents possibles, tout comme les cargaisons que l’on voit défiler, argent, vivres, luxes, armes, esclaves ou autre plus exotiques. Les marins sont tous affublés de différentes tenues qui représentent presque l’intégralité les cultures du monde, de la fine étoffe des elfes bleus à la dégaine emmitouflé des rares marins qui viennent des îles du Nord en passant par les étoffes multicolores des hommes du desert, de l’apparence ostentatoire et démonstratrice des vieux pirates à la tenue discrète mais menaçante des navires de guerre se préparant à vite repartir.

Je retrouve bien vite mes repères en la présence du bureau des douanes d'où sort tout un tas de tatoués, de marins et de capitaine. J’appose ma signature à côté de mon nom et me dirige vers le navire auquel je suis assigné pour la journée, un grand galion à trois mats appartenant à un vieux marin grisonnant qui a fait ses armes dans la marine de Kendra Kar, avant de décider qu’il était mieux de se mettre à son compte en faisant quelques détours pour vendre des marchandises qui ne seraient pas bien acceptées dans la grande cité. Quelqu’un de pragmatique donc. Le déchargement se passe sans accroc sous les ordres aboyés par les contremaitres et je retrouve bien vite la chaine de travailleurs qui va et vient entre les navires et les entrepôts, leur lourd chargement entre les bras et la démarche encore titubante des lendemains de soirées arrosées. Peu à peu la routine reprend ses droits et je me plonge dans ma tâche, repoussant tous mes problèmes et inquiétudes à plus tard. Aucune agitation particulière ne vient perturber notre procession et ce jusqu’à ce que le soleil soit assez haut dans le ciel pour que la pause générale du déjeuner soit accordée. Difficile de s’y retrouver à ce moment-là, je m’installe silencieusement sur un coin d’un dock, les jambes au-dessus de l’eau, pour grignoter un morceau de pain dur et un bol de légumes secs qui passe avec une chope de bière immonde, sans doute les restes d’hier soir. Je me perds progressivement dans mes pensées.

( "Allez aider la milice, et puis quoi encore. Toute une bande de bâtard corrompus. C’est rien, juste quelqu’un qui veut jouer au plus malin avec moi, ça se trouve ça m’était même pas destiné. Comme si j’allais suivre les ordres du premier imbécile venu" )

Pendant que j’observe l’étendue de l’océan, deux autres dockers viennent s’installer pas loin de moi pour finir leur « repas ». Inconsciemment des bribes de leur discussion me parviennent, et ça n’a rien de rassurant.

“Paraît qu'il a disparu sans laisser d’trace”

“Bizarre, apparemment j’ai entendu dire qu'ils ont r’trouvé sa dague dans une salle ruelle pas loin d’la taverne”

Son acolyte éclate d'un rire gras et sonore, abattant sa grosse main sur le ponton en bois alors que sa carcasse s’agite sous ses bruyantes respirations.

“L’est fou celui qui s'est pas laissé buter, j'dis qu’ç’aurait été mieux que c’qu'ils vont lui faire s'ils le r’trouvent”

“ Et ils le trouveront, m’étonnerais pas qu’ça f’ra du bruit pour rappeler qui c’est qui commande ici“

Ils finissent leur repas en échangeant des blagues douteuses et des anecdotes inintéressantes sur la vie du port alors qu’une fine goutte de sueur glisse le long de mon dos. Je me relève en essayant de leur dissimuler mes tremblements, le regard perdu dans le vide. Évidemment, comme j’ai pu être assez idiot pour laisser tomber sa dague dans la boue et ne pas la ramasser. Je me revois lâchant l’arme qui tombe avec un tintement au sol. Je m’éloigne du port sans trop savoir quoi faire ni où aller, confus et sonné par ce que je viens d’entendre. C’est ce moment que choisit le sale piaf pour me retrouver et se poser avec une bourrasque sur mon épaule, m’accueillant d’un croassement lent et grave. Combien de temps je dispose avant qu’on fasse le lien entre lui et moi ? Normalement personne ne m’a vu jeter le cadavre dans la mer. Mes idées se reforment progressivement, je prends lentement contenance et tente de réfléchir sur ma situation. Si je dois me cacher, il n’y a qu’une entité ici qui a peut-être plus d’autorités que les capitaines pirates du fort Grise-Écume et c’est les forces d’Oaxaca qui contrôle la ville et qui font toujours tout pour assurer leur mainmise sur le trafic et l’ordre public de la cité pirate. Le crime est sans doute le dernier de leur souci vu la fréquence avec laquelle ça arrive ici, et ils feront sans doute une descente dans la ville lorsque Darham se réveillera sans trouver un cadavre abandonné dans ses rues, la gorge tranchée et la bourse disparue. Avec un peu de chance, travailler pour la milice m’assurera une certaine sécurité, et j’y serais moins visible que sur le port à me déplacer sous les yeux de tous. Je fuis discrètement le lieu, avançant sans grande conviction vers un lieu de la ville que je n’ai encore jamais visité, la milice. Je n’ai aucune affection pour la Reine noire, mais vu la déchéance dans laquelle je suis tombé, je préfère encore baisser les yeux et servir que mourir comme n’importe quel incapable abandonné dans les entrailles de la ville. Je me dirige mécaniquement vers le poste du contremaître qui profite d’un bien meilleur repas que nous en compagnie de divers capitaines, s’attelant à rencontrer les bonnes personnes et à serrer les bonnes mains. Je signe à côté du nom que tout le monde pense être le mien, récupère la maigre paie d’une demi-journée de dur labeur, et, glissant mes mains dans mes poches, m’en vais vers le centre de Darham que je n’ai encore jamais eu l’occasion de visiter.

- >

Avatar du membre
Devon
Messages : 60
Enregistré le : mar. 22 janv. 2019 01:44

Re: Le Port

Message par Devon » lun. 29 juil. 2019 04:20

Je passe brièvement par le port lors de mon chemin de retour à ma chambre. Le ciel est déjà plus couvert que lors de ma dernière traversée, mais les navires sont toujours aussi nombreux à être amarrés ici. L’activité y règne encore, les dernières cargaisons font leurs derniers voyages entre les entrepôts. Un des chargements fait plus de bruit que les autres, autour d’un large navire au ventre rond qui ne laisse aucun doute sur sa cargaison. Ce que j’estime être le capitaine, un Shaakt à la peau sombre visible sous sa veste qu’il porte sans chemise, passe en revue sa cargaison qui défile sous ses yeux alors qu’elle est déchargée par les marins, qui ont l’air nerveux et satisfait à la foi.

Une envie folle me prend de lui sauter dessus et de lui arracher la tête à coup de dent, mais je n’ai pas assez bu pour ça. Une longue file d’esclaves sort des entrailles du navire pour rejoindre la terre ferme. De toutes les origines et de tous âges, ils se suivent, l’air hagard et perdu pour certains, le visage tracé de sillons de larmes et les yeux rougis pour d’autres, la mine sombre et résolue pour ceux qui savent qu’ils ne peuvent plus échapper à leur avenir.

La lente procession se met progressivement en marche vers leur prochaine destination, le marché aux esclaves qu’on trouve dans la Cour-aux-rats, sous l’œil avide des premiers venus et des impatients qui sont déjà en train de faire leur repérage parmi les futurs individus à leur service. Nounou, instituteur, simple serviteur de maison, souffre-douleur, tout est trouvable ici.

Mes yeux s’éloignent de la longue file sinueuse pour se poser sur le bateau Kendran où j’ai travaillé ce matin. Pendant que je marche, des dizaines d’idées se mettent lentement en ordre, comme si je résolvais un puzzle, certaines totalement saugrenues, d’autres plus réalistes. Je continue ma marche avec le sourire, imaginer un plan tortueux et le mettre en œuvre, voilà une activité de capitaine pirate que je n’avais plus eu l’occasion de pratiquer depuis longtemps, je ne savais pas à quel point tromper les autres me manquait.

->

Avatar du membre
Devon
Messages : 60
Enregistré le : mar. 22 janv. 2019 01:44

Re: Le Port

Message par Devon » mar. 6 août 2019 01:02

Agitation :

À peine sorti, une masse sombre pleine de plumes se précipite sur moi dans un bruyant claquement d'ailes. M'attendant sur le brasero éteint en face de moi, le corbeau s'envole pour venir rejoindre mon épaule, faisant s'éloigner de surprise et jurer les marins qu'il a failli percuter sur son trajet. Je fais parfaitement abstraction de l'agitation qu'il provoque alors qu'il croasse, moqueur ou vindicatif, sur un marin qui l'insulte, ne lui jetant même pas un regard et me concentrant sur mon chemin. Je marche à grands pas sur la roue boueuse et irrégulière qui nous ramène directement au port, entre le trafic des livraisons, de l’argents et des marins qui remontent dans la ville. La petite boutique me dit quelque chose, je me souviens être passé devant une intrigante petite cabane qui semble totalement à l’abandon lorsque je débarquais des cargaisons de certains navires. Il me semble pouvoir la retrouver, dans un coin isolé du port.

Bien qu’il décline, le soleil brille encore intensément sur l’activité principale de la ville, la mer est calme et le vent ne souffle pas trop fort, un temps parfait pour naviguer. Je passe devant les quais et comme tous les jours, l'agitation du port bat son plein, des navires de pêche sont en train de dépecer le produit de leur travail matinal sur l’un des quais du port, empuantissant l’air marin des effluves de graisses, de sang et de chair de gros mammifères marins et de plus petit poisson entassé dans de grand tonneau. Un léger frisson me parcourt l’échine lorsque je vois que leur prise du jour comporte deux requins-flèches de tailles respectables. Voilà une chasse qui n’aurait pas été acceptés d’où je viens, les pécheurs se seraient retrouvés sur les crochets et éventrés à la place de leur butin. Certains acheteurs sont déjà là, prêt à prendre la plus belle part possible avant même la fin de la préparation et discute déjà de la rareté de telle ou telle prise.

Je passe ensuite devant un groupe de marins qui fanfaronne devant des marchands dans leurs atours de villes, attroupés autour d’une cage. Le capitaine mène les discussions et montre sa fierté du jour devant ses futurs clients. Je l’entends beugler à la cantonade :

« Aujourd’hui, les chasseurs d’Ynorie vous ramène un Liykor noir messieurs ! Approchez approchez, ne craignez rien, venez voir ce qui pourrait bientôt être votre nouvelle bête de service ! »

Un Liykor noir ? Piqué de curisoté, je me redresse légèrement de ma posture voutée pour avoir un meilleur aperçu de la situation. J’entrevois une énorme créature à la fourrure noire enfermée à l’intérieur, les crocs dénudés de colère, une lueur de rage impuissante dans son œil marron, tournant et se retournant dans sa cage, son état est lamentable. Malgré ses puissants muscles encore visibles, ses côtes saillent sous sa peau, sa fourrure est déchirée à plusieurs endroits et des plaies à peine cicatrisées sont visible sur l’ensemble de son corps. Sa queue a été coupée au bout et une grosse balafre lui barre l’œil gauche et les lèvres jusqu’au menton. La cage étant trop petite, elle est obligée de se tenir courbée, n’ayant pas la place de s’étirer ou de se tenir droit. J’entends les marchands discuter du prix et de l’utilisation qu’ils pourraient avoir d’une telle bête, j’imagine qu’elle va finir sa course au marché des esclaves. Répugnant. Alors que les marins qui entourent la cage s’apprêtent à la soulever pour emmener leur butin, je remarque que les dockers leur laisse volontiers cette tâche, ce qui devait arriver lorsqu'on joue au plus malin avec une telle bête arriva. Faisant preuve de toute sa force sauvage en dépit de son affaiblissement évident, la créature brise d’un coup de mâchoire la maigre chaine qui retenait ses griffes. D’un geste brutal mais vif, la bête attrape le bras du marin le plus proche, lui plantant ses griffes dans le bras, pour l’attirer violemment contre la paroi de sa prison. Il n’aura pas le temps de pousser un cri de surprise ni de douleur, la deuxième paire de griffes venant se planter directement en travers de sa gorge, transformant sa joie en gargouillement sanglant alors que la vie s'échappe de son corps aussi vite que le sang gicle de son cou. Les marchands s’éloignent d’un bond pour la plupart avec un cri de panique peu viril, de même pour les marins si fiers de leur prise rebelle. Cette scène absurde et violente m’arrache un éclat de rire solitaire au milieu de la foule horrifié, le corbeau semblant m’imiter avec des croassements courts et secs. Le capitaine tente de ramener l’ordre, pensant sans doute à la somme de Yu phénoménale qu’il vient peut-être de perdre.De colère, aboyant des ordres, il ordonne à ses hommes de sortir des fouets et des lances afin de briser le Liykor. Je détourne le regard, une grimace de dégout sur le visage et trace ma route sous les cris de douleur du Liykor, je sais que malgré leur apparence, ce sont des êtres pensants et son sort me rappelle trop mon voyage en cage lors de ma capture dans le désert … Je secoue violemment la tête pour faire sortir ses souvenirs sombres de mes pensées actuelles, faisant s’envoler le corbeau qui me crie dessus et sous le regard incongru de quelques marins qui passent à côté de moi.

« La ferme »

Il revient se poser mais dirige son regard de l’autre côté, faisant mine de m’ignorer. Comme si heurter l’égo de ce piaf imbécile m’importait. Par contre, je fais bien de stopper le pas pour ne pas heurter l’immense Garzok en armure qui passe devant moi sans me remarquer, l’air neutre et concentré des soldats en parade. D’un immense galion à trois mâts sortent sans interruption des soldats avec les couleurs et les symboles d’Oaxaca, pour la plupart des orques et quelques humains. Ravitaillement pour les troupes sur place en armes et ressources, relais des soldats qui retournent à Omyre, prise d’informations ou peut-être une mission importante dans les environs, que sais-je. Ce qui est sûr, c’est qu’une importante présence de soldats dans la ville va légèrement changer le désordre qui y règne pendant un petit moment.

Une fois la procession passée, je reprends ma route et aperçois finalement ce que je cherchais. Sur un ponton abandonné se tient une maigre cabane en bois qui semble prête à s’écrouler à tout moment. Devant la porte, une pancarte branlante dans un bois encore plus pourri confirme que je suis bien arrivé à destination : Entrepôt de Shurdriira Luen Yoeg'. Je viens d’y penser mais c’est un nom Shaakt ça …

->

Avatar du membre
Eteslë
Messages : 99
Enregistré le : jeu. 31 oct. 2019 22:51

Re: Le Port

Message par Eteslë » dim. 8 déc. 2019 23:13

Alliance impromptue

Le quartier du port a cette particularité d'être toujours fréquenté, quelle que puisse être l'heure de la journée, ou de la nuit. Alors qu'elle avance d'un pas pressé vers les quais, elle croise marins et pirates, contrebandiers et marchands, catins et tire-laines, toute la population plus ou moins recommandable qui peuple les quartiers puant des abords du port. Elle se presse, écarte les gêneurs en récoltant des regards noirs ou des insultes qu'elle ignore en se focalisant sur son objectif, le navire d'Akram. Elle peut en apercevoir les deux mâts aux voiles repliées depuis l'endroit où elle est, et rien ne semble s'y passer. Mais les apparences sont parfois trompeuses et elle comprends vite que la zone autour des quais proche de la caraque d'Akram est vide de toute activité, la faute à quatre hommes armés qui semblent être prêt à décapiter le premier qui s'approche à l'aide des sabres qu'ils portent à la ceinture. Eteslë fronce les sourcils, mais s'avance malgré tout, se tenant sur ses gardes. L'un des guetteurs la repèrent et ils la fixent alors qu'elle avance rapidement à leur hauteur.

- Encore un pas et je te tranche la gorge ma belle...

Elle hausse un sourcil et montre sa gorge avec un air narquois sur le visage. L'autre semble étonné mais s'écarte et c'est à Eteslë d'être surprise, chose qui se traduit par un nouveau haussement de sourcil et un regard interrogateur, mais l'homme ne lui dit rien de plus. Elle le voit tenir la poignée de son sabre, l'air de rien, et n'apprécie guère l'ambiance qui règne. Elle voit bien qu'ils ne sont pas des pirates, ils semblent bien trop disciplinés pour cela, mais la tension qui suinte de chacun de leurs gestes la rend nerveuse. D'un pas vif, elle traverse l'invisible cordon qu'ils forment, gardant un œil sur le plus proche. Il ne tente rien, finalement, alors qu'elle approche de la passerelle menant sur le pont et elle se détend légèrement en montant les quelques mètres au dessus des eaux sombres et sales du port.

A peine le pied posé sur le pont, l'odeur du sang et de la mort mêlée au sel et à la puanteur du port lui agresse les narines alors qu'elle voit des corps ensanglantés sur le pont. Des pirates, bien sûr, mais sur la douzaine de cadavres, seulement quatre sont clairement identifiables en tant que tel, les autres semblent être les hommes dont Yvan parlaient, ceux sous ses ordres. Un tel carnage inquiète Eteslë qui s'avance silencieusement jusqu'à la trappe située à l'arrière du pont. Celle-ci s'ouvre subitement et la jeune femme recule d'un bond en voyant sortir Arkam, un large sourire aux lèvres, suivit d'Yvan et de plusieurs autres hommes. Certains, dont Yvan, sont manifestement blessés, mais aucun ne semble être prisonniers ou, et cela l'étonne, ennemis. Yvan s'avance vers elle, mais la jeune femme recule, méfiante. Tout cela lui semble étrange, et elle n'apprécie pas la situation présente. Des ennemis soudainement en bons termes, des morts par dizaines, un pressentiment toujours présent qui fait frémir son échine. Yvan sent son trouble et s'arrête.

- Je vais t'expliquer, mais avant, y-a-t-il des hommes sur le quai ?

Elle hoche la tête, indique le chiffre quatre avec ses doigts et deux hommes se détachent du groupe pour vérifier l'information. Visiblement l'un d'entre eux disparu, mais les trois autres sont toujours là. Yvan jure, ce qui fait de nouveau froncer sourcils d'Eteslë. Ne sont-ils pas supposés faire partie de ses hommes ? C'est Akram qui décide de lui expliquer, face au mutisme d'Yvan.

- Notre cher Yvan a été trahi par son patron et ses hommes ont tenté de le tuer. Et j'ai été assez généreux pour lui sauver la vie. Mais dis moi, mes hommes à l'extérieur du bateau sont ils encore en vie ?

Elle lui indique que, en quelque sorte, ils le sont, même si au moins trois sont morts et la plupart des autres blessés, mais ça elle ne peut pas vraiment lui dire avec précision et se contente de hocher la tête avec un vague mouvement de la main signifiant l'état mitigé de ses hommes. Il hoche la tête en serrant les poings et se tourne vers deux hommes qu'il identifie comme ses seconds. Les deux hommes, jumeaux au menton proéminent, s'équipent d’arbalètes et se dirige avec deux autres vers la proue du navire tandis qu'Yvan pose sa main sur l'épaule d'Eteslë.

- Ed devait penser que je prenais trop d'importance... l'imbécile ! Je pense que c''est lui qui a envoyé les hommes enlever Ori en faisant porter le chapeau aux pirates, il sait à quel point elle compte pour moi... Ferioti devait le rejoindre ce soir pour conclure quelque chose, j'imagine que ce n'est pas vraiment ce qu'il avait en tête, il va plutôt s'assurer d'anéantir la concurrence... Eteslë attends !

En entendant cela, la jeune femme a fait volte face avec l'idée d'aller sauver son patron, mais Yvan la retient par le bras et ne cède pas face à son regard meurtrier.

- Réfléchis ! Ed sait que tu travailles pour Ferioti, jamais tu ne l'atteindras. Sais-tu au moins où il se trouve ?

La jeune femme se fige, non sans lui lancer un regard furieux, énervée qu'il ait ainsi raison. Elle se mordille l'ongle du pouce en faisant soudainement les cent-pas sous le regard d'Yvan qui ne cherche pas à l'en empêcher. Si Ferioti meurt, elle se retrouve aussitôt à la rue et perd la seule attache qu'elle possède vraiment. Elle se tourne finalement vers Yvan.

- Où ?

Il la regarde un instant avant de soupirer. Avant qu'il ne puisse lui répondre, les quatre arbalétriers sifflent en leur faisant signe. Akram les rejoint et Eteslë peut l'entendre jurer avant qu'il ne se tourne vers Yvan.

- Il t'en veut vraiment, celui qui est parti en a rameuté une dizaine... Fridje, tu sais nager non ? Parfait, descend de l'autre côté, contourne-les et va à la taverne. Débrouille toi comme tu veux, mais ramène nos camarades ici... Et promet aux hommes de Ferioti que je les récompenserai généreusement s'ils me prêtent main forte, et que je suis prêt à les prendre à bord sans aucune rancune. Cela devrait les inciter à nous aider... les autres, en position, on embusque ces enfoirés. Vous deux ?

Il s'adresse a Eteslë et Yvan. Le deuxième tire sa lame malgré sa jambe blessée et la jeune femme serre les poings en hochant la tête, échauffant ses bras malgré la douleur qu'elle ressent dans celui de gauche. Cela lui tire un sourire. Il répartit alors ses hommes, les cachant çà et là, derrière caisses et cordages afin de maximiser l'effet de surprise. Quant à lui, Yvan et Eteslë, ils tirent les cadavres de leur ennemis au bord de la passerelle après les avoir dépouillé rapidement. Leurs mouvements attirent l'attention des hommes sur le quai qui, voyant ce qu'ils font, vocifèrent et se mettent à courir vers eux. Les trois se baissent pour éviter d’éventuels traits et Akram se met soudainement à rire, attirant les regards circonspects d'Yvan et Eteslë.

- Ne trouvez-vous pas cela drôle ? Nous étions prêts à nous écharper et nous voilà maintenant, combattant côte à côte, face à la mort. Je trouve cela très ironique ! Allez venez ramassis de merde de mouettes atrophiées ! Je vais vous montrer pourquoi Akram Le Bleu est le plus grand pirate de cette ville !

Il tourne un regard malicieux vers Eteslë.

- Et tombeur de ses dames. Je t'inviterais à prendre une bouteille avec moi et nous passerons une folle nuit quand cela sera fini, parole de pirate !

- Gardez vos mains loin d'elle, Akram !

- Ce ne sont pas mes mains que je comptais utiliser...

Yvan est sur le point de répliquer lorsqu'Eteslê toussote avant de désigner les hommes qui se précipitent vers eux, n'étant plus qu'à quelques mètres de la passerelle menant au pont. Les deux hommes se concentrent à nouveau, mais les regards qu'ils se lancent, puis lui lancent, et qui sont sans équivoques, la font grogner. Ils tournent alors leurs regards vers leurs adversaires qui arrivent et se préparent, le sourire aux lèvres.

Avatar du membre
Eteslë
Messages : 99
Enregistré le : jeu. 31 oct. 2019 22:51

Re: Le Port

Message par Eteslë » mer. 11 déc. 2019 22:01

Jeu de paumes

Lorsque le premier homme pose le pied sur la passerelle, Eteslê voit Akram sortir une dague qu'il envoie avec une précision effarante dans l'oeil de l'homme. Un bref cri et une giclée d'écarlate plus tard, il chute et disparaît dans les eaux sombres du port alors que ses camarades, insensibles à la vision du sang qui stagne un temps à la surface de l'eau, se ruent en vociférant comme des déments. Au signal d'Akram, les trois alliés de circonstance font subitement rouler l'un des cadavre sur la passerelle avant de reculer. Le but est surtout de gêner leur approche, mais le cri suivit d'un bruit de chute dans l'eau fait sourire le pirate et la jeune femme. Ils reculent de quelques pas, laissant l'entrée libre pour les tireurs qui attendent. Lorsque les premiers hommes investissent le pont, les quatre tireur lâchent leurs traits. Deux d'entre eux font mouche sur la gorge et le visage d'un des hommes, lorsque les deux autres ne font qu’effleurer les cibles qui se ruent en vociférant toujours davantage alors que les pirates dissimulés foncent à leur tour dans une mêlée qui devient rapidement confuse. Alors qu'elle s'avance pour rejoindre la fête, Eteslë est arrêtée par Yvan qui regarde son avant-bras en train de bleuir.

- N'y pense pas.

Elle le regarde et se dégage d'un mouvement sec, les sourcils froncés, mécontente de son geste. Elle n'a cependant pas le temps de lui faire comprendre qu'elle se fiche bien de son avis que deux hommes foncent droit vers eux, arme à la main, les séparant. Eteslë recule pour éviter un coup de taille qui lui aurait probablement ouvert la gorge sans cela et s'éloigne de la mêlée et d'Yvan, au grand dam de ce dernier au vu du regard inquiet qu'il lance à la jeune femme avant que son adversaire n'accapare son entière attention. Elle, de son côté, évite une nouvelle attaque et assène en représailles un violent direct du droit dans la mâchoire de l'homme qui s'est trop avancé vers elle, lui laissant le champs libre une fois sa garde pénétrée. Son poing fermé heurte violemment l'os de la mâchoire de l'homme qui se vautre alors que la jeune femme siffle de douleur. Le coup, trop violent, rend ses doigt extrêmement douloureux, bien qu'aucun ne semble pour le moment cassé. Fermer le poing lui est désormais difficile et malgré ce coup particulièrement violent, son adversaire se relève en crachant une dent. Elle grogne. Non seulement elle s'est presque brisée la main, mais en plus le coup qui cherchait à mettre hors de combat son adversaire ne l'a qu'à peine sonné. Le regard mauvais du malfrat face à elle la ramène au combat et elle tente sans succès de verrouiller son poing tandis qu'il approche avec une méfiance renouvelée.

Finalement, comprenant sans doute que la jeune femme est en mauvaise posture pour continuer à se battre, il s'élance vers elle, un sourire vicieux sur le visage. Eteslë recule à nouveau mais son dos heurte la rambarde bâbord et il en profite en assénant un coup d'estoc qui trace une ligne sanglante et douloureuse sur son flanc avant de se planter superficiellement dans le bois. Elle en profite pour donner un violent coup de pied ascendant dans le pommeau de l'arme qui échappe à son propriétaire et, après avoir tournoyer dans les airs, retombe dans les eaux du port. Si cela réjouit la cogneuse, l'homme, lui, semble fou de rage et se rue sur elle, bras écartés et mains ouvertes, cherchant clairement à la saisir à la gorge. Elle lève les bras, paumes ouvertes, et les écarte brutalement, frappant les avants-bras de son adversaire. Forcé d'écarter les bras, son regard passe de la haine à la surprise. Eteslë arme son bras droit et, incapable d'utiliser son poing, utilise le talon de sa main pour le frapper violemment sur le côté de la tête laissée vulnérable, l'impact se répercute jusqu'à son épaule, mais, étonnamment, sans la faire souffrir. Sous le choc, l'homme vacille et elle en profite, bande ses muscles et lui assène deux coups rapides et brutaux. Un nouveau choc à la tête de la paume de sa main droite, au même endroit, et un autre à la gorge de la pointe des doigts de sa main gauche qui s'enfoncent dans sa trachée. Son adversaire s'effondre finalement, laissant une Eteslê essoufflée et endolorie scruter le pont.

De nouveaux corps ensanglantés sont venus s'ajouter aux autres et les pirates, fatigués et en sous-nombre, ont clairement le désavantage de la situation. Elle aperçoit pourtant Akram décapiter un homme en hurlant comme un possédé, galvanisant ses hommes qui hurlent à l'unisson. Pensant que le combat tourne en leur défaveur au vu de la hardiesse des pirates, certains des malfrats commencent à tourner les talons, l'effet se propageant rapidement à la majorité des combattants restants qui commencent à rapidement virer leurs fesses du pont, se bousculant pour atteindre la passerelle sous les rires des pirates qui les poursuivent. La jeune femme détourne rapidement le regard et cherche Yvan, le trouvant aux prises avec son adversaire qui ne semble pas en démordre. Grimaçant, elle fait un pas, un autre, puis se rue vers les deux adversaires. Si Yvan peut la voir arriver, ce n'est pas le cas du malfrat qui est surprit lorsqu'elle saisit ses cheveux avant de bondir en lui assénant un violent coup de genoux sur le côté de la tête. Ils roulent tous deux au sol, mais le malfrat, résistant, se redresse plus vite qu'elle. Alors qu'il abat son sabre, Yvan le pare du sien et Eteslê en profite et donne un coup ascendant du talon de sa main directement sous le menton du malfrat dont la tête part en arrière sous l'impact. Elle suit le mouvement, plaquant sa main contre la mâchoire de son adversaire, et le pousse jusqu'à atteindre le bastingage où, d'un coup de pied d'Yvan, il passe par-dessus bord, s'écrasant dans l'eau quelques mètres plus bas sans avoir poussé le moindre cri.

Haletante, la jeune femme s'appuie au garde-corps avant de glisser jusqu'au sol et de s'y asseoir, jambes tendues, le dos posé contre le bois du bastingage. Yvan s'accroupit devant elle, l'air inquiet, mais il ne peut ouvrir la bouche qu'elle lève une main pour signifier qu'elle va bien. Il hausse un sourcil face à l'état de la jeune femme qui est loin d'être « bien », mais n'ajoute rien et se contente de sortir des bandages, onguents et autres pommades sous le regard étonné et dubitatif de la jeune femme. Un sourire s'affiche sur le visage d'Yvan en voyant l'air de la cogneuse.

-Je n'allais tout de même pas me jeter dans un combat potentiellement mortel sans avoir aucune possibilité de soigner d'éventuelles blessures... Montre moi ton flanc et tes bras.

Elle obéit, consciente que jouer avec le feu en faisant la fière ne lui vaudra qu'une infection ou des bras douloureux pendant bien plus longtemps. Il bande en priorité son flanc après avoir versé un liquide sur le bandage qui fait se crisper la jeune femme sous la douleur lorsqu'il l'applique. Il enduit ensuite son bras d'un onguent. Elle lui présente sa main douloureuse et il fait de même. Arkam choisit ce moment pour revenir, essuyant négligemment son sabre sur un tissu arraché à l'un des corps encore sur le pont.

- Oh, mais faites comme si je n'étais pas là...

- Et c'est exactement ce que nous faisons Akram, tu peux disposer.

Le fil du sabre se pose sur l'épaule d'Yvan et celui-ci tourne lentement la tête vers le pirate alors qu'Eteslë se prépare à se jeter sur le sang-pourpre s'il fait mine d'attaquer. L'air menaçant, Akram ne retire pas son sabre.

- Que ce soit bien clair, Yvan, je ne suis pas à ton service, alors parle moi encore comme à un des coprolithes sous tes ordres et ta sale face de fouille-merde ira orner ma figure de proue, est-ce bien clair ?

- Tu as besoin de moi, alors cesse tes grossières menaces et laisse moi m'occuper d'elle, tu veux ?

- Besoin de toi... Peut-être, mais pas d'elle...

Il pointe Eteslë de la pointe de son sabre et Yvan se relève, menaçant à son tour.

- Pense à la toucher et..

- Assez !

La voir éraillée de la jeune femme, qui se met à tousser après son unique mot prononcé trop fort, a le mérite d'arrêter les deux hommes. Yvan se concentre de nouveau sur elle alors qu'Akram l'observe un instant avant de changer de sujet

- Il va falloir nous creuser la tête, Yvan. Ed va vite savoir que tu as survécu, et je ne compte pas faire de vieux os ici s'il se met en tête de nous éliminer pour de bon.

- Je sais... J'ai une idée... Eteslë, tu veux bien nous aider ?

La jeune femme le regarde droit dans les yeux avant de lever les siens au ciel, comme pour lui dire que sa question est stupide. Elle a de nombreuses raisons de participer et a deux mots à dire à ce fameux Ed. Avec ses poings.

Avatar du membre
Eteslë
Messages : 99
Enregistré le : jeu. 31 oct. 2019 22:51

Re: Le Port

Message par Eteslë » dim. 15 déc. 2019 21:14

Une jeunesse déterminée

Un quart d'heure plus tard, un des pirates prévient son capitaine que les hommes restés à la taverne approchent, accompagnés de quelques-uns des hommes de Ferioti. La plupart des hommes sont blessés, mais vivants et Eteslë offre un sourire narquois au pirate qu'elle a vaincu plus tôt lorsque celui-ci la regarde avec colère en serrant les poings, de beaux hématomes visibles sur le visage. Yvan indique alors à deux hommes le chemin pour trouver et ramener Eltoriel, l'Hinïon guérisseur avec qui il travaille et décide de s'entretenir avec Akram dans sa cabine pour trouver une solution à leur problème commun. Lorsqu'il demande à Eteslë de le suivre, elle lui montre sa gorge d'un air désabusé, voulant lui faire comprendre que, présente ou non, elle ne pourra de toute façon pas vraiment proposer quoi que ce soit. Il soupire en secouant la tête, mais s'éloigne avec le Sang-pourpre qui lui tapote le dos comme pour le réconforter malgré le large sourire moqueur qu'il arbore.

Restée sur le pont, la jeune femme étudie les marins et ne trouve pas ce qu'elle cherche, à savoir le Garzok qu'elle a combattu et qui lui a mis une sacrée dérouillée. Elle ne se rappelle pas l'avoir vu à la taverne non plus et remarque rapidement que les pirates ne sont que des sang-pourpre, des humains ou, plus étonnant, des Earions, elfes bleus qu'elle croise rarement en ville. Elle croise de nouveau le regard furibond du pirate qu'elle a battu et le fixe en haussant les sourcils avant de lui offrir un sourire narquois. S'il choisit d'être rancunier, elle ne va pas se gêner pour le narguer. Il est toujours plaisant de se moquer d'une blessure à l'ego. Alors qu'elle se détourne, il se lève et marche droit vers elle malgré la molle tentative d'un de ses camarades pour le retenir. Il la toise de toute sa hauteur, le regard furibond. Celui ayant tenté de l'arrêter essaie alors de le raisonner.

- Arrête tes conneries ! Le capitaine ne va pas aimer, et c'est toi qui a voulu te la jouer cogneur avec elle et te battre seul, alors...

- La ferme ! Et toi, debout !

Eteslë l'observe quelques secondes, puis obtempère. Le pirate sourit alors et pose sa main sur son épaule. Elle sent qu'il tient quelque chose contre sa peau et son sourire carnassier ne lui dit rien qui vaille, mais avant qu'elle ne se dégage, le pirate ouvre la bouche, un air satisfait sur le visage.

- Meurs !

Un long silence s'ensuit, où rien ne se passe. Le pirate cligne des yeux et regarde stupidement la jeune femme toujours vivante face à lui avant que ses yeux ne dérivent sur sa main comme s'il attendait un effet quelconque. La jeune femme fronce les sourcils et, lorsqu'il bouge, elle lui envoie le talon de sa main en plein dans le menton tout en donnant un coup de pied dans sa jambe, le jetant aussitôt au sol où il lâche ce qu'il tenait, une petite pierre ronde gravée que la jeune femme ramasse. Le curieux symbole gravé dessus lui semble à la fois inconnu et familier, mais elle n'en connaît ni l'origine, ni la signification et la garde en main avant de se pencher sur le pirate, lui dérobant une petite besace qu'il porte à la ceinture. Elle en enlève les deux bricoles inutiles et y range la petite pierre avant d'accrocher le tout à sa ceinture, en guise de dédommagement et d'humiliation. Le pirate, de nouveau furieux, se relève, mais cette fois son camarade parvient à temporiser les choses sous le regard narquois d'Eteslê qui retourne s'asseoir sans s'intéresser davantage au pirate qui fustige non loin. Elle ressort la petite pierre, observant le symbole fait de quatre traits placés comme les quatre points cardinaux. Elle a beau tenter de mettre un nom sur cette chose, rien ne lui vient et, finalement dépitée, la range avant de s'adosser au bastingage.

Les minutes passent tandis que les conversations émergent peu à peu sur le pont. Les groupes ne se mélangent guère, la méfiance est de mise, la colère également. Toujours adossée sur le pont, Eteslë échauffe doucement sa main droite en grimaçant, essayant vainement de tempérer la douleur que lui provoque le simple mouvement de ses doigts. Une paire de botte apparaît dans son champ de vision et elle lève la tête pour tomber sur le blanc-bec présent à la taverne. Il la regarde avec hésitation, comme s'il n'osait pas lui adresser la parole. Rapidement ennuyée, Eteslë soupire et lui désigne le sol devant elle. Il met quelques secondes à comprendre, mais s'assoit face à elle et semble prendre un peu de courage, cessant de se triturer nerveusement les ongles. Sa voix, étrangement douce, fait hausser les sourcils d'Eteslë.

- M... Merci de m'avoir aidé tout à l'heure. Je m'appelle Kolïn.

La jeune femme hoche la tête face à la présentation, et l'étudie plus en détail. Des cheveux bruns coupés court, des yeux noisettes, un visage doux, légèrement anguleux et crasseux. Un visage relativement banal en somme, mais quelque chose attire son attention et elle s'approche soudainement, surprenant son interlocuteur qui la regarde avec une légère crainte alors qu'elle sourit. Elle étudie le corps et son sourire s'élargit avant qu'elle ne pose un doigt sur ses lèvres, comme pour dire qu'elle gardera le silence. Kolin écarquille les yeux et regarde aux alentours, mais personne ne semble faire attention à leur conversation.

- Ne dites rien, s'il vous plaît... Vous... je vous ai vu vous battre, vous pourriez m'apprendre ?

Sa voix se transforme alors en un murmure tandis que ses yeux jettent des regards inquiets.

- Je veux pas qu'ils sachent que je... je suis une fille. Je fais ça pour rembourser une dette de ma famille, mais s'ils apprennent que je suis une fille... je veux pas devenir une catin... Vous êtes la seule femme à vous battre parmi eux, vous pourriez m'aider ? S'il vous plaît... Je ferez ce que vous voudrez...

Eteslë recule et s'adosse au bastingage sans lâcher la jeune fille des yeux. Elle est jeune, vraiment jeune, use probablement de maquillage allié à une coupe de cheveux masculine et des vêtements qui cachent d'éventuelles formes pour ne pas être découverte sans un examen attentif. Une situation délicate qu'elle peut comprendre sans pour autant avoir le désir de s'en mêler. Pourtant, un étrange sentiment de déjà vu la prend, comme si elle avait déjà connu cela auparavant, sans que sa mémoire ne s'en souvienne. Elle soupire à nouveau, tend les mains pour examiner celle de Kolïn. Des mains frêles, douces, pas faites pour tenir une arme lourde. Elle lui fait fermer les poings, observe les bras tout aussi frêles que le reste du corps. Ce n'est pas une combattante, cela crève les yeux, mais dans ses pupilles brûle une ardente détermination contrastant avec son allure et son caractère visiblement effacés. Elle n'a cependant aucune envie de s'occuper d'une gamine, même déterminée. Reste une autre solution.

- Pas moi... Quelqu'un...

Elle se racle la gorge pour faire passer la sensation désagréable qui prévient de l’arrivée imminente de la douleur si elle continue de parler. Kolïn la regarde avec une certaine déception, les épaules légèrement voûtées avant de finalement redresser le buste et de parler d'un voix tout sauf hésitante.

- Je ne veux pas d'un autre ! Je vous veux, vous ! Parce que vous êtes... parce que vous êtes comme moi, vous savez ce que c'est. Si j'apprends avec un gros balourd, je vais pas faire de vieux os.

Eteslë grogne, parce que la petite a raison, en quelque sorte, mais elle n'a pas l'expérience et l'aisance nécessaire pour enseigner. Peut-être les a t-elle eu, mais cela est loin derrière elle, effacé, comme toute sa vie. Seul un sentiment de déjà-vu reste présent. Elle lève finalement la main alors que la jeunette ouvre à nouveau la bouche.

- D'accord. Plus tard.

Un sourire illumine le visage de la jeune fille qui la remercie chaudement en lui promettant qu'elle ne la décevra pas. Eteslë hoche la tête, tique lorsqu'elle commence à chercher une appellation pour s'adresser à elle. Elle lui donne seulement son prénom et la petite comprend. Pas de titre, elle trouverait cela ridicule. Et alors que la jeunette semble se plus en plus excitée, le regard d'Eteslë capte deux mouvements. Un Hinïon qui grimpe sur le pont d'un côté et Yvan et Akram qui sortent de la cabine de l'autre. Elle en soupire presque de soulagement. Les choses vont enfin bouger.

Avatar du membre
Eteslë
Messages : 99
Enregistré le : jeu. 31 oct. 2019 22:51

Re: Le Port

Message par Eteslë » mer. 18 déc. 2019 22:39

Résolution silencieuse

- Je ne peux rien faire de plus

Le visage marqué par la fatigue, l'hinïon se tourne vers Yvan qui a fini par soutenir une Eteslë soudainement affaiblie. Elle se reprend et s'écarte suffisamment pour le laisser se précipiter vers Ori avec angoisse. Elle le suit peu après et constate que la jeune fille a retrouvé une peau presque intacte. Seules quelques fines cicatrices rosées et les traces de sang témoignent encore de l'horreur dont elle a été victime. Sa respiration est faible, mais stable et Yvan la prend dans ses bras en lui caressant les cheveux tout en soupirant de soulagement, murmurant des mots à son oreille, des mots qu'Eteslë n'essaie pas de percevoir. La jeune femme est soulagée et s'écarte lorsqu'Yvan transporte la jeune aveugle à l'intérieur de la cabine qu'Akram lui laisse gracieusement. De nombreux murmures s'élèvent sur le pont, mais Eteslë n'y prend pas garde, jusqu'à ce que le Sang-Pourpre lui touche l'épaule, la faisant se retourner d’un air suspicieux. Il lève les mains comme pour signifier qu'il ne va rien tenter. Il la désigne de haut en bas.

- Tu es couverte de sang ma belle.

De fait, son torse et ses bras sont écarlates et légèrement poisseux par endroits. Elle s'examine rapidement et hausse les épaules, faisant sourire le pirate qui lui indique néanmoins la porte de la cabine dans laquelle Yvan vient de s'engouffrer.

- Il y a une bassine d'eau claire à l'intérieur, profites-en. Évitez juste de saloper mon lit.

Le regard sans équivoque qu'il lui lance la fait grimacer, mais elle le remercie d'un hochement de tête avant de prendre le chemin de la cabine. Elle examine la pièce une fois à l'intérieur. Simple et pratique. Un bureau sur lequel sont placées cartes et instruments dont elle ne connaît ni le nom ni ne comprend l'utilité, un hamac à l'opposé d'un lit où est allongée Ori, sa chevelure blonde contrastant avec la sombre vision du ciel étoilé que laissent filtrer les vitres à l'arrière de la cabine. Yvan ne bouge pas, prostrée sur un tabouret, les coudes appuyés sur le lit près de la jeune fille inconsciente. Il ne réagit pas lorsqu'Eteslë referme la porte derrière elle, plongeant la pièce dans une pénombre timidement éloignée par une unique bougie posée sur une étagère à quelques pas du lit. Elle s'arrête sur le seuil, observe en silence avant de se diriger vers le coin où se situe la fameuse bassine. Méticuleusement, elle fait disparaître les traces de sang maculant ses bras en rougissant l'eau jusque là transparente. Elle soupire en constatant l'état de son haut, le laisse finalement ainsi pour s'approcher d'Yvan, s'installant non loin de lui. Un long silence prend alors place, seulement brisé par la respiration calme d'Ori. Eteslë observe Yvan sans un bruit. Son visage fermé mais plus calme qu'avant, la main tenant celle de la jeune fille allongée, la rage ressortant sous la forme de crispations de sa mâchoire, ses yeux bloqués sur le visage endormi. Il ne la lâche pas des yeux, c'est à peine s'il cligne des yeux, comme s'il a peur qu'elle ne se dérobe à sa vue s'il autorise ses paupières à se fermer.

Après de longues minutes d'un silence quelque peu pesant, Eteslë se lève finalement. Elle préfère laisser Yvan seul avec la jeune fille, mais celui-ci la retient en lui attrapant le bras. Une poigne ferme qui s'adoucit presque aussitôt lorsqu'elle tourne son regard vers lui. Les pupilles qu'elle fixe lui renvoie une simple demande muette et elle accepte, s'asseyant à nouveau tandis qu'il descend doucement sa main vers la sienne et la serre doucement avant de la reposer sur le lit. De nouveau, la jeune femme l'observe. Elle peine à comprendre la relation qu'ils avaient, avant, commence à vouloir savoir, mais le moment est mal choisi et elle a ses propres troubles à régler. Les voix enserrant son esprit ont été plus fortes cette fois. Des voix qu'elle connaît, ou connaissait du moins, elle en est sûre. Son nom avait surgi, de même que cette histoire de fille. A-t-elle une fille ? Elle ? Elle trouve cela inconcevable. Jamais elle n'a voulu d'un marmot dans les bras... Elle se demande tout de même où elle peut être, cet enfant qui serait le sien. La voix qui lui a appris cela semblait agressive, malveillante, froide et loin d'être inconnue. Elle peine à démêler les questions qui se chevauchent dans son esprit, fait nombre d'hypothèses à s'arracher les cheveux sans que cela ne lui apporte quoi que ce soit.

- Je peux t'entendre réfléchir.

Elle relève subitement la tête lorsque la voix d'Yvan perce jusqu'à ses oreilles. Ils s'observent un instant avant qu'il ne reporte un regard tendre vers la jeune inconsciente.

- Elle t'aime beaucoup. Tu lui as appris à utiliser sa voix de la plus belle des façons. Ta disparition l'a bouleversée, de même que ton retour... même si tu n'es plus vraiment celle qu'elle connaît.

- Armalia ?

Le nom fait tourner la tête d'Yvan vers elle. Un sourire empli d'une grande tristesse, de même que ses pupilles.

- C'est ainsi que tu t'es présentée, il y a deux ans de cela. Tu avais déjà ce collier et tu cherchais quelqu'un. Tu disais venir de très loin et je n'ai pas eu de mal à te croire... Tes yeux ne sont pas communs, de même que ton tatouage ou la façon que tu avais de te battre. Je ne sais pas qui tu traques, ni si Armalia est ton vrai nom, mais je sais que tu voulais te rendre à Omyre peu avant que tu disparaisses et j'ai toujours cru que tu étais partie comme tu étais venue... Tu disais souvent que tu ne resterais pas, mais tu restais, mois après mois, alors j'ai espéré, à tort ai-je cru après ta disparition. Tu ne te souviens pas de tout ça, n'est-ce pas ?

Elle confirme de la tête et il soupire, visiblement peiné par cet état de fait. Le silence se prolonge quelques minutes avant qu'il ne s'adresse de nouveau à elle.

- Une murène. C'est tout ce que tu as bien voulu me dire. Que tu cherchais une murène, quoi que cela puisse bien vouloir signifier.

Elle hoche la tête lorsque, soudainement, Ori émet un son entre le gémissement de douleur et le soupir, attirant l'attention de deux autres. Yvan s'agenouille aussitôt près d'elle et l'enlace lorsqu'elle tourne la tête vers lui, lui caressant les cheveux en lui murmurant autant de paroles de réconfort qu'il peut. La jeune fille semble perdue, enserre maladroitement Yvan dans ses bras frêles avant de subitement fondre en larmes contre lui. Gênée, Eteslë sort sans bruit, les laissant seuls tout en repensant aux paroles d'Yvan. Une murène. Cela ne l'avance guère, mais elle sait désormais qu'elle voulait aller à Omyre. L'envie de s'y rendre aussitôt fait sa place dans sa tête et elle pèse le pour et le contre pendant de longues minutes, accoudée au bastingage. Lorsque la porte de la cabine s'ouvre et qu'Yvan en sort, le regard sombre et meurtrier, elle s'approche.

- Les tuer... je vais tous les tuer.

Silencieusement, elle pose sa main sur son épaule et acquiesce, comme pour affirmer qu'elle fera son propre carnage pour l'aider. Les yeux d'Yvan se posent sur elle et il acquiesce à son tour. Lorsqu'Akram s'approche, il arbore un sourire mauvais.

- Agissons-nous cette nuit ?

- Si nos hommes sont en état, oui.

- Ton elfe a fait des merveilles. On va dérouiller ces connards les gars ?!

Un tonnerre d'acclamation suit les paroles du capitaine et les hommes, même ceux de Ferioti, se lèvent comme un seul, visiblement prêts à en découdre à nouveau. Kolïn s'approche d'Eteslë, le regard assuré et la cogneuse lui rend son regard. Yvan sourit de plus belle, une lueur meurtrière dans le regard.

- Cet enfoiré de traître ne perd rien pour attendre. Eteslë ?

La jeune femme serre les poings et lui lance un regard sans équivoque. Elle compte bien sauver son patron, ou le venger si le pire est survenu. Et de toute manière, faire payer à ces ordures ce qu'a subi Ori est une évidence pour elle. Elle compte le leur rendre. Et au centuple.

Avatar du membre
Eteslë
Messages : 99
Enregistré le : jeu. 31 oct. 2019 22:51

Re: Le Port

Message par Eteslë » mar. 21 janv. 2020 22:21

Un départ en fanfare

Le réveil est calme et particulièrement agréable alors que le soleil perle faiblement à travers le tissu des rideaux tendus devant la fenêtre de la chambre. Malgré cela, Eteslë grogne et se blottie davantage contre la chaleur du corps contre lequel elle a dormi, sentant la caresse de ses doigts sur le haut de son dos. Les événements de la veille lui reviennent en mémoire alors que son esprit s'extirpe des brumes du sommeil. Elle se revoit passer une soirée agréable en compagnie d'Ori, la jeune aveugle étant pleine de joie de vivre malgré les récents événements. Elle se souvient avoir finalement été d'elle-même chercher Yvan dans sa propre chambre. Peut-être la perspective de passer les prochaines semaines seule l'y a poussé, mais elle ne donne pas d'excuses. Elle a profité de leur dernière nuit ensemble, dans un confort qu'elle n'a que rarement connu. La caresse d'Yvan finit par s'arrêter, faisant lever les pupilles mauves vers le visage souriant et pourtant triste de celui avec lequel elle a passé la nuit. Ils savent tous deux que cela peut être un adieu comme un simple au revoir, mais rien n'est dit alors qu'ils s'enlacent à nouveau, pour la dernière fois.

Ils se lèvent un long moment plus tard et la jeune femme se prépare sous le regard d'Yvan. Plusieurs fois il a tenté de la convaincre de venir avec lui plutôt que partir pour Omyre, mais elle n'a pas cédé. Elle n'a qu'une petite piste, mais elle doit la suivre, tenter, c'est tout ce qui lui reste maintenant. Elle décide néanmoins qu'elle sera la dernière à quitter la ville et qu'elle les accompagnera jusqu'au bateau d'Akram qui part pour Tulorim dans l'après-midi. A la fois enchantée et triste de cette décision qui ancre la réalité des proches adieux, Ori profite du temps restant pour imaginer comment sera Tulorim et Eteslë est bien incapable d'infirmer ou confirmer les espoirs de la jeune fille qui espère que tout se passera bien. Les choses ne peuvent pas être pires qu'elles ne le sont actuellement, elle en est convaincue et écoute avec une certaine tendresse les candides conseils que lui apporte la jeune fille pour son voyage à elle. Ne pas parler aux inconnus, bien manger et dormir, toutes ses choses qu'elle se sait incapable de suivre dans un tel voyage où elle ne sait pas où elle va atterrir. Elle presse sa main en signe d'acquiescement, consciente malgré tout que la jeunette fait aussi ça pour se rassurer, quelque part.

Après un déjeuner copieux, le trio sort finalement. Yvan et Eteslë se chargent des bagages et Ori se contente de tenir le bras d'Yvan pour se laisser guider vers leur destination. Eteslë se prend à de nouveau regarder autour d'elle, cherchant une potentielle silhouette suspecte au cœur de la foule des badauds. Les paroles d'Yvan, la veille, lui ont fait plus d'effet qu'elle ne le pensait et elle se tient sur ses gardes. Le trajet jusqu'au port se déroule néanmoins sans encombre et la tension dans les épaules de la jeune femme se relâche lorsqu'ils arrivent devant le fier deux-mâts du pirate. Elle aperçoit sans difficulté le capitaine, à la proue du navire, en train de donner ses ordres d'une voix forte à ses hommes. Tous semblent se hâter sous ses invectives, ce qui tire un sourire narquois à Yvan tandis qu'il approche de la passerelle, Ori toujours accrochée à lui. Eteslë les suit, mais la sensation d'être épiée la prend soudainement et un frisson lui parcourt l'échine. Elle s'arrête et se retourne subitement, fouillant les alentours du regard, les yeux plissés. Une silhouette se détourne immédiatement et semble quitter la zone avec un certain empressement. Elle tique et se hâte de rejoindre Yvan et Ori qui posent les pieds sur le pont. Elle dépose les affaires d'Ori sans jamais cesser de jeter des coups d’œil vers le port.

- Eteslë... Un problème ?

Elle tourne la tête vers Yvan qui s'est penché vers elle. Elle hausse les épaules pour montrer qu'elle n'en est pas certaine, mais le froncement de sourcil d'Yvan le fait se tourner vers le port ou des silhouettes semblent se regrouper. Une demi-douzaine à vue de nez, mais d'autres convergent vers elles et Yvan ne perd pas de temps, demandant à Akram de lever l'ancre au plus vite. Celui-ci comprend et aboie ses ordres alors qu'Eteslë caresse doucement le haut de la tête d'Ori. La jeunette se tourne vers elle et les larmes qui emplissent ses yeux font sourire Eteslë avant qu'elle ne vacille sous l'impact de la jeune fille qui l'enlace avec une force surprenante. Cela tire un sourire à Yvan qui posa sa main sur l'épaule d'Ori. Celle dernière renifle et fait promettre à Eteslë d'être prudente avant de déposer un bisou sur sa joue et de reculer un peu le temps qu'Yvan fasse ses adieux, lui aussi. Sous les sifflements et huées de l'équipage, il attire Eteslë à lui et l'embrasse. Elle se laisse faire, prolonge même le contact avant de s'écarter, le poussant doucement vers Ori qui ne semble guère comprendre ce qu'il se passe. Un sourire triste et tendre sur les lèvres, Yvan la lâche, visiblement à regret. Akram se joint inopinément à ses adieux en enlaçant la jeune femme par derrière, faisant froncer les sourcil d'Yvan et lever les yeux au ciel d'Eteslë.

- Ne souhaites-tu pas que nous te déposions quelque part en passant? La petite bande sur le port semble plus que partante pour attendre, et je ne serai pas surpris que ce soit pour toi ma belle, et non pour notre ami commun.

Comme pour lui donner tort, le nom d'Yvan, prononcé d'une voix forte depuis le port, provient jusqu'à eux. Celui-ci fronce les sourcils alors qu'Ori lui attrape le bras et se colle à lui, visiblement inquiète. Eteslë se tourne vers le port pour voir celui qui a haussé la voix approcher. Ed, entouré par cinq de ses hommes, s'approche. Avant qu'il ne puisse ouvrir la bouche ou poser le pied trop près du navire, un trait se fiche dans le bois à ses pieds. Les arbalétriers du navire les ont en joue et la tension manque soudainement d'un cran alors qu'un intense silence prend place. Yvan et Ed se regardent froidement avant que le regard du deuxième ne dévie sur Eteslë. Un rictus d'impatience ourle ses lèvres avant qu'il ne pointe la jeune femme du doigt. Les divers regards se tournent vers la jeune femme qui ne bouge pas d'un pouce, croisant les bras en signe de défi, ce qu'il ne semble guère apprécier.

- Tu vas me dire ou ton enfoiré d'ex-patron a foutu le camp, sinon il n'y aura pas un seul endroit sur Yuimen où tu pourras te réfugier ! Je t'ai accordé ton départ avec Ori, Yvan, il n'a jamais été question que celle-ci te suive ! Je ne vais pas en rester là.

Sans écouter une éventuelle suite à ce discours qu'elle trouve ridicule, Eteslë se tourne vers Yvan auquel Ori s'accroche toujours. Elle caresse la tête de la jeune fille, approche ses lèvres de son amant et les fait dériver vers son oreille.

- Protège-la

Elle se détourne et, sans un regard qu'elle sait trop difficile, prend ses affaires et descend du navire, droit vers Ed qui semble surpris de cette action. Elle s'avance vers lui et se plante à quelques mètres, son sac sur le dos, son maigre baluchon dans une main. D'un claquement de doigt, Ed ordonne à ses hommes d'entourer la jeune femme qui ne tente rien et les suit docilement vers le port. Elle entend Akram hurler ses ordres et inspire en imaginant le bateau s'en aller derrière elle. Les hommes autour d'elle ne semblent guère être sur leurs gardes tandis qu'ils la guident jusqu'au port où ils la font s'asseoir sur une caisse. Leur chef semble toujours suspicieux alors qu'elle montre patte blanche depuis le début, mais elle trouve juste sa paranoïa exagérée et particulièrement mal placée dans une telle situation. Elle était à deux doigts de partir avec Yvan, finalement. Finalement, il lui repose la question concernant Ferioti et sa localisation. Il lui a bien dit qu'il partait pour Kendra Kar, mais cela peut tout aussi bien être un mensonge. Elle a payé sa dette, après tout, et elle n'a pas spécialement envie qu'il commence à l'interroger de manière plus musclée.

- Kendra Kâr.

Il la regarde un instant et soupire. Elle ne voit pas venir la gifle qui lui fait tourner la tête, la joue brûlante et un léger goût métallique dans la bouche. Lentement, son regard, jusque là neutre et à présent menaçant, se tourne pour se fixer dans celui d'Ed. Comprenant sans doute qu'elle ne dira rien de plus, il sort une dague, mais un de ses hommes l'arrête, arguant que trop de monde sont témoins de la scène, même soudoyer la milice ne risque de pas suffire pour une meurtre avéré en plein milieu du port. Visiblement énervé, Ed ordonne à deux de ses hommes de se débarrasser d'Eteslë et de ses affaires à l'endroit habituel. La pointe d'une dague lui piquant la hanche, elle se lève et accompagne les deux hommes. Elle ne tient pas à rester ici plus longtemps et compte bien profiter de l'occasion pour se faire la malle cette fois. Et pour de bon.

Avatar du membre
Eldros Rougine
Messages : 108
Enregistré le : lun. 7 janv. 2019 14:57

Re: Le Port

Message par Eldros Rougine » jeu. 27 févr. 2020 20:41

<<<


Nous nous étions fait avoir et les hommes du capitaine gisant dans une mare de sang sur le pont du Mat d’Or laissait apparaître sur le visage de Laeten une colère sourde.

« Il semble qu’ils cherchaient quelque chose en particulier, seul la cabine est sans dessus dessous. »

Explique le Shaakt venu sur les lieux pour prendre compte de ce qui a pu disparaître.

« Le carnet de bord ? » Demande Jiat d’une voix toujours calme.

« Possible. Mais pour l’avoir parcouru je ne comprends pas ce qu’il aurait de si important parmi les pages. »

« Hm. » lâche simplement le capitaine avant de m’appeler.

« Rougine. Faites l’appel. Je veux savoir qui sont les blessés, les morts et surtout ceux qui manqueraient à l’appel. »

« Entendu. »

Quelle plaie ! Forcé de recenser des hommes que je déteste sous ce vent glacial alors que le soleil commence à disparaître, emportant avec lui le peu de chaleur qu’il apportait. Pour couronner le tout, voilà qu’il se met à neiger. J’étais aussi décontenancé que Laeten. Ils auraient, sans aucun problème, pu reprendre possession du Mat d’Or. Ancré au large, il n’était pas bloqué dans la baie gelé. Pourtant ils se sont contentés de retourner la cabine à la recherche de quelque chose. Quoi donc ? Qu’est ce que mon père voulait tant récupérer ? Ont-ils réussis à le reprendre d’ailleurs ?

Je commence l’appel, rayant de la liste d’équipage les morts, peu nombreux. Je met une croix à côté des blessés, certains d’entre eux ne pourront pas reprendre la mer si notre départ se fait comme prévu. Enfin, je ne peux m’empêcher de sourire en voyant que personne ne semble avoir disparu, ou plutôt mis les voiles. Laeten exprime d’ailleurs le même rictus en l’apprenant à son tour quand je viens lui faire mon rapport quelques heures plus tard.

« Il est encore là. »

Dit-il entre ses dents. J’incline la tête, nous pensions à la même chose. Pour qu’une attaque soit si coordonnés sur trois endroits important pour l’équipage, mon père a forcement reçu des informations. Nous avons une taupe parmi nous. Une saloperie de traître, tout comme ce chacal de Lyle. Il ne perd rien pour attendre. Le capitaine ne perd pas de temps et ordonne à son quartier maître de transmettre l’ordre suivant.

« Tous le monde dort sur le Mat d’Or cette nuit. Nous parlerons de tout cela demain. »

Il désigne tout de même quelques hommes de confiance pour ramener les cadavres sur terre pour les enterrer dans le cimetière de la ville. J’ignore ce qu’il a en tête exactement mais j’ai le sentiment que demain des têtes vont tomber et cela me procure un élan d’excitation qui me donnera du mal à trouver le sommeil.


>>>
Modifié en dernier par Eldros Rougine le mer. 18 mars 2020 14:29, modifié 3 fois.

Avatar du membre
Eldros Rougine
Messages : 108
Enregistré le : lun. 7 janv. 2019 14:57

Re: Le Port

Message par Eldros Rougine » dim. 8 mars 2020 11:25

<<<


Les hommes sont rassemblés sur le pont du Mat d’Or, battu par le vent froid. Nous sommes séparés en deux groupes, d’un côté l’ancien équipage du Mat d’Or et de l’autre l’équipage de la Baliste, les marins du Capitaine.

« Je vous en supplie ! Je n’ai rien fait ! »

Sanglote Billy, suspendu par les pieds au mat de misaine, au dessus de l’eau glacé. Les soupçons de Laeten s’était immédiatement portés sur les hommes qui travaillaient pour mon père et les avait tiré de leur sommeil de bonne heure pour les amener poings liés sur le pont. Il comptait bien trouver le traître dans ses rangs et Billy est le premier à en faire les frais. Un choix qui me parait étrange. Billy n’a rien d’une taupe, il est bien trop reconnaissant d’être en vie et les pirates semblent même bien l’apprécier. Plusieurs d’entre eux détournent même le regard pour ne pas l’observer ainsi, pleurant et suppliant pour sa vie. Si ses pieds sont maintenue en l'air par une corde noué au pied du mât, ses mains le sont aussi à une corde qui plonge dans l'eau pour passer sous le navire et resurgir de l'autre côté, tenu par quatre marins costaud de La Baliste sur le gaillard avant. Jiat Laeten sort de sa cabine pour nous rejoindre et parcours d'un pas lent l'espace entre les deux groupes en déclarant d'une voix forte, couvrant les pleures du jeune garçon.

« Je vous ai offert l'opportunité de changer de vie. De devenir plus qu'un simple marin gagnant à peine de quoi se nourrir. Vous étiez aussi libre de partir si cette vie ne vous convenait pas, si vous aviez des proches à retrouver. Vous tous ici avez décidé de rester. Je découvre maintenant que c'était pour mieux me trahir. »

« Je n'ai rien fait ! »

Cri Billy, complètement ignoré par le capitaine qui poursuit son discours tout en atteignant à son tour le gaillard avant, grimpant pour rejoindre ses marins positionnés aux extrémités des cordes.

« C'est le carénage qui attend ce genre de vermine. »

Ses paroles sonnent comme un glas, laissant filer un murmure de peur dans le rang du Mat d'Or. Je pensais que ce supplice tenait de la légende tant il m'avait paru cruel, consistant à caréner la coque du navire avec la chair du condamné, l'écorchant avec les coquillages et les échardes de bois, transformant le corps en motte de beurre qu'on aurait entaillé au couteau . Je m'en vois fasciné par la terreur qu'il inspire dans le cœur des matelots, surpassant l'empathie que pouvait avoir certain à l'égard de Billy. Il est d'ailleurs la personne à bord qui exprime le mieux la frayeur, son corps tremble, son visage se tord dans des grimaces aux formes abstraites. Son souffle se saccade tandis que sa poitrine est prise de soubresaut. Il ne parvient plus à crier tant sa respiration le trahis. Mon cœur se gonfle de joie et je n'attend que le moment où le châtiment débutera, impatient de me galvaniser par l'effroi qui s'emparera des hommes.

Pour autant, je reste étonné que Billy soit soupçonné, plus encore qu'il soit coupable. Mais peu importe à présent, le sort en est jeté et la curiosité de voir à quoi ressemblera ce petit corps frêle après son passage sous la coque surpasse mon incompréhension. Laeten lève le bras, attirant l'attention des hommes au bout des cordes et provoquant chez le jeune garçon l'allocution paniquée et répétée du mot non. Jiat abaisse son bras, la corde attachée au mât est détachée, laissant Billy faire une chute libre en hurlant. Un hurlement déchirant, perceptible encore alors qu’il disparaît sous la surface sombre de l’océan. Les marins du Mat d’Or détournent le regard, retiennent leurs souffles, figés par la terreur, certains se mettent à pleurer. Je ne peux retenir un mince sourire qui fissure mon masque de chair, qui s’étire sur ma joue. Ce moment est magnifique, une récompense inattendu après tant d’épreuves. Mais c'est un moment gâché ! Encore ! Un homme dans le rang s’avance en criant.

« Arrêtez ! C’était moi ! Moi ! Ce gamin n’y est pour rien ! »

Un type d’une quarantaine d’années, à la peau usé par le vent et le sel. Un visage de fouine au museau allongé et à la fourrure grise. Mon regard haineux se dirige vers lui, lui et sa sincérité, son empathie et son courage de se dénoncer. Maudit soit-il. Billy est remonté après un signe du capitaine, avant même qu’un cheveux ne soit écorché par la coque du navire. Je ne contiens ma rage qu’à l’idée de voir le véritable mutin subir le sort qu’il vient d’interrompre. Il est saisit par deux pirates et amené au centre du pont.

« Votre aveu vous épargne du même sort mais ne croyez pas être tiré d’affaires... »

J’écarquille les yeux alors que le Sang Pourpre guide les pirates qui maintiennent le traître vers la cale. Je ferme les poings et je sens le goût ferreux de mon sang qui coule sous ma langue tant mes mâchoires sont serrés entre elles. Je sens quelque chose d’étrange se passer en moi, la même sensation que dans ma confrontation dans cette ruelle. Cette force noire qui avait jaillit de mon bras, s’agite dans mes veines, prête à frapper à nouveau. De la magie, résultat de l’absorption du fluide d’obscurité dans le temple. J’ignore encore comment la maîtriser mais le fait est là, je peux m’en servir.

« Monsieur Rougine ! Venez me rejoindre. »

Je m’efforce de façonner un nouveau masque avant de me tourner vers lui pour ne pas qu’il remarque ma colère. Je sors du rang pour le retrouver alors que Billy est défait des liens qui lui emprisonne les pieds et les mains. Il tremble comme une feuille, de froid et de peur. Il ne semble pas réaliser qu’il est indemne. Laeten s’approche de lui et lui confie sur un ton paternelle qu’il est navré, mais qu’il savait que ça fonctionnerait. Alors il l'a fait exprès, il savait que ce n’était pas lui, que le côté insupportablement attachant de ce gamin ferait craquer le traître. J’admet que je suis impressionné, il est décidément un homme intelligent. Il se redresse et ordonne à deux pirates de raccompagner Billy en ville, de lui offrir des vêtements chauds et sec, à boire, à manger et autant de filles qu’il le désirait pour se faire pardonner. Il se tourne ensuite vers moi:

« Cet incident risque de compliquer nos projets mais... »

« Capitaine ! »

Jiat hausse un sourcil, surpris d’être interrompu. Il dirige son regard vers le marin qui l’appelle avec un air interrogateur.

« Nous avons un problème au chantier ! »

Annonce t-il paniqué. Cette fois le capitaine affiche un air d’impatience ponctué avec une phrase exaspéré.

« Quoi encore ? »

« Des Shaakts et des Garzoks Capitaine ! Ils disent réquisitionner le navire pour la Dame Noire ! »


>>>
Modifié en dernier par Eldros Rougine le mer. 18 mars 2020 14:27, modifié 1 fois.

Avatar du membre
Eldros Rougine
Messages : 108
Enregistré le : lun. 7 janv. 2019 14:57

Re: Le Port

Message par Eldros Rougine » mer. 18 mars 2020 14:27

<<<


Les premiers signes de la fin de l'hiver sont là. Les températures sont plus douces, les vents moins virulents. Le dégel de la baie à commencé et le port reprend petit à petit vie. L'équipage de La Baliste n'a pas chômé. Le navire est rempli à ras bord de vivres et d'équipements méthodiquement sélectionnés sur la liste exhaustive que j'ai transmis au capitaine il y a plusieurs mois. Laeten à nommé Malaggar Hein, le Shaakt méthodique et calculateur, capitaine du Mat d'Or avec la consigne de mener le navire à Caix Imoros dès que nous prendrons le large. Les hommes ont mis à profit les quelques jours entre la réquisition du bâtiment et aujourd'hui pour s'entraîner, le but étant pour le commandement de sélectionner les meilleurs pour le voyage qui attend La Baliste. Laeten a arboré ces derniers jours une mine bien plus sombre et préoccupée que d'habitude. Sans cesse il ressortait la liste confiée par la Shaakt pour la parcourir des yeux, ruminant dans sa barbe avant de prendre des notes dans un petit carnet. Cette liste, seul lui, Malaggar et le Sang pourpre avait pu la voir, celui-ci avait également changé après l'avoir vu et semblait trépigner d'impatience. Il ne manquait qu'une chose, la sélection des marins. C'est pour cette raison que nous sommes réunis devant le chantier de La Baliste qui est prêt à être remise en mer. Nous attendons les consignes, rassemblés de manière chaotique face à trois personnes, le capitaine Jiat Laeten, le sang-pourpre Manor Haath et le Shaakt Malaggar Hein. Nous sommes silencieux, certains sont envieux de faire partie de l'équipage de Laeten, qu'ils soient actuels matelots, marins du Mat d'Or et même anciens esclaves, soucieux de se trouver un avenir.

Laeten s'avance d'un pas avant de prendre la parole de son ton impérieux. Imposant le silence au vent froid qui siffle dans nos oreilles.

« Messieurs. J'imagine que vous avez déjà eu vent de la réquisition de nos navires par l'empire d'Oaxaca ainsi que de leurs équipages. Je peux comprendre la réticence qu'auraient certains d'entre vous à travailler pour elle. Ceux là sont libre de partir dès maintenant mais sachez que cet... arrangement, dirons nous, peut se révéler très lucratif. En revanche, cela ne ressemblera à rien à une chasse ordinaire. Mettez vous bien ça en tête, nous devenons un bâtiment de guerre, nous avons des cibles que nous devrons traquer et éliminer. »

Il marque une pause, patientant plusieurs secondes de voir qui renoncerait à sa place ici. Je quitte du regard le capitaine pour suivre un corbeau qui vient se poser sur La Baliste avant de pousser son cri. Mon masque de chair dissimule le sourire malsain qui s'empare de moi.

(Oui Phaïtos, je sais, j'ai compris ce que je dois faire pour vous servir.)

Évidemment que je reste, la réquisition du navire est une aubaine. Une aubaine pour s'enrichir, une aubaine pour semer la mort et une opportunité pour attirer l'attention d'une divinité bien plus importante que l'est le capitaine de La Baliste.

« Bien. »

Sa voix me tire de ma contemplation du messager du Dieu de la Mort.

« Nous avons donc choisi quarante cinq hommes qui viendront avec moi sur La Baliste, les autres iront sur le Mat d'Or avec le Capitaine Malaggar Hein pour rejoindre Caix Imoros, vos consignes vous serons ensuite transmise par votre capitaine. »

Il s'éclaircit la gorge avant de dérouler un papier et de commencer à citer les noms de son équipage. Il donne d'abord trente quatre noms de matelots dont huit moucheurs; les tireurs d'élites de l'équipage, chargés lors des abordages de descendre les cibles importantes. Cinq artilleurs qui devront s'occuper de l'entretien de la baliste à la proue du navire et de son rechargement lors de son utilisation. Dix gabiers qui passeront leurs temps au sommet des mats pour manipuler les voiles et servir de vigie. Les matelots restants sont ceux chargés des tâches non moins importantes sur le pont et sous celui-ci. Beaucoup d'humains de différentes ethnies et quelques nains s'avancent pour rejoindre les côtés des personnes face à nous. Il poursuit en citant le nom de postes plus important sur le navire.

« Monsieur Baley Arbando. Vous serez notre Coq. » déclare t-il avec un sourire.

Un homme sort du chaos amoncelé par les pirates. Un Varrockien au vu de sa taille, ou parait-il petit parce qu'il émerge d'un tas de Whielois immense, chauve, une fine moustache. Plusieurs encouragements s'élèvent des membres d'équipages déjà sélectionnés, visiblement ravis d'avoir ce monsieur Arbando pour cuisinier.

« Monsieur Eldros Rougine. Vous serez notre Quartier Maître. »

Je hausse un sourcil un peu surpris, une hésitation qui laisse le temps à Laeten d'ajouter :

« Ne faites pas cette tête monsieur Rougine et rejoignez nous, les rôles ont légèrement changés, n'allez pas croire que vous allez prendre le poste de Monsieur Haath. »

Des ricanements s'élèvent, agitant la magie noire dans ma poitrine. Je m'avance à mon tour, m'efforçant de garder le contrôle sur cette force obscur qui semble vouloir tout dévaster. J'en éprouve une vive fascination ainsi qu'une inquiétude de trahir un jour mes projets. Je vais devoir me consacrer à ça également, maîtriser ce nouveau pouvoir va devenir une priorité. Par chance, il y a du temps pour s'occuper sur un navire par temps calme.

« Monsieur Lettmes Velley. Vous occuperez le poste de chirurgien. »

Un Kendran, blonds aux yeux clairs qui bien que sa jeunesse est incontestable à un visage qui lui donne facilement trente années de plus, dessinés par des cernes sombres et des rides aux coins des yeux. Laeten patiente qu'il nous rejoignent avant de citer le noms des différents Maîtres.

« Monsieur... Yão... Yãoath. » Bute-il en fronçant les sourcil.

« Yãoath Huiltlchal. » Prononce un homme au teint mat aux yeux d'un vert clair, assez petit mais robuste aux vêtements colorés et aux cheveux ornés de plumes.

« Le Belsien ! » Déclare un autre pirate en riant, sobriquet répété par les autres hommes présents.

Laeten observe l'homme au teint mat d'un regard perçant, celui-ci incline la tête et le capitaine conclue alors.

« Le Belsien. Vos compétences ont étés remarqués durant la rénovation du navire. Vous devenez Maître Voilier. »

Il incline la tête avant de nous rejoindre, laissant au capitaine le soin de continuer.

« Monsieur Injid Zasul. Maître Calfat. Monsieur Anjohn Mesley. Maître Charpentier. »

Un homme venant du désert, maigre mais athlétique à la peau très foncé et un Whielois taillé comme un ours et déjà équipé d'un marteau de charpentier.

« Monsieur Furdril Igaras.  Maître Artilleur, évidemment. »

Un nain à la barbe noire se fraye un chemin à travers les jambes pour rejoindre le capitaine en mâchant sa chique.

« Au timon et à la navigation, monsieur Theodhal Roy et monsieur Hewric Dalau. »

Deux gaillards qui semblent complices s'avancent en se souriant. Les deux sont grands, costauds, aux cheveux et aux yeux bruns.

« Passons maintenant au commandement. Monsieur Thekus Dolvan sera votre Maître d'équipage. Monsieur Manor Haath sera évidemment mon second. Enfin, si personne n'y voit d'inconvénient, je resterai votre Capitaine. »

Évidemment, personne ne s'y oppose. Laeten replie son bout de papier avant de conclure :

« Bien. Les autres, le capitaine Hein s'occupera de la répartition de vos rôles. Nous gagnerons chacun nos navires respectifs pour cette nuit. Demain, le temps devrait permettre de remettre La Baliste en mer et alors nous partirons vers nos destinations respectives. »

Une acclamation s'élève. Les hommes sont ravis et j’admets être emporté par l'élan d'impatience qui règne dans l'air. J'ai hâte de reprendre la mer ou plutôt de quitter cette cité infâme qui avec les températures plus douces va révéler l'odeur des cadavres tombés pendant l'hiver.

>>>

Avatar du membre
Silmeria
Messages : 243
Enregistré le : sam. 5 janv. 2019 11:39

Re: Le Port

Message par Silmeria » jeu. 11 févr. 2021 14:13

Darhàm s'était profilée au coucher du soleil. La ville engloutie dans les prémices d'une brume nocturne ne dormait pas, elle était fidèle aux souvenirs de la jeune Sindel. Malgré l'agitation dans les quartiers populaires et les tavernes bondées, on y ressentait quelque chose de différent. Peut-être était-ce dû aux nombreuses patrouilles militaires qui défilaient dans les ruelles ou encore la présence de nombreux bâtiments de guerre qui mouillaient au port. Quoiqu'il en était, les ivrognes étaient toujours aussi nombreux mais ils avaient quelque chose de changé, leur regard. Ils buvaient presque en silence, observant l'horizon où les navires partis la veille étaient probablement en train d'accoster ou de préparer un combat naval. Aucune nouvelle du front n'était parvenue aux baillis et aux bourgmestre, aussi les rumeurs allaient bon train et toutes n'était pas heureuses.

Les défaitistes se fritaient avec la garde ou tentaient de profiter de l'agitation ambiante pour régler leurs comptes avec des bandes rivales. Ce climat, Silmeria le méprisait profondément. Elle s'était toujours dit que si les peuples d'Omyre avaient été un jour fichus de s'entendre cordialement sur un sujet, ils auraient déjà remporté la guerre depuis des années. Combien de guerriers, de soldats, d'assassins et d'espions étaient morts pour des causes privées alors que la grande cause de la Reine Noire était si avide d'âmes fraîches et talentueuse.

" Tu sais, on ne peut pas dire que tu te sois mêlée uniquement des affaires d'Oaxaca hein, tu as eu beaucoup d'histoires très personnelles aussi. Rien qu'avec les Murènes. D'ailleurs on entend moins parler de tes poissons ? Tu as perdu contact avec tes ouailles ? "

Silmeria avançait dans les rues avec sa monture, elle avait dû descendre et guider le cheval au pas car la neige de la veille avait détrempé le sol et les rues n'étaient plus qu'un réseau tentaculaire de boue et de flaques où le gel commençait à exercer sa morsure.

" J'ai bien peur que Hrist ne soit restée longtemps hors d'atteinte pour que ses âmes soient restés fidèles. Il y a peut-être encore quelques amis. Je ne vois pas Katalina partir, ni même Lydia. Von Klaash quant à lui, la question ne se pose pas mais tous ceux qui ont été recrutés, je n'en ai aucune idée. Tu crois que je devrai revenir à la tête des Murènes ? Katalina a dû faire les choses pendant mon absence."

" C'est marrant cet attachement pour Katalina, un vrai serpent cette femme, absolument odieuse en toute circonstance et d'une froideur... Rien que moi elle me fait frissonner et je ne suis pas humaine je te rappelle. Mais il faut reconnaître que pour tout ce qui est poison et gestion des sousous, c'est une perle rare. Mais tu crois qu'elle te rendra le contrôle des Murènes si tu refaisais surface ?"

" Elle est déjà au courant, à mon humble avis, les espions de Lydia on déjà fait courir la nouvelle. Katalina et moi avons toujours été en harmonie, si elle préfère rester à la tête des Murènes je ne vois pas pourquoi je devrai me montrer hostile à cette ascension. Je sais que pour certains c'est un signe de faiblesse que de se laisser doubler et que les prises de haute position ne s'embarrassent pas avec des notions d'amitié et d'amour mais c'est pourtant vrai, je l'aime beaucoup et si elle veut garder la tête, je lui dois bien ça, je pense que la Caste n'a jamais été aussi bien tenue que depuis que je suis partie."

" J'imagine que c'est là une grosse différence avec Hrist. Tu la connais, il fallait impérativement assoir sa domination partout. Je dois encore me faire à ce changement d'âme. D'ailleurs que comptes-tu faire pour Hrist ? Je ne l'ai jamais vue ainsi, c'est terrible. "

Silmeria arrivait face à un tournant qui donnait vers le port. L'horizon était encore teintée des dernières lueurs du jour, quant aux quais, ils étaient éclairés à l'aide de ces odieuses lampes à graisse qui enveloppaient le rivage d'un écran de fumée étouffant et âcre.

" Je ne sais pas. Je crois que je vais me tourner vers Cromax, à mon avis la magie qu'il faudra pour lui rendre son humanité, si je peux dire ça comme ça, n'est pas accessible à tous. " Dit-t-elle en remontant le haut de sa cape devant son nez afin d'atténuer les odeurs de brûlé.

" En effet, celui qui pourra lever ce mal, c'est pas une demi-baguette, crois-moi. Je ne comprends pas, c'est la magie de foudre qui a eu un effet sur son cerveau, enfin... Votre cerveau du coup. C'est quand même incroyable que tu ne sois pas affectée, c'est à croire que Vergere a juste... Blessé l'âme de Hrist. "
" Je sais, mais le plus compliqué dans cette histoire, c'est qu'elle ne voulait probablement pas faire ça, par conséquent cette erreur sera laborieuse à soigner, on ne sait pas à quoi s'attendre. "
" Et si tu la libères maintenant ? "
" Hors de question. Je ressens encore certaines de ses sensations. Il y a la colère, la colère, un soupçon de hargne, énormément de tristesse. A croire qu'elle pourrait décimer la ville en pleurant. C'est assez déstabilisant. "
" Qu'est ce qui se fait de plus fort que la haine et la tristesse ? Ce sont deux émotions très sournoise, criminogène même et surtout très instable. Elle se libère quand tu dors, tu sais. Elle rôde autour de l'endroit où tu t'es couchée et pleure en marchant doucement en tenant dans sa main l'oeil de Vergere et ton ancien oeil. C'est... Assez stupéfiant quand on ne s'y attend pas. Tu devrais prévenir Von Klaash et Lydia si tu la croises, peut-être que Katalina pourrait faire jouer ses relations pour trouver quelqu'un, baser uniquement sa confiance sur le fait que Cromax connaisse la bonne personne est peut-être léger, tu devrais faire marcher toutes tes relations, imagine qu'elle se suicide ? On serait comme des connes."

Silmeria arrivait au bout des jetées. Les très nombreux marins faisaient des allées et venues, transportant tour à tour des charges de vivres, de flèches et de matériel de guerre. On y trouvait de tout de façon très chaotique, les boucliers rangés sur les sacs de grains, les pochons de sables entassés à même le sol mouillé, des ballots de flèches mal attachés se renversaient provoquant des insultes et des jurons abominables. Seuls quelques hommes au milieu de cette foule scandaient des ordres et des directives aux trainards. L'un d'eux interpella Silmeria :

" Qu'est ce que vous foutez ici avec votre canasson, fichez moi le camp ! On part en guerre, on prépare pas le marché ! "

Mais une silhouette se dessina derrière le jeune homme qui vociférait, la stature d'un grand homme coiffé d'un grand chapeau paré de deux plumes noires. Il posa la main sur l'épaule du garçon et dit d'une voix grave : " Mon garçon... Tu devrais apprendre à faire attention à qui tu parles, certains finissent par le fond pour moins que ça. " La voix marquée était celle du Capitaine Von Klaash, il avait manifestement reconnu la femme parmi la foule et il ouvrit grand les bras, se jetant presque sur elle pour l'écraser contre sa poitrine, une démonstration d'attachement rare et brutale mais ce contact humain, à la fois chaleureux et familier lui fit un bien fou, comme une cure d'amour, ce sentiment destructeur qui lui faisait actuellement défaut.

" Par les quatre vents, tu es enfin là. On en aura crevé des espions pour toi, crois-moi sur parole ! Mais tu es là. Enfin. " Il lui serra les épaules de ses deux mains puissantes et lui cogna le bord de son chapeau sur le nez avant d'en rire. Puis ses traits adoptèrent vite le caractère grave et fermé qu'on lui connaissait.
" Tu sais ce que tu as à faire ? " Demanda Von Klaash d'un ton très sombre. Manifestement lui aussi dans la confidence, il savait vers quoi il s'embarquait et le voyage serait agité, inutile de ménager le Capitaine, il en avait certainement vu d'autres mais il était affirmé et savait qu'il n'était pas question de refuser, c'était un homme de la mer, un homme d'honneur et surtout de conviction, ce genre de vie ne connaissait pas la demi-mesure ni même les moments de doutes, il réservait ses moments là pour sa sieste par le fond, comme il aimait le dire.

" Je sais ce que j'ai à faire. " Dit-elle simplement. Elle eut un léger sourire et ajouta :
" A quand remonte la dernière fois où je t'ai vu sobre ? "

Von Klaash éclata de rire et lui envoya une tape dans le dos à lui décoller les poumons. Silmeria manqua de tomber en avant et tous deux s'en allèrent à bord de la Laide où tout allait commencer.

" Buvons ! Car demain nous serons noyés !"
La petite plume de la Mort.

Alors, j'ai établi ma couche dans les charniers,
Au milieu des cercueils,
Où la Mort Noire tient le registre des trophées qu'elle a conquis.


Avatar du membre
Devon
Messages : 60
Enregistré le : mar. 22 janv. 2019 01:44

Re: Le Port

Message par Devon » ven. 24 sept. 2021 01:05

<-


Finalement …


La première chose qui me revient est un son aigu strident qui semble me vriller le crâne et qui progresse vers mon cerveau. Le son se calme, j’entends au loin la musique familière du ressac de la mer contre une jetée, les cris des oiseaux marins, le bois des navires qui craquent, les pas agités des pirates qui marchent dans les ruelles de la ville. Tous ces éléments forment une symphonie quelque peu réconfortante. L’odeur salée du port vient compléter le tableau que je me représente intérieurement. Puis je récupère la vue, ou en tout cas, je suis conscient d’être dans les ténèbres absolues. Ensuite je reprends conscience de mon corps, ma tête accolée à mon torse, mes mains dans mon dos, mes pieds fermement posés sur le sol. Et en dernier, la douleur. Mon épaule droite est en feu, mes côtes me lancent méchamment, j’ai l’impression d’avoir un clou au milieu du genou gauche, mes phalanges sont endolories, le moindre mouvement de doigt me fait mal et c’est encore pire pour ma main droite, là où devrait se trouver la cicatrice de la dague car chaque mouvement réveille la déchirure au milieu. Ma blessure recousue au torse me démange et brûle intensément mais tout ça me semble parfaitement anecdotique par rapport aux sensations que j’ai au visage. Je sens clairement les multiples endroits où ma peau c’est déchirée et dont le sang a coulé, une de mes joues me semblent avoir doublé de volume, je ne sens plus mon oreille gauche et j’ai l’impression que quelqu’un a attaché des tessons de verre ardents au milieu de mon front. Et avec tout ça, une migraine monstrueuse qui résonne sans fin et qui perturbe toute question que j’essaye de me poser.


Je cligne lentement des yeux, retrouvant la lumière, une légère lumière tamisée dont je ne vois pas la source. Je relève lentement la tête qui me semble peser plusieurs tonnes, mais au moment où j’essaye de me frotter les yeux pour y voir plus clair, je me rends compte que quelque chose ne va pas. Ma main refuse de bouger et il me faut quelques secondes pour comprendre véritablement ma situation. Mes bras sont fermement attachés derrière le dossier de la chaise sur laquelle on m’a assis et il m’est impossible de les séparer l’un de l’autre. Plutôt que de m’agiter et risquer d’aggraver mes blessures, je prends à nouveau un moment pour prendre de grandes respirations. Erreur. L’air qui entre dans mes poumons gonfler me provoquent de terribles douleur aux flancs et à la gorge, comprimés par mon dernier adversaire. Mon dernier adversaire … Des images sporadiques me reviennent de mon affrontement final dans l’arène de la Cour-aux-Rats, comme un cauchemar récent réveillé par les stimuli de mes élancements. Je revois la foule déchaînée, exultant et encourageant à toujours plus de violence. Non, pas pour ce combat-là, pour celui-là, il n’y avait qu’un silence oppressant, écrasant, un calme surnaturel dans cette zone de la ville. Et puis une créature surgit de nul part, un monstre sorti du royaume de Phaïtos pour faucher mon âme. Non ce n'était pas ça, c’était une bête mortelle mais tout ce qu’il y a de plus naturelle, vivante, faite de chair et d'os. Le portrait de la Liykor noire, trouble puis de plus en plus net, me revient finalement et avec lui, la scène finale de mon affrontement. Ce dernier élément me renvoi directement dans mon corps et je reprends finalement le contrôle de tous mes membres, aussi amochés qu’ils soient. Mais étrangement, au milieu de toutes mes peines cumulées, une sensation de légèreté m’habite, j’ai l’impression d’avoir perdu un poids sur l’âme, comme si j’avais enfin exorcisé l’obscurité qui me hante en clandestin depuis ma désastreuse mission dans le désert.


La chaise sur laquelle je suis assis est quasiment collée à un mur, seul reste la place nécessaire pour mes mains entre le dossier et la façade en bois. La pièce dans laquelle je suis ne dispose d’aucune fenêtre, la lumière provient d’un unique chandelier qui finit de se consumer, posé sur une table visible à ma périphérie à droite. Je n’identifie pas tout à fait les éléments qui y sont posés, mais je pense reconnaître ce qui semble être une pile de livres, plusieurs cartes géographiques étalées dans tous les sens, une bouteille d’alcool vide, une plume posée en travers de plusieurs parchemins et un enfin un petit tricorne surmonté d’une plume blanche. Une autre chaise est installée juste à côté, comme si la personne qui y était assise venait de se lever. Sur le dossier de cette chaise se trouve une veste en cuir que j'ai le sentiment de reconnaitre. Dans la périphérie gauche de ma vision, un unique lit, proche du sol, composé d’un simple matelas garnis de paille posé sur un sommier en fin de vie, un bout de tissus pour se couvrir et un sac en guise d’oreiller. En face de moi, un mur en bois, nus de toute décoration. Ce n’est clairement pas une pièce à vivre, il n’y aucun autre mobilier, pas d’affaires personnelles, rien. La pièce est rectangulaire, petite, j’estime qu’il n’y a pas plus de six mètres entre le mur dans mon dos et celui en face. Par contre l’endroit est étrangement haut de plafond et une seule poutre en bois, à peu près au milieu de la pièce, semble faire tenir cette haute voûte sur ses pieds.


« Côte fêlée, genou presque fracturé, épaule déboitée, des hématomes prononcés sur les flancs et ne parlons même pas de la tête. Mâchoire quasiment disloquée, oreille aplatie, pommette enfoncée, front ensanglanté, joue gonflée … Je continue ? »


La voix semble surgir de nulle part, un accent étrange qui oscille entre haute noblesse et gamin des rues. J’agite une fois la tête pour essayer d’en trouver la source. Une seule fois, car la migraine que me provoque ce brusque mouvement me renvoi quasiment dans les limbes de mon esprit lorsque mon cerveau cogne contre mon crâne, ma tête retombe sur ma poitrine et je remarque alors que je suis toujours torse nu et je vois toute les traces de sangs séchés qui ont coulées jusque sur mon simple pantalon en toile et mes bottes. Une porte claque bruyamment. Il me faut un moment pour que le tintement assourdissant dans mes oreilles cesse de me torturer et que je puisse à nouveau formuler des pensées cohérentes. Sans relever la tête avachis sur mon torse, je tourne mon regard à ma droite. Rien d’autre que la table dont je voyais déjà un bout depuis le début. Je tourne alors lentement la tête à ma gauche. La porte d’entrée de la pièce, qui est de ce côté-là, laisse passer une ombre que je n’arrive pas à identifier. La silhouette passe devant moi et je la suis du regard jusqu’à ce qu’elle arrive à la lumière du chandelier. Elle pose un autre sac en toile au pied de la table.


« Je pense que tu as compris »

Je la regarde déballer son étrange assortiment d’affaires sur la table sans un mot, des yus, une dague, des fruits, une bouteille de whisky et un morceau de viande bien trop gros pour une seule personne. Elle se tourne finalement vers moi et me fait face, les mains sur les hanches. Sa voix est étouffée par les couches d’étoffes pourpres qu’elle porte autour de sa brigandine en cuir, camouflant son visage avec pour exception ses deux yeux que je n’arrive pas à discerner dans le volume de textile. L’incompréhension doit être clairement visible sur mon visage, car elle souffle du nez avec un petit rire. Je ne suis pas trop sûr de ce que je fais ici, la dernière fois qu’on m’a enlevé où pris en embuscade c’était clairement pour m’envoyer au fond de la baie de Darhàm, pas pour m’exposer ses achats mais avec les deux bras attachés dans le dos, ma position est loin d’être enviable. Puis je me souviens. La forme pourpre aux marchés aux esclaves, la silhouette muette dans le taudis d’Aaron, le jour où il m’a démasqué et où il a été assassiné… Pas que sa mort m’attriste, loin de là, mais j’aimerais ne pas subir le même sort.

Elle commence à retirer les étoffes qui l’entourent. Mes traits passent de l’incompréhension à la stupéfaction, puis à la colère sourde. La première chose qui se libère de ses entraves de tissus est sa longue chevelure d’un gris argenté, comme la lumière de la lune reflétée sur l’océan par temps calme, puis les traits de son visage presque aussi pâle que ses cheveux et dénué de toute ride. Au-dessus d’un nez fin et légèrement recourbé au bout, deux yeux d’un violet intense me fixent avec froideur, une fine bouche surmonte son menton taillé comme une pointe de couteau. Elle finit par laisser tomber complètement les étoffes qu’elle ramasse avant de les lancer sur le lit à côté d’elle, révélant pleinement ses formes féminines aplaties par l’armure de cuir. Toujours sans rien dire, elle attache ses longs cheveux qui dissimulent ses oreilles en un nœud épais derrière sa tête avant de récupérer d’une main gantée le chapeau qui attend sa propriétaire sur la table et de le poser sur sa tête. Elle se dirige vers ce que j’estime maintenant être son lit, récupère l’autre sac qui lui servait d’oreiller et en sort différents bouts de tissus que je ne peux pas identifier. Elle retire sa brigandine et ses protections en cuir sur les avant-bras qu’elle pose sur le matelas rapiécé, libérant la large chemise blanche en soie qu’elle portait en dessous, rentrée dans un pantalon serrée en laine sombre qui s’achève sur deux bottes en cuir noir. Elle remplace son armure par un léger gilet violet sombre, sans manche, avec des boutons aux reflets dorés, et sur lequel sont dessinés de mystérieux motifs de la même couleur que les boutons. Elle enfile aussi un manteau d’un noir profond dont elle attache le col avec une petite chaîne dorée, décoré d’un bijou émeraude en son milieu, puis récupère une des nombreuses étoffes qui la dissimulaient pour l’entourer autour de son cou. Les couleurs de son gilet et de son foulard s’accordent parfaitement à la lueur de ses yeux. Accoutré ainsi, elle ressemble plus à une femme riche de noble maison qu’à une personne qu’on pourrait croiser dans cette ville si ce n’est pour sa forme athlétique visible à ses épaules et aux muscles de ses jambes saillants sous son pantalon.

Toute cette scène se passe dans un calme étrange, comme un rêve ou une illusion, perturbé uniquement par l’agitation de l’extérieur qui s’atténue de plus en plus. Elle récupère l’unique autre chaise de la pièce, l’installe en face de moi, s’assoit tranquillement dessus, croise ostensiblement les jambes, appuie son menton sur une de ses mains alors que son coude repose sur sa cuisse. Elle me fixe de son regard toujours vide d’émotion et reprend la parole de son étrange accent.

« Jhaelva Lyrr, enchantée »

Je contracte la mâchoire et dans mon dos, mes poings se serrent fermement malgré la douleur qui en émane. J ; une Shaakt…

->
Modifié en dernier par Devon le lun. 27 sept. 2021 02:22, modifié 1 fois.

Avatar du membre
Devon
Messages : 60
Enregistré le : mar. 22 janv. 2019 01:44

Re: Le Port

Message par Devon » lun. 27 sept. 2021 02:12

<-

Une Shaakt ? Pour être honnête, je n’en suis pas si sûr. Bien que la teinte de ses cheveux, la couleur distinctive de ses iris et son attitude pointe vers cette direction, la couleur de sa peau et son physique me laisse perplexe. Enfin, devrait me laisser perplexe, mais à ce moment, comme à chaque fois que je croise un elfe noir, je superpose sur ses traits fins le visage de l’ordure qui m’a réduit à cette condition. Les battements de mon cœur qui s’accélèrent légèrement réveillent la migraine étourdissante qui étreint encore mon crâne et, bien que j’essaye de garder un visage le plus neutre possible, je crispe autant le visage de douleur que de la colère qui commence à monter en moi. Et dire que je pensais avoir purgé mon âme de toute rage hier soir. Elle doit voir mon masque indifférent s’émietter, car un léger sourire en coin apparaît sur son visage qui, jusque-là, était resté aussi fermé qu’une tombe. Je la vois scruter mon visage d’un regard inquisiteur, puis s’arrêter un moment pour plonger ses yeux violets dans mon regard carmin. Je ne détourne pas les yeux, essayant de garder une respiration maitrisée malgré la colère qui enfle car dans tous les cas, je ne suis pas en position de faire grand-chose attaché ainsi. Aucun de nous deux ne semble décider à rompre cet absurde défi d’ego jusqu’à ce qu’elle brise le silence pesant. Elle se laisse aller en arrière contre le dossier de sa chaise, son attitude décontractée contrastant avec sa mine sérieuse et impassible.

« Un simple merci suffira. »

Je lève un sourcil en signe d’interrogation, je prends une inspiration qui me provoque de nouvelles douleurs perçante aux côtes, mais au moment où j’essaye de prendre la parole, je suis pris d’une violente quinte de toux et j’expulse sur le côté plusieurs petits caillots de sang avant de cracher tous le liquide carmin que j’avais encore en bouche, brisant par la même occasion notre petit affrontement visuel. Ce spectacle sanglant la laisse de marbre. J’arrive finalement à prononcer les mots que je veux, même si ma gorge me démange à chaque vibration de mes cordes vocales. Je fais un effort pour ne pas utiliser la prononciation des abrutis de cette ville, mais ma voix remplie la pièce d’un son abyssal, rendu plus grave par la sourde colère qui gronde derrière.

« Merci pour les mains attachées dans le dos ? »

Elle décroise ses longues jambes et se penche en avant.

« Merci pour t’avoir sauvé la vie »

Elle lève sa main droite et compte lentement jusqu’à trois, s’assurant que je la regarde bien, levant un doigt à chaque seconde.

« Trois fois maintenant pour être exact »

« Détache-moi et je saurais te montrer ma reconnaissance »

Elle affiche un nouveau sourire amusé en faisant un signe négatif avec un doigt.

« Oui j’en suis sûr. Je sais que la seule idée que tu as en tête en ce moment est de me trancher la gorge»

A mon tour d’afficher un vilain sourire. Si elle a décidé de me tuer, ça ne sert à rien de s’apitoyer.

« Oh il y a d’autres alternatives »

« Il serait temps de passer à autre chose, je suis venu pour une raison particulière »

Je toise ses vêtements de bas en haut avec un regard de mépris.

« J’imagine que t’es le dernier assassin à la mode, j’peux savoir qui a pu se payer les services d’une noble catin qui joue au tueur ? »

Elle secoue la tête cette fois de dépit.

« Si je voulais t’assassiner, tu serais déjà mort, pourquoi prendrais-je la peine de t’attacher ici et de me fatiguer à essayer de discuter avec toi »

Elle attrape à bout de bras l’un des parchemins sur la table à sa portée et me le jette dessus, apparemment contrariée même si elle ne laisse rien transparaître sur ses traits.

« Et pourquoi j’aurais perdu mon temps à écrire tout ça »

Le parchemin tombe à mes pieds et je reconnais l’écriture sophistiquée que j’ai déjà lue sur les multiples messages que j’ai reçus. Plus de toute possible, c’est bien elle qui m’espionne depuis un petit moment. Je pose un regard nouveau sur elle maintenant que je suis finalement convaincu. J’imagine qu’il y a une part de vérité dans ce qu’elle dit.

« Me sauver la vie hein. Et pourquoi tu te donnerais cette peine pour un pauvre docker de cette ville de merde ?»

Elle lève les yeux au ciel avant de reprendre.

« Tu as déjà oublié ma première lettre ? »

Elle baisse légèrement le ton de sa voix.

« Je sais qui tu es vraiment et tu n’es clairement pas un docker de Darhàm »

J’essaye de ne pas réagir mais un coin de ma bouche tic involontairement. Effectivement, elle l’avait mentionné dans sa première missive, mais avec tous les évènements récents je l’avais complètement oublié. Elle balaye ma dernière remarque d’un geste méprisant de la main.

« Alors ne jouons pas à ça je te prie, notre temps pourrait être utilisé de manière bien plus utile »

« Comment tu m’a récupéré alors que j’étais dans l’arène ? »

Cette fois c’est elle qui lève un sourcil, ma question semble la prendre au dépourvu, mais elle recompose son attitude détachée avant de reprendre.

« Eh bien c’est la troisième fois que je sauve ta vie. Que je sache tu n’as personne qui serait venu te chercher après ton écrasante défaite, et tu te serais simplement vidé de ton sang dans la puanteur et la crasse de la Cour-Aux-Rats. Je pensais que tu avais un peu plus d’ambition »

La colère qui se calmait légèrement remonte à la surface à l’évocation de ma défaite éclaire contre la Liykor.

« Saloperie de bestiole, j’aurais pu me faire 600 yus si j’avais gagné le dernier combat … »

Cette fois, un regard espiègle apparaît sur son visage, elle regarde dans un coin de la pièce avant de me répondre.

« Tu veux peut-être le lui signifier en face ? J’ai ramené la viande que tu voulais»

La dernière partie de la phrase ne m’est clairement pas adressé, je n’avais même pas fait attention à ce coin obscur car c’est la seule partie de la pièce dont les ténèbres ne sont pas percées par la triste lueur du chandelier. Une forme se déplie lentement, grandit petit à petit jusqu’à atteindre une taille inatteignable pour un humain. D’un pas lourd, la monstrueuse Liykor que je rencontre pour la quatrième fois maintenant pénètre dans la lumière des bougies, s’empare sans un mot de l’énorme bout de viande que l’elfe a ramené dans son sac, et retourne s’assoir pour dévorer le morceau de chair.

Je suis du regard, hébété, les mouvements de la Liykor. Devant ma mine abasourdie par la situation, l’elfe émet un léger rire moqueur.

« Excuse la, son traitement d’esclave l’a un peu affamé »

Je me renfrogne aussitôt, ma colère monte encore d’un cran et je commence à tirer sur les liens dans mon dos, sans succès.

« Donc c’est toi qui l’a envoyé me tuer dans l’arène. Tu t’es acheté une esclave pour me l’envoyer en assassin »

Ses traits se crispent avant de me répondre.

« Effectivement, c’est d’ailleurs pour ça que tu es ici devant nous, amoché mais bien vivant »

Elle enchaîne avant que ne puisse répondre, tapant d’un doigt sur sa tempe pour me signifier l’absurdité de mon acharnement à ne pas vouloir l’écouter.

« Imbécile, je T’AI justement empêché de TE tuer toi-même. Comme si tu pouvais continuer à combattre dans l’état dans lequel tu étais. Si je n’étais pas intervenu en la faisant participer, n’importe quelle brute t’aurait achevée en quelques coups et on t’aurait laissé pour mort. Tout ça parce que ton ego était flatté de se retrouver à nouveau sur le devant de la scène et par les encouragements. »

Je sens une certaine colère dans ses prochaines paroles qu’elle peine à dissimuler, comme si elle était véritablement vexée par mes accusations.

« Et sache que je l’ai acheté pour la libérer, elle a choisi de m’aider de son plein gré. »

Je suis pris d’un éclat de rire moqueur.

« Une elfe noire qui libère des esclaves, une crise d’identité ? »

Elle me jette un regard assassin.

« Pas plus qu’un capitaine qui joue au sous-fifre »

Sa dernière phrase fait mouche et je préfère l’ignorer, mon ego est encore bloqué sur sa précédente remarque.

« De toute façon c’est n’importe quoi, j’aurais pu défoncer n’importe qui aurait osé pénétrer dans l’arène »

« On a vu ça »

Elle remontre le coin de la pièce d’un geste de tête. Je tourne la tête en serrant les dents. Je n’ai pas de contre-argument à ça. Pourtant je m’en souviens, juste après avoir vaincu l’orc, je me sentais tout puissant dans l’arène, j’aurais pu terrasser n’importe quel adversaire. Et puis d’un coup la sensation c’était évaporé, me laissant simplement avec mes blessures saignantes et mes courbatures. Une lueur amusée passe dans ses yeux, presque un peu admirative.

« Je l’ai vu dans tes yeux, à ce moment, tu l’a enfin laissé s’exprimer »

Je redirige mon regard vers elle, cette fois une lueur assassine brille dans mes iris rouges sang.

« De quoi tu parles … »

« Tu le sais très bien, le fluide obscur qui t’a corrompu quand tu as récupéré l’artefact dans les déserts de l’ouest en Imiftil, que tu as toujours refusé d’accepter, même en prison, et qui a fait de toi ce que tu es aujourd’hui »

Je sens une goutte de sueur coulée le long de mon échine. Elle sait tout, absolument tout d’une histoire qui a plus de cinquante ans maintenant, que je n’ai jamais raconté à personne, et vu que tout mon équipage est mort à ma suite, personne n’a pu en faire une légende ou même un mythe. Je baisse les yeux, des images de mon passé refont surface. J’ai l’impression qu’une autre goutte de sueur apparaît sur mon front.

« J’ai aucune goutte de fluide obscur en moi, j’sais pas d’où tu tiens ça »

« C’est vrai que tu l’a bien utilisé hier, mais il reste forcément des traces »

« C’est ridicule …»

« Ah bon ? Alors tu ne vois pas d’inconvénient à boire ça ? Ça t’aidera sans doute à guérir de tes plaies »

Je lève la tête, dans sa main elle tient une petite fiole contenant un liquide dorée brillant d’une lueur intense, tournant sans cesse dans son contenant. Du fluide de lumière. Cette fois c’est sûr, une goutte de sueur coule sur mon front. Elle s’approche l’air décidé, débouche la bouteille d’un geste vif, j’essaye de reculer mais je suis déjà collé au mur de la pièce et ma chaise n’ira pas plus loin. Elle n’est plus qu’à quelques centimètres de moi, si je la laisse faire, c’est la mort qui m’attend et certainement pas une des plus clémentes. Ma voix monte progressivement avec la panique.

« D’accord, d’accord, D’ACCORD »

Elle reste un petit moment devant moi, un sourire satisfait placardé sur son visage froid, avant de reboucher le flacon et de retourner s’asseoir en face, contente de la confirmation que je lui apporte. Je mets un moment à calmer les battements de mon cœur et ma respiration, n’arrangeant pas mes courbatures et mes blessures. Je fini par reprendre la parole.

« Comment tu sais tout ça ? »

Elle se lève une nouvelle fois et sort une dague d’un étui à son pantalon. Le son de l’acier dégainé me provoque un frisson, est-ce finalement la fin par le froid du fer plutôt que par la magie dont je n’ai jamais voulu ? Elle la jette une fois en l’air, la rattrape par lame avec de la jeter une nouvelle fois et la récupérer par le manche. Elle répète ce petit numéro pendant qu’elle s’approche de moi.

« Je vais te le dire, mais d’abord, en gage de bonne foi, je vais te détacher et nous allons discuter comme deux adultes. »

Elle fait lentement le tour de ma chaise alors que nous ne nous quittons pas des yeux. Je le revois, le visage du Shaakt qui m’a trahi à cette époque, le vrai responsable de toutes mes pertes. La rage reprend le pas sur la raison. Je sens la tension dans le cordage lorsque la lame mord dans les liens qui me retiennent. Petit à petit ils cèdent jusqu’à ce que je la corde perde toute rigueur et tombe au sol. Je ne perds pas une seconde. Je fais abstraction de la douleur dans mon genou et me relève immédiatement avant même qu’elle n’ait le temps de se redresser. Je l’attrape par le col de son luxueux manteau et la plaque avec force contre le mur. Sa tête se cogne durement contre la surface en bois, son tricorne tombe au sol et avant qu’elle ne reprenne totalement ses esprits, j’attrape sa main qui tient la dague et je lui inflige une violente torsion du poignet l’obligeant à lâcher son arme. Je la soulève une nouvelle fois par le col et lui cogne le dos contre le bord de la table à côté de nous, la faisant trembler et provoquant la chute de plusieurs parchemins et cartes ainsi que du flacon d’encre qui se renverse et repend son contenu sur la table et le sol. Je la maintiens avec mon bras appuyé sur son cou, pour une fois je vois une expression sur ses traits crispés alors que sa respiration devient sifflante. Je sens dans mon dos la Liykor qui s’est levée, mais d’un geste de la main la Shaakt lui fait signe de ne pas approcher. Tant mieux si elle se croit si maligne que ça. J’attrape le premier objet qui me passe sous la main, la plume, parfait. J’approche avec détermination le bout aiguisé de son œil, elle me retient du mieux qu’elle peut avec une main mais l’arme improvisée progresse centimètre par centimètre. Entre ses dents serrées, elle arrive à siffler quelques mots.

« Toi aussi il t’as bien eu hein, Syrigos Mizzrinath … »

Ce nom, ce putain de nom, je ne perds pas ma prise sur la Shaakt mais je sens que je perds un peu de vigueur lorsque mon esprit retourne des années en arrière à la simple évocation de ce nom que je n’avais plus entendu depuis si longtemps. Je le revois plus clairement que jamais maintenant, son armure noire de la même teinte que sa peau, son sabre de corsaire, son attitude arrogante et son sale sourire cruel de Shaakt. Profitant de ma faiblesse temporaire, elle lâche mon coude qui appuie sur sa glotte et, m’attrapant par la nuque, rapproche mon oreille de sa bouche avant de murmurer à nouveau trois mots, trois simples mots. Je lâche la plume de stupéfaction. Mon avant-bras reste appuyé sur la Shaakt mais sans force et mon regard se perd sur un point derrière elle. Je remonte encore plus loin dans mon passé, des souvenirs joyeux, de puissances et de richesses, des choses que je n’ai plus ressenti depuis longtemps.
Elle vient de me dire mon vrai prénom.

Avatar du membre
Devon
Messages : 60
Enregistré le : mar. 22 janv. 2019 01:44

Re: Le Port

Message par Devon » jeu. 30 sept. 2021 01:01

<-

Malgré mes blessures, elle se venge sans pitié de mon agression. Dès qu’elle sent que je perds toute agressivité, elle repli une de ses jambes entre nous deux et la détend avec force, me frappant dans l’abdomen et me projetant contre la poutre dans mon dos. Ma tête heurte le bois solide et réveille ma migraine qui s’était atténuée. Je me frotte l’arrière du crâne endolori pendant qu’elle tousse plusieurs fois, reprend son souffle et me jette un regard noir.

« C’est moi qui t’ai rafistolé, je sais exactement où frapper pour que ça fasse bien plus mal que nécessaire alors n’essaye rien »

Je lui renvoi son regard et nous restons quelques secondes à nous fixer sans un mot, comme figé dans l’espace, notre face-à-face uniquement perturbé par les bruits de la Liykor dévorant son morceau de viande et les cris à l’extérieur. Puis le temps reprend son cours, la tension redescend légèrement lorsqu'il devient évident qu'aucun de nous deux ne semble prêt à sauter à la gorge de l'autre. Elle se recoiffe d’une main et réajuste son manteau avant de lever les mains pour me signifier son intention de ne pas prolonger le combat. Elle récupère son couvre-chef au sol et, sans me lâcher du regard, retourne s’assoir sur sa chaise, m’invitant à faire de même d’un geste. Je lâche un dernier soupir, ma colère étouffée par la raison, la curiosité l’emporte sur la vengeance et elle a de nombreuses réponses que je suis pressé d’entendre maintenant, mais je ne m’assois pas tout de suite. Je n’ai pas encore le courage de lui poser les questions que je voudrais, car je crains d’entendre toute la vérité. J’avance lentement vers la table et plus particulièrement vers les multiples cartes qui y sont toujours posées. Je les parcours d’un regard inquisiteur. Sur certaines sont dessinés de grands traits et flèches, au-dessus des océans comme au-dessus des terres, des cercles indiquant des lieux d’importances, des annotations que je ne prends pas la peine de lire et des symboles que je ne comprends pas, on y retrouve des villes, des terres sauvages et certaines plus grandes sur des régions du monde. La dernière représente la ville de Darhàm et c’est la plus illisible de toute, noirci d’encre et de textes qui font que je ne reconnais la ville qu’à ça forme. Elle ne dit pas un mot pendant que j’analyse son travail. Un endroit attire mon attention, une bâtisse entourée à plusieurs reprises près du port, un peu à l’écart des docks principaux, mais bien en face de la mer et des pontons pour les plus petits navires. Je pose mon doigt dessus et m’adresse à l’elfe sans lui jeter un regard.

« C’est quoi ça ? »

« Des cartes que j’utilise pour me repérer, disons que je suis souvent en déplacement. »

« Non ça » Je tape avec insistance sur la zone que je veux lui montrer sur sa carte de la ville pirate.

«Ah, c’est là où nous sommes, il me fallait bien un endroit pour séjourner en ville et ce petit entrepôt désaffecté fait parfaitement l’affaire »

Je la regarde d’un air intrigué, elle me dit ça sans la moindre hésitation. Elle lève également un sourcil.

« Je t’ai dit que nous avons un objectif commun, je n’ai rien à cacher »

Je pousse un grognement audible, ma méfiance ne diminue pas pour autant. En continuant mon inspection de sa carte de Darhàm, je reconnais certains endroits, des lieux que j’ai visités depuis que je suis arrivé dans la ville. Je reconnais aussi certaines flèches, il me semble qu’elles correspondent à quelques-un de mes déplacements en ville … Je continue notre discussion d’un ton ironique.

« Bon travail de filature je suppose »

Elle me répond avec un ton suffisant.

« Ce n’était vraiment pas difficile »

« Prévisible ? »

« Non, certainement pas. Très erratique même, mais je n’ai jamais perdu ta trace une fois que tu es arrivé en ville »

Je me retourne et m’adosse à la table, croisant les bras sur ma poitrine et la cicatrice qui me démange.

« Et pourquoi ne pas m’avoir contacté immédiatement ? »

« Je n’étais pas immédiatement sûr que c’était toi. Et puis regarde, je savais que tu ne serais pas enclin à coopérer immédiatement. »

« Qu’est-ce qui t’as fait changer d’avis ? »

« Tu t’es parfaitement comporté comme un marin de n’importe quel équipage de seconde zone pendant un bon moment, mais les événements récents m’ont prouvés que tu étais un peu plus qu’un simple docker, et j’ai reçu des preuves … irréfutables. »

« Donc sans tout ça, tu ne m’aurais peut-être jamais identifié »

« Je suis persistante, j’ai raté de peu ta sortie de prison à Tulorim, mais je savais que je te retrouverais quelque part ici »

Le battement de mon cœur s’accélère légèrement. Nous y voilà, le sujet principal. Je retourne chercher la chaise contre le mur, la rapproche et finalement je m’assois en face d’elle. J’hésite un moment, je ne sais pas trop comment formuler ma prochaine question, mais je vois à son regard avide dissimulé dans son visage de marbre qu’elle n’attend que ça. Je me racle une fois ma gorge et me lance.

« Et comment tu savais … ça »

Un fin sourire apparaît sur ses traits, elle se penche en avant.

« Vu ta réaction, tu te souviens parfaitement du Shaakt Syrigos ? »

Mes poings et ma mâchoire se serrent involontairement à la simple évocation de son prénom. Ma réaction ne la surprend pas et elle continue.

« J’ai encore à peu près la même réaction quand j’entends son nom. »

La mine sombre, les pensées pleines d’image de vengeance sanglante qui me reviennent, je fixe mes yeux rouges sur elle.

« Tu n’es pas le seul que cette ordure ait arnaqué, même si je reconnais que ton cas est un peu plus grave que le mien. »

Elle commence à jouer avec le joyau au milieu de la chaîne qui retient le col de son manteau, faisant scintiller son éclat verdâtre à la lueur des bougies du chandelier.

« Il avait « besoin » de mes services, et il m’a dépouillé. De la pire des manières. Ça te fait penser à quelque chose ? »

Elle essaye de donner un ton amusé à sa question, mais dans son regard passe une lueur que je reconnais très bien, le même amalgame de tristesse et de rage m’accable quand je pense à tout ce que j’ai perdu. Je pousse un grognement d’acquisition, étrangement empli d’une certaine compassion pour une peine que je connais très bien. Je cherche le compagnon qui m’aide généralement à passer les moments où je me perds trop dans mes souvenirs, mais il n’y a pas de bouteille d’alcool à portée de main. Un bruit caractéristique retentit, elle prend une gorgée de la bouteille de whisky qu’elle vient de déboucher, directement au goulot, contrastant encore une fois avec son accoutrement et son accent. Elle s’essuie les lèvres avec un mouchoir qu’elle sort d’une de ses poches avant de me tendre la bouteille. J’hésite un instant, un très court instant, avant de saisir la bouteille et d’en boire à mon tour une gorgée, environ trois fois plus importantes qu’elle. Elle détourne le regard mais sa voix est légèrement altérée par sa mâchoire contractée lorsqu’elle continue.

« Alors tu comprends, je cherche la même chose que toi, la vengeance, pure et simple. J’aurais la paix que quand je saurais que ce salaud est mort et enterré. »

Elle me reprend la bouteille est, avec elle, une autre gorgée, plus longue que la précédente. Mon regard se perd vers le mur en face.

« Ça n’explique toujours pas pourquoi tu m’a cherché plutôt que lui »

« Oh je l’ai cherché, c’est comme ça que je suis tombé sur toi. J’ai traqué ses alliés un à un, j’ai retrouvé la trace de quatre d’entre eux. Mais aucun n’a voulu me dire ce qu’il savait sur lui et où je pourrais le trouver, et pourtant j’ai su me montrer très … convaincante »

Un sinistre sourire carnassier déforme sa bouche lorsqu’elle finit sa phrase. J’imagine très bien ce qu’elle veut dire et je me prends aussi à afficher un air ravi juste en pensant que c’est aussi ce que j’aurais fait, si j’en avais eu l’occasion.

« Enfin presque, le dernier a fini par craquer, il m’a dit que notre ami en commun avait conclu un marché avec un pirate Sang-Pourpre et que je pourrais sans doute les retrouver à Tulorim. »

« Attends, tu l’as connu avant moi ? »

« Oui, ma rencontre avec lui datte d’environ une dizaine d’année avant votre petite histoire. Mais bref, je suis arrivé trop tard. Je l’ai vu revenir triomphant en ville et s’échapper sur un navire, alors que le pirate qui l’accompagnait était jeté en prison pour le restant de sa vie. Enfin s’il était totalement humain bien sûr »

Elle me jette un regard en coin insistant. Je me revois, quelques jours après notre désastreuse escapade dans le mausolée que nous cherchions. Mon équipage décimé, moi enfermé en cage et corrompu par un fluide magique dont je n’ai jamais voulu. Et lui, l’artefact qu’il cherchait entre les mains, un sourire victorieux sur le visage … Je reprends la bouteille et en termine un tiers entier avant de la reposer entre nous deux.

« Tu l’as suivi ? »

« Bien sûr, il a vogué jusqu’ici à Darhàm. Nous nous sommes affrontés pas loin de l’ancienne prison alors qu’il quittait la ville. »

Elle détourne une nouvelle fois le regard. Puis, lentement, elle écarte les pans de son manteau et tire sur sa chemise blanche pour la sortir de son pantalon. Elle la lève légèrement et ce que je vois me fait légèrement grimacer. Une cicatrice en forme de croix, profonde, déforme la peau pâle d’une large tâche plus foncée, juste en dessous de la cage thoracique sur son flanc droit. Elle continue son histoire tout en rangeant sa chemise.

« Il m’a laissé pour morte sur la route, je dois la vie à un marchand qui passait par là et qui c’était dit qu’une esclave elfe devait bien se vendre. »

Elle prend la bouteille à son tour, la vide, puis la lance sans merci sur le mur derrière elle.

« Pas besoin de détail sur ce qui lui est arrivé. Mais j’avais perdu la piste de Syrigos, et de toute façon je ne pouvais pas m’occuper de lui seul. Alors j’ai attendu, attendu que tu sortes de prison car je savais qu’il y avait au moins une personne sur ce continent qui voudrait se venger autant que moi »

« T’as l’air d’en savoir plus sur moi que juste ça »

« J’ai passé mon temps libre à me renseigner, sur toi, sur lui, sur ce que je pouvais pour m’assurer qu’une fois le moment venu, il crèverait comme le chien qu’il est »

Sa dernière phrase m’arrache un petit éclat de rire.

« Je fais des raccourcis, mais nous voilà maintenant, ici, à Darhàm, et je te propose de nous entraider pour le retrouver »

Je regarde dans le vide, passant d’un air distrait ma main sur mon visage, touchant du bout des doigts les plaies qu’elle a recousue. Je dois reconnaître que c’est du bon travail.

« Où tu as appris à recoudre des blessures comme ça ? »

« Comme je te l’ai dit, je passe une partie de mon temps dans la nature. Mais ça ne répond pas à ma proposition »

« J’ai le choix ? »

« Tu peux, mais je te rappelle que sans moi, tu serais mort depuis déjà quelques jours »

Elle se relève et se dirige vers le lit qui occupe la pièce, pendant que je me perds à nouveau dans mes réflexions. Une opportunité que j’attends depuis que j’ai revu la lumière du jour en sortant de ma cellule crasseuse, c’est presque trop beau pour être vrai. Je ne peux nier qu’elle a l’air suffisamment renseigné pour que tout ça ne soit pas qu’un tas de mensonges, et si je suis honnête avec moi-même, je ne sortirais pas vivant de cette ville pour le retrouver sans un peu d’aide. L’idée de vengeance est quasiment la seule qui m’a permis de tenir pendant que je pourrissais en taule et la voir se réaliser mérite bien quelques sacrifices.

« Supposons que j’accepte, j’ai encore quelques problèmes à régler dans cette ville, des problèmes qui pourrait me suivre un moment si je ne les règles pas »

« Je sais bien, moi aussi d’ailleurs, disons que cet entrepôt avait des propriétaires qui ne voulaient pas céder pacifiquement leur bien »

Elle trouve ce qu’elle cherchait sous le sommier du lit. Elle en sort une arbalète massive qu’elle pose à ses côtés, je vois enfin l’arme qui m’a effectivement tiré d’affaire plusieurs fois, le sifflement distinct des carreaux résonne encore en écho dans mes souvenirs. Elle se repositionne en face de moi, l’arme posée contre son flanc.

« Je pense avoir été assez honnête et ouverte avec toi pour que tu me fasses confiance maintenant »

Elle me tend sa fine main. Je me lève à mon tour et je remarque alors qu’elle est bien plus grande que ce que je pensais, je ne fais à peine qu’une tête de plus qu’elle, je ne pensais pas que la vermine Shaakt pouvait être aussi haute. Je ne sais pas si je lui fais confiance, mais je dois reconnaître pour l’instant, je n’ai, malheureusement, pas de raison de croire le contraire. Elle est peut-être très bonne actrice, mais sa tristesse lorsqu’elle évoque des événements trop similaires au mien ne semble pas être simulé … Je serre sa main avec autorité, pas encore certain de ce que je viens de signer et où cela va nous emmener. Vers la mort de Syrigos, je l’espère.

« Et maintenant ? »

Elle affiche un sourire en demi-teinte, soulager de voir que je ne suis peut-être pas qu’une bête assoiffée de sang qui se dissimule sous les traits d’une personne presque normale. Elle me montre la veste qui était sur le dossier de sa chaise et je reconnais alors le morceau de cuir qui m’appartient pendant qu’elle retourne fouiller dans le sac dont elle a sorti sa tenue. Elle me tourne ostensiblement le dos pendant qu’elle cherche quelque chose, si la Liykor ne fait rien je pourrais facilement ramasser la dague toujours au sol et lui trancher la gorge. Mais je n’en fait rien, dans ma tête se dispute toujours deux décisions, lui faire confiance ou me débarrasser d’elle. Elle rompt mes réflexions en m’envoyant à la figure une chemise qui était sans doute blanche à l’origine. Je reconnais le tissu que je portais avant mon combat dans l’arène, je l’enfile lentement en évitant d’accrocher l’étoffe sur mes plaies recousues. Je passe quand même rapidement la tête, essayant de ne pas la perdre de vue. Un son distinctif retentit lorsqu’elle pose mes armes sur la table pendant que j’enfile ma veste. Je retrouve mon sabre brisé que je range à mon flanc, ainsi que les deux dagues dans les poches intérieures de ma veste. J’ignore vigoureusement la petite voix qui m’intime de lui planter une des deux dagues dans le cœur. Une fois rhabillé et équipé, elle reprend :

« Et bien nous avons nos affaires à résoudre. Retourne au rat Lubrique, Meredith sera certainement ravi de t’engueuler quand elle verra encore à quoi tu ressembles»

Un léger frémissement me parcourt l’échine.

« Tu la connais ? »

« Disons qu’elle m’aide à te garder en vie, même si elle ne connaît pas mon identité. »

« Et comment je fais pour te recontacter, j’attends que tu le décides ? »

Elle sourit, puis s’approche de la porte dans mon dos. Je la regarde faire, l’air intrigué. Elle l’ouvre légèrement et émet un sifflement grave. Je reconnais le bruit des plumes qui battent l’air, puis le croassement qui l’accompagne. La Shaakt retourne dans la maison, un corbeau large comme un gobelin sur le bras, un œil en plus sur le front, grattant dans ses plumes avec son bec.

« J’imagine que vous vous connaissez déjà ? »

« Saloperie … Alors c’est comme ça … »

« Oui, tu n’as quand même pas cru qu’un corbeau t’avais miraculeusement choisi comme perchoir ? Lui et moi sommes liés, il continuera de veiller sur toi et si tu as besoin, tu peux lui demander, en quelque sorte »

Elle le lance et le corbeau s’envole pour revenir vers son épaule favorite. Je le regarde avec une pointe de mépris maintenant que je sais que c’est lui l’espion qui surveille mes moindres faits et gestes depuis le début.

« Ne lui en veut pas, je pense qu’il a été un plutôt bon compagnon, après tout, tu lui a quasiment tout raconté. »

Elle affiche enfin un véritable sourire qui émiette sa façade glaciale qu’elle affiche depuis le début, je ne savais pas que les Shaakt en étaient capables. J’émets des grognements dont je ne suis même pas sûr de la signification et me dirige sans un mot vers la porte. Je l’ouvre en grand, nous sommes effectivement en face de la jetée du port. Le soleil est en train de décliner à l’horizon, l’agitation du port diminue alors que les marins et les pirates s’enfoncent dans la ville pour rejoindre les divertissements qu’elle propose. Avant que je ne ferme la porte derrière moi, j’entends une dernière fois son énigmatique accent m’interpeller d’un ton mystérieux alors qu’elle arme un carreau dans son arme.

« Reste attentif à la taverne, tu devrais avoir une preuve une bonne fois pour toutes que nous sommes maintenant du même côté. »

Je claque la porte sans un mot. Le bordel n’est pas très loin du port et je me fonds dans la foule de pirates qui trainent dans les environs pour rejoindre ma destination. Après tous les ennemis que je me suis fait, voilà une nouvelle « alliée ».

Avatar du membre
Devon
Messages : 60
Enregistré le : mar. 22 janv. 2019 01:44

Re: Le Port

Message par Devon » jeu. 7 oct. 2021 01:20

<-

Improvisation:

Plus nous nous éloignons des docks principaux, plus l’agitation et le bruit diminue. Bientôt, les seuls bruits qui restent sont le doux son des vagues arrivant sur les pontons, le vent soufflant dans les voiles des plus petits navires que nous croisons, le craquement des torches qui se battent contre les ténèbres et le son régulier de nos pas battant les pavés. Nous dépassons plusieurs entrepôts fermés et sans doute plein à craquer de marchandises attendant d’être vendu en ville ou embarquées pour un nouveau voyage, ce côté du port semble y être exclusivement réservé. Le capitaine Wibberich ne trouvant plus de cible à scruter de son regard inquisiteur, il se retourne plusieurs fois pour s’assurer que nous ne sommes pas suivis par autre chose que l’éclat de la lune. Le marchand se contente de suivre le rythme que nous imposons, haletant un peu mais continuant en silence. Je finis par reconnaître l’entrepôt désaffecté que j’ai quitté plus tôt dans la journée et je fais signe à mes compagnons de s’arrêter et de garder le silence. Wibberich plaque le marchand contre le mur de la bâtisse et se place devant lui sans hésiter pendant que je plaque mon oreille contre la porte en bois, comme si je guettais une quelconque activité à l’intérieur, mais nous ne pensons certainement pas à la même chose. Je suis rassuré de ne rien entendre, la Liykor et Jhaelva ont bien désertés les lieux. Je lui fais quand même signe de dégainer son arme, après tout sait-on jamais ce qui nous pourrait nous attendre derrière la porte. Il ne me fait pas répéter et sort sa rapière de son étui, la laissant reposer contre sa jambe.

Je prends une inspiration, sort la clé que ma confié l’elfe noire, la tourne deux fois dans la serrure qui émet un triste cliquetis d’agonie, et pousse la porte d’un coup d’épaule. Le capitaine suit dans mes pas, mais nous pénétrons tous les deux dans une pièce exiguë, sombre et surtout : vide de toute présence. Je lâche un soupir de soulagement, mais Wibberich ne range pas son arme pour autant. Il fait signe au marchand de le suivre et, après s’être assuré une dernière que personne ne nous aient traqué sur ce côté du port, il claque la porte derrière nous pendant que je me dirige vers le chandelier. J’allume trois des cinq bougies avec des allumettes que je trouve sur la table, permettant de mieux nous repérer dans l’entrepôt abandonné. Le marchand s’assoit sans aucune gêne du lieu et s’essuie une nouvelle fois le front ainsi que les yeux. Je le vois jeter un regard critique et méprisant sur le pauvre lis en fin de vie et le manque d’aménagement de la pièce.

« Vous ne vivez pas dans le luxe mon cher »

Je souffle du nez et répond avec un ton ironique qui imite le sien.

« Ce que je fais demande de la discrétion mon ami, je ne cherche pas à être vu de tous »

Il se renfrogne et croise ses bras épais sur son ventre, interpellant Wibberich sans plus se soucier de rester discret comme je viens de lui dire.

« Alors, maintenant ? »

Pendant que nous discutons, le capitaine a visité chaque recoin de l’endroit, fouillé sous le lit et sous le matelas rapiécé, comme si quelqu’un avait pu se cacher entre le tas de paille et le sommier branlant en dessous. S’il pouvait, il irait sans doute grimper au plafond pour inspecter chaque planche de bois qui le compose, mais il est rappelé à ses obligations par la question du marchand. Son regard va de son compère Kendra à moi.

« Oui, et maintenant ? »

Je me penche sur la table de Jhaelva, toujours pleines de ses cartes géographiques à peine lisibles à la timide lumière du chandelier et en sort celle qui représente la ville de Darhàm. Je fais comme si j’analysais un trajet compliqué sur la mer, puis pointe du doigt un endroit pas loin de notre abri.

« C’est là que je dissimule ma barque, allons la chercher et emmenons notre ami loin d’ici »

Le marchand lâche une exclamation de surprise.

« Une barque ? Vraiment ? Vous comptez m’emmener en mer sur une des embarcations bancales de cette ville ? »

Je ne lui adresse même pas un regard, continuant à fixer la carte. Ma patience à son égard commence à atteindre ces limites et j’ai hâte qu’il soit entre les mains de la milice. Pas par loyauté pour les forces d’Oaxaca, juste pour satisfaire ma haine qui monte envers lui.

« Oui, notre but est d’être discret, pas de satisfaire votre sens du confort »

Sa voix monte d’un ton avec son indignation alors qu’il me pointe d’un doigt potelé en se redressant dans sa chaise.

« Comment osez-vous, je ne sais pas pour qui vous vous prenez à me parler ainsi mais sachez que … »

Wibberich l’interrompt en posant une main sur son épaule tout en le fixant avec un regard dur comme l’acier.

« C’est bon, je ramerais, une fois à bord de la frégate Kendran nous ne penserons plus à ça »

Le marchand se replonge au fond du dossier de la chaise et ne se prive pas de marmonner quelques jurons à l’égard de Darhàm et de ma personne, mais au moins il ne proteste plus à haute voix. Je fais signe à Wibberich de me rejoindre pour jeter un coup d’œil à la carte. Je lui montre là où nous sommes, ainsi qu’un point un peu plus loin sur la jetée, à l’écart des pontons et nous obligeant à descendre un moment sur la plage de galets longeant la ville.

« Nous reviendrons à bord de la barque et nous accosterons ici en face de l’entrepôt, il ne restera qu’à ramener notre ami à bon port. »

J’accompagne ma phrase d’une représentation sur la carte de notre court trajet maritime entre la jetée et cet entrepôt. Il acquiesce de la tête, mais je sens une hésitation le traverser. M’assurant qu’il m’a bien en visuel, je ressors la flasque en argent portant les héraldiques de Coolmor pour en boire une rasade de whisky.

« Nous ? »

« Je vais avoir besoin que vous m’accompagniez »

L’annonce n’a pas l’air de le réjouir, il se gratte l’arrière du crâne.

« Et en attendant, il peut rester ici ? »

« Pas de fenêtres et je verrouille la porte derrière nous. Si quelques mercenaires ou autres nous attendent, ils sont forcément dehors et je préfèrerais ne pas être seul pour les rencontrer »

Je le vois plonger dans ses réflexions, fixant la carte d’un air absent. Il finit par se redresser, réajuste sa brigandine et ressort sa rapière. Il se tourne vers moi et me fixe de son regard bleu pâle.

« Bien, alors allons-y »

Il se tourne vers le marchand et commence à essayer de le convaincre que la meilleure chose à faire est de le laisser seul ici quelques minutes, le temps que nous revenions. Evidemment, terrifié pour sa vie, le marchand proteste et ne semble pas vouloir entendre raison. Pendant que Wibberich argumente qu’il est bien plus à l’abri ici que dehors dans les griffes de Darhàm, je me détourne d’eux un court moment, juste le temps de changer de place une de mes dagues, de ma poche elle passe à ma manche droite. Je prends plusieurs inspirations pour calmer mon rythme cardiaque qui recommence à augmenter et risque de réveiller mes récentes migraines. J’agite légèrement le genou, fait tourner deux fois mon épaule, pour l’instant tout à l’air de répondre correctement mais j’aimerais éviter de reprendre des coups, histoire de laisser un peu de répit à mon corps pour récupérer de toutes les blessures récentes. Mais s’il faut en venir jusque-là, je n’hésiterai pas. Je retire mon manteau que je laisse sur la chaise proche de la table pour rester en brigandine, j’aimerais autant ne pas l’abimer, Meredith ne me le pardonnerait pas une deuxième fois.

Je retourne auprès des deux Kendran lorsque le capitaine semble être venu à un accord avec le marchand. Il se tourne vers moi et me demande de lui donner les clés de l’entrepôt car ma cible n’acceptera de rester bien sagement ici que s’il sait que Wibberich verrouille lui-même la porte et qu’il garde la clé sur lui jusqu’à notre retour. Je garde une façade de marbre en acceptant l’idée mais cette proposition ne m’arrange pas, mais je suppose que je n’ai pas le choix, de toute façon mon plan s’arrêtait à ramener le marchand ici, maintenant la suite est de l’improvisation totale.

« Bon, nous avons assez perdu de temps »

Je passe devant pour montrer que je compte bien prendre les devants du danger inexistant qui nous attend peut-être. J’ouvre la porte de l’entrepôt sur la rue vide, passe la tête pour regarder à droite puis à gauche, et fait signe au capitaine de me suivre. Il passe derrière moi et ferme la porte après une dernière remarque adressé au marchand resté assis sur sa chaise pour essayer de le rassurer, me faisant lever les yeux au ciel. Il s’assure que la porte est bien claquée avant de faire tourner deux fois la clé dans la serrure, vérifie trois fois que la porte est bien stable sur ses gonds et range la clé dans la poche droite de son pantalon. Nous nous croisons du regard une fois et nous adressons un même signe de tête presque en même temps, avant de remonter la jetée l’un à côté de l’autre sous le regard pâle de la lune.

->
Modifié en dernier par Devon le sam. 9 oct. 2021 20:50, modifié 2 fois.

Avatar du membre
Devon
Messages : 60
Enregistré le : mar. 22 janv. 2019 01:44

Re: Le Port

Message par Devon » jeu. 7 oct. 2021 01:24

<-

Meurtre sous la lune:

Nous avançons sans un mot, le capitaine se retourne plusieurs fois alors que je suis perdu dans mes réflexions. Et maintenant ? Lorsqu’il verra que la barque que j’ai promise n’existe pas, que va-t-il penser ? Mon rythme cardiaque s’accélère légèrement lorsque toutes ses idées se bousculent dans ma tête. Pas le choix, son rôle dans cette histoire s’arrête ici et, même s’il m’a bien servi, il faut que je me débarrasse de lui avant que nous n’arrivions à la plage un peu plus loin. Mais que dira le marchand si je reviens sans lui ? Tant pis, j’improviserai. Je me mets également à regarder dans les environs, nous ne croisons qu’un unique groupe de pirate bien éméché qui nous lance des regards vaguement intéressé, mais sans chercher à n’en savoir plus, personne d’autres ne se balade sur ce côté de la jetée à cette heure, et j’imagine que deux hommes bien portant, en armure dont un avec une arme à la main ne valent sans doute pas le coup d’une tentative de racket.

Nous marchons déjà depuis un ou deux minutes et le vent se lève légèrement, agitant les vagues qui s’écrasent contre le ponton, nous arrosant de quelques gouttelettes salées. Une nappe de brume semble planer au-dessus de l’eau et commence à monter sur la ville. Je suis du côté de la mer, dommage car le pousser dans l’eau aurait été sans doute suffisant pour en venir à bout. Je sens le contact froid de l’acier dans ma manche, la dague qui n’attend que d’être dégainée, je peux peut-être le prendre par surprise car il ne s’attend pas à ce que le danger vienne de mon côté. En tout cas je pense qu’il ne me soupçonne pas. Si je pouvais en finir en un seul coup, sans qu’il ne puisse réagir, ce serait la situation idéale. Je repense à mon combat dans l’arène, au pouvoir qui m’a permis d’achever l’orc en seulement deux coups. J’essaye de me souvenir de ce que je ressentais à ce moment-là, la douleur explosive dans toutes mes plaies mais une sensation de force excessive en contrepartie. Je me concentre, tente d’en appeler au fluide que j’ai assimilé dans la chambre, de l’attraper pour le diriger. Mais je ne sens rien de particulier. Je dissimule mon agacement mais tant pis, je ferais ça sans assistance magique. Si je ne peux pas l’achever d’un seul coup, alors il va falloir être prudent.

Nous croisons un dernier ponton qui marque la fin des docks du port, après s’étale une vaste plage jusqu’à la sortie de la ville. Ce qui ne veut pas dire qu’elle n’est pas utilisée pour accoster des navires embarquant des marchandises secrètes même pour la ville pirate, même ici certains préfère agir dans l’ombre des ténèbres. Il faut agir maintenant. La poignée de la dague finit dans ma main et je me retourne d’un bloc vers le capitaine sans un son. Un réflexe de surprise lui fait lever le bras et la pointe de la dague s’enfonce sans merci dans son biceps droit qui est de mon côté. Je reculant immédiatement, laissant le poignard dans son membre, je pousse un grognement de contrariété, je voulais en finir vite mais on dirait qu’il va falloir se battre. Il pousse un cri, autant de surprise que de douleur, mais fait un grand geste avec sa rapière pour repousser la nouvelle menace, m’obligeant à faire un pas de recul et entaillant légèrement mon armure. Je manque de tomber dans l’eau derrière moi mais me stabilise juste à temps pour ne pas finir dans les bras de Moura. Il fixe un moment son bras droit qui pend contre son flanc, le sang coulant de la plaie colorant sa chemise blanche d’une nouvelle teinte. Son regard va de la dague plantée dans son bras à moi, Il me jette un regard abasourdi sous ses traits crispés de douleur, qui se transforme bien vite en pure colère. Je dégaine ma lame et me lance en avant sans lui laisser le temps de poser de question. Avant que je n’arrive à lui trancher la gorge, il récupère sa rapière avec sa main gauche, laissant la dague dans sa blessure, et oppose l’acier de son arme à mon sabre. Il fallait que je tombe sur un ambidextre. Nos deux épées s’entrechoquent une première fois, j’avance pour tenter une deuxième frappe et l’empêcher de profiter de l’allonge que lui procure son arme, mais il part mon attaque une nouvelle fois et nous testons nos forces respectives en tentant de repousser l’adversaire. Handicapé par son bras et par la finesse de sa lame, il préfère laisser glisser sa rapière et je suis obligé d’abandonner notre compétition de force, faisant un pas de côté, pour ne pas que la pointe de son arme ne finisse en travers de mon visage, elle laisse à la place une entaille sur le cuir de ma brigandine. Je ne perds pas une seconde et repars à la charge, il a l’air meilleur épéiste que moi et je dois profiter de mon avantage avant qu’il ne se ressaisisse. Je saisis fermement la garde mon arme de mes deux mains et avant qu’il ne puisse se remettre en garde face à moi, je frappe avec force et fait décrire un arc de cercle partant du bas avec mon arme. Ses mouvements rendus maladroit par son bras inactif, il arrive presque à interposer son arme mais, manquant de préparation, la force de mon attaque expulse son bras sur le côté mais ne lui fait malheureusement pas lâcher la garde de son arme. Pour ne pas perdre de temps, j’enchaine avec un violent coup de botte en plein abdomen qui le repousse et lui coupe momentanément le souffle. Mais je ne lui laisse pas le temps de respirer, à nouveau en position, je me lance en avant avec un coup de taille grossier de mon sabre qui vise son visage. Je suis obligé de viser des partis non couvertes par son armure et à ce jeu-là, sa lame lui offre un avantage sur la mienne.

Il reprend ses esprits juste à temps et évite mon assaut d’un mouvement agile sur le côté. Il prend appui sur sa jambe gauche et lance la pointe de sa rapière en avant. Je suis à mon tour obligé de me décaler pour ne pas subir le contact de l’acier, mais je perds légèrement l’équilibre au moment où je m’appuie sur mon genou blessé, me faisant grimacer et sa lame manque de pénétrer dans mon épaule. Tout cela prend plus de temps que prévu. Je sens la deuxième dague qu’il me reste dans une de mes poches. Mais au moment où je pense à l’utiliser, c’est le capitaine qui repart à l’attaque. Au lieu de tenter une nouvelle attaque d’estoc comme le laisse supposer son arme, il tente un revers à distance suffisante pour que le bout de son arme manque de me déchirer le visage. Je bloque son attaque avec mon sabre et une nouvelle fois, nous nous opposons dans une épreuve de force, mais on dirait qu’il s’attendait à cette réaction. Alors que je m’apprête à repousser sa rapière, il appuie vers le bas, me laissant emporté par mon élan alors que le fer de son arme passe au-dessus de mon arme puis sous mon bras, et d’un geste décidé, il me fait lâche mon sabre en frappant vers le haut si je ne veux pas que l’acier morde dans la chair de mon avant-bras. Mon arme tombe entre nous deux et je recule immédiatement, esquivant de peu son prochain coup de taille qui me visait à la gorge.

Je plonge ma main dans ma poche et en dégaine ma deuxième arme, mais mon poignard ne risque pas de faire grand-chose contre sa maîtrise de la rapière. Il commence néanmoins à montrer de réels signes de fatigue, l’arme blanche toujours bloquée dans son bras prend sa dette sur son état. Je vois dans son regard qu’il se décide à en finir maintenant. Il s’approche de moi, s’assurant de garder juste assez de distance pour que son arme soit mortelle et que je n’ai aucune chance de le toucher avec mon couteau. Je recule devant son premier coup d’estoc, mais je sens à la fraicheur dans mon dos que je ne suis plus qu’à quelques pas de tomber dans l’océan. Je passe ma dague dans ma main non protégée, il va falloir improviser. Il s’appuie sur sa jambe arrière et se lance à nouveau en avant pour une nouvelle estocade. Je ne prends pas le temps d’hésiter, je me décale à peine sur le côté pour ne pas subir de plein fouet la pointe de la rapière, et je saisis le fil de la lame avec ma main gantée. Je le tire avec moi avant qu’il ne saisisse complètement ce qu’il vient de se passer. Il ne lâche pas son arme pour autant, avance à pas hasardeux vers moi et, accompagnant ma frappe d’un mouvement de hanche, je plante ma deuxième dague dans son bras indemne. Il pousse à nouveau une bruyante interjection de douleur, lâchant sa rapière et reculant, je laisse à nouveau la dague dans son bras et il se retrouve prostré avec ses deux bras plaqués contre ses flancs. Je ramasse sa rapière et m’avance vers lui. Je l’attrape par une mèche de cheveux pour lui relever la tête et m’apprête à lui dessiner un nouveau sourire mais il se débat et m’envoie un violent coup de genou dans les côtes déjà endolori, m’arrachant un juron et me faisant le lâcher. Il ne fait que quelques pas avant que je ne le rattrape à nouveau par sa tignasse et cette fois, je lui écrase sans ménagement le visage contre mon genou et le jette au sol. Il tombe sur le ventre, du sang commençant à perler de son nez, mais il essaie encore de se relever. Je le stop net en lui envoyant un violent coup de pied dans le ventre, l’envoyant rouler au sol alors qu’il se retrouve sur le dos, enfonçant un peu plus les dagues dans ses bras et le paralysant de douleur, mais il fixe toujours son visage rageur sur moi. Je m’approche au-dessus de lui, sa rapière toujours en main. Je suis pris d’un léger éclat de rire alors qu’un mauvais sourire en coin déforme mes traits.

« T’passeras l’bonjour à Coolmor d’ma part »

Puis, sans plus de cérémonie, je lui tranche la gorge d’un mouvement rapide de la pointe de la rapière, son sang coule de la plaie sur le sol pavé de la jetée alors que la vie quitte son corps avec des gargouillements incompréhensibles.

->
Modifié en dernier par Devon le jeu. 7 oct. 2021 01:28, modifié 1 fois.

Avatar du membre
Devon
Messages : 60
Enregistré le : mar. 22 janv. 2019 01:44

Re: Le Port

Message par Devon » jeu. 7 oct. 2021 01:28

<-

Une simple erreur

Je prends un moment pour souffler, je remarque alors que mon tricorne n’est plus à sa place. J’agite la tête pour retrouver mon bien, tombé dans la saleté de la ville à quelques pas de moi. Avant de récupérer mon chapeau, je retire les deux dagues du cadavre de Wibberich et les range sans même prendre le temps de les nettoyer dans les poches de mon pantalon. Je me recoiffe d’une main, ramasse mon tricorne pour le réinstaller à sa place, range à ma ceinture mon sabre brisé qui m’attendait toujours au sol, puis me dirige vers l’entrepôt où m’attend ma cible, sans un regard de plus pour la récente victime de mes machinations. De toute façon, dans cette ville, les cadavres finissent toujours par disparaître d’eux même. Je marche à pas décidés, la mine sombre, je ne croise personne dans la large allée qui longe la mer et le temps se refroidit, la brume s’installe progressivement et commence à cacher la vue sur l’horizon, l’étendue bleutée de l’océan n’étant plus visible au loin. Je me calme progressivement alors que je me rapproche de l’abri où nous attend le marchand, je remarque alors que j’ai la main toujours crispée sur la garde en cuir de la rapière de Wibberich, je me détends légèrement, je ne suis pas là pour tuer le marchand. Mais une autre question émerge alors, comment faire pour le livrer à la milice maintenant ? Je dois le convaincre de me suivre, mais il se rendra compte si je l’emmène dans le cœur de la ville …

Je n’aurais pas le temps de plus me questionner sur ce nouveau problème, je suis devant la porte de l’entrepôt. Je prends deux grandes respirations, je me décide à jouer le rôle de la panique, nous nous sommes fait attaqués, Wibberich est mort et je l’emmène en dehors de Darhàm pour l’extradé car notre position en ville n’est plus assuré. Oui, ça fera l’affaire. J’appuie sur la poignée et pousse la porte d’un coup d’épaule pour pénétrer l’air affolé dans la pièce. Enfin c’est ce qui devrait se passer, mais lorsque je cogne avec son sec contre la porte, elle ne bouge pas d’un pouce et une douleur vive se repends dans mon bras, heureusement que je n’ai pas frappé avec mon épaule déjà endommagée. Puis ça me revient, le capitaine a verrouillé la porte derrière lui lorsque nous avons laissé le marchand ici et il a sans doute encore la clé dans la poche de son pantalon. Une goutte de sueur apparaît sur mon front, entre toutes mes réflexions tortueuses et mon face à face récent avec le Kendran, j’avais complètement oublié ce détail. J’entends des pas agités à l’intérieur de la pièce, puis une voix rendue aigues par la panique me répond.

« Ne … ne rentrez pas ! Je suis armé et je ne me laisserais pas faire ! »

Merde, comment le calmer maintenant, je change de plan et tente de prendre un ton plus rassurant.

« Pas de panique, ce n’est que nous »

Le marchand semble reconnaître ma voix et prend un petit moment avant de continuer.

« Pourquoi cognez-vous la porte, où est la clé ? »

« Nous avons dû la faire tomber sur la plage, nous revenons »

« Non ! Je refuse de vous écouter, où est Wibberich ? Je veux l’entendre »

Je fais déjà demi-tour, laissant le vent répondre à son interrogation, je trouverais quelque chose à lui répondre en revenant. Je fais de si grandes enjambées que je manque de glisser sur les pavés irréguliers plusieurs fois, risquant à tout moment de me briser le cou. Mais je dois faire vite avant que le marchand trouve un moyen de s’échapper de l’entrepôt. Je trouve bientôt l’endroit où le capitaine et moi avons croisé le fer, mais je reconnais la zone à la drôle d’agitation qui y règne. Trois silhouettes encapuchonnées sont penchées au-dessus du cadavre que j’ai laissé derrière moi, leurs longues bures noires trainant dans la saleté et le sang frais. Deux des trois individus que je n’arrive pas à identifier sont en train de récupérer le cadavre et de le mettre dans un large sac en toile. Toute méfiance disparaît lorsque je vois ma seule chance de récupérer ma cible m’échapper sous les yeux. Je m’avance vers eux en les interpellant, arrivant bien vite au contact et poussant sans ménagement l’obscure figure la plus proche.

« Faites quoi là ? Poussez-vous »

Les deux autres ne bougent pas d’un pouce, ne disent pas un mot. Je tire le capitaine qui était déjà à moitié empaqueté jusqu’à ce que je puisse atteindre les poches de son pantalon. Je manque presque de les déchirer dans ma fouille, mais je finis par trouver ce que je cherche. Une vieille clé rouillée, parfait. Je me redresse et maintenant que j’ai récupéré ce que je voulais, je sens alors le regard inquisiteur des trois individus posés sur moi, leur visages rendu anonyme par les ténèbres alentours et la capuche de leur robe. La brume qui flotte maintenant sur la ville donne un aspect lugubre et dérangeant à la scène et même la lune semble se dissimuler derrière les nuages, tournant les yeux loin de ce spectacle. Lorsque je les toises de haut en bas, leur vêtement me dit quelque chose mais sur le moment, trop de choses défilent dans ma tête pour que je me concentre essentiellement sur ça. Ils n’ont pas l’air de vouloir parler, et je n’ai de toute façon rien à leur dire. Je fais à peine quelques pas en arrière qu’ils se remettent immédiatement à s’occuper du cadavre déjà pâle sans un mot ni soupir. Je me désintéresse de cet étrange rituel et le visage du marchand s’impose à nouveau dans mes pensées. Si je marchais vite pour retrouver le cadavre, je cours presque pour rejoindre à nouveau la cachette de la Shaakt.

Je me retrouve devant la porte de l’entrepôt, mais avant de rentrer, je pose une oreille contre le bois ancien et usé. Je n’ai pas vraiment fait preuve de discrétion et arrivant et je pense que si le marchand est encore à l’intérieur, il m’a forcément entendu arriver. J’entends une légère respiration derrière la porte, comme si on essayait de faire le moins de bruit possible mais que la panique ou l’adrénaline rendait cela impossible. Puis un petit chuintement, le son de l’acier qu’on dégaine, je change de visage. Je glisse lentement la clé dans la serrure, j’aurais essayé de la jouer à la fourberie, mais ça ne nous mènera jamais aussi loin que la violence, apparemment il n’y a que ça qui règle les problèmes dans cette ville. Je tourne une fois la clé, provoquant un petit hoquet de sursaut à l’intérieur. D’abord lentement, je finis le deuxième tour d’un coup et pousse la porte d’un violent coup du plat de ma botte. La porte vieillissante manque de se déloger de ses gonds lorsqu’elle s’ouvre en grand avec un craquement sinistre, claquant avec force dans le bras du marchand qui attendait derrière, lui arrachant un cri autant de surprise que de douleur alors que le tintement de son arme envolée au loin résonne dans le lieu clos. Je charge immédiatement dans la pièce, le percutant en plein thorax avec mon épaule indemne jusqu’à le cogner contre le poteau au centre de la pièce. Il se débat comme il peut mais le choc de son crâne contre le pilier en bois l’assomme légèrement, et il n’est clairement pas le type d’homme qui a l’habitude de se salir les mains. Je me redresse, lui attrape fermement la tête par le peu de cheveux qui y tienne encore et lui assène un coup de coude brutal dans la tempe, l’envoyant au sol sans un mot, inconscient.

Je me précipite vers la porte, récupère la clé sur la serrure et la ferme à double tour derrière moi. Puis je prends un petit moment pour me diriger vers le matelas miteux de la pièce et m’y assoie un moment, soufflant un peu de toutes ses péripéties récentes. Je pose le regard sur le marchand inanimé, son souffle soulevant toujours sa poitrine me rassure un peu sur son état. Pour l’instant il est toujours vivant. Maintenant, le ramener à la milice. Je me lève et me dirige vers la table où reposent toujours l’incalculable nombre de cartes et de croquis. J’en tire celle qui représente Darhàm et balade mon doigt sur le parchemin jauni pour retrouver le bâtiment de la milice. Il ne me faut pas plus de cinq secondes pour me rendre à l’évidence, au vu de la corpulence du Kendran et la distance qui me sépare de ma destination, il est impossible que je le traîne ou le porte ainsi jusqu’à la milice.

Je pose à nouveau un regard méprisant sur le gros pourceau allongé au sol comme une poupée dont on aurait coupé les fils. Je sens le poids de la clé dans ma poche et il me vient alors une dernière idée, s’il ne peut pas aller à la milice, alors la milice viendra à lui, ils ne pourront pas dire que je ne leur offre pas leur cible sur un plateau d’argent. Je cherche du regard l’endroit où l'elfe noire m’avait attaché plus tôt dans la journée. Au pied de la chaise sur laquelle j’étais prisonnier se trouve toujours les restes de la corde qu’elle avait utilisée pour m’attacher. Je récupère les restes de cordage et me dirige à pas lourd vers ma cible. Le redresser contre le poteau en bois me demande déjà un sacré effort, je n’ose imaginer ce qu’il en aurait été de l’emmener jusqu’à la milice. J’attache fermement ses deux poignets dans son dos, de l’autre côté du pilier, ainsi même s’il se réveille, il faudrait qu’il arrive à se détacher avant de réussir à enfoncer la porte pour s’enfuir. Je pense qu’il restera là un moment. Je récupère mon long manteau pour me couvrir lorsque je frissonne à nouveau, sans doute à cause de la température extérieure qui a drastiquement chuté, mais je sais que de souvenir mes dernières balades nocturnes se sont suffisamment mal passé pour me provoquer une légère inquiétude à l’idée de me promener une nouvelle fois aussi tardivement. Tant pis, c’est maintenant qu’il faut régler ça. Je réajuste mon chapeau et mon manteau sur mes épaules que je ferme par-dessus ma brigandine ouvre la porte pour sortir. Une fois de l’autre côté, je tourne la clé dans la serrure et m’assure que la porte soit bien verrouillé, j’enfonce la lame de la rapière dans le mécanisme, m’assurant que le même s’il se réveille, le marchand ne pourra pas faire grand-chose pour s’échapper. Et puis ça rend l’entrepôt identifiable parmi toutes les autres portes qui s’alignent sur la jetée. Je pousse un léger grognement lorsque qu’une pensée que je ne pensais pas formuler me vient, j’espère que Jhaelva veille sur moi. Comme un signe, une ombre familière me rejoint et se pose sur mon épaule lorsque je commence à avancer dans le brouillard nocturne.

->

Avatar du membre
Lars Hennic
Messages : 9
Enregistré le : lun. 25 janv. 2021 23:21

Re: Le Port

Message par Lars Hennic » mer. 20 oct. 2021 13:41

Ce maudit rafiot accoste enfin après un voyage trop long à mon goût. J'empoigne mes quelques affaires et débarque rapidement. Après quelques pas sur les planches du ponton humidifié par les vagues, je me vautre dans mon empressement, les quelques badauds témoins de la scène commencent à se moquer de moi. Je me relève rapidement, une colère noire gronde au fond de moi ; comment osent-ils se moquer d'un homme de ma stature alors qu'ils ne sont que des insectes ?! Je me ravise de les attaquer (je ne pourrais pas gagner ce combat, ils sont trop nombreux et il y a trop de témoins), me calme et m'époussette. Constatant que ma baguette s'est fendue en deux lors de ma chute, je ne peux m'empêcher de pousser un juron dans ma barbe.

"Putain."

Je m'achèterais une autre baguette plus tard, plutôt un bâton (Il m'évitera de tomber comme précédemment) pour le moment il me faut de l'alcool et un vrai repas pour laver ma gorge de la "nourriture" servit sur l'épave qui m'a transporté jusqu’ici. Je m'éloigne des pontons à la recherche d'un lieu décent pour me sustenter quand un vieillard en guenille empestant l'alcool m'aborde.

"Vous êtes un voyageur n’est-ce pas, je peux vous servir de guide, je connais Darhàm comme le creux de ma main."

Je regarde l'homme de bas en haut, hésite un instant puis lui répond.

"Où se trouve l'endroit où boire et manger le plus distingué de la ville ?"
"Vous savez tous les établissements de Darhàm on leurs charmes, mais entre nous il n'y en a vraiment que trois qui vous intéresseront mon bon monsieur. Il s'agirait du "Rat Lubrique", de "La table du Gros Néral" et de la "Rose de Morne Plaine"."
"Et que peux-tu me dire sur chacun d'entre eux ?"
"Le "Rat Lubrique" est une taverne sympathique où on sert une grande variété d'alcool et des filles, mais je vous conseille de pas trop faire de grabuge, l'endroit est sous la protection d'un important pirate. "La Table du Gros Néral" est un bon restaurant, mais c'est également un repaire de bandit. Et pour finir "La Rose de Morne Plaine" est un cabaret où l'alcool n'est pas trop cher, mais je vous déconseille de vous en approcher, car c'est le repère de dangereux assassin."
"Eh bien tu es sacrément renseigné sur le coin."
"Je vous l'avais bien dit je connais la ville..."
" "Comme le creux de ta main" je sais, mais je n'ai pas toute la journée alors dis-moi comment me rendre à "La Rose de Morne Plaine"."
"Comme vous voudrez, mais si il vous arrive quoi que ce soit je vous aurais prévenus."

L'Homme m'indique comment me rendre à ce fameux cabaret d'assassin puis je le salut et lui tourne le dos dans l'intention de partir, quand soudain ce dernier se lève me pose une main sur l'épaule et à l'audace de me rétorquer.

"Eh ! "Coco" elles sont pas gratuites les infos tu vas tout de suite me donner 10 yus!"

Je lui saisis la main en la serrant et la retire de mon épaule tout en regardant cette raclure de haut.

"Je te conseille de pas faire d'histoire vieux débris tu ne sais pas à qui tu as affaire."
"Lâche-moi j'ai compris."

Je desserre mon emprise dont il s'empresse de se défaire. J'époussette mon épaule en maintenant le contact visuel, puis me retourne dans la direction indiquer et fais quelques pas lorsque le vieillard me crache dessus. Dans un accès de colère, je me retourne violemment le prend par le col, lui plante ma baguette brisée dans la gorge et le lâche. L'homme tombe au sol et s'étouffe tout en se tenant le gorge, se tortillant de douleur et crachant du sang.

"J'aimerais dire que ça te servira de leçon, mais tu ne vivras pas assez longtemps pour la retenir."

En gesticulant l'homme projette quelques gouttes de sang sur mon pantalon, de colère, je me retourne et le roue de coup de pied jusqu'à ce qu'il ne respire plus tout en pestant et en jurant. Après m'être recomposé et recoiffer je prends la route de la Rose de Morne Plaine.

=>

Répondre

Retourner vers « Darhàm »