Petite course au marché
Ce n'est pas dans les habitudes d'Eteslë de manquer un combat, quelle qu’en soit la raison. Pour cette fois, cependant, elle admet être largement défavorisée face à ce groupe de soldats armés jusqu'aux dents et caparaçonnés quasiment de la tête aux pied. Aussi elle fonce dans la foule arpentant le marché, slalomant entre les passants, bousculant ceux trop lents ou trop peu réactifs pour s'écarter de son passage. Passage suivi de toute façon d'une demi-douzaine de garzoks en armure balayant la zone autour d'eux, faisant chuter bien plus de passants qu'elle. Elle bifurque entre deux tentes, bouscule un gamin qu'elle rattrape de justesse par le col pour le pousser sur le côté avant de reprendre sa route, profitant de la pagaille engendrée par le marché pour tenter de s'y fondre.
Son succès est plus que mitigé, les soldats ayant apparemment une vue incroyablement perçante et constamment braquée sur elle puisque, où qu'elle tourne, ils semblent capables de la suivre. Elle dépasse un marchand de babioles en tout genre qui la regarde avec surprise avant qu'elle ne donne un violent coup de pied dans l'un des piquet servant à maintenir la toile de tente. Tente qui s'effondre sur le chemin des soldats, réussissant même à en empêtrer un sous l'épais tissu et les cordages qui la maintenait. Une petite victoire savourée d'un rapide sourire moqueur et elle repart sans s'attarder sur les vocifération des gardes ou les insultes colorées du marchand lui aussi prisonnier du tissu et des cordages. Elle tourne sur sa gauche, prend appui sur une charrette pour sauter par dessus un étalage, se réceptionnant souplemente sous les yeux étonnés de quelques clients.
Son regard dérive de gauche à droite, elle hésite une demi-seconde avant d'apercevoir des bâtiments entre deux tentes. Sans perdre davantage de temps, elle se dirige dans cette direction avant qu'un hurlement ne la fasse tourner la tête. Chargeant comme un bœuf dans sa direction, un des gardes tentent de la plaquer en lui fonçant dessus. Un simple bond en arrière de la jeune femme annihile le plan -visiblement longuement réfléchi- du garzok qui s'écroule contre une table, renversant marchandises que nombres de passants se dépêchent de ramasser pour filer avec, trop contents d'une telle aubaine. Espérant gagner un peu de temps, Eteslë se rue sur le garzok qu'elle tente d’assommer en lui écrasant la tête contre le sol d'un coup de pied. Si elle entend nettement le son du crâne cogner contre les pavés crasseux, le grognement de douleur du Garzok lui fait vite comprendre que celui-ci a la tête particulièrement dure et elle abandonne son idée pour se remettre à courir en direction d'une rue.
Sans trop savoir comment cela est possible, elle voit un des gardes juste devant elle. Lui aussi l'a vu et se dirige vers elle, un fléau d'arme à la main droite, une rondache dans la main gauche. Son armure est moins impressionnante, n'étant composée que d'un cotte de maille, de jambière d'écailles et de protèges bras en cuir lamellé de métal. Une tenue disparate qu'Eteslë n'observe que rapidement avant de réduire la distance. D'un large mouvement circulaire de sa dextre, le Garzok oblige la jeune femme à rapidement revoir son attaque car le fléau la frôle tant qu'elle peut presque sentir la froideur du métal sur son épaule. Elle recule d'un bond tandis que lui s'avance, se ruant vers elle, bouclier placé devant. Elle n'a que le temps de mettre son fardeau sur le côté, protégeant le petit corps en le laissant au sol, avant de subir l'assaut de plein fouet. Le choc, brutal, coupe la respiration de la cogneuse qui se jette en arrière par réflexe, roulant pour éviter de heurter violemment le sol. Tentant tant bien que mal de se reprendre, elle évite de justesse la boule hérissée de pointes qui fond vers elle, écrasant les pavés plutôt que sa tête.
Elle se relève, empoigne le premier objet lui tombant sous la main – une petite boite métallique- et l'écrase violemment sur le crâne non protégé du Garzok qui, de douleur, lâche son arme. Sans s’embarrasser, Eteslë enchaîne aussitôt et frappe à nouveau la tête du Garzok de son poing droit cette fois, lui fracassant l'arcade. Un cri de douleur suit aussitôt et son adversaire, à moitié aveuglé par le sang qui coule de son œil, prend un peu de distance en se protégeant de son bouclier. Sachant que d'autres risquent de ne pas tarder, Eteslë essaie d'en finir au plus vite en lui sautant dessus. Elle enserre la gorge du garzok dans son coude et utilise toute sa force pour faire tomber le guerrier qui chute lourdement sur le dos, l'arrière de son crâne frappant le sol avec brutalité. Elle-même tombée sur son arrière-train dans la manœuvre, Eteslë se relève en se massant les fesses et le dos avant de prendre Taloril sur son dos, puis la poudre d'escampette, tant que le Garzok est trop mal en point pour l'en empêcher.
Rapidement, elle atteint l'orée des premiers bâtiments. Une mauvaise surprise l'y attend puisqu'une patrouille de soldats s'y trouve et jette des regards aux alentours, comme si les garzok cherchaient quelqu'un. Pourtant aucun ne fait le moindre geste pour l'arrêter et la jeune femme avance d'un pas vif, mais calme, avant qu'un bruit de cavalcade n'attire l'attention des soldats présents dans la rue. Ses poursuivants la repèrent et se lancent à sa poursuite, mais sans jamais l'atteindre. Une étrange tension emplit l'air alors que les deux patrouilles se font face, chacun des chefs insultant l'autre. Eteslë comprend que chacun sert un lieutenant différent, mais, avant d'avoir compris de quoi il retournait, elle regarde avec surprise la tête du chef de ses poursuivants voler dans les airs, tranchée d'un coup d'un large fauchon. Aussitôt le chaos prend place dans la rue et la jeune femme, trop heureuse de s'en sortir à s'y bon compte, retourne vers le marché alors que les cadavres commencent à s'amonceler parmi les pavés.
Sans un regard en arrière, la jeune femme se perd à nouveau dans la foule à la recherche du fameux Gorik Unrs'Bral. Rapidement lassée par une recherche qui lui prendrait bien trop de temps si elle cherchait elle-même, elle profite qu'un passant la bouscule pour l'attraper par sa chemise en lui jetant un regard mauvais. Le passant, un esclave humain visiblement terrorisé d'arriver en retard chez son propriétaire, accepte aussitôt de lui indiquer le chemin vers le vendeur. Un bref hochement de tête plus tard et la jeune femme fouille dans la direction donnée, finissant finalement par poser les yeux sur un personnage repoussant. Un autre humain. Un nez épais et orné d'un furoncle, de petits yeux sombres cachés sous un épais mono-sourcil, une mâchoire carrée légèrement de travers, une barbe hirsute et sale et un crâne pris de calvitie avancée et le visage couturé de quelques cicatrices, le bougre est... laid, comme la description sommaire de Virek le disait. Le regard de la cogneuse se pose sur les colifichet d'une qualité douteuse qu'il vend, puis capte celui du vendeur qui la fixe un instant avant de grommeler une vague phrase de bienvenue à peine audible. Regard qui s'illumine aux mots de la jeune femme.
- Je cherche Virek.
Un fin sourire orne le visage de Gorik et semble le métamorphoser. Malgré son visage repoussant, on eut dit que l'homme pouvait être bien plus sympathique et avenant que ce que la jeune femme avait pu croire. La voix mielleuse qui lui répond, en revanche, la fait se montrer prudente.
- Je vois... une nouvelle.. concurrente. Ce vieux filou a le don de trouver les créatures les plus étonnantes de ce monde... soit, attrape.
Il lui lance une petite pièce ressemblant à un yu, mais dont les deux faces représentent un œil, ouvert ou fermé selon la face. Perplexe, Eteslë jette un œil au vendeur qui lui sourit à nouveau avant de murmurer.
- Rends-toi au Rat Putride ce soir, avec cette pièce, et on t’emmènera au rendez-vous. N'oublie pas, tu dois conserver cette pièce à tout prix.
Le regard malicieux de l'humain fait plisser celui d'Eteslë qui hoche la tête et serre le poing autour de la pièce, attirant un nouveau sourire avant qu'il ne retrouve une attitude plus proche de celle qu'il avait lorsqu’elle est arrivée devant lui. Et soudainement, Eteslë sent un regard sur elle et tourne la tête. A quelques pas, au milieu de l'allée, se tient une petite silhouette encapuchonnée cachant en partie son visage. Elle distingue pourtant très bien le sourire carnassier fait de dents pointues et les deux billes luisantes fixées sur elle, et elle seule. Et la voix du vendeur se faufile jusqu'à ses oreilles, rieuse.
- Que le jeu commence...