- Alors, t’en penses quoi ? Hmm ?
Eteslë remonte son regard vers Virek qui se tient dans l’entrebâillement de la porte de sa chambre, un fin sourire aux lèvres. À son réveil, elle a trouvé un étui contenant les
fameux gantelets proposés par Virek pour la récompenser de lui avoir, entre autres, sauvé la peau. Chaque gant est fait d’un ensemble fait d’un cuir souple recouvert de plaques de cuir plus dures maintenues par des clous métalliques donnant une armature suffisamment souple pour les utiliser facilement tout en étant très solide, en plus d’être parfaitement légers. La jeune femme défait rapidement les bandes de tissus qui lui servaient jusque là et enfile les gants. Neuf, le cuir grince un peu, mais elle n’a aucun problème pour bouger les doigts et, en frappant poing contre poing, c’est à peine si elle sent l’impact. Elle ajuste le serrage des gants grâce aux sangles prévues sur l’avant-bras et se lève pour tester quelques mouvements simples comme prendre un objet, ouvrir et fermer le poing rapidement, bouger les poignets et c’est finalement un sourire satisfait qui se dessine sur son visage.
- Parfait !
- Tu m’en vois ravi. À peu de choses près on y ajoutait des plaques de métal, mais ça aurait peut-être été trop lourd et tu voulais quelque chose de léger, donc voilà. Hmm.
La jeune femme doit admettre que le résultat lui convient tout à fait et elle a hâte de l’essayer sur quelque chose de plus consistant que l’air vide de sa chambre. C’est d’ailleurs avec un sourire que Virek lui propose de tester cela sans tarder et la jeune femme, sans vraiment réfléchir plus que cela, accepte. Après tout, cela fait presque cinq jours qu’elle n’a pas beaucoup bougé, et même si elle n’a aucune envie de se frotter à nouveau à un mage d’aucune sorte, taper sur quelque chose ne lui ferait sans doute pas de mal. Alors lorsque Virek l’invite à le suivre, elle n’hésite pas vraiment et le suit aussitôt en enfilant ses nouveaux gants. Elle ne s’attendait cependant pas à la suite.
***
- Le spectacle va bientôt commencer mesdames et messieurs !
Eteslë garde un œil furieux vers un Virek souriant qui semble lui dire « de quoi te plains-tu ? », alors qu’elle dans une arène et lui est tranquillement installé dans les gradins qui l’entourent, assis au milieu d’une petite foule enthousiaste alors que le premier événement de réouverture de l’Antichambre attire plus de monde que d’ordinaire. Les gradins sont bondés et les paris vont bon train, la pègre ayant décidé de remettre en place le combat qui avait démarré toute cette histoire avec le mage et l’insurrection sekteg. Tout ça dans le but d’afficher leur pouvoir, avec le concours plus ou moins volontaire d’Eteslë qui a baissé sa garde après le cadeau de Virek, oubliant momentanément que c’était un sale petit fourbe.
Elle finit par détacher son regard du gobelin lorsque celui qui hurle depuis tout à l’heure pour captiver le public commence à présenter les participants de ce combat où la seule règle est d’en sortir vainqueur. Armes, armures et magie autorisées pour le plus grand malheur d’Eteslë qui déteste particulièrement devoir se battre contre des mages dans un tel environnement. Pas ou peu d’endroits où obstruer la vision, une arène plane en cercle, tapissée de sable et entourée de chaînes au-dessus d’un mur de plus de trois mètres. Un vrai calvaire lorsqu’un mage décide de se joindre à la fête. La plupart des combattants ont, heureusement, des armes classiques, mais deux d’entre eux ont un bâton et la jeune femme s’est posté non loin de l’un d’eux pour le mettre vite hors d’état de nuire. Pas question de combattre encore ces satanés sorciers.
En tout, une douzaine de participants cherchent à obtenir la victoire, qu’Eteslë compte bien fourrer dans le pif de Virek pour lui apprendre à se foutre d’elle. « Un combat simple, pour te remet d’aplomb » qu’il disait… Elle soupire et se met néanmoins à s’étirer. Il est trop tard pour reculer et fuir maintenant lui est impossible. Pas physiquement, mais les règles sont claires et elle n’a pas envie de finir avec la pègre sur le dos pour avoir fui l’Antichambre après avoir pénétré l’arène. Chacun y va en connaissance de cause… sauf ceux obligés, mais leur sort reste le même, au final. Elle entend vaguement son nom prononcé et se concentre finalement sur ses alentours directs. Le mage d’abord, elle avisera ensuite, quitte à profiter honteusement des combats en cours pour se débarrasser des éléments les plus gênant pour elle, comme le deuxième mage ou ce colosse en armure de plates complète. Tous les coups sont permis, après tout.
Lorsque le décompte commence, elle se tient prête tout en adoptant une attitude nonchalante pour ne pas attirer l’attention du mage. Sans savoir de quoi est faite sa magie, mieux vaut rester prudente. Elle attend la fin du décompte, puis se rue vers le mage dont les bras s’entourent d’éclairs, faisant grincer la jeune femme des dents. Alors, à sa plus grande surprise, il hurle.
- Je suis Maximilien le Foudroyant ! Craignez la colère de Valyus et de son élu !
Puis il envoie une série d’éclairs qui mettent au sol trois autres participants d’un seul coup. Il lève les bras au ciel en riant, faisant rouler des yeux la cogneuse qui se jette sur lui. D’un coup brutal du poing sur la tempe, elle l’envoie au sol, le sonnant juste assez pour lui prendre son bâton et l’assommer pour de bon d’un deuxième coup. Elle affiche une moue satisfaite en se relevant, observant ses gants qui, même si elle a ressenti l’impact, ont protégé ses mains des coups. Elle sourit en jetant le bâton derrière elle, posant un regard au mage qui gémit faiblement sur le sol, le nez cassé et en sang. Autant pour le soi-disant élu de Valyus.
Une fois les mains libres de ce premier mage, elle cherche des yeux le second. Des cris emplissent la salle, couvrant la voix pourtant tonitruante de celui qui commente, se concentrant visiblement sur un combat dantesque entre deux participants. Cela arrange Eteslë qui se rue plutôt sur un humain armé d’un simple gourdin, mais qui a sobrement assommé à un type d’un coup derrière la nuque. L’homme la repère et arme son coup, mais la jeune femme, plus vive, passe sous son attaque trop prévisible et lui crochète les jambes tout en bandant les muscles de ses bras. Alors qu’il chute, elle lui projette ses deux poings dans le ventre. Elle le voit cracher tout l’air qu’il a dans les poumons et il lâche son arme en étant envoyé en arrière, roulant dans le sable sur lequel il reste allongé. Il reste allongé. De nouvelles exclamations s’élèvent et Eteslë voit avec stupeur un mur de glace se dresser avant qu’une boule de feu ne s’y fracasse sans lui causer le moindre dommage. Elle grogne. Encore deux mages, finalement.
Laissant les combattants en robe se faire la peau entre eux, elle s’en prend à un garzok se battant aussi à mains nues. Elle lui fait face, contrairement aux autres, par respect. Respect qui disparaît bien vite quand le salopard fait apparaître une arme faite de terre, faisant grogner Eteslë. Trop de mages, cela tue le divertissement, de son point de vue. Et tandis qu’un mur de feu remplace le mur de glace, elle se rue à l’attaque, déviant de son point l’épée de roche forgée par le mage et, dans un déluge de coup, frappe violemment le visage du garzok qui recule en hurlant de douleur. Elle enchaîne aussitôt, frappant le muscle de son bras armé pour l’empêcher de s’en servir et commence à tabasser le garzok avec poings et pieds sans distinction. Son adversaire esquive, pare, mais les coups sont trop nombreux, il finit par s’écrouler, arme s’évanouissant avec sa conscience.
Elle regard autour d’elle. Ils ne sont plus que quatre en lice. Le mage de feu, un hinion qui possède un sabre et un tenu aussi rouge que sa magie. Un shaakt armé de deux longues épées suintant d’un liquide, probablement un poison. Le Garzok en armure lourde portant une hache à double tranchant et elle-même.
- L’ultime confrontation, chers spectateurs ! Qui sortira vainqueur ? Le flamboyeur ? le destructeur ? L’empoisonneur ? La cogneuse ? Les paris sont ouverts !
La foule crie, encourage, invective ou hue les combattants qui se regardent en chien de faïence, pas plus perturbés que cela par le déchaînement bruyant qui a lieu autour. Eteslë évalue ses chances face à chacun des combattants. Elle manque d’allonge contre tous et de puissance contre le garzok, alors elle patiente, puis bande ses muscles et se rue en avant la première, visant aussitôt le mage. Comme prévu, il réagit aussitôt et une boule de feu fuse vers elle. Elle l’évite d’un bond latéral, laissant l’orbe s’écraser plus loin. Les deux autres combattants se mettent en branle et la mêlée devient brouillonne. Eteslë évite un coup de hache, dévie une taillade d’épée qu’elle redirige vers son propriétaire qui est forcé de se jeter en arrière face au sabre du mage. Le garzok hurle, moissonnant l’air devant lui de sa lourde hache qui est stoppée par le shaakt usant de ses deux épée, Eteslë en profitant pour asséner un coup au mage qu’elle envoie valdinguer d’un coup-de-poing alors qu’un orbe de feu touche le garzok qui n’apprécie guère. D’une cabriole, Eteslë évite les lames empoisonnées, mais reçoit un coup-de-poing gantée de fer dans le bras, faisant grogner. Elle réplique aussitôt, frappant de toutes ses forces sous l’aisselle de la boite de métal, paralysant son bras qui pend lamentablement sur le côté alors qu’il balaie mollement l’air de sa hache un peu trop lourde pour un seul bras.
Profitant de l’avantage, Eteslë se rue sur le mage, l’obligeant à parer son coup avec son sabre plutôt qu’en utilisant sa magie. Son gant percute brutalement le métal sans causer de tort à la jeune femme qui se baisse avant de donner un coup de pied arrière dans le plexus solaire du mage en train d’incanter. Sa magie lui échappe et l’orbe de feu lui explose à la figure, pour la plus grande surprise, mais aussi le plus grand bonheur de la cogneuse qui en profite et lui assène un brutal coup de poing sur le crâne, le faisant s’écraser sur le sol, inconscient.
- Un combat dantesque, cher public ! On en veut plus !
Les trois restants sont tous blessés et se regardent avec méfiance avant que la shaakt ne passe à l’action, visant le garzok. Son épée entaille son armure qui commence à grésiller étrangement, puis à fumer. Le garzok tente de la retirer, mais le shaakt ne lui en laisse pas le temps, l’attaquant encore alors qu’Eteslë se joint au combat. D’un coup de pied sauté, elle atteint le shaakt à la tempe, le forçant à l’attaquer elle. Le garzok, lui, se hâte de retirer son armure qui semble se faire ronger par quelque acide étrange que la jeune femme n’a pas envie de voir agir sur la peau. Elle se rue rapidement sur l’elfe noir qui se fend en avant, les deux larmes fusant vers le torse de la jeune femme. Une entaille profonde, mais sans gravité se trace sous sa poitrine, mais la jeune femme passe la garde du shaakt et frappe. Deux coups-de-poing gantés s’abattent sur son visage tel des battoirs. La tête de l’elfe noir est projetée en arrière tandis qu’un coup de pied descendant s’abat finalement dessus, l’envoyant au tapis. Par précaution, Eteslë envoie les épées plus loin avant de vérifier la blessure de son torse qui, par chance, semble avoir été épargnée par le poison.
- Incroyable ! Ils ne sont plus que deux, épuisés, mais toujours debout ! Qui sortira vainqueur ?!
La voix du commentateur commence à taper sur le système d’Eteslë jette un œil au garzok qui est parvenu à retirer son armure. Son torse musclé semble lui aussi attaqué par le poison et il se débat sur le sol, comme s’il pouvait s’en débarrasser. Rapidement, la jeune femme fouille le shaakt et tombe sur plusieurs fioles et jure en voyant deux couleurs différente. Elle avance vers le garzok et en débouche une pour verser une goutte sur l’armure déjà corrodée. Le crépitement reprend et elle reprend la bouteille avant d’ouvrir l’autre pour le verser de la même façon. Le crépitement s’arrête et elle verse alors prudemment une dose sur la plaie du garzok qui semble souffrir le martyr. Rapidement, les effets sont visibles et la corrosion cesse, laissant tout de même une affreuse plaie au Garzok qui cesse néanmoins de se débattre et inspire de manière plus régulière. Sans un mot, il se redresse et dépasse Eteslë pour se rendre près du shaakt qu’il soulève avant de lui donner un coup-de-poing qui l’envoie voler plusieurs mètres en arrière sous les cris d’encouragement de la foule. Il se tourne alors et hoche la tête vers Eteslë avant de s’asseoir sur le sol.
- Je m’incline ! L’honneur veut qu’elle remporte la victoire !
Un silence de mort suit la déclaration du Garzok. Puis la foule applaudit avec une étonnante bienveillance le garzok alors que le commentateur hurle le nom de la jeune femme. Celle-ci adresse un bref hochement de tête en retour au garzok qui s’allonge ensuite en soupirant tandis que les portes s’ouvrent pour laisser les guérisseurs investir les lieux. La cogneuse, elle, rapidement bandée par un soigneur, est récompensée d’une généreuse bourse qu’elle prend sans un mot avant d’attendre un peu. Lorsque Virek la rejoint, elle lui sourit, et lui lance la bourse, l’atteignant à la tête et le faisant chuter en répandant une partie des yus au sol. Elle s’approche alors du sekteg allongé au sol, à demi-sonné, ramasse quelques pièces et se penche près du gobelin, un sourcil haussé.
Il se redresse en grommelant, avise les yus étendus au sol et le visage d’Eteslë. Il pince les lèvres et fronce les sourcils avant d’éclater de rire. Un rictus amusé ourle les lèvres de la jeune femme qui l’aide à se redresser, mais nullement à rassembler les pièces qui sont tombées de la bourse qu’il s’empresse de ramasser en faisant un clin d’œil à la jeune femme.
- Ravi de travailler à nouveau avec toi, Eteslë ! Hmm !
- Réciproquement.